Chapitre 8. Mâ’ al-‘Aynayn : la conquête de la Sâgiya al-Hamrâ’
p. 129-145
Texte intégral
1Le deuxième personnage de notre étude est Mâ’ al-‘Aynayn. Il naquit le 27 sha‘bân 1246/10 février 1831 dans le Hawd. Sa mère est Khadîja mint al-Ma‘lûm, de la tribu d’Idawbja. Elle fut l’une des premières femmes de Muhammad Fâdil. Mâ’ al-‘Aynayn demeura jusqu’à l’âge de 28 ans avec son père, qui fut son unique maître dans les sciences ésotérique et exotérique ; à la fin de sa formation, il lui donna l’autorisation (fakka ’anhu al-hajar)1 d’entreprendre son premier voyage. Mâ’ al-‘Aynayn prit la direction des lieux saints. Au retour de son pèlerinage, il se lança dans la quête d’un territoire, et son choix se fixa sur une région du nord du pays bidân, et en particulier sur la Sâgiya al-Hamrâ’.
Pourquoi le nord ?
2Pourquoi le nord ? Tout d’abord pour éviter d’entrer en concurrence avec ses frères. Mais la raison majeure de son choix demeure l’absence d’autorité religieuse dans la Sâgiya al-Hamrâ’, région, par ailleurs, située sur les axes de commerce transsaharien entre le Maroc et l’Ouest saharien et l’Afrique noire.
3L’espace qui s’étend du nord de l’Adrâr jusqu’à Wâd Nûn ne connaissait pas, en effet, de grands dignitaires religieux ni de chefs spirituels, contrairement aux autres régions du pays bidân. Les tentatives de deux personnages religieux, qui étaient célèbres à l’époque, Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash et Sîdî Ahmad al-Kuntî, d’élargir leur pouvoir s’étaient heurtées à l’opposition et au refus des tribus dans la région.
4Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash était un érudit connu au pays bidân. L’auteur de Manh, le lettré de Walâta, le présente comme un grand savant et un homme politique d’envergure de la région2. L’auteur signale également l’appartenance confrérique de ce personnage : il le présente comme un qâdirî, qui avait pris la tarîqa auprès de Sîdî Muhammad3. Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash réussit à donner à la ville de Tindûf, en plus de son rôle commercial4, un rayonnement religieux et intellectuel en fondant une mosquée et une grande bibliothèque. Cependant, sa tribu, les Tâjakânat, était en guerre permanente avec les Rgaybât qui, dans le cadre de leur expansion territoriale, espéraient dominer la ville de Tindûf. Les premiers combats entre les deux tribus remontaient à 1819 ; le dernier combat qui mit fin à leur l’hostilité et qui en même temps consacra la suprématie des Rgaybât se déroula en 1896. Selon Muhammad Sâlim w. Lahbîb, ce combat s‘acheva par la destruction de Tindûf5. En fait, la ville de Tindûf ne fut pas détruite, disons plutôt qu’elle capitula.
5Pendant l’un des combats qui opposa les deux tribus, Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash fut le chef des Tâjakânat ; D’ailleurs, c’est lui qui déclara cette guerre selon la tradition des Rgaybât6. Cette guerre ne fut pas une simple vengeance comme l’avancent les intéressés ; elle traduisit, en effet, la concurrence pour le contrôle des territoires. Les Tâjakânat étaient influents dans la région ; ils étaient les fondateurs de la ville de Tindûf, l’une des villes importantes sur les axes du commerce transsaharien, et les Rgaybât n’étaient pas prêts à laisser la maîtrise de cette zone clé aux Tâjakânat plus longtemps.
6Quant à Sîdî Ahmad al-Kuntî7, il essaya de s’établir dans la région du Nord, mais cette tentative fut vaine en raison de l’opposition armée des Awlad Bûsbâ’ et des Rgaybât. Il trouva la mort en 1862 dans cette guerre.8
7Les projets de ces deux hommes de religion étaient situés, il faut le noter, sur l’axe traditionnel du commerce transsaharien qui relie l’Adrâr et Tindûf.
8Les Kunta, installés non loin des mines de sel de Ijjil et Wâdân, assuraient traditionnellement le commerce en coordination avec leurs cousins dans le Tagânat, le Hawd et le nord de Tombouctou. Les Tâjakânat, forts d’une implantation très ancienne dans les différentes régions du pays bidân, contribuaient activement aux échanges commerciaux entre ces régions. Les Rgaybât, quant à eux, n’étaient pas très engagés dans le commerce, étant surtout des éleveurs nomades. Par contre, leurs alliés contre Sîdî Ahmad al-Kuntî, les Awlâd Bûsba‘, étaient des commerçants, ce qui donne à cette opposition une dimension autre que celle de la simple défense des espaces de pâturage.
9Nous remarquons donc à travers ces deux exemples les difficultés rencontrées par les deux hommes de religion dans leur tentative de s’installer dans la région du Nord. Il faut souligner que, malgré la volonté apparente de ces deux hommes de s’affirmer comme des religieux, leur initiative s’inscrivait dans un cadre tribal, chacun d’eux étant soutenu activement par sa tribu. Ceci a conféré à leur entreprise un caractère plus politique et militaire que religieux et pacifique.
10La Sâgiya al-Hamrâ’ était une région ancrée dans la sainteté comme nous l’avons indiqué auparavant. Des projets sociaux et politiques y avaient été menés par des hommes de religion qui avaient su s’affirmer comme tels, c’est-à-dire comme des gens de sainteté et non comme des guerriers. L’ancêtre éponyme des Rgaybât, par exemple, Sîd Ahmad ar-Rgaybî, cultiva une image d’homme pieux qui conforta le succès de son entreprise. L’arrivée de Sîd Ahmad ar-Rgaybî, qui venait de Wâd Dar‘a, dans la région, en 1610, est ainsi relatée : « Après avoir acheté sa terre, Sîd Ahmad ar-Rgaybî se retira dans une caverne, à côté du mont Zayni [Zînî], où pendant dix ans il se consacra à Dieu. On appelle aujourd’hui cet endroit “l’isoloir [khalwa] de Sîd Ahmad ar-Rgaybî’’. Lorsqu’il sortit de sa retraite, les gens de la région vinrent à lui avec beaucoup de déférence, d’offrandes religieuses et de cadeaux9. » C’est à partir des qualités religieuses que les fondateurs des groupes sociaux avaient réussi à s’installer dans la région. La base religieuse de la fondation de cette tribu ne l’empêcha cependant pas de devenir une tribu guerrière.
11Le choix du territoire du Nord-Ouest saharien par Mâ’ al-‘Aynayn fut donc stratégique. Après l’échec des deux autres chefs religieux, il avait le champ libre. La Sâgiya al-Hamrâ’ était connue dans tout le Maghreb comme terre d’origine de plusieurs saints maghrébins ; elle était ainsi un lieu d’accueil pour les chercheurs de pouvoir religieux, social et politique. À l’expérience de Sîd Ahmad Ar-Rgaybî, que nous avons évoquée, s’ajoutait celle de Sîd Ahmad La‘rûsî, ancêtre de la tribu des La’rusiyyîn, celle de Bû Ghanbûra10, ancêtre des Awlâd Tidrârîn ou des sept saints ancêtres des Awlâd Bûsbâ‘… Les légendes entourant les tombeaux des saints, parfois des prophètes, sont omniprésentes dans la Sâgiya al-Hamrâ’. Le fils de Mâ’ al-‘Aynayn parle de ce phénomène observé pendant son passage dans la région : « Les indigènes du pays prétendent que dans la Séguia El Hamra, il y a trois tombes de prophètes. On y trouve en grand nombre des tombeaux de saints souvent visités par les initiés aux sciences mystiques11. »
12Un des fondements du mythe de la Sâgiya al-Hamrâ’ remonte aux temps de l’avènement des Almoravides. Abû Bakr, le chef spirituel et politique de ce mouvement, fit jaillir la source de la Sâgiya al-Hamrâ’, découverte au cours d’un acte miraculeux : « L’endroit où commence la Saguia s’appelle Farsya (dérivé de “fras’’, “jument’’). L’origine de cette appellation est d’après la tradition la suivante. Au temps où du Maroc il conduisait des armées à la conquête du sud, Boubakar Ben Omar, le Lentouni [Lamtûnî], s’arrêta un jour à midi à l’endroit qui nous occupe. On manqua d’eau pour les ablutions et pour la consommation. Un saint chérif faisait partie de la Mehalla ; sa jument en piaffant fit jaillir une source. On but, on abreuva les animaux et on fit les ablutions12. »
13Toujours d’après cette tradition, les puits creusés à l’époque permirent à la région d’être toujours verdoyante. Alors, la Sâgiya était prospère et s’appelait la Sâgiya al-Khadra (Sâgiya verte)13.
