Chapitre II. Représentation textuelle de la ville et figures de projet
Projet de la « Civitas Dei » du Vatican d’après le De re aedificatoria d’Alberti et ses sources
p. 31-41
Texte intégral
1La question que nous nous apprêtons à approfondir à la lumière de cette étude revêt un double aspect. Le premier est une réflexion sur les caractères de représentation urbaine tels que définis par Leon Battista Alberti dans De re aedificatoria (un des textes fondateurs de l’architecture de la Renaissance et, de manière plus générale, de l’architecture moderne). Le second concerne plus directement le projet urbain. En effet, parallèlement à la rédaction d’un texte de comparaison entre Alberti et ses sources, nous avons également élaboré un certain nombre de plans dans le cadre d’une expérience projectuelle illustrant le rapport entre texte et figure.
2À travers son traité sur l’architecture, De re aedificatoria, Leon Battista Alberti est le premier de son époque à décrire exclusivement par écrit un projet architectural. D’ailleurs, pour la première fois, l’architecture est pensée en tant que projet. Contrairement à Vitruve qui, dans son traité, présente l’architecture comme une discipline complexe s’appuyant sur la description du patrimoine bâti déjà existant et des systèmes cognitifs, Alberti considère l’architecture comme ce qui n’existe pas encore et doit être conçu au moyen d’une série de règles et de normes. Bien qu’il conserve la même structure en dix livres héritée de Vitruve - fait qui mériterait d’être approfondi mais sur lequel nous ne pouvons nous attarder -, il est intéressant de noter qu’Alberti intitule son traité autrement. Ainsi, du De architectura de Vitruve, on passe au De re aedificatoria d’Alberti. L’irruption de ce caractère novateur, qui implique l’idée même de projet, est en réalité l’une des plus hautes expressions du rapport entre répétition du déjà existant et production du nouveau. C’est précisément le processus de construction du texte qui, en ayant recours au projet -, autrement dit à un texte normatif qui entend fournir les instruments nécessaires à l’élaboration dudit projet -, permet de reproduire les cités antiques décrites par les sources classiques. Par son caractère doublement descriptif, le texte normatif éclaire considérablement la question que nous allons examiner à partir du traité albertien. En effet, comme l’ont remarqué à maintes reprises les spécialistes du De re, de nombreux passages du traité coïncident avec certaines des solutions proposées et partiellement mises en œuvre dans le cadre du projet de la « Civitas Dei » du Vatican, sur décision du pape Nicolas V Parentucelli et d’Alberti. Par conséquent, deux éléments fondamentaux - l’architecture des cités antiques et le projet albertien pour la citadelle vaticane - étayent cet objectif prescriptif. Ainsi, les règles régissant le nouveau sont établies au moyen d’un processus de répétition s’appuyant entièrement sur le texte, sans aucun recours à l’iconographie.
Texte et répétition des figures
3Quelle est la nature exacte de la collaboration entre Leon Battista Alberti et le pape Nicolas V ? Ce mystère n’a pu être élucidé. Le pontificat de Nicolas V dure huit ans, de 1447 à 1455. Bien que de courte durée, il a de nombreuses répercussions sur la transformation de la ville de Rome. À la même époque, Leon Battista Alberti rédige la Descriptio urbis Romae. Dans cette description de la ville de Rome, Alberti entreprend un relevé d’une précision remarquable - excepté pour l’orientation - du tracé des murs, de l’emplacement des portes d’accès à l’Urbe et du cours du Tibre, tout en dressant un inventaire des édifices les plus marquants de l’Antiquité et du christianisme (ill. 1). Une hypothèse a été avancée selon laquelle « cet outil cartographique n’avait été conçu que dans la perspective du jubilé, thèse d’ailleurs confirmée par la nature même des interventions de Nicolas V, lequel envisage avant tout une restauration des murs et particulièrement des portes de Rome, tandis que le programme de rénovation des monuments semble coïncider avec l’inventaire dressé par Alberti1 ». Cette hypothèse, émise par Franco Borsi, s’oppose à celle de Luigi Vagnetti pour qui la partialité de la Descriptio résiderait plutôt dans l’illustration méthodologique d’une technique de relevé urbain. Toutefois, pour les besoins de notre discours, il serait plus utile de voir dans une représentation partiale la volonté de sélectionner des éléments urbains en vue d’élaborer un projet. Selon Borsi, la Descriptio ferait autorité en matière de cartographie moderne. En effet, un plan s’élabore à partir d’une sélection rigoureuse de faits urbains marquants et fonctionnels. Selon Franco Farinelli, « la logique symbolique de la cartographie consiste avant tout en une logique d’exclusion et de renoncement à l’expression totale du sensible2. » De fait, la partialité tend à estomper la limite entre la description et le projet. Ainsi, il est difficile de déterminer dans quelles proportions le choix d’une représentation partiale relève de la simple description ou du projet.
