Draper le petit écran de noir. Les funérailles nationales à la télévision française
1945-1974
p. 199-217
Texte intégral
LE RITE À LA TÉLÉVISION
1Le genre du rite télévisé est un genre à part. La diffusion d’un rite civique à la télévision appartient au corpus des émissions qui ne relèvent pas de la fiction, mais il est difficile de faire la comparaison avec une simple nouvelle ou avec un documentaire. Alors que la plupart des nouvelles et des documentaires présentent le « vrai réel » cadré et raconté par la télévision, le rite a un script qui lui est propre, une structure et une signification particulières, représentées sur le petit écran. Toute analyse des rites à la télévision doit par conséquent examiner la nature unique du rite, comme événement public qui a le plus souvent lieu dans des rues, des places ou des bâtiments publics, ainsi que la façon dont on le montre à la télévision.
2Un rite est un événement formel, répétitif, qui prend place dans un temps et un espace particuliers, dissociés des activités du monde de tous les jours. Les rites ont deux aspects, tous deux importants pour notre étude : l’un cognitif, l’autre lié à l’expérience vécue1. Ils sont souvent un moyen par lequel une communauté se raconte sa propre histoire et ils contiennent des informations sur les valeurs, les héros et les événements qui ont une importance pour cette communauté. L’information transmise par le rite va des symboles abstraits au langage concret, mais elle fait toujours partie du bagage culturel de la communauté. En utilisant toute une gamme d’outils de communication – images, mots, musique – les rites présentent la réalité sociale à la façon d’une lentille qui capte le contour d’un corps et le projette sur un écran. Il s’agit bien sûr d’une lentille déformante qui met en avant certains éléments de l’histoire ou de la hiérarchie sociale de la communauté et en néglige d’autres. Si la représentation rituelle est convaincante, elle cesse d’être un simple reflet du point de vue des organisateurs et devient un instrument qui remodèle le point de vue des participants2.
3Le rite a aussi un côté sensoriel qui n’est pas moins important : les images, la musique, les discours et les sons ont une emprise sur les participants. À cet aspect sensoriel il faut ajouter l’expérience de faire partie d’une foule ou de marcher à un rythme déterminé dans un défilé, de traverser un paysage urbain, pendant un long laps de temps : tout ceci a une forte influence sur le corps des participants3. Mis ensemble, ces éléments peuvent créer une expérience unique qui, combinée aux aspects cognitifs du rite, peut produire un état mental que l’anthropologue Suzanne Langer a dénommé « transformation ». Une telle transformation survient quand les symboles présentés au cours du rite et son objet – comme la nation ou le parti – fusionnent et deviennent un tout indifférencié. L’abstraction devient palpable et les participants prennent conscience de ses caractéristiques particulières4.
4Si le rite est la représentation d’une réalité sociale, le rite télévisé est une représentation au second degré, la représentation d’une représentation. Comme le rite, la diffusion à la télévision obéit à certaines règles formelles et toute analyse du rite à la télévision doit prendre en considération les deux systèmes de représentation. La relation entre les deux systèmes n’est jamais simple : tantôt la retransmission suit le rite de très près et tente de s’adapter à ses règles ; tantôt, on adapte le rite ou on le crée même spécialement en vue d’une retransmission télévisée. Il y a aussi une hiérarchie entre les deux systèmes de représentation : comme c’est la télévision qui cadre le rite, c’est elle qui, par ses règles, détermine en premier lieu le sens général de l’événement5. Cependant, c’est le rite avec sa structure formelle, ses symboles et ses gestes, qui est au cœur de l’émission et on ne doit en aucun cas l’ignorer, quelle que soit l’analyse à laquelle on procède.
5Si l’on applique les deux aspects du rite, l’aspect cognitif et l’aspect vécu, à l’analyse de la diffusion du rite à la télévision, on découvre qu’il y a de nombreuses différences entre les deux systèmes de représentation. Quand on compare l’aspect cognitif des deux systèmes, il est évident que le rite télévisé est beaucoup plus riche. Alors que celui qui participe à un rite n’a qu’un seul point de vue, le sien, l’usage de plusieurs caméras pour couvrir le rite permet au téléspectateur de voir l’événement sous différents angles et à des distances variées. La voix du commentateur qui suit l’événement et explique son déroulement aux spectateurs qui sont chez eux ajoute une dimension supplémentaire à l’information déjà incluse dans l’événement. Le commentaire peut restreindre la possibilité qu’ont les téléspectateurs d’avoir une interprétation personnelle du rite – point que nous développerons plus tard dans l’article – mais incontestablement il enrichit la dimension cognitive de l’événement.