Long périple et installation difficile
14Mâ’ al-‘Aynayn connaissait bien cette région, pour y avoir longtemps séjourné depuis qu’il avait quitté le Hawd. En effet, après son départ en pèlerinage à la fin de l’année 1857, il ne retourna dans sa région natale que deux fois. En somme, Mâ’ al-‘Aynayn devenait un homme du nord. Quand il choisit de s’installer dans cette région, il la connaissait mieux et y avait déjà nomadisé pendant des années.
15Dès son retour de pèlerinage, il avait séjourné chez les Idawblâl, une tribu nomade des confins nord du Sahara occidental qu’il quitta pour se joindre aux Tâjakânat de Tindûf. Manifestement, les rapports entre le shaykh et les Idawblâl s’étaient détériorés.
16À son arrivée chez les Tâjakânat dans Mrâgîd (région de Tindûf), ils lui demandèrent de sacrifier une bête en faveur d’un protecteur. Mâ’ al-‘Aynayn, selon Sa‘d Bûh, « refusa en répliquant que son seul protecteur était Dieu […] il sacrifia une chamelle, distribua sa viande aux pauvres et prononça : Ο mon Dieu voilà mon sacrifice14 ». De ce premier contact « social » avec la région, nous concluons qu’en refusant de reconnaître une autorité sociale temporelle et en défiant l’ordre social, Mâ’ al-‘Aynayn marqua son champ d’action en l’inscrivant dans le sacré et le miraculeux15. La victoire symbolique de Mâ’ al-‘Aynayn conduisit les Tâjakânt à respecter l’homme de religion, et même à le soutenir contre ses adversaires. Ainsi, lors de son séjour à Tindûf, des membres de la tribu Idawblâl enlevèrent ses chameaux. Les Tâjakânat se préparèrent à récupérer les biens du shaykh, mais Mâ’al-‘Aynayn s’y opposa en préférant employer son arme de saint. Sa malédiction ne tarda pas à rattraper les pilleurs : « Le feu prit dans leurs vêtements, leurs cheveux, leur bâtons et leurs fusils, ils retournèrent immédiatement pour demander le pardon et rendre les chameaux […] depuis ce temps les gens le craignent (tahâbuh) et l’honorent avec des hadâyâ (offrandes)16. »
17Les textes hagiographiques propres à la famille de Mâ’ al-‘Aynayn ne parlent pas de ces deux incidents. Selon son fils Mrabbîh Rabbu et son petit-fils Bûnanna, Mâ’ al-‘Aynayn fut accueilli avec enthousiasme, notamment par le savant Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash, qui s’étonnait de l’étendue des connaissances du jeune homme. Quand Sîdî al-Mukhtâr construisait sa mosquée à Tindûf, les gens lui avaient demandé : « Que souhaites-tu pour cette mosquée ? ; le savant leur avait répondu : « Je souhaite que Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn y demeure17. » Mâ’ al-‘Aynayn lui-même fit l’éloge des Tâjakânat en rapportant une parole de son père Muhammad Fâdil : « A chaque saint ses partisans, les miens sont les Tâjakânat (likul wali ansâr wa ansârî Tâjakânat)18 ». Rappelons que, d’après la tradition des Ahl at-Tâlib Mukhtâr, la mère de aj-Jîh al-Mukhtâr – ancêtre éponyme – appartenait aux Tâjakânat. En plus, lors de son conflit avec Gaywâr, aj-Jîh al-Mukhtâr fut soutenu par les Tâjakânat après le départ des Glâgma.
18Mâ’ al-‘Aynayn quitta les Tâjakânat en 1859 pour la Sâgiya al-Hamrâ’19. Il demeura parmi la tribu des La‘rûsiyyîn et des Awlâd Dlaym. La même année, il voyagea vers l’Adrâr, où il trouva le cousin de son père, Muhammad Fâdil w. ’Bydî. Ce dernier était également un ancien disciple de Muhammad Fâdil et vivait dans l’Adrâr. Personnage influent, il facilita probablement le contact de Mâ’ al-‘Aynayn avec la cour émirale et les tribus de l’Adrâr. D’ailleurs, pendant cette visite, Mâ’ al-‘Aynayn rencontra les notables des Awlâd Yahya b. ‘Uthmân20, famille émirale. Après ce séjour en Adrâr, Mâ’ al-‘Aynayn se dirigea vers Wâd Nûn (le nord du Sahara occidental).
19En 1861, il reprit le chemin de l’Adrâr en passant par les Tâjakânat afin de récupérer ses biens. Ce voyage fut également l’occasion d’une visite à Sîdî al-Mukhtâr w. La‘mash qui réserva au shaykh un accueil chaleureux. En Adrâr, Mâ’ al-‘Aynayn revit Muhammad Fâdil w.’Baydî et rencontra l’émir Ahmad w. ‘Aydda. À son retour vers le nord, Mâ’ al-‘Aynayn se rendit chez Sîdî Ahmad al-Kuntî à Bîr ‘Um Agrayn21, une rencontre pour le moins curieuse entre ces deux adversaires traditionnels. Mâ’ al-‘Aynayn en arrivant dans la Sâgiya al-Hamrâ’, séjourna parmi la tribu des La‘rûsiyyîn. En 1864-1865, il se rendit au Hawd. Ce fut la dernière rencontre entre lui et son père. Après deux nuits, il prit le chemin du retour vers la Sâgiya al-Hamrâ’. Il retourna au Hawd une deuxième fois en 1875 pour voir sa mère : il y passa vingtjours. Puis il repartit pour un court séjour au Tiris avant de s’établir dans la région de Lamlayga (Sâgiya al-Hamrâ’).
20Nous avons suivi Mâ’ al-‘Aynayn dans son périple, depuis son départ du Hawd jusqu’au milieu des années quatre-vingt. Nous remarquons que, dès son retour de pèlerinage, il opta pour cet espace dans la perspective d’y instaurer son pouvoir spirituel et politique. Il nomadisa pendant presque vingt ans dans la région, y rencontrant les principales tribus zwâya ainsi que les personnages politiques et religieux. Ce n’est qu’à partir du milieu des années quatre-vingt que Mâ’ al-‘Aynayn commença à avoir une influence significative qui lui permit de s’installer définitivement dans la Sâgiya al-Hamrâ’. Ces longues années de voyages, avant son installation, démontrent que les conditions de son implantation ne furent pas favorables au début.
