Chapitre 13. Le « Congrès national de Ravna Gora » ou « Congrès de Saint-Sava », du mouvement tchetnik de Mihailović (Ba, 25-28 janvier 1944)
p. 177-189
Texte intégral
1Après bien des vicissitudes, Churchill s’était rangé à l’idée que Tito était donc « son homme » et il l’avait annoncé à Pierre IL Il avait fait cela lors d’un tête-à-tête, dans les locaux de l’ambassade britannique au Caire, le 10 décembre 1943, tout en lui disant qu’il devrait rentrer en Yougoslavie six mois plus tard et en lui suggérant de rencontrer le chargé de mission auprès du QG partisan, Fitzroy Maclean. Il restait à savoir ce que pensait le président Roosevelt du problème yougoslave, lui qui avait si bien assuré Pierre II de toute sa sympathie lors du voyage du souverain en Amérique durant l’été 1942. Il suffisait d’essayer de le rencontrer au Moyen-Orient, où il était de passage à la même époque. Il y a quelque chose de poignant dans le récit de la tentative de Pierre II faite à cette occasion, qui révèle toute l’impuissance de l’intéressé, et aussi, le sentiment d’un zeste d’humiliation : « Je tentai de rencontrer Roosevelt à son retour de Téhéran, mais on me fit savoir qu’il était souffrant et ne recevait personne. J’en fus d’autant plus désappointé que j’appris qu’il recevait d’autres personnalités ; peut-être était-il simplement gêné de se retrouver en face de moi, après la façon dont il m’avait en somme abandonné à la conférence de Téhéran1 ! »
2Il est clair que les dés sont jetés. Pourtant, malgré l’insistance britannique, Pierre II refuse toujours de lâcher son ministre de la Guerre, le général Draža Mihailović. Mais rien ne fera plus changer le cours de l’histoire, pas même le grand congrès de Ba que Mihailović est en train d’organiser pour, justement, essayer de contrecarrer le récent AVNOJ partisan de Jajce et les conclusions de la conférence de Téhéran. Quoi qu’il en soit, le discours politique de la JVO (l’ Armée yougoslave dans la Patrie) arrive trop tard, parce que l’initiative idéologique, comme militaire et diplomatique, est désormais aussi dans le camp du mouvement des partisans.
Le Congrès de la jeunesse démocratique (pranjani, 13-14 Janvier 1944)
3Excellent élève de l’école révolutionnaire, Tito a tout fait durant la guerre de libération pour impliquer les jeunes et les femmes en les amenant à s’organiser à l’intérieur du mouvement des partisans, à avoir – naturellement sous le strict contrôle du parti communiste ! – leurs propres réunions et à faire leurs propres congrès. C’est ainsi qu’ont lieu, entre autres manifestations politiques « historiques », notamment la première conférence nationale de l’Antifašistički front žena Jugoslavije (en abrégé : AFŽJ), à savoir le Front antifasciste des femmes de Yougoslavie (Bosanski Petrovac, 6-8 décembre 1942), et le premier congrès de l’Ujedinjeni savez antifašističke omladine Jugoslvije (en abrégé : USAOJ), à savoir la Fédération unifiée de la jeunesse antifasciste de Yougoslavie (Bihać, 27-27 novembre 1942). La guerre terminée, outre le moindre texte écrit, toute une documentation photographique est soigneusement exploitée par le nouveau pouvoir, qui inonde les ouvrages officiels pour prouver et illustrer l’« importance » de la lutte menée par lui dans les secteurs les plus variés, durant la guerre de libération nationale. Et tout sera fait aussi pour disqualifier ou simplement amoindrir l’importance des manifestations politiques de la JVO (l’Armée yougoslave dans la Patrie), comme c’est le cas pour le grand congrès tchetnik de Ravna Gora, à Ba, en janvier 1944, qui est lui-même précédé du Congrès de la jeunesse démocratique (voir la carte de la table II dans le cahier-photos).
