Commentaire synoptique de l’ouvrage
p. 307-308
Texte intégral
1La coopération entre les entreprises s’est imposée comme un des principaux outils des stratégies d’entreprises dans les années quatre-vingt, ainsi que l’ont montré de nombreuses études empiriques. Une des explications données à cette évolution spectaculaire est la situation d’incertitude dans laquelle se sont trouvées plongées les firmes du fait des mutations économiques et de l’explosion des nouvelles technologies.
2Ce phénomène constitue cependant une difficulté pour la théorie économique qui tend à raisonner dans une situation abstraite où l’état de la concurrence est donné, la connaissance de l’environnement parfaite et où l’incertitude sur l’avenir peut être considérée comme négligeable. Une manière de traiter du problème consiste à introduire dans la théorie une analyse plus fine des institutions dont le rôle est alors principalement de servir de palliatif aux incertitudes et aux divers déficits d’information et de coordination qui affectent les agents. Cette approche dite de la « nouvelle économie institutionnelle », et principalement ses aspects concernant l’organisation de l’industrie, est celle qui est étudiée dans cet ouvrage. Les différents auteurs y présentent des travaux critiques – en fonction de la capacité de traiter de la coopération interentreprises – des deux grandes branches du néo-institutionnalisme : la branche de l’« efficience comparée » des institutions et celle de la « stabilité organique » des institutions.
3La branche de l’« efficience comparée » étudie les conditions et les critères du choix entre les différentes formes d’agencements institutionnels disponibles ou émergentes (marchés, firmes, coopérations) pour organiser les activités productives. Elle est analysée dans la première partie de l’ouvrage. L’intégration du phénomène de la coopération dans cette théorie nécessite certaines hypothèses sur la confiance mutuelle ou les procédures de rupture des contrats pour rendre plus réaliste le traitement des contrats de coopération (E. Brousseau) et ne pas se limiter à un arbitrage entre le marché et l’intégration verticale (P. Stempert). Dans ces conditions, en insistant sur la capacité de la firme à créer de nouvelles ressources (J.-C. Monateri et B. Ruffieux) et en mettant l’accent sur les phénomènes d’irréversibilité et d’appropriation pour expliquer le rôle de la coopération dans l’accès aux ressources nouvelles, à leur développement et à leur partage (B. Quélin), des formes particulières de coopération interentreprises comme la « quasi-intégration » peuvent recevoir un traitement théorique. Par ailleurs, les conditions historiques (taylorisme, fordisme) et spatiales (firme japonaise) d’émergence des modèles canoniques d’organisation de la firme permettent de mettre en évidence le cas de la firme-réseau comme un élément de compréhension en profondeur de l’apparition des formes coopératives (P. Gianfaldoni et B. Guilhon) et de les insérer dans une théorie de l’organisation industrielle (P. Bouvier-Patron).
4La branche de la « stabilité organique » étudie plus précisément les conditions d’émergence et de maintien des coopérations entre les firmes et plus généralement des relations industrielles. Elle est analysée dans la seconde partie de l’ouvrage. On peut d’abord se demander ce que signifie que les entreprises, dont on sait par ailleurs qu’elles sont « en concurrence », se mettent à coopérer dans divers domaines, et à quel niveau ou comment ces réalités de la concurrence et de la coopération sont compatibles (J. de Bandt). Ces questions induisent des problèmes théoriques pour montrer que, contrairement à la conception selon laquelle les firmes qui coopèrent cherchent à entraver le libre jeu de la concurrence, coopération et concurrence ne sont plus antagoniques (P. Dulbecco et S. Rochhia). Cela conduit à se poser des problèmes d’émergence des formes de coopération sur la base d’études plus descriptives. Ainsi, le secteur des télécommunications connaît depuis les années quatre-vingt une multiplication sans précédent d’accords interentreprises centrés sur l’innovation et la R & D. En mettant en évidence les facteurs d’évolution de ce type de coopération et le rôle de la flexibilité et de l’apprentissage entre les firmes, on débouche sur un scénario d’évolution correspondant à une dynamique de stabilité et de succès de l’accord (S. Wolff). Une seconde perspective consiste à s’intéresser aux entreprises confrontées à des procédures d’accès à de nouvelles connaissances. Ces dernières recouvrent plusieurs formes de coopération complémentaires (contrats de recherches, partage d’équipements scientifiques, création d’entreprises par les chercheurs, etc.) qui sont autant de modalités de coordination à la fois stables et transitoires s’inscrivant dans un environnement marqué par une forte incertitude (M. Quéré et J.-L. Ravix).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.