21En effet, les premiers contacts ne se révélèrent pas à la hauteur des ambitions de Mâ’ al-‘Aynayn. Outre les deux incidents chez les Tâjakânat, qui reflètent le caractère hostile des tribus de la région à l’arrivée d’un étranger sur leur espace, Mâ’ al-‘Aynayn subit d’autres agressions. Sa‘d Bûh mentionne que le shaykh fut l’objet de plusieurs attaques de pillards dans la Sâgiya al-Hamrâ’. Parmi ces « pillards » figuraient des Awlâd Dlaym : « Un groupe des Awlâd Dlaym vola ses chameaux [de Mâ’ al-‘Aynayn], il le maudit, alors son chef a eu la tête gonflée jusqu’à ce que son ventre ait explosé, et les Awlâd Dlaym lui rendirent ses chameaux et se mirent à l’honorer (‘azzamûh)22. »
22Ad-Diyya rapporte également que, pendant l’un de ses voyages dans la région de Sâhal, Mâ’ al-‘Aynayn et ses compagnons furent l’objet d’une agression de pillards, mais L’auteur à1 Ad-Diyya’ n’identifie pas ces agresseurs.23
23En outre, H. Martin a recueilli du fils de Mâ’ al-‘Aynayn, at-Tâlib Akhyâr, un témoignage de dénégation de la part de Mâ’ al-‘Aynayn sur l’origine chérifienne des Awlâd Bûsbâ’24. Cette réfutation de l’origine chérifienne ne peut être que l’expression, à cette période, d’une tension entre Mâ al-‘Aynayn et les Awlâd Bûsbâ’25.
24Par ailleurs, dans son action, Mâ’ al-‘Aynayn fut confronté à un autre adversaire incontournable du nord de la région ; il s’agit de la famille Bayrûk26. Cette famille avait réussi à imposer son contrôle sur le commerce saharien depuis le début du xixe siècle. Bayrûk était souvent qualifié dans les textes des voyageurs européens de « chef de l’État de Wâd Nun ». Ainsi, Panet, qui effectua son voyage en 1850, écrivit : « Le gouvernement de Noun, transmissible par ligne collatérale, est placé, comme on le sait déjà, entre les mains de Bayruk, qui prend le titre de cheikh. Doué d’une intelligence peu ordinaire, Bayruk est une de ces âmes fortes qui n’obéissent qu’à leur inspiration27. » Bayrûk avait fondé sa puissance sur le développement du commerce transsaharien ; il avait organisé un réseau de représentants à travers tout l’ouest africain.28
25Panet mit également l’accent sur la rivalité entre Bayrûk et le sultan marocain de l’époque Abd ar-Rahmân (1822-1859). Bayrûk avait le projet de construire un port près de Gûlimîn pour échanger directement avec les Européens, sans passer par Mogador. Déjà, en 1830, l’anglais Davidson débarqua à Wâd Nûn, résida chez les Bayrûk et étudia le projet de construction d’un port pour faciliter les échanges commerciaux. En 1840, après les sollicitations de Bayrûk pour réaliser son projet, la France envoya le commandant Bouet pour explorer les côtes de Wâd Nûn. Bouet découvrit que la région ne se prêtait pas à la réalisation d’un tel projet. En 1843, Bayrûk envoya un émissaire – Bû ‘Azza – en France, accompagné d’un commerçant français nommé Borel, pour convaincre les autorités françaises de ne pas abandonner le projet. Les autorités se montraient prudentes, mais un armateur marseillais décida d’envoyer un bateau chargé de marchandises. Face aux difficultés de débarquement sur la côte de Wâd Nûn, le bateau se dirigea vers Mogador. Les Français séjournant à Glaymîm (Goulimin) ont été fortement sollicités pour intervenir auprès de leur gouvernement pour la construction du port. Après Panet, qui était très enthousiaste pour ce projet et avait œuvré à sa réalisation en 1850, les deux successeurs de Bayrûk adressèrent une lettre à Bou-El-Mogdâd en 1872, en demandant son aide pour la réalisation de ce port29. Après la mort de Bayrûk en 1859, et l’intervention du sultan Hassan Ier, le projet de port fut abandonné.
26En outre, Bayrûk était le chef – théorique – de la confédération des Takna, composée de tribus sédentaires, de tribus semi-nomades dans le Wâd Nun et de tribus nomades du nord de la Sâgiya al-Hamra’30. Certes, l’autorité de Bayrûk n’était pas aussi forte chez les tribus nomades du Nord de la Sâgiya al-Hamrâ’ qu’elle pouvait l’être pour les sédentaires du Wâd Nûn, surtout à Glaymîm, ville où il avait construit sa qasba. Cependant, les intérêts économiques réciproques des membres de cette confédération contraignaient ces tribus à reconnaître l’influence de Bayrûk, dans la mesure où cette influence n’entrait pas en contradiction avec l’indépendance de la tribu.
27Les Ahl Bayrûk jouaient également un rôle important comme intermédiaires entre les consulats étrangers et le makhzan, d’une part, et les tribus de la région, d’autre part, notamment pour la libération des Européens capturés sur la côte atlantique. Par le contrôle qu’ils exerçaient sur les réseaux commerciaux, leur influence dans la région et leur rapport avec les puissances étrangères, les membres de la famille Bayrûk ne voyaient pas d’un bon œil l’installation d’un homme fort dans la Sâgiya al-Hamrâ’. C’est ce qui explique en grande partie les difficultés rencontrées par Mâ’ al-‘Aynayn dans le nord à ses débuts et ses retours répétés vers Tiris et Adrâr : « Ce premier établissement ne fut pas heureux. L’ignorance du pays, une série de mauvaises années, les pillages des Takna et autres tribus le contraignirent à abandonner la Saguia pour revenir vers le sud31. »
28La manifestation de l’hostilité des Ahl Bayrûk envers Mâ’ al-‘Aynayn s’exprima à l’occasion des premières actions concrètes de ce dernier sur le terrain : « En 1888, quelques Espagnols débarqués à Tarfaya, en compagnie d’un interprète musulman syrien, nommé Sber, faisaient un peu de commerce, de la contrebande d’armes, et pêchaient au large. […] Ma el Aïnin fit contre eux sa première campagne xénophobe. Ses « tlamid », ses disciples, tendirent un piège aux Européens et s’emparèrent traîtreusement de quatre d’entre eux et de l’interprète Sber. Le gouvernement espagnol intervint auprès du Sultan Moulay Hassan qui ordonna à Dahman Ould Beirouk, caïd des Tekna, de délivrer les chrétiens.
29Ma el Aïnin opposa à Dhaman les Yserguiin et les Oulad-Dlim. Enfin, après huit mois de captivité, les Européens furent mis en liberté en échange d’une forte rançon que Moulay Hassan accompagna de riches présents pour Ma el Aïnin32. »
30Cette confrontation entre Dahmân et les Izargiyyîn alliés aux Awlâd Dlaym est confirmée par les archives de la maison d’Iligh. En effet, à l’époque, le chef de la maison d’Iligh informa, par correspondance, le souverain marocain Hassan Ier des conflits opposants Dahmân avec ces tribus33. La confrontation visait à empêcher les tribus de la Sâgiya al-Hamrâ’, notamment les Izargiyyîn, d’entrer en contact avec les factoreries européennes à Tarfâya. Dahmân échoua dans toutes ses tentatives de mettre fin au commerce des tribus de la Sâgiya al-Hamrâ’ avec Mackenzie à Cap-Juby (Tarfâya). En effet, Bayrûk, qui était toujours partisan d’un commerce avec les Européens, alla jusqu’à interdire aux tribus de la Sâgiya al-Hamrâ’, tout commerce avec les Européens parce que les transactions échappaient à son emprise ; son projet d’installer son frère Muhammad à Cap-Juby n’aboutit pas et il mourut en 1884.
31L’alliance de Mâ’ al-‘Aynayn avec des tribus qui commerçaient avec les Européens paraît contradictoire au regard de son action contre la présence « chrétienne » sur les côtes de la Sâgiya al-Hamrâ’. Il faut souligner que Mâ’ al-‘Aynayn, pour obtenir le soutien de ces tribus, était contraint de tolérer ces transactions. D’ailleurs, lui même trouva plus tard son compte dans ces échanges, notamment pour la livraison d’armement. De plus, les relations avec les Européens installés à Cap-Juby et les tribus de la région étaient compliquées et variables en fonction de la période et des alliances.
