Non-prolifération et coopération nucléaire de la France : les débuts de la Ve République
p. 305-317
Texte intégral
1En 1958, la coopération internationale nucléaire de la France est déjà – depuis 1940 et le départ pour l’Angleterre des physiciens Hans Halban et Lew Kowarski – une composante majeure de son effort nucléaire. En 1945 cependant, dans les heures qui suivirent le bombardement de Hiroshima, le président des États-Unis condamnait par avance toute tentation de dissémination de ces techniques, posant ainsi les fondements de la doctrine de non-prolifération : « La bombe atomique est trop dangereuse pour être confiée à un monde sans loi, prévenait-t-il dans une allocution radiodiffusée. C’est pourquoi la Grande-Bretagne, les États-Unis et le Canada qui ont le secret de sa production n’ont pas l’intention de le révéler, tant qu’on n’aura pas trouvé de moyens pour contrôler cette bombe et nous protéger, nous et le reste du monde, d’une destruction totale. Nous devons nous constituer nous-mêmes en dépositaires de cette nouvelle force, afin d’éviter qu’il en soit fait un dangereux usage, et d’en orienter l’utilisation pour le bien de l’humanité1 ». La diplomatie américaine parvient, en 1958, à la mise en place emblématique d’une Agence internationale de l’énergie atomique. Or, cette création intervient également dans un contexte technologique fort propice aux échanges, en particulier dans le domaine des vecteurs ; pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le « tournant des missiles » offre en effet à la France la possibilité de bénéficier de certains transferts de connaissances nucléaires militaires de la part des États-Unis. À l’échelon international, la question de la coopération devient alors fort complexe. Plus complexe encore pour la France quand s’y mêle la méfiance viscérale du chef de l’État français, le général de Gaulle, à l’égard de tout ce qui pourrait être interprété comme une atteinte au sacre de l’indépendance nationale, objectif suprême de sa politique nucléaire2. Malgré ces interdits multiples, force est de constater que la demande de la France en la matière persiste. Les débuts de la Ve République lui fournissent même une trame tout à fait prometteuse ; entre 1958 et 1961, avec le passage aux engins, la base du réseau français de dissémination de l’information, d’abord concentré sur le seul CEA fabriquant de la bombe, s’élargit aux Armées ; placée à dessein au niveau industriel, une certaine faisabilité technique des échanges offre, au cas par cas, une relative marge de manœuvre vis-à-vis des impératifs politiques ; enfin, cette situation ouvre la voie à une prolifération contrôlée entre alliés, dont l’année 1961 produit un modèle pour l’avenir.
LES ENGINS SPÉCIAUX : RELAIS DE L’ARME, VECTEURS DE PROLIFÉRATION
2À la fin de la IVe République, la réalisation d’un engin sol-sol balistique stratégique à longue portée (SSBS) qui serait muni d’une charge nucléaire, devient un objectif prioritaire. « Nous avons beaucoup travaillé sur cette question », témoigne l’ingénieur-général Roger Chevalier3. Mais si les recherches ne sont pas neuves – elles reposent en particulier sur l’héritage allemand4 – elles connaissent un véritable retard par rapport à la réussite américaine. La section des engins spéciaux du Service technique aéronautique des Aimées lance, en 1956, sa première étude systématique sur les engins à propulser à 2 500-3 000 km,5 à cette date les États-Unis ont déjà passé commande de l’Atlas, à longue portée, et des Jupiter et Thor à moyenne portée6. Les Français, désireux d’épargner à leur pays de coûteuses recherches placent alors, en partie, leur espoir dans le développement de relations extérieures. Dans le sillage des contacts entretenus par le CEA depuis ses origines, les propositions de coopération s’adressent alors à l’Italie, l’Allemagne,7 aux États-Unis8, et à Israël.
3Le développement de cette diplomatie nucléaire, assurée dans un premier temps par le seul Commissariat à l’énergie atomique, est, au temps des engins, relayé par les Armées. Ce sont les ingénieurs militaires et leurs directions – regroupées en 1961 au sein de la Délégation ministérielle pour l’armement (DMA) – qui assurent le rôle de gardien de la continuité technique en regard d’une négociation politique jugée particulièrement aléatoire. Beaucoup alors pensent comme l’ingénieur-général Georges Fleury qui, en mai 1958, considère que, si des négociations sont en cours, elles « ne doivent pas ralentir nos efforts, d’abord parce que plus nous aurons avancé dans la technique plus seront faciles les négociations et la mise en œuvre et ensuite parce qu’il n’est pas certain à 100 % que les négociations aboutissent9 ». Aussi, le Directeur des Poudres fait-il en sorte d’entretenir les contacts par « voie directe » – c’est le cas par exemple avec la société Aérojet pour la propulsion de type Polaris10. En mars 1958, la double mission aux Etats-Unis du général Crépin, Inspecteur général des fabrications et programmes des Forces armées11, a constitué un précédent déterminant. L’épisode, témoigne en effet Roger Chevalier, « eut, à mon sens, une importance qu’il n’est pas possible d’occulter. À la suite de ces missions, le général Crépin, prit des initiatives importantes12 ». Les Américains, rapporte ce dernier, « ont cinq ans d’avance sur nous, [...] nous avons ramené beaucoup de renseignements [...] plus que nous n’en aurions obtenus par des travaux dans nos labos13 ». À la veille de l’installation du Cabinet de Gaulle, Jean Crépin se déclare formellement opposé à la mise en chantier de toute étude en dehors de l’aide américaine ; il ne faut pas, préconise-t-il, « se lancer à la légère, nous ne sommes pas suffisamment riches [...] pour entreprendre des travaux non directement applicables14 ». En conséquence, de nombreux programmes sol-air et air-air sont arrêtés sur-le-champ et les ingénieurs militaires optent pour l’achat de licence du Hawk, qui introduit en France la propulsion à poudre composite. Dans l’ensemble, le général Crépin se montre prudent vis-à-vis de ce qu’il considère comme des « contingences politiques » ; si celles-ci, prévoit-il, « nous empêchent de retirer de ce processus tout le bénéfice que nous en attendons. Il convient [...] en fonction de cette éventualité, de considérer le problème du sol-sol 3 000 km comme un tout, dont le Polaris ne constitue qu’une solution ». Avec l’arrivée du général de Gaulle, en juin 1958, la marge de manœuvre se fait plus étroite encore.