6Par ailleurs, voir le rite sur l’écran de télévision est une expérience beaucoup plus pauvre que d’y participer « pour de vrai » dans les rues et sur les places de la ville, notamment parce que le corps du spectateur n’est pas totalement impliqué dans l’activité rituelle. Cependant, cela ne veut pas dire que regarder le rite chez soi, seul ou avec des membres de la famille, ou bien dans un lieu public, par exemple dans un café, n’a pas une signification propre. Néanmoins, la signification dépend du mode de transmission : il y a une grande différence entre voir le déroulement d’un rite civique dans le cadre du journal télévisé de la journée ou le voir en direct. Dans le premier cas, le rite s’intègre aux nouvelles présentées dans le journal télévisé du jour alors que dans le deuxième cas il s’agit d’un événement extra-ordinaire, qui interrompt le déroulement régulier des programmes de la télévision et y occupe une place spéciale. Nous ne possédons pas beaucoup de données sur les conditions dans lesquelles les publics regardent les rites à la télévision, mais nous pouvons supposer que les regarder à domicile crée une sorte d’effacement des frontières entre la sphère publique et la sphère privée, puisque chaque foyer devient une extension de l’espace où le rite prend place. On crée ainsi une foule d’un genre différent : non pas la foule dense et limitée qui se rassemble sur une place ou dans une rue pour participer au rite, mais une foule plus diffuse et beaucoup plus large de spectateurs qui regardent le rite chez eux, simultanément, mais séparément.
FÊTES CIVIQUES ET FUNÉRAILLES NATIONALES
7La constitution de ce nouveau type de foule est la réalisation partielle d’un vieux rêve de la Révolution française, dont les fêtes avaient pour but de rassembler un très grand nombre de gens pour les transformer en bons et dignes citoyens. Le texte du député à la Convention nationale Rabaut de Saint-Étienne, dans son Projet d’éducation nationale, présenté en décembre 1792, montre clairement quel était ce rêve :
Vous voudriez élever tout à coup nos mœurs au niveau de nos lois, et faire une révolution dans les têtes et dans les cœurs, comme elle s’est faite dans les conditions et dans le gouvernement. Existe-t-il un moyen infaillible de communiquer incessamment, tout à l’heure, à tous les Français à la fois, des impressions uniformes et communes, dont l’effet soit de les rendre tous ensemble dignes de la Révolution, de la liberté, ce droit de justice, qui se convertit souvent en iniquité ; de l’égalité, ce lien fraternel qui se change si aisément en tyrannie ; et de cette élévation simple et noble, où l’espèce humaine a été portée depuis quatre ans, dans le combat à mort qui a été livré entre toutes les vérités et toutes les erreurs ? Ce moyen existe sans doute : il consiste dans ces grandes et communes institutions si bien connues des anciens, qui faisaient qu’au même jour, au même instant, chez tous les citoyens, de tous âges et dans tous les lieux, tous recevaient les mêmes impressions par les sens, par l’imagination, par la mémoire, par le raisonnement, par tout ce que l’homme a de facultés, et par cet enthousiasme que l’on pourrait appeler la magie de la raison. Il faut distinguer l’instruction publique de l’éducation nationale ; la première doit donner des lumières et la seconde des vertus ; la première sera le lustre de la société, la seconde en sera la consistance et la force. L’instruction publique demande des lycées, des collèges, des académies, des livres, des instruments de calcul, des méthodes, elle s’enferme dans des murs ; l’éducation nationale demande des cirques, des gymnases, des armes, des jeux publics, des fêtes nationales, le concours fraternel de tous les âges et de tous les sexes, et le spectacle imposant et doux de la société humaine rassemblée6.
8Ce rêve rousseauiste contient trois éléments principaux qui se complètent et constituent ensemble une vision unique qui englobe tout : la similarité, la simultanéité et la totalité – des citoyens et de leurs facultés. Le but est de transmettre la même information au même moment à tous les citoyens sans exception, d’une façon qui fasse participer tous leurs sens. Selon Saint-Étienne, le moyen adéquat pour réaliser ce rêve est de créer un ensemble de fêtes civiques capables de surmonter les limites du temps et de l’espace et de toucher toute la population. Comment y arriver ? Au moyen de la duplication de la même fête, et de sa célébration identique, au même moment, dans toutes les communes de France. Grâce à la musique, aux discours, à la danse et aux images, les participants sont « absorbés » par l’événement et pénétrés du message révolutionnaire.
9Relevant cet accent sur la simultanéité et la similarité à des fins éducatives, le théoricien Benedict Anderson définit la nation comme une communauté imaginée7. Selon Anderson, la nation est une large communauté dont les membres ne se connaissent pas les uns les autres et croient pourtant partager les mêmes souvenirs et les mêmes sentiments sur leur groupe. La simultanéité, et la similarité des événements concernant tous les individus leur permettent de se penser comme une communauté. On peut appliquer ce que dit Anderson à propos de la cérémonie de la lecture matinale du journal à tous les rites et plus particulièrement aux rites diffusés à la télévision : « Cette cérémonie a lieu en privé, en silence, au fond du crâne. Pourtant chaque participant est conscient que la cérémonie qu’il accomplit est reproduite simultanément par des milliers (ou des millions) d’autres personnes dont il connaît l’existence, mais de l’identité desquelles il n’a pas la moindre idée8. » Les événements dont les journaux et les autres moyens de communication parlent contribuent à la création de la communauté nationale imaginée, les événements qui concernent la communauté sont appelés « nos » événements, alors que les autres événements apparaissent sous la rubrique « nouvelles étrangères ». Même si les médias font état d’une controverse, cette dernière aide à délimiter les contours de la communauté, parce que ceux qui sont à l’extérieur de cette communauté ne s’intéresseront pas au débat.