32Mâ’ al-‘Aynayn, par son action dans la Sâgiya al-Hamrâ’, menaçait les intérêts de la famille Bayrûk. Il réussit à modifier en sa faveur les alliances tribales dans la région contre Ahl Bayrûk. Il rallia à lui dans l’affaire des Espagnols, par exemple, les Izargiyyîn et les Awlâd Dlaym. Les premiers constituaient une composante de la confédération des Takna sur lesquels les Bayrûk prétendaient exercer leur contrôle. Il faut dire que, depuis le déclin du commerce transsaharien, la confédération des Takna n’avait plus l’assise politique et économique suffisante pour continuer à fonctionner. Chaque tribu consolidait son indépendance et cherchait de nouvelles alliances. Les Bayrûk étaient conscients de la fragilité de l’alliance qui unissait les tribus composant la confédération des Takna, notamment au sein des groupes nomades de cette confédération, c’est-à-dire les Ayt Jmal. Ces derniers lâchèrent rapidement les Ahl Bayrûk et se rallièrent à Mâ’ al-‘Aynayn pour assurer leurs intérêts :
33« Les Tekna D’ailleurs, en bons Hassan, n’ont jamais été très religieux et ne paraissent pas s’être d’abord intéressés à la propagande de ce personnage [Mâ’ al-‘Aynayn], qu’ils regardaient avec un certain mépris. Toutefois l’effervescence devint bientôt telle autour de son nom [Mâ’ al-‘Aynayn] que certains commencèrent à se rallier à lui, en effet, son mouvement paraît bien avoir été essentiellement un mouvement des gens des tentes en quête de pillages : comme tel, il était de nature à inquiéter particulièrement les chefs de l’oued Noun [Ahl Bayrûk], qui se sont constamment efforcés, sans grand succès D’ailleurs, d’étendre leur autorité au-delà de leurs villages, sur les fractions errantes de leurs tribus, les seules dangereuses, les seules aussi capables de dominer les routes caravanières et de protéger efficacement les oasis34. »
34Cette alliance avec Mâ’ al-‘Aynayn n’impliquait pas une adhésion à ses idées confrériques. Elle n’était qu’une alliance de circonstance ; néanmoins, elle permit à Mâ’ al-‘Aynayn d’élargir le terrain de son action et de s’engager activement dans les événements que connut la région à l’époque.
35Par ailleurs, Mâ’ al-‘Aynayn entama son action au sein des Ayt Balla, l’autre coalition septentrionale des Takna, demeurant traditionnellement dans l’espace des Bayrûk. Mâ’ al-‘Aynayn, dans une lettre datant du 26 juin 1889, parla de son intervention au sein des Ayt Balla qui visait à arbitrer un conflit entre eux35. Notons que Dahmân w. Bayrûk commençait à perdre son influence au sein même de son fief, Glaymîm ; le, faqîh Muhammad Yahya al-Walâtî, qui passa par Glaymîm pendant son pèlerinage, souligna le désaccord entre les gens de Glaymîm et Dahmân à propos de la prière de vendredi. En effet, la famille Bayrûk avait construit une nouvelle mosquée, mais une grande partie des habitants du ksar refusèrent d’y faire la prière du vendredi, préférant la faire dans l’ancienne (al-masjid al-‘atîq). Muhammad Yahyâ al-Walâtî fut consulté dans cette affaire pendant son premier passage vers La Mecque, en 1312H/ 1894-1895 ; le faqîh, hôte de Dahmân w. Bayrûk, donna une fatwâ favorable à ce dernier36. Deux ans plus tard 1315H7 (1897-1898), le même faqîh, de retour de La Mecque, passa par Glaymîm ; il trouva les gens en querelle à propos du même problème. Il délivra une deuxième fatwâ en faveur de Dahmân37. Ainsi l’autorité de Dahmân w. Bayrûk était-elle parfois contestée sur son propre terrain.
36Il faut souligner que cette période coïncida avec l’amorce du déclin du règne des Ahl Bayrûk. Ce déclin fut notamment précipité par l’intervention brutale du sultan Hassan Ier dans le Sus en 1882, à Wâd Nûn en 1886, et par l’installation d’une garnison marocaine à Glaymîm, fief de la famille de Bayrûk.
37Par ailleurs, en vue de contrôler les zones sahariennes, le sultan marocain Hassan Ier commença à chercher d’autres alliés en dehors des Ahl Bayrûk. Mâ’-al-‘Aynayn était donc le candidat apte à ce rôle, un choix qui conduisit à la relative marginalisation de Dahmân w. Bayrûk qui était désigné par le sultan comme caïd. Des années plus tard, les Ahl Bayrûk ne cachaient pas leur regret d’avoir laissé à l’époque Mâ’ al-‘Aynayn entrer en relation avec le sultan38. Les rapports conflictuels entre les Ahl Bayrûk et Mâ’ al-‘Aynayn perdurèrent pendant longtemps. E. Montent, en voyage au sud du Maroc en 1901, mentionne l’une des péripéties de cette confrontation entre Mâ’ al-‘Aynayn et Dahmân w. Bayrûk39.
38En 1907, Dahmân w. Bayrûk suggéra au consul de France à Mogador de détruire Smâra, la ville sainte construite par Mâ’ al-‘Aynayn40. La même année, Dahmân w. Bayrûk passa à l’acte en attaquant une caravane de 500 chameaux à Cap-Juby : « Tous les chameaux furent capturés, six hommes furent tués et un grand nombre furent blessés. Les gens de Ma el Aïnin se seraient retirés en désordre41. » E. Doutté, qui visita la qasba de Glaymîm en janvier 1906, fait état de la confrontation armée entre Dahmân w. Bayrûk et Mâ’ al-‘Aynayn42. Il signale également la présence des disciples de ce dernier à la qasba, ce qui montre la menace que représentait Mâ’ al-‘Aynayn, pour Dahmân, à l’intérieur même de son fief : « Peu de temps avant le coucher du soleil, nous sommes à la casba du caïd [Dahmân w. Bayrûk] qui est, paraît-il, absent. On nous offre, mais pour la forme seulement, de camper dans une cour de la casba ; l’accueil est glacial. Des gens vêtus de bleu, disciples de Mâou l’Anïeïn [Mâ’ al-‘Aynayn], nous entourent […] Un moqaddem passe devant nous, sans paraître nous voir, marmottant un chapelet. Quelques-uns de ces fanatiques ne cessent de répéter des formules pieuses toute la journée43. »
39M. Ennajî et P. Pascon présument que Mâ’ al-‘Aynayn assassina le fils et le successeur de Dahmân, Brâhîm Khalîl, à la fin de 1907, et mit Wâd Nûn sous le commandement de son propre fils Dîh44. Cette hypothèse est peu probable ; les auteurs, sans citer leur source, se sont certainement référés à une note45 de F. de la Chapelle, qui avance que le successeur de Dhamân fut assassiné par un de ses cousins à l’instigation de Mâ’ al-‘Aynayn ; mais le nom de Dîh n’est pas évoqué par La Chapelle. En revanche, nos sources46 soulignent l’influence de Dîh chez les Ayt ‘Usa (Yûsa) ainsi qu’à Wâd Nûn, mais jamais ce personnage ne joua un rôle de premier plan dans la région, il vécut toujours dans l’ombre de ses frères : al-Hayba et Mrabbîh Rabbu.
