Présentation
p. 21-23
Texte intégral
1Le propos scientifique de cet ouvrage ne peut être compris si l’on n’a pas bien présents à l’esprit les arrière-plans sociétaux qui ont suscité la démarche de recherche qu’il s’agit de caractériser et d’analyser, car c’est d’eux d’abord et non pas d’une dynamique interne à la science que sont venus les défis auxquels les chercheurs ont été soumis et qu’ils se sont employés à relever. On a affaire là à un cas de figure exemplaire où l’on voit à l’œuvre les rapports entre la société et la science. Les difficultés de la gésine aussi bien que le caractère novateur de la démarche de recherche qui en est issue proviennent clairement de cet accouplement que d’aucuns considèrent comme hors nature. Et il s’agit bien en effet de voir comment une démarche qualifiable de scientifique peut prendre corps à partir de ces sollicitations externes. Pour bien comprendre ceci, il faut accepter l’idée qu’un double processus est en action : celui par lequel les scientifiques s’approprient les questions qui viennent de leur environnement social et celui par lequel la société provoque le mouvement de la science. S’agissant des questions qui font l’objet de ce livre, ces observations sont loin d’être anodines ou simplement rhétoriques, car des principes fondamentaux de la démarche scientifique sont en cause. C’est de tout cela que traitent les trois premiers textes de cette partie.
2Un des premiers principes remis en cause ou, au moins, pressé de se réajuster, voire de se redéfinir, est celui du découpage et de la pratique disciplinaires de la recherche. Voici donc de multiples disciplines, c’est-à-dire de multiples communautés scientifiques, qui constituent autant de passages obligés pour accéder à la totalité de la connaissance nécessaire au traitement des problèmes en cause, convoquées et sitôt sommées de renoncer à ce qui les fonde par excellence, à savoir leur autonomie, leur autosuffisance (pour ne pas dire leur suffisance), l’ignorance dans laquelle chacune d’elles peut (et selon certains même, doit) se tenir des autres. Il est clair que tout l’avenir du projet interdisciplinaire qui est à l’origine de ces recherches va reposer sur la façon dont les différentes disciplines concernées vont réagir à cette requête. Il est clair aussi que ces réactions vont étroitement dépendre de l’histoire et des caractéristiques de chacune d’elles et de leurs situations internes respectives au moment où elles sont ainsi sollicitées. Fonction de ces multiples et variables réceptivités dans son ampleur, le projet interdisciplinaire dépend aussi d’elles pour son contenu : il est appelé à prendre la tournure que lui donneront les fécondations possibles de disciplines compte tenu de ce que peut être l’apport de chacune à l’ensemble en ce début des années 70.
3De ce point de vue il aurait pu paraître souhaitable de présenter l’état des disciplines à cette époque afin de mieux suivre les évolutions qui se sont produites dans les années 70 et 80. En vingt années, les disciplines évoquées ici ont beaucoup changé. Si l’entreprise interdisciplinaire débutait aujourd’hui, elle se déroulerait dans des conditions intellectuellement beaucoup plus favorables. Vingt années d’échanges plus ou moins constants et approfondis ont laissé des traces. Mais le contexte socio-politique – encore lui ! – et le mouvement des idées dans le champ scientifique ont aussi considérablement évolué durant cette période. La « question de l’environnement » est de plus en plus présente. Aussi bien, comment distinguer ce qui est à proprement parler résultat d’une pratique de l’interdisciplinarité, ce qui est lié à la dynamique interne des disciplines et ce qui dépend de l’évolution du contexte social ? En outre, ce qui compte le plus maintenant, c’est l’expérience accumulée et actuellement mobilisable, et celle-ci est le produit de tous ces facteurs réunis et combinés, en particulier sur ces vingt dernières années. Aussi le rappel de la situation de chacune des disciplines au début des années 70 n’a-t-il d’intérêt que pour ce qu’il donne à comprendre de leur situation actuelle. Tel est l’objectif de la série de tableaux que présentent les textes consacrés aux disciplines.
4La liste de celles-ci est à soi seule instructive quant au champ de questions couvert et traité. Il y manque l’histoire, qui occupe une place pourtant importante dans ces recherches. Mais, fait fort instructif par rapport à l’interdisciplinarité, elle n’est jamais le fait d’historiens ! D’où son absence en tant que telle.
5Ces textes sont, dans leur conception, très différents les uns des autres. Ceci traduit la diversité des façons de se positionner des différentes disciplines par rapport aux questions à traiter et aussi par rapport à l’interdisciplinarité elle-même. Ceci traduit aussi, bien sûr, les différences de points de vue des auteurs, c’est-à-dire la façon dont ils se situent par rapport à l’expérience de recherche dont ils parlent, ainsi que leurs propres options théoriques par rapport à leur discipline et à la conception qu’ils se font des rapports que celle-ci peut avoir avec l’interdisciplinarité. Ce sont donc les bases d’un débat qui ne fait que commencer qui sont ainsi posées. Ce débat est ouvert discipline par discipline certes, mais aussi globalement, la question étant de savoir comment chacune des disciplines prend place dans un projet interdisciplinaire d’ensemble. De ce point de vue, il est important d’avoir sous les yeux les démarches de toutes les disciplines concernées lorsqu’elles sont soumises au test commun de leurs convergences possibles.
Auteur
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