Chapitre X. L’État népalais et la transformation des paysages d’après les documents administratifs des xviiie et xixe siècles
p. 317-338
Texte intégral
1L’État traditionnel est communément perçu comme foncièrement prédateur, soucieux seulement de maximiser ses revenus, et ignorant des équilibres écologiques. Si son action influe sur la transformation des paysages, ce ne serait qu’inconsciemment, par l’effet de sa politique fiscale et de ses lois foncières. La politique écologique ne serait apparue qu’après l’avènement de l’expertise scientifique et la mise en place des « politiques de développement ».
2On montrera ici : premièrement qu’il existait une conscience écologique au Népal il y a au moins quatre siècles au niveau de l’État, notamment que le rôle des arbres dans le maintien de la stabilité des sols et des ressources en eau était connu et faisait l’objet de réglementations ; ensuite, que l’État népalais des xviiie-xxe siècles entretenait une conception idéale de l’utilisation des terres, de la gestion des ressources et du paysage, celle d’un Népal peuplé et rizicole, et qu’il mobilisa des moyens en vue de sa réalisation. On ne présentera pas une histoire systématique des politiques et législations s’appliquant à la gestion de ressources mais un ensemble de textes éclairant la philosophie de l’État népalais dans ce domaine1.
De la protection des arbres
L’édit suivant est proclamé : les forêts doivent être préservées près des points d’eau. Si les arbres font défaut, il n’y aura pas d’eau lorsque l’on en cherchera. Les points d’eau seront à sec. Si les forêts sont abattues, il y aura des éboulements. Si les éboulements sont nombreux, cela causera des destructions. Ces accidents n’épargneront pas les parcelles irriguées. Sans forêt, le travail du maître de maison ne pourra être accompli. C’est pourquoi celui qui coupera du bois dans la forêt près des points d’eau sera puni de 5 roupies2.
3Ce 14e édit du roi de Gorkha, Ram Shah (1606-1636), inclus dans le premier code juridique connu pour le Népal des montagnes, est d’une valeur inestimable quant au sujet qui nous préoccupe ici3. Il atteste d’abord de l’ancienneté des mesures officielles de protection de la forêt au Népal. Il montre surtout que le lien était parfaitement établi à l’époque entre les arbres, le maintien des sols et la disponibilité en eau. Il nous renseigne enfin sur les motifs pragmatiques et idéologiques qui sous-tendent la protection des arbres.
4On peut sans trop de risques suggérer que le texte reflète des connaissances courantes parmi les paysans de Gorkha, principauté de petite taille où le savoir écologique des dirigeants ne devait guère différer de celui de la population.
5On ne peut dire si la rédaction d’un tel édit fut motivée par une dégradation particulièrement alarmante du milieu à l’époque, ou s’il s’agit de la simple traduction juridique d’une attitude de précaution. Quoi qu’il en soit, les éboulements (pahiro) sont alors suffisamment nombreux pour préoccuper les autorités. Le phénomène est donc loin d’être récent, et c’est sans doute parce que depuis longtemps il fait partie de l’expérience immédiate des paysans que son mécanisme est si bien décrit ici.
6Si l’édit précédent, le 13e, proscrit la coupe des arbres le long des chemins « afin de protéger les passants de la chaleur », dans ce 14e édit, le législateur indique explicitement que le souci majeur qui motive la protection de certaines zones boisées réside dans la protection des terres irriguées. L’indication est importante puisqu’elle suggère qu’aux yeux du législateur il s’agit là d’un domaine agricole privilégié, essentiel à l’économie du royaume. Exprimé dans les termes caractéristiques de l’idéologie hindoue, si l’irrigation est compromise, « le travail du maître de maison ne pourra être accompli ». Or de cela, le souverain est responsable. Le 12e édit, prescrivant la protection des pâturages, est explicite à cet égard : « Il est difficile aux brahmanes de trouver leur pitance et de cela le roi peut être coupable. » Dans l’idéologie hindoue, le devoir premier du « maître de maison » (grhasthī) est la prospérité ; le rôle du roi est d’en garantir les conditions.
7Les principes posés par cet édit permettent de comprendre la politique écologique de l’État népalais aux époques suivantes. En outre, les termes mêmes de l’édit constituent un modèle de référence dans les textes des xixe et xxe siècles relatifs à la gestion des forêts. On le constatera dans les documents présentés plus bas, tant dans les requêtes provenant des sujets que dans les ordres émanant du gouvernement.
8La première codification écrite du droit civil après l’unification népalaise (1769- 1805), le Muluki Ain de 1854, comprend une section entière consacrée à la forêt. Son deuxième article réitère les mesures édictées par Ram Shah, dans une formulation plus concise, d’où a disparu la description du mécanisme érosif :
2. Le propriétaire lui-même ne devra pas abattre d’arbres plantés sur le bord des chemins et auprès des sources [padherā] ou des canaux d’irrigation4.
9Mais avec le Muluki Ain les interdictions s’étendent beaucoup plus loin :
1. Quiconque abattra des arbres sur une zone où un décret l’interdit ou sur un guthī, birtā ou bekhchāp [domaines exemptés d’impôts] qui ne lui appartiennent pas sera puni d’une amende de 4, 3, 2, ou 1 roupies en fonction de la catégorie de l’arbre (abat, doyam, sim, cahar). Le bois sera rendu au propriétaire.
3. Il est interdit aux titulaires de terres [non imposables : guthī, sadavarta, bekhchap et manachamal], de « terres imposables » [rupaiyā tiri khānyā] et de jāgir [tenures-salaires], sur l’ensemble du territoire du royaume de Gorkha y compris le Téraï, de couper des arbres afin d’en vendre le bois. Cela n’est autorisé que pour [l’édification des] maisons, jardins et vergers...
4. Un bénéficiaire de birtā peut couper et vendre le bois des arbres situés sur son birtā. [Ibid]
10La coupe du bois sur les domaines directement sous autorité de l’État (raikar) est désormais strictement restreinte à un usage non commercial. Seul le propriétaire ultime de ces domaines, c’est-à-dire l’État, jouit du droit de tirer un profit financier de la coupe des arbres. C’est un véritable monopole qui est ainsi instauré et l’on sait son importance dans la trésorerie de l’oligarchie au pouvoir de 1946 à 1950, les Rana. Les bénéficiaires de tenures birtā, exemptées de l’impôt, échappent à ce monopole. Cela répond à la logique du birtā, par lequel le souverain renonce à tous les produits d’un domaine au bénéfice d’un individu, le birtāvāla et de ses descendants. L’information est significative. En somme, il en est des arbres comme des autres produits d’un domaine dans la juridiction népalaise : leur pleine jouissance n’échoit qu’au « propriétaire » stricto sensu, c’est-à-dire au souverain et par translation au birtāvāla. Les habitants du domaine n’exploitent la terre qu’en tant que tenanciers, fermiers ou métayers du roi, et, de même, leur droit sur les arbres entourant ces terres se limite aux besoins liés directement à l’habitat et à la culture.
11Dans la loi sur la forêt du Muluki Ain de 1918 apparaissent deux notions nouvelles : le reboisement de terres en friches d’abord, alors que les principes antérieurs s’y opposaient, comme on le verra, la protection de certaines espèces ensuite :
5. Dans le cas où une personne déclare avoir reboisé une quelconque terre imposable [raikar, japhati] en accord avec les villageois, mais que cette forêt n’est pas protégée par un décret officiel, ou si cette personne demande un décret la chargeant de boiser une zone particulière hormis celles possédées ou cultivées par autrui, et s’il s’avère que les habitants des zones adjacentes ont exprimé leur consentement par écrit, un décret conférant au candidat l’autorité de boiser cette terre et mentionnant tous les détails sera rédigé5.
12L’abattage de « 10 espèces »– non précisées – est interdit.
