Des jeux pour les Dieux
p. 6-9
Texte intégral
« Veux-tu chanter les Jeux, ô mon âme ? Ne cherche pas, au ciel désert quand le jour brille, un astre plus ardent que le Soleil, et n’espère pas célébrer une lice plus glorieuse qu’Olympie ! »
Pindare, Ière Olympique.
1Le sport n’est pas né à Olympie, mais aucun nom au monde n’évoque plus immédiatement ce que ce mot contient de beauté, de dépassement, d’émulation, de dignité, de rassemblement, de foi. Certes, cela est en grande partie dû, de nos jours, à l’extraordinaire prestige des Jeux Olympiques modernes mais, dès l’Antiquité, ce nom et ce lieu, Olympie, exerçaient une fascination sans partage. Seule des quatre grandes fêtes panhelléniques, Delphes pouvait rivaliser avec la cité d’Élide ; au demeurant, le sanctuaire d’Apollon, s’il comportait les mêmes épreuves athlétiques, devait surtout sa gloire à la Pythie et à ses oracles, et les compétitions d’ordre lyrique y avaient plus d’importance qu’ailleurs.
2Olympie est donc bien la terre du sport, comme spectacle et comme rite. Avant de nous y promener sur les traces des athlètes et des pèlerins, il faut souligner ses caractéristiques fondamentales et préciser certaines notions, certains mots aussi.
3Tout d’abord ne jamais perdre de vue l’essentiel : Olympie est un sanctuaire. C’est par et pour les dieux que la beauté se manifeste, que ce soit dans une statue, une course ou un concours d’éloquence. Au-dessus de tous trône Zeus, le maître de la foudre, que des millions de pèlerins sont venus adorer pendant toute l’Antiquité. Autour de son image, de son temple1 et de son autel2, ceux des autres divinités de l’Olympe constituent une sorte de cour. À eux aussi vont les fumées des sacrifices, mais c’est à Zeus que les athlètes prêtent serment, c’est en son honneur que se déroulent les Jeux. Dans sa lumière se rassemblent les Grecs libres, qu’ils viennent de Grèce ou des nombreuses terres où s’épanouissent la culture, les croyances et les coutumes helléniques. Doriens du Péloponnèse ou de Grande Grèce, Ioniens d’Asie Mineure, Athéniens, et jusqu’aux Grecs originaires des colonies de Crimée ou d’Afrique, tous viennent s’y recueillir, s’y affronter courtoisement, unis malgré leurs dissensions ou leurs haines. Chacun s’y sent un Hellène, partageant avec son voisin l’idéal du kalos-kagathos, du beau et du bien, incarné dans les athlètes.
4Si le mot sport est d’origine récente et franco-anglaise, les termes d’athlétisme ou de gymnastique apparaissent en revanche dès l’Antiquité. Inconnus d’Homère, ils sont fréquents chez Platon et Thucydide. « Gymnastique » ne doit pas être interprétée au sens actuel, qui désigne une discipline bien particulière (exercices au sol, aux anneaux, au cheval d’arçon, etc.). Issu de gymnos, qui signifie nu ou peu vêtu, le mot gymnastique désigne chez les Anciens tout exercice physique pouvant entraîner aux compétitions du stade. Ainsi sont exclus des « sports » très pratiqués par les Grecs comme la natation ou la chasse. En revanche chez Galien comme chez Philostrate, le mot peut aussi recouvrir des mouvements « faisant accélérer le rythme respiratoire » ou destinés à échauffer les muscles avant l’exercice proprement dit. Assouplissement et musculation peuvent donc être compris dans le mot gymnastique. Le mot athlétisme, quant à lui, porte plus nettement la connotation de compétition. Athlôn signifie en effet combat et ce terme est à mettre en rapport avec l’agonistique. L’agôn est une entité propre qui correspond à l’un des traits caractéristiques de l’âme grecque, l’émulation, le désir d’être le meilleur. Ce souci, qui transparaît à travers tant de noms dont la racine est la victoire (Nikè) la primauté (Prôtos) ou l’excellence (Aristos), s’est manifesté à Olympie plus que nulle part ailleurs. Tous les auteurs antiques l’attestent, de même que la fierté des inscriptions où les vainqueurs proclament leur gloire d’avoir vaincu ici.
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Délos
Île sacrée et ville cosmopolite
Philippe Bruneau, Michèle Brunet, Alexandre Farnoux et al. (dir.)
1996