L’Ex-Yougoslavie
p. 355-359
Texte intégral
1Après la guerre, l’industrie cinématographique avait été nationalisée, et de Belgrade la Société nationale du film dirigeait des filiales dans toutes les républiques, un unique producteur d’État alimentant chaque marché de la fédération. Il n’y a jamais eu de véritable politique fédérale dans le domaine du cinéma, et la plupart des républiques n’avaient pas d’action en ce domaine. Si la Slovénie subventionnait toute sa (petite) production, le soutien de la Croatie allait jusqu’à la moitié du budget des films, tandis que la Serbie en assurait environ le quart (pour quatre à six films annuels). L’essentiel de la production était cependant assurée par la Serbie, dont la production pouvait représenter la moitié des films de la fédération.
2L’ensemble des nations qui composent l’ex-Yougoslavie ont subi depuis la fin des années quatre-vingt des événements politiques et militaires importants, peu propices au divertissement en général et au spectacle cinématographique en particulier. Cependant, les difficultés économiques avaient touché l’industrie dès la fin des années soixante-dix : inflation non maîtrisée, dévaluations successives de la monnaie nationale, mesures restrictives du gouvernement. Ce dernier contrôlait également le prix des places pour le maintenir à un prix peu élevé (l’équivalent d’une tasse de café dans les restaurants), ce qui avait permis au cinéma de conserver son public populaire. L’emprise politique de l’élite dirigeante sur le cinéma et la télévision était très forte, qui s’étaient vu assigner des missions d’éducation et de formation très affirmées. L’éclatement de la fédération à la fin des années quatre-vingt-dix a démantelé les anciennes structures tout en permettant l’émergence de sociétés privées dont le fonctionnement et l’encadrement réglementaire ont mis beaucoup de temps à être légalisés. Les guerres entre provinces qui s’y sont succédé ont naturellement provoqué des désastres humains et économiques considérables, rendant impossible une analyse précise de la période du point de vue de l’industrie cinématographique. Si le début des années quatre-vingt voyait encore plus de 100 millions de spectateurs se rendre dans les salles, ils ne seront déjà plus que 70 à la veille de la séparation en 1988, et... dix fois moins dix ans plus tard.
La Slovénie
3Malgré le changement de régime et l’indépendance retrouvée dans ce petit pays (20 000 kilomètres carrés pour 2 millions d’habitants), les médias sont demeurés aux mains de la classe dirigeante qui les oriente et s’en sert pour promouvoir ses intérêts politiques et commerciaux, cet aspect étant plus visible pour la télévision que pour le cinéma, les trois chaînes de télévision publiques étant par exemple sous le contrôle direct des partis politiques. Une réelle difficulté à créer un pluralisme pour la population s’est fait jour, en même temps que les désaccords sur les transferts de propriété des biens concernés, les particuliers ne pouvant détenir plus du tiers du capital des sociétés de radio-télévision, les chaînes commerciales ne pouvant émettre sur plus de la moitié du territoire, etc. De ce fait, la piraterie télévisuelle (retransmissions illégales par satellite) et vidéo sont fort importantes, malgré la loi de 1997 qui a criminalisé la transmission et la réception de signaux non autorisés.
4Le producteur d’État Viba Film a sorti environ trois films Slovènes chaque année, niveau déjà faible qui s’est réduit à un ou deux films depuis 1993, malgré l’abolition du monopole d’État en 1994. De nombreux producteurs privés ont tenté leur chance, mais ont fait rapidement faillite pour la plupart, la douzaine restante s’intéressant davantage à la vidéo qu’au 35 millimètres. Deux films sont théoriquement soutenus financièrement chaque année par le Fonds du cinéma depuis 1994, mais l’État s’est souvent interrogé sur la pertinence d’une aide pour ce qu’il considère être un marché trop étroit. Il n’existe pas de réelle industrie technique, aucun studio ni laboratoire équipé pour le 35 mm, ce qui fait dépendre les films Slovènes des pays voisins (Croatie, Hongrie, Allemagne). Comme partout dans l’Est, la fréquentation s’est effondrée, passant de dix millions dans les années soixante-dix à moins de deux millions aux minima de 1992 et 1999. Il semble qu’une large partie de la population ait totalement déserté ce loisir, certaines régions voyant moins de 30 % de la population s’y rendre au moins une fois dans l’année.
