Chapitre XI. L’espace sauvage en Khimti : règlements et conflits. Une approche par le droit et par l’histoire
p. 339-363
Texte intégral
1Les titres de terre parus après 1791, une fois le Népal unifié, ont entériné tout un passé. Dans l’est, dans la vallée de Khimti, dans la partie dite « proche » du pays des Kirant, à une centaine de kilomètres de Katmandou à vol d’oiseau (figures 44 et 45), les Sunuwar, petite tribu parmi d’autres Kiranti, étaient des plus acculturés. Dans des temps très anciens, ils avaient été des chasseurs. Armés d’arcs et de couteaux, les hommes couraient les bois, en rapportaient du gros gibier, des daims, des sangliers, des chèvres-antilopes ; l’espace sauvage était leur terrain, tandis que les épouses, dans le village, récoltaient le millet. Cette histoire nous échappe assurément. Mais, il y a deux siècles déjà, le paysage portait les marques du changement. Le champ avait supplanté la forêt, la terrasse envahi la pente, la rizière irriguée occupé le bas des versants ; des hommes, souvent de l’ouest, s’installaient, fondaient des hameaux. C’était au nord et sur les crêtes, les Bhote, bouddhistes, agriculteurs, plutôt éleveurs, surtout marchands ; c’était aussi au sud, dans les basses terres, les Indo-Népalais, gens de caste, hindous, paysans, riziculteurs avant tout. La terre des Sunuwar, divisée très souvent dans les faits, demeurait territoire dans l’esprit, et les titres, conformément à la parole donnée aux temps des guerres, avaient enregistré la vieille histoire sous la forme du compromis.
2Compromis ? L’expression d’espace sauvage semble l’être également tant elle recouvre des lieux aussi différents que jachères à deux pas des maisons, pâturages et forêt la plus lointaine. Pourtant, l’espace sauvage apparaît clairement dès lors qu’on l’oppose au bâti, aux champs, aux cultures. Il y a bien longtemps, cet espace fut aussi une « jungle » où vivaient les hommes des bois (jangali), considérés comme êtres frustes ; il était, jusqu’en 1950, une terre kipat, c’est-à-dire un privilège imprescriptible au regard de l’État ; il demeure, encore à ce jour, une réserve où les hommes eux-mêmes ou leurs troupeaux vont puiser. Depuis quelques années, au Népal, on s’interroge à propos de l’espace boisé.
3Les catastrophes écologiques annoncées par les experts n’ont pas eu lieu, ni le recul de la forêt, ni, parvenues dans la plaine, les terribles inondations des grandes rivières himalayennes1. Mieux, on découvre la progression du couvert d’arbres dont les villageois sont les principaux acteurs2.
4La terre sauvage était en question déjà du temps du roi Bahadur Shah (1791), elle l’était notamment en Khimti, ce que montrent des textes de cette époque ou postérieurs3. Elle était en question entre autres du point de vue patrimonial, dans des termes dont on pourrait dire qu’ils indiquaient le compromis. Soit il s’agissait du droit relatif à la propriété des pâturages contenu dans des écrits divers, simple reconnaissance de dettes ou titre au niveau le plus élevé (l’édit du roi, lāl mohar ou rukkār), ou bien encore des conventions (kayal nāmpatra), des conciliations (gajpatra), des écrits obtenus suite à des plaintes (binti patra), des accusations (ujuri patra, pherād patra), des actes de défense (uttar patra), des confessions (kayal nām patra), des arbitrages (phaisala). Soit il s’agissait d’une servitude dont traitent de nombreuses ordonnances (sanad), accordées par les différents ministères Rana, à partir de la seconde moitié du siècle dernier. Que nous apprennent ces documents ? Et quel peut être leur apport à l’actuel débat sur la gestion des ressources, compte tenu des particularités évoquées (définition par le droit, valeur locale des documents) qui m’amènent à traiter séparément pâturages et forêt ? L’objet de ce texte est de faire état d’extraits de textes anciens choisis en rapport avec le droit et la protection de l’espace sauvage. Mais j’ajouterai deux intentions. La première en forme d’hypothèse, laquelle justifie une présentation chronologique des textes, touche l’évolution de la législation népalaise à l’égard de l’espace sauvage. Ne voit-on pas apparaître au Népal, parallèlement à la généralisation du droit commun (la fin des privilèges)4, l’émergence d’un droit public, fût-il à l’échelle d’un village et inachevé, et dont les corollaires seraient l’opinion, le bien et le pouvoir ? La seconde montre en quoi le droit général se conjugue avec la singularité et l’histoire au confluent des stratégies des groupes et des personnes. D’où cette insistance à l’étude intensive d’un lieu, la Khimti, qui donne aussi toute la mesure et les limites à ce propos dans lequel j’ai tenu à séparer l’interprétation de sa source.
Les premiers écrits : des titres de propriété pastorale
Privilège : Sa Majesté le roi d’abord
5En 18065 au Népal, précisément à « l’est de la crête des Magar6 située entre les vallées de Sun Kosi et de Tamba Kosi, à l’est du col de Halahuli et à l’ouest de la crête de Mayam7 », s’étend l’espace de deux anciens districts, l’Est n° 1 et l’Est n° 2. Dans les villages des différents cantons (thum) qui les composent, vivent « des notables, des sujets », notamment des responsables intermédiaires entre des populations qu’ils représentent et l’État, des collecteurs d’impôt qui répondent aux noms de amāli (chef de conseil de village, juge de délits mineurs), dwāre (représentant du gouvernement dont la juridiction dépasse le cadre du village), mukhiyā (chef de village), thari (agent de rang inférieur au mukhiyā), rāi (chef de village des communautés rāi, notamment de la région du Moyen-Kirant, Est n° 3), mājhiyā (équivalent du thari), mijhār (chef de village des communautés bhote), gorcā (ou godecā, responsable de village bhote de rang inférieur au mijhār). Le roi s’adresse à tous ceux-là et leur dit :
« Autrefois fut constituée une charte royale de règles pour les goth disant :
« pour nos goth de Pirti, Jiri, Khimti, Boc, Phaplu, dans les pâtures, les forêts denses des hauteurs et les murettes des basses terres à l’usage des différents thum : que les kipatiyā Sunuwar des douze villages Bhote et Kiranti donnent à nos goth, chacun, deux pâtures de leur propre kipat ; dans les pâtures enregistrées pour le compte des goth, n’installez pas de nouvelles habitations ; cette charte étant, que personne ne porte atteinte au fourrage foliaire ainsi qu’à l’herbe des vaches et bufflesses en défrichant la forêt, en abattant des arbres, en labourant à l’araire et à la houe, en mettant en culture, en installant des maisons ; les foyers anciennement établis ne s’adonneront ni à la culture d’hiver8 dans les pâtures d’hiver ni à la culture d’été dans les pâtures d’été ; dans les pâtures hors des terrasses aménagées, ne faites pas de nouvelles terrasses ; les sujets dokyā assureront dans le cadre de leur propre circonscription, à l’usage des goth, le portage du riz décortiqué et du riz non décortiqué, du sel du Tibet et du beurre du Népal ; ils assureront le déplacement des goth en construisant les abris, les étables, et en transportant le matériel ; les sujets dhākryā aménageront à l’usage des goth les gués, les sentiers, les rizières, les pâtures endommagées par les ruisseaux et les glissements de terrain ; ils feront paître les vaches, les bufflesses, les veaux, les jeunes bufflons, les buffles mâles et les jeunes taureaux inscrits [?] dans les documents. [...]
« Que les kipatiyā qui donnaient chacun 2 pâtures conformément à cette charte donnent encore aujourd’hui chacun 2 pâtures ; dans les terres des goth : rizières, espaces khuwā9, pâtures, champs attenants aux maisons, chāp (terre libre d’impôt), sites construits, nous avons annulé les chartes dont certains, après les avoir constituées, avaient la jouissance, et nous émettons une charte pour nos goth ; les goth ne laisseront pas un seul pouce de ce qui constitue les terres et l’herbe du grand-père [?], tāp, attribuées à ces vaches et bufflesses depuis que naguère on rassembla ces goth jusqu’à nos jours ; les goth sans avis n’empiéteront pas sur les terres des ancêtres où, depuis longtemps, les goth n’empiétaient pas ; on punira d’une lourde amende le sujet qui, dans les terres enregistrées pour le compte des goth, défriche la forêt, abat des arbres, laboure à l’araire et à la houe, met en culture, installe des maisons, transforme les pâtures, porte atteinte au fourrage foliaire ainsi qu’à l’herbe des vaches, des bufflesses, des jeunes bufflons et des veaux. [...] »
6L’État possède des goth à Pirti, village sunuwar de la Likhu Khola, Jiri, dans la vallée de la Khimti, Khimti (Khimti Bensi, au confluent de la rivière Khimti et de la Tamba), Boc, près de Carikot, Phaplu, dans la région du Solu plus à l’est10. Que sont les goth ? Habituellement le terme désigne l’abri pour le troupeau et son gardien : une petite cabane légère, mobile, que l’on monte et l’on démonte en suivant les mouvements du troupeau. Mais ici, les goth sont davantage. Ils représentent des unités pastorales à l’existence reconnue juridiquement, les abris certes mais aussi les troupeaux et les espaces pâturés que sont, avec les vraies pâtures d’herbe, d’arbres et de forêt, les champs durant le temps de jachère, notamment les rizières une fois débarrassées du riz, de novembre à juin. Sur le sol, la marque du goth est temporaire. Les ancêtres les ont créés. Peut-être remontent-ils aux temps, pas si lointains, de la conquête gurkha. L’État est le propriétaire des bêtes. À Jiri Khimti le roi du Népal possède, au début du xixe siècle, quelque 12 000 têtes de bovins11. Les bergers, gothālo, Indo-Népalais12 immigrants venus de l’Ouest, hindous coutumiers de la caste et du Brahmane, touchent pour la fourniture régulière des produits de l’élevage – le beurre notamment – des salaires en nature et des excédents de production13. Ils gardent buffles et bovins ; d’autres, en d’autres lieux, sur d’autres itinéraires, sont bergers de moutons, fournisseurs officiels de la laine14.