13Des espèces interdites à la vente, même par des birtāvāla, sont spécifiées :
2. Un titulaire de birtā pourra couper des arbres sur ses terres dans la région des montagnes, hors des zones protégées par décret, et pourra en vendre le bois ; sauf les sāl (Shorea robusta), pins, magnolias et noyers dans les montagnes et la vallée de Katmandou. [Ibid.]
14La coupe d’arbres dans la plaine méridionale, le Téraï, devient elle-même réglementée :
4. S’il se révèle nécessaire d’abattre des arbres dans les forêts sur birtā dans le Téraï. autres que les forêts du Mahabharat et celles où vivent ou que fréquentent des éléphants et des rhinocéros, le titulaire du birtā devra demander la permission au chef du bureau des forêts [kathmahal] local de couper les arbres et de vendre le bois. Le chef du bureau des forêts devra en aviser le Premier ministre. Si le Premier ministre autorise l’abattage des arbres sur ce birtā, le titulaire le fera à ses propres frais et seulement les arbres matures destinés à la vente ; il laissera en place tous les autres, afin que la forêt ne soit pas complètement détruite ; dans le cas où la vente rapporterait un profit après déduction des frais d’abattage et de transport, ce profit devra être équitablement partagé avec l’État. Après avoir transporté et vendu le bois sur les points de vente proches des bacs, il versera la moitié de son profit au compte de l’État et conservera la différence. [Ibid.]
15Le monopole traditionnel des détenteurs de birtā est à présent remis en cause. Y échappent dorénavant les espèces protégées. En outre, les birtā situés dans la plaine passent, dans le domaine de la vente du bois, sous la législation s’appliquant aux terres directement gérées par l’État. C’est que les forêts du Téraï représentent une ressource économique considérable, particulièrement prisée sur le marché indien (construction du chemin de fer). De juteux contrats sont octroyés à des entrepreneurs (ijārādār) dans le Téraï. Les dirigeants rana ne souhaitent donc pas voir leur échapper totalement les ressources ligneuses des vastes domaines birtā qu’eux-mêmes ont concédés. L’ État percevra donc une part (la moitié semble-t-il) des profits de ce commerce. Mais, dans la loi tout au moins, se manifeste le souci de gérer cette ressource dans le temps ; les autorisations de coupe ne portent pas indistinctement sur l’ensemble d’un espace mais sur les seuls arbres qui seront effectivement négociés. Notons en outre que la coupe ne saurait en aucun cas être autorisée ni dans le Mahabharat, que les dirigeants népalais considèrent comme un rempart stratégique, ni sur les terres à éléphants et rhinocéros, c’est-à-dire sur les zones de chasse des dignitaires rana.
16Dans le Muluki Ain de 1935 des espèces protégées sont précisément nommées ; elles ne peuvent être coupées qu’après autorisation de l’État : dix-sept en tout, treize pour le Téraï, quatre pour les montagnes (tableau 6).
17Il est donc indéniable qu’un cadre juridique organisait de longue date l’exploitation de l’arbre au Népal. Reste à savoir quelle en était la motivation réelle, entre la préservation générale des ressources du pays et les intérêts particuliers liés au commerce du bois.
18Néanmoins, il y a là un outil que les populations utilisèrent régulièrement dans leurs requêtes auprès des autorités. La formulation de ces requêtes, qui évoquent les textes afférents, suggère que ceux-ci étaient connus. Un des documents les plus complets consiste dans la réponse à une requête de 1846 provenant de la région de Dolakha (Népal oriental).
Les chefs, les mineurs et les gens de Simras, Phasku [...] se plaignent que l’exploitation abusive du malingo [bambou fin] dans la région de Selung entrave le travail de l’État et des habitants. Les jeunes pousses sont menacées par des gens qui s’en servent pour [fabriquer] des objets de mauvaise qualité. Des forêts ont été défrichées pour les cultures, ce qui a asséché les sources. Les canaux d’irrigation destinés aux rizières jāgir ou communes sont endommagés. On demande une charte de protection, thiti bandej, en l’échange de laquelle les habitants s’engageront à protéger cette zone.
Ordre royal : « Personne n’est autorisé à prélever des jeunes pousses ou à couper le malingo dans les neuf années à venir dans la région de Selung. Aucune terre nouvelle ne sera ouverte dans la forêt située au-delà du village, mais les terres déjà défrichées pourront être cultivées. Les mineurs ne couperont que le bois strictement nécessaire à la préparation du charbon. Les titulaires concernés devront réparer les canaux d’irrigation des rizières jāgir. Les arbres proches des barrages, canaux d’irrigation, sources et réservoirs ne pourront être abattus. N’édifiez ni maisons ni champs de culture sur les chemins principaux à Caitraghat ou ailleurs, ni sur les chemins, pâturages, sources et autres terres utiles à autrui. Si des maisons ont été construites sur de tels sites, déplacez-les et plantez-y des arbres. Obtenez des permis de la part de l’amālī [magistrat local] pour le bois nécessaire à la construction des maisons, gués et refuges. »
Vishnu Kanta Upadhya Koirala obtient le pouvoir de protéger les forêts de Selung6.
19De manière caractéristique dans ce type de requêtes, la plainte situe son objet principal, la disparition du bambou, dans une situation globale alarmante qui souligne de façon stéréotypée les menaces encourues par les sources et les rizières. Et tout aussi caractéristique est la mention des torts que la disparition d’une ressource porte aux biens de l’État, ici les terres jāgir, c’est-à-dire les tenures-salaires des officiers7. Compte rendu objectif des faits ou argumentation juridique, la relation entre déboisement, assèchement et instabilité du sol est clairement établie. Ce qui est demandé est un décret de protection (thiti bandej), s’appliquant spécifiquement à la localité. La réponse émanant des autorités est en partie stéréotypée : elle rappelle, dans les termes de la loi, les interdictions d’abattage auprès des sources, canaux, réservoirs et chemins. Mais elle décide aussi de mesures relativement précises qui comportent l’arrêt des défrichements, des demandes d’autorisation y compris pour la coupe du bois destiné à un usage non commercial, et la nomination de responsables de la protection des forêts locales.
20Ce document illustre plusieurs des principales données de la politique de protection de la forêt au xixe siècle. Reprenons-les une par une.
21Les menaces évoquées par les sources dont nous disposons relèvent de plusieurs causes. Au premier rang viennent les excès dus aux défrichements, éventuellement associés au brûlis, ainsi qu’à la demande de bois domestique, c’est-à-dire les effets d’une forte pression démographique8. Encore faut-il préciser que la coupe de bois de feu et d’œuvre par les paysans eux-mêmes est citée dans la plupart des cas dans une série apparemment conventionnelle de déprédations. Une collecte plus large de documents permettrait de préciser l’ampleur et la répartition géographique de ces phénomènes. Cependant on notera plus loin que d’autres types de documents donnent des images très contrastées de la pression démographique selon les régions considérées. On remarquera que l’élevage n’est nulle part mentionné comme menaçant la forêt elle-même. Une seule requête, émanant de la région de Jumla, se plaint que les bêtes qui paissent dans les forêts voisines endommagent les cultures9. En revanche, la dégradation des forêts entraîne une raréfaction des graminées (khar), exprimée dans plusieurs requêtes, ainsi à Dolakha en 1899 :
Ordre aux fonctionnaires locaux [amāli, thari, majhiyā et mijhār] de Pakarbas : les gens de la région se sont plaints à l’amāli que des personnes venant de l’extérieur avaient défriché et détruit des forêts et qu’en conséquence on ne trouvait même plus d’herbe et de feuilles khar, ni de bois et de matériaux pour les toits des maisons. Il est ordonné que dans le futur :
1. Personne ne sera autorisé à couper du sāl, sallo ou bhorlā (Bauhinia vahlii) dans les nouvelles forêts.
2. Les titulaires de kipat et de birtā devront protéger les forêts sur leurs terres. Ils ne devront pas brûler ces forêts ni laisser personne les défricher.