4Cette forme de représentation urbaine telle que la conçoit Alberti mérite une première observation et suscite des questions. Devant un programme de construction pontifical à l’échelle de la ville, et en l’absence de plans orthographiques de Rome, excepté celui de l’époque du plan marmoréen sous Septime Sévère et celui de Bufalini en 1551, Alberti avait-il songé à élaborer, à partir de ses propres indications consignées dans De re aedificatoria, un instrument technique servant à représenter des éléments urbains et architecturaux3 ? Et un tel outil de contrôle de la structure urbaine peut-il être assimilé à une représentation cartographique conçue en vue d’élaborer un projet ? Pourquoi Alberti préfère-t-il alors offrir une représentation graphique alphanumérique plutôt qu’une représentation cartographique sous forme d’image de la ville de Rome ? De fait, dans la Descriptio, Alberti pallie l’absence d’images en mettant au point une méthode descriptive permettant à chacun de ses lecteurs d’obtenir, de façon précise, son propre dessin sans connaître au préalable l’objet de la représentation. Enfin, que signifie vouloir mettre en rapport un projet et une représentation urbaine non figurative ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons nous intéresser, de façon plus générale, aux rapports entre la description littéraire et le projet architectural.
5Dans l’ensemble de ses traités consacrés à l’architecture, à la statuaire et à la peinture, Alberti théorise une possible « renaissance » de la tradition classique à travers la transmission d’un savoir fondé sur un certain nombre de techniques et de règles, s’opposant en cela à une théorie s’appuyant sur la répétition de modèles figuratifs. Ses ouvrages représentent la volonté de fonder une discipline artistique à travers l’instauration d’un code linguistique. D’ailleurs, le classicisme d’Alberti a souvent été considéré comme une alternative au néoclassicisme de Vitruve. En réalité, plusieurs raisons sont à l’origine de l’absence d’images dans ses trois traités. Au-delà des problèmes théoriques que nous allons aborder, tout au moins en ce qui concerne les conséquences, se posent également des problèmes d’ordre technique. Jusqu’à l’introduction de la xylographie en tant que technique d’impression, images et figures n’étaient pas reproductibles. En effet, la reproduction manuelle d’une image manquait toujours de précision par rapport à l’original, lequel par conséquent perdait de sa valeur, d’où la décision d’Alberti de parer à ce danger. Dans le De re, la description des ordres architectoniques et des ornements architecturaux est emblématique. Ainsi, soubassements, chapiteaux et corniches sont réduits à des signes alphabétiques laconiques afin de faciliter leur reproduction et d’éviter toute erreur d’interprétation dans leur description. Toute connotation figurative fait l’objet d’une description analogique réduite, l’analogie étant la figure rhétorique utilisée par Alberti pour codifier les règles de transmission du savoir.
6Toutefois, au sein même de ce schéma de répétition, la description écrite du De re fonctionne sur un double registre. Car, si l’analogie est utilisée de façon ponctuelle pour illustrer des éléments de construction ou de décoration nécessitant une définition précise, une interprétation personnelle ou équivoque est tout aussi essentielle dans l’élaboration d’un projet ; autrement dit, dans l’élaboration de cette nécessaire différence entre les éléments de référence et les figures de projet. Selon Alberti, certains éléments doivent être copiés, tandis que d’autres peuvent ou bien doivent être modifiés. Nous souhaiterions attirer l’attention sur cette seconde analogie dans la construction du De re, lequel insiste sur la façon dont les « figures » intégrées dans le texte peuvent influencer la production d’un projet urbain.
Description de la ville et projet de la « Civitas Dei » par Nicolas V et Leon Battista Alberti
7Comme le fait observer Cecile Grayson4, le De re aedificatoria se compose de fragments de citations. En effet, sur un grand nombre de pages, Alberti se contente d’assembler des phrases. Cette technique de composition d’écriture - qui mériterait d’être confrontée au concept de composition architectonique albertienne afin précisément de définir la composante architectonique du texte du traité - nous est utile dans la mesure où elle met en évidence le lien unissant les trois éléments présents tout au long du traité (la cité antique et ses différentes architectures, le projet conçu par Alberti et Nicolas V pour la « Civitas Dei » du Vatican, les prescriptions comportementales de l’architecte). Chacun de ces éléments joue un rôle facilement identifiable.
8La description des cités antiques sert de référence formelle à l’élaboration de projets ; il s’agit en fait de remonter aux traditions en vue de les transmettre. La représentation des cités antiques dans la littérature, souvent l’unique mémoire de cette époque disparue, est susceptible d’être interprétée de différentes façons ou d’être déformée au niveau local. La description sert de règle plutôt que de modèle. En revanche, le projet de la « Civitas Dei » représente une sorte d’expérimentation sous-jacente jamais révélée ; la construction d’une règle, un projet qui tente de se construire à partir de références littéraires. La prescription, objectif manifeste du traité d’Alberti, représente l’espoir d’une pratique projectuelle s’appuyant à la fois sur la répétition et la production de différences par rapport à l’Antiquité. Il y a donc nécessairement coïncidence entre prescription et description d’autres architectures5. Contrairement au manifeste avant-gardiste qui prétend fonder l’architecture à partir d’un « nouveau degré zéro », le traité albertien entend renouveler cette discipline en puisant aux sources des références littéraires des cités antiques et en les utilisant comme éléments médiateurs entre le nouveau et l’antique. De fait, selon Alberti et tous les autres auteurs de traités sous la Renaissance, « l’architecture est essentiellement ce qui n’est pas et reste encore à faire6 ».