10Le rêve révolutionnaire était bien sûr impossible à réaliser, mais il continua à inspirer les fêtes républicaines tout au long du xixe et du xxe siècles9. La motivation pédagogique des Républicains était à la base de leurs efforts pour créer un ensemble de fêtes qui complète l’éducation formelle de l’école. Parmi ces fêtes, les funérailles nationales occupent une place particulière. C’est le seul rite qui soit à la fois un rite de passage et une fête civique – un événement courant sous la monarchie, où les naissances royales et les mariages avaient une signification politique et étaient célébrés publiquement avec faste. Ce n’est pas le cas en République, où la personnalité du dirigeant n’a théoriquement pas d’importance et où seule la souveraineté du peuple compte. La célébration d’une personne particulière dans le contexte républicain ne peut avoir lieu qu’après sa mort. C’est la dualité de la cérémonie – une fête civique et un rite de passage – qui lui confère une puissance durable : d’une part, la même forme d’enterrement, avec une atmosphère chargée d’émotions ; d’autre part, un contenu civique qui change, selon la personnalité du défunt et sa biographie. Comme dans tout rite de passage, il y a dans les obsèques nationales trois phases principales, par lesquelles le sujet de l’événement – dans notre cas la personne décédée – doit passer : la rupture avec la condition précédente ; la transition, durant laquelle le sujet est pris entre deux conditions ; l’incorporation dans la nouvelle condition. Dans le cas des funérailles nationales, il y a un autre passage, du domaine privé au domaine public, où ont lieu les trois étapes de l’événement : premièrement, l’exposition du corps ; deuxièmement, la procession funéraire dans les rues, sous les regards de la foule ; troisièmement, l’inhumation du corps dans un cimetière ou un monument.
11La tradition des funérailles républicaines nationales est apparue pour la première fois pendant la Révolution française, lors du transfert au Panthéon de Voltaire et de Rousseau. Les funérailles de Mirabeau, de Michel Lepeletier de Saint-Fargeau et de Jean-Paul Marat devinrent des fêtes républicaines de premier plan qui célébraient les nouvelles valeurs révolutionnaires. Cette tradition réapparut sous la Troisième République qui transforma systématiquement les obsèques de ses grands hommes – hommes politiques, soldats, écrivains et artistes – en événements supposés inculquer aux citoyens les valeurs républicaines et l’amour de la patrie. Parmi les funérailles qui furent des cérémonies nationales grandioses, il y eut celles de Léon Gambetta (1883), de Victor Hugo (1885), de Louis Pasteur (1895), du Soldat inconnu (1920), du maréchal Foch (1929), et de Raymond Poincaré (1934). Après une pause, durant la période du régime de Vichy, la tradition fut reprise avec l’avènement de la Quatrième République, qui ne voulut pas se priver de cet outil pédagogique10.
12Ces cérémonies impressionnantes appartiennent à un type d’événement que Pierre Nora nomme « l’événement monstre » – « le merveilleux des sociétés démocratiques » – qui est créé non seulement comme un événement en soi mais aussi pour – et par – les médias de masse : les journaux, la radio, le cinéma et la télévision11. Bien que les funérailles nationales à la télévision soient le sujet de cet article, nous ne pouvons pas ignorer les autres médias électroniques qui ont préfiguré, chacun à leur façon, le rite télévisé.
LE RÉCIT DES FUNÉRAILLES À LA RADIO ET AU CINÉMA
13L’introduction dans la sphère publique en France des moyens de communication de masse électroniques, devenus courants dans l’entre deux-guerres, a complètement changé la façon de présenter les funérailles nationales et d’autres rites officiels. Cependant il ne faut pas considérer le passage d’un moyen de communication à un autre comme un simple progrès dans le sens d’une plus grande couverture de l’événement et d’une expérience plus riche pour le public. La simultanéité et la similarité ne vont pas toujours de pair avec la totalité, comme on le voit dans le cas de la radio.