4Ce Congrès de la jeunesse démocratique, qui semble suggérer que la participation de la jeunesse yougoslave à la reconstruction du pays n’est pas un monopole partisan, est organisé dans les terres historiques de la résistance tchetnik, en Serbie, dans un village nommé Pranjani (voir la table II du cahier-photos). Celui-ci est situé à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau au nord-ouest de Čačak (dans l’axe Čačak-Valjevo) et au sud des localités de Struganik (à une vingtaine de kilomètres de Pranjani, à vol d’oiseau) et de Brajići (à une dizaine de kilomètres de Pranjani, à vol d’oiseau). Souvenons-nous que Struganik et Brajići sont les endroits où Mihailović et Tito s’étaient rencontrés pour essayer de parvenir à des accords, mais en vain, les 19 septembre et 27 octobre 1941. Due à l’initiative des membres de la Demokratske omladine (Jeunesse démocratique), la réunion se déroule les 13 et 14 janvier 1944 dans un restaurant qui dispose du local le plus vaste du village. C’est dire si la foule est au rendez-vous ! Parmi les présents se trouvent le général Miroslav Trifunović, comme représentant de Mihailović, et Vladimir Predavec, comme représentant de l’organe politique du mouvement tchetnik, le Comité central national. Trois aspects se dégagent des discussions : esprit d’ouverture, de rassemblement, et priorité à l’aspect dit « démocratique » par rapport à celui dit « national ». Conformément aux résultats des débats, un comité de trois membres exprimant trois tendances différentes représentatives y est ainsi élu, dans un double objectif. Ce comité doit, premièrement, organiser la coordination entre les différents groupes du mouvement de la Jeunesse démocratique et, deuxièmement, en être le représentant auprès du commandement suprême tchetnik. Parmi les chargés de mission des alliés occidentaux présents au QG tchetnik, seul participe aux travaux le capitaine américain George Musulin2, qui termine son intervention en prenant à son compte ce slogan de la jeunesse : Diktature su najveći neprijatelj čovečanstva, pa ma sa koje strane dolazile (Les dictateurs sont les plus grands ennemis de l’humanité, quel que soit leur bord)3.
5Désir d’ouverture, invitation au rassemblement et promesse de démocratie : quelles que soient les conditions de la rencontre de Pranjani, ces trois points constituent l’apport des participants au congrès tchetnik de la jeunesse démocratique. Ce n’est pas sans nous rappeler l’effort accompli par le gouvernement en exil lors de l’émission postale célébrant le 25e anniversaire de la fondation du pays des Slaves du Sud.
Le Congrès de Ba (25-28 Janvier 1944)
6En cette fin du mois de janvier 1944, le grand congrès de Ba va être la caisse de résonance des promesses, des désirs et des espoirs du camp royaliste en exil et tchetnik sur le sol des montagnes libres yougoslaves, selon les propres termes du document final du congrès.
7Ba est le nom d’un village situé en Serbie occidentale, non loin de Ravna Gora, à environ 25 kilomètres à vol d’oiseau au sud-est de Valjevo (voir la table II du cahier-photos). Il n’a évidemment pas la même connotation mythique aux yeux du grand public que la ville bosniaque de Jajce, et pour cause, car ce sont les vainqueurs, en l’occurrence le mouvement des partisans, qui inscrivent et célèbrent leur mythologie après la conquête du pouvoir. Le village est situé presque à mi-chemin entre Brajići et Struganik, grosso modo dans l’axe Čačak-Valjevo. Plus de 300 délégués sont invités à participer aux travaux. Mais, le moment venu, seuls 274, issus d’organisations politiques et populaires non politiques, se retrouvent ensemble pour œuvrer sous la direction de Živko Topalović4. Ce dernier est le chef du Parti social-démocrate et l’ancien secrétaire général des Syndicats ouvriers yougoslaves unifiés. Un socialiste président du congrès tchetnik, c’est bien joué de la part de Mihailović ! Il y a naturellement aussi les membres du commandement suprême tchetnik. Est également présent le capitaine américain George Musulin, qui s’était déjà rendu quelques jours auparavant au Congrès de la jeunesse démocratique de Pranjani.