7Mais les troupeaux du roi ne restent pas à demeure, ils se déplacent, vont de village en village, stationnant peu de temps à chaque endroit. Les habitants des localités concernées sont Sunuwar, Bhote et Kirant (Rai)15, kipatiyā, autrement dit détenteurs de kipat, terre reconnue par l’État souverain depuis 1773 comme propriété communautaire, inaliénable de principe. Depuis 1791, près de vingt ans après la conquête gurkha qui avait conduit à l’unification du royaume du Népal, ils ont confirmation écrite de ce qu’il avait été promis aux vieilles tribus : l’assurance de jouir en paix des terres qu’ils considèrent comme leurs depuis longtemps. Pourtant, ils doivent céder au roi deux pâtures de leur propre village situées en altitude dans la forêt, ainsi que, parmi les jachères, des champs de bas de versants, dont l’herbe qui pousse sur les murettes séparant les terrasses constitue un fourrage. Après 1806 d’autres textes attestant du privilège royal suivront16.
8Les habitants cependant ne cèdent pas l’intégralité desdites terres. Ils n’en laissent que l’usufruit, et seulement la part à l’usage des troupeaux, celle sauvage où l’on mène habituellement vaches et bufflesses. Il en résulte pourtant qu’ils ne peuvent plus, dans ces pâtures, construire, défricher, abattre les arbres, cultiver l’hiver dans les pâtures d’hiver et cultiver l’été dans les pâtures d’été : disposer librement de leur bien. En outre, ils doivent collaborer avec les bergers de l’État. Les kipatiyā (les doke) approvisionnent les goth en riz et en sel, assurent le transport du beurre issu de ces vaches et bufflesses jusqu’au Népal, ancienne dénomination de Katmandou et sa vallée. Ils aident aux déplacements des troupeaux. Les autres villageois, non détenteurs de terre kipat (les dhākre), d’une part assurent l’entretien des pâturages et des parcours, de l’autre, gardent les troupeaux et se portent au service des bergers.
Prise de possession
9En Khimti et plus à l’est en Likhu, « dans les circonscriptions de Tilpung, Haluwa, Namari et Solu, parmi les terres suivantes : le replat de Bancare Phedi, Ragani, Holapu, Selapu, Salapu, les 2 pâtures de Citre, ainsi qu’au-dessus de la rivière Angphekala, les crêtes de Sarva Khasa, Dorje et Chertung17 », Ajit Khadka18 a reçu de l’État en 1791 des terres comme pâtures pour installer vaches et bufflesses. Les troupeaux sont conduits l’été durant dans les pâtures d’altitude (à l’amont des rivières Khimti et Likhu), et s’en reviennent en aval durant l’hiver, une fois la récolte achevée. En l’année 1865 VS (1808) une charte royale aurait été rédigée au nom de Chatra Sing Karki Ksetri, de Betali, pour mener ses propres bêtes dans les hautes pâtures de Dhunge Jyepang (Khimti), terre des Bhote et revendiquée par eux (voir infra). À Prapca, village de la vallée Maelung, des Brahmanes conduisent des troupeaux au nom de la tenure perpétuelle de pâturage (mayau birtā), là même où d’autres sont des propriétaires indivis et rappellent, en 1849 encore, leur droit tribal imprescriptible.
10Entre les rivières Khimti et Likhu, ça et là de l’aval à l’amont, dans le contexte politique nouveau du gouvernement gurkha, la terre a donc fait l’objet d’une prise de possession. Celle-ci est kārki, khadkā, brahmane, chetri, indo-népalaise. Elle est juridiquement partielle, saisonnière, pastorale. Parfois l’appropriation est disputée, discutée, contestée, contestable, parfois elle ne l’est pas ou semble ne l’avoir jamais été. Et qui récolte quand, chaque année, le troupeau et son gardien ne sont plus là ? Aujourd’hui, Ajit Khadka représente l’ancêtre d’une lignée chetri du même nom qui peuple Bancare, et le lieu fut pâturage d’hiver avant d’être un grand village. Ici, l’installation temporaire des troupeaux a donc précédé celle, définitive, des fils et petits-fils de l’ancêtre fondateur, une prise de possession alors complète ; ailleurs, l’appropriation a fait l’objet d’un arbitrage au plus haut de l’État, ou d’un arrangement local. Voici ce que, réunis en tribunal (amāl) d’Ekang un jour de 182619 et s’adressant aux Chetri de Betali, disent Tantarke Mijhar, Kebe Mijhar, Tharung Matamba Chodar Mijhar, les pères et fils Khambe Sherchimbe Godeca Takto, habitant à Shyama, Yelung, Rabu dans le secteur de Khimti, région du Solu :
Depuis longtemps, nos ancêtres jimi-pagari [maîtres de la terre, littéralement « qui portent le turban », c’est-à-dire l’insigne du pouvoir] ont cédé au mukhiyā Shiva Raj Karki, dans nos terres de Dhunge, les pâtures suivantes :
Au-delà de la rivière Chahare, en deçà de la rivière Kopce, au-dessous du col de Kopce, au-dessous de Purana Jharsadi, de Sabuk Homace et des pâtures à yack, les pâtures aménagées naguère : Dhunge Nagi, Mul Katera et les bois, les broussailles, bāse, que vous avez aménagées, le secteur de Gairi Nehele Mahabbir, en dessous et au-dessus de la falaise à l’usage de Shire Sunuwar, le haut de Gairi, la crête de Gupha, la forêt dense et les friches de Nagi, les confins aménagés ou à aménager ; de ces pâtures vous avez bien obtenu la jouissance ;
nous les jimi-pagari, mijhār et godecā avons siégé en disant : « Désormais encore, conformément à ce qui est écrit, nous jimi-pagari ne dessaisirons pas vos descendants de ces pâtures ; que les troupeaux décroissent ou bien s’accroissent, ne diminuez pas les 6 roupies de redevance kharcari de ces pâtures ; nous-mêmes jimi-pagari ne relèverons pas la redevance au-delà de 6 roupies ; nous jimi-pagari n’exercerons pas de destitution (pãjani) des pâtures mentionnées ici en les confiant à d’autres ; nous jimi-pagari prendrons de votre main la redevance (kharcari) des pâtures [...]. »
11Les Bhote de Shyama, de Yelung et de Rabu louent des pâtures aux Karki de Betali. Ils le font depuis très longtemps, depuis l’époque des ancêtres et du mukhiyā Shiva Raj Karki. En 1808, pour deux des terres, Nagi Katero et Mul Katero, les Chetri représentés par Chatra Sing Karki ont obtenu auprès du roi confirmation de leurs droits. Cependant, les Bhote persistent à revendiquer la propriété du fonds. L’abandon aux Karki de l’usage de deux autres pâtures Tallo Base et Upallo Base date de 1826. Aujourd’hui, près de deux siècles plus tard, le contrat demeure et l’on pouvait assister encore dans ces dernières années, durant l’été, aux migrations des troupeaux des Chetri en direction de la Haute-Khimti. Les Bhote s’engagent ou renouvellent leur engagement : ils ne dessaisiront pas les éleveurs et prélèveront de leurs mains, chaque année, six roupies de redevance, quelles que soient les circonstances. Parce qu’à l’origine, il y a dette. Or la dette perdure et comprend des intérêts. Les terres, louées à six roupies l’année, sont la caution :
Des sommes ayant été engagées, demandez les intérêts des sommes sur les pâtures mentionnées ; si les débiteurs s’acquittent chaque année des intérêts des sommes, les créditeurs verseront aux jimi-pagari la redevance kharcari de l’année ; dans les pâtures mentionnées, qu’on installe ses propres troupeaux et les mette à paître, ou bien qu’on fasse paître en ayant cédé sa place à d’autres, ou encore qu’on laisse la pâture inexploitée, nous prendrons la redevance kharcari de six roupies de votre main [...] nous déclarons que nous ne vous dessaisirons pas durant toute votre descendance [...] nous avons dit encore : « Si quelque frère parmi nous les jimi-pagari ayant aujourd’hui rédigé cette convention abandonnait sa propre terre, partait à l’étranger, si, des sommes ayant été engagées, il remboursait les sommes mentionnées avec les pâtures, nous autres jimi-pagari prendrions de votre main la redevance kharcari que nous jimi-pagari demeurant sur ces terres avions enregistrée : nous ne vous dessaisirons pas des pâtures. »
12C’est pourquoi :
Nous n’utiliserons pas le bois, le feuillage et les bambous des étables et abris pour animaux ; nous ne dégraderons pas ; nous ne toucherons pas au fourrage ; si quelqu’un parmi les jimi-pagari, villageois, porte atteinte de manière illégale au fourrage et s’il saccage, disperse le bois, le feuillage et les bambous des étables et abris pour animaux, il devra réparer [...].
