Chapitre 10. La gestion d’une succession confrérique
p. 169-184
Texte intégral
Les successeurs de Muhammad Fâdil
1Muhammad Fâdil mourut en 1286/18691, laissant plus de quarante enfants mâles. La gestion de l’héritage du fondateur fut donc la préoccupation majeure de la famille. Et comme dans chaque entreprise basée principalement sur le charisme personnel, la domination charismatique fut amenée à changer de nature avec la disparition du fondateur. Nous passons donc d’un modèle de fondateur à un modèle de gestionnaire2. La routinisation du charisme et la manière dont fut résolue la question de la succession déterminèrent le devenir religieux et social de la confrérie3.
2D’après ses écrits, Muhammad Fâdil ne désigna aucun successeur (khalîfa). Néanmoins, il restreignit cette fonction à ses propres enfants. Quand une personne de son entourage lui posa la question du devenir des Ahl at-Tâlib Muhktâr après sa mort, il répondit : « Si je meurs, je les laisserai entre les mains de mes fils4. » Dans les dernières années de la vie de Muhammad Fâdil, douze de ses fils atteignirent un statut spirituel et social important. Deux d’entre eux étaient installés l’un dans le Trârza et l’autre dans la Sâgiya al-Hamrâ’. Ses autres fils demeuraient à son service. Celui-ci réserva à chacun d’eux une place particulière et les combla d’éloges. Il avait néanmoins une légère préférence pour quelques-uns, comme le montre cette phrase : « Sîdî ‘Uthmân et Taqiyyu Allâh sont comme moi ; Ma‘ al-‘Aynayn et Muhammad al-Ghayth sont mieux que moi (knayrun minnî)5. »
3Si la tradition écrite ne rapporte aucun élément décisif à propos de la question de la succession, la tradition orale6 est, sur ce sujet, plus éloquente. Muhammad Fâdil choisit pour sa succession cinq de ses fils : Sa‘d Bûh, Mâ’ al-‘Aynayn, Sîdî ‘Uthmân, Taqiyyu Allâh et al-Hadrâmî. Les deux premiers furent désignés très tôt pour aller s’installer hors du Hawd : « Muhammad Fâdil a ordonné à Sa‘d Bûh de se rendre dans la Gabla pour apprendre et Mâ’ al-‘Aynayn au Sâhal pour enseigner. Il mit sur la tête de chacun un turban (‘amâmat), à Sa‘d Bûh le turban de la science ésotérique (‘ilm al-bâtin) et à Mâ’ al-‘Aynayn celui de la science exotérique (‘ilm az-zâhir)7. »
4Ce partage de l’espace et du savoir se traduisit plus tard par la conquête réussie des deux régions et par un succès dans les deux domaines de la science, Sa‘d Bûh étant connu pour ses pouvoirs surnaturels et Mâ’ al-‘Aynayn pour sa production théologique extraordinaire, une cinquantaine de ses livres ayant été lithographiés à la fin du xixe siècle au Maroc.
5Au Hawd, ce fut Sîdî ‘Uthmân, le fils aîné de Muhammad Fâdil, qui succéda officiellement à son père après sa mort ; c’était une suite logique dans la tradition familiale, étant donné la place qu’il occupait auprès de son père. Enfant, il avait été « allaité » par Muhammad Fâdil. Ce dernier avait dit à propos de Sîdî ‘Uthmân : « Avant qu’il ait atteint le quarantième jour, sa mère tomba malade et il n’y avait personne pour l’allaiter, aussi lui ai-je donné mon nez (nawaltuhu ’anfî), il l’a tété jusqu’à plus soif8. »
6Muhammad Fâdil exerça une double parenté à l’égard de cet enfant en remplaçant la mère dans ses fonctions maternelles initiales. Cet acte de transmission fut suivi d’un second acte. Durant la cérémonie « de la coupe des cheveux », la mère de Sîdî ‘Uthmân demanda à ce que le père offrît une de ses esclaves à son fils. Muhammad Fâdil lui proposa plutôt de choisir pour Sîdî ‘Uthmân entre une esclave et le statut spirituel (maqâm) de Shaykh ‘Abd al-Qâdir aj-Jilânî. Sans hésiter la mère opta pour le maqâm du grand mystique9.
7Sîdî ‘Uthmân ne demeura pas longtemps à la tête de la Fâdiliyya puisqu’il décéda de la variole une année après la mort de son père. Ainsi, le problème de la succession se posa de nouveau mais d’une façon plus ambiguë. Cependant, tous les fils de Muhammad Fâdil s’effacèrent, sauf deux d’entre eux : Taqiyyu Allâh et al-Hadrâmî. Certains récits oraux disent que Muhammad Fâdil avait confié à Taqiyyu Allâh la direction spirituelle et à al-Hadrâmî les affaires temporelles. D’autres avancent qu’après la mort de Sîdî ‘Uthmân, Taqiyyu Allâh fut élu à la succession, mais, en raison de sa piété, il confia à son frère al-Hadrâmî la direction politique et les affaires temporelles. Une troisième version rapporte que Muhammad Fâdil avait désigné de son vivant al-Hadrâmî à la direction politique et que ce dernier demanda à Taqiyyu Allâh de se charger des affaires religieuses.
8Qu’importent les divergences entre les récits à ce propos, ce qui est essentiel ici c’est que tous mettent l’accent sur la division entre les charges temporelles et les charges religieuses, autrement dit sur la distinction entre la direction spirituelle de la tarîqa Fâdiliyya et la direction politique et sociale des Ahl at-Tâlib Mukhtâr. Nous pouvons nous demander si la scission entre les deux domaines fut imposée par les circonstances de l’époque qui nécessitaient une action sur les deux fronts afin de conserver et d’élargir d’une part l’influence spirituelle de la Fâdiliyya, et d’autre part l’influence sociale et politique de la tribu. Cette séparation du spirituel et du temporel résulta-t-elle d’un consensus entre les deux frères, après une confrontation pour le partage du pouvoir ? Il est difficile de donner une réponse à ces interrogations.
9Ces deux personnages marquèrent l’histoire de la Fâdiliyya après la mort du père fondateur. Taqiyyu Allâh naquit en 1826, une date significative pour son père Muhammad Fâdil : « Muhammad Taqiyyu Allâh aura un grand avenir, il est né à la mort de Shaykh Sîdî Muhammad al-Khalîfa b. Shaykh Sîdî al-Mukhtâr10. » Il était fait ainsi une allusion au dernier grand représentant de la Qâdiriyya saharienne, et dans le même sens il aurait dit aussi : « Si Dieu avait honoré Shaykh Sîdî al-Mukhtâr par [en lui donnant] son fils Sîdî Muhammad, pour moi il m’a honoré (karramanî) par Taqiyyu Allâh11. » De même, Muhammad Fâdil dit : « Quand Muhammad b. al-Aswad est mort, il a désigné Muhammad Taqiyyu Allâh pour sa succession12. » Muhammad b. al-Aswad fut l’une des références mystiques de Muhammad Fâdil.