8Mihailović ouvre les travaux de son congrès et en donne le ton :
« Nous, l’armée et moi, estimons que seul le corps des représentants du peuple, l’Assemblée nationale, élu librement et conformément aux règles démocratiques, a le droit exclusif d’organiser l’État par la voie constitutionnelle. [...] Le problème des criminels de guerre se réglera par des conférences interalliées dont les décisions nous obligeront également5. »
9Les règles démocratiques auxquelles fait allusion Mihailović ne sont pas sans nous rappeler les principes énoncés et approuvés par les congressistes de Jajce. Tito applique avec un soin tout particulier « son droit exclusif » à organiser les élections qui lui donnent le pouvoir « constitutionnel » que Mihailović entend lui disputer à Ba. Toujours est-il que, malgré le nombre important de participants à ce congrès tchetnik, rares sont les intervenants croates et Slovènes, et totalement absents les Macédoniens. Nous ne connaissons pas de traduction française des résolutions, que nous donnons ci-après. Elles commencent par le paragraphe d’introduction suivant, titre – et sous-titre très significatif – compris :
« RÉSOLUTIONS DU CONGRÈS DE BA Le jour de Saint-Sava, 27.1.1944
Les représentants du mouvement de Ravna Gora ; les membres de tous les partis démocratiques de Yougoslavie qui, dans des conditions normales ou extraordinaires, obtenaient à chaque élection la confiance [des électeurs] à une forte majorité : le Parti radical, le Parti démocrate, le Parti des paysans serbes, le Parti socialiste, le Parti républicain, le Parti national yougoslave, hormis le Parti paysan croate avec lequel pour l’instant, en raison de l’occupation, il n’a pas été possible d’entrer en contact ; les représentants des grandes organisations populaires non politiques : culturelles, sportives et autres qui ont toujours réuni de grandes masses, et notamment la jeunesse ;
présents au grand Congrès populaire tenu les 25, 26, 27 et 28 janvier 1944 dans les montagnes libres yougoslaves et,
– après avoir écouté les déclarations des représentants du gouvernement royal yougoslave [en exil], du ministre de l’Armée, de la Marine et de l’Aviation, commandant de l’Armée yougoslave dans la Patrie, général d’armée, Draža Mihailović ;
– après avoir écouté le discours du Dr Stefan Moljević, avocat à Banja Luka [Bosnie], membre du Comité national central Yougoslave, le rapport du Dr Živko Topalović, journaliste de Belgrade, chef du Parti social-démocrate yougoslave, celui de l’ingénieur Vladimir Predavec, originaire de Dugo Selo près de Zagreb, celui d’Anton Krejči, venant de Maribor [Slovénie], ancien député de l’Assemblée yougoslave, membre du Parti national, ainsi que des représentants des autres partis démocrates de Slovénie, celui de Mustapha Mulalić, ancien parlementaire et publiciste de Lijevno [Livno, en Bosnie], celui de Velimir Jojić, directeur du lycée et ancien parlementaire membre du Parti démocrate d’Andrijevica [petite ville du Monténégro, située au sud de Podgorica] ;
– et après avoir entendu les déclarations des représentants d’autres groupements populaires non politiques, formulent les conclusions suivantes. »
10Cela dit, autant la première résolution des partisans réunis à l’AVNOJ de Jajce (que nous avons citée, du 29 novembre 1943) avait stigmatisé la personne et la fonction de Mihailović, autant les deux premières résolutions du congrès tchetnik de B a rendent à ce dernier dignité et reconnaissance :
« 1 – Le 27 mars 1941, la Yougoslavie, par son attitude et son entrée en guerre, a provoqué un retournement [de situation] et perturbé les plans de l’ennemi. Au prix de pertes énormes, le peuple de Yougoslavie a apporté sa contribution à la cause nationale et a facilité la position de la Grande-Bretagne et de l’Union soviétique. Bien que vaincue par l’écrasante supériorité de l’ennemi, l’armée yougoslave s’est réunie autour du premier organisateur de la résistance populaire, le général Draža Mihailović, et elle a résisté à l’ennemi en l’obligeant à garder des forces importantes dans les Balkans. De ce fait, la résistance yougoslave est aujourd’hui pleinement organisée.
Le Congrès salue, avec enthousiasme et une reconnaissance toute particulière, l’Armée populaire yougoslave qui, sous le commandement du général Draža Mihailović, s’est organisée dans la Patrie. Cette véritable armée populaire, sous le commandement de chefs populaires et sous la conduite experte d’officiers populaires, est en vérité le défenseur des libertés populaires et représente une partie de l’avenir étatique de tous les Yougoslaves.
2 – Le Congrès salue et approuve la déclaration du commandant de l’Armée yougoslave dans la Patrie, le général Draža Mihailović, selon laquelle lui-même et son armée sont et restent fidèles au responsable suprême Sa Majesté le roi Pierre II, à l’ordre constitutionnel et légal de la Yougoslavie, et ils respecteront le droit exclusif des organes nationaux librement et démocratiquement élus d’organiser l’État conformément à la Constitution.
Cela, d’autant plus que notre peuple a payé de ses morts le prix de la conquête de la démocratie, qu’il l’a instaurée et vécue à une époque où certains qui prétendent aujourd’hui la lui enseigner vivaient dans l’esclavage le plus sombre. C’est seulement grâce à la démocratie que la Serbie a été en mesure de fournir de grands efforts durant les guerres de libération entre 1912 et 1918. Fidèle à lui-même et en accord avec son passé démocratique, notre peuple a interrompu, le 27 mars 1941, le jeu fallacieux de la démocratie deux fois décennale et, au prix des sacrifices les plus durs – en mettant en question son État et son existence nationale –, il s’est rapproché des grandes démocraties occidentales dans le combat pour la liberté et l’égalité de tous les peuples, grands et petits, contre le nazisme, le fascisme et toutes sortes de dictatures.