CADRE OTAN OU/ET SOLUTION BILATÉRALE ?
4Les projets de coopération amorcés sous la IVe République marquent un coup d’arrêt le 17 juin 1958 ; le général de Gaulle, en Conseil de défense, décide de mettre fin immédiatement au protocole militaire signé avec l’Allemagne et l’Italie, ainsi qu’aux accords en cours avec Israël, refusant ainsi le risque de voir proliférer les armes atomiques. Dans le même temps, il donne au mois de juillet pour instruction à son ministre des Armées, Pierre Guillaumat, alors en cours de négociations avec les États-Unis, de suspendre tout contact avec ce pays jusqu’à nouvel ordre15. Sur le plan technique, la rupture n’est cependant pas souhaitée par tous ; le 4 août, le général Crépin présente à la signature du ministre une directive donnant la priorité à l’étude, en France, d’un engin SSBS à tête thermonucléaire. Pierre Guillaumat, comme ses ingénieurs, considère que l’étude et la fabrication d’un engin SSBS en France, « ne peuvent aboutir qu’avec une collaboration américaine étroite et continue et qu’il ne saurait être question, au moins dans les premières années, de chercher à avoir une technique SSBS française qui nous soit propre16 ». Prudent, il prescrit que les études et fabrications françaises « viseront à satisfaire à la fois des besoins OTAN et nos besoins nationaux ; elles s’effectueront dans un cadre OTAN17 ». Mais tout en préservant le programme national « afin de rendre optimum notre position vis-à-vis de l’OTAN au cours des négociations préparatoires » l’étude d’un projet « sera poussée au maximum ». L’ingénieur-général Louis Bonté, à la Direction technique et industrielle de l’aéronautique, s’il estime à son tour, le 23 octobre, qu’il est « absolument exclu que nous puissions mettre 400 milliards dans une telle entreprise » souhaiterait aller au-delà du cadre fixé par le ministre, en concluant « qu’il faut obtenir des États-Unis une discussion bilatérale et se débarrasser de l’OTAN18 ». Considérant que « la fabrication en France d’un engin national sans aide étrangère est utopique19 », son projet repose sur l’utilisation d’éléments américains dans la réalisation d’un engin français pour avancer dans les techniques de propulsion, « le point le plus inquiétant » pour les ingénieurs français. « La fabrication en France d’un engin national, estime Louis Bonte, à partir d’accords de coopération franco-américains, pris à l’échelon d’industriels, et par développement du SSBT, est possible20. » L’Alliance atlantique ne devra être mise dans la course qu’au moment de la production. Une coopération anglaise semble également concevable, sous forme d’échanges de renseignements. Quant à « la fabrication en Europe, sur un plan multinational, d’un engin qui serait soit la copie d’engins américains existants (Polaris ou Minuteman) soit la réalisation d’un projet européen utilisant au maximum des éléments et une aide technique américaine », cette solution est « compte tenu du précédent Hawk, d’un aboutissement douteux21 ». Quelle que soit l’hypothèse retenue, « il importe de développer nos connaissances en la matière en poussant l’étude SSBT et les travaux préliminaires du SSBS ; la formation d’une société nouvelle d’engins SSBS-SSBT facilitera la concentration des moyens existants et les contrats industriels avec les États-Unis ». Malgré la contrainte politique, la distinction opérée entre coopération industrielle et coopération étatique ouvre l’horizon.
5Certains responsables militaires français, cependant, ne désespèrent pas d’obtenir cette coopération étatique franco-américaine franche et exprimée sur un plan politique. Devant le Comité technique des forces armées, le général Lavaud réaffirme, le 13 février 1959, sa confiance en son avènement prochain, notamment grâce à la modification de la loi MacMahon, intervenue le 2 juillet 195822. Nul doute, à ses yeux, que la France est concernée tant elle se rapproche de ses premiers essais nucléaires : « Nous sommes en droit [...] d’espérer, avance-t-il, qu’à partir du moment où nous serions dans les faits puissance atomique, les États-Unis, comme ils le font actuellement pour l’Angleterre, pourraient, pour la mise au point de ces têtes, nous apporter une aide technique et qu’ainsi nous pourrions progresser plus rapidement23. » Cette analyse se trouve alors largement répandue chez les militaires comme chez les politiques.