Stratégie d’alliance et affirmation d’autorité
40Malgré les difficultés qu’Affronta Mâ’ al-‘Aynayn à ses débuts, il ne quitta jamais la région définitivement. Il nomadisa des années durant entre l’Adrâr et le Tiris en préparant le terrain par le recrutement de tlâmîdh (disciples), tout en tissant des alliances avec les tribus. Il prenait ses épouses dans les principales tribus de la région. Ces mariages contribuèrent à consolider son influence. Rien que dans la tribu des La‘rûsiyyîn, il prit douze femmes. Ma’ al-‘Aynayn est connu pour ses nombreux mariages – Bûnanna parle de 116 femmes47. Ces « mariages politiques » lui permirent de bénéficier du soutien de ces tribus et de propager son influence. C’est ainsi que Mâ’ al-‘Aynayn prit des femmes chez les La‘rûsiyyîn, les Rgaybât, les Awlâd al-Lab, les Awlâd Bûsbâ’, les Ahl Muhammad Sâlim, les Tandgha, les Brâbîsh. La majorité de ses femmes étaient issues de tribus ou fractions d’origine zwâya48.
41Les La‘rûsiyyîn furent une des tribus qui soutinrent Mâ’ al-‘Aynayn dès ses débuts dans la Sâgiya al-Hamrâ’. Chaque fois qu’il séjournait dans cette région, il campait avec cette tribu. Et la famille de Mâ’ al-‘Aynayn met fréquemment l’accent sur les liens étroits qui unissent les deux groupes : La‘rûsiyyîn et Ahl Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn. L’appui des La‘rûsiyyîn à Mâ’ al-‘Aynayn peut s’expliquer par l’origine religieuse de cette tribu. La légende de Sîdî Ahmad La‘rûsî est répandue dans la région : c’est à la suite d’un acte miraculeux49 que l’ancêtre des La‘rûsiyyîn s’installa dans la Sâgiya al-Hamrâ’ et fonda sa tribu.
42Ainsi le shaykh avait-il trouvé ses premiers alliés parmi les zwâya qui, dans cette région, Sâhal, n’étaient pas très influents, comparés aux autres tribus zwâya du pays bidân. De nombreuses tribus d’origine religieuse s’étaient transformées en groupes guerriers au fur et à mesure que leurs stratégies d’alliances et leur importance démographique s’accroissaient (Rgaybât, Awlâd Bûsbâ‘) et les groupes religieux qui ne réussissaient pas à réaliser cette transformation demeuraient très faibles. Ils étaient, dans leur majorité, sous la protection des autres tribus dominantes. Constatons qu’à l’époque de l’arrivée de Mâ’ al-‘Aynayn, le Sâhal était caractérisé par des conflits sanglants entre les tribus qui s’en disputaient l’hégémonie. Quand L’auteur de Jawâmi’ al-muhimmât qualifie l’année 1862 d’« année des hostilités continuelles50 », il exprime l’état de la région pendant cette époque. D’ailleurs, ces hostilités continuelles n’étaient pas spécifiques à cette seule année.
43En s’alliant à Mâ’ al-‘Aynayn, les groupes zwâya espéraient certainement s’appuyer sur l’autorité d’un homme de religion capable de valoriser leur éthique et de donner une plus grande envergure à leur fonction. Par ailleurs, l’insécurité qui planait sur la région fit de Mâ’ al-‘Aynayn l’homme providentiel.
44Au milieu des années quatre-vingt, Mâ’ al-‘Aynayn devint un personnage respecté et redouté. Il s’imposa comme une autorité morale. Cette autorité se traduisit par l’arbitrage de conflits tribaux et l’organisation de l’enseignement.
45Les textes des voyageurs et des explorateurs mentionnent souvent son autorité et l’ampleur de son influence. Le capitaine espagnol Bonelli rencontra pendant son voyage d’exploration, à la fin de l’année 1884, une caravane « conduite par les indigènes soumis à l’autorité du cheikh Ma el Aïnin, elle était composée de nombreux chameaux, dont certains portaient du tabac de Chinguiti. Cette caravane comprenait environ 40 hommes de différentes tribus51 ».
46Ce texte démontre d’abord que Mâ’ al-‘Aynayn s’intéressait à la sécurité du parcours des caravanes commerciales ; mais la deuxième information bien plus importante est révélée par la composition des gens qui escortaient cette caravane. Ils appartenaient à différentes tribus, ce qui atteste une influence pluritribale. C. Douls, lors de sa visite au campement du shaykh, remarqua également la présence de membres de différentes tribus autour de lui : Rgaybât, Awlâd Dlaym, La’rusiyyîn, Takna et autres52. Cervera, qui fut chargé d’une mission à l’intérieur du Sahara, le 16 juin 1886, parle, lui aussi, de son rôle. Pendant le passage de sa mission à Tiris, « des missionnaires arrivés de Negchir et envoyés par Me-Lainin, chef religieux de grande influence, répandaient de fausses nouvelles concernant nos intentions, ce qui était préjudiciable. Ils incitaient les Arabes à empêcher notre marche au Sahara, territoire que souillaient, selon eux, nos pieds impies, ce qui attirait sur les croyants les colères du Prophète et la malédiction d’Allah. L’excitation augmentait parmi les tribus53 ».
47L’installation des Espagnols sur la côte saharienne fut une raison de plus, pour Mâ’ al-‘Aynayn, de multiplier ses actions chez les tribus au nom du jihâd, ce qui lui permit en même temps de développer son autorité.
48Mâ’ al-‘Aynayn avait à cette époque une influence plus religieuse que politique. Il était respecté en raison de sa sainteté et de ses connaissances. Son autorité s’exprima notamment par l’organisation de l’enseignement. A ce sujet, Quiroga, qui participa à la mission de Cervera, dit de Ma’ al-‘Aynayn qu’il est « le maître, le santon [le saint] le plus célèbre de ces environs ; une foule d’enfants et de jeunes l’accompagne toujours dans ces voyages continuels et il leur enseigne le Coran et la pratique religieuse ; son campement est un séminaire ambulant54 ».
49Il était également un homme d’arbitrage dans les litiges. D’ailleurs, C. Douls fut amené par les Awlâd Dlaym à Mâ’ al-‘Aynayn pour vérifier ses prétentions, étant donné que pendant sa captivité, il affirma être musulman, ce qui souleva un débat au sein de la tribu. Pour la majorité, Douls n’était pas musulman puisque « un musulman n’arrive pas par la mer55 ». Dans un premier temps, ils exposèrent son cas à un lettré de passage. Ce dernier déclara à la fin de sa consultation qu’il était : « malgré toute sa science, incompétent en la matière, et que dans le Sahara un homme seul était capable de proclamer la vérité à mon sujet [au sujet de Douls], le cheikh Mel-Aynin, chef des nomades. Les Maures le prièrent d’écrire une sorte de procès-verbal des événements qui venaient de s’accomplir, pour mettre leur responsabilité à couvert devant le cheikh56 ».
50C. Douls arriva au campement du shaykh après une marche de plusieurs jours. La sollicitation de l’intervention de Mâ’ al-‘Aynayn dans les différends entre les tribus ou même entre les membres de la même tribu reflète son influence dans cette zone, non seulement chez les groupes religieux, mais aussi chez les tribus hassân comme le montre ici le cas des Awlâd Dlaym avec Douls.
