Introduction à la partie IV
p. 151-152
Texte intégral
1Cette partie traite du rôle des figures de la ville au sein même des stratégies disciplinaires développées par la géographie, l’urbanisme et l’architecture. Les situations sont diverses suivant les contextes nationaux, l’institutionnalisation des savoirs et leur inscription dans des dispositifs d’enseignement relevant à la fois d’une histoire, d’une position en fonction des savoirs connexes, de découpages en constante évolution. En outre, les disciplines évoquées entretiennent toutes une relation privilégiée avec les milieux professionnels œuvrant à l’édification de la ville. Le rapport à l’action constitue par conséquent une composante essentielle dans la réflexion sur la constitution des disciplines. La figuration est un support privilégié d’une telle articulation entre savoir et savoir-faire. Elle est dotée d’une efficace reconnue de longue date dans le domaine de l’édification1. Plusieurs chapitres interrogeront ici la manière dont ces disciplines prennent en charge un tel rapport à l’action.
2Cependant, la relation entre figuration et champ disciplinaire ne saurait se réduire à ce questionnement. Par exemple, le figuratif peut jouer un rôle tout à fait essentiel dans le phénomène d’autonomisation d’une profession, donc d’une compétence originale et d’un corpus de savoir transmissible, comme le montre Sandra Fiori. Surtout, le rapport à l’action doit être pensé dans sa dimension sociale et culturelle. Dès lors, surgit la question immense de l’efficace sociale d’une discipline2. Plusieurs chapitres tenteront quelques clarifications à ce sujet.
3Didier Mendibil fait l’hypothèse que les images et les systèmes de figuration ont contribué à structurer les types de regards développés successivement par les géographes. En ce sens, la construction comme l’interprétation des figures doivent être pensées au sein d’une tradition intellectuelle, qui peut, à certains moments, aller jusqu’à se constituer en « école », définissant alors pour la discipline un programme : étudier l’articulation systématique du visible et de l’invisible pour l’école de géographie française du début du xxe siècle. L’auteur propose d’appréhender la fonction sociale de la géographie grâce aux publications qui permettent de cerner aussi bien l’attente sociale envers la discipline que l’impact d’un type d’imagerie diffusé. Grâce à un corpus large et à une méthode comparative, l’auteur place la relation entre texte et image au centre de son étude puis conclut à la nécessité de travailler sur des séries.
4Pour traiter du rapport des images à l’action, Isabelle Grudet, en écho à Didier Mendibil, procède à une interprétation des images suivant trois niveaux : la fabrication, la sélection et l’organisation des images au sein d’une forme publiée (manuel). Suivant les deux tomes de l’Histoire de l’urbanisme de Pierre Lavedan sur lesquels porte son analyse, elle identifie différentes finalités du matériel iconographique. Elle montre que son traitement participe d’une orientation de regard sur la ville et d’une fonction sociale du savoir urbanistique en cohérence avec l’engagement de Lavedan dans le domaine de l’action.
5C’est toujours en relation avec l’institutionnalisation de la discipline urbanistique qu’Enrico Chapel interroge la visualisation des chiffres, condition de possibilité d’un projet sur l’espace se voulant scientifique, prédictif, rationnel et normatif. Si la statistique graphique constitue autant un outil qu’une légitimation de la mutation des façons de concevoir la ville, il n’y a pas consensus sur les modalités effectives de l’action, encore moins sur ses fins. À travers les cartes d’analyse urbaine réalisées par les architectes des CIAM et une « topographie sociale » produite par Gaston Bardet, l’auteur montre que le choix des catégories statistiques, leur classement et leur mise en forme participent de positions idéologiques et de perspectives d’action divergentes, qui coexistent au sein du projet disciplinaire et professionnel de l’urbanisme.
6Dans le domaine d’action qu’est l’aménagement urbain, Sandra Fiori interroge les pratiques graphiques pour leur pouvoir d’acculturation aux disciplines du projet et leur rôle dans le mouvement de professionnalisation de nouveaux métiers comme celui de concepteur lumière. L’auteure pointe l’intérêt d’une prise en compte de la dimension matérielle et concrète du travail de figuration dans la perspective d’une approche pragmatique de cette dernière. Elle souligne également les liens de codétermination qu’entretiennent, dans le cas de la conception lumière, contexte socioprofessionnel et figuration.
7En appréhendant les figures de l’urbain à travers les pratiques discursives, Lorenza Mondada explore ce qui, de la ville, est figurable, descriptible. Elle fait l’hypothèse que le sens de l’urbain et ses dimensions matérielles s’élaborent à partir des productions discursives situées dans des contextes et des groupes sociaux qui ne sont pas toujours aussi aisément identifiables que les élus et les professionnels de l’aménagement. En effet, les figures discursives circulent et s’élaborent aussi du côté de groupes tels que les usagers, ce d’autant que les situations d’aménagement font une place grandissante à la concertation, donnant lieu à des formes de débat, de discussion assez variées. Les figures discursives sont alors aussi bien des arguments que des ressources pour le projet.
Notes de bas de page
1 Cf. R. Recht, Le Dessin d’architecture, Paris, Adam Biro, 1995 ; R. Evans, Translations from Drawing to Building and Other Essays, Londres, Architectural Association, 1997 ; F. Pousin, L’Architecture mise en scène, Paris, Arguments, 1995 ; M. Chiapero, Le Dessin d’urbanisme, Lyon, CERTU, 2002.
2 Cf. V Karady, « Stratégies de réussite et modes de faire-valoir de la sociologie chez les durkheimiens », Revue française de sociologie, XX, 1979, p. 49-82 ; B. Lepetit, C. Topalov (dir.), La Ville des sciences sociales, Paris, Belin, 2001 ; J.-M. Berthelot, Figures du texte scientifique, Paris, PUF, 2003 ; M.-C. Robic (à paraître), « L’école française de géographie : formatage et codification des savoirs », in M.-L. Pelus-Kaplan (dir.), Unité et diversité de l’homme, Paris, Syllepse.
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