UNE CERTAINE FAISABILITÉ TECHNIQUE
6Des décisions concrètes s’imposent ; le 24 mars 1959 se tient une réunion, sous la présidence du ministre des Armées, au cours de laquelle, en présence du général Lavaud, sont étudiées les caractéristiques à adopter pour la charge militaire d’un SSBS. Pierre Guillaumat se veut pragmatique ; il faut « admettre, dit-il, les caractéristiques américaines pour la tête du programme commun ; pendant le délai qui s’écoulera jusqu’au moment où l’engin lui-même sera opérationnel, les problèmes politiques auront évolué ou bien nous obtiendrons à notre seule disposition des charges américaines24 ». Dans le même temps, la mise au point des structures industrielles adéquates pour l’étude et la réalisation des principaux éléments de l’engin, doit être poursuivie25. D’autant que le flux d’informations OTAN permis par les Etats-Unis, principalement en provenance d’Angleterre, n’est pas satisfaisant. Le général de Gaulle s’emporte en reprochant aux États-Unis, le 25 avril 1959, de « garder [leurs] secrets vis-à-vis de la France, ce qui oblige à les découvrir d’elle-même et à grand frais26. » Mais aux interdits politiques, répond une relative faisabilité sur le plan technique. Ainsi, alors qu’est signé un accord sur la fourniture d’uranium pour le prototype à terre du premier sous-marin français27, un expert américain est à Paris ; des coopérations seraient possibles, assure ce dernier – soit par entente directe entre gouvernements au moyen de négociations bilatérales, soit au moyen d’arrangements pris individuellement par les entreprises commerciales entre elles28. L’ouverture de ces négociations ne serait pas, comme pour le Hawk, subordonnée à un accord multipartite européen sur une fabrication intégrée mais simplement à un accord européen sur un type d’engins. Ce qui a pour avantage d’élargir la fenêtre des possibilités ; « Il semble [...] que des négociations bilatérales puissent être rapidement entamées avec les États-Unis », note-t-on à la DTIA tout en soulignant que ces dernières « doivent avoir un caractère essentiellement technique29 ».
7Dans le cas d’un engin OTAN, si la France l’envisage, la préoccupation majeure exprimée par le ministère porte cependant sur le maintien des intérêts nationaux. On réclame que les structures à mettre en place pour l’étude et la production d’un tel engin privilégient « le rôle pilote de la France30 ». Pour se faire, si des répartitions de tâches entre les nations sont souhaitables, elles doivent correspondre et profiter, avant tout, au processus de production national ; ainsi, ces dernières « seront envisagées entre les industries des pays participants, compte tenu des renseignements que nous possédons déjà sur l’orientation de ces pays et également de l’opportunité de conserver pour notre compte l’emprise technique la plus grande possible sur l’ensemble du programme31 ». Finalement, la France opte pour le développement d’un engin SSBS destiné à satisfaire à la fois les besoins français et ceux de l’OTAN32. Mais la construction d’un tel engin, menée en collaboration avec des équipes américaines, doté d’une charge nucléaire américaine, s’avère fortement compromise par l’exigence française de contrôle sur ces armements33.
8La coopération avec Israël, dans le prolongement des contacts établis par le CEA depuis 1949, figure un autre relais de l’entreprise française. Du 25 octobre au 6 novembre 1959, une mission des ingénieurs militaires français a lieu dans le pays hébreu pour l’étude et la fabrication du Jericho, un missile d’une portée de 50 à 400 km34. Une vingtaine de chercheurs dirigés par le professeur Ernst Bergmann, Président de la Commission atomique israélienne et Directeur de l’Institut Weizman, se sont attelés aux études chimiques. À l’issue de leur rapport, les experts de la DTAI, notent dans leurs carnets : « Aide à attendre de la France. Coopération éventuelle35 ». Comme dans le cas des accords avec le CEA, les recherches et applications israéliennes viennent nourrir le programme français.
ENGIN RUSTIQUE OU SYMBOLE DE PUISSANCE NATIONALE ?
9Au début de l’année 1960, le projet d’engin balistique dans le cadre de l’OTAN est abandonné. Les transferts technologiques en cours cessent. L’Angleterre, qui décide d’abandonner le modèle Blue Streak de première génération, propose bien aux Français d’assurer le relais face au retrait américain. Mais l’idée fait long feu36. Seuls, les ingénieurs militaires français doivent faire face aux problèmes relatifs à la propulsion, à l’entrée dans l’atmosphère, au guidage inertiel et au pilotage. Les spécificités de la charge nucléaire restent également mal connues37. Les conseillers militaires du ministre constatent, avec un certain dépit, que « sur le plan politique, la recherche d’appuis étrangers dans un domaine aussi fondamental que celui des armes de dissuasion s’est avéré extrêmement décevante depuis près de trois ans, malgré des déclarations de bonne volonté prometteuses38 ». Il s’agit par conséquent de construire un engin français coûte que coûte ; « la réalisation à brève échéance d’un engin de conception et de technique nationales est la meilleure sauvegarde que l’on puisse trouver à notre indépendance39 ». Dans ce cas, quelle technique choisir ? Pour quel objectif ?
