Chapitre III. La constitution du parti patriote
p. 79-117
Texte intégral
« Conspirations,
Je n’ai pas cru devoir laisser ce sujet sans le traiter, tant les conspirations sont dangereuses et pour les sujets et pour les princes. Elles ont fait périr et détrôner plus de souverains que les guerres ouvertes. En effet, peu d’individus sont en état de faire une guerre ouverte à un prince, mais chacun est à même de conspirer. Il n’est pas d’entreprise plus dangereuse et plus téméraire pour les hommes qui s’y hasardent : les périls les environnent de toutes parts. Aussi arrive-t-il que bien peu réussissent, pour une infinité qui sont tentés. »
Nicolas Machiavel,
Discours sur la première décade de Tite-Live.
1De la guerre de Succession d’Autriche à la guerre de Sept Ans (1745-1763), un autre type d’engagement se met en place progressivement. Bien plus intéressant pour la France, ce recrutement diplomatique contribue à l’organisation des réseaux au service de France. De leur côté, les Polonais engagés, délaissant le sabre et les flèches1, se transforment en espions, informateurs ou mouchards. Appréciés pour leur capacité à parler des langues totalement étrangères aux Français, ils sont aussi précieux pour leur connaissance des pays qui s’étendent de l’Oder à la Moscova.
2L’engrenage qui mène vers ce nouveau type de relations provient en grande partie de la pression moscovite qui se fait sentir très durement pendant la guerre de Succession d’Autriche sur le territoire de Pologne. Cette propension russe à se sentir en territoire conquis, et qui trouve son point culminant pendant la guerre de Sept Ans, provoque une réaction chez certains palatins désireux de contrer cette forme d’oppression. Ce parti, que l’on désigne à l’époque comme le « parti patriote », favorable aux Français, s’oppose systématiquement aux « partisans »2, alliés des Russes. Pour les Polonais, l’idée que la France peut intervenir sur la scène internationale pour jouer un rôle d’arbitre ne s’avère pas illusoire. Il est vrai que Louis XV nourrit l’espoir de voir à nouveau un prince de Conti monter sur le trône de Pologne. Les deux alliés ont donc fort à faire pour tenter de s’opposer aux nobles penchant pour une collaboration étroite avec les Russes. « La Famille », ainsi que l’on appelle les Poniatowski, est le clan le plus agressif, soutenu par les Czartoryski tout aussi virulents3.
Un chargé d’affaires français à Varsovie tisse sa toile et ranime le parti des patriotes
3Louis-Adrien du Perron de Castéra4 est celui par lequel le réseau de relations se développe. Il parvient, grâce à ses compétences, à ses connaissances du pays et de ses habitants, à régénérer un parti français essoufflé. Ayant habité la Pologne assez longtemps pour ne pas être étonné par l’attitude, pour le moins surprenante, de ses habitants5, ni par le comportement, non moins curieux, des différents ministres du roi, Louis-Adrien du Perron de Castéra s’avère être l’homme de la situation. Le chargé d’affaires, sans bénéficier encore du titre de résident, anime le parti patriote et envenime la vie des partisans. Pour organiser la nouvelle politique française en Pologne, il devient le créateur de ce nouveau type de relations entre les deux pays. Ses agents agissent pour le compte du roi de France qui les rémunère.
4Réseau aux maillages étroits, cette fine résille diplomatique s’installe sur toute l’Europe orientale et son organisation reste, pendant toute la fin du XVIIIe siècle, tributaire de quelques Polonais fidèles, qui, parcourant cette région du monde, tentent de mettre en place un appareil érigé en système. Cette hydre aux cent têtes, contrôlée par Castéra et ses successeurs, étend ses ramifications du Rhin à la Vistule, en longeant les rivages de la Corne d’Or, que borde Constantinople. De Berlin à Moscou, de Dresde à Vienne tout est noté, archivé, commenté et analysé à Varsovie. Les Polonais font partie de l’histoire qui se noue et se dénoue en Europe pendant ces années de guerre.
5Une autre organisation secrète, parfois ennemie de Castéra, se met aussi en place pendant cette période. Elle est dirigée par le prince de Conti qui mène une politique totalement autonome et indépendante de l’agent français en place. Parfois utiles pour blâmer l’autre et ainsi induire les Polonais en erreur, parfois franchement hostiles à la politique de Castéra, les deux monstres créés par ces deux hommes intelligents ne peuvent, dans le pire des cas, qu’augmenter la confusion. Dans un pays où rien n’est simple, ces glissements politiques passeront presque inaperçus et c’est là, précisément, la grande réussite diplomatique de Louis XV.
6Les humeurs versatiles d’Auguste 1116, sa fin que l’on dit prochaine7 rendent la Pologne encore un peu plus intéressante. Les élections approchent et le roi de France n’oublie pas qu’un candidat français serait le bienvenu8. Il faut à tout prix reconstituer rapidement le parti des patriotes, afin d’obtenir des voix lors de la diète d’élection. Le comte de Saint-Séverin a trouvé l’homme en qui placer toute sa confiance : « [...] il croyait de l’intérêt de Sa Majesté qu’il y eût quelqu’un de sa part en Pologne tant pour être informé journellement que pour ne pas laisser penser à la nation polonaise que Sa Majesté l’abandonnait entièrement9. » La mission de Castéra, à l’origine, devait se résumer à celle d’un épistolier diplomatique, mais, dans ce contexte électif, celui-ci révèle des qualités qui peuvent être exploitées. On confie donc un autre type de mission à cet homme « intelligent » et « estimé en Pologne ». L’ambassadeur10 en fait désormais un rouage essentiel de sa politique. Le travail de Castéra se résume apparemment à peu de choses : Il lui faut simplement « [...] écouter attentivement ce qu’on lui témoignera tant par rapport à de diverses appréhensions des Polonais, que sur les autres objets que les seigneurs [...] voudront lui faire envisager...[et]... comme méritant tout secours et assistance11 »... Mais cela ne suffit pas à cet infatigable travailleur qui, passionné, envoie quasi quotidiennement des rapports sur la situation politique, économique, agricole ou industrielle12.
7Le roi décide alors de lui confier un autre travail. Convoqué au mois de mars 1745 à Versailles13, on lui fait entendre l’importance que le roi accorde au parti des patriotes puisque, seul, il permettra de faire accéder le prince de Conti au trône de Pologne. Castéra, nommé chargé d’affaires à Varsovie, s’attelle à la tache tandis qu’un autre Français, un ambassadeur cette fois, le rejoint dans la capitale polonaise. Le marquis des Issarts, recommandé par le prince de Conti, est en effet porteur d’un ordre de mission contraire à celui de Castéra14. On lui demande, probablement dans le but d’assoupir la méfiance d’Auguste III, de proposer à l’Électeur de Saxe d’instaurer une dynastie héréditaire en Pologne. En échange, l’Électeur de Saxe doit entrer dans une ère de bonnes relations avec le roi de Prusse, de manière à éviter une trop grande emprise russe en Pologne. Autant de recommandations dont le roi attend de recueillir les fruits15. Sous couvert de reprendre le contrôle du parti français et sous prétexte d’entretenir le « zèle francophile16 », la France a une autre priorité : celle d’écarter la puissance russe de ce territoire. Dès 1746, cette préoccupation est mentionnée dans la correspondance diplomatique : « Ceux qui ont voyagé ces derniers temps en Pologne paraissent en effet se réunir dans l’opinion que ce royaume dépeuplé et déshabitué de la guerre est comme accoutumé au joug que la cour de Pétersbourg est en possession d’y exercer17... » Les diplomates se rendent compte que tous les autres pays d’influence traditionnelle française sont menacés18. La renaissance du parti français devient alors cruciale. D’un côté, il s’agit d’anesthésier la diplomatie russe, de l’autre, de faire en sorte que la Prusse reste éloignée19. À Castéra, donc, de faire régner l’ordre parmi les Polonais, si aisément entraînés dans des factions et des complots dommageables aux Français, qui en sont d’ailleurs souvent les instigateurs. Malgré toutes ces bonnes recommandations, la France arrive un peu tard et le parti des patriotes est encore trop fragile pour arrêter les Russes dans leur désir de s’étendre, aux dépens de la Pologne. Avec la guerre de Succession d’Autriche, l’invasion russe se prépare et les troupes massées en Courlande inquiètent à juste titre20.
8Dès le 22 mai 1746, un traité signé entre Marie-Thérèse d’Autriche et Élisabeth, tsarine, en confirmait un autre, préalablement signé en 1726, engageant la Russie à fournir un corps de 37 000 hommes, sans que fussent spécifiés ni la destination ni les objectifs militaires21. Pour cette raison, les partisans russes doivent donc être surveillés de près, d’autant plus qu’ils ne briguent qu’une seule chose : la couronne de Pologne. Castéra ne fait pas appel aux Polonais et se charge lui-même de la mission confiée par le ministre, qui lui recommande une grande vigilance. Castéra, un œil ouvert, suit « leurs intrigues » et minimise leur efficacité : « [...] mais je pense que vous attribuez à ces deux maisons de trop vastes desseins22... » En réalité, il se trompe. Frappé de myopie, il ne voit pas l’émergence d’une confédération destinée à placer un partisan russe sur le trône dans le but de « faire entrer la couronne dans leur maison23 ». Le ministre des Affaires étrangères est, pour une fois, mieux renseigné que lui.
9Le parti de « la Famille », en 1747, avec, à sa tête, Stanislas Poniatowski, relayé bientôt par Michel Czartoryski24, puis par Auguste-Alexandre25, combat plus farouchement les patriotes qui soutiennent la cause de la France, représentée par les familles Branicki26 ou Potocki27. Ils trouvent leurs soutiens à Saint-Pétersbourg et auprès des Czartoryski et installent leurs partisans aux postes clefs. L’objectif est de prendre le contrôle du pays, d’évincer Auguste III et la dynastie des Wattin définitivement28. Devant ce danger imminent et avec l’appui de la France, les patriotes s’engagent plus activement. Ce sont les premiers à se mettre au service de France, et au service de leur Pologne, pour tenter de circonvenir la politique de « la Famille ». Louis-Philogène de Puyzieulx, le nouveau ministre français29, trouve une situation difficile mais doit aussi tenir compte de la Russie, qui ne tarde pas à vouloir aider « l’armée pragmatique »30. De leur côté, les patriotes ne peuvent compter que sur eux-mêmes, car leurs alliés traditionnels n’entendent pas s’impliquer. D’un côté, la Porte signe un nouveau traité qui lui garantit la paix avec la Russie, de l’autre, la Suède conclut une alliance avec le roi de Prusse, le 29 mai à Hockoline. Les Polonais doivent, seuls, affronter leur ennemi moscovite31. Ils peuvent néanmoins compter sur les subsides français puisque le roi désire installer une pax franciis en Europe orientale.
10Le ministre d’Argenson, avant sa disgrâce, reçoit une lettre des représentants de la noblesse qui permet de mieux comprendre leurs intentions patriotiques : « L’idée ayant été suggérée par plusieurs grands seigneurs de Pologne sur la supposition d’une quadruple alliance entre La Porte Ottomane, la Suède, la Prusse ou la France dont la première opération serait de procurer au roi de Prusse le duché de Courlande sous la mouvance de la Pologne pour parvenir par ce moyen à diminuer l’influence de la Cour de Russie dans ce Royaume32... » Tout plutôt que les Russes ! D’un songe à l’autre, d’une chimère électorale insaisissable à un royaume de Courlande fantôme, la Pologne s’avère bien être le lieu où tous les intérêts se rencontrent, no man’s land diplomatique et militaire, où les mirages deviennent crédibles lorsque les Polonais idéalistes nourrissent les espoirs français.
11Tout cela n’empêche pas le ministre de garder la tête froide et de conclure sardoniquement : « Ce projet est beau mais il n’est pas nouveau, il serait à deviner qu’il fût aussi facile à exécuter qu’à imaginer33... » Pour favoriser le parti patriote, il refuse la confédération, trop dangereuse et trop coûteuse34 ; il conseille « d’exciter un certain nombre de personnes de considération en Pologne, à écrire des lettres au roi de Pologne et à faire des protestations publiques contre la violation des territoires du royaume35 »... Le ministre rêve à son tour, mais, selon lui, son devoir d’ingérence s’arrête là où commence la protection des intérêts du roi. Sa ligne diplomatique est trop simple pour être jamais réalisée dans ce pays : « La Pologne est actuellement trop subjuguée et trop faible pour s’opposer à la puissance et à la volonté des Russes par une confédération36. » Les Polonais doivent s’entendre pour régler seuls leurs problèmes. Comment demander par exemple à ce pays sans armée37 de s’opposer au passage des troupes russes ? « C’était l’affaire des Polonais bien plus que la nôtre de prendre les mesures convenables pour empêcher la violation de leur territoire par les troupes russes. Le roi a toujours été disposé à leur accorder sa protection lorsqu’ils se porteraient à la réclamer38... » Ce refus, poli, de s’impliquer dans les affaires intérieures du pays ne peut s’expliquer que par la peur de fâcher Auguste III. Les promesses permettent en même temps de ménager les susceptibilités du parti patriote. Cependant, les patriotes, même les plus dévoués, comprennent l’inutilité de leur alliance. De fait, lorsque les 37 000 Russes entrent sur leur territoire en 1748, l’émoi est tel qu’un imprimé anonyme39 est distribué dans toute la Pologne. C’est une véritable commotion : « [...] Aussi donc notre gloire est foulée aux pieds, notre liberté, cette liberté qui coûta tant de sang à nos aïeux [...] nos franchises sont ouvertement violées, de même que les traités qui auraient dû nous garantir d’un si cruel affront40... » L’auteur ne voit, dans cet acte de guerre, que le jeu des puissances qui s’opposent. Il refuse l’anesthésie de la Pologne. Selon lui, toutes les puissances se valent : « La cour de Vienne, la France, la Hollande, les pays d’Espagne, d’Angleterre et de Sardaigne peuvent bien s’entrebattre autant qu’il leur plaira, nous ne sommes point la cause de leurs démêlés, pourquoi en serions-nous les victimes41 ? » Cette prise de conscience, alors même qu’il est déjà trop tard, se manifeste par d’autres réactions du même type. Le prince Lubomirski, staroste de Casimir, reprendra, en ces termes, ce que les Polonais considèrent comme un outrage à leur intégrité territoriale42. C’est le moment que choisit Castéra pour employer des Polonais.