14Pour la première fois, avec le transfert des cendres de Jean Jaurès au Panthéon (1924), puis, ensuite, lors d’autres obsèques nationales, la radio d’État diffusa en direct des parties statiques : des cérémonies à Notre-Dame, au Panthéon et aux Invalides, incluant les parties musicales et les oraisons funèbres. Dans les années 1930, la radio devint un véritable moyen de communication de masse en France et ces diffusions en direct représentèrent le premier pas vers l’accomplissement du rêve révolutionnaire de la similarité et de la simultanéité12. Mais ce que les auditeurs gagnaient en son et en proximité temporelle, ils le perdaient en information visuelle. Lors de grandes funérailles nationales, la presse quotidienne et hebdomadaire présentait de très nombreux reportages photographiques de l’événement, décrivant la procession funéraire dans les rues et les cérémonies à l’intérieur des monuments, accompagnés d’un commentaire écrit. En général, les images suivaient chaque étape de l’enterrement, adoptant le point de vue officiel et mettant l’accent sur les qualités héroïques du grand homme qui était l’objet de la cérémonie13. En comparaison, la diffusion à la radio était pauvre : elle ne pouvait transmettre que certaines parties de l’événement et ne les accompagnait pas de commentaires.
15Montrer des obsèques nationales dans un magazine d’actualité filmée ajoute certainement une autre dimension à la couverture visuelle de la cérémonie dans la presse, mais ne change pas fondamentalement la façon de les raconter. Les défilés et les processions, comme à l’occasion des enterrements, étaient des sujets populaires dans les magazines d’actualité filmée de l’entre-deux-guerres, à cause de leur qualité cinématographique. Qui plus est, la nature officielle de l’événement rendait son insertion dans un magazine filmé plus facile, à une époque où une censure non officielle régnait sur ce moyen de communication14. Après la Seconde Guerre mondiale, les funérailles nationales continuèrent à occuper une place de choix dans les magazines d’actualité filmée15 : ceux-ci étaient, en tout cas dans les années cinquante, la principale source d’information visuelle pour les Français, étant donné la lente pénétration de la télévision dans les foyers16. Durant cette décade, dans les premières années de la télévision, de nombreuses nouvelles filmées pour les magazines d’actualités furent aussi présentées dans les journaux télévisés17. D’où la similarité de structure dans la présentation des obsèques nationales à la télévision et dans les magazines d’actualité de cette période.
16Les premières funérailles nationales après la Libération furent celles du poète et critique Paul Valéry (25-26 juillet 1945). L’événement était assez important pour être l’objet d’un reportage dans un magazine d’actualité filmée et sa structure est la même que dans d’autres nouvelles du même genre. Il s’agit d’un document visuel riche et complexe qui, à la manière de la presse écrite, mêlait une nécrologie du grand homme et un résumé du déroulement de ses obsèques18.Il durait 2.15 minutes, sur les 14 minutes du magazine ; il débutait par une courte biographie de Valéry, depuis sa naissance à Sète, sa jeunesse, se poursuivait avec la publication de ses premiers poèmes, sa lente ascension vers la célébrité, ses jours de gloire comme membre de l’Académie française et sa mort. Ensuite venaient les images des obsèques officielles à Paris, au Palais de Chaillot, en présence du général de Gaulle, d’autres membres du gouvernement et d’une unité militaire rendant un dernier hommage au poète. Quant à l’enterrement dénué de caractère officiel, il eut lieu dans sa ville natale où le cercueil fut porté au cimetière au milieu d’une foule nombreuse et respectueuse. On créait ainsi un narratif continu de caractère cyclique qui commençait et finissait à Sète, associant la vie et la mort du poète et reliant Paris et la province. Dans ce cycle, il y avait deux mouvements parallèles linéaires que l’on retrouve dans chaque narration de funérailles nationales : la vie du grand homme qui commence par ses humbles origines et se termine par ses glorieux accomplissements ; le déroulement des obsèques qui débutent comme un deuil triste et douloureux et se terminent sur une note de triomphe, où le héros surmonte symboliquement la mort grâce à l’admiration que lui vouent ses concitoyens, consacrant ainsi son entrée dans la mémoire nationale.
LES FUNÉRAILLES COMME REPRÉSENTATIONS VISUELLES DU RÉGIME À LA TÉLÉVISION
17Après la création d’un programme quotidien de nouvelles à la télévision, en 1949, les funérailles nationales firent aussi leur apparition sur le petit écran19. Il y avait deux façons de les présenter : soit en résumant l’événement dans un seul journal télévisé, soit – s’il s’agissait d’un événement qui durait plusieurs jours – en le découpant en séquences quotidiennes. Dans le premier cas, la nouvelle ressemblait – voire était identique – à celle du magazine d’actualité. Dans le deuxième cas, le format quotidien des nouvelles permettait aux téléspectateurs de suivre le déroulement de la cérémonie d’une manière similaire aux reportages de la presse quotidienne.
18Prenons par exemple, les funérailles du général de Lattre de Tassigny qui eurent lieu entre le 14 et le 19 janvier 1952 et firent plusieurs fois l’objet des nouvelles à la télévision : le 14, l’exposition du corps aux Invalides ; le 15, le transfert du corps des Invalides à l’Arc de Triomphe ; le 16, l’exposition du corps à l’Arc de Triomphe ; ensuite, le 19, la cérémonie religieuse et l’enterrement à Mouilleron en Pareds. Ce dernier passage fut particulièrement long : il dura sept minutes, furent filmées l’arrivée du cercueil dans le petit village vendéen, la cérémonie à l’église, la procession jusqu’au cimetière et la mise en terre20. Cette suite de nouvelles funéraires qui s’étendit sur presque une semaine était l’opposé de la version « condensée » des funérailles du magazine d’actualité filmée. Elle créait une histoire à épisodes qui avait plus de chance de rendre le public plus proche de l’événement puisqu’il pouvait en suivre le développement au fil des jours.
