Albert E. Christie
p. 38-40
Texte intégral
1Le troisième grand créateur du cinéma burlesque américain est, comme Mack Sennett, d’origine canadienne1 : né en 1896, Albert Christie était un cousin par alliance de David Horsley, qui, avec son frère William, avait créé la Centaur Film en 1907. Al Christie travaille dans les studios de ses cousins en commençant au bas de l’échelle, mais il monte rapidement en grade pour devenir, dès 1911, metteur en scène pour la Nestor, filiale de la Centaur consacrée uniquement à la production de films comiques, alors que Carl Laemmle va racheter la Nestor pour le compte d’Universal. Al Christie dirige en particulier la série très populaires des « Mutt and Jeff », inspirée d’une bande dessinée de Bud Fisher et Harry Hershfield ; Bud Duncan en sera une des vedettes seulement vers la fin de la série. En 1912, la Nestor installe ses studios en Californie et Al devient le seul responsable de la section comédie. Les principaux acteurs de l’équipe sont alors : le tandem Eddie Lyons – Lee Moran et Betty Compson, actrice de vaudeville découverte par Christie. Ce dernier, qui veut se démarquer des films produits par Sennett, déjà très connu, essaye de donner un style propre à ses comédies : il va rechercher un humour plus sophistiqué et moins caricatural que Sennett, refusant la farce pour s’orienter vers un comique de situation.
2Le tandem Lyons-Moran a un énorme succès : outrageusement maquillés, ces deux jeunes gens forment un couple tantôt en rivalité amoureuse, tantôt uni par une complicité un peu crapuleuse. La réussite aidant, Al tourne avec eux son premier long métrage, Mr. Plum’s Pudding (1915), dont il est le réalisateur et le scénariste. La même année, il engage un jeune comédien de Broadway, Neal Burns, qui deviendra un de ses acteurs préférés ; c’est aussi l’un des comédiens les plus représentatifs du style particulier d’Al Christie. Avec son frère Eddy Barry, lui aussi acteur, il travaillera chez Christie presque sans interruption jusqu’à l’apparition du parlant. À ses côtés, la vedette féminine sera Billie Rhodes, surnommée la « Nestor Girl », une ancienne chanteuse venue du vaudeville.
3En 1916, Christie abandonne la Nestor pour monter sa propre maison de production indépendante, la Christie Comedy Company. Il emmène avec lui ses vedettes : Lyons et Moran, Burns et Rhodes. Le premier film est tourné en septembre 1916 (A Seminary Scandal, avec Billie Rhodes). L’équipe travaille vite : on sort un « short » par semaine en moyenne. Al Christie supervise ou écrit les scénarios et dirige lui-même souvent les films. Cependant, les débuts sont difficiles : Lyons et Moran abandonnent la nouvelle compagnie et vont chez Universal, Neal Burns retourne à la Nestor, mais pour quelques mois seulement, car à la fin de la Première Guerre mondiale il est de nouveau chez Christie.
4En 1919, Betty Compson est aussi partie depuis peu pour tourner des longs métrages et Billie Rhodes a signé pour la National Film Corp. dont elle épousera plus tard le président. On compte cependant quelques nouveaux talents dans l’équipe : Fay Tincher, Bobby Vernon, Colleen Moore et Dorothy Devore.
5Fay Tincher a travaillé chez Sennett, puis à la Fox. Elle est la vedette d’une série de comédies qui ont pour cadre le « Wild West » (comme Rowdy Ann) et qui vont rapporter beaucoup d’argent à Christie. Bobby Vernon vient lui aussi de chez Sennett après avoir débuté à la Joker aux côtés de Louise Fazenda. Partenaire attitré de Gloria Swanson à la Keystone, ce petit bonhomme blond et agité est déjà une star. Il va tourner un nombre impressionnant de comédies, au début sous la direction d’Al Christie lui-même, puis de David Kirkland, William Beaudine, Scott Sidney, William Watson, etc. Vedette numéro un d’Al Christie, il a comme partenaire féminine Dorothy Dane, Dorothy Devore, Lucille Hutton, Charlotte Merriam, Virginia Vance, puis plus tard Ann Cornwall, Frances Lee (son épouse), Blanche Payson ou Marion Harlan. Colleen Moore tourne seulement quelques films avec Al Christie : deux comédies en 2b (A Roman Scandal et Her Bridal Nightmare, tous deux en 1919) et un long métrage (So Long Pretty, 1920).