La situation en Pologne à la fin de la guerre de Succession d’Autriche
12L’argent devient alors un moyen plus puissant que les belles idées pour favoriser ce nouveau type de service. Il s’agit de surveiller la progression des Russes, et les empêcher de gagner de nouveaux fidèles, qui deviendront de nouvelles voix lors des élections. Le nouveau ministre écrit alors à son chargé d’affaires : « [...] Si vous aviez sous la main quelqu’homme entendu, j’entends un Polonais, dont vous fussiez sûr, qui proposât à ce brigadier [un certain Bauman] un millier de ducats en cas qu’il parvînt à retarder cette armée, vous pourriez être sûr qu’il serait payé du service rendu43... » Le recrutement diplomatique peut commencer, avec d’autant plus de facilité que la guerre est en passe d’être terminée.
13Sur tous les fronts, la situation militaire est favorable aux Français. Au septentrion, après s’être emparé des principales citadelles de l’Escaut, Maurice de Saxe ouvre une marche victorieuse. La bataille de Lawfeld, à deux lieues de Maastricht, bien que difficile, permet de rejoindre la capitale du Limbourg et Lowendal, bientôt maréchal, s’empare de Berg-op-Zoom, qui capitule le 16 septembre44. Sur le front italien, Belle-Isle, envoyé dans le Var le 3 juin, menace les pays méridionaux, passe le col de l’Assiette dans les Alpes, après s’être emparé de Vintimille.
14À Liège, les ministres plénipotentiaires engagent des pourparlers de paix. La campagne victorieuse du maréchal de Saxe, qui entre à Maastricht le 10 avril 174845, facilite les démarches diplomatiques, tandis que l’invasion des Pays-Bas accélère un accord entre la France et l’Angleterre, qui signent une paix séparée. Enfin, le 10 octobre 1748, le traité définitif est accepté par les deux parties et, peu à peu, les principaux pays impliqués dans la guerre accordent leurs signatures. La Sardaigne est la dernière à apposer la sienne au bas du document, le 20 novembre 1748. La paix d’Aix-la-Chapelle écrase les pays traditionnellement alliés de la France. C’est le cas de la Pologne, de la Suède et de la Turquie qui, pourtant, sont directement menacées par les Russes. L’avance de troupes russes a lourdement pesé sur ces décisions et les grandes puissances européennes réalisent qu’elles sont désormais contraintes de reconsidérer leur système d’alliance.
15L’équilibre de l’Europe est bouleversé. Sur ce nouvel échiquier diplomatique, que peut représenter la Pologne pour la France ? Quelles sont les motivations qui conduisent le roi de France à maintenir, dans ces conditions, des contacts avec ce pays déjà moribond tandis que l’on évoque – déjà – son prochain démembrement ? La présence diplomatique française en Pologne et en Europe orientale reste un élément très important pour la bonne marche du Secret du roi. Carrefour diplomatique, militaire et politique de cette période, il semble normal aux Français d’y maintenir leurs activités. Même si celles-ci restent feutrées, cachées, elles s’avèrent nécessaires pour conserver une présence dans cette zone d’influence que Versailles s’est attribuée. Pour les Polonais, cette politique diplomatique discrète, mais souvent efficace, permet de ne pas rester dans l’oubli et de protéger le seul atout qui leur reste : l’intégrité morale et philosophique de leur nation. Cela leur permettra, même par la suite, de la conserver en dépit de la perte quasi totale de leurs territoires. Afin de servir au mieux les intérêts de leur patrie et pour contrebalancer le pouvoir des partisans, favorables aux Russes en Pologne, certains décident de s’engager dans un service un peu particulier, mais qui, somme toute, répond encore aux besoins des deux pays. Pour la France, les Polonais qui coopèrent facilitent l’implantation d’une stratégie diplomatique française plus importante et entretiennent des relations avec les patriotes. Le service tel qu’ils le conçoivent leur permet de réagir contre l’immobilisme imposé par la politique d’Auguste III et contre les menées considérées comme dangereuses de « la Famille ».
Ramifications nobiliaires efficaces, mais coûteuses
16Plusieurs types d’engagements peuvent être distingués. Le premier inclut les nobles du parti patriote qui, en acceptant de recevoir cadeaux et reconnaissance, peuvent croire en l’utilité de leurs démarches qui s’expriment souvent sous forme de projets et, parfois, lorsque l’occasion se présente, par leur vote, favorisant le parti français lors des diètes d’élection ou des diétines. Au service de leur ambition personnelle, ils facilitent aussi les échanges entre Versailles et la nation polonaise en proposant des recrutements, en formant des projets de confédérations ou en tentant de favoriser la diplomatie française selon leurs possibilités. Cependant, ce genre de services, peu efficace, comme les événements électoraux ont pu le démontrer pendant la première partie du XVIIIe siècle, semble bien révolu. La confiance doit être restaurée en raison des enjeux, des trahisons et des abandons successifs et réciproques. Le clientélisme, tel qu’il est pratiqué pendant cette période, s’avère donc insuffisant et il faut demander aux nobles polonais un autre type de service, cette fois plus compatible avec les intérêts français.
17Certaines mesures sont prises pour s’assurer la fidélité des nouvelles recrues. Dans un premier temps, Castéra les choisit parmi les cadres de l’armée française46. Ces personnes établissent un lien étroit entre les services secrets ou la chancellerie diplomatique et les patriotes polonais traditionnels. Véritables fers de lance du mouvement patriote, ils sont vitaux pour la reconstitution de ce parti francophile. Comparés aux « clients patriotes », ils deviennent dans le sens le plus strict des « Polonais au service de France » puisqu’ils revêtent l’ uniforme des armées françaises et sont payés en fonction du grade qui leur est conféré.
18D’autres agents se prêtent aussi aux missions ponctuelles d’espionnage. Petits messagers, domestiques, espions, ils occupent une place importante dans le réseau mis en place et se voient confier des responsabilités souvent militaires. Entre eux et les Polonais précédents, aucun lien, sinon peut-être l’intérêt personnel ou un clientélisme qui les rattache aux grands de Pologne.
19Castéra règne donc sur ce petit monde avec vigilance et rémunère toujours rubis sur l’ongle les services rendus. Versailles ne lésine pas, contrairement à son habitude, et le résultat s’avère efficace car les Polonais sont nombreux à quadriller les voïvodies et les palatinats. Hommes inconnus, simples courriers, nobles respectés ayant leurs entrées dans toutes les cours européennes, ils sillonnent aussi l’Europe, nouent des contacts, cheminent ou galopent, qui vers Constantinople, qui vers Paris ou Saint-Pétersbourg. Dans leur pays, Castéra leur demande par exemple d’infiltrer les armées russes d’occupation. Tous permettent au maillage installé par Castéra de se resserrer peu à peu. Le chargé d’affaires traque les bons et les mauvais patriotes, recrute, rétribue leurs services – même lorsqu’ils sont mauvais –, distribue décorations, primes et récompenses à ceux qu’il estime et achète les amitiés par des attentions délicates. Il faut beaucoup d’habitude pour distinguer les bons des mauvais patriotes, ceux qui veulent honnêtement servir les intérêts français, et donc les leurs, et ceux qui pourraient offrir leur zèle aux plus offrants47. Il faut être d’autant plus vigilant que la France est désormais, par le mariage du Dauphin, fort bien vue à Dresde : « Observez bien que jamais la France n’a voulu plus de bien qu’aujourd’hui à la maison électorale de Saxe, et que c’est par une suite de cette bienveillance que Sa Majesté voudrait que le roi de Pologne dépendît moins de la Russie et des mauvais patriotes qui se livrent si honteusement à cette puissance48... » Cette attitude, qui tranche sur les périodes précédentes, provoque un certain regain d’intérêt. Par des jeux subtils d’amitiés et de connivences, Castéra tente de persuader les plus hésitants que le salut de la Pologne réside aussi dans la collaboration franco-polonaise. Pourtant, deux des plus grandes familles ont choisi les Russes et manœuvrent pour ravir la couronne polonaise. Ces deux grandes maisons, souvent dangereuses et parfois ouvertement hostiles, entraînent une clientèle de petits nobles49. « La Famille » devient donc la préoccupation principale des services français. Il faut enrayer le mouvement de réconciliation pro-russe que les piliers du pouvoir saxon sont en train de mettre en place. Mais pour s’attacher une famille polonaise, il faut payer. Le palatin de Sandomir, celui-là même qui eut tant de déboires cinq ans auparavant pour procéder à la levée des troupes réclamées par la France, reçoit par exemple une pension de 4 000 livres, somme considérable si on la compare aux autres montants versés50. Lorsque le comte de Tarlö, ancien pourvoyeur malheureux de recrues polonaises, meurt, sa veuve reçoit, sur l’incitation du ministre lui-même, une somme généreuse à titre de « gratification »51. La Pologne coûte cher à la France : petits cadeaux, pensions, primes et décorations font le jeu de Castéra. Les présents sont d’ailleurs parfois réciproques. Ainsi, dans une lettre datée du 19 avril 1749, on apprend que le palatin de Rawa52 envoie, à l’intention de l’épouse du ministre, « une pelisse d’hermines mouchetées et quelques martres zibelines53 ». En retour, Castéra lui fait parvenir « une caisse de porcelaine de Saxe contenant un service de chocolat et de café54 ». Les petits cadeaux entretiennent l’amitié et les Polonais, tout comme les Français, cultivent avec soin cet adage.
20Parmi les autres grands noms qui reviennent régulièrement dans la correspondance, celui du palatin de Belz, ennemi farouche des Czartoryski et « bon patriote », qui « croit par système, que le bonheur et la liberté de sa patrie dépendent principalement de la protection que la France peut lui donner55 »... À l’origine de bien des projets, il joue un rôle moteur dans le réseau d’informateurs dirigé par le chargé d’affaires. Pour fidéliser ces Polonais, Castéra, dans un premier temps, doit remettre « des pensions en considération de la conduite qu’ils ont tenue par rapport à la dernière élection du roi Stanislas56 »... On le voit, la France n’hésite pas à remuer des souvenirs amicaux vieux de presque quinze ans pour parvenir à ses fins. En tout, pas moins de 34 000 livres sont distribuées. Cet argent va récompenser des personnes connues ou anonymes pour leur dévouement à la cause de Stanislas lors des événements de la guerre de Succession de Pologne. En général, ce sont des personnalités importantes en Pologne. Ainsi, Radzinski, chambellan de Posnanie, l’abbé Zaluski, secrétaire de la Couronne, M. Wassalski, notaire du grand-duché de Lituanie, M. Pocye, adjudant général de l’armée du grand-duché de Lituanie, reçoivent chacun 6 000 livres, tout comme la comtesse Czaspski, palatine de Poméranie, dont le fils fréquente l’école des cadets de Lunéville. La même somme est encore partagée entre le castellan de Czonick et M. de Steinflix57, et enfin 1 000 livres accordées à un certain Rogalski58. Gratifications importantes qui, distribuées du nord au sud de la Pologne, assoient la présence française mieux que ne l’eût pu faire un recrutement militaire payé généreusement59. Si toutes ces personnes sont aisément identifiables, d’autres sont moins connues comme les castellans Czonick et Rogalski, et leurs efforts en faveur de la France restent à élucider, aucunes archives ne faisant mention de leurs activités.
21Si la période qui couvre les deux années 1748 et 1749 est généreuse en rétributions et en cadeaux, la raison en est simple. Une diète se prépare : « C’est la nécessité de contenter le Palatin de Rawa avant la diète et de le mettre en état de contenter aussi les dix autres gentilshommes qu’il a mis dans nos intérêts, par l’espérance du cordon Saint-Michel60...61 » C’est donc non seulement le patriote qui est récompensé, mais tous ceux qui gravitent autour de lui62. Grâce au réseau, Castéra est tenu au courant de tout, des affaires qui se trament, des mariages, de la situation des troupes en territoire polonais, de la cartographie des « bons et des mauvais patriotes » et de leurs choix, tant politiques que privés. Ainsi, à l’occasion d’un différend qui oppose les Czartoryski et les jésuites à propos d’un territoire appartenant à la reine de France, fille de Stanislas, Versailles est aussitôt informé des agissements de ses ennemis déclarés : « La reine possède ici une terre assez belle qu’on appelle la terre de Siératow. Les jésuites tentent de l’avoir en conséquence des volontés de la défunte reine de Pologne, duchesse de Lorraine et de Bar. Les Czartoryski s’y opposent parce qu’une dame de leur famille, qui est la princesse palatine de Russie, forme des prétentions sur ce bien63... » Immédiatement, Castéra est informé des revendications de « la Famille », mais ne réagit pas. L’affaire est abandonnée par les Czartoryski, pourtant opiniâtres. Non content d’entretenir les réseaux déjà connus dans la haute noblesse, le chargé d’affaires innove. Car la France, bien implantée dans le nord-est du pays et à ses frontières méridionales, ne parvient pas à s’assurer l’appui des grandes familles de Lituanie, plus rétives. Cette implantation est finalement assez réussie, et une fois Castéra disparu, le maillage couvrira les régions les plus importantes de la Pologne.