19Mais que les funérailles nationales apparaissent comme une nouvelle unique ou comme une séquence de plusieurs nouvelles en les incluant dans les programmes quotidiens, elles constituent des représentations visuelles du régime. De par sa nature solennelle et officielle, la cérémonie des enterrements ressemble à d’autres rites du pouvoir comme l’inauguration de monuments, les défilés militaires et les visites présidentielles21. En tant que rites du pouvoir, tous ces événements sont interchangeables et occupent la même rubrique dans les journaux télévisés. Si on examine la séquence d’un journal comme un syntagme, on voit qu’il se compose de différents éléments de base que l’on retrouve généralement dans tous les journaux d’information : les nouvelles politiques, les nouvelles sociales, les nouvelles étrangères, le sport, les loisirs, et le temps22. Les rites du pouvoir sont l’un de ces éléments23 et les funérailles nationales sont, de ce point de vue, une autre occasion de célébrer le régime. Cependant, certaines funérailles nationales sont des événements tellement extraordinaires qu’ils ne rentrent pas dans ce programme routinier de nouvelles. Un des signes révélateurs de leur statut spécial est leur retransmission en direct.
LA RETRANSMISSION EN DIRECT
20On pourrait écrire l’histoire de l’information comme celle de la tentative continuelle de réduire le temps qui s’écoule entre le moment où un événement a lieu et celui où l’on communique l’information le concernant. Cependant, la transmission en direct signifie beaucoup plus que réduire cet écart de temps à zéro. Comme le note Jérôme Bourdon, la retransmission en direct est considérée comme une des principales caractéristiques de la télévision lui permettant de se présenter comme authentique et réelle en comparaison avec le cinéma qui est artificiel24.
21La possibilité de retransmettre en direct octroie à la télévision un pouvoir unique en son genre pour rassembler la communauté nationale tout entière à l’occasion d’un événement particulier et se rapprocher ainsi encore plus de la réalisation du rêve révolutionnaire explicité par Rabaut de Saint-Étienne. L’importance de ces transmissions en direct résulte de leur place unique parmi les autres programmes. Leur rapport avec les autres émissions télévisées s’apparente au rapport entre un rite et la routine du travail et des loisirs quotidiens. Comme le rite, ces retransmissions en direct sont des événements extra-ordinaires qui interrompent le cours du temps et prennent ainsi une signification spéciale. Ils ont une dimension sacrée, produite par les moyens d’expression propre à ces émissions : le cadrage visuel de l’événement, le ton solennel du commentateur et le contenu des symboles montrés. Néanmoins, les retransmissions en direct n’ont pas toutes le même effet et seules quelques-unes deviennent des événements médiatiques grandioses mobilisant tout le pays.
22Daniel Dayan et Elihu Katz qui ont étudié la retransmission en direct de grands événements historiques proposent dans leur livre une triple division des événements médiatiques : les confrontations qui sont des combats avec des règles du jeu, comme les débats entre les candidats à une élection présidentielle ou les matchs sportifs ; les conquêtes, qui sont des actes héroïques, comme l’atterrissage sur la lune ou la visite du président Sadate en Israël ; les sacres, qui sont des cérémonies mises en scène, généralement des rites de passage, comme le mariage du prince Charles et de la princesse Diana. Les funérailles nationales appartiennent incontestablement à la dernière catégorie, celle des sacres, puisqu’il s’agit d’un événement médiatique fondé sur un rite de passage et comportant une mise en scène précise. Selon Dayan et Katz, dans le cas d’événements appartenant à cette catégorie « la télévision raconte au public la cérémonie qu’ils vont voir, explicite avec précision le sens des symboles, situe l’événement en le coupant de la vie quotidienne, l’érige en monument, fait ressortir sa définition officielle, et propose une ligne directrice et un commentaire pour étayer son interprétation25 ».