13Plus tard, en 187420 :
Si ne respectant pas ces dispositions mentionnées, nous cherchions à obtenir davantage de redevance kharcari, si, sans votre accord, nous installions de nouveaux dhākre, procédions à la destitution (pãjani) et querellions, si dans ces pâturages mentionnés, nous défrichions la forêt, les bambous mālihgo, plantions des ignames dans les prairies des pâtures et essartions, si nous produisions des ignames et d’autres cultures hors des champs anciennement aménagés, si en installant et faisant paître les animaux on n’avait pas respecté les dispositions selon lesquelles les villageois ne doivent point s’adonner aux brûlis ni mettre le feu, si l’on avait mis en culture n’importe comment, faites pâturer ; nous ne porterons nullement plainte en disant que vous avez fait paître nos cultures ; si nous mijhār, gorcā et villageois querellions au sujet de ces dispositions mentionnées ci-dessus, nous serons punis selon la loi dans la mesure où nous avons querellé au sujet de pâtures pour lesquelles nous avions nous-mêmes établi une convention et l’on nous fera vous rembourser les dommages, y compris ces redevances kharcari mentionnées.
14Ou plus tard encore (188721), en dépit des engagements précédents, parce que les Bhote avaient récidivé :
Désormais, dans les quatre pâtures de Dhunge Kharka, à savoir : Mul Kharka, Nagi Kharka, Upallo Base et Tallo Base, on ne peut installer de troupeaux à l’exception des bœufs de labour ; durant la mousson au mois d’asār [juin-juillet], qu’on installe un seul troupeau parmi ceux des responsables mijhār et gorcā, en procédant à tour de rôle ; le lendemain de sāune sankrānti [1er jour de sāun, soit le 16 juillet], qu’on retire le troupeau ; les mijhār et gorcā ainsi que les villageois n’installeront pas les troupeaux durant le mois de jeth [mai-juin], le mois de sāun [juillet-août], le mois de bhadau [août-septembre] et le mois d’asauj [septembre-octobre] ; durant le mois d’asār, les mijhār et gorcā installeront un seul troupeau dans ces quatre pâtures ;
au lendemain de sāune sankrānti, après avoir retiré le troupeau, vous seuls « usagers » des pâturages aurez la jouissance de Tallo Base, Upallo Base, Nagi et Mul Kharka ; vous autres mijhār, gorcā, villageois, etc. n’installerez point de moutons, chèvres, vaches, bufflesses et yacks ; au mois de kārtik [octobre-novembre], seulement quand les « usagers » des pâturages auront achevé leur temps au pâturage et quand seulement les « usagers » auront quitté les pâtures, les mijhār, gorcā et villageois amèneront leurs troupeaux ; dans les pâtures et réserves à troupeaux, on ne s’adonnera point à des cultures d’hiver sur les pâturages d’hiver ni à des cultures d’été sur les pâturages d’été ; les villageois implantés dans lesdites pâtures n’installeront pas de troupeaux ; les « usagers » ne chasseront pas leurs bœufs de labour ; les mijhār et gorcā jimi-pagari des sujets n’exerceront pas de nominations [pãjani] au profit d’autres personnes ; celui qui exercera le pãjani sera puni conformément à la loi ; dans les 7 dhārni de beurre de redevance kharcari, nous vous exemptons de 1 dhārni de beurre pour l’entretien du troupeau du mijhār ou gorcā durant le mois d’asār ; dorénavant, payez 6 dhārni de beurre chaque année ; les jimi-pagari et villageois n’installeront pas de troupeaux hormis les bœufs de labour ; celui qui, le premier, outrepassera, contreviendra à cette convention sera puni conformément à la loi.
La terre qui manque, nouvelle donne
15Quelle que soit l’importance des troupeaux, même si la pâture est laissée inexploitée, nous prenons la redevance et ne touchons pas au fourrage, disent les Bhote. Des engagements ne sont pas tenus, d’autres sont pris : six roupies pour prix de location, ou sept dhāmi de beurre (1874), ou six seulement (1887) avec droit pour le responsable de village d’installer un troupeau, et pour les villageois d’amener les bœufs qui servent aux labours. En Khimti, les Bhote et d’autres, Sunuwar, kipatiyā, immigrants dans les villages ou descendants d’immigrants, tous, à des degrés divers, défrichent, essartent, cultivent la terre, s’adonnent à la culture d’ignames, de pommes de terre, procèdent à des brûlis et mettent à feu, mènent à paître leurs propres troupeaux et ceux d’autrui, font bâtir des maisons. À la fin du xixe siècle, pour conséquence en partie de la démographie croissante, l’agriculture s’est étendue autant qu’intensifiée, tandis que de grands troupeaux ont disparu déjà ou sont sur le point de disparaître. Ceux des Karki par exemple, dont il reste douze étables seulement en 1874, ou ceux du roi pour qui l’attribution des deux pâturages villageois sera remplacée par l’impôt, une taxe fixée en versements de beurre puis d’argent. Ainsi, selon la manière privative, des règles d’usage des pâturages émergent, se multiplient, se précisent : face à l’emprise agricole croissante, les propriétaires de troupeaux, à commencer par Sa Majesté le roi premier d’entre eux, défendent leur manière de faire et leur bien. C’est le cas à Jiri en fin de xviiie siècle déjà, ou bien plus tard, à Shyama.
16À Rasnalu (village de la Khimti), les plus importants éleveurs, autrefois, étaient sunuwar. Détenteurs de la tenure kipat, ils jouissaient, depuis les rizières en bas de versant jusqu’à la crête, de pâturages sur les terres en jachère et les herbages. C’est à Rasnalu, précisément dans les basses terres, que s’est installé Baj Barna Karki, un Chetri connu pour avoir été responsable des troupeaux du roi et dont les descendants constituent la population des Indo-Népalais la plus nombreuse au village. Les faits remontent à 1800. Un siècle plus tard, en 190822 exactement, Dhan Man Karki à la tête desdits Indo-Népalais (vingt-sept familles) porte plainte :
Majesté,
Depuis les temps anciens, après que l’on a achevé la récolte des rizières du village de Rasnalu, conformément au conseil du village, le même jour, nous installons les troupeaux, y faisons brouter l’herbe et le fourrage, assurons la fumure des rizières, versons les prestations kut et ghiu khāni aux jāgirdār ; en la présente année 65 [1908], ledit lieutenant Jitman Sunuwar de Rasnalu ayant remis la fonction de mukhiyā de village à Santa Bir Sunuwar, frère cadet du père du même lieutenant Jitman Sunuwar, le village effectua les paiements et les présents d’asār et de Dasain ; aussi, concernant le fourrage des basses terres de Rasnalu, il fut prescrit qu’on installerait les troupeaux le même jour ; plus tard, le tālukdār et Mal Karna Gaurung de ce village déclarèrent : « aujourd’hui, que tous les sujets installent les troupeaux sur leurs propres rizières » ; alors qu’on avait installé le même jour les troupeaux dans lesdites rizières et autres terres, le susnommé mukhiyā Santa Bir Sunuwar porta au tribunal d’amāl de Thekdar dudit lieutenant, et contre vingt-huit personnes dont Dhan Man Karki Chetri, l’accusation disant que l’on avait installé les troupeaux en contrevenant au règlement ; des assignations aux délais de quinze jours furent remises à nos portes et l’on se réunit dans la maison dudit lieutenant ;
en raison du litige avec le susnommé mukhiyā Santa Bir Sunuwar, ne l’entendant pas ainsi, nous avons porté plainte auprès du gouvernement par l’intermédiaire du dwāre des postes de l’Est n° 2 ;
Majesté,
concernant ces rizières, nous avons payé les prestations kut et ghiu khāni des jāgirdār ; depuis les temps anciens il n’y a pas eu de taxe sur l’herbe ; pour maintenant encore, nous voudrions que soit confirmé ce règlement ; telle est la requête présentée par vingt-sept personnes et le dit Dan Man, soit vingt-huit personnes au total ; je voudrais donc que les sujets obtiennent confirmation du règlement ainsi qu’indiqué par la requête. [...]
17Les rizières en jachère sont pâturées par le troupeau. Les villageois se réunissent. Ils décident d’un commun accord du jour de l’installation des étables. Le jour dit, le riz doit avoir été moissonné partout. Chacun, sur ses terres, établit son goth. Le bétail peut divaguer librement dans la sole en jachère. Il trouve sur les murettes un abondant fourrage. C’est que, défendue selon le règlement depuis le désherbage du riz du mois d’août, l’herbe a poussé. En s’installant le même jour, les éleveurs se trouvent à égalité d’usage. Pour les plaignants, le but du pâturage est clair : assurer la fumure des rizières.
18Comme auparavant, les Chetri participent à la pâture. Pourquoi en seraient-ils écartés ? Ne versent-ils pas les cadeaux d’usage, notamment ceux d’asār et de Dasain, au représentant du village, le mukhiyā, preuve s’il en est que le maître de la terre qu’ils reconnaissent est le Sunuwar ? Ne paient-ils pas par ailleurs l’impôt des rizières, le forfait kut (en nature) et le supplément en espèces ghiu khāni aux jāgirdār, les militaires ? Car, en réalité, depuis longtemps, les Sunuwar ne possèdent plus le fonds des terres à riz. Une moitié d’entre elles leur furent confisquées en 1805. Quant à l’autre partie, ils la cédèrent, en 1826, en échange de l’emploi du Brahmane23. Le chef de village et son adjoint, le gaurung, ont décidé de l’installation des étables. Sur leurs terres, les Chetri les construisent donc. Le mukhiyā Santa Bir Sunuwar s’en plaint, il porte l’affaire devant le tribunal amāl que préside son neveu, le lieutenant Jitman Sunuwar. Pourquoi cette plainte ? Depuis cette année 1908, le chef de village n’est plus le même. L’oncle a succédé. Peut-être est-il de caractère moins complaisant et l’on comprend alors pourquoi Jitman, le fils du frère, peut être un bon médiateur dans cette affaire. Il considère peut-être encore les champs de riz comme terre kipat, il serait peut-être satisfait s’il touche un droit sur l’herbe.