Des collaborateurs polonais au service de France : piliers de la diplomatie française en Pologne
22D’autres archives mettent en évidence des Polonais moins connus, mais célèbres par les appuis qu’ils ont apportés à la France, tant dans le domaine militaire que dans la diplomatie. Certes, André Mokronowski ou Jakubowski sont issus d’une grande famille polonaise, mais le rôle qui leur est dévolu est très différent de celui d’un palatin de Belz, par exemple. Ils sont au cœur du réseau tissé par Castéra et en sont aussi les supports. Si, à court terme, ils ne sont chargés que de quelques missions peu décisives, leur responsabilité sera, par la suite, vitale pour les Français et notamment pendant la guerre de Sept Ans. Mokronowski est introduit dans le réseau du Secret du roi dès 1747 et mentionné le 27 juillet par le ministre des Affaires étrangères pour avoir incité le palatin de Belz à enrôler des Polonais au service de France64. Castéra le choisit, à partir de ce moment, pour en faire son homme de confiance. Il devient aussi un rouage essentiel dans l’espionnage du corps d’armée russe, implanté en Pologne pendant cette période. Il est en fait un médiateur hors pair. Car s’il travaille efficacement pour les services français, il sait aussi maquiller habilement ses missions françaises en actions polonaises, permettant de ne pas encourir les foudres de l’Électeur de Saxe. Lorsque le prince Radziwill, sur ordre de Versailles, décide d’employer un émissaire pour espionner les armées russes, il choisit Mokronowski qui joue le rôle d’intermédiaire entre ce prince et les Français65. Ce système bien rodé se généralise. Le prince décide d’employer aussi un « officier très intelligent, nommé monsieur Baranowicz, maréchal de camp au service de la République66 ». Le prince, allié de longue date aux Français, déborde d’imagination et utilise en même temps les Français de son entourage, comme « Monsieur de Larzac, gentilhomme français et aide de camp du même prince67 » qui a pour mission de vérifier les rapports de l’envoyé précédent. Les deux espions confirment d’ailleurs la délicate situation où se trouvent les Russes, qui continuent de subir désertions et épidémies. Grâce à eux, les Français apprennent que près du tiers des effectifs de l’armée russe a disparu68.
23Mokronowski très estimé par la suite, intégré pendant la guerre de Sept Ans dans le service diplomatique français, ce « héros favori de Ruhlière69 » est très apprécié par les Français : « On voyait en lui un mélange remarquable de vertus admirées dans les anciennes républiques... Il disait un jour à de jeunes Français : Je n ’ ai que deux intérêts au monde : défendre la liberté de mon pays et perdre la mienne70. » Avec lui, c’est une certaine idée de la nation polonaise qui revit. Son intelligence, ses qualités humaines et la parfaite connaissance de son pays en font un auxiliaire précieux pour Castéra71.
Des agents occasionnels moins prestigieux mais indispensables
24D’autres gentilshommes, moins prestigieux, peuvent rendre de grands services. Il est parfois nécessaire à Castéra de prendre langue avec la Porte. Il envoie dans ce cas des envoyés polonais compétents, sachant parler le turc72. Dzierzanowski73 doit, sur ses ordres, se diriger vers Constantinople et, en chemin, sonder les Polonais sur les effets de la présence des Russes sur leurs territoires. « [...] en traversant les différentes provinces de Pologne, il prendra par écrit les plaintes des principaux seigneurs, qui ont vu, avec chagrin, l’entrée des Moscovites74... » Il doit donc en réalité constituer une sorte de fichier sur les « bons ou mauvais patriotes ». Petit Fouché avant la lettre, Castéra a décidément bien des ressources. Dzierzanowski profite en même temps de la peur suscitée par les Moscovites pour amener dans le giron français de nouvelles familles, effrayées des conséquences de cette avancée ennemie sur leur territoire. Le type d’aventurier que représente ce gentilhomme polonais ne peut entièrement satisfaire aux exigences du service d’espionnage français et l’homme n’est pas bien noté : « Nous venons d’apprendre par Monsieur des Alleurs de l’arrivée de Monsieur Dzierzanowski à Constantinople et qu’il n’a pas mis dans son voyage, dans sa mission, et dans ses discours la prudence et la discrétion nécessaires, ayant parlé comme un homme qui aurait une commission du roi75... » On peut comprendre la colère du ministre. En réalité, Dzierzanowski s’acquitte avec un peu trop de passion de sa mission initiale, en prenant la liberté, toute polonaise, de remettre un projet de confédération à l’ambassadeur français à Constantinople. De plus, profitant de sa position, il se présente comme un agent du roi de France. Dzierzanowski n’est pas à la hauteur des ambiguïtés françaises. Mise à nu en territoire étranger, la petite stratégie de Puyzieulx et de Castéra est donc dévoilée. Victime d’une franchise malvenue dans ce contexte, désireux de se faire passer pour un personnage important, porteur d’une commission royale, il sert avant tout les intérêts de ses compatriotes qu’il est censé représenter. Ce n’est pourtant pas sur lui que tombent les foudres du ministre, mais sur Castéra76. Que cet agent ait été peu scrupuleux ou un peu vantard, cette affaire souligne l’extrême difficulté de définir, pour un Polonais qui a des motivations politiques, ce qu’est exactement le service de France. La France déclare vouloir aider la Pologne et les patriotes. Aider ce pays allié, c’est avant tout aider sa nation. Le service de France a des limites qui s’avèrent bien fragiles, mais Castéra veille. Il reste l’employeur et paie ses agents pour accomplir des missions précises. Ce débordement peut être considéré comme le résultat des discours français évoquant leur désir de rétablir la liberté en république de Pologne. Dzierzanowski a pris ces déclarations au pied de la lettre, sans se préoccuper plus avant de la mission qu’on lui avait confiée.
25Les efforts de Castéra redoublent pour trouver des Polonais fiables et le chargé d’affaires se tourne vers ceux qui ont fait leurs preuves. L’armée française se révèle un vivier de premier choix. Le baron Jakubowski77, lieutenant-colonel au régiment du Royal-allemand78, fait partie de cette catégorie79. Cette nouvelle recrue que tout recommande – sa naissance et ses talents – séduit Castéra qui lui trouve « intelligence et sagesse ». Introduit dans les milieux politiques polonais, il peut aussi se révéler d’une efficacité redoutable. Il côtoie notamment le sieur Blendowski, fidèle d’entre les fidèles qui « [...] ne néglige aucun moyen de témoigner le plus constant attachement aux intérêts de Notre Cour. C’est un homme qu’elle peut regarder comme un véritable ami, qui a une activité sans borne dont on profitera toutes les fois qu’on aura soin de l’employer80 ». Immédiatement, Castéra demande la permission à son ministre de le charger de « quelques responsabilités », sans en préciser les objectifs. Il peut aussi employer des personnes sans crédit. Le prince Jablonski « s’attacha étroitement comme le reste de sa famille aux intérêts du roi Stanislas...[mais]... il n’a ni crédit à la cour, ni crédit parmi la noblesse81 » en dépit de son mariage avec une princesse Radziwill, sœur du gouverneur général de Lituanie, ce qui, pour Castéra, désireux d’élargir l’influence française dans cette région, est une véritable aubaine. L’homme a « de la probité, [...] est capable de constance ». Il estime que « s’il prenait des engagements il les soutiendrait avec zèle82 ». Le comte Bieherski, qui demande une croix, est d’origine plus mystérieuse, ce qui n’empêche pas le chargé d’affaires d’affirmer sans autres précisions qu’« il est sûr que ce personnage en question sort d’une maison ancienne et qui a fourni d’illustres citoyens à la Pologne83 ». Mais les qualités de ce gentilhomme inconnu ne suffisent pas à expliquer ce soudain intérêt. En réalité, ce « parfait honnête homme » a besoin de « la distinction qu’il attend, [et qui] le fera briller dans sa province et comblera ses désirs84 ». Castéra se frotte les mains et se réjouit surtout d’agrandir son maillage afin de se concilier une province encore assez fermée au parti patriote : « J’ose ajouter sans être démenti par l’événement que dix ou douze grâces semblables répandues à propos dans l’ordre équestre nous donneraient beaucoup de crédit dans le pays, je n’ai pour garant la vénération que le gros de la noblesse montre ici pour la personne du roi85... » En règle générale, la correspondance dépouillée, qui date des années 1748 et 1749, évoque des Polonais plus ou moins connus, mais dont les relations avec les hautes sphères aristocratiques polonaises et françaises sont notoires. À partir de 1749, il semble que des personnes moins connues soient utilisées pour les missions de moindre importance. Cela tient-il à la méfiance endémique que manifestent les Français à l’égard de la Grande noblesse polonaise, trop aveuglée par ses propres intérêts pour être de quelque utilité pour la France ? L’affaire Dzierzanowski pourrait bien apporter la réponse. Peut-être que les cadres recrutés les années précédentes, comme Mokronowski ou Jakubowski, suffisent amplement aux objectifs français et qu’il n’est pas nécessaire d’en avoir d’autres. Toujours est-il que le recrutement des petits agents, plus obscurs, est privilégié.
26Employés sur un territoire exclusivement polonais, pratiquant l’espionnage, ils font le travail qui pourrait éventuellement répugner aux grands de Pologne. S’ajoutent à ce petit nombre d’agents polonais des intervenants étrangers qui gravitent dans cette sphère mouvante et dangereuse qu’est le service du renseignement. Pendant cette période, d’autres personnes sont chargées de missions. Ainsi « un bon Français » et qui répond au nom bien étrange de Grabar est pressenti pour une mission. Chirurgien du maréchal de la Couronne, il est bien placé parce qu’il est en relation avec un autre de ses compatriotes, Combalusier, qui « vit dans une étroite liaison avec l’agent des deux Hospodars86 ». Ce sont des occasionnels simplement fichés par Castéra, qui se réserve le droit de les contacter au cas où le besoin s’en ferait sentir. Par contre, de véritables espions français professionnels sont utilisés parallèlement. C’est le cas de Labunagne qui, à la faveur d’une demande de rétribution, évoque ses péripéties87. Les Polonais restent néanmoins majoritaires dans ce réseau. Leur travail consiste essentiellement à s’infiltrer dans les troupes russes. Parmi eux, un certain Pokalski, attaché à la première colonne russe commandée par le général Lapuchine, et dont on sait, grâce à cet informateur, qu’il a perdu pendant le trajet quelque 9 400 hommes, « tant morts que déserteurs88 ». Un autre Polonais répondant au nom de Wbinski est envoyé à la suite de la colonne commandée par le général Lieven. Il constate, lui aussi, une perte de 9 000 hommes89. Joseph Werber suit le troisième corps de troupes commandé par le général Braun et précise à son tour que 630 soldats sont morts en l’espace de quatre jours. Ces trois agents, employés en tant qu’observateurs militaires, donnent toute satisfaction à Castéra, satisfait de leurs rapports : « Tous les trois s’accordent dans un point qui est qu’il y a quantité de malades et de déserteurs et ils me confirment une chose [...] que plusieurs émissaires prussiens voltigeant dans le pays fournissent la désertion90... » Qualité appréciable, puisqu’ils confirment ainsi la décision de Frédéric II de contraindre la Russie à quitter au plus vite le territoire polonais. Les observateurs, manquant peut-être d’objectivité, mettent en évidence la cruauté des officiers russes91. Deux d’entre eux donnent entière satisfaction ; par contre, le travail de Joseph Weber laisse à désirer, car « il n’a fait que voltiger d’un régiment à l’autre [...] moyennant quoi son journal n’est qu’un amas de particularités décousues92 ».