3. Les gués de la rivière Bhatauli seront édifiés chaque année sous l’autorité de l’amāli10. [...]
22De ces abus liés à la demande domestique, agricole si l’on veut, se distinguent les prélèvements voués à une activité industrielle ou artisanale particulière : fabrication de charbon pour les mines, vannerie, fabrication de torches de pin11. Les prélèvements destinés aux manufactures d’armes ne sont évidemment pas dénoncés dans ces documents ; nous en avons connaissance lorsque les autorités réservent certaines forêts à cet effet12. La coupe de bois d’œuvre à des fins commerciales ne semble pas concerner les montagnes. Elle touche la zone méridionale (Curiya et Téraï), dont provient l’essentiel du bois d’œuvre utilisé dans des districts du nord de l’Inde dès le début du xixe13, ainsi que dans quelques localités autour de la vallée de Katmandou où certains villages se plaignent de l’activité des concessionnaires (ijārādār)14.
23En l’occurrence, les indices de pénurie en bois se rapportent principalement aux abords de la vallée de Katmandou15. Ils sont confirmés par les impressions du résident britannique H. Lawrence, en poste dans la capitale de 1843 à 1846 :
Le combustible et les pâturages sont les deux grands besoins des pauvres d’ici [...]. Chaque pouce étant cultivé, il ne reste guère de pâturages [...]. Les montagnes de la périphérie appartiennent à des chefs qui en coupent le bois. Même si elles étaient domaine public, couper du bois et le rapporter de si loin les rendraient inaccessibles aux pauvres. [Le bois est si rare que] chaque pièce de bois destinée aux poutres de charpente doit être importée du Téraï16.
24Le recours aux textes des requêtes dans l’évaluation de la situation écologique du Népal ancien pose deux problèmes importants : d’une part, la représentativité des documents disponibles par rapport à l’extension réelle des problèmes équivalents à l’échelle du pays. D’autre part, le crédit qu’il convient d’accorder aux descriptions alarmistes.
25Les requêtes disponibles ne permettent d’estimer l’état de la dégradation des forêts que pour les localités concernées. Le fait qu’une proportion importante de requêtes concerne la vallée de Katmandou et ses abords peut signifier une pression importante sur les ressources dans cette région aux époques concernées. Elle peut aussi bien refléter, du fait de la proximité des administrations centrales, une plus grande propension des populations à produire de telles doléances17.
26Il reste que, toutes régions confondues, les plaignants ont intérêt à assombrir la situation de leur localité : le principe est en effet que l’auteur d’une requête recevable se voie confier la responsabilité de la gestion des forêts du lieu. L’exemple le plus significatif concerne un certain Shobhananda Banda, qui en 1831 se lamente auprès de Katmandou de la coupe immodérée des sāl et pins dans les trois districts de Tanahun, Lamjung et Kaski ; il prétend que le bois risque de manquer pour les besoins de l’État et pour construire les refuges, gués et forts. Il reçoit l’autorité de protéger les forêts sur la très vaste zone située « à l’ouest de la Chepe, à l’est de la Kali, au nord de Gaighat et au sud des monts Tingaun », soit près de 10 000 km218.
27Et il semble que de telles concessions aient naturellement fait naître des vocations. Ainsi, après qu’un plaignant eut été institué responsable de la protection de la forêt de Kharibote à Bhirkot en 1832, voit-on cinq ans après arriver une requête d’une localité proche et treize ans plus tard accorder une concession dans une troisième localité de Bhirkot19.
28Il ne faut pas en effet négliger le fait que ces documents relèvent de procédures administratives et de justice civile et constituent donc le produit des relations entre des sociétés locales et l’État, ainsi que des relations internes à ces sociétés. Il n’est pas insensé de prétendre d’ailleurs qu’ils nous renseignent sans doute plus fidèlement sur les faits politiques que sur l’état réel des ressources et des paysages. Ainsi voit-on certaines plaintes intervenir très clairement dans le contexte de conflits locaux :
Mahadev Pokhari, Kabhre, 1842.
« Aux amāli [magistrats], thari et dvare [collecteurs subalternes] de Mahadev Pokhari [suivent les noms] :
Une ordonnance a été autrefois délivrée à Vishnu Singh Thapa pour qu’il plante des arbres sur un terrain connu sous le nom de Hilekharka et qu’il protège la forêt de pātal autour du kot local20. Nous avons reçu des plaintes selon lesquelles V.S. Thapa a empêché les habitants du lieu de faire paître leur bétail sur ce lieu et de le traverser, qu’il a de plus cessé de payer la rente et autres dus aux jāgirdār et qu’enfin la forêt de pātal a toujours été protégée par les fonctionnaires du kot eux-mêmes. » V.S. Thapa est démis de cette fonction et les habitants de Hilegaun seront autorisés à utiliser ces terres comme auparavant21.
29Les situations de ce type doivent attirer l’attention sur l’influence que les aléas politiques internes d’une société exercent sur l’évolution de son environnement. En ce sens, le paysage n’est pas seulement le produit des facteurs relativement stables et mesurables que sont une pression humaine, un mode agraire ou un type de tenure, il l’est aussi de l’histoire plus tourmentée des relations sociales.
30La politique de l’État népalais prémodeme en matière de protection de la forêt ne s’arrête ni aux seuls principes ni même à la promulgation de lois générales. Elle se traduit par des mesures tout à fait concrètes. Le Népal des Gorkhali a hérité d’un grand nombre de forêts protégées, fondées par les souverains qu’il a soumis et souvent attachées à des institutions religieuses, dans la Vallée de Katmandou surtout22. La confirmation de ces domaines et les arbitrages liés à leur gestion ont donné lieu à plusieurs documents qui attestent de l’ancienneté de l’institution dans l’Himalaya et de son caractère sacré. Un ordre de 1796 fait preuve à cet égard d’une sévérité peu commune :
« La forêt de Betyani à Belkot a été protégée depuis des temps anciens. Nous venons d’apprendre que des roseaux et des arbres y étaient coupés. Par la présente, nous proclamons que quiconque coupera du bois dans cette forêt aura la main coupée. Annonce cela à tous et protège correctement la forêt de Bettyani23. »
31Les Gorkhali vont poursuivre la tradition des anciens rois, en instaurant un grand nombre de forêts protégées, bien que dans des perspectives nouvelles. Ces forêts relèvent de deux catégories, pas nécessairement exclusives : d’une part les domaines birtā accordés aux brahmanes et aux dignitaires, d’autre part des espaces, beaucoup plus vastes, consacrés spécifiquement au développement de la forêt, avec ou sans visées directement utilitaires.
32Bien entendu, dans de nombreux cas, la forêt n’est pas protégée dans le seul dessein de développer les ressources globales ni pour garantir la stabilité des sols mais afin d’assurer la fourniture de bois à une activité spécifique, telle l’édification de canaux d’irrigation à Kaski (Népal central) en 1833 :
La forêt de Saunepani dans le district de Kaski était réservée à la fourniture du bois pour la construction de digues le long du canal de Pardi. Un citaidār est affecté à cette forêt avec l’autorité de couper du bois à cette fin et d’infliger une amende de 5 roupies à quiconque en ferait de même à des fins personnelles. Salaire de 5 muri de paddy chaque année provenant de la rente de terres affectées à ce titre24.
33Dans d’autres instances cependant – on en donnera des exemples dans les paragraphes qui suivent – la protection poursuit des motifs proprement écologiques.
34Les forêts protégées ne forment pas toujours des espaces fermés à l’agriculture ; si le défrichage et bien entendu la coupe d’arbres y sont prohibés, les cultures existantes sont susceptibles d’être maintenues.