19Les règles de protection de l’espace sauvage semblent s’inscrire dans le cadre ancien des rapports interethniques. Plus d’un siècle après les faits de guerre, la domination d’une société globale sur les petits peuples soumis réapparaît, non d’ailleurs sans provoquer des revendications en retour comme le montrent les agissements de Santa Bir Sunuwar ou le comportement des Bhote à Shyama. Cependant, le contexte au début du xxe siècle est nouveau. La terre sauvage où l’on conduit librement vaches et bufflesses a perdu son ancienne abondance. Les éleveurs se défendent ; parfois l’adversaire est Chetri, Brahmane, « étranger » pour tout dire, mais parfois il ne l’est pas. Fussent-elles soudées par les valeurs du kipat, les communautés de même lignée sont alors déchirées. Car l’ethnicité, qui n’est pas tout, masque bien des différences à l’intérieur des groupes dans les manières de produire, les intérêts, les choix de vie, les degrés dans l’aisance et le pouvoir. À Rasnalu au début du xxe siècle, certaines personnes revendiquent leur part de pâturage en toute indépendance, d’autres veulent que se perpétue l’indivision. Dans les années 192024, deux pâtures sunuwar font l’objet de querelles internes à la communauté. Plusieurs procès se succèdent. Voici, d’abord, un premier document :
Dans deux pâtures :
– une pâture appelée Surke enregistrée à la charge de notre ancêtre Sarva Jit Sunuwar,
– mitoyenne avec cette même pâture de Surke, une pâture appelée Dabre acquise en ayant versé la somme de 8 roupies ; depuis le temps des ancêtres, nous tous avions coutume d’interdire l’usage de ces pâtures et de les défendre à partir de la pleine lune de candi [mai], d’y mener paître les troupeaux en une fois au mois de sāun [juillet-août], d’interdire l’usage du fourrage de regain, de réinstaller les troupeaux au mois de māgh [janvier-février] en hiver, d’installer les troupeaux en une fois, de les retirer en une fois en raison des règles d’usage et de pâturage et d’après l’avis de tous les frères cotitulaires de ces pâtures [, ..|.
20Dabre et Surke sont les pâtures. Elles sont mises en défens. Le mukhiyā décide. Le bon droit l’amène à consulter ses frères de clan. Le gaurung (gardien des pâturages) annonce. Sur tout le périmètre de la pâture, il dresse des pieux. À leur sommet, il place une pierre qu’il attache avec un lien de bambou refendu : la marque visible de l’interdit sur le terrain. Quand de partout les troupeaux sont repoussés des cultures, les éleveurs installent les étables, tous le même jour. L’herbe, protégée jusqu’alors, abonde. Ces pâtures servent deux fois : en juillet-août, l’herbe étant défendue à partir de la pleine lune de candi et en janvier-février, la mise en défens du regain succédant au départ des troupeaux en août. Que dit l’accusation ?
Ces temps-ci, parmi les susnommés « coupables », le mukhiyā Man Dhoj et Kala Bhote ont affirmé que dans ces pâtures on pouvait construire des maisons, qu’une fois les maisons faites on pouvait récupérer les pâtures ; ils se mirent d’accord avec les « coupables » et firent construire des maisons ; aussi, après que Ran Bahadur Sunuwar eut construit une maison avec l’idée qu’il fallait que nous tous devions construire, qu’ensuite les maisons occuperaient les pâtures faisant « payer » les frères co-usagers et que ceux d’entre nous ayant construit des maisons devaient récupérer les pâtures, avec cette idée donc ils dessaisirent [pãjani] les frères, les villageois, les voisins, Bhote, Sunuwar ; ils incitèrent Phurka Bhote, Ritenji Bhote, Pachodor Bhote, Kalu Bhote, Kami Bhote, Badal Sing Sunuwar et Bahadur Sunuwar à construire des maisons et eux-mêmes construisirent des maisons ; lesdits « coupables » bâtirent les maisons jusque dans les années 75, 76 et 77 [VS] ; s’efforçant de nous enlever nos pâtures, ils laissèrent vaquer moutons, chèvres, chevaux, et occasionnèrent des pertes en fourrage ;
c’est pourquoi, ayant effectué une inspection des pâtures et du fourrage, nous avons dit qu’on ne pouvait installer les troupeaux sans tenir un conseil de village et nous avons réservé le pâturage ; les deux sortes de « coupables », ceux qui incitèrent à construire et ceux qui, ayant construit, ont résidé ou logé d’autres personnes dans ces pâtures dirent : nous n’accepterons pas leur objection ; il faut installer les troupeaux ; ils installèrent les troupeaux au mois de kārtik, nous enlevèrent notre part et firent paître tout le fourrage des pâtures de cette année 75 ; attendu que faisant paître le fourrage les « coupables » occasionnèrent des dommages, ne l’entendant pas ainsi, nous sommes venus porter plainte auprès de ce tribunal-ci [...].
21Parath, le plaignant, désigne deux catégories d’accusés. Des hommes ont incité à construire et à privatiser les pâtures : le mukhiyā Man Dhoj Sunuwar25 et Kala Bhote, vraisemblablement mijhār, c’est-à-dire responsable de la communauté des Bhote. D’autres les suivent, ils sont Sunuwar, ils sont Bhote : ils construisent des maisons ; dans les années 1919, 1920 et 1921, bien qu’ils possèdent d’autres terres sujettes à la taxe individuelle et sur lesquelles ils résident, ils font paître leurs animaux, des moutons, des chèvres, des chevaux, mais aussi des vaches, des bœufs, des buffles. Ils s’adonnent à des brûlis, dit un autre document non reproduit ici. Sans tenir compte de l’avis des usagers des pâturages, au mépris du règlement, ils installent leurs troupeaux en octobre-novembre de l’année 1921. Parath poursuit et conclut :
Violant les pâtures utilisées depuis l’époque de nos ancêtres [...] et que nous utilisons en vertu de règlements disant que personne ne doit construire de maison, le susnommé Kahar Sing possède bien une maison sur la terre appelée Rani Pokhari sujette à l’impôt ; Bhadra Bahadur, Kabilal, Ran Bahadur possèdent bien des maisons sur la terre appelée Rasnalu Dharapani, terre sujette à l’impôt ; Phurba Bhote, Ritenji Bhote, Pachodar Bhote, Kalu Bhote, Kami Bhote possèdent bien leurs propres anciennes maisons sur la terre appelée Dharapani ; ayant demandé l’autorisation de Ran Bahadur, Bhadra Bahadur, Kabilal et Kahar Sing, ils abusèrent en faisant enlever nos aires de pâturage d’hiver et d’été situées dans nos pâtures d’usage commun ; également, Mangal Dhoj et Kala Bhote ayant exprimé l’opinion selon laquelle peu importait si l’on construisait des maisons sur ces pâtures, ils incitèrent Ran Bahadur Sunuwar à construire une maison ; de cette façon, dans nos pâtures d’usage commun de Dabre et de Surke, lors des pâturages d’hiver et d’été de cette année 78 VS [1921], à deux reprises, ils occasionnèrent une perte en fourrage de 2 000 charges environ ; aussi voudrions-nous que ce tribunal saisisse et fasse venir lesdites seize personnes, les convoque en notre présence, prenne connaissance des pièces à conviction et des témoins mentionnés dans la liste ci-jointe et rende justice ; que dans les 2 000 charges de dommages, il retranche 1 000 charges sur les parts de Mangal Dhoj, Birkha Bahadur, Khadka, Ran Bahadur, Bhadra Bahadur et Kabilal ; qu’il les punisse conformément à la loi, attendu qu’ils ont occasionné la perte de 1 000 charges de fourrage nous revenant ; qu’il fasse payer proportionnément par lesdits seize « coupables » 40 roupies de dommages pour ces 1 000 charges de fourrage, à raison de 0,04 roupie la charge ; qu’il fasse enlever les maisons des susnommés non sujettes à l’impôt et les fasse transférer sur leurs propres terres anciennes soumises à l’impôt ; qu’il confirme les pâturages d’après les dispositions de nos ancêtres et fasse appliquer les règlements ; si lesdits « coupables » coupaient les bois, les bambous ghude, ninālo et jhāprā protégés par ordonnance et commettaient des méfaits, nous porterions une autre plainte ; si l’on n’approuve pas ces propos, nous ferons selon la loi. [...]