51Ayant accédé au campement du shaykh, Douls apporta un témoignage capital sur l’entourage de Mâ’ al-‘Aynayn, son influence et son rôle. C’est un des rares témoignages, sinon le seul, qu’on possède sur Mâ’ al-‘Aynayn à l’époque (1887) :
52« Le soir nous arrivâmes en vue du campement du grand chérif. Au milieu d’une plaine, une multitude de tentes serrées les unes contre les autres entouraient une tente plus élevée, dont la couleur et la forme révélaient une fabrication européenne. Elle était octogone, en forme de coupole et en toile blanche écrue. Le campement était animé, et une foule de guerriers, appartenant à toutes les tribus nomades du Sahara, se pressaient vers la tente d’audience du cheikh. Cette tente, également en toile, n’avait ni la forme ni les dimensions de la première, et était presque perdue dans un coin du campement. Mon arrivée fut un événement. […] Mes compagnons durent employer toute leur énergie pour me défendre et m’amener devant la tente du cheikh. Celui-ci présentait la cérémonie du baise-main et distribuait des reliques aux nomades, qui arrivent des quatre coins des steppes pour vénérer le saint personnage. On me plaça à l’ouverture de la tente, bien en évidence, pour que le cheikh m’examinât à loisir durant le cours de la cérémonie. Assis sur un beau tapis marocain, entouré de tous ses tolbas, Mel Aynin avait la posture d’un poussah indien. La face voilée et la tête surmontée d’un turban invraisemblable comme dimension ; enfoui sous les plis d’un haïk couleur bleu-azur, on n’apercevait de sa massive personne que ses deux yeux brillants et les mains qu’il reposait sur ses genoux. Les Maures, dès le seuil de la tente, se prosternaient la face contre terre, et c’est presque en rampant qu’ils venaient baiser la main du pontife nomade. La plupart demandaient des remèdes. Le cheikh offrait une poignée de sable sur lequel il insufflait sa respiration sacrée, et les nomades emportaient précieusement cette relique, avec les démonstrations du plus grand respect57. »
53Cette visite date de 1887, ce qui nous conduit à confirmer que, dès la fin des années quatre-vingt, Mâ’ al-‘Aynayn commença à jeter les bases de son autorité dans la région.
Fondation de Smâra
54Mâ’ al-‘Aynayn, qui vivait sous la tente et ce jusqu’au début des années quatre-vingt-dix, décida de fonder un centre urbain : en 1898, il entreprit la construction de la ville de Smâra58. Dans cet espace désertique de grands nomades chameliers, rares furent les tentatives de construction de ville. Certes, Smâra ne fut pas la première ville dans cet environnement désertique, il y avait déjà des villes célèbres dans les zones avoisinantes, telles que Wâdân, Shangîtî, ou bien Tindûf. Mais la construction de Smâra fut la première tentative réussie dans cette région du Nord saharien, hostile à tout mode de vie sédentaire.
55Mâ al-‘Aynayn avait visité de nombreuses villes : Alexandrie, La Mecque, Fès, Marrakech, Tindûf, Shangîtî… Il avait sûrement remarqué le rôle important que peut jouer un centre fixe dans l’accueil des tlâmîdh (disciples) et des chercheurs de baraka. Par ailleurs, Mâ’ al-‘Aynayn était, comme tous les hommes de religion, soucieux d’être à l’origine d’un événement singulier. L’édification d’une ville en plein désert constitue un acte exceptionnel pour les bédouins. Le voyageur français Vieuchange59, fasciné par cette ville, mit l’accent sur cet aspect : « Comme s’il eût voulu étonner les nomades par une chose miraculeuse, […] comptant sur cela pour leur donner une idée de sa grandeur […] il donna une mosquée à ces hommes qui, errant dans le Sahara, n’avaient jusqu’à ce jour prié que dans le vent du matin et du soir, se prosternant au hasard de leur route, sur le roc ou le sable. Et ces hommes n’ayant jamais vu de ville durent voir s’élever avec ébahissement ces murs, ces kasba, ces coupoles60. »
56L’idée de marquer l’esprit des nomades était présente, Smâra n’étant pas une simple ville, mais également un lieu sacré. En raison de ce caractère religieux, elle suscita parmi les tribus un sentiment de respect teinté de fascination.
57Mâ’ al-‘Aynayn voulait faire de cette ville une capitale religieuse qui deviendrait, avec le temps, un sanctuaire pour les tribus. Au rôle religieux et politique de Smâra s’ajouta, pour un certain, temps, une importance commerciale. La ville occupait une position stratégique sur les routes du commerce saharien qui relient Adrâr, Tiris et Wâd Nûn. Tindûf perdait de son influence et la poussée française vers le Sud-Est algérien contraignait les caravanes à emprunter la route de l’Ouest saharien d’autant plus que la présence de Mâ al-‘Aynayn sur cette route constituait une garantie de sécurité contre les pillages des tribus. Durant son expédition, le capitaine Bonelli mentionna sa rencontre avec une caravane qui transportait du tabac de Shangîtî et de la laine, accompagnée par des hommes soumis à l’autorité de Mâ’ al-‘Aynayn61.
58Cette volonté d’édifier un lieu fixe ne datait pas de 1898, année du commencement de la construction de Smâra. Déjà, en 1871, Mâ’ al-‘Aynayn avait fait bâtir une petite maison dans la Sâgiya al-Hamrâ’ : « Il y a aussi un Ksar (une maison) appartenant à notre maître Chikh Ma El Ainini. Il est bâti au confluent de Tasdeyemt et de la Séguia et porte le nom du premier de ces oueds. Un puits y fut creusé le 12 Hidja 1288 [février 1872]62. » Cette construction ne connut pas apparemment le succès escompté par Mâ’ al-‘Aynayn, sûrement à cause de la faiblesse de son influence à l’époque, ce qui l’obligea à reprendre la vie nomade. En 1898, toutes les conditions semblaient réunies pour la réalisation d’un projet de l’ampleur de Smâra. L’autorité du shaykh s’étendait à la majorité des tribus ; sa célébrité dépassait le cadre saharien pour atteindre le Maroc. Il était reçu en triomphe à Marrakech par le sultan ’Abd Al-’Azîz et l’appui de ce dernier s’était traduit par des aides financières et matérielles, notamment des denrées et des matériaux de construction. Les premiers travaux furent effectués sous la direction de al-Hâjj Alî al-Wajdî. Le matériel de construction fut débarqué au port de Cap-Juby (Tarfâya actuel). L’un des fils de Mâ’ al-‘Aynayn, qui participa à la direction de la construction, témoigna : « Nous mêmes assurons la direction des travaux de construction qui sont d’une solidité et d’une élégance parfaites. On y creusa cinquante puits bien aménagés et on y créa de nombreuses et belles palmeraies. On y apporta les produits de tous les pays63. »
59Smâra fut édifiée dans le Wâd Win Salwân64. L’eau n’existant pas en quantité suffisante, Mâ’ al-‘Aynayn importa des palmiers d‘Adrâr. Les travaux prirent fin en 1902. Une brève description présente Smâra ainsi : « 16 pièces aménagées selon le style arabe nord-africain formaient l’ensemble des constructions réunies dans une même enceinte. C’est ainsi qu’on montre encore au voyageur le coin des Ahel Bakkar, la dar ou maison des guerbas (réserve d’eau), le haouche thaâme ou enclos des aliments, les locaux de Sidati, de Mohamed el Heyba, de Chabihanna et d’El Ouali (tous quatre fils de Ma el Aïnin), le magasin des aromates, celui des approvisionnements, la mosquée, le local des Tahalat, etc., etc. Cheik Ma el Aïnin se réservait pour son habitation la qoubba65. »
60La description la plus complète de Smâra est celle de Caro Baroja66. Smâra abritait les maisons des quatre femmes de Mâ’ al-‘Aynayn, plus un appartement pour ses concubines. Les diverses constructions étaient utilisées comme logements pour les disciples, au nombre de 10 00067 dans la ville ; un local fut aménagé en bibliothèque ; des entrepôts pour les armes ainsi que des constructions dans lesquelles des tentes étaient élevées et des lieux où l’on parquait des animaux s’élevaient tout autour.