De même, le Congrès salue la déclaration du général Mihailović, selon laquelle les affirmations de ceux qui prétendent que l’Armée yougoslave dans la Patrie appliquerait [en cette période de résistance contre l’occupant] des représailles collectives [contre les non-tchetniks] sont entièrement fausses ; la Yougoslavie a ses lois qui permettront [le moment venu] de juger les responsables des crimes de guerre et qui offriront aux innocents des garanties légales.
Le Congrès considère que ladite déclaration met fin à toutes les rumeurs fallacieuses qui attribuent au général Mihailović et à son Armée des visées non démocratiques et dictatoriales ; elle met fin aussi aux voix fallacieuses selon lesquelles des représailles collectives seraient appliquées, ou des agissement illégaux interviendraient, au moment du passage à la situation normale [de l’après-guerre]. »
11Quant aux résolutions nos 3 et 4, elles sont une réponse à la seconde décision du 29 novembre 1943 de l’AVNOJ de Jajce, que nous avons également citée. Elles font référence plus particulièrement aux points deuxième, troisième et quatrième de cette dernière. Elles concernent notamment l’affirmation de la reconnaissance des seules ethnies serbo-croato-slovènes, fondatrices du pays des Slaves du Sud à l’issue de la Première Guerre mondiale (résolution de Ba n° 3), et l’organisation du nouvel État fédéral, sous forme de monarchie constitutionnelle, parlementaire et héréditaire (ibid., n° 4) :
« 3 – Le Congrès considère comme une donnée historique importante pour l’avenir des Serbes, des Croates et des Slovènes le fait que ces derniers, au moment le plus critique de leur existence, unissent toutes leurs forces et que, dans la concorde et la fraternité, ils organisent la résistance contre l’ennemi et les dangers, d’où qu’ils viennent, qui menacent leur liberté et leur indépendance.
En ce sens, le Congrès prend acte avec satisfaction des déclarations de tous les représentants ici présents, membres des partis démocratiques, selon lesquelles ils se plient à la discipline populaire ; que, jusqu’au moment du renouveau de l’État et au retour à la normalisation, ils abandonnent leur activité de parti politique ; et ils forment une communauté nationale démocratique avec les membres du mouvement de Ravna Gora dont ils acceptent le programme.
Le Congrès salue avec joie et approuve les déclarations des groupes et des organisations non politiques nationaux, sociaux, artistiques et autres, hommes et femmes, qui se sont prononcés en faveur de cette action populaire.
Le Congrès donne pouvoir au Comité organisateur d’élargir, en accord avec les représentants de tous les groupes ci-dessus nommés, l’actuel Comité national central pour qu’il devienne la Direction nationale qui aidera le gouvernement royal et les forces armées de l’État à remplir leur tâche afin de libérer le peuple et de renouveler l’État.
4 – Le Congrès approuve le programme suivant :
a) La toute première exigence de la future Yougoslavie est celle de la restauration de l’État yougoslave à l’intérieur des frontières fixées par la conférence de la Paix, à l’issue de la Première Guerre mondiale ;
b) La Yougoslavie doit être organisée en État fédéral, sous forme de monarchie constitutionnelle, parlementaire et héréditaire, ayant à sa tête la dynastie Karadjordjević et, comme roi, Pierre II ;
c) Le Congrès considère que la solidité de la future Yougoslavie repose sur la formation, suivant un processus démocratique, d’une entité communautaire serbe au sein de l’État qui réunirait, sur des bases démocratiques, tout le peuple serbe à l’intérieur de son propre territoire. Ce principe doit s’appliquer aussi pour les Croates et pour les Slovènes ;
d) Chacune des [trois] communautés [serbe, croate et Slovène] de l’État [fédéral] doit avoir la possibilité de satisfaire ses besoins et ses intérêts économiques, culturels et sociaux sur la base d’une large autogestion nationale et populaire.
Les confins actuels entre la Serbie et la Croatie ne sont pas reconnus, car ils ont été établis en l’absence des représentants du peuple serbe ; il en va de même pour toute autre situation de fait créée avant ou pendant la guerre, soit par la force soit par le diktat de l’occupant ;
e) Le Congrès exprime le désir que, dans la réalisation de ladite organisation de l’État, soient garanties les conditions pour des réformes radicales : économiques, sociales, culturelles conformes à l’esprit du temps et qui correspondent au besoin des peuples serbes, croates et Slovènes afin que le principe démocratique ne s’exprime pas seulement dans le domaine politique, mais aussi sur le plan économique, social et culturel ;
Les citoyens de Yougoslavie jouiront de tous les droits et libertés politiques qui garantiront leur participation au fonctionnement de l’État et à son application autogestionnaire. Le développement culturel et la sécurité sociale seront assurés à chaque Yougoslave. »
12La résolution n° 5 est elle aussi une réponse à l’une des décisions prises le 29 novembre 1943 par l’AVNOJ de Jajce. Elle se rapporte plus particulièrement à la première que nous avons citée sous cette date, où il est question, entre autres, de l’interdiction qui est faite au roi Pierre II Karadjordjević de retourner au pays :
« 5 – Le Congrès constate que, conformément à la Constitution et aux lois yougoslaves, Pierre II est le roi du peuple. De ce fait, étant dans l’obligation de remplir tous ses devoirs royaux, personne dans le pays ou à l’étranger n’a le droit de l’en empêcher ou de l’influencer. Même le roi ne peut renoncer à accomplir sa tâche, notamment en temps de guerre, et cela jusqu’à ce qu’une élection libre de la représentation populaire l’en délivre par voie légale.