9Au sein même de cette triade d’éléments, nous assistons à un moment décisif dans la formation du projet, celui du passage de la description littéraire à la production de figures, élément que l’on retrouve dans les projets d’aujourd’hui grâce à la planification, qui n’est rien de moins qu’un texte servant à illustrer des attentes culturelles auxquelles l’architecte est chargé de donner une solution formelle. Cette complexité projectuelle, bien que passée sous silence dans De re aedificatoria, est plus manifeste dans le projet de la « Civitas Dei ». Ainsi, aux fragments d’écriture du traité correspond, point par point, l’élaboration du projet de la citadelle vaticane. Carroll William Westfall7 affirme que le projet urbain du Borgo Vaticano n’a pas été élaboré de façon unitaire mais, au contraire, par morceaux, de façon épisodique. Cette fragmentation est d’ailleurs accentuée par la réalisation même du projet. Ainsi, pour reprendre les mots de Vasari, « Il n’y a rien à dire sur le plan de Nicolas, sinon qu’il ne produisit aucun effet ». Le plan n’a été réalisé ni dans son ensemble ni à partir de la définition de ses parties individuelles. Citons, à titre d’exemple, la construction, autour de la basilique Saint-Pierre et du Palais apostolique, de la forteresse amputée de sa grande tour gauche, laquelle était probablement destinée à abriter le Vatican sous la forme de « palais, château ou cité, je ne sais comment l’appeler8. » Par conséquent, nous nous trouvons face à la réalisation partielle d’un projet dont la stratégie d’origine reposait déjà sur le parcellement et la fragmentation. Analysons dès à présent le projet point par point.
10Le cadre général dans lequel se déroulèrent les transformations du Borgo Vaticano9 nous est livré de façon claire et synthétique par Giorgio Vasari, dans Vie de Antonio et Bernardo Rossellino, dont voici un extrait :
Celui-ci [Nicolas V] eut le courage de réduire la taille de la forteresse et de faire du Vatican une ville à part entière dans laquelle il avait tracé trois voies conduisant à Saint-Pierre, là où se trouvent actuellement, si je ne me trompe, le Borgo Vecchio et le Borgo Nuovo. Ici et là, il avait fait surmonter les voies de loges abritant des boutiques d’une grande utilité, tout en ayant soin de séparer les corporations les plus nobles et les plus riches des plus petites, en regroupant chacune d’elles dans une rue différente. Il avait déjà conçu la grande tour qui s’appelle toujours le donjon de Nicolas. Loges et boutiques étaient surmontées de maisons à la fois magnifiques et fonctionnelles, dotées d’une architecture conjuguant le beau et l’utile, tout en étant à l’abri de tous les vents néfastes qui sévissent à Rome. Levés également les obstacles (problèmes d’eau, saletés) qui rendent l’air irrespirable. [...] Mais il n’y a rien à dire sur le plan de Nicolas, sinon qu’il ne produisit aucun effet. Il voulait en outre édifier le palais papal avec tant de faste et de grandeur, et l’agrémenter de tant de commodités et lui donner tant de grâce qu’il s’agissait du plus grand et plus bel édifice du christianisme. [...]
En somme, jamais depuis la création du monde n’y aurait-il eu de chose plus grandiose que ce « palais, château ou cité, je ne sais comment l’appeler », du moins par rapport à ce que l’on connaît aujourd’hui10.
11Cette brève description met en évidence tous les points essentiels du projet nicolo-albertien : la confirmation de la construction de la « Civitas Dei » sur la colline du Vatican ; la fortification de la citadelle vaticane depuis la basilique Saint-Pierre jusqu’au château Saint-Ange ; la reconstruction du Borgo Leonino.
12Analysons en premier lieu pourquoi il fut décidé de « refonder » la « Civitas Dei » sur la colline du Vatican. En fait, il ne s’agit pas d’un choix délibéré, mais plutôt d’une volonté projectuelle eu égard aux mauvaises conditions d’hygiène qui sévissaient alors dans le Borgo Leonino - déjà incendié en 847 -, conditions fort bien décrites par Léon Homo11 et Pierre Lavedan12. À l’époque médiévale, le Borgo, et en réalité la ville de Rome tout entière, avait « régressé » au point de retomber dans des conditions rurales prérépublicaines. Pour cette raison, l’effort de planification entrepris par le pape était ambitieux ; il s’agissait en effet, tout en conservant l’emplacement de la basilique en raison de sa valeur symbolique liée à la présence de la tombe de l’apôtre saint Pierre, de construire un Borgo qui, par l’ampleur des travaux prévus, ressemblerait plus à la fondation d’une cité qu’à sa restructuration. Évoquant dans son ouvrage les caractéristiques du site idéal pour la construction d’une cité, Alberti fait les observations suivantes :
À mon avis, le meilleur emplacement pour fonder une cité se situe soit dans une zone de plaines située en montagne, soit sur une hauteur en plaine13.
13Il y a convergence immédiate entre le choix du site du Borgo Vaticano et les prescriptions albertiennes en matière d’implantation urbaine. En effet, la colline du Vatican, qui s’étire sur un léger plateau en direction du méandre du Tibre, apparaît comme le site idéal pour y construire une ville. Toutefois, cet endroit présente un inconvénient par rapport aux vents « néfastes de Rome » dont il n’est pas protégé, d’où la nécessité d’une intervention projectuelle. Si Vasari a bien répertorié cet élément, il n’a en revanche fourni aucune information concernant la solution adoptée. L’orientation de la ville, objet d’un long développement par Alberti dans ses livres I et IV, s’entrecroise avec sa description de la nature et des vents principaux14.