Dhoksila (Sindhuli), 1842 :
« Notification concernant la forêt protégée de Bungnam : interdit de couper les arbres verts et de défricher à l’est de la rivière Dhoksila, ouest de la rivière Kahule, nord de la rivière Kyaurani à Thalagaun et sud de Danduvagaun. Interdiction de couper sur les limites des rizières ou le long des chemins et près des sources25. »
35À l’inverse, Katmandou peut de façon autoritaire évacuer des territoires entiers, comme dans le Téraï intérieur en 1817 :
Les habitants de la région Sindhuli-Makwanpur située à l’ouest de la rivière Kamala, au nord des Curiya, à l’est de Chitwan et au sud du Mahabharat, sont informés que l’on a décidé d’y développer des forêts. Il leur est donc ordonné d’aller s’installer à l’extérieur de cette zone. Ceux qui ne possèdent pas de terres ailleurs doivent faire une demande à l’État afin d’obtenir une allocation de terres26.
36Deux autres documents attestent que de telles mesures furent réitérées au fil du xixe siècle dans la même région et qu’elles n’épargnèrent pas toujours les domaines birtā, sur les ressources desquels leurs bénéficiaires jouissaient pourtant en principe de droits illimités et inaliénables27.
37Dès la première décennie du xixe siècle, sont nommés des gardes forestiers (citaidār, caukidār, caprāsi, mahâneś) rémunérés par des terres spécifiques. Ils se voient confier la gestion de la forêt, sont dotés du pouvoir d’imposer des amendes et rapportent éventuellement aux autorités les déprédations les plus sérieuses28.
38Un décret de 1883 entérine ainsi la nomination par des hauts dignitaires de gardes affectés à la surveillance des forêts relevant de leurs domaines birtā, dans la vallée de Katmandou. Il rappelle la liste très détaillée des amendes s’appliquant à ces forêts depuis 1786. La fermeture est ici totale : aucun prélèvement n’est autorisé, la circulation dans ces forêts étant elle-même interdite.
Toute personne qui casse un œuf d’oiseau : 1 roupie.
Tuer un oiseau : 1 roupie.
Prélever des charges de feuilles (syāulā) dans les forêts : 2 roupies 8 ānā
Couper de l’herbe unyu : 8 ānā.
Faire paître des bovins : 8 ānā par animal.
Faire paître des moutons ou chèvres : 5 ānā par animal.
Cueillir des fruits ou déterrer des ignames : 1 roupie 8 ānā.
Prélever du bois sec ou pourri : 8 ānā.
Chasser sans autorisation : 10 roupies.
Couper un arbre arrivant sous la hauteur de la cuisse : 5 roupies ;
entre la cuisse et la taille : 10 roupies ;
au-dessus de la taille : 15 roupies.
Circuler dans ces forêts : 5 ānā.
Un chasseur du général qui chasse dans ces forêts : 10 roupies et rapport.
Chasseurs professionnels : 6 mois de prison non commuables.
On tuera les ours et tigres sortant de ces forêts29.
39La préservation des forêts protégées consista parfois dans des dispositifs relativement élaborés, soutenus dans le long terme et servis par des moyens aussi importants que ceux d’unités militaires.
Kaski, 1881 :
« Sur ordre du Premier ministre Jang Bahadur, les forêts de la zone située entre Pokhara et Dhiki Bhanjyang – le bassin de captation du lac Phewa tal dans le district de Kaski –, avaient été déclarées protégées. Des fanions rouges avaient été plantés aux frontières des forêts protégées, ainsi que des pancartes de bois spécifiant que toute personne prise à couper du bois dans ces forêts, ou à y mettre le feu, ou à les défricher à des fins agricoles, serait sanctionnée par l’instance judiciaire concernée (adālat ou amāl).
À l’époque où le colonel Tek Bahadur Kunvar Rana dirigeait l’administration [tahasil] de Kaski-Lamjung, huit hommes du bataillon Bhairav Dal étaient employés comme gardes forestiers sur ce site. Chacun recevait un salaire de 50 roupies. Ils furent ensuite retirés.
En Baisakh sudi 7 1938 VS (avril 1881), le capitaine Komal Singh Mahat Chetri, chef du tahasil de Kaski-Lamjung, informa le Premier ministre Ranoddhip Singh qu’il ne serait plus possible de protéger cette forêt simplement par décret. Il fit remarquer que Dhiki-Bhanjyang était situé à 5 ou 6 kos du tahasil, ce qui rendait sa surveillance impossible. Il suggéra que huit gardes forestiers soient nommés et reçoivent un salaire prélevé sur le Trésor public [Kausi tāsākhānā].
Le Premier ministre Ranoddhip Singh prit la décision suivante : Du personnel militaire avait été affecté à [la surveillance de] ces forêts tant qu’un contingent était posté à Pokhara. Mais ce n’est plus le cas. Deux hommes devront donc être détachés du nouveau bataillon créé à Palpa pour opérer comme gardes forestiers30. »
40On remarquera que le souci témoigné ici par les autorités ne s’applique pas apparemment à une forêt de rapport mais à une zone boisée conditionnant l’apport en eau d’un lac, celui de Pokhara.
41De très nombreuses requêtes, ainsi que les ordres y faisant suite, justifient la protection de la forêt en associant les besoins propres des cultivateurs à la préservation des revenus de l’État. Si les cultures sont compromises par la dégradation du milieu, c’est en effet non seulement le cultivateur qui est lésé, peinant à assurer sa subsistance, mais également l’État, à qui la rente ne peut plus être versée. Alors que deux siècles auparavant, les édits de Ram Shah fournissaient une justification morale à la responsabilité du souverain dans le succès de l’agriculture – assurer la subsistance des brahmanes –, la détermination est dorénavant plus strictement économique. Si la prospérité de l’État est indissociable de la prospérité de ses sujets, c’est que ceux-ci, explicitement qualifiés de « tenanciers », travaillent à la production de la rente.
42En 1846, les habitants de Macchegaun (sud de la vallée de Katmandou), qui exploitent des terres destinées à la rémunération d’un officier (jāgir) se plaignent que :
« Chaque année des ijārādār coupent les arbres de la forêt de Balagaun : la forêt est détruite et les canaux d’irrigation s’assèchent. Par conséquent nous ne sommes plus en mesure de semer nos champs à temps et donc de rassembler la quantité de grain nécessaire au paiement du loyer [kut]. Malgré tout, les titulaires de nos terres [talsing] prélèvent les loyers stipulés. Nous sommes donc forcés de vendre nos enfants. »
L’ État ordonne de collecter la rente de la manière suivante :
« À compter du vaisakh badi 1 1903 VS, payez la somme de 78,4 roupies aux fonctionnaires [jāgirdār-amāli] concernés. Nommez un garde [mahānesh] pour protéger la forêt, les sources et les gîtes [pāti] à Balagaun. Ne leur imposez pas de corvées [jhārā, beth et begār] à d’autres fins. Laissez les mendiants [...] disposer du bois mort [ « sec ou tombé »]. Punissez les braconniers par des amendes31. »
43Les textes présentés jusqu’ici permettent de démontrer que les autorités népalaises témoignent depuis le xvie siècle au moins, c’est-à-dire bien avant l’édification du Grand Népal, d’un souci pour la préservation de l’environnement. D’environnement il s’agit et non d’écosystème à proprement parler, puisque c’est le substrat de l’activité agricole qui est en jeu dans ces documents : sol, ressources en eau et ressources en bois. Ce qui fait l’objet d’une attention, c’est avant tout les facteurs conditionnant la production agricole. Ainsi, les espèces animales sauvages n’apparaissent-elles que dans un très petit nombre de textes concernés avant tout par la protection de végétaux.
44Dans le domaine de la forêt, l’existence d’un cadre législatif plusieurs fois enrichi, la multiplicité des décrets et ordonnances, la sophistication et l’ampleur des moyens parfois mis en œuvre pour leur application, et leur permanence au fil du temps, autorisent à parler d’une véritable politique de gestion des ressources. Celle-ci doit bien sûr être replacée dans le contexte du Népal du xixe siècle, en voie d’unification juridique et politique, et l’effet réel des injonctions officielles sur les pratiques peut être débattu, mais la prise en compte des processus écologiques est largement avérée.