Ainsi, le Congrès proteste de la manière la plus énergique qui soit contre les décisions des minorités ustaše et communistes qui, désireuses d’imposer leurs idées révolutionnaires et de réaliser la politique du fait accompli, œuvrent dans le but d’usurper les droits nationaux et préjugent de la volonté populaire. »
13Naturellement, il fallait bien que le mouvement de résistance ennemi incarné par Tito fût condamné par les congressistes de Ba. C’est justement l’objet de la sixième résolution. Cependant, il y a lieu d’en souligner la dénomination adoptée, puisqu’il n’est nullement appelé « partisan », selon la formule marquante et ambiguë préférée de ses membres dirigeants, mais « communiste » :
« 6. – Le Congrès condamne l’action du parti communiste yougoslave, car il s’est placé en dehors de la communauté nationale. En créant sa propre armée, il s’efforce de détruire l’ancien régime et veut prendre le pouvoir pour imposer sa dictature. L’importance du parti communiste commence à régresser, parce que la majorité du peuple refuse la tendance révolutionnaire. Avec son action militaire, celui-ci a participé sans scrupules à la destruction du peuple en général et de la jeune génération en particulier.
Le mouvement communiste, en provoquant la guerre civile, amenuise la force de résistance populaire contre l’occupant. Le parti communiste yougoslave, dans sa stratégie consistant à renforcer ses points faibles, utilise d’une part la force pour mobiliser le peuple, menacé à la fois par les occupants et par les ustaše, et, d’autre part, accepte dans ses rangs les criminels de guerre et passe l’éponge sur tous leurs crimes. Cette manière de faire constitue une insulte aux victimes honorables privées de protection durant trois ans, elles qui sont la cible des occupants et de leurs serviteurs ustaše réunis.
Le Congrès condamne la tentative des responsables communistes qui se sont attribués, par une décision unilatérale, le droit de changer la Constitution yougoslave : leurs décisions sont nulles et non avenues. Le gouvernement [Ivan] Ribar-Broz [Tito]–[Moša] Pijade [allusion à l’AVNOJ de Jajce, 28- 29 novembre 1943] n’est nullement mandaté pour incarner la loi du peuple, mais constitue le résultat d’une confiscation opérée par le parti communiste yougoslave.
Le Congrès demande au parti communiste yougoslave d’arrêter ses actions destructrices sur le plan militaire et sur le plan politique, et de se soumettre [à l’autorité constitutionnelle] au même titre que tous les autres partis du peuple.
Les programmes sociaux et politiques ne s’appliquent dans l’État libéré qu’ après sa reconstitution par voie démocratique en accord avec la Constitution.
Le Congrès regrette tout à la fois l’insuffisance de l’information concernant la réalité de la situation de notre mouvement de libération et la partialité de certains de nos alliés qui ont attribué une importance exceptionnelle à l’action communiste. Le Congrès, dans l’intérêt de la Yougoslavie et des alliés de la Yougoslavie, espère que cette erreur sera corrigée ; d’autant plus que l’action des communistes est soutenue par leurs alliés allemands et d’autres criminels de guerre. »
14L’appel adressé aux Alliés – disons, en fait, aux Britanniques – dans la septième résolution est également remarquable et quelque peu poignant. Il leur est demandé de ne pas se détourner des « représentants légaux » yougoslaves, alors même que la situation évolue en faveur de Tito :
« 7 – Le Congrès exprime la confiance du peuple yougoslave : que le peuple, uni sous le commandement de grands alliés – les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS –, gagnera cette guerre mondiale dans laquelle la Yougoslavie est entrée en avril 1941 dans le but d’obtenir, par le biais de la guerre, liberté et démocratie. Le peuple yougoslave restera fidèle, il fera la guerre au côté des Alliés jusqu’à la victoire de la démocratie sur le nazisme, sur le fascisme et sur toute sorte de tyrannie et de dictature.
Le Congrès considère que le pacte de l’Atlantique est le fondement même de ce combat idéologique pour la justice de tous les peuples et de toutes les classes sociales.