27Vient le moment de rétribuer ses agents. Castéra tient une comptabilité avec une exactitude d’expert-comptable. Le paiement de ces soutiers du réseau est calculé en jours de service. Pokalski, parti le 15 mars, revient le 9 juin. Pour ces 86 jours en mission, il reçoit 215 livres. Wbinski reçoit la même somme, pour le même nombre de jours ; quant au troisième, Joseph Weber, le voltigeur de service, il ne touche que 207 livres et dix deniers, non pas en raison de son travail moins apprécié que ceux de ses compatriotes, mais parce qu’il n’est resté en service que 83 jours93. Ce n’est toutefois pas sans hésitations, et Castéra montre à cette occasion sa perspicacité et son peu de goût pour les hommes qu’il emploie : « Quoique Joseph Weber n’ait agit, la plupart du temps, que suivant sa tête et que j’ai peu sujet d’être satisfait de la manière dont il s’est acquitté de sa commission, j’ai cru, Monseigneur, que vous ne désapprouveriez pas que je le payasse aussi exactement que les autres, car il semble qu’il y a toujours du danger à ne point contenter les gens qu’on emploie pour de pareilles besognes94... » Le jour de marche est payé 2,5 livres. À cela s’ajoute une gratification remise au retour s’élevant à 105 livres, une prime de 42 livres lorsqu’ils ont acheminé des lettres « par voie détournée95 », et enfin une somme de 100 ducats équivalant à trois mois d’intérêt, ce qui reviendrait en quelque sorte à un forfait pour rembourser des notes de frais. Les deux premiers Polonais empochent donc 437 livres et leur employeur, pour connaître la situation de l’armée russe, dépense 1069 livres et 68 deniers96. Relativement bien payés, les Polonais peuvent en effet proposer des services particulièrement complets. Polyglottes en règle générale, parlant le russe ou l’allemand, connaissant les usages slaves, les gentilshommes sont tout indiqués pour s’infiltrer, sous une fausse identité et sous couvert de trafic, dans les armées russes, qu’il leur faut observer. Une lettre datant du 24 avril 1748 évoque le travail qui est le leur. Ils doivent, à la demande de Castéra, tenter de sauver Labunagne, un des informateurs français, tombé aux mains des Russes. Castéra envoie alors un Polonais, resté anonyme, pour tirer l’espion français des griffes ennemies. Cette lettre démontre la très grande utilité des nobles favorables au parti français et introduits dans les grandes maisons de Pologne. Dans ce cas, l’argent français n’a pas été dépensé en vain puisqu’il permet de recueillir des informations confidentielles : « Averti de cette trame par les liaisons secrètes que j’entretiens chez le ministre Czartoryski et chez le ministre de Russie, j’ai engagé un Polonais, qui m’est affidé depuis longtemps, à parcourir les différents quartiers de l’armée moscovite [...] et à y chercher le sieur de Labunagne [...] et à lui donner, s’il le rencontrait, un billet de ma part97... » Le Polonais s’acquitte sans faillir de la délicate mission : pas moins de 37 000 Russes occupent à ce moment-là le territoire polonais. Le rapport circonstancié de Labunagne évoque sa rencontre avec l’envoyé polonais de Castéra : « Le bonheur a voulu que le signalement dressé contre lui [était] sans doute imparfait98... » Les Polonais de l’ombre infiltrent peu à peu, grâce au secret de Castéra, toutes les classes sociales et toutes les régions polonaises. Le sieur Jussinsky est de ceux-là. Simple courrier, connaissant la France pour y avoir séjourné, il se rend à Versailles. Castéra profite de l’occasion pour réclamer le cordon de Saint-Michel que demande Biekerski99.
28Tout le réseau est organisé de manière pyramidale. Aux postes les plus importants, la noblesse, avec familles et clientèles, et à la base des hommes restés inconnus. Cette véritable organisation secrète pénètre dans toutes les classes de la société. La machine est redoutable. Castéra règne en maître sur ce monde occulte. Tous sont mis à contribution et sont rétribués pour les menus services qu’ils peuvent offrir. Le domestique de Dzierzanowski « a servi fidèlement son maître dans son voyage [...] et [...] la fidélité qu’il a montrée en cette occasion mérite une attention particulière. Vous ne devez pas hésiter à lui donner une centaine d’écus d’Allemagne100 ». Castéra ne veut pas se faire d’ennemis et, qui sait, peut-être la France aura-t-elle besoin de ce fidèle serviteur un jour. Pour mieux assurer le service, nombreux sont ceux qui, par leur travail, profitent des largesses intéressées du chargé d’affaires. Ceux qui facilitent les communications, comme le secrétaire de la poste, reçoivent aussi de l’argent. Castéra demande s’il peut donner au sieur Gibes, secrétaire de la poste à Varsovie en 1749, « 12 ducats et demi pour un quartier de la gratification annuelle que Sa Majesté a daigné lui accorder101 »... Dans ce pays où règne une corruption désormais généralisée, la méthode vaut aussi pour le « gazettier » de la capitale. Mais Castéra, cette fois, est arrivé trop tard et le déplore, conscient de l’importance que revêt cet instrument de propagande idéal. Les partisans moscovites l’ont devancés en annexant le seul journal du pays102. Le diplomate s’en attriste d’autant plus que les partisans, profitant de la gazette, ne vont pas tarder à en faire un instrument dangereux.
Castéra, victime de son succès
29À partir de 1749, les tensions sont telles que Castéra en vient à craindre pour sa vie même. Les partisans professent des menaces à l’encontre du diplomate. Dès le 3 mars 1748, le chargé d’affaires avertit son ministre des menées ourdies par les Czartoryski. Le ministre Brühl lui-même manigance contre lui. Traqué, n’osant plus sortir, Castéra a peur : « L’orage s’assemble de plus en plus contre moi, j’ai appris qu’il était prévu de m’arrêter [...] les partisans de Czartoryski disent qu’en ralentissant de la sorte la marche des Russes, j’ai joué à affamer plusieurs cantons de Pologne. Monsieur Brühl prétend de son côté que j’ai voulu soulever le pays103... » Castéra a décidément fait du bon travail et les accusations mensongères tendent à le prouver. Il est accusé de tous les maux et plus particulièrement de ceux qui frappent l’armée russe, privée de tout, qui pille les contrées et qui s’embourbe dans la glaise polonaise.
30Pour aggraver sa situation, il assiste impuissant à l’éclosion de projets de confédérations qui fleurissent sans qu’il puisse rien contrô ler. Des rapports imprimés sont distribués, dans tout le pays, par les patriotes francophiles qui ne font qu’envenimer la situation. Castéra n’est pas le seul à supporter les attaques. Le nouveau résident français, le sieur de La Salle, peut constater d’emblée l’hostilité antifrançaise qui y règne104. À peine arrivé à Dantzig, il est arrêté sous prétexte d’espionnage : « [...] ce qui est contraire aux règles généralement reçues dans tous les pays pour la sûreté et l’inviolabilité des ministres étrangers et de leurs papiers105. » Son emprisonnement, alors qu’il vient à peine de débarquer, terrorise Castéra. Mais Puyzieulx explique le motif de son arrestation, tentant de rasséréner son chargé d’affaires. Le nouveau résident, probablement par désir de bien faire et sans consulter personne, a la mauvaise idée de confier une mission à Labunagne qui s’empresse de le contenter : « Le sieur de La Salle avait fort mal fait de lui [Labunagne] donner la commission dont il était chargé puisqu’il n’en avait point ordre, mais ce n’est pas la seule occasion dans laquelle il ait marqué de l’imprudence, s’il eût bien voulu se borner à exécuter simplement l’objet de sa mission, il ne lui serait arrivé aucune des aventures qu’il a éprouvées106... »
31S’improviser espion en Pologne peut coûter cher, et il faut toute l’intelligence et la profonde connaissance d’un Castéra pour mener à bien un travail qui requiert délicatesse, secret et subtilité. Le chargé d’affaires est cependant en bien mauvaise posture. En cas de conflit direct avec les autorités saxonnes, il sait aussi très bien que son ministre peut le désavouer et au mieux l’ignorer. Le concert antifrançais se poursuit. Cette fois, c’est la gazette de Varsovie qui effraye le chargé d’affaires : « J’apprends que le comte de Brühl, qui ne m’aime pas », écrit Castéra à son ministre, « et la cour de Saxe qui pense et n’agit que d’après lui, me menacent d’un orage. On m’accuse d’être un intrigant, on l’a même écrit dans les gazettes107... » Pour le rassurer, le ministre lui réitère tout son soutien : « Nous ne pouvons croire qu’on osât se porter à une pareille violence que celle de vous arrêter et nous pensons au contraire que votre personne est d’autant plus en sûreté que nous sommes persuadés que toutes nos actions ont été et seront toujours accompagnées de cette sagesse si conforme à la volonté du roi108... » Parallèlement, Castéra doit tenter d’apaiser les chefs du parti français : « Avec la fermentation qui règne dans le pays depuis près de trois mois j’ai eu constamment pour principe [...] de ne prêter que modération et prudence aux personnes qui m’ont paru les plus portées à faire un coup d’État109... » Les patriotes ne l’entendent pas de cette manière et, pour eux, seul le Rokoscz peut renverser la situation.
32Castéra voit alors avec terreur ses fidèles alliés s’organiser sans lui et lever une armée de confédération : « Les Potocki ont fait le dénombrement de leurs troupes domestiques et ils ont trouvés qu’ils pouvaient en rassembler jusqu’au nombre de 14 000 hommes110. » Castéra pressent une crise qui ne peut être qu’aggravée par la conduite des armées russes stationnées en territoire polonais : « Il arrive journellement qu’un petit particulier, un pauvre paysan est obligé de loger chez lui une vingtaine d’hommes suivant la coutume qui s’établit, il fournit gratis la lumière, le bois, le sel et aussi de quoi manger111... » Vivres et fourrages sont achetés au prix le plus bas et « les habitants souffrent beaucoup dans les cantons où il n’ont [pas de] provisions de bois car les Moscovites brûlent la charpente, les planches et autres cloisons112 »... Pour couronner le tout, après un printemps dramatique, l’automne, qui commence, fait craindre le pire, car deux fléaux, parmi les plus redoutés, se sont abattus sur les campagnes : « Les sauterelles qui ont fait des dégâts considérables l’an passé, viennent de réapparaître dans plusieurs provinces. J’ai traversé dernièrement un nuage épais qui couvrait cinq milles de pays c’est à dire dix lieues de France. Le spectacle est véritablement triste et lugubre113... » et la peste, qui n’épargne pas une population anémiée par les privations114. Pour toutes ces raisons, les corps sociaux les plus vulnérables sont portés à se révolter. Ainsi, presque simultanément, deux foyers d’insurrection enflamment la province de Mohilow115. Une première agitation qui se transforme en jacquerie, non pas pour des raisons politiques, comme semblait le craindre Castéra, mais en raison de l’invasion des sauterelles. Un second soulèvement orchestré cette fois par des étudiants a lieu dans cette même province et alarme le chargé d’affaires qui se renseigne. Il est soulagé car « leur démarche violente » n’avait pour objet que de « sauver des mains de la justice un criminel116 ».
33L’enfer est polonais pour le diplomate en 1749, et on ne peut plus douter de la nécessité qui se présente aux patriotes du parti français d’utiliser la fermentation des esprits, déjà troublés par cette succession de catastrophes. Pour augmenter sa peur, les Russes tentent de l’intimider. La Pologne, en 1749, est un nid d’espions et les rumeurs de la propagande sapent les bases de la société plus sûrement que ne l’aurait fait une guerre. Castéra, fier du lent travail chtonien engagé, craint le pire, maintenant que son projet est achevé. Deux ans plus tard, il est récompensé de la maîtrise avec laquelle il mène les affaires du roi. Il est aussi, d’une certaine manière, protégé d’une façon plus marquée par l’autorité royale : « C’est avec plaisir, Monsieur, que je vous apprends que le roi s’est déterminé à vous donner le caractère de résident auprès du roi et de la République de Pologne. Nous comptons que ce nouveau titre ne pourra que concilier plus de confiance de la part des Polonais117. » Mais il est à nouveau menacé et, au mois d’août 1752, Castéra trouve la mort, dissimulée mystérieusement dans son chocolat du matin. Les Français de Varsovie penchent pour un empoisonnement118. Intentions meurtrières ou accident, l’intoxication est bien réelle. « Le sieur Thomelin, son secrétaire, m’a confirmé qu’il n’y avait aucun doute que le résident n’ait été empoisonné mais il a ajouté qu’il était persuadé que c’était un malentendu des deux chirurgiens qui le soignent avec l’apothicaire, qui a fourni l’extrait de catolicon au lieu du catolicon double qui lui avait été ordonné, pour la dissenterie dont il était attaqué119. » Étrange disparition pour ce grand commis des Affaires étrangères qui laisse une œuvre gigantesque : un réseau couvrant toute la Pologne et qui sera largement utilisé après lui.
Un bilan mitigé
34À sa mort, le parti des patriotes est déjà bien structuré. Les nobles, aidés en cela par les Français, travaillent à satisfaire leurs objectifs, tout en propageant leurs opinions politiques à travers le royaume. Les petits maîtres espions sont bien contrôlés et la France parvient à conserver les acquis lentement mûris pendant la guerre de Succession d’Autriche. Les succès de la politique française se concrétisent notamment lors de l’affaire de l’ordination d’Ostrog, et ce grâce à la vigilance du ministre des Affaires étrangères, du prince de Conti et du comte de Broglie120. Deux groupes de Polonais au service de France émergent à cette date et se juxtaposent parfaitement aux deux systèmes diplomatiques français en action dans cette contrée. La première équipe est attachée aux représentants officiels du roi de France dans le pays, la seconde mène une activité plus secrète et répond aux ordres du Secret du roi. Cette dualité à court terme apporte de probantes satisfactions aux deux clans, mais, à long terme, et en partie en raison de la guerre de Sept Ans, condamne irrémédiablement la Pologne et la diplomatie française dans cette zone. La première catégorie de Polonais est traitée de la même manière par l’ambassadeur ou le résident que le parti des patriotes l’avait été par Castéra. Ils se rendent essentiellement utiles en s’opposant aux partisans russes dirigés par les Czartoryski, chefs de file avides de pouvoir. Si cette première classe, patriotes de haut lignage, n’est pas payée ouvertement par la France, elle reçoit cependant pour ses services quelques rétributions non négligeables : pensions, primes et éventuellement une protection militaire contre les Russes en temps de guerre.