10Ces deux comparaisons avec Sîdî Muhammad – successeur de son père Sîdî al-Mukhtâr al-Kuntî à la tête de l’autre branche de la Qâdiriyya – plus cette allusion à Muhammad al-Aswad signifiaient en soi une désignation implicite à la succession spirituelle, faite par Muhammad Fâdil en faveur de Taqiyyu Allâh. D’ailleurs, al-Mukhtâr w. Hâmidûn affirme que Taqiyyu Allâh fut le successeur de Muhammad Fâdil après sa mort13.
11Taqiyyu Allâh se distingua parmi ses autres frères restés au Hawd par sa réputation d’homme mystique. Ses multiples karâmât contribuèrent à forger cette image auprès de son entourage. Cette réputation fut renforcée par son départ en retraite vers le nord dans la région de Tîgîgl, qui se situe au nord-ouest de Walâta, un retrait considéré par la famille comme la preuve de l’aspect spirituel de ce personnage qui refusa toujours de se mêler des affaires mondaines. Avant son installation à Tîgîgl, Taqiyyu Allâh séjourna à Walâta pendant deux ans ; durant ce séjour, le qâdî de cette ville, auteur de Manh, lui rendit visite, comme il en témoigne : « […] il était un saint (walî), savant (‘ârifan), pieux (taqiyan), généreux, modeste […] honoré (mu‘azzaman) par tous, aimé (mahbûban) chez les savants et les saints (al-‘ulamâ’wa as-sulahâ’) […] il était un éducateur – sens mystique – (murabbî), il reçut les disciples venus de toutes les régions […]14. »
12Au cours de ce séjour, Taqiyyu Allâh obtint également, de la part des gens de Walâta, la reconnaissance de son statut de sharîf15. Notons qu’à son arrivée à Walâta, Taqiyyu Allâh avait subi certaines provocations. Il faut dire que les citadins de Walâta étaient peu accueillants en général envers les mashâyîkh confrériques. « Mohammed Taki Allâh est également resté longtemps à Oulata. […] Mais, quoique n’ayant pas eu les mêmes difficultés avec les habitants du pays que les Bekkay [Bakâ’iyya], il l’a quitté, lui aussi, pour se fixer dans la partie méridionale du Tagânat16. »
13Nous n’avons aucune précision sur la date de l’installation de Taqiyyu Allâh à Tîgîgl, mais il ne s’y installa probablement qu’après la mort de son père. C’est pendant cette période qu’il intervint auprès de l’émir de Tagânat Bakkâr w. Swayd Ahmad, à la demande des tribus du Hawd. D’après le récit de Hayât Al-‘âbid al-awwâl, des tribus hassân (guerrières) étaient arrivées au Hawd et avaient ramené un grand nombre de têtes de bétail vers le Tagânat. Tous les gens (’ahl) du Hawd vinrent donc chez Shaykh Muhammad Taqiyyu Allâh et lui demandèrent d’aller au Tagânat pour récupérer leurs biens. Taqiyyu Allâh se dirigea alors vers le campement de l’émir Bakkâr w. Swayd Ahmad, qui, à son arrivée, décampa sans prévenir ; mécontent, Taqiyyu Allâh envoya un émissaire à l’émir pour exprimer sa déception et l’avertir des risques de son comportement – tâzubba de shaykh. L’une des filles de l’émir, étonnée de l’audace de Taqiyyu Allâh, s’adressa à son père : « Cet homme qui ose te parler ainsi sur le dos de Tagânat (zhar Tagânat) [dans ton propre pays sans peur] ne peut être qu’un être exceptionnel (sha’n ‘azîm)17. » L’émir donna l’ordre de retourner chez le shaykh. Quant il le retrouva, Taqiyyu Allâh lui exposa les raisons de sa visite ; Bakkâr w. Swayd Ahmad lui rendit les biens pillés et lui offrit en plus un cheval et un chameau qui étaient ses propres montures, et contre lesquels l’émir lui demanda deux faveurs : « Je veux que tu me donnes un bout de tissu pour la bénédiction (thawb li-al-baraka) et que tu me garantisses que mon corps sera sauvé de l’enfer (tazman lî jasadî min an-nâr)18. » La même source rapporte que cet émir fit allégeance spirituelle (bâya‘a) à Taqiyyu Allâh. Entre le saint et l’émir, les rapports furent toujours marqués par le défi, mais aboutirent à une reconnaissance mutuelle avec un avantage en faveur du saint qui se vit sollicité pour protéger l’homme politique. Soulignons que l’émir Bakkâr w. Swayd Ahmad avait pris contact avec Mâ’ al-‘Aynayn afin d’organiser le jihâd. Il fut tué le 1er avril 1905 dans une attaque menée par Frèrejean qui était chargé par Coppolani d’occuper le Tagânat.
14Taqiyyu Allâh représentait, dans la tradition, la figure spirituelle par excellence ; il était toujours solitaire dans des khalwa (retraite mystique) : « Il passe un, voire deux mois sans entrer sous un toit, sans manger, boire, ni parler avec qui que ce soit19. » Néanmoins, son intervention auprès de l’émir démontre son engagement dans les affaires temporelles ; bien entendu, il s’engageait en sa qualité d’homme de religion et non d’homme politique, mais il faut remarquer que chaque action, perçue comme religieuse, avait une dimension politique et sociale. Cela dit, Taqiyyu Allâh n’effectua pas une retraite mystique complète comme le veut la tradition orale et écrite de la famille.
15Aussitôt après la mort de Sîdî ‘Uthmân, dont les charges restèrent unies dans sa succession, al-Hadrâmî convoqua ses frères adultes à Mahmûda et demanda au plus âgé d’entre eux, Muhammad al-Hassan, de prendre la succession. Ce dernier refusa et Muhammad Bûya (frère aîné germain de al-Hadrâmî) intervint en disant à Al-Hadrâmî : « C’est toi que notre père avait chargé de cette responsabilité et personne n’a le droit de l’assumer à ta place20. » Al-Hadrâmî accepta de prendre ces charges sous trois conditions relevant du partage des biens matériels de la famille. Ses frères acceptèrent sa décision, et chacun d’eux prit sa part de l’héritage de Shaykh Muhammad Fâdil : les esclaves qui étaient chez lui, les tlâmîdh, les protégés, les muhâjriyya.
16Cette initiative d’al-Hadramî marqua l’indépendance de chaque fils adulte dans des unités familiales élargies qui portaient le nom de ‘iyyâl et formèrent plus tard les principales fractions des Ahl at-Tâlib Mukhtâr21. L’autonomie des ‘iyyâl ne fut que matérielle parce que toute la tribu fut placée sous le commandement d’al-Hadrâmî. Ce dernier était pour Muhammad Fâdil son propre fils (il l’avait engendré) : « Al-Hadrâmî est le fils de mes côtes, comme s’il n’avait jamais été enfanté par une femme, comme s’il était issu de moi même (al-Hadrâmî ’ibn dil‘î hadhâ ka’annahu mâ-marra bi-’imra‘atin min ba‘dî bal ka ’annama kharaja minnî)22. » Un autre exemple révélateur du déni de la filiation maternelle au profit de l’héritage paternel : « ce fils des côtes de Muhammad Fâdil » devint le chef politique de la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, et ce fut sous sa direction que la tribu se structura.
