Louxor : le patrimoine antique comme ressource économique
p. 126-127
Texte intégral
242 000 | 1907 | 1979 | 2005 |
habitants à Louxor en 2017 | Inauguration de l’hôtel Winter Palace | Le site de l’ancienne Thèbes est classé au patrimoine mondial par l’UNESCO | Exhumation de l’allée des sphinx (plan Louxor 2030) |
Source: CAPMAS |
1Implantée en Haute-Égypte, à plus de 600 km du Caire, la ville moyenne de Louxor est un lieu phare du tourisme international depuis la fin du xixe siècle, avec la naissance de l’égyptologie. Elle est devenue, en 2009, le chef-lieu d’un gouvernorat éponyme de taille modeste (2400 km2), composé d’un qism* (Louxor) et cinq markaz-s* (Louxor, Thèbes, Gourna, Armant, Esna). En 1989, l’essor du tourisme de masse entraîne la promotion administrative de la ville, qui est détachée du gouvernorat de Qena par décret présidentiel. La concentration des sites archéologiques à la renommée mondiale dans le gouvernorat de Louxor (Vallée des rois, Vallée des reines, temple de Hatshepsout) et au cœur de la ville confère au tourisme une place centrale dans les plans d’aménagement urbain depuis 30 ans, avec l’objectif de capter des revenus et de créer des emplois dans une région qui figure parmi les plus pauvres du pays.
Une patrimonialisation précoce
2Louxor (en arabe, al-Ouqsour, « les palais ») se situe sur la rive orientale du Nil, à l’emplacement de l’antique Thèbes, capitale prospère du Moyen Empire, puis du Nouvel Empire (1500-1000 avant J.-C.). Reliquat de la « ville des vivants » à l’époque pharaonique, la cité actuelle s’organise parallèlement au Nil, cernée à l’est par la voie ferroviaire, puis l’aéroport international, d’une capacité d’accueil de 8 millions de visiteurs.
3Au-delà de la « corniche » du Nil où se concentrent les hôtels étoilés et, en période de fréquentation, les bateaux de croisière, le noyau urbain historique correspond au temple de Louxor et à ses abords, investis par les habitants jusqu’aux années 1940, en raison d’une position de surplomb protégeant des crues. En initiant le projet de déblaiement du temple à partir des années 1880 (pour les besoins des fouilles), l’égyptologue Gaston Maspéro amorce un processus de patrimonialisation du centre-ville. Aujourd’hui encore, ce processus se focalise sur les monuments antiques, reléguant à l’arrière-plan l’histoire copte et l’histoire musulmane de la ville.
4La zone centrale allant du temple de Louxor au site de Karnak via l’allée des sphinx (une allée processionnelle ou dromos, longue de 2,7 km) est dédiée au tourisme de façon quasi-exclusive. Son classement par l’UNESCO, incluant en rive ouest la nécropole thébaine (la « ville des morts ») sur les flancs de la montagne, a accentué l’attractivité touristique. Au tourisme d’élite du début du xxe siècle animé par des aristocrates occidentaux, des aventuriers et des savants, a succédé depuis les années 1980 un tourisme de masse international, pilier de l’économie locale et moteur de l’expansion urbaine. La ville s’est étalée vers le nord et le sud de la vallée, bourgeonnant au-delà de la voie ferrée, mais aussi en rive gauche, vers Gézira. Après un nombre record d’arrivées touristiques en 2010 (plus de 14 millions), la chute entamée dès 2011, liée aux incertitudes politiques et sécuritaires, a durement affecté les habitants de Louxor – le taux moyen d’occupation des hôtels est proche de 20 % en 2014. La timide reprise de la fréquentation depuis 2018 est due aux visiteurs asiatiques, notamment chinois.
L’aménagement urbain conçu pour le tourisme
5Depuis les travaux d’exhumation du temple de Louxor (le chantier dura 40 ans), les projets d’aménagement successifs visent la valorisation du patrimoine antique à des fins scientifiques et surtout touristiques avec, pour corollaire, l’éviction des populations locales vivant sur les sites (centre-ville et montagne thébaine), non sans résistance de leur part. Cette réticence éclaire l’échec de Nouveau Gourna, un village en briques crues conçu en 1947 par l’architecte Hassan Fathy pour accueillir les habitants de la montagne délogés des tombeaux de la nécropole.
6Depuis les années 1980, l’objectif de création d’une ville-musée à ciel ouvert (open-air museum), contenu dans les plans d’aménagement de l’UNESCO, puis du PNUD, guide la politique d’aménagement financée et déployée par les représentants du pouvoir central. L’attentat contre des touristes en 1997 a renforcé la dimension sécuritaire de l’aménagement, avec une volonté de dissocier les espaces de circulation touristiques et les zones d’habitation, comme le montre la thèse de Sandrine Gamblin. Le projet de ville-musée, stoppé en 2011 mais relancé sous la présidence al-Sissi, repose sur une spécialisation fonctionnelle des espaces : le centre-ville avec les temples de Karnak et Louxor, reliés par l’allée des sphinx, doit former l’ossature du musée, dévolu aux touristes selon des normes internationales d’accueil et d’équipement. Deux villes nouvelles au sud (New Luxor) et au nord (New Thebes) sont censées orienter la croissance urbaine. Cependant, les destructions du bâti et les expulsions de résidents, notamment pour finir de dégager l’allée des sphinx, alimentent un sentiment de dépossession locale, ravivé par le contexte socio-économique précaire.
Auteurs
Hala Bayoumi, ingénieure de recherches CNRS en mathématiques appliquées aux sciences humaines et sociales, affectée au CEDEJ depuis 2007, où elle est responsable du pôle Humanités numériques
Karine Bennafla, professeure de géographie, Université de Lyon, directrice du CEDEJ de 2015 à 2019
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