35Les agents français, eux, forment le second groupe. Ils sont rétribués par la France – régulièrement salariés en quelque sorte –, mais ils ont aussi un grade au sein de l’armée française. Le temps des petits espions aventuriers et occasionnels est révolu. Néanmoins, malgré ces efforts et cette remarquable organisation, le maillage se désagrège. La guerre de Sept Ans, en raison des renversements d’alliances, provoque l’inévitable : la mainmise des Russes sur le pays. Le couronnement de leur candidat, Stanislas-Auguste Poniatowski121, est l’aboutissement de leurs efforts et la remise en cause du service secret français en Pologne. De fait, la confiance des patriotes envers leur puissant allié s’effrite et tout effort reste vain. Versailles, après la guerre, refusera de s’impliquer dans la vie politique polonaise.
36La disparition de Castéra laisse la place, mais pas le titre, à celui qui fut, pendant des années, son fidèle secrétaire, Thomelin122. Son rôle se limite avant tout, en attendant le nouveau résident, à transmettre les nouvelles de Pologne et à entretenir des relations avec les patriotes polonais123. Il rend compte de ses démarches à Mokronowski « qui est à portée d’être instruit de tout124... » et au nouveau ministre des Affaires étrangères, le marquis de Saint-Contest, plus attentiste que son prédécesseur125. Le ministre l’incite à rester en contact avec les principales familles polonaises et insiste pour ne pas laisser tiédir les sympathies à l’égard de la France. Ces recommandations valent aussi pour M. Durand lorsqu’il est nommé à son poste de résident en 1754.
37Quelques noms de famille apparaissent plus souvent que d’autres pendant cette période. Le palatin de Culm, Simon Kulkowski, est certainement le soutien patriote du moment126. Il est aidé par François Bélinski qui détient le poste de grand maréchal de la couronne, décrit comme « un homme de mérite, bien intentionné et ami des Potocki [...] mais on le croit faible127 ». Antoine Potocki donne aussi toute satisfaction et entre en contact direct avec Jakubowski. Celui-ci supervise ses décisions128, comme Mokronowski avec Thomelin. Ainsi « le Kreysick », comte Potocki129, est décrit comme « très bien intentionné, il a du mérite et il est généralement estimé et il fera toujours ce qui lui sera inspiré par le Palatin de Belz130 »... Véritable mise en fiche des principaux acteurs de la vie politique, les instructions abondent en renseignements sur les Polonais, leur rôle et l’utilisation éventuelle que l’on pourrait faire d’eux. Le staroste de Thlumacki en Galicie, qui est d’une « grandeur d’âme et d’une grande sagesse131 », mérite de faire partie des privilégiés. Les Français ne négligent pas les marques de reconnaissance habituelles et « le roi est disposé à donner de plus en plus de marques distinguées de sa protection à des personnes qui en sont dignes132 ». Que ce soit la famille Sapieha133, de longue tradition fidèle à la France, ou le staroste d’Oswieczim134, ou le palatin de Braclawice135, Casimir Lubomirski, ou encore Branicki, à lui seul véritable tête de pont du recrutement patriote et électoral, et enfin l’incontournable Grabowski136, tous mettent en évidence l’intérêt des Polonais pour la France. La politique doit, comme toujours, être menée avec doigté et les tractations doivent rester secrètes. La Fayardie137 « évitera d’entretenir aucune correspondance par écrit avec les principaux sei gneurs polonais...[ou s’efforcera]... d’y mettre la plus grande reserve138 ».
38Le sud du pays est parfaitement quadrillé grâce à la maison Potocki. Véritable toile d’araignée, cette famille favorable au parti français tisse autour d’elle, et dans un rayon pouvant aller au-delà de 500 kilomètres, les amitiés patriotes139. Entretenir des liens avec ses amis traditionnels reste l’objectif primordial140. L’est du pays, désespérément attaché au parti russien, devient la cible privilégiée des Français, qui s’attaquent à cette forteresse slave. La mission de Durand est bien claire : il faut en finir avec la domination de « la Famille » et avec le clientélisme russe dans cette région. Le tendon d’Achille est immédiatement repéré. Il s’agit du grand maréchal Oginski, hésitant encore sur la conduite politique à tenir. Durand a donc pour mission d’entretenir ces relations balbutiantes. « C’est le seul seigneur lithuanien actuellement en place, qu’on puisse espérer de mettre au nombre des personnes avec qui nous nous concerterons141. » Ainsi, avec les Potocki, régnant sur le parti français aux frontières méridionales, les Français rêvent d’un équivalent dans le nord-est afin de rendre plus vulnérable le bastion tenu par les Czartoryski. Les diplomates travaillent en profondeur et les effets s’en ressentent rapidement grâce à l’activité bouillonnante du comte de Broglie.
39Tout en tâchant de rallier, comme les autres agents diplomatiques, les grandes familles, secondés en cela activement par Jakubowski, les trois représentants français, Thomelin, La Fayardie et Viéval142, travaillent sans relâche et voient leurs efforts couronnés de succès. Les nobles possédant des terres dans des régions jusque-là peu favorables à la France tiédissent et se laissent charmer par les arguments français. L’affaire de l’ordination d’Ostrog qui secoue profondément le monde politique polonais et toutes les chancelleries européennes marque le dernier succès personnel du comte de Broglie et le chant du cygne de l’implantation française en Pologne.
L’affaire de l’ordination d’Ostrog révèle les confusions diplomatiques françaises
40Ultime tentative de séduction, la politique française, lors de l’affaire d’Ostrog, connaît son heure de gloire, et ce en dépit de la disparition de bon nombre de diplomates143. Quelle meilleure preuve de succès lorsque les hommes disparaissent et que le système demeure ? C’est un moment béni, mais éphémère. Le parti patriote et la maison de Saxe, menacés, décident de combattre ensemble les prétentions de « la Famille ». Tout, dans cette affaire, met en évidence l’efficacité du réseau français, la puissance du parti patriote, l’impéritie de la maison de Saxe et la montée en puissance des Russes. La question de l’ordination d’Ostrog souligne l’importance stratégique de ce pays du point de vue militaire puisque la cause principale du litige porte sur une des seules forteresses encore efficaces, située sur la frontière méridionale du pays. Affaire d’une importance symbolique aussi, puisqu’elle annonce le prochain partage de la Pologne, en raison de la cristallisation fatale et désormais irrémédiable des différents partis qui s’opposent.
41Le contentieux remonte aux premières années du XVIIe siècle lorsqu’on 1618, le duc d’Ostrog, à l’époque castellan de Cracovie, obtient du tribunal de Lublin la reconnaissance des droits à la succession pour les femmes de sa famille. Cette petite pragmatique sanction provoque des troubles. Car, par autorisation du roi, ce privilège avait été entériné par les diétines et appliqué jusqu’en 1754, date à laquelle un différend oppose Janus Sangusko aux Czartoryski144. Le prince Sangusko est alors grand maréchal de la cour du duché de Lituanie, patriote, et donc allié aux Français145.
42L’affaire politique commence, envenime les inimitiés latentes tout en exacerbant les conflits. Le parti des patriotes français et le parti d’Auguste III prennent donc fait et cause contre les Czartoryski. Cela seul ne saurait expliquer l’effervescence qu’entraîne cette affaire et pourquoi elle contribue à déstabiliser la Pologne. Sur la terre d’Ostrog, à Duba : une forteresse encore en activité. Ayant toujours servi à contrer les invasions turques ou tartares, elle devient l’enjeu de cette affaire. Pourtant, seuls les vents de la steppe effritent encore les murailles. Toutefois, son rachat par les Czartoryski peut menacer la paix, toujours relative dans ce pays. Cependant, ses fortifications encore solides pourraient bien être utilisées un jour par les Moscovites contre des patriotes ou encore contre la Porte, alliée de la France146. Mokronowski part donc, dès le début de l’affaire, sur les confins méridionaux pour garder la précieuse forteresse, tandis qu’en Pologne l’inquiétude gagne. Les rumeurs courent la plaine, annonçant que les Russes s’apprêtent à envoyer des troupes pour la reprendre147.
43Le comte de Broglie, convaincu que l’affaire d’Ostrog est une occasion inespérée pour s’attirer les derniers nobles hésitants, propose un projet, attribuant des subsides à la maison de Saxe, afin de les conforter dans leurs sympathies naissantes pour la France et d’en finir avec le parti russe148. Le ministre des Affaires étrangères appuie ce plan. Il est mal inspiré, car ce grand dessein est débouté par le prince de Conti. Le comte de Broglie doit s’esquiver définitivement de la scène politique polonaise149. François-Marie Durand150 tente de concilier à son tour le parti saxon et continue d’entretenir le zèle des patriotes. Le nouveau tableau des personnalités polonaises du parti patriote n’est pas aussi optimiste que le précédent151. Le ministre évoque les principaux personnages dont il faut se méfier. Le prince Radziwill, par exemple, jusque-là très apprécié, n’est plus à la hauteur des espérances françaises. Mokronowski lui-même n’a plus l’auréole du parfait serviteur152. Le dernier carré de fidèles est représenté par le palatin de Belz, « un personnage dont la défection qui n’est pas à la vérité fort à craindre, serait très fâcheuse pour notre parti153 »... et par Branicki, que Durand doit « caresser » en raison de sa position de commandant des troupes polonaises154. Désormais, les récompenses n’échoient qu’aux plus méritants et, lorsque la France s’avère être mécontente, elle le fait non seulement savoir, mais décide de serrer les cordons de sa bourse. Le comte Massalski déplaît-il ? Les mesures de rétorsion sont foudroyantes. Ce « petit général de Lituanie dont Sa Majesté a cru devoir suspendre la pension qu’elle lui avait accordée pour lui faire ressentir le mécontentement qu’elle a eu de sa conduite...155 » doit trouver ailleurs de quoi satisfaire ses ambitions pécuniaires156. Le ministre compte ses troupes. Il raye certains noms et en ajoute d’autres. Dans le cas où des nobles s’avèrent un peu tièdes, les représentants français comptent sur leurs épouses pour les ramener à la passion. À partir de ce moment, les aristocrates polonaises s’impliquent. À cela rien d’étonnant dans le pays du septentrion. Les femmes polonaises ont la réputation d’être instruites, voire érudites, et peuvent effectivement favoriser la politique de la France d’autant plus qu’elles maîtrisent souvent la langue française aussi bien que leur langue maternelle157. L’utilisation des femmes patriotes est plus particulièrement évidente en Lituanie, qui est à l’honneur à partir de 1754. « Madame la Grande Chambellane de Lithuanie qu’on doit regarder comme la première et la plus utile des dames158 » inaugure cette nouvelle pratique diplomatique. Dans un temps où les conseils de la Pompadour agissent sur la politique, on ne peut s’étonner de cette tentative concernant : « Mesdames la princesse Lubomirska, Starostine de Bolinow, la princesse Lubomirska, palatine de Lublin et la princesse Douairière Sangusko, Grande Maréchale de Lithuanie159 ». Leur esprit et leurs lumières, ravissent littéralement le ministre des Affaires étrangères du roi. La grande chambellane de Lituanie « a plus de force et d’élévation dans l’esprit que d’étendue et de lumières... », mais, un peu déçu, il reconnaît qu’« elle a bien quelque vanité [et] peu d’ambitions160 ». La palatine de Lublin « a beaucoup d’esprit, d’ambition, d’intrigues et naturellement le génie patriotique » ; Quant à Mme la princesse Sangusko : « C’est une femme aimable et respectable qui n’est d’aucun parti mais qui, dans l’occasion, se joindrait, s’il était nécessaire, à celui des patriotes161. » Elle a d’ailleurs l’excellente idée d’emmener son fils, Antoine Jablonowski, « en France, faire sa cour à la Reine ». Mme la grande maréchale Oginska, dont le « mari est un homme de peu de mérite [...] bonhomme, ce qui ne suffit pas pour être honnête homme dans tous les cas..., répare en quelque sorte ce qui manque à celui-ci162 ». Jamais les rapports diplomatiques n’ont été aussi précis sur la personnalité des alliés de la France. Mais c’est trop tard. Depuis la fin de la guerre de Sept Ans, tous les efforts pour se concilier un parti patriote restent vains. D’intenses, ils deviennent futiles. Les renversements d’alliances, notamment, contraignent la France à adopter une nouvelle politique en Pologne et le roi croit nécessaire de rappeler de Broglie en Pologne163. Il est vrai qu’avec la signature du premier traité de Versailles, le 1er mai 1756, les cartes changent de main et entraînent un rapprochement franco-russe qui avait déjà été mis en œuvre en 1755164. La ratification du traité, le 11 novembre 1757, par la Russie accélère le revirement diplomatique de la France et réclame une plus grande prudence en Pologne. L’instruction que le ministre des Affaires étrangères, Rouillé, remet au comte de Broglie est révélatrice. La modération devient la seule ligne de conduite. La France ne peut rien pour éviter le passage des troupes russes en territoire polonais et ordre est donné de les laisser en paix, et cela même « Si le motif de ce passage était de gêner la liberté polonaise165 ».