10Deux thèses sont alors en présence : d’une part, celle des tenants de la SEREB, qui manquant de données pratiques, ont appuyé leurs prévisions sur les renseignements fournis par l’étranger, notamment par les Etats-Unis ; « Cela les conduit ispso facto à utiliser des techniques relativement poussées, inspirées de celles utilisées outre-atlantique et permettant de mettre au point du premier coup des matériels d’une classe comparable à celle des matériels américains », selon le conseiller du ministre40. Cela revient à renoncer à toute réalisation à court terme tout en créant une vaste infrastructure industrielle. D’autre part, le programme développé à Vernon, plus modeste, vise à démontrer, dans une première phase, l’aptitude française à réaliser l’emport à 3 000 km d’une charge nucléaire nationale, en construisant un engin, quel qu’il soit, capable de cette performance. Ces derniers considèrent en effet qu’« entre la possession de cet engin et le déploiement d’un système d’armes opérationnel, d’importants efforts sont nécessaires. [...] On ne peut pas les envisager dès aujourd’hui si l’on considère que le tir d’un engin à 3 000 km présente une valeur intrinsèque insuffisante, du point de vue politique par exemple ». Cette option « est la seule qui conduise à court terme à des résultats positifs et directement exploitables sur le plan politique. Elle paraît donc devoir être retenue ». À cet égard, le choix de la propulsion liquide se pare également de vertu politique, car elle serait « la manifestation la plus tangible de notre volonté de réaliser rapidement un engin national apte à l’emport de charges lourdes41 ». Le 16 mai 1960, lors d’une réunion consacrée au SSBS français, le général Lévêque se prononce en faveur d’un « engin politique, charge à transporter (750-1 200 kilos ; 1 200-2T), le plus rapidement possible, le plus loin possible » et d’ajouter : « Engins militaires : ne sont pas perdus de vue42 ».
NÉGOCIATIONS DIPLOMATIQUES ET ÉCHANGES TECHNIQUES
11Au printemps 1961, à l’occasion de la visite du président Kennedy au général de Gaulle, le Département d’État américain se livre à un bilan des transferts d’informations faits aux alliés, qui, rappelle le président américain, doivent être traités sur un pied d’égalité43. On apprend que la Grande-Bretagne a accès à tout type d’information classifiée, concernant le domaine militaire et les sous-marins. Son information se déroule en vertu des accords de coopération passés avec les États-Unis et sur la base du « besoin d’en connaître »44 ; avec l’Allemagne, un accord nucléaire, limité aux aspects opérationnels et d’entraînement des forces armées a également été conclu. Enfin, si la France a reçu jusqu’en mars 1960 de nombreuses informations classifiées concernant les missiles balistiques stratégiques, aucun accord de cette nature n’a été passé avec ce pays45. Les transferts existants, équivalents à ce qu’ont reçu les autres membres de l’OTAN, ont eu lieu sur la base du « besoin d’en connaître » et au « au cas par cas » – la plus grande part, émanant de la Grande-Bretagne, après autorisation des États-Unis46. En mars 1960, les États-Unis tentent d’interrompre, semble-t-il avec difficulté, le flux d’informations sensibles en provenance de sociétés industrielles, notamment sur les équipements de guidage47. La vente de Pershing, en cours de discussions, s’avère cependant possible puisque la France, estiment les services de renseignements américains, pourrait disposer d’une « force symbolique d’IRBM » dotée de têtes nucléaires de faible puissance dès 1964-1966. « Une relation plus large, plus libre entre non seulement les scientifiques américains et français, mais aussi les firmes américaines et françaises et le personnel du gouvernement, dans ces domaines particuliers, permettrait un développement plus rapide de la capacité recherchée48. » Mais au préalable, et dans un souci de normalisation, le Département d’État recommande la signature avec les Français d’un accord en vertu de l’article 144b de la loi MacMahon de 195849.
12Après un an de négociation, l’« Accord entre le gouvernement des États-Unis d’Amérique et le Gouvernement de la République française relatif à la mise en œuvre de systèmes d’armes à des fins de défense mutuelle », est signé, en secret, à Paris, le 27 juillet 196150. Le texte détermine que la communication de renseignements est limitée à ce qui est nécessaire pour donner une aptitude atomique requise par les besoins de l’OTAN et reste en cela conforme aux accords de Défense mutuelle déjà conclus par les États-Unis avec sept autres pays alliés. En pratique, il est destiné à encadrer l’échange d’informations en matière de technologie des armes qui doivent équiper les forces françaises d’Allemagne, en particulier les Honest John51. Selon une version française, issue des archives du Département d’État américain, le texte prévoit : « l’échange de renseignements et le transfert des parties non nucléaires de systèmes d’armes atomiques impliquant des données réservées », les deux parties reconnaissant « que leur défense et leur sécurité communes seront améliorées par l’échange de renseignements concernant l’énergie atomique et par le transfert de certains types d’équipement ». Sur le plan des relations avec d’autres pays, il est précisé que « rien dans cet accord ne sera interprété ou utilisé pour restreindre la consultation ou la coopération dans tous les domaines de la défense entre l’une des Parties et d’autres nations ». Cet accord du 27 juillet 1961, s’il reste relativement anodin dans sa portée immédiate, apparaît sur le plan historique comme l’amorce d’un aménagement des échanges atomiques militaires entre la France et les Etats-Unis.