23Cependant, cette triple division ne nous fait pas mieux comprendre la dimension politique des événements médiatiques. Dayan et Katz soutiennent que puisque les événements médiatiques maintiennent les gens chez eux et leur donnent une fausse illusion d’implication politique, ils contribuent à la dépolitisation de la société26. Mais c’est une conception trop étroite de la politique, réduite aux régimes et aux mouvements sociaux qui mobilisent leurs populations dans les rues et sur les places des grandes villes. Jérôme Bourdon propose une distinction plus utile entre les événements médiatiques qui unifient la société et qu’il dénomme « fêtes » et les événements médiatiques qui créent un schisme dans la société et qu’il dénomme « drames »27. C’est un point qu’il faut absolument avoir à l’esprit quand on analyse les rites télévisés même s’il est vrai que certains événements peuvent être à la fois des fêtes et des drames : ils unifient un groupe social tout en exacerbant son conflit avec d’autres groupes. Les funérailles nationales télévisées sont particulièrement propices à la création de l’unité nationale et au soutien du régime politique en place, quel qu’il soit, car le spectacle de la mort entraîne une attitude de rejet des querelles « politiques » ordinaires considérées comme insignifiantes. Par ailleurs, l’identité du héros des funérailles peut parfois créer des controverses sur les honneurs qui lui sont rendus. La diffusion des obsèques n’est pas en soi une source d’unité ou de division mais la télévision a le pouvoir d’amplifier et parfois même de modifier les messages du rite.
24Dans la période qui nous intéresse, il y eut quatre retransmissions de funérailles nationales en direct : le transfert du corps de Jean Moulin, héros de la Résistance, au Panthéon (décembre 1964) ; les obsèques du maréchal Alphonse Juin à Notre-Dame et aux Invalides (février 1967) ; les funérailles de deux présidents de la République, Charles de Gaulle (novembre 1970) et Georges Pompidou (avril 1974). Seuls les deux derniers enterrements furent des événements médiatiques mobilisant l’attention de tout le pays. La cérémonie en l’honneur de Jean Moulin comportait deux phases distinctes : la première, le 18 décembre, était consacrée à l’exhumation du corps au cimetière du Père Lachaise et à la procession à la fois militaire et populaire pour le transporter au Panthéon ; le lendemain, au milieu de la journée, il y eut une cérémonie officielle sur les marches du Panthéon pour rendre hommage à Jean Moulin, en présence de de Gaulle – le personnage principal de la cérémonie – et un magnifique discours d’André Malraux avant l’inhumation dans la crypte28. La première chaîne de la télévision nationale ne diffusa en direct que la partie officielle de la cérémonie, mais comme Jean Moulin n’était pas encore la figure légendaire qu’il deviendra plus tard, cette retransmission qui dura une heure n’a pas attiré l’attention de l’ensemble des téléspectateurs. De la même façon, l’enterrement du maréchal Juin, gaulliste et chef d’état-major de la Défense nationale après la Libération de Paris, resta une affaire militaire et officielle relativement limitée.
25Au contraire, les obsèques des deux présidents de la République – spécialement celles de de Gaulle – devinrent de véritables événements nationaux où il était quasiment impossible de faire la distinction entre la cérémonie et sa retransmission en direct29. La mort de de Gaulle qui eut lieu à peu près un an et demi après sa démission, provoqua un choc qui bouleversa tout le pays, comme si tout le monde pensait qu’il était immortel. Dans son testament, il fit savoir qu’il ne voulait pas de funérailles nationales ni d’honneurs officiels et demandait qu’on l’enterre dans son village, à Colombey-les-Deux-Églises, invitant le peuple de France à assister à la cérémonie. Ainsi, il organisa son dernier rite de passage de la même manière qu’il avait toujours exercé le pouvoir : en court-circuitant les corps politiques intermédiaires, comme le Parlement, et en faisant directement appel aux citoyens. Mais le régime, à la tête duquel se trouvait Georges Pompidou, ne pouvait pas respecter les termes exacts de ce testament : cela aurait signifié ignorer les réactions publiques et aussi laisser passer une occasion de rassembler la population autour du gouvernement et de rehausser le prestige de la France dans le monde en invitant les dirigeants étrangers à venir rendre un dernier hommage au grand homme d’État français. La solution adoptée fut d’organiser le jour des obsèques (jeudi 12 novembre 1970) un événement tridimensionnel qui représenterait les différents visages de de Gaulle : le matin une cérémonie religieuse officielle, comprenant une dimension internationale, mais sans le corps, à Notre-Dame ; l’après-midi l’enterrement à Colombey, à la fois familial et populaire, avec quelques éléments militaires ; le soir un défilé populaire le long des Champs-Élysées, culminant à l’Arc de Triomphe. Le jour des funérailles fut déclaré jour de deuil national ; les écoles, les services publics et les lieux de divertissement furent fermés. Le pays tout entier cessa ses activités et concentra son attention sur le chef héroïque qui venait de mourir.
26C’était comme si de Gaulle, qui savait si bien utiliser la télévision de son vivant comme instrument de sa politique d’exercice d’un pouvoir direct30, avait orchestré les événements autour de ses funérailles exprès pour la télévision. Seule la diffusion en direct des trois moments des funérailles permit aux Français de rester chez eux toute la journée et d’être présents à trois endroits différents. Cette année-là, le taux d’équipement des ménages indique que près de 70 % d’entre eux possédaient un poste de télévision, c’est-à-dire que la télévision, après des débuts hésitants dans les années 1950, était désormais devenue un vrai moyen de communication de masse en France31. Bien que nous ne disposions pas de données sur les taux d’audience de ce jour, on peut affirmer sans trop se risquer que la majorité de la population française a regardé au moins une des cérémonies, si ce n’est les trois, ainsi que les nombreux programmes spéciaux – réalisés en studio ou sous forme de documentaires – consacrés à la vie de de Gaulle. Les deux chaînes s’étaient réunies pour les retransmissions en direct et pour une partie des programmes spéciaux, ce qui augmentait l’effet d’unité nationale.