6Dorothy Devore, une des grandes vedettes de la maison dès 1919, sera la partenaire de Bobby Vernon, de la grosse Babe London ou de Jimmy Harrison. Un de ses meilleurs films reste Kidding Katie (1922) où elle est entourée d’une équipe d’acteurs chevronnés tels que Charlotte Mineau (qui tourna avec Chaplin), Blanche Payson et Billy Bletcher.
7En 1922, les films produits par Al Christie sont distribués par Educational et quatre nouvelles vedettes vont apparaître : Jimmy Adams, Billy Dooley, Jack Duffy et Walter Hiers. Jimmy Adams a fait déjà une carrière dans les Mermaid Comedies de Jules White et faisait partie des Hallroom Boys. Il entre dans l’équipe de Christie en 1923. Billy Dooley, le matelot excentrique et acrobate, rejoint Christie en 1925 pour devenir le héros d’une série très populaire. Jack Duffy a la quarantaine ; il a déjà travaillé pour L-KO, Vitagraph et Universal, et crée pour Christie un personnage pittoresque de vieillard coléreux et agressif. Enfin, Al lance une nouvelle série dont le héros est Walter Hiers, rubicond, bon enfant mais assez peu expressif.
8Dès 1924, les studios Christie sortent trois « shorts » par semaine et, simultanément, la production de comédies de long métrage augmente, en 1925 : Reckless Romance, Hold Your Breath (avec D. Devore), Charlie’s Aunt (avec Sydney Chaplin), Madame Behave (avec Julian Eltinge) ; en 1926 : The Nervous Wreck (avec Harrison Ford et Phyllis Haver) et Up in Mabel’s Room (avec Marie Prevost).
9À partir de 1927, Paramount distribue les comédies produites par Christie. L’année suivante, il réalise un remake de Tillie’s Punctured Romance avec Louise Fazenda, dans le rôle tenu par Marie Dressier dans la première version, W.C. Fields, Chester Conklin et Mack Swain. Le film, dont aucune copie ne subsiste aujourd’hui, fut un échec.
10L’avènement du parlant marque la fin de l’âge d’or des Christie Comedies. Al commet l’erreur de laisser partir son équipe de comédiens pour la remplacer par de vieilles gloires du muet sur le déclin : Louise Fazenda, Marie Dressier, Polly Moran et Raymond Griffith. Ses comédies n’attirent plus le public et, en 1930, Paramount met fin au contrat qui la liait à Christie. Après avoir produit quelques longs métrages pour la Columbia (dont un remake de Charlie’s Aunt), il fait tourner en Grande-Bretagne une comédie musicale (Sweetheart’s Parade, 1930), dernier film réalisé par Marshall Neilan. Cependant, les productions Al Christie sont déclarées en faillite et, en 1932, son studio est vendu. Al travaille alors pour Educational comme producteur ou réalisateur. Parmi ces films, signalons The Chemist (1934) avec Buster Keaton. À la veille de la guerre, Educational cesse son activité et Christie tourne sporadiquement pour Universal ou la Twentieth Century Fox. Il meurt en 1951.
Notes de bas de page
1 Les informations concernant Al Christie reposent sur les ouvrages suivants : Richard Roberts, « Past Humour, Present Laughter, the Comedy Film Industry 1914-1945: Al Christie » in Classic Images, n° 212, février 1993, pp. 42-43 et p. 56
Blair Miller, op. cit., pp. 147-149.
Jean Mitry, Histoire du cinéma, Paris, Ed. universitaires, 1969, t. II, pp.52-53.
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