22Le plaignant veut réparation des préjudices : d’une part, 40 roupies équivalant au prix de 1 000 charges de fourrage, de l’autre, la destruction des maisons illégalement implantées. Qu’obtient-il ? Les « coupables » sont assignés à comparaître. Les voilà devant leurs juges. Ils s’engagent. Les maisons ne leur seront pas retirées. Voici leurs propos :
C’est pourquoi dorénavant, dans ces pâtures, conformément aux dispositions d’autrefois, qu’on interdise l’usage du fourrage à la pleine lune de candi ; en concertation entre frères les kipatiyā pourront, au mois de śrāvan [juillet-août] ainsi qu’à l’occasion du regain, installer les troupeaux et les mettre à paître ; les dhākre ne pourront pas nuire et mettre à paître ; attendu qu’on porta plainte contre nous dans la mesure où parmi nous les seize personnes de la liste, Khadka Bahadur, Birkha Bahadur, Dil Bahadur et Mangal Dhoj avaient installé les troupeaux sans consulter les frères, dorénavant, nous n’amènerons les troupeaux ni ne les installerons dans ces pâtures sans avoir consulté les frères ; nous qui, dans ces pâtures, avions construit des maisons et les habitons, à savoir les frères kipatiyā Kaman Sing Sunuwar, Rana Bahadur, Bhadra Bahadur, Kabilal et les sujets dhākre Dal Sing Sunuwar, Bahadur Sunuwar, Ritenji Bhote, Pachedar Bhote, Phurba Bhote, Kami Bhote, Kalu Bhote et Kala Bhote, nous possédons des maisons dans ces pâtures, mais tant que vous autres n’aurez pas installé vos troupeaux ni fait paître le fourrage, nous n’installerons pas nos bœufs de labour, vaches, bufflesses, moutons, chevaux, ni ne leur ferons paître le fourrage ;
nous aussi frères kipatiyā, tant que l’on n’aura pas installé les troupeaux de tous les frères, nous ne laisserons vaquer ni ne ferons pâturer nos vaches, bœufs, bufflesses, moutons et chevaux ; quant au droit concernant les chèvres et les chevaux, nous ne les laisserons ni dans les chaumes de millet, d’orge, de blé ni dans les tiges de maïs, ni dans le fourrage de pleine saison ; il nous faudra les mener paître uniquement dans les terres incultes, les fortes pentes ; si l’on considère que nous avons saccagé sans tenir compte de ces dispositions écrites, avons occasionné des pertes en fourrage dans ces pâtures de Dabre et de Surke, en vertu de cette conciliation, qu’on nous inflige des amendes au taux élevé de 5 roupies, au village en tenant conseil entre frères ou bien en se plaignant et punissant au tribunal de région ; nous ne porterons pas plainte. [...]
La forêt, le bien de tous
L’administration par l’État, la parole aux villageois
23La protection de la forêt au Népal, considérée indépendamment du droit des pâturages, n’est pas chose nouvelle ou l’affaire de ces dernières années seulement, produit des plus récents gouvernements dans les tout derniers conseils. Autrefois, dans certains cas elle accompagnait la propriété, dans d’autres elle était une servitude26. L’arbre et son respect figuraient au titre des sujets abordés par la jeune nation gurkha, et Jang Bahadur fit paraître en 1854 un texte à ce propos dans le Code, le premier de l’histoire du royaume. La protection apparut ensuite dans les lois successives, en pages plus nombreuses, ou bien sous la forme d’ordonnances que l’État remit dès la seconde moitié du xixe siècle aux villageois, comme par exemple à Salmé27 (Népal central), à Gulmi28 (Ouest), dans la région de Khimti (voir infra) ; elle était en vigueur ici ou là dans les années 1950 encore, lorsque les hommes souscrivaient à de vieilles coutumes, et je citerai pour exemple célèbre les Sherpa du Khumbu. Mais elle remonte à bien plus avant sans aucun doute. Il existait des traditions locales. Certaines dispositions avaient pu faire l’objet d’un écrit postérieur. Il en est ainsi des règles de Resunga, forêt sacrée, ancrées aux temps de Bir Shah roi de Gulmi, treize générations avant que le gouvernement de Gorkha ne fût en place, quand ce roi de Gulmi fit du lieu, moyennant titre, le domaine des vaches et celui de leurs éleveurs. C’est aussi le cas des règlements de la forêt commune à Rasnalu, à propos de laquelle on avait écrit en 1828 déjà, parce qu’elle représentait une réserve de biens indispensables (bois et fourrage, parcours de troupeaux) et une couverture pour les terroirs contre les effets dévastateurs de la mousson – en régulant, dans ce pays de fortes pentes, la circulation de l’eau depuis l’amont. La protection forestière est donc ancienne. Elle n’en a pas moins son histoire propre et se développe, notamment dans la seconde moitié du xixe siècle, dans un contexte particulier de croissances diverses concernant à la fois l’autorité de l’État, la démographie, la culture des terres au détriment des troupeaux, les échanges monétarisés. Ainsi depuis 1871 date de parution d’une des versions du Code, le gouvernement est engagé plus avant dans la protection des forêts : il apporte sa caution aux règles qu’on veut bien lui soumettre.
24En Khimti, la terre fait l’objet d’attributions, de divisions et de conflits entre les populations parfois. C’est le cas des pâturages, c’est aussi, dans la fin du xixe siècle, celui de l’espace forestier. À Betali, à Rasnalu, les habitants se plaignent. La forêt dont ils sont riverains leur échappe, ses produits, commercialisés, partent jusqu’à la ville. Arbres entiers brûlés pour alimenter des fours, les meilleurs chênes détruits, bois saccagés. Les responsables ? Des Tamang, des Bhote, des nouveaux venus. Certains (au-dessus de Betali) sont des cultivateurs spécialisés. Ils produisent la pomme de terre selon la vieille technique du khoriyā (essartage et brûlis). D’autres, sous le sommet de Tambe (territoire de Rasnalu), sont des mineurs Khanel, des fabricants de fer. L’État, par sa fiscalité et ses besoins, favorise cette industrie. C’est à lui que s’adressent soixante-douze personnes – dont le responsable des rizières, le jimmāwāl Samar Dhoj Sunuwar –, réunies à Rasnalu, un jour de juin 190429. Ils disent :
Dans les bois de notre circonscription villageoise kipat appelée Rasnalu, le lama dit Sarke coupe des arbres, défriche la forêt, dégrade et cultive, mais en raison du charbon de bois nécessaire au gouvernement, nous tolérons que l’on essarte la forêt sauf dans notre réserve des 300 foyers ; ces temps-ci, ledit Sarke lama fait venir d’autres personnes, des Newar ; ils coupent les arbres de notre réserve, au seuil et à la porte de nos maisons, sur les berges et aux sources des ruisseaux ; ils coupent les bois protégés, défendus, entretenus depuis très longtemps en vertu de conseils tenus entre nous sujets, une ordonnance ayant paru naguère en l’année 1885 VS [1828] ; ils coupent de petits arbres ; ils s’adonnent à des brûlis et cultivent ; faisant venir d’autres personnes, Khanel des mines, Newar, déboisant, brûlant, faisant des brûlis et cultivant, ils provoquent l’épuisement de notre réserve et des berges, provoquent le tarissement de l’eau nécessaire aux 372 rizières enregistrées au nom de notre circonscription villageoise, provoquent des glissements de terrain, la dégradation de nos maisons et de nos champs, des rizières ; nous avons subi de graves préjudices ; Altesse, en plaidant auprès du gouvernement, nous voudrions que soit réalisée au nom du mukhiyā Laksuman Sunuwar une ordonnance afin d’assurer la protection et l’entretien des bois situés à l’intérieur des quatre limites suivantes, à savoir :
– à l’est de la rivière Chahare, de la crête de Dhunga Gade, de la rivière Bhitari,
– à l’ouest de Rata Pani, l’Eau Rouge, et de la rivière Pokhari, l’Étang,
– au nord de Tabe Gorase,
– au sud de la rivière Khimti [...].
Altesse, que cette administration délivre une ordonnance [...] disant : dans les bois ainsi mentionnés, utilisez ce qu’il faut pour quelque usage que ce soit en vertu des conseils donnés par le tālukdār ; si quelqu’un coupe les bois en dépit de ces avis, le citāīdār le saisira, l’emmènera au proche tribunal et le fera punir [...].
25Suit alors cette enquête de l’administration des forêts demandant au corps d’armée de Melung, chargé de l’inspection des forêts de la région :
Quand on a coupé, défriché cette forêt, les sources d’eau des 372 [?] rizières se sont-elles taries oui ou non et les villageois ont-ils oui ou non une réserve ? L’armée répond : il s’avère que dans l’ordonnance de l’année 85 VS [1828], les quatre limites demandées maintenant par ledit Laksuman Sunuwar pour l’entretien des bois n’ont pas été indiquées ; [... elle dit bien] de ne pas couper d’arbres et de ne pas défricher de champs khoriyā mais seulement de haut en bas des 372 rizières et aux sources des ruisseaux [...].
26La réponse de l’administration des forêts est celle-ci :
Nous avons considéré qu’il fallait octroyer au nom de Laksuman Sunuwar demeurant à Rasnalu ainsi que du tālukdār et des sujets de ce village, une ordonnance de contrôle forestier disant : on ne coupera point d’arbres vifs ; on ne défrichera pas de terres khoriyā, lohase ; personne à l’exception des chasseurs de haut rang n’a le droit, pour chasser, de saisir à l’aide de gluaux, de collets ou de lacets, les animaux qui se trouvent dans cette forêt, ni de les chasser, ni de les abattre ; qu’on interdise cela ; personne ne peut contrevenir à ce qui est écrit ; si certains le font, vous mènerez au tribunal d’État proche de la forêt lesdits coupables et les ferez punir selon la loi ; vous-mêmes ne contrevenez pas ainsi ; assurez la défense forestière en suivant les dispositions mentionnées ci-dessus [...].