13Sur le front de la diplomatie, au début de l’année 1962, pas moins de quatre demandes d’assistance de la part de la France sont relayées par l’ambassadeur James Gavin : un jour, il s’agit de recevoir des missiles ou toute information qui hâterait la production française, l’autre jour il s’agit de suggérer que les États-Unis conservent la garde des têtes nucléaires alors que les Français pourraient monter leurs propres têtes nucléaires sur des missiles américains52. Pour les Français, il s’agit d’avancer sur le terrain du cas par cas en jouant sur la multiplicité d’usage des matériels requis et l’ambivalence des limites définies par la législation américaine. L’ambassadeur Gavin, à plusieurs reprises, demande que la position de son administration soit réexaminée, pour ce qui concerne l’achat de technologies dans le domaine nucléaire ou balistique. Le ministre des Armées Pierre Messmer, lui-même, adresse aux États-Unis des demandes, les 27 janvier et 13 février, marquant l’intérêt de la France pour certains types de compresseurs et d’équipements53. La réaction personnelle du président Kennedy intervient comme un rappel à l’ordre face à ce qu’il considère comme une attitude par trop ambiguë de la part de certains membres de son administration eu égard à la politique de non-prolifération prônée par le Département d’État ; pour John F. Kennedy, ce n’est pas la politique actuelle des États-Unis que d’entreprendre toute action susceptible d’apporter une aide « significative ou directe » à la France dans l’obtention « d’une tête nucléaire indépendante destinée à la mise en œuvre d’une capacité indépendante de livraison d’armes nucléaires54 ». En retour, les Français font montre d’une relative désespérance vis-à-vis de l’allié américain, qu’ils jugent injuste et incohérent. Refusant la légitimité de la lutte contre la prolifération appliquée entre alliés, l’ambassadeur François de Rose, en charge des questions atomiques au ministère des Affaires étrangères, en vient à considérer devant le général Norstadt que tout le problème entre les deux pays réside dans l’absence d’une réelle coopération atomique. Le 13 janvier, le Commandant en chef du secteur Europe de l’OTAN relève un certain découragement chez son interlocuteur : « Il semble comme résigné au fait que nous n’aiderions pas la France directement dans le domaine des armes et déplore que, par conséquent, les Français, après avoir placé beaucoup d’argent et d’effort dans un programme d’armes nucléaires, aboutissent à un système obsolète et inefficace55. » L’ambassadeur De Rose entend bien que les Américains ne peuvent fournir de données sur la circulation des armes, mais ne comprend pas pourquoi ces derniers ne pourraient apporter aux Français une aide « en rapport avec le savoir-faire et les matières critiques » qui y ont trait. Si les États-Unis assistaient la France, assure François De Rose, la France pourrait participer sur un pied d’égalité aux négociations de Genève, et pourrait elle-même apporter son aide à la politique américaine de non-prolifération en empêchant toute prolifération additionnelle. Avant de menacer : la France a des intérêts légitimes que les États-Unis devraient comprendre, si ceux-ci ne sont pas compris, la France pourrait être en position de contribuer à la prolifération.
14Début mars, alors que les Américains attendent la mission du général Lavaud, Délégué ministériel pour l’armement depuis le 5 avril 1961, le Secrétaire d’État américain propose un réexamen global de la situation avec la France. Foy D. Kohler, Conseiller du Secrétaire d’État américain, rappelle, sur instruction de ce dernier, que le gouvernement américain ne discutera pas avec les Français de la fourniture de missiles, de composants ou de technologie. Même si « cette position peut mettre en danger la mission Lavaud et empêcher des arrangements avec les Français qui soulageraient notre balance des paiements56 ». Au Pentagone, le 14 mars 1962, le DMA se refuse à placer la conversation sur un plan politique ; « je suis venu ici inspiré par le désir de trouver des points d’accord et je ne suis pas qualifié pour discuter de toute question politique », annonce-t-il au préalable avant d’adresser aux Américains une liste de requêtes matérielles précises57. En ce qui concerne les missiles, le DMA sollicite des contacts pour la recherche et développement ou l’obtention de licences pour la propulsion, le guidage, le corps de rentrée, les composants, les plates-formes inertielles, un combustible propulsif et d’équipements radar58. Les techniques ciblées ne sont rien d’autre qu’une extension sur le plan technique des demandes formulées préalablement sur un plan politique. Frappée du sceau du malentendu, la mission Lavaud, qui se déroule du 5 au 16 mars, est interprétée par McGeorge Bundy comme une simple tentative d’achat de l’assistance américaine59. Si au lendemain de la mission, le journal Le Monde se fait l’écho de rumeurs d’une modification possible de la politique américaine à l’égard de la France, le nouveau plan de désarmement présenté à Genève, et qui prévoit notamment de façon plus précise l’obligation pour les puissances nucléaires de ne transmettre ni armes ni secrets atomiques à ceux qui n’en possèdent pas, vient soutenir le statu quo américain60.
15Mais l’effort nucléaire français, depuis 1945, a appris à emprunter d’autres voies. D’une part, celle des relais industriels ; il en est ainsi de la commande par Israël à la GAMD, le 10 septembre 1962, du Jericho, dont Dassault reprend l’étude à ses frais avec l’accord de la DMA pour l’étude et la production en série d’un missile sol-sol61. D’autre part, celle de la coopération globale entre alliés dans le domaine de l’armement. Celle-ci se ménage comme on l’a vu, à partir de 1961, une collaboration conditionnée et sectorisée dans le domaine nucléaire. Il en va de même, sur proposition américaine, du domaine de la guerre biologique et chimique62. Ainsi, en septembre 1962, en préparation de la création du Comité Directeur franco-américain dans le domaine des programmes d’études et de réalisations de matériel de guerre, la DMA envisage la création d’un groupe qui « coordonnerait les programmes de recherches des deux pays, contrôlerait l’échange des informations et proposerait les mesures propres à la mise en pratique de la coopération dans les domaines particuliers ou celle-ci est possible63 ». Si certains, tel McGeorge Bundy, considèrent cependant que « l’effort français pour développer les missiles est une part intégrale de leur programme nucléaire complet, inséparable des autres aspects64 », et à ce titre, représente un défi à la définition même de la non-prolifération, d’une façon générale, les États-Unis agissent à leur égard en fonction d’« une doctrine pragmatique ». Celle-ci les pousse à intervenir sur des secteurs susceptibles d’avoir le « maximum d’impact sur les Français » tout en veillant à avoir le « minimum de difficulté législative pour l’AEC65 ».