Les Anciens, notamment Platon, recommandent de fonder les villes à dix milles de distance de la mer. S’il n’est toutefois pas possible de construire à une telle distance, il suffit de choisir un lieu où les vents maritimes arrivent indirectement après avoir perdu de leur force et s’être purifiés. Il convient donc de construire une ville à l’abri de quelque hauteur qui, tel un obstacle, s’interposera pour atténuer toute influence nocive en provenance de la mer. [...] Ainsi, Aristote juge plus saines les zones dont l’atmosphère est continuellement balayée par les vents. [...] Néanmoins, il convient de s’assurer que les vents susceptibles d’occasionner de sérieux dégâts ne sévissent ni de façon excessive ni importunément15.
14Alberti reconnaît dans son ouvrage qu’il existe encore quelques textes illustres. Citons, par exemple, deux extraits de la Politique d’Aristote :
Dans l’idéal, il serait opportun de construire les cités en fonction de la position de la mer et de la terre.
(Aristote, Politique, VII, 1327a.)
[...] tout en respectant quatre conditions dont la première, essentielle, est la salubrité ; les cités exposées à l’est et aux vents d’est sont plus salubres ; viennent ensuite celles qui, protégées par la tramontane, bénéficient d’hivers plus doux.
(Aristote, Politique, VII, 1330a.)
15Il faut rappeler à ce propos que, durant toute la Renaissance, l’orientation urbaine et architecturale dépend de la représentation de la rose des vents ; d’où une coïncidence entre orientation et incidence des vents. Les observations albertiennes en la matière, qui reprennent directement celles de Vitruve16, proposent une solution destinée à réduire la force des vents. Le plan de Palladio illustrant le tracé urbain dans l’édition du Vitruve de Daniele Barbaro indique également comment les voies doivent être orientées par rapport à la rose des vents octogonale, laquelle s’inspire de la tour des Vents d’Athènes d’Andronicos de Cyrrhos17 (ill.2). Le caractère abstrait de ce plan, non ancré dans une réalité topographique, est dénoncé par la superposition criante d’une structure orthogonale et d’une géométrie radiale des murs. La nécessité d’occuper un espace de forme allongée entre Saint-Pierre et le château Saint-Ange oblige Alberti à déformer le modèle original18. C’est lui-même qui le constate :
On comprendra aisément que le périmètre d’une cité et la répartition de ses différents quartiers varient selon les lieux19.
16La figure qu’utilise Palladio dans son ouvrage pour illustrer l’emplacement et l’orientation des villes est reprise par Alberti dans son traité, puis utilisée pour le projet de la « Civitas Dei » après avoir été opportunément déformée par rapport aux caractéristiques du site (ill. 3). Puis elle est transmise en tant que prescription à caractère général. Ce mouvement pendulaire, qui du général passe au particulier avant de repasser à nouveau au général, révèle le fonctionnement d’un des aspects du projet architectural, ce schéma étant amené à se répéter dans tous les points du traité.
17Le second point du projet concerne le système de fortifications. Les fortifications dont hérite Nicolas V datent du Moyen Âge et sont les seules à avoir été érigées sur la rive droite du Tibre dans le cadre de travaux exécutés entre 848 et 852, sur décision de Léon IV. Cette structure, obsolète et délabrée, est remplacée par de nouvelles fortifications qui, soit font l’objet d’un nouveau tracé, soit sont construites en récupérant et en renforçant les anciennes. Le projet de la « Civitas Dei » s’inscrit dans un vaste programme de renforcement des murailles urbaines à travers la restauration de l’enceinte aurélienne qui encercle la ville de Rome. Ce programme prévoit notamment la construction d’un premier mur d’enceinte autour de la basilique et du palais papal, puis d’un second qui entourerait le Borgo et relierait le château Saint-Ange à la basilique Saint-Pierre grâce au passetto, passage creusé à l’intérieur des murs permettant au pape de s’enfuir rapidement du palais et de se réfugier au château. Sont également prévus le percement de nouvelles portes, la construction de tours ainsi que la consolidation du système de défense du château Saint-Ange.
18Bien que s’agissant d’une restructuration totale du système de défense de la ville de Rome, il importe avant tout de protéger le palais apostolique, d’où la construction de la Turris Nova dont la fonction, analogue à celle du château Saint-Ange par rapport à la cité, est de servir de forteresse au palais. Le projet de fortification, considéré sous cet angle, est un thème cher à Alberti. D’ailleurs, il ne manquera pas de l’évoquer à diverses reprises dans son traité, établissant des sortes « d’analogies graduelles » entre les parties qui constituent la ville, la maison et les éléments propres à l’architecture.
Et si l’on en croit les philosophes, [...] la cité est une grande maison, et la maison une petite ville20.