L’administration locale aux ordres de l’État
27À la fin du xixe siècle et au début du suivant, la protection forestière variait d’une localité à l’autre. Certains villages disposaient d’une ordonnance et d’autres pas. En outre, les documents faisaient état de réalités différentes. Celles de Rasnalu n’étaient pas celles de Betali, qui n’étaient pas celles de Those. La loi de l’époque (code de 1871) avait imposé que chacun plaide s’il désirait une caution de l’État à la défense de la forêt. Il était laissé libre cours à la parole des villageois. Néanmoins on reconnaîtra, en arrière-plan de la diversité, des éléments communs : l’arrivée de nouvelles populations, des économies spécialisées destructrices d’environnement, fondées sur le commerce et l’argent. À Rasnalu, Sarke Lama était tenu pour responsable du défrichement30 ; forts de l’ordonnance octroyée, les Sunuwar lui intentèrent un procès qui fit grand bruit dans la vallée de Khimti. Frappé d’une lourde peine, l’homme avec les siens (16 familles) fut amené à cesser toute son industrie. La descendance de ces mineurs vit aujourd’hui dispersée dans la région, et rien ne reste de leur ancien hameau sous la montagne de Tambe sinon quelques souvenirs.
28Rasnalu avait bénéficié pour ce procès de deux ordonnances ministérielles, une de 1904 dont il vient d’être question et une de 1909, issue d’une réforme. Quelle réforme ? Au début du siècle, l’État s’est engagé plus avant dans la protection des forêts. Un texte en donne la raison générale : « Les forêts sont dévastées31 ». Or, dans la région du Kirant proche (Est n° 2), les villageois se plaignent sur différents sujets. L’article 7 d’une longue ordonnance32 signée de Chandra Shamsher Rana, Premier ministre alors, est la réponse concernant la forêt :
Aux tālukdār, thari, mukhiyā et sujets des différents villages de la juridiction de Dolakha, Est n° 2, [...] à ceux qui plaidèrent en disant que dans les bois situés dans vos différentes circonscriptions villageoises, l’armée effectuant une inspection tous les six mois saisissait et tracassait même ceux qui ne coupaient point d’arbres, nous disons : « Retirant de la juridiction de l’armée les bois situés à l’intérieur de vos circonscriptions villageoises, nous en donnons la responsabilité à vous, tālukdār et sujets ; protégez, entretenez et mettez la forêt en valeur ; en tenant conseil entre vous tālukdār et sujets, accordez à quiconque s’il en a besoin qu’il prenne les arbres secs et tombés de cette forêt ; s’il faut couper des arbres nécessaires pour construire des maisons, tenant conseil entre vous tālukdār et sujets, accordez que l’on coupe le bois, autant que nécessaire pour bâtir les maisons et sans abîmer la forêt ; si quelqu’un ne respectant pas le règlement a défriché “sans compter” et dégradé la forêt mentionnée, saisissez-le et menez-le au tribunal, faites-le punir conformément à la loi ; afin de vous constituer une ordonnance de contrôle forestier en y mettant les limites, inscrivez les quatre limites de votre propre circonscription ainsi que les noms des bois et donnez-en le rapport à l’administration forestière ; alors, par l’intermédiaire de cette administration, ayant fait rectifier les registres conformément aux usages, vous obtiendrez une ordonnance de contrôle forestier ; si des agents sont dépêchés depuis le chef-lieu pour une inspection forestière et si l’on considère que vous avez défriché la forêt “sans compter”, on vous punira conformément à la loi. [...] »
29La réforme introduit donc la responsabilité directe des villageois dans la protection forestière. Ils sont, selon les termes de la loi, sujets à l’inspection. Leurs représentants doivent tous se présenter auprès de l’administration pour recevoir une ordonnance ministérielle. Jusqu’en 1907, ces documents, manuscrits, contenaient des règlements. Ils portaient le double sceau du ministère, ils étaient néanmoins originaux, propres à chaque village et l’expression même des habitants puisqu’ils émanaient de leurs dépositions. Leur constitution demeurait facultative. Dans la gestion des forêts, l’État était alors dans la situation de l’arbitre, y compris vis-à-vis de sa propre administration (bureaux, militaires). La réforme bouleverse ces principes. D’une part, elle laisse aux localités l’entière responsabilité de la gestion des forêts en supprimant les niveaux d’autorité intermédiaires. De l’autre, elle impose une réglementation semblable à tous les villages. Les documents forestiers parus après la réforme font état des mêmes contenus que voici :
30Extrait de l’ordonnance au village de Hanba33 :
Ne laissez personne couper d’arbres vifs, mettre le feu, défricher des champs khoriyā, lohase et s’adonner aux brûlis, poser des gluaux, des collets, des lacets et chasser, saccager ; vous-mêmes ne contrevenez pas à ce qui est écrit ; pour le bois, tenant conseil entre vous tālukdār et sujets, en fonction des besoins de la personne, accordez qu’elle prenne les arbres secs et tombés ; s’il faut couper des arbres vifs pour construire des maisons, des étables, des auberges, des abris, des passerelles et des ponts, accordez que l’on prenne de façon raisonnable le bois d’œuvre indispensable : s’il en faut au tālukdār, il consultera les sujets, de même que s’il en faut aux sujets, ils consulteront le tālukdār ; dans la mesure du possible on coupera, préservant les branches mères, parmi les autres branches, les branchettes, les arbres secs et tombés ; sinon, préservant les haltes, les sources des ruisseaux, les sanctuaires, la réserve et les berges, procédant de façon dispersée dans les bois, avec le souci de ne point abîmer la forêt, choisissant les endroits devenus touffus, avec l’intention d’éclaircir la forêt, raisonnablement, les arbres très grands, très vieux et parvenus à maturité ; saisissez les personnes qui dans cette forêt ne respectent pas ce règlement écrit et contreviennent à ce qui est indiqué, menez-les au tribunal d’État voisin et faites-les punir selon la loi ; si, conformément à ce qui est écrit, des agents sont dépêchés depuis le chef-lieu pour effectuer une inspection forestière et si l’on considère que vous n’avez pas respecté ce règlement, que vous avez coupé « sans compter », défriché, que la forêt a été saccagée, on vous punira d’après la loi ; sachant cela, assurez la protection et l’entretien de la forêt.
L’administration sans l’État
31Une histoire du Népal dans les rapports d’autorité aurait montré que l’État, depuis ses origines à la fin du xviiie siècle, n’a cessé de renforcer son emprise sur le territoire et les peuples qu’il rassemble. L’évolution de la réglementation des forêts, entr’aperçue dans l’examen de quelques textes, illustre le changement. L’intérêt de la puissance publique pour les forêts grandit, depuis la protection de l’arbre sacré et solitaire de la première version du Code en 1854, à celle de bois que quiconque voulait bien défendre, selon les termes de la loi de 1871, jusqu’aux forêts du royaume tout entier au terme de la réforme de 1907. La réforme, en effet, n’est pas cantonnée à l’Est n° 2, elle se trouve être élargie à tout l’Ouest après 1910, à l’ensemble des territoires montagnards après 1913. C’est que, se fondant sur des rapports montrant que des punitions étaient bel et bien infligées à ceux qui coupaient les bois, l’administration juge les nouvelles mesures positives.
32Extraits de l’ordonnance forestière de Gulmi (Ouest)34 :
Conformément à ces rapports, des ordonnances de protection forestière furent constituées dans le secteur Est ; d’après un rapport faisant état de punitions pour ceux qui coupent les bois des régions de l’Est 1 et 2, le dimanche 10e jour de māgh de l’année 66 VS [1909], le bureau du khadga nisāna décida de protéger, d’entretenir, de défendre les forêts du secteur Ouest comme dans l’Est. de constituer des ordonnances comme dans l’Est, y compris d’effectuer des inspections de temps à autre.
J’ai plaidé pour la raison que conformément aux précédents rapports, on avait bien fait ce qu’il fallait pour constituer des ordonnances aux noms des tālukdār de l’Est et de l’Ouest 1,2, 3 et 4, mais rien pour constituer des ordonnances au nom des tālukdār des zones boisées de toutes les collines dans les circonscriptions hors des lieux précédemment cités. [...]
33Cependant, pour quantité d’affaires relatives à la protection forestière, les règles s’entendent sans qu’il soit nécessaire d’en rendre compte à l’État, ou sans même qu’il en soit le juge. C’est le cas notamment des bois proches, dans le cadre habituel des relations quotidiennes. Elles peuvent être réitérées notamment à l’issue d’un conflit dont on aura voulu qu’il serve aussi d’exemple.