La guerre de Sept Ans (1756-1763) annihile les efforts franco-polonais
44Le roi a toutes les raisons de transformer sa politique en Pologne. Depuis l’invasion de la Saxe, le 29 août 1756, le comte de Broglie, qui avait favorisé le retranchement des troupes saxonnes à Pyrna, est contraint, après leur capitulation le 16 octobre, de quitter Varsovie. De plus, les rapprochements franco-russes, qui ont commencés en 1755, sont effectifs à partir de la signature du traité de Versailles. La nécessité de faire accepter l’inacceptable par les patriotes, c’est-à-dire la présence des troupes russes sur leur territoire, contribue à un étrange comportement diplomatique de la part de la France : d’une part, faire confiance aux Russes qui se sont toujours comportés en ennemis sur ce territoire, et d’autre part convaincre les patriotes polonais de l’utilité de cette nouvelle alliance166. C’est certainement ce qui justifie auprès des Polonais une campagne d’explications virulente167. Mais, à vrai dire, la couleuvre est difficile à avaler et la nouvelle ligne de conduite de Versailles semble bien incongrue. Les Français continuent de verser des subsides, mais uniquement à ceux qui acceptent ce revirement168. La Lituanie demeure un nouveau fief francophile à entretenir. Le constat est amer et le ministre se force un peu pour maintenir un parti patriotique, devenu moins nécessaire : « Quant à la Lithuanie, on n’a pas à regretter les sommes qui y ont été distribuées et il convient de continuer les mesures qu’on a prises pour acquérir des partisans dans le Grand-Duché169. » Les Français veulent investir énormément en Pologne pendant cette période pour tenter de faire passer ce revirement. Ils distribuent environ 200 000 livres par an. La caisse générale contient 8 000 ducats, mais puisque « les Polonais n’[ont] pas, de leur côté, rempli les conditions auxquelles ils s’étaient soumis170... » la somme n’est pas dépensée dans son intégralité. Les patriotes, dont la neutralité s’avère de jour en jour plus nécessaire, se débandent. Le Secret du roi est au bord de la crise lorsque la France propose, comme successeur à Auguste de Saxe, le prince Xavier de Saxe171. Les ravages des Russes continuent et les Polonais se désintéressent désormais complètement de la France.
45En poste à partir de juillet 1758, le marquis de Monteil ne peut rien pour satisfaire les fidèles et se contente de transmettre leurs plaintes172. Le ministre peut toujours recommander mollement au marquis de favoriser les amitiés, le cœur n’y est plus. « Il peut arriver que quelques seigneurs polonais en qui le Sieur de Monteil prendra confiance [...] se trouvant dans le cas de lui rendre des services qui mériteraient de la part de Sa Majesté quelque marque du gré qu’elle en aurait... n’aura qu’à les recommander173... » On ne peut rédiger de texte plus laconique. Le temps des passions est révolu et plus rien ne justifie le parti français. Les petits aventuriers, les espions comme Pokalski ou Wbiski, disparaissent des archives. Les Polonais sont en nombre de plus en plus réduit et, lorsqu’ils travaillent pour le compte de la France, ils sont envoyés en mission hors de Pologne. Maliszewski, colonel de l’armée polonaise174, est envoyé à Constantinople par son pays, mais reçoit son argent de la France, sans que le ministre lui-même puisse expliquer le type de service rendu175 ; l’abbé Bétanski, grand épistolier au service de France, est attaché au grand général Branicki et transmet les informations qu’il peut glaner à Constantinople176. Le comte Podoski, lui, reste un an à Constantinople et envoie son courrier à l’abbé Bétanski, qui transmet au ministre des Affaires étrangères. Le gouvernement français est averti par ce canal de l’affaire Linchon177. Linchon est un Français exécuté sans autre forme de procès par les Turcs pour avoir comploté avec le prince Constantin, ancien prince de Valachie178. L’abbé Bétanski qui règne sur ce petit monde suit l’axe désormais établi entre Varsovie et Constantinople. C’est lui aussi qui choisit maintenant le corps d’espions, désormais composé d’étrangers. M. de Rottermünde, qui surveille les troupes autrichiennes et travaille sous les ordres de Branicki179, attire à son service d’autres étrangers, comme le baron de Wittinghoff, venu de Saint-Pétersbourg180. Quant à Mokronowski et Jakubowski, ils restent en service. Mokronowski est pressenti pour « la charge de régimentaire vacante par la mort du Palatin de Mazovie en cas que Monsieur le Palatin de Smolensko ne montre point d’empressement pour l’obtenir181... », cela peut toujours servir la France. Quant à Jakubowski, rien ne lui résiste : ni les femmes ni les responsabilités. Si sa propension au libertinage lui est reprochée182, ses qualités le rendent indispensable. Il est donc nommé chef du Secret en Pologne. Lui aussi, d’ailleurs, sera envoyé à Constantinople dès son retour à Varsovie183. Si Jakubowski, relativement peu important, est nommé à ce poste de chef du Secret, c’est aussi probablement parce que cela ne signifie plus rien. Les dissensions au sein de l’état-major diplomatique rendent la situation invivable et ne tardent pas à faire imploser le système. Louis XV privilégiant le roi de Saxe, le prince de Conti se voit obligé d’abandonner toutes prétentions au trône. Les hésitations et les ambiguïtés de la diplomatie française provoquent un irrémédiable éclatement du parti des patriotes.
46La guerre de Sept Ans se termine par la défaite de Fillingsharsent. Pierre III signe l’armistice le 15 mars. La Saxe et la Suède se retirent du conflit après la signature du traité d’alliance avec l’Allemagne, le 5 mai. La France a perdu la guerre du secret, elle a aussi perdu la guerre continentale. Elle perd surtout une zone d’influence stratégique et militaire de poids : la Pologne.
Notes de bas de page
1 On peut évidemment se demander légitimement si les projets avortés de recrutement ne sont pas pour quelque chose dans cette décision.
2 Ces deux termes seront utilisés ici selon la définition donnée au XVIIIe siècle par les représentants français, et en dépit de leurs subjectivités. Les archives utilisant ces deux substantifs, il apparaît préférable de les conserver.
3 Fabre J., Stanislas-Auguste Poniatowski et l’Europe des Lumières, chap. I, p. 325.
4 Il est né à Paris en 1705 et meurt en Pologne au mois d’août 1752. Il s’installe dans ce pays et, recommandé par M. de Réal de Forcalquier, est appelé par la famille Czartoryski pour prendre en charge, en qualité de précepteur, l’éducation de leur fils. Lorsque le comte de Saint-Séverin se voit contraint de quitter le pays en 1745, il recommande à son tour Castéra pour le poste de chargé d’affaires alors vacant. Il restera à ce poste jusqu’en 1750, date à laquelle le roi lui donne le titre de résident. Il mourra deux ans plus tard.
5 « Le sieur de Castéra connaît par lui-même la défiance qui règne entre les Polonais en général et combien ils sont capables de garder le secret qu’ils peuvent se compromettre les uns aux autres... » Archives des Affaires étrangères, Pologne, correspondance politique, t. 229, pièce 12. Instruction délivrée à Choisy le 20 mars 1746 par le ministre des Affaires étrangères au chargé d’affaires Castéra.
6 Jusqu’en 1748, les relations franco-polonaises se caractérisent par une certaine fragilité dépendante des humeurs ou des politiques versatiles d’Auguste III. Le roi de France, un moment décontenancé par la signature de la Quadruple-Alliance de Varsovie, liant la Pologne à l’Angleterre, l’Autriche et la Hollande, décide de pénétrer en profondeur un pays polonais dont la neutralité est vitale.
7 Auguste III est en effet atteint de la gangrène à cette date.
8 Encore une fois, c’est le prince de Conti qui cristallise les espoirs traditionnels du roi de France. Le choix de ce prince s’explique, entre autres, par l’élection – encore une fois malheureuse – du grand-père de celui-ci en 1697, contraint de plier devant les Russes. Cependant, c’était là un précédent suffisant pour être évoqué et pour permettre la restructuration d’un parti français en Pologne, déliquescent depuis l’aventure de Stanislas Leszczynski.
9 Cité par Farges J., op. cit., p. 61.
10 Ibid.
11 Ibid., p. 58.
12 La correspondance conservée à la Bibl. nat. sous la cote Ms Fr 10 659 est tout à fait passionnante pour tout ce qui touche à la vie quotidienne en Pologne au xviir siècle.
13 Cette date n’est pas fortuite. En effet, le ministre a reçu, quelques jours avant, une lettre émanant de trois seigneurs polonais, qui évoquent la mauvaise santé d’Auguste III et appellent de leurs vœux le soutien français pour un candidat de leur choix. Les Polonais encouragent souvent la chimère élective française, mais c’est certainement aussi utile à la France qu’à la Pologne qui, dès lors, peut compter sur son allié et son argent. Du moins pendant un certain temps, qui peut être long, les élections demandant une préparation lente.
14 Le sieur Galéan, marquis des Issarts et de Salerne, premier procureur des gens des Trois États et syndic de la noblesse dans le comté de Provence, avait été nommé ambassadeur extraordinaire en 1746.
15 Depuis le 21 avril 1746, un traité, resté secret en raison de la Quadruple-Alliance, rend possible une politique française plus dynamique en Pologne. Auguste III s’engage à respecter la neutralité et « à procurer ses bons offices pour la pacification générale », moyennant la coquette somme de 2 millions annuellement versée par la France, et ce pendant une période de trois ans. Archives des Affaires étrangères, Pologne, correspondance politique, t. 229, pièce 86 ; instruction délivrée à Choisy, le 31 juillet 1746, par le ministre des Affaires étrangères au marquis des Issarts.
16 Antoine M., op. cit., p. 395.
17 Archives des Affaires étrangères, Pologne correspondance politique, t. 229, pièce 86 ; instruction délivrée à Choisy le 31 juillet 1746, par le ministre des Affaires étrangères au marquis des Issarts.
18 « Ce n’est pas seulement sur la Pologne que la Russie étend son influence et sa prédomination, elle a pris de même en Suède une telle autorité [...] que le sénat de ce royaume n’a plus osé rien traiter avec les autres cours... » Ibid.
19 « Si jamais les Polonais parviennent par un secours étranger à s’affranchir de l’ esclavage [de la Russie] ce sera par celui du roi de Prusse... C’est ce que le sieur de Castéra devra indiquer avec soin et dextérité aux seigneurs polonais... » Ibid., pièce 12 ; instruction délivrée à Choisy le 20 mars 1746 par le ministre des Affaires étrangères au chargé d’affaires Castéra.
20 « Quel que puisse être l’objet de l’armement des Russes, je ne puis que louer votre attention de me faire part de ce que vous entendez dire dans le pays où vous êtes sur les motifs qui ont pu attirer en Courlande un aussi grand nombre de troupes... » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 38. Lettre du ministre des Affaires étrangères à Castéra, le 20 avril 1747.
21 La Chétardie et le médecin français Lestocq avaient été rappelés. Bestoujev les laisse partir deux ans plus tard. ANTOINE M., op. cit., p. 392, et Kovalew ki P., Histoire de Russie et de l’U.R.S.S., Paris, 1970, 420 p. 236.
22 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 38. Lettre du ministre des Affaires étrangères à Castéra, le 20 avril 1747.
23 Bibl. nat., Ms Fr 10659 pièce 44. Lettre du ministre des Affaires étrangères à Castéra, le 26 mai 1747.
24 Michel-Frédéric Czartoryski (1696-1775) est palatin de Vilna en Lituanie et vice-chancelier de cette province, il sera nommé grand chancelier en 1752.
25 Auguste-Alexandre, frère du précédent (1697-1782), palatin de Léopol, lieutenant général en chef du régiment des gardes de la couronne.
26 Jean-Clément Branicki, né en 1688, est le chef de la famille le plus souvent sollicité par les Français. Ayant passé sa jeunesse en France, lors de son retour en Pologne il n’aura de cesse de s’opposer aux Czartoryski, tant et si bien qu’en 1764 il sera destitué et banni sous prétexte de haute trahison. En 1765, il rentre en Pologne et prête son appui moral et financier aux confédérés de 1768. Il meurt en 1771.
27 Une des plus anciennes familles de Pologne et une des plus nombreuses, qui prête inconditionnellement son concours à la France. Les deux membres les plus importants sont Joseph Potocki (1673-1751) grand général de la couronne, castellan de Cracovie et staroste de Varsovie, et François de Sales (1700-1771).
28 Grappin H., Histoire de Pologne de ses origines à 1900, Paris, p. 130.
29 Louis-Philogène Brûlart, marquis de Puyzieulx ou de Puysieulx, a tout d’abord été ambassadeur puis successivement conseiller d’Etat, secrétaire d’État et ministre des Affaires étrangères à partir du mois de janvier 1747. Il a participé notamment aux négociations de Bréda.
30 Sur l’accroissement des troupes russes en Courlande et leur prochaine marche en Lituanie pour s’avancer au secours des Autrichiens est si positif qu’il paraît qu’on ne peut guère douter que ce ne soit en effet la destination de ces corps de troupes... » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 44.
31 « [...] de sorte que les Polonais doivent désormais appréhender plus que jamais et préparer les mesures et les moyens de profiter des occasions favorables pour se délivrer du joug où les Russes voudraient les tenir... » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 51, lettre écrite à Bruxelles par le ministre des Affaires étrangères à l’attention de Castéra, le 16 juin 1747.
32 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 36 ; le ministre d’Argenson à Castéra, le 14 mars 1747.
33 Ibid.
34 « Il serait violent et d’une dépense immense sans qu’on pût prévoir seulement les suites qui pourraient en résulter aux préjudices des intérêts de la France... » Ibid., lettre d’Argenson à Castéra, le 27 décembre 1747.