EN CONCLUSION
16Cette attitude de compromis, négociée dans un esprit de solidarité atlantique, sur la base du « besoin d’en connaître » et au cas par cas, débouche, une décennie plus tard, sur le démarrage d’un processus, régulier et clandestin, entre experts français et américains. Ces échanges, d’initiative américaine et discutés au niveau présidentiel, concernent alors le développement de la force nucléaire française dans trois domaines : « la technologie des missiles ; la sécurité des armes nucléaires ; les ordinateurs de grande puissance66 ». À la lumière de cette évolution, on peut dire que l’accord du 27 juillet 1961 a fait figure de matrice ; en agissant, d’une part, comme une reconnaissance inaugurale du principe de coopération atomique militaire entre les deux alliés, en fournissant d’autre part un modèle standard d’accord qui sut développer ses particularités propres67, en faveur d’une collaboration à la fois bilatérale et inscrite dans l’OTAN. Par ailleurs, on constate que le cheminement de ces coopérations a induit une redéfinition progressive et permanente du champ de la non-prolifération. Érigée en principe, elle fait figure de limite absolue sur le plan politique, devenue objet de négociation, elle connaît, entre alliés à partir de la fin des années cinquante, une évolution au cas par cas dans laquelle son intégrité première se dissout au profit de rééquilibrages en grande partie clandestins et menés dans un sens commun de la défense du monde occidental.
Notes de bas de page
1 Allocution radiodiffusée du président Truman, Washington, 10 août 1945, Le Monde, 11 août 1945.
2 Charles de Gaulle ne déclare-t-il pas à son homologue américain, en septembre 1959, que, malgré les besoins des Français en la matière, il ne saurait être « demandeur » ? V. Walters, Silent Missions, New York, Doubleday, 1978, p. 489-491, cité par M. Vaïsse, La Grandeur, Paris, Fayard, 1998, p. 133.
3 Premier Directeur technique de la Société d’étude et de réalisation d’engins balistiques (SEREB) lors de la création de la DMA. Cf. Groupe de travail sur l’histoire de la DMA, séance du 4 février 2000, Comité pour l’histoire de l’armement, CHEAr, ministère de la Défense.
4 Cf. J. Villain, « L’apport des scientifiques allemands aux programmes de recherche relatifs aux fusées et avions à réaction à partir de 1945 », in La France face aux problèmes d’armement, 1945-1950, actes du colloque du 29-30 septembre 1997, École militaire, Paris, Addim, 1998.
5 Cf. C. Carlier et L. Berger, Dassault, cinquante ans d’aéronautique, Paris, Éditions du Chêne, 1996.
6 À partir de 1957-1958, le Minuteman et le Polaris, nouveaux engins balistiques à propulsion à poudre sont lancés à leur tour. Jusque-là, les États-Unis avaient privilégié la propulsion liquide.
7 Un exemplaire original du protocole du 28 novembre 1957, paraphé de la main des trois ministres de la Défense, est conservé dans les archives du CAA (Centre d’archives de l’armement et du personnel civil à Châtellerault), 110.02.02.01.4/204. Se reporter aux travaux de C. Barbier, « Les négociations franco-germano-italiennes en vue de l’établissement d’une coopération militaire nucléaire au cours des années 1956-1958 », Revue d’Histoire diplomatique, 1-2/1990 ; G. Bossuat, « Les armements dans les relations franco-allemandes (1945-1963), les nationalismes à l’épreuve des temps nouveaux », in Histoire de l’armement en France, 1914-1962, actes du colloque du CHEAR, 19 novembre 1993, Paris, Addim, 1994 et G.-H. Soutou, L’Alliance incertaine, Paris, Fayard, 1996.
8 Le général Ely s’adresse, le 11 juillet 1957, à l’Amiral Radford, président du Joint Chief of Staff, pour savoir si la France peut acquérir, par achat si nécessaire, un missile sol-sol d’une portée de 3 000 km. Cf. télégramme n° 2626, 22 novembre 1957, Houghton/SD, SDA, 751.5611/11.2257.
9 Compte rendu de la réunion poudre, Fusées 3 000 km, Propulsion Polaris, 29 mai 1958, CAA, 110.02.01.013/24.
10 Les Français estiment qu’il s’agit de la meilleure voie d’approche pour l’étude et la production de l’engin.
11 Pendant un mois, un groupe de six à sept officiers mené par le général Crépin se livre à des investigations auprès de divers responsables militaires et industriels américains. Un second groupe, sous la responsabilité du général Fournier et fort de vingt-cinq membres, rassemble des industriels conduits par des ingénieurs-généraux de l’armement. Parmi ceux-là, Maurice Pély, Chef des engins spéciaux du Service technique de l’aéronautique et Roger Chevalier, alors représentant de la Société nationale aéronautique du Nord (SNAN). Cf. compte rendu GTDMA, 4 février 2000, École militaire.
12 Positions Crépin, note manuscrite non signée, 21 juin 1958, CAA, 1.1.0.02.01.05.3., Engins : généralités, 1959.
13 Ibid.
14 Ibid.
15 Le général de Gaulle vient d’autoriser le général Ely à négocier avec les Américains l’installation sur le territoire national de rampes de lancement, à condition que les têtes soient propriété française. Cf. lettre, Le ministre des Armées/Monsieur le Directeur technique et industriel de l’Aéronautique, 24 juillet 1958, mention manuscrite « projet sans suite », CAA, 110.02.01.013/24.