34Extrait d’une convention signée par cent cinquante et une personnes au tribunal local amāl de Betali35, règlement de l’espace boisé d’un versant tout entier jusqu’à la forêt des crêtes :
Dorénavant, dans les bois d’altitude, les bois du milieu du village, les bois de basse altitude, dans le haut et le bas des rizières, à proximité de la rivière Khimti, aux sources d’eau, aux fontaines, aux haltes, dans les bois des différentes terres mentionnées dans la liste,
s’il faut construire des maisons, des étables, des auberges, des abris, des ponts, utilisez le bois nécessaire en consultant les tālukdār et les notables de tout le village ;
si vous coupez de votre propre main, illégalement, le bois de ces forêts, conformément aux ordonnances mentionnées ci-dessus et à la loi, les tālukdār vous mèneront au tribunal de village et vous feront punir ;
à propos des bois et du fourrage de basse altitude, à l’exception des bœufs de labour et des vaches laitières, vous n’installerez pas de bufflesses en asār [juin-juillet] ;
après que l’on a achevé le désherbage des rizières, selon la tradition, « lié les pierres » aux pieux au bord de l’aire défendue et d’après la coutume, punissez d’amende au tribunal de village ceux qui, franchissant ces limites, font paître et coupent le fourrage ; ensuite, après avoir coupé le riz des basses terres en mansir et achevé la constitution des meules, qu’on amène les troupeaux dans les rizières, les troupeaux du gouvernement d’abord si les troupeaux de Sa Majesté le roi viennent, les troupeaux des sujets ensuite, et qu’on assure la fumure dans les rizières ;
faites punir celui-là qui ne respecte pas ces règles donc, qui saccage, coupe le fourrage des basses terres, défriche la forêt, coupe du bois de feu, ainsi que celui qui, ne s’adressant pas au tālukdār, fera couper des arbres au sommet du village, dans le milieu du village, aux fontaines d’eau, haltes et sources d’eau des rizières ; nous ferons selon la loi ;
35Liste
dans la forêt dense de Baguwa, coupez les arbres secs le jour où l’on dessert le sanctuaire de Langka, de Shri Mahakali, autrement ne coupez pas ;
dans les bois de Lahatahar de Lama Caur [la prairie du lama], Duduwa, Thotneri, Mul Pani [l’eau principale], Jagera [la réserve], Nun Thala [l’aire du sel], Okhar [les noyers] Bhoai, Bhimsen Than [le sanctuaire de Bhimsen], Til Khoriya [les essarts de sésame], assurez la protection des arbres fourragers ; autrement, pour vos travaux, utilisez le bois en demandant au tālukdār ; ne coupez ni avant ni après ;
que personne ne défriche les bois et les broussailles de Dewali Tara ;
que personne ne défriche les bois de Patle Sim [marais de Patle] et de Asare Pani Kula Khet [les rizières, les canaux et l’eau d’Asare] dans les vieux bosquets du village et le bois entretenu maintenant par Jodu Karki, pour quelque usage que ce soit, ne coupez pas sans interroger le tālukdār ;
que personne ne coupe les bois et les broussailles des bosquets, des prairies et de Juke Pani [eau à sangsue] ;
pour quelque usage que ce soit hormis les abris des aires de battage, ne coupez pas les Shorea robusta et les pins de Paire dans le bas des basses terres des Bahun, ainsi que les Shorea robusta, les pins et autres bois de la forêt dans le haut et le bas des basses terres de Sera Jamune Jaisi.
*
* *
36Dans la vallée de Khimti, les populations les plus anciennement établies, Bhote à l’amont, Sunuwar à l’aval, bénéficiaient autrefois du droit kipat, propriété inaliénable et libre d’impôt, privilège au sein de la nation népalaise. Il s’appliquait indistinctement aux maisons, aux champs qui les entouraient, aux terrasses, aux rizières, depuis la rivière jusqu’aux sommets. Il incluait donc le vaste espace sauvage, les bois et les friches, ceux du bas de versant, la grande forêt profonde en direction des crêtes, il comprenait la pâture – celle d’été, de 2 000 m à l’écart des cultures jusqu’en forêt, et celle d’hiver, sur les murettes des champs enterrassés en jachère dégarnis des récoltes. Parce que la propriété était collective, des règles internes s’imposaient à l’usage. Les hommes, souvent des frères de clan, se réunissaient, proposaient. La décision appartenait au mukhiyā, l’aîné d’entre eux, tandis que son exécution incombait à des adjoints. Alors ils obéissaient aux ordres, à ceux du gardien de la forêt qui surveillait les coupes, à ceux du gardien des pâturages qui ordonnait de monter ou démonter les étables mobiles.
37Bhote et Sunuwar possédaient les terres sauvages en vertu du droit kipat. Ils n’en étaient pas toujours les seuls usagers. Ainsi, le roi s’était octroyé deux pâtures par village et de surcroît exigeait que les villageois participent à des travaux comme porter les éléments des étables et les construire, aménager les parcours, garder les bêtes, acheminer le riz et le sel, porter le beurre jusqu’à sa capitale. Pour mener leurs troupeaux de vaches et de bufflesses, des Chetri installés dans les basses terres avaient disposé parfois de titres relevant soit du droit commun (raikar), soit d’un privilège (birtā). Certains, faute de meilleure preuve, faisant valoir leur droit de créditeur, obtenaient un accord sur les pâturages mis en gage. D’autres encore, dans une situation plus précaire, n’avaient comme arguments pour installer des troupeaux que la fertilisation des cultures, car qui peut séparer le droit de fumer de celui de pâturer ? Aussi l’inaliénabilité de la tenure kipat était une chose, une autre était la réalité à laquelle n’échappaient guère les terres sauvages en dépit de l’usage collectif auxquelles elles se trouvaient pourtant soumises.
38Les dispositions de protection de l’espace sauvage, dont témoignent des textes antérieurs à 1950, voire dans certaines circonstances du début du xixe siècle, relevaient de la propriété du sol, indépendamment de son statut. Elles visaient à le défendre contre toute menace. Ou bien elles s’adressaient aux ayants droit eux-mêmes, au moins à la partie d’entre eux qui, voulant en modifier les usages, en contestaient les fondements : à Rasnalu, au sein de la communauté kipatiyā, des usagers s’étaient disputés, les uns soutenant l’intégrité des pâturages, les autres tenant à leur partage. Ou bien elles s’adressaient à d’autres : Bhote kipatiyā de la haute Khimti où des familles indo-népalaises, tout comme le roi, détenaient des pâturages ; Bhote venus tardivement s’installer sur les crêtes de deux villages, l’un sunuwar, l’autre chetri. Les terres sauvages étaient menacées en effet. La démographie croissante était en cause. Elle donnait lieu d’une manière générale à l’extension et à l’intensification de l’agriculture. À cela s’ajoutait le développement de l’industrie et du commerce dont l’activité des mineurs bhote sous le sommet de Tambe était un des aspects. Ajoutons encore, dans les deux cas, les encouragements de l’État qui souvent octroyait des titres de propriété en s’adressant aux villageois ainsi : « faites construire et peupler » ; « faites prospérer votre village et multipliez les foyers ; faites mettre en culture » ; « donnez des terres ». Aussi les hommes défrichaient-ils, essartaient, plantaient l’igname et semaient la pomme de terre, procédaient à des brûlis « ravageurs » y compris dans les basses pentes, abattaient de grands arbres, coupaient des jeunes plants, construisaient des maisons, cultivaient, détruisaient partout, jusque sur les berges et aux sources des ruisseaux, ajoutant encore à ces désastres la venue de leurs troupeaux et ceux des autres...
39Sur tout le périmètre des pâturages, des piquets au bout desquels une pierre est attachée sont dressés : l’herbe est protégée. Elle peut bien pousser car les délais de la défense sont grands : deux mois, trois mois, quatre, cinq... Depuis, au moment du désherbage du riz en août, ou à la pleine lune de candi, ou à celle d’asār, ou le premier jour de sāun, nul ne peut couper le fourrage foliaire et l’herbe, mener paître des animaux. Il ne faut pas non plus défricher, mettre en culture, construire de nouvelles terrasses, labourer à l’araire et à la houe, abattre les arbres, détruire les bois et les broussailles, bâtir, cultiver l’hiver dans les pâtures d’hiver et cultiver l’été dans les pâtures d’été. Le gaurung le fait savoir. L’avertissement ne peut être plus clair. Quelqu’un enfreint-il le règlement ? Sur la pâture défendue, il a construit ; il a mené des troupeaux, monté une étable ; il s’est adonné à des brûlis. Alors, qu’il soit dénoncé, saisi et puni conformément à la loi ! Telles étaient les règles de pâturage. Qu’en était-il de la forêt ? Elle constituait une réserve de biens utiles, évitait le tarissement des sources et les glissements de terre, notamment dans les ravines menaçant les terres irriguées, près des berges, le long des ruisseaux. Sa protection ressortissait d’une tradition orale ancienne. C’est dans la seconde moitié du xixe siècle que, de manière significative, elle était apparue à l’écrit, spécifiquement et séparément de la question des pâturages. La fonction des terres sauvages avait changé au fil du temps. De pastorale, itinérante, temporaire, elle était devenue agricole, sédentaire et permanente. Des clivages étaient apparus. Ils opposaient les paysans à de nouveaux venus, dont le mode de vie reposait sur le commerce et l’industrie, fusse-t-elle, cette industrie, fondée sur le produit agricole et des techniques traditionnelles. Aux règles de la propriété on ajouta les besoins du voisinage, le droit de servitude des habitants. Lakshman fort de ses soixante-douze signatures plaida la double cause locale et familiale, la résidence et l’héritage de la propriété, le versant et le kipat, Rasnalu dans son ensemble et les Sunuwar, le territoire et la lignée. Plus tard, devant des juges, le mukhiyā Parath poursuivit en présentant les deux catégories de preuves.