Le rêve d’un Népal populeux et irrigué
45Le rôle de l’État népalais prémoderne dans la genèse et la transformation des paysages ne se restreint pas à leur seule préservation. Très tôt, les Gorkhali manifestent une volonté de forger un Népal qui corresponde à l’image idéale qu’ils s’en font. Car cette entreprise de transformation, de « développement » dirait-on aujourd’hui, est fondée sur une véritable idéologie : la prospérité du royaume repose sur une population abondante, harmonieusement répartie et tout entière vouée à la riziculture irriguée.
46Les documents présentés dans ce chapitre illustreront les composantes de ce Népal idéal, les politiques mises en œuvre pour le réaliser et les difficultés et contradictions qu’elles ne manquèrent pas d’impliquer. Mais chercher à comprendre de quels paysages les gouvernants népalais rêvaient, c’est aussi, en creux, tenter de faire apparaître à quoi ressemblaient les paysages réels, absents des documents32.
47La philosophie de l’État népalais concernant le rapport au sol et à ses habitants s’inspire assez largement du testament (Dibya Upadesh) que le fondateur du Népal, Prithvinarayan Shah, légua à ses successeurs peu avant sa mort (1775) :
Là où il y a du minerai, même si un village existe, déplacez le village et exploitez la mine ; si une maison est construite sur une terrasse, déplacez la maison, creusez un canal, édifiez un champ et cultivez-le.
Si les sujets sont prospères, le palais sera puissant ; le trésor du roi, ce sont ses gens. Dans le pays, vous n’accorderez pas de fermes [pour la levée de l’impôt], le gouvernement fixera et prélèvera [lui-même] les impôts et contrôlera les comptes chaque année33.
48Si ces dernières consignes seront peu respectées, les précédentes donneront le ton d’une part de l’interventionnisme autoritaire de l’État sur l’organisation même du paysage, d’autre part de la préférence systématique donnée à la culture irriguée.
49Un des aspects les plus étonnants des ordonnances du xixe siècle est la détermination de Katmandou à interdire les migrations à l’intérieur même du territoire népalais. Ainsi en 1804, dans les provinces récemment annexées de l’est du royaume :
Aux mandataires de la région au sud de l’Himalaya, à l’est de la Dudh kosi, au nord du Mahabharat et à l’ouest de la Tama kosi : Quiconque agit comme suit risquera une punition sur sa personne et ses biens : 1. Évincer l’occupant d’une maison et d’une ferme.
2. Quitter sa résidence pour s’installer ailleurs34.
50Dès 1799, dans la province de Jumla (ouest), il est fait recours à l’armée pour ramener les contrevenants dans leurs villages d’origine :
Au magistrat [amālidar] de Satsayabhot : « Nous avons appris que les habitants de Charka et Lagukhola [nord Dolpo] ont quitté leurs villages et se sont installés dans une zone sous ton autorité. 11 n’est pas convenable de dépeupler une région frontalière et d’autoriser des gens à s’installer ailleurs. En conséquence, nous te demandons de renvoyer ces gens en compagnie des soldats que nous envoyons. Ils doivent retourner sur leurs terres et rendre leurs villages populeux. »
Aux notables [jethābudhā] et sujets [prajā] de Charka et Lagukhola : « Parce que vous vivez dans une région frontalière, nous vous exemptons de la corvée jhārā consistant à venir à Katmandou transporter des pierres et du bois. Vous pouvez rester dans vos maisons et villages en toute tranquillité35. »
51Les migrants ont ici manifestement fui leurs villages afin d’échapper à la corvée. Le poids des obligations (impôts et corvées) dues à l’État, ainsi que les abus d’autorité de ses représentants apparaissent aussi fréquemment à l’origine des migrations que les calamités naturelles. La documentation sur le sujet est consistante36. Corvées, impôts, sévérité et prévarication des fonctionnaires, oppression des créanciers, inondations, tigres..., les motifs d’émigration sont multiples37. Et l’on connaît la propension des paysans népalais à la migration. C’est parfois d’ailleurs moins un facteur répulsif qu’un facteur attractif qui la motive. Les conditions de vie sont en effet très variables dans ce Népal des xviiie et xixe siècles, tant les formes de tenure et le poids des charges peut changer considérablement d’une région à l’autre, d’un domaine à l’autre, les propriétaires se livrant éventuellement à une concurrence pour attirer une main-d’œuvre rare. Or cette mobilité des populations, bien que traditionnelle, inquiète considérablement les autorités.
1807, Dhading : « Parce que de nouvelles taxes et obligations vous ont été imposées à Dhading, vous êtes partis dans d’autres régions. On ne vous demandera pas de payer plus que ce qui est demandé ailleurs. Nous remettons en vigueur les dispositions précédentes. Revenez sur vos terres, soyez fidèles à l’État et repeuplez la région38... »
52Fonctionnaires, magistrats, titulaires de domaines et exploitants sont régulièrement mis en garde contre le dépeuplement de leur zone. La préoccupation est permanente ; bientôt, elle se traduit dans les ordonnances par des formules récurrentes, y compris là où le dépeuplement n’est pas en cause. Une confirmation de mandat de magistrat, à Salyan (ouest) en 1825 se conclut ainsi :
On doit faire en sorte que les villages et les maisons soient populeux. L’amāli ne doit pas réclamer de taxe aux maisons nouvellement établies et les villageois ne peuvent pas demander de réductions d’impôt sous prétexte que des maisons sont abandonnées39.
53Il ne suffit pas de dire que l’État empêche tout abandon de terre : il en refuse les signes même. Ainsi, une maison en ruine n’est après tout que la conséquence du départ définitif de ses habitants et n’a en soi aucune implication économique et fiduciaire. Or même cela est inadmissible :
Chitlang, 1864 VS : les responsables des impôts ainsi que les gens de la bourgade de Chitlang se plaignent à Katmandou que de nombreuses personnes ayant émigré leurs maisons s’écroulent. « De nombreuses personnes n’entretiennent pas leur maison ni ne laissent d’autres les occuper sous le prétexte qu’elles ont été hypothéquées à des créanciers. »
Ordre : « Les maisons qui se sont détériorées parce que leurs propriétaires sont partis ou parce qu’elles ont été hypothéquées à des créanciers doivent être réparées, les dépenses étant attestées par quatre notables [bhalādmi]. De telles maisons devront être ensuite attribuées à de nouveaux occupants [kuriyā]. Le propriétaire ou le créancier pourra par la suite réoccuper ces maisons après avoir payé les frais de réparation40. »
54Et la force n’est pas nécessairement utilisée pour contrer ces mouvements. Aussi bien, l’administration renonce-t-elle souvent à l’introduction d’une nouvelle charge pour faire revenir les paysans. Ainsi, la menace du dépeuplement peut-elle faire plier une politique de prélèvement par ailleurs peu scrupuleuse.
55Alors même que l’État décourage la mobilité des agriculteurs, il lance d’ambitieuses entreprises de colonisation. Car pour que le Népal devienne ce pays peuplé dont rêvent ses dirigeants, il ne suffit pas d’empêcher que les villages existants se dépeuplent ; il faut aussi que l’ensemble du territoire soit occupé. Or des zones vierges ou très faiblement peuplées, il en subsiste d’immenses superficies au xixe siècle. Le Népal d’alors ne ressemble en rien au pays surpeuplé que l’on a le sentiment de percevoir aujourd’hui. Ce constat ne repose pas sur les recensements, rares et parcellaires à l’époque ; il émane justement des politiques contradictoires de Katmandou. Dès les dernières années du xviiie siècle, des mesures radicales sont prises pour attirer des colons sur les « terres vierges » (kālābanjār), ou abandonnées. Cela concerne surtout la plaine méridionale du Téraï, plus précisément son tiers est, où la colonisation peut bénéficier de la présence de quelques localités anciennes – l’ouest du Téraï est tellement sauvage qu’il restera « oublié » jusqu’au milieu du xxe siècle. Mais dans les montagnes subsistent aussi des terres vierges et des friches en grand nombre.