35 Ibid.
36 Ibid., pièce 86, s.l.n.d.
37 Lors de la diète qui s’était tenue en 1744, le roi Auguste III s’était notamment refusé à restructurer l’armée et à en gonfler les effectifs malgré les objurgations de la noblesse polonaise ; cf. Farges, op. cit., p. 86. D’Argenson le rappelle : « Ce que j’ai principalement remarqué [...] est l’opinion où vous êtes que l’augmentation des troupes de la couronne qui se montent actuellement à 18000 hommes ne pourrait jamais former un objet assez considérable pour inquiéter les voisins de la Pologne ; les fonds qui pourraient être employés à cet objet ne permettant pas de porter l’armée de la couronne et du grand-duché de Lithuanie au double c’est-à-dire à 36 000 hommes. » Ibid., pièce 19, lettre du ministre d’Argenson à Castéra du 2 novembre 1746.
38 Ibid., pièce 100.
39 Les agents de Castéra ne tardent pas à connaître le nom de son auteur qui n’est autre que le palatin de Rawa : « C’est le palatin de Rawa qui l’a fait imprimer et qui l’a répandu dans le public, mais avec tant de secret que personne ne saurait le soupçonner... Le palatin est un honnête homme, parfaitement bien intentionné pour nous... » Ibid., pièce 205.
40 Ibid., pièce 154 lettre d’un gentilhomme polonais à Castéra, le 27 février 1748.
41 Ibid.
42 Ibid., pièce 158, lettre du ministre Puyzieulx à Castéra.
43 Ibid., pièce 216.
44 Quelques Polonais égarés dans l’armée française prendront part à ces combats. Sur le front italien, en revanche, aucun.
45 La ville capitule le 7 mai.
46 Jakubowski ou Wittinghof par la suite représentent parfaitement ce type d’engagés.
47 « La France a toujours eu la plus parfaite considération pour les Polonais, mais elle a éprouvé plus d’une fois qu’après avoir épuisé des trésors immenses pour maintenir leur liberté, elle n’en a été payée que par l’ingratitude ou au moins de l’indifférence. » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 81, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, le 26 janvier 1748, à Castéra.
48 Ibid., pièce 25, lettre de Fontainebleau du ministre Puyzieulx, le 2 novembre 1748, à Castéra.
49 « Sur la partialité des Czartoryski et des Poniatowski contre la France, [elle] confirme ce que vous avez déjà marqué dans vos lettres précédentes. Il y a longtemps que nous nous apercevons de la supériorité pour ne pas dire la tyrannie que les chefs des deux maisons exercent dans leur pays contre leurs compatriotes. Il paraît que ces deux maisons sont soutenues par le roi de Pologne mais je ne puis approuver en cela la politique de ce prince. » Ibid., pièce 25, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, le 9 mai 1747, à Castéra.
50 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 88, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, le 9 août 1749, à Castéra.
51 Ibid., pièce 187, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, le 29 mars 1750, à Castéra.
52 Ibid., pièce 154, le 24 février 1748.
53 Ibid., pièce 17, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, le 19 avril 1747, à Castéra.
54 Ibid.
55 Ibid., pièce 37, lettre de Varsovie du chargé d’affaires Castéra, le 3 mai 1749, à son ministre.
56 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 98, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, en avril 1748, à Castéra.
57 Le général malheureux du siège de Dantzig qui avait pourtant abandonné Stanislas durant sa fuite mémorable.
58 Ibid., pièce 98, lettre de Versailles du ministre Puyzieulx, en avril 1748, à Castéra.
59 Les principaux intéressés ont effectivement été impliqués dans la guerre de Succession de Pologne aux côtés de Stanislas, comme Pocye qui avait dirigé un corps de Polonais tentant de résister aux Russes, comme le général Steinflix ou encore Zaluski, dont la présence sur cette liste est probablement due à une confusion entre les deux frères. Le premier avait effectivement suivi Stanislas jusque dans les duchés de Lorraine et de Bar, mais il occupait non pas la place de secrétaire de la Couronne, occupée par son frère, mais celle d’évêque de Kiev. Est-ce une confusion de la part du ministre ou la volonté de tenter de placer le frère dans la mouvance du parti français ? Il est difficile de trancher, mais, dans la mesure où le seul à être récompensé devait être Antoine Zaluski, il pourrait s’agir là d’une confusion.
60 Ordre fondé en 1469 par Louis XI à Amboise ; il fut supprimé sous la Révolution et rétabli par Louis XVIII.
61 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 183, lettre de Varsovie du chargé d’affaires Castéra à son ministre Puyzieulx.
62 Cette lettre confirme la nécessité d’entretenir les liens avec ceux qui servent la France et ses intérêts, mais souligne aussi l’importance du clientélisme, très développé en Pologne. Hubert Vautrin indique par exemple que tous les petits nobles polonais qui sont trop pauvres pour envoyer leurs fils à la cour les placent comme domestiques auprès des grandes familles comme cela se pratiquait à l’époque médiévale en Europe occidentale.
63 Ibid., pièce 17, lettre de Varsovie du chargé d’affaires Castéra, le 19 avril 1747, à son ministre Puyzieulx.
64 Sur l’affaire du recrutement malheureux des Uhlans pour le service de France, cf chap. II ; « Si Monsieur Mokronowski a besoin du concours du Grand maréchal et du général et du petit général de la couronne pour lever et assembler un régiment de Uhlans... la chose ne sera pas sans difficulté. » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 58, lettre de Langres du ministre Puyzieulx à son chargé d’affaires Castéra, le 27 juillet 1747.
65 « Entre autres personnes, j’ai engagé il y a plus de trois mois le prince Radziwill gouverneur de Lithuanie à faire examiner l’état des Moscovites, engagé non par moi-même mais par l’entremise de monsieur le comte Mokronowski. J’ai eu soin de ne laisser voir ma curiosité qu’aux gens à qui je pouvais m’ouvrir sans le moindre scrupule. » Bibl. nat.. Ms Fr 10660, pièce 67, lettre du ministre d’Argenson à Castéra, du 5 juillet 1749.
66 Ibid.
67 Ibid.
68 Ibid.
69 L’expression est de Fabre J., op. cit., p. 9.
70 Ruhlière, Histoire de l’anarchie de Pologne, vol. I, p. 305.
71 Franc-maçon, il avait créé en 1744 la première loge de Varsovie, « la loge des trois frères », et on ne peut douter que ces relations personnelles et maçonniques aient pu favoriser ses contacts non seulement avec la France, mais avec ses pairs polonais. Il fréquente, semble-t-il, avec la même élégance désabusée, les réseaux patriotes en Pologne et les salons français tout en se distinguant au service de France. Fabre J., op. cit., p. 169.
72 « Nous approuvons fort les services que le zélé Dzierzanowski s’engage à rendre à sa patrie, si quelques Polonais vertueux et bien intentionnés étant indignés des procédés de la Russie les chargent d’aller à Constantinople pour y présenter leurs griefs et réclamer la protection de la Porte contre les vexations qu’ils éprouvent de la part de Saint-Pétersbourg... » Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 130, lettre du ministre des Affaires étrangères Puyzieulx, le 21 juin 1748, à son chargé d’affaires Castéra.
73 Dzierzanowski est un personnage mystérieux dont l’origine reste obscure. Selon lui, il faisait partie de la cour du roi de Pologne en qualité de chambellan du roi. Ses relations avec la France datent de la période intense de recrutement, 1744, où il avait fait partie de la petite compagnie de Polonais enrégimentés par Lowendal. Comme eux, capturé et fait prisonnier, il est conduit en Angleterre. Libéré, il s’engage à nouveau dans les armées françaises et rejoint son corps pendant les campagnes des Flandres. Une fois la paix revenue, il retourne en Pologne où il sert d’agent à Castéra. Il réapparaît de temps à autre dans les archives. Toujours insaisissable, sillonnant les mers, parcourant l’Europe. Il s’engagera en Inde pour combattre les cipayes et, revenu en France il repartira combattre en Amérique.
74 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 199, lettre du chargé d’affaires Castéra, au mois de mai 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
75 Bibl. nat., Ms Fr 1059, pièce 140 et 141, lettre du ministre des Affaires étrangères Puyzieulx de Versailles, le 26 septembre 1748, à son chargé d’affaires Castéra.
76 « Vous avez vu par mes lettres que j’avais prévu qu’il chercherait à se prévaloir des conférences qu’il a eues avec vous et qu’il irait au-delà du but qu’on s’était proposé... » Ibid.
77 Adalbert Jakubowski est brigadier dans les armées françaises et attaché au service de France depuis 1733. Il participe au Secret du roi à partir de sa création et est chargé de la correspondance en 1764. Il meurt à Varsovie le 3 décembre 1784. Castéra l’estimait. Il écrit qu’avec Guintard ils « [...] sont des instruments sourds et de bons commissionnaires » (Farges, p. 130) : « Jablonski doit son titre de baron à la bonté de l’Empereur Charles VII, il rachète l’obscurité de sa naissance par des qualités qui peuvent lui attirer de la considération... » Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 242, lettre du chargé d’affaires Castéra, en 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
78 Le Royal-Allemand accueille en effet quelques Polonais à partir de 1744.
79 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 208, lettre du chargé d’affaires Castéra, le 27 juin 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
80 Ibid., pièce 208, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 27 juin 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
81 Ibid., pièce 242, lettre du chargé d’affaires Castéra, en 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
82 Ibid.
83 Ibid., pièce 12, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 5 juillet 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
84 Ibid., pièce 76, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 5 juillet 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
85 Ibid.
86 Bibl nat., Ms Fr 10660, pièce 12, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 12 avril 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx. Les hospodars sont les princes vassaux du sultan de Turquie.
87 On peut consulter ce mémoire à la Bibliothèque nationale, mais le manuscrit des archives du SHAT, Al 3278, pièce 105, est beaucoup moins raturé et beaucoup plus lisible : Le journal du sieur de Labunagne à l’armée moscovite en Pologne date de 1748, sans autre précision.
88 Chiffre qui semble bien astronomique, mais qui est confirmé par nombre d’observateurs polonais et qui, constate Castéra, fait une perte moyenne de 568 hommes par mois. Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 14, lettre du chargé d’affaires Castéra du 12 avril 1749 à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
89 Ibid.
90 Ibid.
91 « Je vois qu’on n’a pas quitté l’usage d’enterrer les soldats encore vivants ou de les jeter dans quelque rivière... » Ibid. Cette coutume sera reprise pendant la guerre de Sept Ans.
92 Bibl. nat, Ms Fr 10660, pièce 59, lettre du chargé d’affaires Castéra du 14 juin 1749 à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
93 Ibid., pièce 62, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 21 juin 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx
94 Ibid., pièce 178, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 24 avril 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
95 Ce qui signifie probablement qu’ils ont dû payer les intermédiaires.
96 Ibid.
97 Ibid.
98 Ibid., pièce 178, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 24 avril 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
99 Ibid., pièce 76, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 5 juillet 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
100 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 146, lettre du ministre Puyzieulx à Castéra, le 28 octobre 1748.
101 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 66, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 5 juillet 1749, de Dantzig, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
102 « Elle [Sa Majesté] a daigné m’insinuer aussi que je pourrais gagner par le moyen de quelque politique, les gazettiers de Varsovie, afin qu’ils ne fissent pas de difficultés... Néanmoins, ni le temps ni le lieu n’ont pu me permettre d’utiliser ce canal qui paraît de loin si facile et si commode. Les gazettiers de Varsovie qui sont les uniques gazettiers du royaume, défendent absolument les Czartoryski et ils ne chantent que les louanges des Moscovites... » Ibid., pièce 12, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 12 avril 1749, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
103 Ibid., pièce 183, lettre du chargé d’affaires Castéra, du 3 avril 1748, à son ministre des Affaires étrangères Puyzieulx.
104 Le sieur de La Salle, venu du service de Russie pour se mettre au service de France, avait été nommé dans un premier temps colonel du régiment La Marck, où quelques Polonais étaient enrôlés, et avait ensuite été envoyé à Dantzig. Son mariage avec une Polonaise avait justifié l’attribution d’un poste vacant dans cette ville polonaise à titre de résident.
105 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 96, lettre du ministre Puyzieulx, de Versailles, le 3 avril 1748, à Castéra.
106 Ibid., pièce 114, lettre du ministre Puyzieulx, de Versailles, le 23 mai 1748, à Castéra.
107 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 167, lettre de Castéra, le 18 avril 1748, au ministre Puyzieulx.
108 Bibl. nat., Ms Fr 10659, pièce 119, lettre du ministre Puyzieulx de Versailles, le 25 mai 1748, à Castéra.
109 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 2, lettre de Castéra, de Varsovie, le 2 mars 1749, au ministre des Affaires étrangères.
110 Ibid.
111 Ibid., pièce 6.
112 Ibid., pièce 8.
113 Ibid., pièce 67, lettre de Castéra, de Varsovie, le 6 septembre 1749, au ministre des Affaires étrangères.
114 « Monsieur le Major Dollensdorf, agent de Monsieur le comte Potocki, Gouverneur général de la couronne, m’apprend que son chef a donné ordre d’établir un cordon de troupes sur le bord du Niester afin de rompre toute communication avec les pays infectés. » Ibid.
115 « Un nouvel effet de cette agitation des esprits est le changement qui va se faire dans l’Ukraine polonaise dont le commandement a été donné à un certain Suglocki [...] mince caractère... » Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 2, lettre de Castéra de Varsovie, le 2 mars 1749, au ministre des Affaires étrangères.