19Le glissement graduel des rapports de composition entre les parties devient la forma mentis du projet de fortification de la « Civitas Dei ». À l’échelle de la ville entière, la fortification du Borgo voulue par Nicolas V représente une sorte de forteresse de la ville ceinte par les Murs auréliens nouvellement restaurés ; à l’échelle de la partie de la ville dénommée « XIV Regio » - division administrative comprenant le château Saint-Ange, le Borgo Vaticano, la basilique Saint-Pierre et les palais du pape -, le château Saint-Ange, transformé de façon définitive en forteresse après l’adjonction de nouvelles tours, domine la citadelle pontificale ; à l’échelle du palais apostolique, c’est la Turris Nova qui se dresse tel l’ultime rempart de la résidence papale (ill. 4). À l’intérieur même de ce choix, lequel s’apparente essentiellement à une sorte de subdivision interne de la ville, on retrouve à nouveau une correspondance entre les sources, les caractères généraux du traité albertien et les particularités du Borgo Vaticano. Analysons maintenant quelques passages du De re aedificatoria sur le thème des murailles urbaines.
Selon Tacite, la meilleure défense de la cité serait celle dont les murs présentent des contours sinueux, comme ce fut le cas pour Jérusalem.
[...] tandis qu’Hérodote relate que la cité d’Ecbatane, bien que située en hauteur, fut entourée de sept murailles par Deioces21.
20L’image faisant suite à une telle description évoque une solution projectuelle consistant à placer l’ensemble du palais apostolique et de la basilique au centre d’un système aménagé en boucles successives. Autrement dit, la défense repose sur une stratification de murailles : comme pour la cité du tyran décrite dans le De re, la cité pontificale doit pouvoir se défendre des ennemis provenant aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur (noblesse romaine). D’ailleurs, en reprenant l’exemple du Caire, Alberti suggère par la suite une subdivision interne de la cité.
Il convient, pour subdiviser une cité, d’y construire une muraille. Ceci, à mon avis, ne doit pas s’effectuer de façon transversale par rapport à un plan, tel un diamètre, mais plutôt sous la forme d’un cercle à l’intérieur d’un cercle plus grand22.
21Avant d’ajouter :
[...] La configuration la mieux appropriée pour construire une forteresse consiste à relier entre elles toutes les murailles d’enceinte de la cité, telle une lettre O qui viendrait s’insérer dans une lettre C majuscule dont les extrémités seraient rabattues, sans toutefois l’encercler complètement, au risque de voir se détacher plusieurs rayons de la lettre O en direction du circuit extérieur. De cette façon, la forteresse ne se trouve ni à l’intérieur, ni à l’extérieur de la cité, comme nous venons de le suggérer23.
22Le texte normatif du De re reproduit spéculaire-ment quelques textes descriptifs de Jérusalem et de Babylone.
Mais la cité, déjà imprenable de par sa situation en hauteur, avait été fortifiée au cours de travaux de construction d’une telle ampleur que même en plaine, elle aurait été parfaitement sûre. En effet, ses deux collines élevées s’inséraient dans un système de murailles construites en oblique comportant des renfoncements et des saillies : ainsi, quiconque lançait une attaque agissait à découvert tout en restant vulnérable sur les côtés.
(Tacite, Histoires ; V, 11.)
[Deioces] construisit une grande et solide forteresse -celle qui s’appelle maintenant Ectabane - constituée d’enceintes concentriques. Celle-ci est construite de telle façon que seuls les créneaux dépassent des enceintes. Dans une certaine mesure, une telle disposition est influencée par le site - en l’occurrence, une colline -bien que celui-ci fût, dans une large mesure, aménagé en ce sens. Les enceintes sont au nombre de sept, la dernière abritant le palais et le trésor.
(Hérodote, Histoires, Livre I, 98.)
La cité [de Babylone], divisée en son milieu par un fleuve, se compose de deux parties. Dans chacune de ces parties s’étire une muraille, laquelle forme un angle au point de rencontre du fleuve avant de se rabattre et de s’étirer le long des quais du fleuve.
[...] L’enceinte que j’ai décrite - véritable bouclier de la cité - abrite une autre enceinte, plus étroite mais non moins solide que la première. Au milieu de chacune des deux parties de la cité se trouvait un corps fortifié : d’un côté, le palais [...], de l’autre, le sanctuaire.
(Hérodote, Histoires, Livre I, 180, 181.)
23On peut facilement retrouver chacun des éléments décrits ci-dessus dans le système de défense du Vatican ainsi que dans le programme de réaménagement des fortifications de Rome. Ainsi, le passetto représente une structure architectonique qui, non seulement parcourt les fortifications de façon transversale, mais, dans une certaine mesure, traverse aussi physiquement les différentes « échelles » du projet. De même, les figures représentées dans le texte de référence à l’Antiquité peuvent, par leur caractère éphémère, être modifiées et adaptées en fonction du site. En effet, il n’existe pas, entre les deux descriptions, de correspondance au niveau des figures. Et c’est précisément dans cet espace - cet écart entre la représentation littéraire et la représentation figurative - qu’intervient le projet architectural.
24Le troisième thème du projet nicolo-albertien prévoit le réaménagement urbain du Borgo Vaticano. Les faits marquants ayant ponctué l’urbanisation de ce site se résument en quelques événements essentiels. Pour répondre tour à tour à des raisons d’ordre religieux et à la volonté du pouvoir pontifical, l’aménagement de l’espace urbain a connu diverses transformations, depuis la construction spontanée d’un habitat destiné aux pèlerins qui affluaient vers l’ancienne basilique Saint-Pierre, jusqu’à la restauration humaniste des ordres et caractéristiques des cités antiques, laquelle ne prit fin qu’au Quattrocento. Le concept urbain élaboré par Nicolas V et Alberti est considéré sans aucun doute comme la transformation la plus radicale et la mieux planifiée.