17Pendant la vie de son père, al-Hadrâmî avait rempli plusieurs missions à caractère politique parmi les tribus de la région, notamment chez la famille émirale des Mashzûf. Il avait été, en quelque sorte, le gestionnaire des affaires politiques et sociales de son père, et avait acquis ainsi une riche expérience.
18À la tête des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, il se distingua par les stratégies qu’il déploya pour donner à son groupe un poids social en négociant les questions territoriales, élargissant sa clientèle ; en même temps, et surtout, il permit à la tribu de récupérer d’anciens alliés tels que les Ahl at-Tâlib ‘Abd al-Bâqî23.
19Par ailleurs, Sa‘d Bûh mentionne qu’al-Hadrâmî exerçait déjà son autorité sur la tribu, du vivant de Muhammad Fâdil24. Cette autorité lui était reconnue par ses frères qui l’avaient investi eux-mêmes dans ce rôle : « Ses frères aînés lui ont remis le commandement (sallam lahu al-’amr) sans dispute ni obstination (jadal walâ ‘inâd), il a organisé (sâsa) les affaires de sa tribu (‘ashî-ratih) et a posé sa structure (wada‘a ’asâsaha) sur les bases de la sharî‘a […] il a levé le déshonneur de sa tribu25 ».
20Toutefois, le consensus autour d’al-Hadrâmî comme chef politique des Ahl at-Tâlib Mukhtâr n’empêcha pas les oppositions internes. Sa‘d Bûh évoqua les contestations que rencontra al-Hadrâmî dans son entreprise pour le contrôle de la tribu : « Il est jalousé par les siens, tantôt ils le fuient, tantôt ils incitent les gens à fuir […]. Les membres de sa tribu ne se sont soumis à lui que sous la contrainte et non volontairement (dânat lahu riqâbu ‘ashîratih kurhan lâ taw‘an)26. »
21Avant sa mort, Taqiyyu Allâh rassembla ses fils et « les incita à la soumission à leur oncle Shaykh al-Hadrâmî27 ». Ces indices montrent que l’autorité de al-Hadrâmî était l’objet de certaines contestations internes.
22A l’opposé des autres fils de Muhammad Fâdil restés dans le Hawd, al-Hadrâmî se forgea un statut de chef tribal et politique. Le même qâdî de Walâta qui avait décrit Taqiyyu Allâh avait rencontré Al-Hadrâmî six fois (en général au sein de la famille émirale des Mashzûf). Il le décrivit ainsi : « Il a allié la sharî‘a et le soufisme (al-haqîqa) avec les affaires de ce bas monde et leurs gens […]. Il a associé la science (‘ilm) avec la pratique (‘amal), et a uni la politique publique avec celle des particuliers (siyyâsat al-‘ammat wa al-khâs-sat)28. »
23L’accent mis par l’auteur sur l’engagement d’al-Hadrâmî dans les affaires temporelles est très significatif, surtout si on compare cette description à celle du même auteur à propos de Taqiyyu Allâh. Cette même observation fut faite par le Français A. Le Chatelier. Dans sa description des deux personnages, il écrivit à propos de Taqiyyu Allâh : « Il représente la principale influence religieuse dans la région comprise entre l’Adrâr, le Djouf, le Hodh et le pays des Douaïch [Idaw‘îsh]. » Quant à al-Hadrâmî, Le Chatelier ne vit pas en lui un personnage religieux : « Il paraît faire exception aux traditions de sa famille et [semble] peu s’intéresser aux choses religieuses29. »
24Pourtant, pour la tradition familiale, al-Hadrâmî fut aussi un homme de religion de premier plan. Malgré ses tâches de caractère politique, il ne cessa d’accueillir les disciples et de représenter la Fâdiliyya comme les autres fils de Muhammad Fâdil. D’ailleurs, quand son père lui confia la responsabilité des affaires de la tribu, « al-Hadrâmî se serait exclamé en disant à son père : “Est-ce que vous me confiez cette tâche parce que je ne suis pas en mesure d’assumer un rôle spirituel comme mes frères ?” Muhammad Fâdil le rassura en lui répondant : “Je t’ai désigné à cette tâche parce que ce que possèdent tes frères – savoir et pouvoir spirituel – tu l’as déjà, par contre, ce que tu possèdes toi-même, eux ne l’ont pas”30. » Il faut souligner que la légitimité d’al-Hadrâmî, en l’occurrence dans ses rapports avec l’extérieur, était essentiellement basée sur un charisme religieux-confrérique.
25La mort de Muhammad Fâdil avait amorcé l’éclatement de l’unité spirituelle. Son premier successeur, Sîdî ‘Uthmân, maintint cette unité, mais son passage fut éphémère. Un an après la mort de Muhammad Fâdil, ses fils, certainement pour éviter un conflit, choisirent de partager son héritage spirituel tout en conservant l’unité de la tribu. Paradoxalement, c’est le partage des biens matériels qui marqua l’autonomie spirituelle de chacun des héritiers. Taqiyyu Allâh, qui se distinguait par son influence spirituelle, ne détint pourtant pas le monopole de la direction spirituelle de la confrérie. Chaque fils commença à « travailler à son compte », car il n’y avait aucune autorité spirituelle au sommet pour contrôler le champ d’action de la tarîqa. Toutefois, al-Hadrâmî réussit, grâce à son charisme et à son expérience politique, à conserver l’unité sociale des Ahl at-Tâlib Mukhtâr en s’imposant comme chef tribal et politique.
Du consensus à la confrontation
26Taqiyyu Allâh, al-Hadrâmî et les autres frères surent éviter une confrontation ouverte pour le monopole de l’héritage paternel ; cependant, la disparition des deux figures influentes après Muhammad Fâdil – Taqiyyu Allâh et al-Hadrâmî31 – laissa le champ libre à une concurrence aiguë entre les descendants de Muhammad Fâdil. Les acteurs principaux qui illustrèrent cette phase de la confrontation furent Sîdî al-Khayr et son neveu at-Turâd. Le premier était le dernier fils de Muhammad Fâdil, le deuxième, le fils aîné de al-Hadrâmî.
27Sîdî al-Khayr, vu son jeune âge, ne put bénéficier de la formation spirituelle de son père. Adulte, il se dirigea vers le Trârza pour rejoindre son frère Sa‘d Bûh qui avait hérité du turban de la science ésotérique (‘amâmat ‘ilm al-bâtin) de Muhammad Fâdil. Ce fut d’ailleurs son père qui lui ordonna dans une vision d’aller chez Sa‘d Bûh ; Sîdî al-Khayr obtempéra, après avoir refusé plusieurs fois, en objectant que la bénédiction reçue au cours de la visite au tombeau de Muhammad Fâdil lui suffisait. En arrivant chez Sa‘d Bûh, il exprima sa reconnaissance et sa soumission spirituelle en composant un poème d’éloge. Son séjour ne dura pas longtemps : Sa‘d Bûh lui mit le turban de shaykh et le renvoya au Hawd où il procéda au recrutement de ses propres tlâmîdh. Au bout de quelques années, il réussit à rassembler autour de lui plusieurs branches de sa famille. Le développement de son influence permit à Sîdî al-Khayr d’acquérir une certaine autonomie sociale par rapport à la tribu, officiellement sous la chefferie de at-Turâd w. al-Hadrâmî. Sîdî al-Khayr forma un groupe composé de ses tlâmîdh, des branches de sa tribu et de familles d’origines diverses, émanant, pour la majorité, de petits groupes zwâya du Hawd.