56Le dispositif de colonisation repose en premier lieu sur des mesures fiscales. En 1799 dans le Téraï oriental, les cultivateurs de terres nouvellement défrichées bénéficient de l’application d’un taux progressif sur cinq, sept ou dix ans. Mais manifestement l’incitation reste insuffisante : dans les décennies suivantes vont être accordées des exonérations, de deux ans en 1810, trois ans dans les années 1828-1829 et jusqu’à dix ans ainsi qu’une exonération définitive sur un dixième des terres dans certaines zones au début du xxe siècle41. L’État prend éventuellement en charge les dépenses afférentes à la colonisation, depuis l’édification de canaux d’irrigation jusqu’au financement des rites d’expulsion des esprits sauvages42. Très tôt, en 1814 à Chitwan, un revenu de subsistance et des crédits agricoles sont octroyés aux colons43.
57L’administration ne se charge d’organiser ces opérations qu’à un niveau supérieur. Ici, comme dans de multiples autres secteurs, ce sont des entrepreneurs ou des notables locaux qui prennent l’initiative des défrichements, qui organisent la venue des colons et qui se chargent de transmettre la part de la rente qui revient à l’État. Les incitations à leur égard paraissent très avantageuses : à titre d’exemple, en 1828 à Chitwan, il est offert le revenu total d’un village à quiconque organisera l’édification de dix villages sur des terres vierges44. Le peuplement des zones vierges va être opéré en outre par l’octroi de birtā. À partir du début du xixe siècle ces domaines exonérés d’impôt sont en effet prioritairement accordés dans les zones inhabitées du Téraï.
58Les deux composantes de la politique de peuplement vont rapidement entrer en contradiction. D’un côté, l’État interdit le dépeuplement des villages existants, de l’autre il attire des colons sur les terres inexploitées. Cette politique suppose une population assez nombreuse dont une part, dénuée de terres, peut être affectée à la colonisation. Or un certain nombre de difficultés auxquelles les autorités centrales doivent faire face indiquent justement que le Népal de l’époque ne se situe pas dans ce contexte démographique. Plusieurs documents confirment au contraire un déficit de main-d’œuvre, phénomène que l’on peut attester au moins jusqu’aux dernières années du xixe siècle. Ce déficit a deux expressions manifestes : d’abord, les paysans quittent aisément les localités frappées par des calamités ou soumises à des charges trop contraignantes pour s’établir sur des terres plus clémentes – nous en avons donné des exemples. Ensuite, certaines entreprises de colonisation peinent à recruter des candidats. On a vu le renforcement des mesures incitatives au fil du temps, inflation qui en elle-même est significative. Or cela ne suffit manifestement pas à drainer la main-d’œuvre requise. S’ensuit une véritable concurrence entre domaines relevant de régimes de tenures différents, ou soumises à des taux de prélèvement différents. Dans un premier temps, les autorités n’avaient apparemment pas mesuré ce risque. Ainsi en 1799, il est suggéré aux chefs de domaine du Téraï oriental d’attirer des colons en faisant éventuellement appel à des cultivateurs relevant de terres affectées au revenu de l’État (raikar, jāgir).
Nous avons confié au ministre [kāji] Abhiman Singh la responsabilité de défricher et coloniser les kālābanjār et autres terres à l’abandon, autres que les terres déjà cultivées [sanbati]...
Poursuivez la culture des terres déjà cultivées et gardez les cultivateurs de façon à ce que le revenu ne décline pas. Attirez les colons depuis les terres jāgir et birtā ainsi que depuis le Moglan [Inde] et colonisez les kālābanjār.
Si les cultivateurs de raikar désirent défricher des kālābanjār, ce qui permettra de maintenir le revenu, donnez-leur l’autorisation45 [...].
59Or le conseil est si bien suivi que les conditions offertes aux colons par les titulaires de domaines exonérés d’impôt, en position naturellement favorable, provoquent un dépeuplement des terres de droit commun et donc un préjudice pour le revenu de l’État.
60Dès 1805, doivent être publiées des consignes fermes interdisant le recrutement de colons déjà installés sur des terres māl, c’est-à-dire soumises à l’impôt. En outre, auparavant réticent à autoriser l’installation en territoire népalais de colons étrangers, Katmandou ordonne expressément le recrutement exclusif d’Indiens sur les fronts pionniers.
Aux jāgirdār, birtāvāla et amalidār ayant obtenu la permission de défricher des terres kālābanjār à Bara et Parsa :
Pour coloniser vos jāgir, birtā ou kālābanjār, faites appel uniquement à des sujets du Moglan [pays des Moghols]. Si vous vous en prenez aux colons des terres māl, vous serez responsables du paiement des revenus sur ces terres. Ne défrichez pas vos terres en dépeuplant les terres māl. Quiconque désobéira sera sévèrement puni46.
61Des difficultés sérieuses dans le recrutement des cultivateurs subsistent jusqu’aux premières décennies du xxe siècle. En témoigne l’adoption d’une attitude offensive dans l’application de certains programmes de colonisation : dans la vallée de Surkhet jusqu’en 1927 le chef du bureau des impôts se voit prescrire la mise en culture de 200 bighā (146 hectares) de terres nouvelles chaque année, au risque d’être sanctionné d’une somme équivalente47.
62La détermination des dirigeants népalais des xviiie et xixe siècles à façonner eux-mêmes la morphologie démographique du royaume nous semble donc avérée. Les formes prises par cette politique et les obstacles qu’elle rencontre révèlent par ailleurs un pays peu peuplé et une abondance de terres cultivables. Mais l’interventionnisme étatique ne s’arrête pas là. Si le pays doit être populeux, il doit être aussi entièrement voué à la culture par excellence, celle du riz irrigué. Les deux intentions sont d’ailleurs associées en un principe récurrent dans les textes administratifs : quiconque désire mettre en culture une terre nouvelle ou à l’abandon pourra le faire à condition d’y pratiquer la riziculture irriguée.
63De très nombreux documents, les plus anciens remontant à la fin du xviiie siècle, confirment que la préférence à l’irrigation prescrite dans la Dibya Upadesh fut largement respectée48. Le souverain détenant les droits ultimes sur les terres de l’ensemble du royaume, l’application de ce principe ne se heurte à aucun obstacle juridique. Et des moyens importants sont consacrés aux travaux d’irrigation. Sur les terres serā, affectées au ravitaillement du palais, il n’est pas surprenant que l’armée elle-même soit réquisitionnée à l’édification de digues49. Mais aussi bien voit-on des individus obtenir l’autorisation de recourir à la corvée afin de creuser un canal qui alimentera leurs propres terres. Ainsi, en 1810, un certain Madhav Khatri obtient dix-huit hectares de friches à l’est de la rivière Gandaki (Népal central). Il est autorisé à défricher ces terres et à les transformer en rizières en utilisant la corvée auprès des habitants de quatre circonscriptions (thum). Les cultivateurs pourront conserver la totalité du revenu pendant deux ans ; ils seront protégés de l’éviction.
Enregistre les terres auprès du palais royal en 1812. Installe des foyers dans les zones irrigables. Les habitants des quatre thum sont exemptés de la corvée du pont de la Bagmati. Ils doivent être affectés au défrichage. Le 20 kartik, ils devront construire le canal d’irrigation de Phorsaya comme ordonné par tes soins50.