Le Congrès espère que tous les Alliés resteront fidèles à ces idéaux dans le respect de la dignité de notre peuple en considérant notre État et ses représentants légaux comme alliés à part entière.
Conformément à ces principes, les représentants du peuple demandent à ce dernier de se regrouper dans cette nouvelle démocratie yougoslave, de rester uni et d’aider les militaires yougoslaves dans la guerre pour la rénovation de la Yougoslavie et pour la victoire de la démocratie mondiale6. »
15Né dans l’urgence, inspiré par l’actualité récente de l’AVNOJ de Jajce et par la tournure prise par les événements politiques internationaux défavorables au mouvement tchetnik, le congrès de Ba présente donc en des termes nouveaux le projet de la future Yougoslavie, conçu comme une fédération trialiste (Serbie, Croatie et Slovénie) démocratique : totalement différente à la fois du royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes institué en 1918, et du royaume de Yougoslavie de 1929. L’histoire ne dira évidemment jamais si un tel programme, conçu dans la « continuité yougoslave », eût constitué une meilleure solution aux problèmes de l’unité nationale, comparée à celle apportée par la Yougoslavie fédérative démocratique d’importation soviétique, imposée par la direction communiste du mouvement des partisans. Par contre, il nous est permis de constater l’implosion de la construction titiste après la disparition de son maître. Ainsi peut-on s’étonner du procès d’intention fait par les responsables du Haut Commandement des partisans, à l’époque du congrès de Ba, à l’encontre du mouvement tchetnik, et que Milovan Djilas résume dans les termes suivants : « Draža Mihailović avait déclaré que l’armée rendrait le pouvoir aux autorités civiles après la guerre, alors qu’il était évident que l’esprit du 6 janvier [allusion à la dictature du roi Alexandre, proclamée le 6 janvier 1929] et la mentalité de clique qui caractérisaient [son] mouvement ne pouvaient qu’évoluer vers une dictature militaire de type balkanique primitif7. »
16Il n’en demeure pas moins que, indépendamment du contenu desdites conclusions, l’appellation même du congrès de Ba permet à ses adversaires de formuler des critiques politiques de fond, sur la base d’une constatation de l’ordre du symbolique. Les participants décident en effet de le placer sous le signe du saint patron des Serbes, saint Sava (1174- 1235), dont on célèbre précisément la fête le 27 janvier. Le choix de la date du congrès n’est évidemment pas le fruit du « hasard [ibid., p. 378] », ironise Djilas. Rappelons que Rastko Nemanja, car tel était le nom du saint avant de s’appeler Sava une fois devenu moine, était le fils cadet de Stefan Nemanja (1168-1196). Ce dernier, auquel nous avons déjà fait allusion8, est celui qui « joua un rôle essentiel dans l’unification de la nation et la constitution de l’État serbe9 », à la fin du xiie siècle. Cela dit, dans un livre sur « le plus grand prédicateur de l’othodoxie serbe des temps nouveaux, l’évêque Nicolas Velimirović10 », voilà comment est résumée l’importance du saint fondateur de la littérature serbe et grand constructeur de célèbres monastères : « Saint Sava a été non seulement le premier archevêque de l’Église orthodoxe serbe, devenue autocéphale en 1219, mais aussi le véritable apôtre des Serbes. Il a affermi, approfondi et étendu la foi chrétienne qu’ils avaient adoptée bien avant sa naissance. Il est demeuré dans leur conscience religieuse, historique et culturelle la figure la plus lumineuse et la plus vivante. La Serbie est incompréhensible sans une connaissance de l’œuvre et de l’influence de saint Sava11. » Le 27 janvier, selon le calendrier grégorien (le 14 janvier selon l’ancien calendrier julien), avait été proclamé fête nationale en 1823, par le prince Miloš Obrenović12.
