Avant-propos
p. 117-118
Texte intégral
1 Dans le domaine du réel, les rôles sociaux de la parenté sont tus, mais omniprésents. En revanche, dans le domaine de l’imaginaire, la place de la parenté reprend ses droits et retrouve sa visibilité. A une époque qui a vu s’effondrer les grandes idéologies et s’émousser le militantisme en faveur de grandes causes, notre société est à la recherche de références, et faute de les trouver collectivement, elle les recrée au niveau individuel et familial. Ce besoin d’ancêtres est à mettre en parallèle avec le « désir d’enfant », qui n’a jamais été aussi fort, aujourd’hui que les progrès de la biogénétique permettent en théorie à tous les couples stériles de procréer. La modernité semble mettre en péril la continuité sociale ; chacun s’efforce alors de renouer les liens entre les générations. Le travail de l’imaginaire s’ancre dans le concret : les maisons, les meubles de famille, ou les généalogies que de plus en plus de Français se plaisent à reconstituer.
2 Ce désir de racines et d’identité est aussi un besoin d’ancestralité. Maintenir ou tisser le fil de la mémoire familiale, tel est le sens premier du geste de l’héritier qui conserve la demeure léguée par ses parents morts, du généalogiste à la recherche de ses ancêtres. Mais se constituer soi-même en ancêtre, redonner un nouveau départ à la lignée, peut être aussi le désir plus profond qui l’anime. Car aucune société, et la nôtre pas davantage, ne peut se passer de la présence de parents et d’ancêtres.
3 La parenté réclamée se lit aussi dans les hésitations du vocabulaire, en quête de noms pour ces nouveaux parents que les divorces suivis de remariages – ou d’unions de fait – ont de plus en plus répandus. Comment nommer le nouveau conjoint de la mère, alors que le père est toujours vivant, et comment nommer ses enfants ? Les recompositions familiales conduisent à imaginer des logiques parentales inédites, et l’on assiste à la réinvention de la parenté par les nouveaux couples, car dans leur univers relativement instable, ces liens familiaux sont plus que jamais nécessaires.
4 La famille n’est donc en rien une institution discrète. Ni au sens courant du terme, puisqu’elle est partout dans la société, et notamment dans les médias1 ; ni au sens mathématique d’unité séparée, puisqu’elle s’articule à tous les champs sociaux. Le destin des individus et des familles – nucléaires ou autres – ne peut être saisi que s’il est replacé dans un ensemble parental plus large. Singulier jeu de pouvoir...
Notes de bas de page
1 Une enquête comparative entreprise avec Marianne Coadou montre que la presse française est la championne du nombre d’articles consacrés à la famille. Le Nouvel Observateur, par exemple, a publié des enquêtes d’opinion à propos de la famille en 1973, 1976, 1981, 1982, et chaque année de 1984 à 1988. Rien de semblable n’a pu être repéré dans des magazines comparables anglais ou allemands. Dans ce pays, seul l’institut de démoscopie d’Allenbach a conduit des enquêtes de motivation sur le refus des Allemands d’avoir des enfants.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les chemins de la décolonisation de l’empire colonial français, 1936-1956
Colloque organisé par l’IHTP les 4 et 5 octobre 1984
Charles-Robert Ageron (dir.)
1986
Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Actes du Colloque International du CNRS (Montpellier, 26-29 avril 1983)
Jean Guilaine, Jean Courtin, Jean-Louis Roudil et al. (dir.)
1987
La formation de l’Irak contemporain
Le rôle politique des ulémas chiites à la fin de la domination ottomane et au moment de la création de l’état irakien
Pierre-Jean Luizard
2002
La télévision des Trente Glorieuses
Culture et politique
Évelyne Cohen et Marie-Françoise Lévy (dir.)
2007
L’homme et sa diversité
Perspectives en enjeux de l’anthropologie biologique
Anne-Marie Guihard-Costa, Gilles Boetsch et Alain Froment (dir.)
2007