40La réglementation forestière régulait les rapports de l’homme à la forêt. Elle imposait des limites à la liberté de prélèvement ; il convenait d’user de la réserve avec économie, de se limiter au strict nécessaire, à son foyer, de ne pas cultiver sur brûlis, ne pas chasser, ne pas couper n’importe où, en saccageant. Il fallait agir de manière à préserver ce que la nature recelait de fragile et d’essentiel : dans l’arbre, couper les branches secondaires et non pas la branche mère ; choisir les bois secs et tombés plutôt que les bois vifs ; préférer l’abattage des arbres de peu d’utilité ou bien très grands, très vieux, parvenus à maturité, à celui des arbres de grande valeur comme les Shorea robusta, les pins, les arbres fourragers ; tailler les bambous d’espèces communes plutôt que les bambous d’espèces rares ; ne pas défricher, couper et élaguer près des sources des ruisseaux et des fontaines, près des berges, des rizières, dans les haltes, les lieux que l’on tenait pour réserve, les sanctuaires. L’homme collecterait de façon dispersée avec une intention, celle d’éclaircir dans les endroits touffus, de préférence à bonne distance du village, en direction des terres hautes plutôt que dans les basses : sur la forêt, il veillerait. Ce droit à la forêt riveraine, dont on répétait maintes fois qu’il était profondément enraciné dans la coutume avait donc émergé peu à peu. À Rasnalu, au début du xixe siècle, il était apparu à l’écrit, simple document auquel il manquait les indications du périmètre. Ensuite, il y avait eu la parution des codes, le premier de 1854 qui traite de l’arbre en un petit chapitre. Puis d’autres versions plus importantes suivirent sur lesquelles l’État put se fonder pour octroyer des ordonnances en assez grand nombre. Divers villages de la Khimti, comme Those, Betali, puis Rasnalu, obtinrent ainsi les leurs. Ensuite un même droit avait fini par s’imposer partout dans les basses et moyennes montagnes du Népal.
41Tel était donc, à l’écrit, le droit de l’espace sauvage qui s’appliqua jusqu’en 1950. Il s’agissait de défendre un patrimoine, qu’il fût un pâturage ou des bois qui formaient l’environnement des villages. Aujourd’hui, la gestion de la forêt népalaise est l’objet de débats. Après quarante années d’un pouvoir exercé par l’État et lui seul, on découvre les vertus d’une responsabilisation locale, communautaire et communale, villageoise et forestière. Nouveauté ? Il aurait pu le sembler à ceci près qu’une décision inspirée d’une conviction semblable fut prise presque un siècle plus tôt, dans les termes autoritaires du gouvernement Rana, à l’échelle de la nation. À l’époque, en effet, l’État s’alarme et constate à la fois la coupable incurie de son administration forestière – les militaires – et l’état dévasté de ses forêts. On parlera plutôt de restauration de pouvoirs donc, même si le contexte est différent. Car l’espace boisé, qui tend à redevenir sauvage aujourd’hui36, n’est plus ce qu’il était, un espace où l’on puisait sans compter, creuset de peuples qui se partageaient l’héritage de la propriété d’un versant, se disputaient à propos d’herbe et se rassemblaient dans la défense de leur cause commune. Il n’est plus terre kipat. ni terre de quiconque, terre pâturée, et ne constitue même plus une ressource, puisqu’il n’y a plus à y puiser, faute de grands troupeaux à y mener. Alors quelle fonction reste-t-il à ce manteau forestier qui est toujours là, si ce n’est celle, écologique, de protéger les terres au-dessus des villages et d’assurer la pérennité de l’indispensable milieu des activités humaines ? C’est là assurément, dans les débats qui le concernent, l’ultime point de convergence et d’accord.
Notes de bas de page
1 Voir, par exemple, Hofer, 1993.
2 Voir Gilmour et Nurse, 1991 ; voir aussi le chapitre xvii, « Un paysage de bocage. Masyam et le hameau de Kolang » (T. Bruslé, M. Fort, J. Smadja).
3 Une trentaine de textes rassemblés et traduits dans Muller, 1986a ; voir également Muller, 1984 et 1986b. Les documents ont été trouvés sur place, chez des chefs de village, auprès de leurs descendants, chez les Chetri notamment, dont une habitude, qui nous est utile, est de garder tous les papiers et de recopier ceux des autres parfois. Quelques textes présentés ici font exception, précisément ceux concernant les troupeaux du roi à Jiri, que je dois à J.-C. Marize, historien, qui travaillait dans les années 1980 au dépouillement de textes à Lagat Phat, Katmandou.
4 Je renvoie aux travaux des historiens du Népal, notamment à ceux de M. C. Regmi (1976, 1978 a et b, 1988).
5 1862 VS, cait, 12e jour de la quinzaine sombre (mars-avril 1806). VS : Vikram Sambat. L’ère de Vikram, en usage au Népal, commence 57 ans avant l’ère chrétienne.
6 La crête des Magar est à l’est de la Dudh Kosi, en particulier à l’est d’un affluent de celle-ci. la Rawa Khola.
7 La crête de Mayam se trouve entre les vallées de Sun Koshi et de Tamba Koshi ; le col de Halahuli n’est pas repéré.
8 Un document non reproduit ici de l’an 1895 VS, baisākh 9e jour de la quinzaine sombre, jeudi (avril-mai 1838), fait mention de sarrasin et de moutarde.
9 Forme de tenure foncière (d’après Gaborieau, 1977) ; le terme désigne ici les goth, en particulier ceux du roi.
10 En 1838 (selon le document cité plus haut), les goth sont présents à Dolakha, Ramkot (rive occidentale de la Tamba Kosi), Phalgu, Dhuni, Katakuti (non repérés), Phasku (rive occidentale de la Tamba Kosi, au Sud de la Charnawati), Jiri. Khimti, Betali (Khimti Khola), Japhe (rive orientale de la Tamba Kosi), Pirti, Bhuji (Likhu Khola), Kothya, Tilyakhu (non repérés), Svalu (localité riveraine de la Solu Khola ?), Doluna, Kusiya (non repérés), Sabhra (Likhu Khola), Phaplu, Cisangkhu, Naica (rive occidentale de la Dudh Kosi), Deusya. Mukhali (rive occidentale de la Dudh Kosi, au nord de la Soin Khola), Tingla (rive sud de la Solu Khola).
11 Hamilton, 197 I, P- 165 : « One day to Jirikampti, where the Raja of Gorkha lias 10,000 or 12,000 cows on fine plain land, kept waste on purpose. »
12 Indo-Népalais, notamment Chetri si l’on se réfère, par exemple, aux noms que portaient les gothālo mentionnés dans un document non reproduit ici de l’an 1858 VS. paukha, 5e jour de la quinzaine claire, vendredi (décembre 1801-janvier 1802) : les pasteurs Parsuram Khadka, Jasaram Khadka, Atal Basnyat. Pitman Karki.
13 Document de l’an 1863 VS, bhādra, 14e jour de la quinzaine claire (août-septembre 1806), adressé au gothālo Barja Barna Karki, l’ancêtre fondateur des Karki de Rasnalu.
14 Document de l’an 1872 VS, śrāvan, quinzaine claire (juillet-août 1815), à propos de la succession de la charge d’un goth à moutons.
15 Bhote : ici des Sherpa venus du Nord, installés dans le Solu, les hautes vallées de Tamba, Khimti et Likhu, bien avant les temps de la conquête gurkha ; le terme « Kirant » est appliqué aux Rai, quoique les Sunuwar relèvent aussi du groupe des Kirant parmi lesquels on distingue, entre autres, les Limbu, les Hayu, les Jirel, les Surel.
16 Rappel : ces règlements sont réaffirmés à l’occasion des litiges. Par exemple, en 1801,1822, 1838.
17 Localisation précise : à Tilpung dans le cours inférieur de la Tamba Koshi, à Haluwa et Namari sur la rive orientale de la Khimti Khola. dans le Solu au nord-est. Elles ont pour nom Bancare, le village d’origine, Ragani et Salapu (avec Selapu et Holapu ?) en rive orientale de la Likhu, Sarva Khasa, Dorje et Chertung (pour Chordung ?) au nord de Those, dans le cours supérieur de la Khimti Khola.
18 En l’an 1848 VS, caitra, 13e jour de la quinzaine sombre, mardi (mars-avril 1792). Siège : Katmandou capitale.
19 En l’an 1882 VS, māgh, 5e jour de la quinzaine claire, dimanche (janvier-février 1826) ; siège tribunal d’atnāl, Yakang.
20 En l’an 1931 VS, akhād, 14e jour de la quinzaine claire, dimanche (juin-juillet 1874).
21 En l’an 1944 VS, mārga, 13e jour de la quinzaine sombre, dimanche (novembre-décembre 1887).
22 En l’an 1965 VS, marga (novembre-décembre 1908).
23 En l’an 1882 VS, mois de mārga, 10e jour de la quinzaine claire, mardi (novembre-décembre 1826).
24 En l’an 1978 VS, paukha (décembre 1921-janvier 1922) et en l’an 1978 VS, 15e jour de māgh, samedi (janvier-février 1922).
25 À Rasnalu, le titre de mukhiyā était tenu à tour de rôle entre plusieurs familles.
26 Les habitants de Rasnalu ont utilisé le mot sandhi sarpan (sensu stricto « droit de passage », autrement dit ici « droit lié à la résidence ») ; je traduis par « réserve collective ou servitude ».
27 D’après un document que Denis Blamont (CNRS) m’a communiqué.
28 Voir Muller, 1986b.
29 En l’an 1961 VS, 10e jour de jeth, dimanche (juin-juillet 1904).
30 Il y eut aussi échange de quelques coups de poing. L’anecdote et l’histoire interfèrent parfois.
31 Extrait de l’ordonnance du 21e jour de baisākh, 1965 VS (avril-mai 1908).
32 En l’an 1964 VS, 3e jour d’asār, mardi (juin-juillet 1907).
33 En l’an 1965 VS, 27e jour d’asauj (septembre-octobre 1908).
34 En l’an 1973 VS, 25e jour de baisākh (avril-mai 1916).
35 En l’an 1970 VS, 16e jour d’asauj, mercredi (septembre-octobre 1913).
36 En Khimti, on note depuis quelques années un retour des léopards. La loi les protège, tandis que la présence humaine en forêt tend à faiblir. Coïncidences ?
Auteur
Postdoctorant, géographe
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