16 Décision du ministre des Armées, Pierre Guillaumat, 1958, CAA, 110.02.01.013/24.
17 Fiche pour le général Lavaud. Données techniques et politiques sur l’IRBM, Cabinet du ministre/ministère des Armées, 15 novembre 1958, CAA, 110.02.01.013/24. Le 13 août 1958, le gouvernement français refuse le déploiement d’armes nucléaires américaines sur le sol de la France.
18 Note manuscrite non signée, Sol-sol stratégique, visite Bonte du 23-10-58, CAA, 110.02.01.013/24.
19 Force de frappe, Situation et perspectives du programme SSS, Ligne d’action, État major général des Armées, 13 mai 1959, CAA, 110.02.01.013/24. SSBT : engin sol-sol balistique tactique.
20 Cela suppose que les accords qui existent déjà dans le domaine du guidage pourront être complétés par des accords de coopération technique dans le domaine de la propulsion. Des contacts ont eu lieu dans ce sens entre SNECMA et Aérojet.
21 Force de frappe, Situation et perspectives du programme SSS, Ligne d’action, État major général des Armées, 13 mai 1959, op. cit.
22 Ces amendements devaient permettre le transfert de données et de matières fissiles à des pays alliés ayant réalisé des progrès substantiels dans le domaine des armes atomiques.
23 Compte rendu, Comité technique des Forces Armées, 13 février 1959, 110.02.01.013/24., CAA.
24 Note pour Monsieur le ministre des Armées, Jean Blancard, Délégué ministériel pour l’armée de l’Air, 21 décembre 1959, CAA, 110.02.01.013/24. En application de ces directives, la SEREB a travaillé à un programme d’IRBM d’une portée de 1 500 miles nautiques avec charge de 600 livres.
25 Fin 1959, deux entités sont créées à cet effet : la Société d’étude et de réalisation d’engins balistiques (SEREB) et le Groupe d’études balistiques (GEB) qui précède la création de la Direction technique des engins dans le cadre de la DMA (1961).
26 Charles de Gaulle, LNC, 1958-1960, Paris, Plon, 1985.
27 L’accord est rendu public le 7 mai 1959.
28 Note manuscrite non signée, CAA, 110.02.01.013/24.
29 Ibid.
30 Directives sur les conversations à mener avec nos alliés pour la définition d’un programme de SSBS – OTAN, « projet sans suite », 20-6-59, CAA, 110.02.01.013/24.
31 Ibid.
32 Le « Casseur », engin tactique ancêtre du Pluton d’une portée de 100-150 kilomètres. Il s’agissait pour les Français de construire un engin qui permettrait d’expérimenter les différents types de propulsion, l’entrée dans l’atmosphère et le guidage par inertie.
33 À ce moment-là, les Américains décident de lancer les modèles Minuteman et Polaris, propulsés à poudre.
34 En octobre 1956, la Générale Aéronautique Marcel Dassault (GAMD) présentait une formule de bombardier robot, biréacteur, de nom de code Jericho. Le 23 octobre 1957, une nouvelle version de l’engin d’une portée de 3 000 km vient remplacer la première version. Trop coûteux, le projet ne fut pas retenu par les Français. Cf. Claude Carlier et Luc Berger, op. cit., p. 206-207.
35 Rapport technique, mission en Israël du 25/10 au 6/11, manuscrit non signé, CAA, 110.02.01.013/24.
36 Cf. Maurice Vaïsse, op. cit., chap. 3, Le Choix européen de la France, p. 163-224, et Constantine A. Pagedas, Anglo-American Strategic Relations and the French Problem 1960-1963, A Troubled Partnership, Londres, Frank Cass Publishers, 2000. Merci à Lorenza Sebesta de m’avoir fait connaître ce dernier ouvrage.
37 Son poids n’est pas encore déterminé, or cet élément est essentiel pour débuter la construction de l’engin. On estime alors la charge à 1 500 kilos.
38 Fiche pour le ministre, Programme balistique, 11 avril 1960, CAA, 110.02.01.013/24.
39 Ibid.
40 Ibid.
41 Le mode de propulsion est arrêté en 1961, ce sera la poudre.
42 Note manuscrite, réunion du 16 mai 1960 sur le SSBS français, CAA, 110.02.01.013/24.
43 President’s visit to de Gaulle, Paris, May 31-June 2, 1961, Background paper, Differences in release of information to UK, France and Germany, 26 mai 1961, NARA.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Les données transmises portaient alors sur la propulsion liquide, similaire à celle du Thor, les systèmes de guidage de la société Kearfott, utilisée dans le Blue Streak et le combustible du moteur du Blue Water. L’Allemagne a reçu des informations sur le guidage inertiel applicable aux engins de portée maximale de 800 miles.
47 Avant que ne cessent les discussions avec les États-Unis, la SAGEM et la Société alsacienne ont obtenu des licences de produits américains avec Sircop-Librascop et Honywell. Considérant, à cette date, que 95 % des liasses des centrales à inertie avaient été transmises aux sociétés françaises, la collaboration se poursuivit malgré tout. (Le choix français final se porta sur la SAGEM et la licence Sircop-Librascop).
48 Une quantité importante d’informations a été fournie à la France à travers les cent cinquante-sept accords d’échanges (DEA) en cours avec les États-Unis. Depuis 1953, la France s’est vue refuser une information seulement dans six cas. Dans cent quatre-vingts cas, la demande, approuvée, a exigé de faire une exception à la politique américaine sur le secret.