61Mâ’ al-‘Aynayn fit de cette région un pôle d’attraction et de rayonnement. Le témoignage de L’auteur de Al-Wasît, qui a traversé la région à la fin du xixe siècle, montre la place centrale qu’occupa ce personnage dans la renaissance de cette région : « La Sâgia était inhabitée, par suite de l’insécurité et de la sécheresse qui la caractérisaient, jusqu’à ce que ash-Shykh Ma’-al-‘Aynayn s’y installât, y construisît des maisons et y plantât des palmeraies. Depuis, les communications deviennent plus faciles entre Shingîti et les provinces marocaines dépendant du makzan68. »
62À la fin du xixe siècle, Mâ’ al-‘Aynayn, alors âgé de soixante-dix ans, réussit à édifier dans la région ce que les autres grands hommes de religion n’avaient pas pu réaliser. Smâra n’eut pas le rôle commercial qu’avaient joué, avant elle, les autres villes sahariennes. Le commerce transsaharien commençait à décliner à cause de la prise de Tombouctou, en 1894 les axes commerciaux se détournaient vers Saint-Louis et Dakar. Et pourtant, la ville exerça un rôle important dans la vie religieuse, politique et sociale du Sahara occidental, malgré les événements politiques ultérieurs qui compromirent l’évolution de cette jeune cité.
Notes de bas de page
1 Shaykh Bûnanna, Tanwîr al-malawîn fî ma‘rifat Shaykh Mâ’ al-‘Aynayn, ms., IMRS, 2871, pp. 1-2. (dorénavant Tanwîr). L’auteur est le petit-fils de Mâ’ al-‘Aynayn, il est le fils de at-Tâlib Akhyâr. Selon Sa‘d Bûh, Mâ’ al-‘Aynayn, après la fin de ses études, a demandé l’autorisation d’aller visiter les Laghlâl au Hawd pour se marier (Sa‘d Bûh, lettre manuscrite en arabe au commandant Antony, bibliothèque privée de al-Mustafa w. an-Nadâ).
2 Manh, p. 167.
3 Manh, p. 168.
4 Douls, qui se rendra à Tindûf en 1886, met l’accent sur le rôle que jouait la ville dans le commerce transsaharien : « Elle est bâtie au pied d’une colline et possède quelques jardins et un puits remarquable par sa fraîcheur. Les maisons sont construites avec de l’argile séchée au soleil, sans poutres ni solives. Comme monuments, elle ne possède qu‘Une mosquée dont le minaret domine l’oasis et se voit de fort loin sur la route de Timbouctou, et une Koubba dans la partie sud du Bourg. Située sur la route des caravanes du Soudan, elle est, mieux qu’inçalah dans le Touat, le point de concentration des différentes routes qui se dirigent du nord-ouest de l’Afrique vers Timbouctou. Cinq artères y aboutissent. Les caravanes venant du Soudan laissent à Tindouf une partie des marchandises et presque tous les esclaves » (Douls, C, op. cit., p. 215).
5 Muhammad SÂlam w. Lahbîb w. Lahsan w. ’Abd al-Hay, Jawâmi‘al-muhimmât fî ’umûr ar-Rgaybât. Nous nous référons ici à la traduction de Naïmi et Caratini publié par S. Caratini, Les Rgaybât, L’Harmattan, Paris, 1989, t. I, p. 218. Une autre étude sur cet écrit, comprenant le texte arabe, fut publiée par M. Naïmi, Jawâmi’ al-muhimmât fi ‘umûr ar-Rgaybât, Institut universitaire de la recherche scientifique, Rabat, 1992.
6 Ibid., p. 215.
7 Nous n’avons pas pu identifier avec certitude le lien généalogique de ce personnage avec le grand Shaykh Sîdî al-Mukhtâr al-Kuntî, mais nous estimons qu’il s’agit de l’un de ses petits-fils, en l’occurrence l’un des fils de Sîdî Muhammad al-Kuntî w. Sîdî al-Mukhtâr al-Kuntî. Le nom et la date de décès de Sîdi Ahmad Al-Kuntî sont proches de ceux avancés par L’auteur de Târîkh Tishît à propos d’un petit-fils de Sîdî Muhammad al-Kuntî nommé Sîd Muhammad al-Kuntî, fils de Sîdî Muhammad b. Shaykh al-Mukhtâr qui est mort en 1281 H/1864-1865, Târîkh Tishît, op. cit., p. 9.
8 Muhammad Sâlam w. Lahbîb w. Lahsan w. ‘Abd Al-Hay, p. 214.
9 Ibid., p. 202.
10 Selon at-Tâlib Akhyâr, fils de Mâ’ al-‘Aynayn, Sîd Ahmad Bû Ghanbûra fut le premier à introduire l’ouvrage de Shaykh Khalîl dans le pays ; au-delà de l’exactitude de cette information, elle souligne la place de ce personnage dans la vie religieuse de la région.
11 Tâlib al-Hiyâr [At-Tâlib Akhyâr], « Voyage dans le Rio de Oro et dans l’Anti-Atlas marocain effectué par l’aîné des fils de Mâ al-‘Aynayn/Cheikh Thaleb al-Kiar », Revue militaire de l’Afrique occidentale française, 15 octobre, 1934, p. 75.
12 At-Tâlib Akhyâr, op. cit., p. 73. Il y a ici une confusion entre les événements. Abû Bakar b. ’Umar a conduit l’Armée dans le sens sud nord et non le contraire, sauf s’il s’agit de l’étape de son retour vers le Sahara après son désaccord avec son neveu Yûsuf b. Tâchfîn à Marrakech. Ce retour constitue dans l’histographie bidân un moment important dans la fondation de la société bidân et de son islamisation.
13 Ibid., p. 73-74.
14 Sa‘d Bûh, lettre en arabe manuscrite au commandant Antony, op. cit., p. 3.
15 Mâ al-‘Aynayn était connu pour ses pratiques miraculeuses et magiques. Les exemples de ces miracles sont nombreux. C. Douls cite l’un de ces miracles répandus à l’époque parmi les tribus nomades. Ils racontaient que Mâ’ al-‘Aynayn avait rendu la vie à une chamelle dont la mort avait provoqué une guerre terrible entre deux fractions, Douls, C, op. cit., p. 202. Dans la Sâgiya al-Hamrâ’ se produira un autre miracle de Mâ’ al-‘Aynayn : pendant que l’eau menaçait le campement du shaykh, ce dernier, selon son fils, intervint : « Allah arrêta les crues en amont du campement d’où les gens voyaient les vagues déferler furieusement – Ce fut un effet prodigieux de la puissance d‘Allah qui voulut témoigner ainsi sa considération pour notre maître » (at-Tâlib Akhyâr, op. cit., p. 74). Ces actes surnaturels vont accroître sa sainteté, son prestige et la crainte de sa tâzubba (malédiction divine).
16 Sa‘d Bûh, op. cit., p. 4. Ce même récit était détaillé dans Ad-Diyyâ ’, pp. 386-387, Ν (rappelons que ce texte était achevé en 1865). Ces deux incidents sont également rapportés par Bouvat dans son article sur Sa‘d Bûh en 1912, mais, dans cette version, il n’y a aucune mention de la tribu de Idawblâl : « Quant Tedjakant [Tâjakânat] s’allia avec la famille de Tendouk, on demanda à Mâ El-Aînin de se conformer à l‘Usage, et de sacrifier à quelque notable qui deviendrait son protecteur et son garant : telle est la règle pour les étrangers venus dans le pays. Mâ El-Aïnin immola une brebis à la Divinité, se refusa énergiquement à rendre pareil hommage à sa créature. Pour se venger, quelques personnages de la tribu éloignent son chameau du pâturage. Ils en sont punis : un feu dévorant les consume aussitôt, ils sont forcés de se dépouiller de tous leurs vêtements, et seule l’intervention de Mâ El-Aïnin, qui en retira un grand prestige, pourra mettre fin à leurs souffrances » (Bouvat, L., « Cheikh Saadibouh et son entourage… », pp. 198-199).
17 Tanwîr, p. 7.
18 Ibid.
19 Toutes les données concernant les voyages de Mâ’ al-‘Aynayn dans la région du nord du pays bidân sont tirées du texte hagiographique de Bûnanna. Ce manuscrit comporte des dates inexactes de concordance entre les années hégiriennes et les années grégoriennes. Nous nous sommes basés sur les dates hégiriennes citées dans le texte en les convertissant en dates grégoriennes.