64De façon significative, ces autorisations s’appliquent éventuellement à des titulaires de domaine birtā51. Rappelons que l’État ne perçoit aucune rente sur de tels domaines et donc que son propre revenu n’en est pas affecté. De même, les territoires administrés par les communautés ethniques dans le cadre de la tenure kipat, et qui ne versent à Katmandou qu’une somme fixe, ne sauraient échapper à la promotion systématique de la culture irriguée. En 1805, les autorités s’impatientent de constater que les ethnies de l’Est éprouvent peu d’intérêt pour leurs terres irrigables (khet) :
Ordre royal aux Limbu, Lepcha, Loharung, Majhiya, Bhote [...] dans la région de Chainpur à l’est de la rivière Arun :
Vous ne cultivez que les pakho [champs sur pente non irrigués], et les khet restent à l’abandon. Dorénavant, ne laissez pas les khet à l’abandon. Dans le cas contraire, vous serez sévèrement punis52.
65C’est dire que la préférence pour la riziculture ne relève pas de la seule maximisation de la rente, mais bien aussi d’un principe idéologique.
66Les réseaux d’irrigation suscitent de la part de l’administration une préoccupation constante. Les requêtes rapportant une menace pour les terres irriguées sont soigneusement prises en considération, telle celle-ci, adressée en 1858 par des villageois au tribunal de Pokhara :
Ces temps-ci, les mauvaises habitudes se multiplient dans notre village. Les canaux d’irrigation ne sont pas réparés à la saison appropriée. Après que les rizières ont été semées, on n’érige plus de clôtures. Les bêtes ne sont pas attachées et sont laissées sans surveillance durant la journée. Ainsi, le bétail erre dans les rizières de la vallée pendant toute la période entre le repiquage et la moisson. À cause de ce problème, le riz est récolté le 15 ou 20 kartik [fin oct.-début nov.], avant maturation. Les gens qui habitent près des rizières amènent leurs animaux près des champs et les y laissent errer. Les autres prennent exemple, ce qui fait que les bêtes et les laboureurs vont dans les rizières le même jour. À cause de ces problèmes, les gens faibles ne peuvent récolter leur riz. Si des mesures sont prises pour mettre fin à ces problèmes, tous les gens, de haute ou basse condition, pourront moissonner facilement, payer leur rente et nourrir femmes et enfants.
67Réponse des autorités :
Le 10 jestha [fin mai], réunissez tous les habitants du village et réparez les canaux d’irrigation selon les coutumes.
Le 1er asarh [mi-juin], érigez des palissades à chaque endroit où le bétail est susceptible de paître. Attachez les bêtes pour la nuit.
Lorsque les rizières seront semées, le katuvāl [garde champêtre] devra vérifier que le bétail n’est pas laissé en liberté. Après les semailles, des clôtures devront être dressées. On ne devra pas laisser le bétail approcher de la vallée. Ne le laissez pas en liberté la nuit.
La récolte de riz ne devra pas être moissonnée avant terme. Après les moissons, le katuvāl enlèvera les clôtures et laissera le bétail pâturer dans les champs.
Quiconque faisant pâturer ses bêtes au bord des rizières sera puni d’une amende d’une roupie par animal.
Un paysan qui ne sera pas présent le jour de la réparation des canaux sera puni d’une roupie et tenu de participer aux travaux.
Si des bêtes en liberté entrent dans les champs, le katuvāl s’en emparera et les amènera devant le tribunal. Le tribunal les confisquera et les enverra à la ferme royale. Si le katuvāl n’agit pas ainsi, il sera puni de 5 roupies.
Quiconque enfreindra ces règles sera sévèrement puni53.
68En outre, comme dans le cas des arbres jouxtant les cultures, les consignes portant sur la protection des aires irriguées figurent sur un grand nombre d’ordonnances dont l’irrigation n’est pas l’objet. Dans les années 1850, ces textes se concluent presque systématiquement ainsi :
Réparez les canaux d’irrigation vous-même s’ils ont été endommagés. Mettez de l’engrais dans vos champs. Ne coupez pas les arbres sur la limite des champs54.
69La politique du « tout irrigué » marquera le pas dans les premières décennies du xxe siècle. Après l’instauration d’une administration de l’agriculture et les premiers rapports techniques sur les pratiques culturales, l’imposition de récoltes spécifiques sans prise en considération du milieu est çà et là remise en cause. Il apparaît en effet que l’imposition autoritaire d’espèces mal adaptées peut être préjudiciable aux revenus de l’État55.
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70Les documents disponibles attestent donc clairement de l’intervention de l’État népalais des xviiie et xixe siècles dans la gestion des ressources et l’aménagement des terres. Cela n’implique nullement que les paysages actuels du Népal en sont le résultat, ni même qu’ils en furent significativement affectés. Mais simplement qu’il existait à la fois un ensemble de principes, des outils juridiques et une pratique administrative durable visant à orienter les rapports entre les paysans et leur milieu. Si cette politique allait sans conteste dans le sens des intérêts de l’élite dirigeante, en assurant le maintien et le développement de ses revenus, elle répondait aussi à des principes idéologiques qui firent qu’elle s’appliqua de façon globale, même là où ces intérêts n’étaient pas directement en jeu.
71Ces éléments doivent attirer notre attention sur l’existence de politiques de protection du milieu et de développement agricole dans les États dits « traditionnels ». L’exemple des « cités hydrauliques » est bien connu56 ; il semble que le phénomène ait été beaucoup plus étendu. Mais c’est aussi, dans le contexte du Népal actuel, la perception du développement agricole et de la protection du milieu qui est concernée. Peuvent-ils être encore perçus comme des innovations introduites par un État moderne sous l’inspiration de l’expertise scientifique et technique internationale ? Et peut-on attribuer les écueils de ces « innovations » à l’absence d’une conscience écologique, dont nous avons illustré l’existence permanente dans les trois derniers siècles ?
72L’impact réel des politiques anciennes sur les paysages agraires est bien sûr difficile à estimer à partir du type de textes présentés ici – pour les raisons que nous avons suggérées. Ces textes cependant jettent un éclairage sur le contexte démographique et écologique de leur époque, celui d’un pays globalement peu peuplé où la pression humaine sur les ressources varie considérablement d’une région à l’autre, d’un terroir à l’autre. L’impression générale suscitée par ces documents – car d’impression il s’agit – est celle de territoires parfois très exploités, enserrés de vastes zones sauvages (encadré 16) ; à la limite entre les deux espaces sans doute, les friches sont nombreuses, terres abandonnées ou cultivées par intermittence. Et il faut pour finir, encore insister sur les formidables contrastes. Si certaines localités présentent tous les signes de ce que nous appellerions aujourd’hui une crise écologique, d’autres souffrent cruellement d’un manque de cultivateurs...
Plainte des habitants du village de Bohragaun, Jumla, 1846 :
« De nombreuses personnes de notre village étant mortes, il est aujourd’hui peu peuplé. Alors, les gens des villages voisins ainsi que ceux de Chinasim ont commencé à conduire leurs chèvres, chevaux, buffles et veaux dans nos forêts. Ils ont abîmé nos récoltes et démoli les murets des terrasses de nos terres sèches ainsi que de nos rizières. Nous ne pouvons plus les cultiver. En hiver ils s’emparent de force des chaumes dans nos champs, si bien que nous n’avons plus rien à donner à nos bêtes. Dans ces circonstances, il nous est devenu difficile de rester dans ce village57. »
Encadré 16
Foresterie au Népal en 1928 d’après J.V. Collier
Traduction de Joëlle Smadja
Dans l’annexe XIX de l’ouvrage de Perceval Tandon, publié en 1928, figure un texte de J.V. Collier qui nous éclaire sur le dilemme posé par le développement agricole au regard de la déforestation à cette époque. En voici un extrait.