49 La section 144b de l’Atomic Energy Act de 1954 est amendée en 1958 pour permettre au Département d’État de communiquer des données confidentielles sur une base plus large à l’attention des alliés des États-Unis, compte tenu de la restriction suivante : « que toute coopération proposée ne permettrait ni ne constituerait un risque indu pour la sécurité et pour la défense commune ». Cf. Administrative History, Civilian-Military Relationships in Atomic Energy, I., NARA.
50 France and The United States Agreement on Nuclear Safety, 99 th Congress, 1st Session, House Document 99-92, 1985, Washington, US Gouvernment Printing Office.
51 L’Élysée accepte la fourniture d’amies atomiques aux FFA, le 19 mai 1960. Selon les termes de l’accord du 6 septembre 1960, il s’agit de fusées Honest John, d’avions F 100 et de bombes MK 28.
52 Le général James Gavin qui se montre personnellement favorable à une coopération franco-américaine plus poussée, représente au-delà de lui-même une véritable tendance au sein de l’administration Kennedy
53 Memorandum for McGeorges Bundy, 5 mars 1962 ; lettre du 20 février 1962 Rusk/ Gavin. Cités par Maurice Vaïsse, op. cit., p. 149.
54 Lettre, Bundy/Seaborg, 8 janvier 1962, JFKL (Bibliothèque présidentielle John F. Kennedy, Boston, USA), NATO, Weapons, Cable, France, 1962.
55 Télégramme n° 3442, Gavin/DOS. 13 janvier 1962. JFKL, 216 A, MLF, general, 1/61-6/62.
56 Memorandum for Mr. Nitze, JFKL. NATO, Weapons Cable, France, 1962, 6/62, 213.57.
57 Memorandum of Conversation, Lavaud/Gilpatric, Nitze..., 14 mars 1962, JFKL, NATO, Weapons, Cable, France, 6-12-1962.
58 Memorandum for Mr. Nitze. 9 mars 1962, NARA. RG 59, General records of the Departement of State, Bureau of European Affairs, NATO and Atlantic Political, Military Affairs. Nuclear, 1962. France, boîte n° 7.
59 « I am afraid that the French, in connection with the Lavaud visit, are attempting to “buy” a change in our basic policy by offering substantial balance of payments relief », Bundy/ McNamara, juin 1962, JFKL, Nato, Weapon, Cable, France, 1962, (2/3).
60 « Les États-Unis restent hostiles à la dissémination des armes nucléaires » affirme M. Kennedy, Le Monde, 20 avril 1962.
61 Il s’agit d’un missile capable d’emporter une charge militaire de 750 kilos sur une distance de 200 à 500 kilomètres, dérivé de l’engin expérimental initialement écarté par les Français. L’accord, officiellement signé le 26 avril 1963, à Tel-Aviv, prévoit le développement du système d’arme jusqu’à la remise à Israël de la liasse de série. La GDMD et ses clients sont ainsi autorisés par la DMA à utiliser les connaissances, les techniques, les installations d’essais, les matériels et outillages de fabrication et de contrôle disponibles en France dont l’Etat est propriétaire. SAGEM, TRT. Hispano-Suiza, et la SEREB participent au projet. Mais suite au raid israélien mené sur l’aéroport de Beyrouth, le 28 décembre 1968, le programme MD-620, est arrêté en janvier 1969. En réalité, Dassault a pu livrer les engins déjà conçus et les pièces détachées qui ont permis de reconstituer les missiles sur place. Cf. Claude Carlier et Luc Berger, op. cit., p. 211.
62 Le problème de cette coopération a fait l’objet d’entretiens lors de la mission Lavaud. Fiche n° 239, DMA/Département plans en développement/CAB, 5 septembre 1962, CAA.
63 Ibid.
64 Bundy/McNamara, juin 1962, JFKL, Nato, Weapon, Cable, France, 1962, (2/3).
65 Memorandum for Mr. McGeorge Bundy, Technology Information with France, Gilpatric/Bundy, 10 avril 1962. NARA, RG 59, General records of the Departement of State, Bureau of European Affairs, NATO and Atlantic Political, Military Affairs. Nuclear, 1962, France, boîte n° 7.
66 « Note du ministre d’État chargé de la Défense nationale pour le président », document non daté, Archives Nationales, 5 AG 2/1040, Septennat G. Pompidou, Défense. Cf. Pierre Melandri, Aux origines de la coopération nucléaire franco-américaine, in La France et l’Atome, études d’histoire nucléaire, Bruxelles, Bruylant, 1994, p. 235-254. Le 29 juillet, Jean Blancard, Délégué général à l’Armement, est autorisé à signer un projet d’accord américain remis le 15 juin. En décembre, une visite du DGA aux États-Unis débouche sur l’organisation de la première réunion, consacrée à la sûreté nucléaire, qui a lieu en juin 1972.
67 L’accord, correspondant au processus entamé en 1972, est négocié à seulement partir de 1983, et ratifié deux ans plus tard. À noter pour plus de clarté que les échanges en question sont étrangers au champ d’application de la convention militaire Ailleret-Lemnitzer, conclue entre la France et les États-Unis en le 22 août 1967. Cf. Frédéric Bozo, « Chronique d’une décision annoncée : le retrait de l’organisation militaire (1965-1967) », in La France et l’OTAN, Bruxelles, Éditions Complexe, 1996, p. 331-356.
Auteur
Béatrice Faillès : doctorante en histoire des relations internationales contemporaines. Archiviste orale auprès de la délégation générale à l’Armement, elle achève une thèse, sous la direction de Maurice Vaïsse, consacrée à « L’effort nucléaire français à l’émergence de la non-prolifération (1940-1974) ».
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