28En revanche, at-Turâd, qui succéda à son père al-Hadrâmî, se retrouva dans une situation embarrassante. L’initiative réussie de Sîdî al-Khayr mettait en cause sa légitimité en tant que chef de la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr et khalîfa de la Fâdiliyya. Sîdî al-Khayr ne manifesta pas d’opposition – du moins ouverte – à la succession de Turâd à la tête de la tribu. Mais, tout en reconnaissant le droit à la succession de son neveu, il lui contesta implicitement le droit au monopole de la direction spirituelle – qui devenait politique et sociale. Par ailleurs, Sîdî al-Khayr puisait sa légitimité dans sa qualité de fils de Muhammad Fâdil et de disciple de Sa‘d Bûh, deux atouts spirituels. Par contre, at-Turâd jouissait d’une légitimité plus marquée par l’aspect temporel que spirituel.
29Les deux personnages ne purent dissimuler leur rivalité longtemps. Dès la fin du xixe siècle, ils entrèrent en conflit pour imposer leur autorité. En fait, Sîdî al-Khayr ne visait pas la chefferie de la tribu, mais voulait obtenir l’indépendance des branches des Ahl at-Tâlib Mukhtâr qui étaient avec lui. Par contre, at-Turâd refusait toute scission et s’efforçait de maintenir l’unité de la tribu sous son contrôle.
30Coppolani assista à l’un des épisodes de cette confrontation pendant sa mission dans le Hawd en 189932. D’ailleurs, sa présence provoqua des incidents entre les deux protagonistes. En effet, la présence française dans le Hawd alimentait cette opposition. L’occupation militaire de la région au début de la deuxième décennie du xxe siècle contribua à renforcer l’indépendance de Sîdî al-Khayr, sans pour autant affaiblir at-Turâd, qui était reconnu comme chef et représentant officiel de la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr par l’administration française. En fait, le découpage administratif du Hawd à cette époque favorisait Sîdî al-Khayr, qui était rattaché au cercle de Walâta, contrairement à at-Turâd qui dépendait de Goumbou. Ce partage territorial mit Sîdî al-Khayr hors du contrôle d’at-Turâd sur le plan administratif, puisque at-Turâd était le responsable des Ahl at-Tâlib Mukhtâr auprès de l’administration coloniale de Goumbou. Une situation doublement avantageuse pour Sîdî al-Khayr qui vit son groupe s’élargir grâce à ce découpage. Les familles des Ahl at-Tâlib Mukhtâr qui nomadisaient dans le nord (cercle de Walâta) et qui étaient auparavant sous le commandement d’at-Turâd se joindraient à Sîdî al-Khayr – tout au moins administrativement -, d’autant que cette région du nord était un espace favorable au nomadisme chamelier en raison de ses riches pâturages.
31Avant de clore cette question sur l’état de la Fâdiliyya au début du xxe siècle, il s’agit d’examiner les rapports qu’avaient établis Sa‘d Bûh et Mâ’ al-‘Aynayn avec leur propre tribu. Ces deux personnages, qui avaient quitté le Hawd tôt, ne s’étaient pas pourtant désintéressés de ce qui se passait dans leur pays d’origine33. Ils œuvrèrent même activement afin d’y étendre leur influence, en particulier pour acquérir le soutien de leurs frères et cousins face aux Français. C’est dans cette perspective que Mâ’ al-‘Aynayn, dès le début de la résistance, dépêcha des émissaires à ses côtés au Hawd pour mobiliser les Ahl at-Tâlib Mukhtâr et les autres tribus.
32Sa‘d Bûh, quant à lui, ne resta pas indifférent aux actions de son frère dans la région ; une de ses lettres témoigne de la concurrence qui naquit entre les deux frères pour l’adhésion des Ahl at-Tâlib Mukhtâr à leurs causes respectives. En s’adressant au représentant de l’autorité coloniale en Mauritanie, Sa‘d Bûh écrivit : « Il faut que vous sachiez que depuis des années Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn et moi-même, nous attirons mutuellement notre famille, nos frères, les fils de nos frères et nos cousins dans le Hawd ; Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn veut qu’ils se joignent à lui dans sa région et, s’ils ne le peuvent pas, qu’ils envoient de l’argent et des chameaux pour l’aider. En ce qui me concerne j’ai envoyé des lettres et des émissaires afin de leur conseiller de ne pas se laisser séduire par l’action de Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn, et de ne pas se détacher de la conduite de leurs ancêtres qui ont toujours abandonné le port des armes34. »
33Sa‘d Bûh soulignait les appels de jihâd lancés par Mâ’ al-‘Aynayn aux Ahl at-Tâlib Mukhtâr, et surtout ses demandes de soutien matériel. Il inséra la divergence entre lui et son frère dans le cadre de leur position par rapport aux Français.
34Sa‘d Bûh se présenta par la suite en porte-parole des Ahl at-Tâlib Mukhtâr du Hâwd. Au début de la conquête de cette région, il intervint pour obtenir des privilèges pour sa tribu, assurant les Français du soutien des Ahl at-Tâlib Mukhtâr : « Je vous envoie un de mes fils pour obtenir d’eux [Ahl at-Tâlib Mukhtâr de Hawd] un traité de paix (‘ahd amân) et vous donner des garanties qu’ils ne seront pas hostiles à votre présence, et qu’ils ont choisi de se rendre à vos côtés, et, si vous arrivez au Hawd, ils seront les premiers à vous donner le ‘ushr (impôt 1/10) ; […] deux raisons les poussaient à obtenir ce traité de paix : la première est que les Français sont arrivés à Néma et ils [Ahl at-Tâlib Mukhtâr] souhaitent avoir un document qui prouve leur priorité, et la deuxième raison, c’est pour couper court aux appels de ce shaykh [Mâ’ al-‘Aynayn ] et qu’ils se rangent à mes côtés35. »
35La défaite de Mâ’ al-‘Aynayn donna raison aux thèses défendues par Sa‘d Bûh, dont la réputation y gagna. Ses frères et ses neveux qui avaient regagné Smâra auparavant étaient alors contraints de lui demander d’intervenir auprès des Français pour obtenir des autorisations de retourner au Hawd ou de s’installer dans son campement.
