Introduction à la première partie
p. 17-18
Texte intégral
1S’interroger sur l’empreinte historique des figures de la ville, c’est aborder sous un angle particulier et nécessairement restreint tant l’historicité des formes figuratives de la ville que la valeur des figures pour l’histoire de la ville, cela en écho aux réflexions des historiens. En effet, plutôt que de tenter de lire l’hypothétique contenu d’une image, ces derniers cherchent à en saisir la totalité, le mode propre selon lequel celle-ci parvient à faire être le réel. Le défi qui se pose à l’historien est d’analyser les formes figuratives dans leur spécificité et dans leurs relations dynamiques à la société qui les a produites1. Saisir l’historicité des images de la ville, c’est articuler l’historicité des objets particuliers étudiés (la représentation de telle ou telle ville) à une historicité propre à la représentation et aux dispositifs, intellectuels et pratiques, qu’une telle étude mobilise2.
2Cette partie apporte un éclairage sur trois moments historiques où s’institue un rapport entre le verbe et le visible constitutif de la représentation de la ville, dans la mesure où ils participent d’un arrière-plan que l’on peut toujours convoquer. Le rapport du verbe au visuel dans la description, question lancinante propre à la représentation, sans cesse reformulée, ne trouve de solution historique qu’inscrite dans un contexte épistémologique précis.
3Nous avons choisi comme fil conducteur le transfert des savoirs entre les disciplines qui mettent la ville en images. La sélection des études de cas ne se fonde donc pas sur un recensement des principales fonctionnalités de la représentation au sein d’une discipline donnée, comme chez O. Söderström3. C’est ce fil conducteur qui doit pointer ce qui précisément traverse les domaines disciplinaires, les fait se rencontrer, à savoir la description, d’autant que cette dernière concerne le projet, c’est-à-dire l’édification même de la ville.
4Comme le montre ici Jean-Marc Besse, le contexte intellectuel au sein duquel les vues de ville prennent place à la Renaissance est celui des discours d’éloge et des discours épidictiques (descriptifs), tous deux issus de la tradition rhétorique antique. Ainsi, dans le discours sur la ville, on loue les actions militaires et politiques importantes qui ont marqué l’histoire de la cité, mais aussi le site, l’organisation urbaine des rues et des places, la beauté de son architecture. La vue de ville nous projette dans l’espace public et politique, comme l’attestent notamment les écrits d’Alberti pour lequel le dessin de la ville incarne et concrétise la vertu civique de la population.
5Pour Carlo Ravagnati, la description est bien aussi un instrument pour fabriquer la ville. Dans le traité albertien, la prescription s’appuie nécessairement sur la description. La structure du traité se fonde sur la citation des descriptions des villes et des architectures issues des sources classiques. Le texte est l’outil par lequel la mémoire de la ville ancienne devient le matériau pour le projet à venir.
6Autre question, la Descriptio urbis Romae d’Alberti renonce au support iconographique. L’auteur voit dans le choix d’abandonner la « séduction » de l’image l’expression d’une idéologie du projet qui privilégie la transmission des règles et des techniques sur la répétition des figures canoniques. L’examen de certains passages du De re aedificatoria et du projet de la Citadelle vaticane illustre bien la capacité du projet à mettre en œuvre la répétition et la variation des figures décrites dans le texte.
7Ce sont encore les façons de figurer la cité qu’examine Indra Kagis McEwen à partir du texte de Vitruve, fondateur de la figuration de la ville. Pour l’auteur, la textualité de la représentation vitruvienne, entreprise souvent avec beaucoup de difficultés, était dictée par un but foncièrement politique qu’il convient de restituer dans son contexte épistémologique. La représentation de la ville est liée à l’ordre de la nature dont la raison était le logos (verbe), qui, dans le contexte romain, est un verbe à la fois cosmique et impérial.
8La traduction française qu’en fait Claude Perrault au xviie siècle intègre de nombreuses images qui témoignent de la révolution scientifique accomplie. Les figures du Vitruve de Perrault, et surtout celles de l’Observatoire de Paris dont il est l’architecte, sapent délibérément ce logos vitruvien. Dans la figuration iconique de Perrault est représentée non pas une cité impériale fondée sur l’ordre de la nature, mais un État moderne dont l’image à son tour est « l’homme artificiel », le Léviathan de Hobbes. Ainsi, l’article d’Indra Kagis McEwen propose une interprétation originale du paradigme classique de la représentation urbaine.
Notes de bas de page
1 Cf. J.-C. Schmidt, Le Corps des images. Essais sur la culture visuelle au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2002, en particulier « L’historien et les images », p. 35-62.
2 Cf. F. Pousin, « La ville représentée : objet historique et sémiologique », in F. Pousin et S. Robic (dir.), Signes, histoire, fictions. Autour de Louis Marin, Paris, Arguments, 2003, p. 85-99.
3 O. Söderström, Le Visuel en urbanisme, Lausanne, Payot, 2001.
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