20 Tanwîr, p. 7.
21 Ibid., p. 9.
22 Sa‘d Bûh, lettre au commandant Antony, p. 5.
23 Ad-Diyyâ’, p. 388, R.
24 Martin, H., « Les tribus du Sahel mauritanien et du Rio de Oro : I – Les Oulad Bou Sba », Bull. IFAN, 1, janv. 1939, p. 590. Notons que l’origine chérifienne des Awlâd Bûsbâ‘ a suscité plusieurs écrits polémiques au Maroc – une branche de cette tribu est installée au Hawz près de Marrakech.
25 Plus tard, nous trouvons plusieurs membres de cette tribu engagés avec Mâ’ al- ‘Aynayn dans la résistance ; après la mort de ce dernier, c’est l’un de ses disciples qui prit la direction des Awlâd Bûsbâ’. (Bonofas, C, « Les Oulad Bou Seba. Une tribu marocaine en Mauritanie », Bull, trimestriel de la Société de géographie et d’archéologie d’Oran, sept.- déc., 1929, p. 261).
26 Bayrûk est né 1785. Il s’est imposé comme personnage charismatique dans Wâd Nûn, en particulier dans le qsar de Glaymîm (Goulimin). Il est mort en 1859, en laissant quatre fils : Abidîn, Lahîb, Dahmân et Muhammad. Ce dernier était installé à Cap-Juby (Tarfâya) : c’est lui qui traita avec Mackenzie dans son entreprise de construire une manufacture. Les autres fils sont restés dans Wâd Nûn ; c’est Lahbîb qui succéda à son père à Glaymîm, suivi de son frère Dahmân.
27 Panet, L., Première exploration du Sahara occidental, relation d’un voyage du Sénégal au Maroc, 1850, Le Livre africain, Paris, 1968, p. 154.
28 Ibid., p. 155.
29 Le texte de cette lettre a été publié dans L‘Afrique française, 1915, p. 145.
30 Voir à ce sujet : Naimi, M., « L’infiltration des rapports marchands dans une formation économique traditionnelle. Le sud-ouest », thèse de 3e cycle, Paris X, 1980, et Naimi, M., « Le pays Takna commerce, histoire et structure », thèse de doctorat d’état, université Mohamed-V, faculté des sciences juridiques, économiques et sociales, Rabat, janvier 1987, et, du même auteur, « La politique des chefs de la confédération Tekna face à l’expansion commerciale européenne », Revue d’histoire maghrébine, Tunis, 35-36, 1984, pp. 153-173.
31 Marty, P., Études sur l’islam maure, op. cit., p. 158.
32 R. S. [Segonzac, R.] « El Hiba fils de Ma el Ainini », L‘Afrique française, supplément, mars 1917, p. 62.
33 Par exemple, dans une de ses réponses au chef de d’Ilîgh, le 19 juillet 1889, le sultan Hassan Ier écrit : « Ta lettre est parvenue avisant que le serviteur Dahmân b. Bayrûk s’est dirigé avec sa compagnie, soldats et autres, vers le port de Tarfaya [Cap-Juby], en vue de le démolir et de disperser ceux qui y commercent avec les chrétiens », (Ennaji, M., Pascon, P., Le Makhzen et le Sous al-Aqsa : la correspondance politique de la maison d’Iligh (1821-1894), CNRS et Toubkal, Paris, Casablanca, 1988, p. 171).
34 Chapelle, F. de la, « Les Tekna du Sud marocain », L‘Afrique française, 1933, p. 644.
35 Ennaji, M., Pascon, P., p. 153.
36 Le texte de cette fatwâ est publié dans l’ouvrage de ce faqîh : al-Hâfid Muhammad Yahya b. Muhammad al-Mukhtâr al-Walâtî, Ar-Rihla al-hijâziyya (« Voyage à La Mecque »), pp. 87-100.
37 Ibid., pp. 388-396.
38 Chapelle, F. de la, « Les Tekna … », p. 644.
39 Montent, E., « Les confréries religieuses de l’Islam marocain », Revue de l’histoire des religions, t. 45, 1902, p. 19.
40 Chapelle, F. de la, « Les Tekna… », p. 644.
41 « La Mauritanie et le Maroc », extrait du livre jaune, 1906-1907, L‘Afrique française, 1909, p. 103. Ces dernières actions des Bayrûk s’inscrivaient dans la coopération entre les Français et le sultan marocain pour arrêter les livraisons d’armes à Mâ’ al-‘Aynayn. La caravane attaquée par Dahmân w. Bayrûk devait recevoir une livraison d’armes.
42 Doutte, E., En tribu, mission au Maroc, Librairie Paul Geuthner, Paris, 1914, p. 343.
43 Doutte, E., op. cit., pp. 340-341.
44 Ennaji, M., Pascon, P., op. cit., p. 153.
45 Chapelle, F. de la, « Les Tekna… », op. cit., p. 644.
46 Ann, E/76/86, fils de Mâ’ al-‘Aynayn, et Dupas, M., Les Ahel cheikh Ma el Aïnin, CHEAM, 452, Paris.
47 Tanwîr, p. 9.
48 Bien que les Rgaybât et les Awlâd Bûsbâ‘ soient des tribus de fonction guerrière, elles sont toutes les deux d’origine religieuse. D’ailleurs les deux formations affichent toujours leur origine chérifienne comme une source de prestige.
49 Le sultan marocain avait voulu assassiner Sîd Ahmad La‘rûsî. Un saint homme est intervenu pour le sauver : il le prit par la ceinture et les deux hommes s’envolèrent. En arrivant à la hauteur de Sâgiya al-Hamrâ’, la ceinture de Sîd Ahmad La’rûsi se déchira : il tomba sain et sauf sur un rocher. Depuis ce jour, ce rocher devint un lieu de visite pour ceux qui cherchent la bénédiction.
50 Muhammad Sâlam w. Lahbîb w. Lahsan w. ‘Abd al-Hay, p. 214.
51 Barbier, M., Voyages et explorations au Sahara occidental au xixe siècle, L’Harmattan, Paris, 1985, p. 297.
52 Douls, C, op. cit., p. 203
53 Barbier, M., op. cit., p. 252.
54 Ibid., p. 260.
55 Douls, C, op. cit., p. 199. C. Douls est arrivé sur la côte du Sahara en venant des îles Canaries.
56 Ibid.
57 Ibid., p. 203. Après ce court examen, le jugement de Mâ’ al-‘Aynayn fut en faveur de Douls. Il admit que Douls était un vrai musulman.
58 Bûnanna date le début de la construction au 4 muharram 1316/25 mai 1898, la même année que la construction de la zâwiyya de Mâ’ al-‘Aynayn à Fès (Tanwîr, p. 1).
59 Michel Vieuchange est arrivé à Smara le 1er novembre 1930. Après un voyage aventureux, il passa dans la ville trois heures et, épuisé par ce voyage, il mourut dès son retour à Agadir. Son frère publia par la suite ses mémoires. (Vieuchange, M., op. cit.).
60 Vieuchange, M., op. cit., p. 194.
61 Barbier, M., op. cit., p. 225.
62 At-Tâlib Akhyâr, op. cit., p. 75.
63 Ibid.
64 Le nom de Smâra dérive du nom d’une herbe sauvage nommée smâr en hassaniyya, qui pousse sur le rivage des oueds ; elle est utilisée dans la confection des nattes.
65 Ba, M. Α., « A propos de Smara », L’Afrique française, février 1934, p. 96.
66 Caro Baroja, J., op. cit.
67 Muhammad al-Amîn ash-Shanqîtî écrit qu’il a vu pendant son passage dans la région 10000 personnes dans Smâra, toutes prises en charge par Mâ’ al-‘Aynayn. Al-Wasît, p. 366
68 Al-Wasît, trad., Miske, A.-B., op cit, p. 117.
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