25L’emplacement urbanistique du projet albertien est déterminé par un axe longitudinal reliant le pont et le château Saint-Ange à la basilique Saint-Pierre et consistant en une succession de places reliées entre elles par trois voies à arcades. Selon Manetti, ces rues, dont le point de départ était un carrefour - une sorte de forum -, étaient dotées de fonctions diverses. Les rues situées le plus à l’extérieur étaient destinées à des activités artisanales et commerciales, tandis que la rue principale remplissait une fonction plus noble.
26Examinons à nouveau, en prenant quelques extraits du traité d’Alberti, les prescriptions pouvant servir à décrire le projet du Borgo. Ainsi, au sujet des voies urbaines, Alberti écrit :
J’ai noté à propos que les Anciens ne leur attribuaient jamais une largeur inférieure à huit coudées [...]. Ensuite, il existe un autre type de rues qui reprennent les caractéristiques d’une place. Il s’agit de rues auxquelles on attribue un usage spécial, principalement d’ordre public, telles que celles menant aux temples, aux pistes de courses ou aux basiliques24.
27La description du rapport entre rue et architecture par Alberti est encore plus pertinente lorsqu’il évoque la structure du système urbain, lequel consiste en une succession d’éléments - arc, pont, carrefour, forum -disposés le long d’un axe principal et s’harmonisant avec le fronton du temple.
Mais certaines rues jouent un rôle bien plus important, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la cité, que celui qui leur est assigné de par leur nature. Il en est ainsi des rues conduisant aux temples, basiliques et lieux de spectacles [...]. Nous apprenons qu’il y avait notamment à Rome deux rues de ce type, dignes des plus grandes merveilles : l’une reliait la porte jusqu’à la basilique San Paolo [...] tandis que l’autre, reliant le pont à la basilique Saint-Pierre, était longue de 2 500 pieds et surmontée d’un portique en marbre recouvert d’un toit perpendiculaire25.
[...] Quant aux rues de la cité, elle seront non seulement décorées de façon remarquable, mais elles seront également parfaitement propres et dotées d’un bon dallage ainsi que de deux rangées d’arcades identiques et de maisons de la même hauteur. Les ponts, carrefours, forums et lieux de spectacles exigent une décoration toute particulière. En réalité, un forum n’est qu’un grand carrefour tandis qu’un lieu de spectacles n’est rien d’autre qu’un forum entouré de gradins.
Nous commencerons donc par le pont, celui-ci étant l’élément constitutif principal d’une rue. Un pont se compose de piles, d’arches et d’un dallage.
[...] Certains ponts sont également recouverts d’un toit, comme le pont d’Hadrien, le plus splendide de Rome. (...) Ce pont, surmonté d’un toit constitué de poutres et reposant sur quarante-deux colonnes de marbre, était recouvert de cuivre et magnifiquement décoré26.
[...] Seules les dimensions permettent de différencier un carrefour d’un forum. De fait, un carrefour n’est qu’un forum de petites dimensions. [...] Enfin, l’aménagement d’un élégant portique, aussi bien aux carrefours qu’à l’intérieur d’un forum, fera certainement bel effet27.
[...] Les forums construits par les Grecs étaient de forme carrée et entourés de doubles portiques ornés de colonnes et d’architraves en pierre sur lesquelles étaient aménagées des loges destinées à la promenade. Chez nous, en Italie, la largeur du forum équivalait à deux tiers de sa longueur. Et comme, selon une coutume antique, il servait de lieu de combats de gladiateurs, les colonnes soutenant les galeries étaient plus rares. Quant à nous, nous recommanderons également un forum dont la surface se compose de deux carrés, de telle sorte que la galerie et les autres constructions intérieures s’harmonisent avec la surface découverte selon des proportions déterminées. Ainsi, elle ne doit apparaître ni trop vaste par rapport aux constructions environnantes trop basses, ni sembler trop étroite au milieu d’un ensemble de constructions érigées en hauteur. L’idéal serait que les toits mesurent en hauteur un tiers de la largeur du forum, ou tout au moins deux septièmes.
[...] Les arcs ornant l’entrée des rues constituent un élément de décoration très important des forums et des carrefours. En effet, un arc ressemble à une porte toujours ouverte. [...] De façon idéale, un arc doit être construit au point de débouché d’une rue sur une place ou un forum, surtout s’il s’agit d’une rue « royale », comme j’ai coutume de nommer la voie urbaine la plus importante. À l’image d’un pont, un arc sera percé de trois passages […]28.
28S’agissant de l’emplacement du temple le plus important de la ville en tant que point culminant du développement linéaire, Alberti écrit :
Dans l’idéal, les temples principaux seront situés au centre de la cité, bien qu’il serait respectivement plus noble et plus digne de les construire à l’écart des zones les plus peuplées ou sur une hauteur [...].