36Grâce à ses bons rapports avec l’administration française, l’influence de Sa‘d Bûh sur les Ahl at-Tâlib Mukhtâr augmenta, mais jamais il ne contesta le leadership des successeurs légitimes. Bien plus, il multiplia les initiatives en faveur de leur pouvoir chaque fois que ce fut nécessaire. En 1915, par exemple, il intervient auprès des autorités françaises, en « insistant sur les droits de Cheikh Tourad et de son fils Nema au commandement des Ahel Taleb Mokhtar du Hodh36 ». Les Français eux-mêmes sollicitèrent parfois son aide pour établir l’ordre dans la tribu, en particulier au moment où le conflit entre at-Turâd et Sîdî al-Khayr devint très aigu. Le gouverneur du Haut-Sénégal-Niger, dans une lettre aux autorités de Saint-Louis, écrivit : « Si Cheikh Saad Bou a assez d’influence sur son jeune frère Sidi El Kheir pour lui faire renoncer à son opposition contre Thorad, je n’y verrais pas d’inconvénient […]. L’attitude des Thalib-Mokhtar a toujours été correcte, si les conseils de Cheikh Saad Bou y sont comme il le dit pour quelque chose, je n’ai qu’à l’en remercier37. »
37Notons que Sîdî al-Khayr était un disciple de Sa‘d Bûh ; le soutien de ce dernier à at-Turâd, dans son commandement, ne mettait pas directement en cause le projet de Sîdî al-Khayr ; d’ailleurs, ce dernier n’avait jamais contesté ouvertement le droit légitime d’at-Turâd dans cette fonction. Il agissait ainsi pour acquérir son autonomie et non pour accéder à la direction de la tribu. En outre, tout en soutenant at-Turâd w. al-Hadrâmî, jamais Sa‘d Bûh ne critiqua son frère Sîdî al-Khayr. Il intervint même auprès des Français, réclamant des privilèges pour lui.
38Ainsi, les successeurs installés ailleurs ne créèrent aucune rupture avec leur lieu d’origine. Bien qu’ils aient fondé d’autres groupes sociaux et spirituels indépendants, ils restèrent liés, dans leur action immédiate et dans leurs projets en général, à l’unité centrale symbolisée par la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr au Hawd.
39La mort de Muhammad Fâdil et de son premier successeur avait produit un éclatement de l’unité spirituelle : chacun de ses fils avait pris son indépendance spirituelle. Toutefois, al-Hadrâmî avait réussi à maintenir l’unité sociale de la tribu dans le Hawd, mais elle éclata après sa mort. Les héritiers comme Sîdî al-Khayr ne se contentèrent pas d’un rôle spirituel ; ils s’engagèrent dans la compétition sociale, déclenchant des conflits segmentaires. At-Turâd w. al-Hadrâmî fut une figure de l’autorité tribale plus que spirituelle tandis que Sîdî al-Khayr développa un prestige religieux qui lui permit de se poser comme le représentant de la Fâdiliyya, et c’est à partir de cette dimension mystique qu’il mena son action pour la formation d’un groupe social indépendant. La mort de ces deux figures, presque simultanée38, marqua la fin d’une époque de l’histoire de la Fâdiliyya et des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, dans le Hawd.
L’héritage de Muhammad Fâdil
40Nous avons donc vu comment l’héritage spirituel et social de Muhammad Fâdil se partagea et se dispersa entre ses successeurs. Les figures marquantes par leur charisme social et spirituel réussirent à capter la plus grande partie de cet héritage au détriment des autres qui furent reléguées au second plan. Hormis les deux fils de Muhammad Fâdil qui avaient réussi leur projet hors du Hawd, les autres n’eurent pas de succès ; toutefois, ils s’implantèrent dans l’espace de l’Afrique occidentale et créèrent un réseau très actif, notamment dans la propagation des idées du maître fondateur, dont se firent également l’écho certains disciples.
41Les fils de Muhammad Fâdil qui étaient candidats à un rôle de premier plan après sa mort étaient au nombre de douze39. Comme nous l’avons vu, cinq seulement bénéficièrent directement de cet héritage : Sîdî ‘Uthmân, Sa‘d Bûh, Mâ’ al-‘Aynayn, Taqiyyu Allâh et al-Hadrâmî ; en ce qui concerne at-Turâd, il appartenait à une autre catégorie de successeurs. La tradition orale légitima cette succession – et la réussite exceptionnelle des quatre derniers personnages – par un processus de transmission du pouvoir temporel et spirituel réglé d’avance par Muhammad Fâdil. Le shaykh avait désigné à chacun de ses fils les limites de son action et de ses fonctions.
42Mais la concurrence souvent implicite qui s’installa entre les frères montre bien que la tradition selon laquelle les rôles auraient été préétablis par le père n’était qu’un discours de légitimation de la part des bénéficiaires de ce partage, repris plus tard par leurs successeurs. Le monopole de l’héritage nécessita la production de ce discours pour barrer la route aux ambitions des autres candidats potentiels. Sa‘d Bûh évoquait l’opposition à l’intérieur de la tribu à l’égard de l’autorité de al-Hadrâmî et affirmait que ce dernier ne s’était imposé que par la force. De même pour Sîdî al-Khayr qui s’était lancé dans un conflit avec son neveu pour son autonomie tribale ; il montra que le droit de commandement de la tribu confié à la lignée de al-Hadrâmî par Muhammad Fâdil n’était pas aussi sacré ni éternel. D’ailleurs, même la version selon laquelle Muhammad Fâdil avait ordonné à chacun de ses fils, en particulier Sa‘d Bûh et Mâ’ al-‘Aynayn, de s’installer respectivement dans le Trârza et la Sâgiya al-Hamrâ est incertaine ; elle pourrait être une reconstruction postérieure. En effet, nous avons constaté que Sa‘d Bûh voyagea dans plusieurs régions du pays bidân avant de s’installer définitivement dans le Trârza ; il en fut de même pour Mâ’ al-‘Aynayn.
43Par conséquent, ce n’est pas le « testament » de Muhammad Fâdil qui donna à ses successeurs leur aura, mais plutôt leur propre valeur individuelle. Le charisme personnel était le facteur essentiel du succès de leur action sur le terrain. L’acte de désignation des successeurs par Muhammad Fâdil – s’il y eut réellement un tel acte – fut déterminé par sa connaissance préalable de leur qualité d’homme d’action. Rappelons qu’avant de les envoyer conquérir de nouveaux espaces, il garda ses fils à son service ; ce qui lui permit de tester leur capacité.
44Les autres fils de Muhammad Fâdil trouvèrent devant eux un champ spirituel et social monopolisé ; ils durent se résigner à jouer un rôle d’auxiliaire : faire la quête de la zyâra au nom de leurs frères, ou remplir quelque mission auprès d’eux. Ils vécurent dans l’ombre des figures principales, ce qui ne les empêcha pas de temps en temps de se lancer dans des projets personnels. L’occupation de l’espace bidân par des successeurs « désignés » obligea certains fils de Muhammad Fâdil à chercher d’autres lieux pour éviter la confrontation. C’est ainsi que l’Afrique de l’Ouest fut le terrain privilégié des « exclus indirects » du pays bidân ; Abba w. Muhammad Fâdil fut contraint par exemple de s’installer en Casamance, où il réussit finalement à s’implanter. Il avait selon la tradition le don de maîtriser des forces invisibles (junûn). La tradition légitimait ce don en rapportant que Muhammad Fâdil lui avait transmis le secret de guérir les individus « habités par les junûn » : une spécialité très demandée par ce milieu africain dans lequel les esprits hantaient la vie quotidienne. Cela montre l’adaptation des offres de services à la demande de la clientèle. Le cas d’Abba n’était pas isolé puisque d’autres fils de Muhammad Fâdil partaient du Hawd pour sillonner d’autres régions en quête d’un lieu d’implantation.