116 Ibid.
117 Ibid., pièce 175, lettre du ministre Puyzieulx, de Versailles, le 17 mars 1748, à Castéra. Cf. Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 233, pièce 79.
118 Bibl. nat., Ms Fr 10660, pièce 175, lettre du ministre Puyzieulx, de Versailles, le 17 mars 1748, à Castéra. Cf. Affaires étrangères CP, Pologne t. 233, pièce 79.
119 Affaires étrangères CP, Saxe, t. 43, lettre du 17 septembre 1752.
120 Nommé le 11 mars 1752, le nouvel ambassadeur à Varsovie remplace le marquis des Issarts. Son rôle est essentiel jusqu’en 1755.
121 Stanislas-Auguste Poniatowski est né le 17 janvier 1732 et meurt à Saint-Pétersbourg le 12 février 1798. Il est le dernier roi de Pologne avant les partages (1764-1795). Catherine II en fait son protégé et le place sur le trône polonais.
122 Farges L., op. cit., p. 135.
123 « Il doit maintenant s’occuper d’être instruit de toutes les nouvelles tant publiques que particulières. » Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 239, pièce 161, lettre jointe à la dépêche du comte de Broglie du 30 décembre 1752.
124 Ibid.
125 François-Dominique Barberie, marquis de Saint-Contest, est né le 26 janvier 1701. Intendant de Bourgogne tout d’abord, il est ensuite nommé ambassadeur en Hollande en 1750 et poursuit sa brillante carrière diplomatique en étant nommé le 11 septembre 1751 ministre des Affaires étrangères en remplacement de Puyzieulx.
126 S. Kulkowski reste à ce poste stratégique de 1748 à 1765.
127 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 239, pièce 161. Lettre jointe à la dépêche du comte de Broglie du 30 décembre 1752.
128 Ibid., t. 236, pièce 135. Instruction délivrée à Jakubowski.
129 Kreysick est un terme désignant l’écuyer tranchant.
130 Ibid., t. 243, pièce 222. Instruction délivrée à Jakubowski.
131 Ibid.
132 Ibid.
133 Représenté à cette époque par J.-P. Sapieha, qui meurt en 1770.
134 Auschwitz. Le staroste est le cousin du grand chancelier de la couronne, Jean Malachowski.
135 Jean Swindzinski, palatin de Braclawice, qui meurt en 1754.
136 De la famille du castellan de Dantzig en 1746 et d’Elbing en 1766, il meurt en 1770.
137 La Fayardie, nommé le 22 janvier 1753 est « un homme instruit et doux et qui, j’espère, plaira aux Polonais tant par son caractère, que parce qu’il a servi dans un royaume qui s’est toujours intéressé à la Pologne », écrit le ministre des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 244, pièces 159 et 235, in Instruction délivrée à Durand. Originaire du Périgord, très au fait de la politique française dans le Nord après avoir servi comme secrétaire auprès du marquis de Lanmary en Suède, puis du marquis d’Havrincourt, et s’être marié à la fille du premier chambellan du roi de Suède, il convient en effet au poste de résident qui lui est octroyé en 1753.
138 Ibid., pièce 279, in Instruction délivrée à La Fayardie, le 10 juin 1753.
139 « La maison Potocki est puissante soit par elle-même soit par ses amis dans les palatinats de Cracovie, Posnanie, Vilna, Sandomir, Siradic, [palatinat de] Russie, Podolie, Wolhynie, Kiowie et d’Ukraine... » Ibid., t. 239, pièce 279. Instruction délivrée à La Fayardie le 10 juin 1753.
140 « Elle a toujours eu plus d’amis dans la Petite Pologne que dans la Grande... Cette maison a depuis un temps immémorial, des liaisons avec les Tartares. Le Khan actuel a écrit à la fin du mois d’août 1751 au comte Potocki, écuyer tranchant, que son amitié ne manquerait jamais à sa maison lorsqu’elle en aurait besoin... » Ibid., t. 243, pièce 22.
141 Ibid., t. 244, pièces 159 et 235.
142 M. de Viéval est lieutenant-colonel de cavalerie et employé en Pologne de 1752 à 1758. Il quitte le pays en 1758.
143 La Fayardie meurt en effet brutalement le 4 avril 1754 et est remplacé par Durand : fils d’un conseiller au parlement de Metz, il est attaché en 1748 au ministre plénipotentiaire d’Aix-la-Chapelle à titre de secrétaire. En 1749, il est nommé à Londres, et en Hollande en 1751. Le ministre des Affaires étrangères, le marquis de Saint-Contest, disparaît lui aussi. Il est remplacé dans sa charge par l’ancien ministre de la Marine Rouillé, comte de Jouy, qui entre en fonction le 24 juillet 1754.
144 En 1754, il avait hérité par sa mère Marie-Anne Lubomirska de la terre d’Ostrog. Pour payer ses dettes, il se voit contraint de vendre sa succession aux Czartoryski. Cependant, une des clauses du contrat de succession de 1618 précise qu’en cas d’absence de successeur, cette terre reviendrait à un chevalier de Malte. Refusant qu’une famille polonaise, du parti russe, s’empare de ce territoire militaire et stratégique, le parti des patriotes français s’oppose à la vente et réclame l’arbitrage royal.
145 On sait l’opiniâtreté avec laquelle la France insiste pour s’implanter dans cette région. Le prince Sangusko est à ce point intéressé par la France qu’il accueille, à partir de 1755, le chevalier Pyrrhys de Varilles, chargé de la lourde responsabilité de « gouverneur-observateur pour s’instruire du politique, du moral et du littéraire de la nation ». Fabre J., op. cit., note 48, p. 625.
146 « Les Polonais on vu que la Porte inquiète des menées de la Russie et surtout des fortifications qu’elle fait construire entre le Bug et le Borysthène donnait une véritable attention aux affaires de Pologne. » Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 243, pièce 69. Instruction délivrée à Durand le 30 novembre 1754.
147 Ruhlière, op. cit., p. 255 et suiv.
148 De nombreuses lettres évoquent cet aspect particulier aux archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 292 ; lettre de l’ambassadeur de Broglie à Conti, le 28 octobre 1755 (pièce 294) ; lettre de l’ambassadeur de Broglie à Conti le 4 novembre 1755 (pièce 298) et lettre de l’ambassadeur de Broglie à Conti, le 24 novembre 1755 (pièce 159).
149 Son congé est effectif à partir du mois de janvier 1755. Correspondance secrète du comte de Broglie avec Louis XV 91756-17740, cf. Ozanan D. et Antoine M., Introduction, p. XXV.
150 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 243, pièce 69. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
151 Le prince Radziwill, par exemple, est totalement déconsidéré : « Monsieur le prince Radziwill [...] n’est pas d’un caractère à pouvoir compter sur les liaisons qu’on formerait avec lui... Il n’y a aucun fond à faire sur sa parole ; il se pique d’être extrêmement faux, ce qui, selon lui, est le synonyme de grande politique... Il faut le caresser, l’assurer qu’on a beaucoup de confiance en lui et n’en avoir aucune... » Ibid., pièce 159. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
152 Il n’est pas « exempt de tous les défauts de sa nation [...] il possède la plupart des qualités républicaines et y joint un attachement décidé pour la France dont on peut espérer que rien n’est capable de l’éloigner ». Ibid., t. 244, pièce 139. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
153 Ibid., pièce 139, instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
154 Ibid.
155 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 243, pièce 69. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
156 Pourtant, ce n’est pas son honnêteté qui est mise en doute par le ministre, mais sa dépendance face à la cour de Saxe que le ministre explique par le besoin d’avoir assez de ressources pour pouvoir nourrir ses nombreux enfants.
157 Cet aspect est confirmé par de nombreux témoignages. Le plus précis dans ce domaine est le livre de H. Vautrin, op. cit.
158 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 244, pièce 153. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
159 Ibid.
160 Ibid.
161 Ibid.
162 Le palatin de Rawa est né en 1732. Il est aussi le castellan de Cracovie. Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 243, pièces 159 et 227. Instruction à F.-M. Durand, le 30 novembre 1754.
163 « Je crois votre présence très nécessaire à Varsovie... vous êtes aimé et estimé des Polonais... » Correspondance secrète du comte de Broglie avec Louis XV (1756-1774), cf. Ozanan D. et Antoine M., p. 231.
164 Concrétisé par la mission du chevalier Douglas à Saint-Pétersbourg en avril 1756. Ibid., Introduction, p. XXXVIII, note 3.
165 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 245, pièce 4. Instruction au comte de Broglie, le 25 avril 1757.
166 Le traité d’alliance entre l’Angleterre et la Prusse, le 16 janvier 1756, jette la France dans la guerre avec la Russie.
167 « Les Russes protestent qu’ils n’ont aucune intention dangereuse ou suspecte dont les Polonais puissent concevoir le plus léger ombrage. Leur armée marche au secours du roi de Pologne injustement opprimé et contre un prince ambitieux... Le sieur de Broglie doit donc faire usage de tous ses talents et de toutes ses lumières pour faire agréer ce passage aux Polonais. » Ibid.
168 Sa Majesté autorise le Sieur comte de Broglie à promettre aux Polonais non seulement les mêmes sommes qu’ils ont obtenues jusqu’à présent de la générosité du roi, mais encore les nouveaux secours que Monsieur Durand juge nécessaires pour former aussi un parti patriote dans la Lituanie... » Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 245, pièce 4. Instruction au comte de Broglie, en date du 25 avril 1757.
169 Ibid., t. 257 pièce 430. Instruction au résident Durand, en date du 5 février 1758.
170 Ibid.
171 Correspondance secrète du comte de Broglie avec Louis XV (1756- 1774), par Ozanan D., et Antoine M., Introduction, p. LI-LII.
172 « Le passage des Russes en Pologne occasionné par cette guerre excite les plaintes de la part des Polonais.. » Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 261, pièce 14, instruction au marquis de Monteil, le 23 juillet 1758.
173 Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 261, pièce 26, instruction supplémentaire du marquis de Monteil, le 23 juillet 1758.
174 Farges, op. cit., « instruction aux ambassadeurs », Pologne, p. 207.
175 « Quoiqu’on soit très persuadé qu’il est véritablement attaché au roi son maître et zélé pour le bien de la République, cependant avant que le marquis de Monteil remplisse au nom du roi cet engagement en lui remettant les sommes qui lui sont peut-être dues, il importe extrêmement qu’il s’assure de ses intentions et de sa fidélité et qu’il connaisse parfaitement l’étendue de son crédit et de son autorité. » Archives des Affaires étrangères, CP, Pologne, t. 261, pièce 14, instruction supplémentaire du marquis de Monteil, le 23 juillet 1758.
176 Bibl. nat., Ms Fr 1072, pièce 54, Bialistock. le 26 mars 1759.
177 Cette affaire reste assez mystérieuse et semble en rapport avec l’envoi de Podoski à Constantinople. En effet, sur son trajet, il devait confier une lettre au prince de Moldavie, lui aussi impliqué dans cette affaire. M. Lainé-Linchon, Français originaire de Marseille, est arrêté alors qu’il prenait contact avec un officier du Voïvode, gouverneur de Galata, pour quelque obscure entreprise. Vergennes, ambassadeur à la Porte, s’émeut et tente par l’intermédiaire d’un drogman de le faire libérer. Dépêche au ministre des Affaires étrangères, le 17 mai 1760, citée par Louis Bonneville de Marsanguy, Le chevalier Vergennes, son ambassade à Constantinople, t. II, p. 110, Paris, 1894.
178 [Linchon] a été décapité à Constantinople... sa tête est restée trois jours exposée en place publique et qu’ensuite elle a été jetée à la mer, tout le corps l’avait été d’abord après l’exécution... » Ibid., pièce 324, Bétanski, de Bialistock. le 28 avril 1760.
179 « Il demande comment il doit se conduire en cas qu’elles voulussent entrer dans la ville ; son Excellence [Branicki] lui adresse l’ordre de se retirer à Wilicka... et de ne se mêler en aucune façon avec les troupes étrangères. » Bibl. nat., Ms Fr 1072, pièce 210, Bialistock, le 26 novembre 1759.
180 Le baron de Wittinghoff, qui est né en Pologne le 30 juin 1722 et qui a été recruté pour travailler dans le réseau diplomatique, faisait déjà partie des armées françaises. 11 fait toute sa carrière au service de France et est nommé en 1780 maréchal de camp, puis lieutenant général en 1791 ; il est employé en Belgique en 1792. Suspendu en 1793, il est admis à la retraite et meurt en l’an X. Cf. Ch.-L. Chassin, La Vendée patriote, Paris, 1893, t. I, p. 86. Il est aussi mentionné à la Bibl. nat., Ms Fr 1072, pièce 38, Bialistock, le 9 mars 1759.
181 Ibid., pièce 204, Bilsk, le 15 décembre 1759.
182 Son Excellence attend l’arrivée de Monsieur Jakubowski supposant qu’il est à Varsovie. Elle vous prie Monsieur de le souffrir dans cette ville le moins possible que vous pourrez et d’engager les dames auxquelles il fait sa cour de lui battre froid et de le renvoyer sans quoi, il oubliera Bialistock comme il a oublié la Pologne à Paris. » Bibl. nat., Ms Fr 1072, pièce 106, Bialistock, le 11 juin 1759, lettre de Bétanski.
183 Ibid., pièce 197, Bilsk, le 5 novembre 1759, lettre de Bétanski.
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