17La réaction des partisans au congrès de Ba est ainsi résumée par Djilas :
« [Étant donné le peu de] cohésion [et] d’efficacité [du mouvement de Mihailović], le Comité central n’attacha pas grande importance [à ce congrès, qui] se déroula le jour de la saint Sava [...], dont les communistes eux-mêmes ne niaient pas la grandeur. [...] Nous en parlions sur le ton de la dérision comme d’une pâle imitation de l’AVNOJ, mais, même en tant qu’imitation, ce congrès ne tirait aucunement à conséquence. [...] Le congrès de Draža n’eut pas plus d’écho à l’étranger. Malgré les inquiétudes que nous inspiraient les combinaisons étrangères concernant la Serbie et le fait que nos adversaires y étaient rassemblés, nous pouvions nous moquer de tout cela. La Serbie était désormais un devoir et non plus seulement un espoir. Devenus forts, notre haine se transforma en mépris et progressivement en arrogance13. »
18Quant à l’absence d’échos du congrès de Ba à l’étranger, cela ne veut strictement rien dire. Ou plutôt si ! Mais non dans le sens où l’entend Djilas. Car on peut se demander qui aurait pu produire cet écho si ce n’est ceux, notamment les Britanniques, dont la position favorable à Tito est désormais établie, au grand dam de Pierre IL En revanche, après la tournure prise par les événements yougoslaves, depuis la capitulation de l’Italie – qui avait permis aux « partisans [de se] taill[er] incontestablement le rôle d’élément principal de la résistance yougoslave14 »–, les responsables partisans ont raison de se sentir forts. Pourtant, par-delà leur esprit euphorique et moqueur de circonstance, ils sont conscients de l’instabilité de leur sort, c’est pourquoi ils ont aussi raison d’être inquiets et de continuer à courtiser Churchill à qui Tito écrit, le 3 février :
« Votre Excellence peut être assurée que nous ferons tout pour conserver votre amitié. [...] L’aide apportée par nos alliés améliore considérablement notre situation sur les champs de bataille. [...] Je comprends parfaitement les engagements que vous avez envers le roi Pierre et son gouvernement [... Cependant] le peuple [s’est] assigné des missions difficiles et nous sommes tenus de les remplir. Pour le moment, nous tournons nos efforts vers un seul but, c’est-à-dire : rassembler tous les éléments patriotiques et honorables en vue de donner la plus grande efficacité possible à notre action contre les envahisseurs ; réaliser entre les nations yougoslaves l’union et la fraternité qui n’existaient pas avant la présente guerre et dont l’absence a provoqué la catastrophe dans notre pays ; créer les conditions nécessaires à l’établissement d’un État où toutes les nations de la Yougoslavie se trouveront heureuses, c’est-à-dire [...] une Yougoslavie vraiment démocratique, une Yougoslavie fédérative [ibid, p. 148], »
19Après quoi, ayant eu la confirmation par une lettre de Churchill, du 5 février, que le Premier ministre britannique est réellement armé de bonnes intentions envers le mouvement des partisans et son chef (ibid., p. 149-150), dans sa réponse du 25 février, Tito fait preuve d’une fermeté, sinon encore de l’arrogance dont parle Djilas, qui ne laisse aucun doute sur l’issue de la partie qui est en train de se jouer entre le monde ancien yougoslave et le monde nouveau titiste. L’extrait publié dans les mémoires de Churchill vaut la peine d’être cité en entier, car il est un petit chef-d’œuvre de mise en scène d’un fonctionnement démocratique caractérisé au sein des hautes instances du mouvement des partisans :
« J’ai été obligé de consulter les membres du Comité national de libération de la Yougoslavie et les membres du Conseil antifasciste de libération nationale. L’analyse de ces questions a conduit aux conclusions suivantes :
1. Le Conseil antifasciste de libération nationale yougoslave a confirmé, comme vous le savez, à sa seconde réunion [lire : session], le 29 novembre 1943, qu’il était fermement partisan de l’union des nations yougoslaves. Cependant, cette union ne peut pas être complète tant qu’il y aura deux gouvernements, l’un en Yougoslavie et l’autre au Caire [à cette époque]. Ce dernier doit donc être supprimé et, avec lui, Draža Mihailović. Il aura à répondre devant le gouvernement du Conseil antifasciste de libération nationale du gaspillage de sommes énormes appartenant aux finances publiques.
2. Le Comité national de libération de la Yougoslavie sera reconnu par les Alliés comme le seul gouvernement yougoslave et le roi Pierre II, en conséquence, se soumettra aux lois du Comité national de libération de la Yougoslavie.
3. Si le roi Pierre accepte toutes ces conditions, le Conseil antifasciste de libération nationale ne refusera pas de collaborer avec lui, sous réserve que la question de la monarchie sera décidée par la libre volonté du peuple après la libération complète du pays.
4. Le roi Pierre II publiera une déclaration annonçant que seuls les intérêts de sa patrie lui tiennent à cœur, qu’il désire la voir libre et organisée selon la décision du peuple librement exprimée après la guerre, et qu’il fera d’ici là tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir les Yougoslaves dans leur lutte difficile...[ibid., p. 150]. »
20Mais cela ne semble pas décourager Churchill qui, malgré tous les reproches de Pierre II, aura quand même fort insisté auprès de Tito pour essayer de sauver le roi et la monarchie yougoslaves, comme le montre cet extrait de la lettre que le Premier ministre britannique adresse au chef des partisans, le 25 février : « En attendant, ne pouvez-vous m’assurer que, si le roi Pierre se libère de Mihailović et de ses autres mauvais conseillers, vous l’inviterez à rejoindre ses compatriotes sur le champ de bataille, sous réserve que les nations yougoslaves seront libres de décider de leur Constitution après la guerre ? [...] J’espère [...] que vous pourrez, après réflexion, modifier vos demandes et nous permettre à tous deux de travailler à l’unification de la Yougoslavie contre l’ennemi commun [ibid., p. 151]. »