45Il nous faut encore mentionner le devenir des tlâmîdh de Muhammad Fâdil. De son vivant, Muhammad Fâdil autorisa quelques-uns de ses disciples à donner le wird en son non. Pour assurer la diffusion de sa tarîqa, il procéda à l’envoi de certains dans d’autres régions du pays bidân, comme Muhammad Fâdil w. ‘Baydî, son cousin, à qui il permit d’aller s’installer dans l’Adrâr. D’après al-Mukhtâr w. Hâmidûn, Muhammad Fâdil w. ‘Baydî fut le premier des Ahl at-Tâlib Mukhtâr à quitter le Hawd. Il se rendit en Adrâr en 1266H/ 1849-1850, visita Marrakech et Fès avant de s’installer d’une façon définitive dans l’Adrâr40.
46Dès son installation en Adrâr, Muhammad Fâdil w. ‘Baydi se consacra à la formation de nouveaux disciples dans cette région, constituant sa propre clientèle religieuse. Il entama également la construction d’un petit village nommé Jrayf, qui devint le centre de la famille. Il se distingua en encourageant ses disciples au travail de la terre : « De l’ermitage qu’ils avaient construit à Legdim dans l’est d’Ouadân, le Cheikh dirigeait les défrichements, le forage des puits, les cultures de palmeraies et de céréales. L’Adrâr lui doit le puits de Touijinit, coffré en pierres, profond de 3 mètres sur la rive orientale de la Seb-kha, les champs de Legdim et surtout la belle palmeraie de Jrarïf41. »
47Il revint de La Mecque avec un architecte tunisien pour la construction d’une nouvelle maison appelée plus tard ziyâra puisque c’est dans cette demeure que Muhammad Fâdil w. ‘Baydî fut enterré. Muhammad Fâdil w. ‘Baydî avait gardé des liens étroits avec son shaykh au Hawd ; il était selon Ad-Diyyâ’ parmi les disciples les plus généreux envers son maître à travers ses hadâyâ42.
48Après la mort de Muhammad Fâdil, et contrairement à ce qu’avance Du Puigaudeau, Muhammad Fâdil w. ‘Baydî ne prit pas la direction de la Fâdiliyya ; il conserva les mêmes liens avec les successeurs de son maître, notamment Taqiyya Allâh, qui était « son ami spirituel" (sâhibuhu ar-rûhî) », auquel « il envoyait des caravanes chargées d’offrandes43 ». De plus, la tradition rapporte que Muhammad Fâdil w. ‘Baydî était stérile, et que ce n’est qu’en sollicitant la baraka de Taqiyyu Allâh qu’il put avoir son premier enfant, auquel il donna d’ailleurs le nom de Taqiyyu Allâh44. Cette dépendance vis-à-vis du shaykh et de ses fils n’était que symbolique ; Muhammad Fâdil w. ‘Baydî créa sa propre entreprise religieuse en Adrâr.
49Si les disciples dans leur majorité restèrent fidèles aux successeurs du shaykh fondateur, il arriva que des disciples de Muhammad Fâdil manifestèrent une certaine opposition à ses héritiers. Ce fut le cas de Muhammad Fâdil w. Lahbîb, l’auteur du volumineux texte hagiographique Ad-Diyyâ’. Ce disciple était marié à une des filles du shaykh. Après la mort du maître, il la répudia et refusa de lui rendre l’une de ses servantes (jâriyya). Furieuse, elle eut recours à ses frères pour la récupérer. Informé, Taqiyyu Allâh décida de partir chez Muhammad Fâdil w. Lahbîb. A son arrivée, une dispute s’engagea entre eux : Taqiyyu Allâh se sentit provoqué et ordonna au ciel de tomber sur la terre. Effrayés, les cousins de Muhammad Fâdil w. Lahbîb l’obligèrent à rendre la domestique45. Le résultat de ce duel entre les deux fils « initiatiques » du shaykh fut en la faveur de son héritier généalogique. Ce défi du disciple au fils du shaykh mettait implicitement en cause la légitimité héréditaire basée sur les liens du sang. Muhammad Fâdil w. Lahbîb ne se soumit pas à la tradition mystique qui dit que « le fils du shaykh est comme le shaykh », une formule qu’il cita lui-même plusieurs fois dans Ad-Diyyâ’.
50En abordant l’héritage de Muhammad Fâdil, nous ne pouvons négliger l’importance du lieu de son tombeau, qui s’inscrit dans l’héritage du saint. Le tombeau d’un saint constitue un élément révélateur de la place occupée par celui-ci pendant sa vie. Par le nombre des visiteurs sollicitant la baraka du saint après sa mort et les cadeaux déposés sur son tombeau, la sainteté continue à s’exercer. Cette perpétuation fut également importante dans l’action des héritiers. Nous citons ici un texte de P. Marty qui décrivit le lieu d’enterrement de Muhammad Fâdil, un demi-siècle après la disparition du saint. Selon ce témoignage, Muhammad Fâdil était enterré « à deux kilomètres au N.-O. des puisards de Diadié, sur un plateau sablonneux qu’une abondante végétation de fines graminées et d’initi (cramcram) a fixé. On lui a élevé un mausolée, qui a reçu le nom de Dar es-Salam [maison de la paix].
51Il consiste en une grande case, bien bâtie, de banco et d’ardoise, de 6 mètres de côté. A l’intérieur, s’élève le tombeau proprement dit, petit édifice en banco de 1 mètre 50 de hauteur. Une grande housse rayée de diverses couleurs le recouvre. Dans une case voisine, en chaume, se tiennent en permanence deux ou trois telamides, pourvus d’outres d’eau à l’usage des visiteurs. Il y a perpétuellement des visiteurs sur cette dune sacrée, et avec les femmes, enfants et bêtes de sacrifices, une certaine animation y règne. Autour du tombeau de ce ouli [walî], un vaste cimetière s’est constitué suivant l’usage islamique, des tombes s’y groupent nombreuses, signalées par de grandes stèles d’ardoise de 0 m. 30 à 1 mètre de hauteur. Elles sont souvent recouvertes d’inscriptions ne présentant aucun intérêt : “Ô dieu pardonne et fais miséricorde à ton serviteur, le pieux, le saint…, de telle tribu.” On voit parmi ces tombes un grand nombre d’enfants et de petits-enfants de Mohammed Fadel.
52Les épineux, qui entourent le mausolée et qui, respectés, sont devenus fort beaux, portent dans l’interstice de leurs branches les marques de la vénération ambiante. On y vient déposer les tentes roulées, ou plus simplement les piquets et poteaux de tentes ; des armatures de palanquin ; des nattes, des mortiers ; des mezoued vides ou pleins des vêtements, etc. Ces objets restent là plusieurs jours, afin de s’imprégner de la baraka du saint, puis sont enlevés46. »
Les leçons d’une succession
53Le processus de routinisation du charisme s’insère dans un modèle décrit par M. Weber comme « primitif ». Selon ce modèle, le successeur est désigné par le détenteur du charisme, qui choisit avant sa mort celui qui sera le nouveau porteur du charisme. Le fondateur évite ainsi les luttes qui peuvent naître à sa disparition. Un deuxième élément important et décisif dans les phases ultérieures est la transformation de ce charisme en un charisme héréditaire. Muhammad Fâdil, en choisissant son fils, restreignit la succession à sa famille. Le charisme devint donc « une qualité de sang ».