En somme, il convient de construire un temple en un lieu lui conférant le maximum de vénération et de grandeur. Dans l’ouvrage sur les frontières écrit par l’architecte Nigrigeneo, j’ai lu que, selon les architectes de l’Antiquité, les édifices sacrés étaient construits selon le goût si leur façade était exposée à l’ouest. Cet usage cultuel fut toutefois abandonné par la suite, lorsque l’on préféra orienter temples et frontières en direction du ciel, là où le soleil commence à illuminer la terre [...]29.
29Avant d’ajouter :
[...] devant la façade sera construite une place dont les dimensions seront comparables à celles du temple. Tout autour seront aménagées de larges rues pavées ou, mieux encore, d’imposantes places afin que les constructions puissent être parfaitement vues de chaque côté30.
30Comme le fait observer Portoghesi31, ce système urbain, constitué d’une séquence d’éléments de nature différente, montre combien pour Alberti l’espace urbain équivaut à une continuité qui s’interrompt de temps à autre pour satisfaire les exigences de ses habitants. Alberti, en pensant la ville en termes autres qu’utopistes, admet une grande variété de solutions spatiales (ill. 5). Des solutions variées qui, puisant aux sources de références diverses - il n’est que de le constater à la lecture des passages cités ci-dessus - s’élaborent « de façon éclectique ». Il s’agit d’un éclectisme « technique », produit directement par la technique ayant servi à sa création. L’inventaire textuel correspond à une disposition d’éléments urbains : arc, pont, carrefour, forum, temple, telle une chaîne, une liste d’éléments construits le long d’un axe principal. À chaque description d’édifice correspond la description d’un édifice antique. Voici à titre d’exemple la description du forum grec selon Vitruve :
Les Grecs construisent des forums de forme carrée ornés de doubles portiques imposants, d’épaisses colonnes, d’architraves en pierre qu’ils peuvent également décorer de marbre. Les loges deviennent des promenoirs. Toutefois, dans les cités italiennes, les forums sont construits pour une autre raison. En effet, nous avons hérité de nos ancêtres l’usage de donner des présents aux gladiateurs : mais en bordure des spectacles, il est nécessaire de ménager de plus larges intervalles entre les colonnes, tandis que les portiques abriteront des boutiques d’orfèvres et qu’au-dessus seront construits des balcons dotés d’entrées publiques.
(Vitruve, De Architectura, V, I, 1.)
31La citation, par sa nature même et sa position dans le texte, devient une autre figure que le projet se charge de représenter.
Forme du texte et du projet : questions de rhétorique
32Notre promenade* à travers les écrits albertiens et certaines de ses références nous a permis de voir comment un texte normatif ayant recours à des citations littéraires révèle une double problématique projectuelle. Car si le texte résout certains problèmes grâce à l’établissement de règles jugées essentielles et non modifiables (orientation des rues par rapport aux vents, critères en matière de fortifications urbaines et division interne de la ville, emplacement de certains éléments essentiels par rapport aux caractéristiques du site), il n’en évoque pas moins la nécessité de modifier quelque peu les références citées - s’agissant notamment des techniques de composition. Nous pourrions même affirmer que les règles régissant la recomposition sont dictées par la structure même du texte, par le lien constant que celui-ci établit avec les sources de l’Antiquité.
33Partant de ces observations, nous avons essayé de dessiner le projet de la « Civitas Dei » en élaborant des plans qui, plutôt que d’en représenter la reconstruction à travers l’interprétation du projet nicolo-albertien, entendent expérimenter directement la possibilité de bâtir un projet urbain à partir d’un texte à la fois descriptif et normatif (ill. 6).
Notes de bas de page
1 Cf. F. Borsi, Leon Battista Alberti. L’opera completa, Milan, Electa, 1980, p. 33.
2 F. Farinelli, I segni del mondo, Florence, La Nuova Italia, 1992, p. 20.
3 Cf. L.B. Alberti, De re aedificatoria, Livre I, chap. i. Les citations qui suivent sont extraites de l’édition traduite par Giovanni Orlandi. Introduction et notes de Paolo Portoghesi, Milan, Polifilo, 1989.
4 C. Grayson, « The Composition of L.B. Albert’s Decem Libri De re aedificatoria », Münchener Jahrbuch der bildenden Kunst, III, XI, p. 152-161.
5 Sur ce point, il serait utile de citer un autre traité italien du xve siècle : Trattato di Architettura, de Filarete. Dans cet ouvrage, l’auteur utilise un grand nombre d’exemples de constructions à Milan, Pavie et dans la plaine du Pô. À la différence d’Albert, la nécessité de produire une nouvelle architecture en utilisant les matériaux déjà produits par cette discipline est déclarée ouvertement au moyen d’un vaste répertoire iconographique. Sforzinda, une des premières villes idéales de la Renaissance, décrite par Filarete, est pensée à travers une composition d’architectures déjà existantes.
6 Cf. G. Motta et A. Pizzigoni, L’orologio di Vitruvio, Milan, Unicopli, 1998, p.27.
7 C.W. Westfall, L’invenzione della città. La strategia urbana di Nicolo’V e Alberti nella Roma del Quattrocento, Rome, La Nuova Italia Scientifica, 1984.
8 Nicolas V cité par G. Vasari, Les Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes (1550), trad, et éd. commentée sous la dir. d’A. Chastel, t. III, xve siècle, 3e éd. revue et corrigée, Paris, Berger-Levrault, 1989.