5La faible fréquentation est géographiquement extrêmement concentrée, presque la moitié des entrées étant enregistrées dans la capitale, Ljubljana, qui avec deux autres villes (Maribor et Kranj) rassemblent les deux tiers des spectateurs, la stabilité apparente du parc depuis 1992 y contribuant certainement. Depuis cette date, plus des quatre cinquièmes des films distribués sont de nationalité américaine et dominent donc le B-O, bien que quelques succès nationaux continuent d’être enregistrés1. La totalité du parc était toujours exclusivement composée de mono-écrans à la fin du xxe siècle, alimenté par une vingtaine de sociétés de distribution dont les trois premières diffusent la moitié des films et engendrent les trois quarts des recettes (Karantanija Film – UIP, Ljubljanski Kinematografi – Warner, Continental Film – Columbia + Fox), et avec les deux suivantes (Cenex – Buena Vista, Fun) plus de 99 %. Cette situation oligopolistique se retrouve dans l’exploitation dont les sociétés semblent s’assurer le monopole ville par ville, la plus importante, qui contrôle la capitale, étant également le second distributeur (Ljubljanski Kinematografi).
La République fédérale Yougoslave
6Si quantitativement le cinéma national est devenu peu important – 4 à 10 films par an aujourd’hui contre une trentaine la décennie précédente – la fibre nationaliste de la population le met pourtant régulièrement à l’honneur, et cela depuis longtemps. L’un d’entre eux a occupé la tête du B-O en 1995 comme en 1996, même si 1997 ne les a vu occuper que les quatrième et cinquième places. Après ceux des États-Unis – qui avaient été écartés les décennies précédentes en raison de leurs coûts –, les films français sont les mieux accueillis des cinématographies étrangères, avec 10 à 30 films importés (plus d’une centaine pour les États-Unis), pour une pdm de 14 % et une présence constante dans les dix premiers films vus2. Ils sont majoritairement distribués par Metrofilm, troisième distributeur du pays (≈ 16 % de pdm) qui receuille avec les deux premiers – Tuck (40 % de pdm) et Vans (18 %) – les trois quarts des entrées réalisées en salles.
7Bien que majoritaires en nombre, les films américains y rencontrent le plus faible écho3, les événements militaires expliquant certainement cette atypie.
8Plus de la moitié des entrées sont concentrées dans la capitale, Belgrade, qui n’accueille que 15 % de la population et 18 % des écrans. Ces derniers, en diminution (160 en 1999), sont essentiellement d’anciennes salles, mono-écrans, le pays ne comptant que 8 petits complexes (de moins de 5 écrans) à l’aube du xxie siècle.
9Moins bien équipé que son voisin serbe, le Kosovo accueillait seulement 32 écrans en 1981, soit 2,5 % du parc, alors que la population comptait pour 7,5 % dans la fédération. Dès la suppression de l’autonomie de la province en 1989, les investissements y ont cessé, le parc a diminué de moitié et la fréquentation a chuté de plus de 90 % tandis que la production s’arrêtait. À l’issue de la guerre contre l’OTAN, en 1999, seules deux salles demeurent à Pristina, l’ABC qui a rouvert en 2000 après une rénovation, l’autre (Rinia) se transformant en petit complexe. La présence du contingent de la KFOR (37 000 hommes) devrait provisoirement suppléer la faiblesse de la demande de la population, due aux difficultés économiques. Ayant arrêté leur coopération avec les Serbes, dont ils dépendaient pour leur approvisionnement en films, pour des motifs politiques ils semblent souhaiter remonter une distribution avec les Croates malgré les difficultés géographiques d’acheminement de leurs copies et de leur sous-titrage en albanais.
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