54La transmission généalogique répond à une stratégie dans le processus de la formation du charisme du saint fondateur lui-même. L’un des éléments primordiaux du charisme de Muhammad Fâdil était d’ordre généalogique puisqu’il se présentait comme un descendant du Prophète. L’affirmation de l’origine chérifienne est une expression de la transmission de la baraka du saint par la voie du sang. D’ailleurs, même au niveau de la transmission initiatique, Muhammad Fâdil restait attaché à la référence généalogique, la chaîne mystique se confondant avec la lignée généalogique jusqu’au dixième ancêtre. Ainsi le fait que la succession soit restreinte à la descendance directe du saint répond-il à un schéma fondamental dans la formation de la sainteté de la famille. Il faut noter que ce modèle de transmission généalogique s’inscrit dans une longue tradition qui n’est pas propre au lignage saint, mais s’applique également au milieu savant. C’est ainsi qu’au Maghreb se sont constituées des maisons de science basées sur la reproduction dynastique du corps des ‘ulamâ’ puisque les charges religieuses officielles étaient héréditaires.
55De plus, l’hérédité et la primogéniture comme solution de succession changent le sens de la domination. La domination charismatique du fondateur était fondée sur une grâce personnelle extraordinaire, caractérisée par le dévouement des sujets à la cause d’un homme. Ces qualités essentielles de la domination charismatique perdaient leur sens avec le modèle gestionnaire puisque le charisme personnel pouvait faire défaut au candidat à la succession. Nous nous trouvons dans ce cas face à une domination de type traditionnel, car, « avec la routinisation, le groupement de domination charismatique débouche largement sur les formes de la domination quotidienne47 ». Nous avons montré comment al-Hadrâmî imposa par la force physique son autorité sur la tribu ; le dévouement au chef n’était plus volontaire, mais forcé. De plus, malgré l’aspect de légitimation religieuse, son autorité devint de plus en plus sociale. Il incarnait moins le shaykh de la Fâdiliyya que le shîkh48 des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, ce premier statut étant surtout celui de son frère Taqiyyu Allâh qui s’était retiré des affaires politiques de la tribu. La tradition orale, qui le présente comme un grand sûfî en retraite mystique (khalwa), laisse penser que l’héritage spirituel de Muhammad Fâdil dans le Hawd fut capté par Taqiyyu Allâh.
56L’engagement dans la vie sociale affaiblit et exclut donc progressivement le capital spirituel du successeur désigné à cette fonction. Cela dit, la domination charismatique du fondateur Muhammad Fâdil n’était pas limitée au spirituel ; elle s’étendait au champ social. Muhammad Fâdil était impliqué dans la vie sociale, politique et économique de son groupe, mais, contrairement à son héritier, son engagement fut perçu comme une irruption du sacré dans le profane et du spirituel dans le temporel ; la tâche de Muhammad Fâdil s’inscrivit dans le modèle prophétique. D’ailleurs, le fait qu’il déléguât la direction des affaires de la tribu à son fils al-Hadrâmî exprimait la volonté du saint de transcender les contradictions du quotidien pour conserver une certaine distance vis-à-vis des affaires temporelles, distance qui maintenait et renforçait son statut de saint.
57La « quotidiennisation » du charisme modifie son caractère initial. Le successeur s’engage de plus en plus dans le temporel au détriment de son rôle spirituel. Par ailleurs, le shaykh confrérique se transforme rapidement en shîkh tribal, tout en conservant parfois des traditions ostentatoires de caractère religieux. Ce passage du pouvoir religieux au pouvoir politique et social est devenu l’un des faits marquants de l’évolution spirituelle et sociale de la Fâdiliyya. La conquête du pouvoir social débute souvent par l’acquisition d’un pouvoir spirituel de caractère charismatique, et c’est par un processus de routinisation que la transformation se produit.
58Dans l’histoire de la Fâdiliyya et des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, les principaux groupes fractionnels de la tribu furent d’abord fondés par des descendants qui menèrent une action, sur le plan religieux, de chef confrérique avant que leur autorité spirituelle ne devienne sociale, notamment après leur disparition. Le cas d’al-Hadrâmî est une illustration de ce phénomène. C’est aussi le cas de Sîdî al-Khayr w. Muhammad Fâdil qui entra en rivalité, au début du siècle, avec son neveu at-Turâd w. al-Hadrâmî. À la fin des années trente, le même processus se produisit, cette fois entre les petits-fils de al-Hadrâmî qui rivalisèrent pour le contrôle de la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, mais chacun d’eux se fonda sur une légitimité de nature différente, l’une sociale et l’autre spirituelle.
59Par ailleurs, la transmission héréditaire pose le problème de la relation entre la transmission héréditaire et la transmission initiatique. Qu’il s’agisse des protagonistes directs (c’est-à-dire les héritiers généalogiques) ou des héritiers initiatiques, « la routinisation ne va pas sans lutte49 ». Les disciples de Muhammad Fâdil étaient exclus de la succession confrérique. La priorité fut donnée d’abord aux fils biologiques (at-tînî) sur les fils spirituels (ar-rûhî). Les disciples, dès la mort du saint fondateur, eurent l’obligation (morale) de faire allégeance au nouveau successeur, sans quoi il fallait chercher de nouveaux espaces d’influence tout en gardant un lien de dépendance symbolique avec la famille du maître. Cependant, certains disciples de Muhammad Fâdil manifestèrent leur opposition aux successeurs du saint. Ce fut le cas de Muhammad Fâdil w. Lahbîb par rapport à Taqiyyu Allâh, comme on l’a vu.
60Le saint fondateur réussit à mettre en œuvre une stratégie dynastique basée sur le prestige de l’ascendance. Par ce mécanisme, il assura la continuité de la direction de la tarîqa au sein de ses descendants directs. C’est aussi ce mécanisme qui modifia le sens des traits symboliques de la fondation de la tarîqa. La légitimité spirituelle devint liée à la légitimité généalogique parentale, ce qui rendit le pouvoir confrérique dépendant du pouvoir tribal. Cependant, plus le chef désigné s’impliqua dans les affaires sociales, plus il perdit son autorité spirituelle et le contrôle de la tarîqa. Ce phénomène finit par aboutir à une dualité entre la fonction spirituelle et la fonction temporelle avec une tendance à leur séparation. Cet état provoqua une forte rivalité entre les descendants de la famille pour l’exercice du monopole de ces deux fonctions. En somme, la transformation du fonctionnement de l’entreprise religieuse est une suite de processus de changement qui se produisent au cours de l’histoire religieuse, sociale et politique de la tarîqa.
Notes de bas de page
1 Muhammad Fâdil a vécu, selon son fils Taqiyyu Allâh, 74 ans, 4 mois, 15 jours et 13 heures. Ce calcul est conforme aux dates de l’hégire.
2 Elboudrari, H., « Quand les saints font les ville. Le lecture anthropologique de la pratique sociale d’un saint marocain du xviie siècle », Annales ESC, 1985, p. 503.