9 Le Borgo Vaticano est la partie de Rome située au-delà du Tibre, entre le château Saint-Ange et la basilique Saint-Pierre. C’est un faubourg formé spontanément à l’époque médiévale, qui recevait les pèlerins se rendant à la basilique. Au xve siècle, le pape Nicolas V et Alberti sont intervenus pour dresser un nouveau projet de ce quartier. Déduite du texte de saint Augustin, la définition de la « Civitas Dei » incarne cette nouvelle idée de plan pour le Borgo Vaticano.
10 G. Vasari, Les Vies des meilleurs peintres..., op. cit., trad. à partir de l’édition sous la dir. de G. Milanesi, Florence, Sansoni, 1878.
11 L. Homo, Rome médiévale, 476-1420. Histoire, civilisation, vestiges, Paris, Payot, 1934, et P. Lavedan, Histoire de l’urbanisme. Renaissance et Temps modernes, Paris, Henri Laurens, 1941.
12 P. Lavedan, op. cit.
13 L. B Alberti, De re..., livre IV chap. ii, p. 148.
14 Ibid., livre I, chap. iii, p. 18.
15 Ibid., livre IV, chap. ii, p. 148-149.
16 Vitruve, De architectura, livre I, chap. vi, p. 57.
17 Il est intéressant de noter comment ce même texte vitruvien donne naissance à deux solutions qui, bien qu’étant dotées de figures radicalement opposées, n’en demeurent pas moins cohérentes avec le texte. Ainsi, l’aménagement de Palladio fait penser à un développement urbain constitué de mailles orthogonales, tandis que celui proposé par Cesare Cesariano dans l’édition illustrée par ses soins représente une figure radiocentrique.
18 Il est à noter que l’écart d’environ neuf degrés entre l’orientation suggérée par Vitruve - représentée par le dessin de Palladio - et le tracé du Borgo d’Alberti correspond de près à l’erreur d’évaluation de l’orientation de la ville de Rome dans le Descriptio urbis Romae. On peut alors supposer qu’Alberti, en reprenant l’aménagement idéal conçu par Vitruve, ait choisi de suivre de façon fidèle les normes du traité tout en le soumettant à une « déformation » et en allongeant la ligne de périmètre en une figure longitudinale. La centralité de l’implantation est ainsi “étirée” pour obtenir une figure similaire à celle des villes linéaires issues de certaines expériences de l’urbanisme moderne. Une telle déformation est régie par l’emplacement topographique réel d’une figure taxinomique.
19 L. B Alberti, De re..., livre IV, chap. iii, p. 152.
20 Ibid., livre I, chap. ix, p. 36. Cette question, abordée à plusieurs reprises dans le traité, a souvent été mise en évidence par l’historiographie.
21 Ibid., livre IV, chap. iii, p. 155.
22 Ibid., livre V, chap. i, p. 176.
23 Ibid., livre V, chap. iv, p. 184.
24 Ibid., livre IV, chap. v, p. 160.
25 Ibid., livre VI, chap. vi, p. 389. R Portoghesi écrit, dans l’annotation à la traduction : « Alberti se réfère ici à la soi-disante portica qui partait de l’arc de Graziano, situé sur la rive gauche du fleuve pour traverser le pont Elio et arriver à la cortina Sancti Petri, place occupant le devant de la basilique. Construite vers 379 par les empereurs Graziano, Valentiniano et Teodosio, la portica était reliée aux porticus maximae qui s’étendaient jusqu’au centre de Rome afin de protéger du soleil et de la pluie les foules de pèlerins venus vénérer le sépulcre de Pierre. Des ruines de cette portica étaient peut-être encore visibles à l’époque d’Alberti. Cf. Liber pontificalis, éd. Duchense, p. 507. »
26 Ibid., livre VI, chap. vi, p. 390-391.
27 Ibid., livre VI, chap. vi, p. 392.
28 Ibid., livre VI, chap. vi, p. 393-395.
29 Ibid., livre V, chap. vi, p. 189.
30 Ibid., livre VII, chap. iii, p. 293.
31 Ibid., p.391.
Notes de fin
* En français dans le texte (N.d.T.)
Auteurs
Carlo Ravagnati est architecte, diplômé de la Faculté d’architecture de l’École polytechnique de Milan. Docteur en composition architecturale (Institut universitaire d’architecture de Venise), il est actuellement chercheur à l’École polytechnique de Turin. Parmi plusieurs essais sur la représentation dans la composition architecturale et urbaine, il a publié récemment Tecniche di ripetizione. Rappresentazione e composizione nei progetti per la basilica di San Pietro, Tecnograph, Bergame, 2003, « La rappresentazione dei caratteri originari del sito nel progetto di architettura », in R. Palma, A. Pizzigoni e C. Ravagnati (dir.), Cartografia e progetto, Tecnograph, Bergame, 2003 ; « Formazione/Deformazione. La geometria proiettiva nell’architettura di Francesco Borromini », in R. Palma, C. Ravagnati (dir.), Macchine nascoste, Utet, Turin, 2004 ; « Il complesso monumentale di piazza San Marco a Venezia tra analisi e progetto », in AA.W., « Luoghi monumentali e accessibilità : Venezia, Roma, Napoli, Arles », Quaderni IUAV, n° 21, Venise 2002.
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