Notes de bas de page
1 Pierre II de Yougoslavie, La Vie d’un roi, op. cit., p. 155.
2 Les Américains envoient leur première mission de liaison au QG tchetnik, le 18 août 1943, composée dans un premier temps du seul capitaine Walter S. Mansfield, qui est parachuté en Serbie, sur le mont Čermemica, non loin du village d’Ivanjica (situé à un peu plus d’une trentaine de kilomètres à vol d’oiseau, au sud de Pranjani), le lieu de naissance de Mihailović. Mansfield va trouver sur place deux Britanniques : le capitaine anglais Duane Tyrrel dit Bill Hudson, qui avait été l’un des quatre membres de la première mission britannique (Bullseye : « IEil de bœuf », arrivée en Yougoslavie le 20 septembre 1941 : voir p. 50, note 8 ; et le colonel William Bailey, arrivé le 25 décembre 1942 pour remplacer Hudson et appartenant lui aussi au SOE, qui lui a confié la mission délicate de trouver un remplaçant à Mihailović dont Churchill veut absolument se débarrasser. Cela permet de comprendre pourquoi les relations entre Mihailović et Bailey aient pu se tendre au fil des mois. Rappelons que c’est aussi Bailey que Pierre II rencontre, entre autres (Churchill, Deakin, Maclean...), au Caire, peu après la conférence de Téhéran. À la suite du premier rapport favorable envoyé par Mansfield depuis le QG tchetnik, l’OSS lui adjoint en septembre 1943 trois collaborateurs, dont précisément George Musulin, les deux autres étant le lieutenant-colonel Albert Seitz et le colonel Robert McDowell.
3 Zvonimir Vučković, Od otpora do gradjanskog rata, London, Veritas Fundation Press, 1984, p. 92-93.
4 En juin 1944, Živko Topalović s’envole depuis l’aérodrome de Pranjani pour Bari, en Italie, où d’autres personnalités yougoslaves se trouvent déjà, dans le but de faire pression sur les Alliés, avec l’espoir de les convaincre (notamment en la personne du maréchal britannique Harold Wilson) de soutenir la cause tchetnik.
5 Jean-Christophe Buisson, Héros trahi par les Alliés, le général Mihailović, 1893-1946, Paris, Perrin, 1999, p. 196.
6 Ravnogorska Istorija, IKP Euro, Belgrade, 1992, p. 251-253. Le texte original est conservé à la Bibliothèque nationale de Serbie, sous la cote II / 135199.
7 Milovan Djilas, Une guerre dans la guerre, op. cit., p. 379.
8 Voir p. 18, note 2.
9 Nicolas Velimirović, Vie de saint Sava, Lausanne, L’Âge d’Homme & Diocèse orthodoxe serbe d’Europe occidentale, 2001, p. 13.
10 Nicolas Velimirović (1880-1956) est né en Serbie, près de Valjevo. Évêque, théologien, philosophe, poète. Il est déporté au camp de Dachau par les nazis avec le patriarche Gavrilo Dožić. Ayant échappé à la mort (contrairement au patriarche), il choisit de s’exiler aux États-Unis pour y exercer son œuvre missionnaire au sein de l’émigration serbe (où il meurt), plutôt que de rentrer dans la Yougoslavie titiste, pour ne pas y exercer son apostolat sous la contrainte du nouveau pouvoir.
11 Nicolas Velimirović, Vie de saint Sava, op. cit., p. 7.
12 Exaspéré par le fait que « les monastères serbes étaient les principaux foyers de résistance contre les Turcs » et averti que le monastère de Mileševo où se trouvait le sarcophage du saint « était devenu un lieu de pèlerinage », le sultan Mohamed III ordonne à son représentant Sinan Pacha « de mettre fin une fois pour toutes à la révolte serbe, en utilisant tous les moyens à sa disposition. [...] Alors, Sinan Pacha ordonna de faire transporter le corps de saint Sava à Belgrade afin de l’y brûler. [...] Dans l’un des faubourgs de Belgrade appelé Vračar, un bûcher avait été préparé. [...] Et c’est là, le 27 avril 1595, que le corps de saint Sava fut brûlé et transformé en cendres » : Nicolas Velimirović, Vie de saint Sava, op. cit., p. 155.
13 Milovan Djilas, Une guerre dans la guerre, op. cit., p. 378-379.
14 Winston CHURCHILL, Mémoires, op. cit., tome 10, p. 143.
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