3 Weber, M., Économie et société, t. 1, p. 326.
4 Ad-Diyyâ’, p. 347, N.
5 Ibid., p. 361, N.
6 Enquête effectuée en mars-avril-mai 1995 au Hawd. Les récits à propos de la succession sont dans leur majorité identiques, notamment pour les premiers temps de la succession. Les principaux interviewés dans ce domaine sont : Hamma w. Sa‘d Bûh w. at-Turâd w. al-’Abbâs w. al-Hadrâmî w. Muhammad Fâdil, at-Turâd w. Bâba w. at-Turâd w. al-Hadrâmî w. Muhammad Fâdil, Ghaythî w. Mamma. w. Taqiyyu Allâh w. Muhammad Fâdil.
7 At-Turâd w. Bâba w. at-Turâd w. al-Hadrâmî w. Muhammad Fâdil, Bayribafât, mars 1995.
8 Ad-Diyyâ’, p. 352, N.
9 Ibid., p. 353, N.
10 Ad-Diyyâ’, p. 356, N.
11 Ibid.
12 Ibid.
13 Al-Mukhtâr w. Hâmidûm, Ahl Shaykh Muhammad Fâdil, p. 11.
14 Manh, pp. 264-265.
15 Muhammad Taqiyyu allâh w. Shaykh Mâmîn, Hayât al-‘âbid al-’awwal fi hayâi Shaykh Muhammad Taqiyyu Allâh, p. 8.
16 Le Chatelier, Α., L’Islam dans l’Afrique occidentale, p. 328.
17 Muhammad Taqiyyu Allâh w. Shaykh Mâmîn, op. cit., p. 5.
18 Ibid.
19 Sa‘d Bûh b. Muhammad Fâdil, s. t., ms., Institut islamique Mamma, op. cit., p. 6.
20 At-Turâd w. Bâba, op. cit.
21 Les principales fractions de la tribu des Ahl at-Tâlib Mukhtâr au début du siècle sont : Ahl Shaykh al-Hadrâmî, Ahl at-Tâlib Muhammad, Ahl Diyah, Ahl Shaykh Khalîfa, Ahl al-Hâjj, Ahl Shaykhna Muhammad Ma‘lûm, Ahl Akhyâr, Ahl Taqiyyu Allâh, Ahl at-Tâlib ‘Abd al-Bâqî, Ahl Ababak, Ahl Khyyâr w. at-Tâlib Muhammad, Ahl Sîdî al-Khayr, Ahl Sîdî Lamîn, Ahl Abba et Ahl Muhammad Laghdaf. Marty, P., Étude sur l’islam et les tribus du Soudan, pp. 250-51. Nous constatons donc que les fractions portaient les noms des fils de Muhammad Fâdil.
22 Ad-Diyyâ’, p. 357, N.
23 Selon at-Turâd w. Bâba, cette tribu se sépara des Ahl at-Tâlib Mukhtâr à l’époque de l’événement de aj-Jîh al-Mukhtâr avec Gaywâr ; ce n’est qu’à la fin du xixe siècle que les Ahl ‘Abd al-Bâqî demandèrent leur réintégration dans les Ahl at-Tâlib Mukhtâr à la suite d’un conflit qui les opposa à la tribu des Kunta, chez laquelle ils s’étaient réfugiés au début.
24 Sa‘d Bûh B. Muhammad Fâdil, s. t., ms., Institut islamique Mamma… op. cit., p. 7.
25 25. Ibid.
26 Ibid.
27 Muhammad Taqiyyu Allâh b. Shaykh Mâmîn, op. cit., p. 6.
28 Manh, p. 266.
29 Le Chatelier, Α., L’Islam dans l’Afrique occidentale, p. 328.
30 At-Turâd w. Bâba, op. cit.
31 Selon le chroniqueur de Walâta qui a connu les deux personnages, Taqiyyu Allâh est mort au mois de rabî’ 1311/nov. déc. 1893 ; quant à Al-Hadrâmî, il est mort en rajb 1311/ janv. févr. 1894 – Manh, pp. 246-256-268.
32 Coppolani, X., Rapport d’ensemble sur ma mission au Soudan français, p. 21.
33 Nous indiquons que les groupes sociaux fondés par ces deux personnages, Ahl Sa‘d Bûh et Ahl Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn, sont restés très liés à la tribu mère : les Ahl at-Tâlib Mukhtâr. Les Ahl Mâ’ al-‘Aynayn au nord du pays bidân ont conservé par exemple le nâr, le signe de propriété des animaux des Ahl at-Tâlib Mukhtâr (T), ce qui montre que ces liens n’étaient pas que symboliques.
34 ANN, E/2/133, dossier des Ahel Cheikh Saad Bouh, Sa‘d Bûh au commandant du pays bidân (’amîr ’ardal-bidân), s.d. (notre traduction).
35 ANN, E/2/133, dossier des Ahel Cheikh Saad Bouh, Sa‘d Bûh au commandant du pays bidân (’amîr ’ard al-bidân), s.d. (notre traduction).
36 ANN, E/2/ 133, 139, le capitaine commandant le cercle de Trarza, Boutilimit, 11 février 1916.
37 ANN, E/2/ 133, a 161, gouvernement des colonies, lieutenant gouverneur du Haut-Sénégal au commissaire du G. G. en Mauritanie à Saint-Louis, Bamakon, 3 juin 1915.
38 Sîdî al-Khayr mourut le 4 décembre 1916 ; quant à at-Turâd, il décéda le 28 janvier 1917.
39 Muhammad Fâdil avait quarante-huit fils mâles ; quelques-uns étaient morts (de son vivant) (Sîdî Muhammad). La majorité des autres étaient en bas âge ; avant sa mort, une dizaine seulement avaient l’âge et la notoriété leur permettant d’assumer un rôle important. Ad-Diyyâ’ mit l’accent sur onze : Sîdî ‘Uthmân, al-Hadrâmî, at-Tâlib Akhyâr, Muhammad Laghdaf, Ahmad al-Hayba, Mâ’ al-‘Aynayn, Sa‘d Bûh, al-Qutb, Muhammad al-Ghayth, Muhammad ‘Abd al-Wahhâb, aj-Jîh al-Mukhtâr.
40 Al-Mukhtâr w. Hâmidûn, M., Ahl Shaykh Muhammad Fâdil, p. 11.
41 Du Puigaudeau O., « La Ziara du Cheikh Mohamed Fadel (Adrar) », Bull. IFAN, 1951, p. 1219.
42 Ad-Diyyâ’, p. 161a., R.
43 Muhammad Taqiyyu Allâh w. Shaykh Mâmîn, op. cit., p. 6.
44 Ibid.
45 Ibid, p. 4.
46 Marty, P., Études sur l’islam et les tribus du Soudan, p. 261.
47 Weber, M., Économie et société, t. 1, p. 332.
48 Nos informateurs mettent l’accent sur la différence sémantique entre le terme de shaykh et celui de shîkh. Le premier désigne en particulier le chef confrérique ; quant au deuxième, il renvoie au chef politique et tribal.
49 Weber, M., Économie et société, t. 1, p. 332.
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