27Que virent et entendirent les Français sur le petit écran ? Le côté visuel des cérémonies était relativement simple32. Les caméras suivirent le déroulement des funérailles du début à la fin, toujours près de l’action, comme si la télévision était un médium « neutre », transparent, au moyen duquel les spectateurs chez eux pouvaient « être là ». À Notre-Dame, la retransmission commença avec l’arrivée d’environ une centaine de dirigeants étrangers, mettant en avant le rôle central du président Pompidou en tant qu’hôte, se poursuivit avec la messe solennelle célébrée dans la cathédrale et se termina avec le départ des dirigeants. À Colombey, les caméras suivirent le parcours du cercueil depuis son arrivée dans une voiture militaire à l’église où eut lieu une cérémonie dépouillée, jusqu’à l’enterrement dans le cimetière du village en présence de la famille et des amis. Aux Champs-Élysées, les Compagnons de la Libération et une immense foule portant des fleurs marchèrent jusqu’à l’Arc de Triomphe où ils déposèrent les couronnes de fleurs, formant une gigantesque croix de Lorraine. Plusieurs caméras couvrant chaque cérémonie se concentrèrent sur l’action principale filmée sous différents angles et à aucun moment elles ne dévièrent de la « ligne narrative » de l’événement. Quand une caméra captait une diversion, comme une conversation entre deux personnes à Notre-Dame pendant la messe, le directeur de la production interrompait immédiatement la diffusion et passait à une autre caméra.
28Le commentaire qui accompagnait les cérémonies n’était pas moins important, peut-être même plus, que les images. Ce que Roland Barthes a noté à propos de la relation entre une image et un texte est vrai aussi dans ce cas : comme une image est polysémique, la fonction du texte qui l’accompagne est de fixer son sens et d’éviter les connotations indésirables33. La tâche de base du commentateur fut d’expliquer aux téléspectateurs le déroulement de l’événement et de les « guider » à travers le dédale inextricable du protocole diplomatique et de la liturgie catholique, notamment à Notre-Dame. Mais à un niveau plus profond, il proposait une interprétation plus large de l’événement, l’interprétant comme un signe de l’importance de la position de la France dans le monde, le reliant à l’histoire et à l’identité françaises, mettant l’accent sur l’unité de la nation et éliminant au passage toute allusion à la politique. Par exemple, durant la cérémonie à Notre-Dame, le commentateur rappela la longue histoire de la cathédrale, son rôle central de symbole national, incluant aussi le Te Deum célébré le 26 août 1944 après la Libération de Paris avec la participation du général de Gaulle. Au début des obsèques à Colombey, le narrateur fit remarquer que de Gaulle avait choisi d’être enterré dans son village à cause de son désir de « redevenir, au moment de sa mort, un simple citoyen français », ignorant délibérément les aspects politiques de son testament. Mais à un niveau encore plus profond, le commentateur – qu’on ne voit jamais – est la voix de l’autorité qui confère stabilité et continuité à l’événement, garant de la régularité de son déroulement34. C’était toujours une voix d’homme et certaines personnalités de la télévision, par exemple Léon Zitrone, furent identifiées à ce rôle, si bien qu’on entendait la même voix faire autorité dans différentes cérémonies officielles, ce qui soulignait leur similarité.
29En tant qu’événements médiatiques, ces cérémonies incluaient – implicitement ou explicitement – les spectateurs assis chez eux devant leurs postes de télévision. Ils étaient « représentés » dans les cérémonies par la foule dans les rues et par les gens ordinaires autorisés à entrer à Notre-Dame pour la messe et invités à occuper les places qui leur étaient attribuées avant l’arrivée des invités de marque. La caméra se fixait sur eux et le commentateur louait leur comportement sérieux et retenu, leur diversité, il insistait aussi sur le fait qu’ils étaient tous unis dans une même douleur après la mort de de Gaulle. Durant la cérémonie, le commentateur essayait de faire participer les téléspectateurs, par exemple quand le cardinal Marty demanda au public présent à Notre-Dame un moment de recueillement silencieux et où les téléspectateurs furent invités à faire de même. Mais surtout le fait de regarder les cérémonies, souvent en compagnie d’autres personnes35, n’était pas un geste insignifiant. C’était un acte de participation pour ceux qui n’avaient pas pu se joindre en personne à la cérémonie, et comme les spectateurs savaient que nombre d’entre eux regardaient les mêmes images et éprouvaient vraisemblablement les mêmes sentiments, le sens de la communauté nationale s’en trouvait renforcé. Le rêve révolutionnaire de la simultanéité, de la similarité et de la totalité faisait encore un pas vers sa réalisation, cette fois-ci à l’aide d’un nouveau moyen de communication qui transformait les caractéristiques de la fête civique traditionnelle.