Alors que les premiers cultivateurs défrichaient et brûlaient des biens sans valeur, l’agriculteur d’aujourd’hui abat souvent des forêts d’une grande valeur commerciale, et l’un des problèmes les plus urgents auquel le gouvernement doit faire face est le contrôle de cette substitution des forêts par les cultures. Le Népal, dont la population est croissante et dont l’abondante main-d’œuvre sans terre a tendance à émigrer en Inde, doit adopter et encourager une politique de coupe d’arbres partout où les cultures peuvent croître et les hommes vivre heureux. Mais il y a des moyens économiques, et d’autres peu rentables, pour mener une telle politique, et les méthodes du passé n’ont pas toujours été les meilleures. La politique actuelle du gouvernement est la suivante :
(i) remplacer la forêt par des champs partout où les conditions de culture et d’habitation sont favorables ;
(ii) interdire la déforestation là où le climat est trop malsain et où les plantes ne peuvent être cultivées qu’aux dépens de la vie ou de la santé des cultivateurs ;
(iii) insister sur de vastes défrichements, étendus, afin que les déprédations commises par les animaux sauvages soient réduites et que le climat soit plus sain ;
(iv) tirer bénéfice de la valeur de la forêt coupée et remplacée par les cultures.
Si cette sage politique est menée fidèlement, la surface cultivée augmentera et le pays pourra compter sur sa propre production alimentaire ; l’émigration sera diminuée voire stoppée. Cette politique peut être poursuivie pendant plusieurs années avant que les forêts ne deviennent insuffisantes. Dans la zone tempérée, il est certain que les cultures ne peuvent occuper plus du tiers de la surface totale, le reste étant trop raide ou trop rocheux. Dans la vallée de Katmandou et ses environs, il serait peut-être sage d’interrompre la mise en culture car, dans cette vallée, la civilisation est si ancienne que l’on note maintenant les signes d’une insuffisance en forêts et en combustible. Mais ailleurs, le jour où il faudra envisager une restriction à la mise en culture des terres est encore loin.
Dans le passé, des erreurs ont été commises [...], car des défrichements faits au hasard et sans prévoyance ont été autorisés. Des petites îles ont été défrichées dans des mers de forêt, et, inévitablement, la forêt a en peu de temps reconquis son territoire. Ainsi, des milliers de clairières désertées parsèment les forêts. Il faut en déduire que les clairières sont inutiles et constituent un gaspillage tant qu’elles ne se rejoignent pas pour former une grande surface dégagée que les animaux sauvages ne peuvent envahir et que l’exposition au soleil et la libre-circulation des vents rendent plus saine1.
Notes de bas de page
1 Ces textes proviennent surtout de la Regmi Research Collection (RRC) élaborée par M.C. Regmi, et partiellement traduite en anglais dans les Regmi Research Series (RRS). L’exploitation directe des documents en népali. désormais accessibles au département de l’Archéologie du Népal, devrait considérablement faire progresser nos connaissances sur l’histoire locale des ressources. Les textes qui suivent sont traduits de l’anglais par P. Ramirez.
2 Riccardi, 1977, p. 52.
3 La principauté de Gorkha, dans le Népal central, est le siège de la dynastie népalaise. À la fin du xviiie siècle, les Gorkhali ont conquis l’ensemble des principautés de l’Himalaya central pour former le Népal actuel. Jusqu’en 1951, leurs souverains et généraux étaient les détenteurs exclusifs du pouvoir d’État.
4 Muluki Ain de 1854.
5 RRS. 1981, vol. 13, p. 129-132.
6 RRS, 1981, vol. 13, p. 83-84.
7 Voir aussi par exemple RRS, 1982, vol. 14. p. 150-153.
8 Sur le brûlis, voir par exemple pour Gorkha en 1846 : RRS, 1986, vol. 18,p. 177-180.
9 RRS. 1986, vol. 18, p. 112
10 RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96.
11 Par ex. RRS, 1981, vol. 13, p. 44-47 et p. 83-84 ; RRS, 1985, vol. 17, p. 122-123.
12 RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96
13 Rapport de F. Buchanan sur le district de Purnea (Bihar) en 1810 ; le Népal exportait surtout du sāl, ainsi que des araires (RRS, 1970, vol. 2, p. 35-44).
14 Par exemple RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96
15 Ibid.
16 RRS, 1982, vol. 14, p. 35.
17 Il n’est pas inutile non plus de préciser que dans les Regmi Research Sériés, à partir desquelles nous avons travaillé, la vallée de Katmandou et le Népal oriental sont sensiblement surreprésentés.
18 RRS, 1982, vol. 14, p. 150-153.
19 Ibid. ; 1986, vol. 18, p. 177-180.
20 Kot désigne indistinctement un fort ou le sanctuaire de la Déesse du territoire.
21 RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96.
22 Pour la vallée de Katmandou, voir RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96.
23 RRS, 1988, vol. 20, p. 136. Pour Sindhupalcok, voir aussi document de 1842, p. 92-96.
24 RRS, 1982, vol. 14, p. 150-153.
25 RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96.
26 RRS, 1980, vol. 12, p. 117.
27 Ibid.
28 Pour la vallée de Katmandou, voir par exemple RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96, p. 107-1 10.
29 RRS, 1987, vol. 19, p. 107-110.
30 RRS. 1981, vol. 13, p. 127.
31 RRS, 1983, vol. 15, p. 92-96.
32 Les documents administratifs fournissent très peu de descriptions détaillées des paysages locaux. Un des seuls exemples est la plainte adressée en 1892 par une communauté vivant en bordure de la vallée de Katmandou : RRS, 1981, vol. 13, p. 44-47.
33 Naraharinath, 2009 VS, p. 13.
34 RRS, 1989, vol. 21, p. 156.
35 Ibid.
36 Voir, par exemple, pour 1800-1802 dans le royaume feudataire de Doti, encore administré par l’armée. RRS, 1974, vol. 6. p. 230.
37 Voir par exemple RRS, 1988, vol. 20, p. 165 ; 1989, vol. 21, p. 156 ; 1974, vol. 6, p. 240 ; 1981, vol. 13, p. 171-176 ; 1986, vol. 18, p. 133-137 ; 1987, vol. 19, p. 159.
38 RRS, 1988, vol. 20, p. 165.
39 RRS, 1989, vol. 21, p. 110-111.
40 RRS, 1989, vol. 21, p. 115.
41 Voir par exemple RRS. 1974, vol. 6, p. 240 ; 1989, vol. 21, p. 10-11 ; 1986, vol. 18, p. 97- 102 ; 1978, vol. 10. p. 129-131 ; 1974, vol. 6, p. 1-4.
42 Voir à ce sujet RRS, 1986, vol. 18, p. 97-102.
43 Ibid.
44 Ibid., p. 64.
45 RRS, 1978, vol. 10, p. 127-128.
46 RRS. 1983, vol. 15, p. 65. Sur la promotion de l’immigration indienne, voir aussi RRS, 1984, vol. 16, p. 76-80 et 1980, vol. 12, p. 61-62. Au milieu du xixe siècle, les encouragements à la colonisation côté népalais ainsi que le poids excessif de la rente dans le Bihar amènent de très nombreux paysans indiens à venir s’installer dans le Téraï népalais.
47 Regmi, 1968.
48 Voir par exemple RRS, 1989, vol. 21. p. 137.
49 Ibid., p. 10-11.
50 RRS, 1986, vol. 18, p. 120.
51 Ibid., p. 137.
52 RRS, 1978, vol. 10, p. 81-86.
53 RRS, 1980, vol. 12, p. 76-77.
54 RRS. 1981, vol. 13, p. 298-299. Voir par exemple RRS, 1981. vol. 13, p. 185-186.
55 Voir les très instructifs résultats de la mission d’étude sur les cultures des hauteurs de la vallée de Katmandou, commanditée par le Premier ministre Chandra Shumsher en 1925 (RRS, 1989, vol. 21, p. 1-3).
56 Wittfogel, 1964 ; Coedès, 1964.
57 RRS, 1986, vol. 18, p. 112.
Notes de fin
1 P. Landon, 1928, Nepal, Londres, Constable and Co. Ltd., t. 2, p. 252-253.
Auteur
Chargé de recherche au CNRS (UPR 299), ethnologue
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