30Quatre ans plus tard, les obsèques nationales du président Georges Pompidou, figure moins charismatique, furent aussi un événement médiatique, mais à une moindre échelle. Le service religieux à l’église de Saint-Louis-en-l’Ile à Paris et l’enterrement au village d’Orvilliers furent des cérémonies intimes limitées à la famille et aux amis et aucune caméra de télévision ne fut autorisée. Il n’y eut pas non plus de défilé populaire sur les Champs-Élysées. Mais comme ce fut le cas pour de Gaulle, une messe solennelle fut célébrée à Notre-Dame le samedi 6 avril 1974, déclaré jour de deuil national. Le matin, la cérémonie à Notre-Dame fut retransmise en direct sur les trois chaînes, et mis à part le nombre plus réduit de dirigeants étrangers venus rendre un dernier hommage au défunt, il y eut très peu de différences entre cette cérémonie et celle organisée pour de Gaulle36. Par conséquent, cette diffusion, y compris les commentaires, ressembla beaucoup à la précédente. Seul le texte de Léon Zitrone plus long et plus détaillé sur l’histoire de Notre-Dame, « le temple national », indiquait que les organisateurs de cette retransmission avaient tiré la leçon de la précédente et pris des mesures pour transformer l’événement en expérience pédagogique. Les dimensions des obsèques de Pompidou furent plus modestes que celles des funérailles de de Gaulle. Mais il s’agissait bel et bien d’un événement significatif puisqu’il créait une tradition : pour la deuxième fois, on célébrait un office religieux à Notre-Dame pour un président de la République défunt, en l’absence du corps, et en présence des caméras de télévision37. En 1996, les Français se rassemblèrent une dernière fois devant leurs postes pour voir les funérailles d’un président de la République à la télévision, lors des cérémonies en l’honneur de François Mitterrand. Il était juste que le président qui fut l’instigateur du somptueux Bicentenaire de la Révolution française reçût après sa mort un hommage digne du rêve révolutionnaire.
Notes de bas de page
1 Pour une définition du rite, cf. Sally Moore et Barbara Myerhoff, « Secular Ritual : Forms and Meanings », in Sally Moore et Barbara Myerhoff (dir.), Secular Ritual, Assen, Van Gorcum, 1977, p. 7-8 ; Clifford Geertz, « Blurred Genres : The Refiguration of Social Thought », in Clifford Geertz, Local Knowledge : Further Essays in Interpretive Anthropology, New York, Basic Books, 1983, p. 26-29.
2 Don Handelman, Models and Mirrors : Towards and Anthropology of Public Events, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
3 Paul Connerton, How Societies Remember, Cambridge, Cambridge University Press, 1989.
4 Cf. Sally Moore et Barbara Myerhoff, « Secular Ritual... », op. cit., p. 13.
5 Erving Goffman, Frame Analysis : An Essay on the Organization of Experience, New York, Harper, 1974.
6 Cité in Bronislaw Baczko (dir.), Une éducation pour la démocratie. Textes et projets de l’époque révolutionnaire, Genève, Librairie Droz, 2000, p. 296-297.
7 Benedict Anderson, Imagined Communities : Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, London, Verso, 1991.
8 Ibid., p. 35.
9 Sur les fêtes républicaines, voir Olivier Ihl, La Fête républicaine, Paris, Gallimard, 1996.
10 Sur la tradition des funérailles nationales républicaines, voir Avner Ben-Amos, Funerals, Politics and Memory in Modern France 1789-1996, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; Avner Ben-Amos, « Les Funérailles de Victor Hugo : Apothéose de l’événement spectacle », in Pierre Nora (dir.), Les Lieux de mémoire, tome 1, La République, Paris, Gallimard, 1984, p. 473-522.
11 Pierre Nora, « L’événement monstre », Communications, no 18, 1972, p. 162-172.
12 Cécile Meadel, « Programme en masse, programme de masse ? La diffusion de la radio en France pendant les années trente », in Régine Robin (dir.), Masse et culture de masse dans les années trente, Paris, Éditions ouvrières, 1991.
13 Voir, par exemple, les comptes rendus du transfert du Soldat inconnu à l’Arc de Triomphe et du cœur de Gambetta au Panthéon, in L’Illustration, 20 novembre 1920, et ceux du transfert de Jean Jaurès au Panthéon, in Le Quotidien, 24 novembre 1924.
14 Renée Jeanne et Charles Ford, Le Cinéma et la presse, 1895-1960, Paris, Colin, 1961, p. 206-214.
15 Les magazines d’actualité filmée commencèrent à disparaître progressivement dans les années 1970, et le dernier fut projeté en 1980. Voir Marcel Huret, Ciné Actualité : Histoire de la presse filmée 1895-1980, Paris, Henri Veyrier, 1984, p. 174-177.
16 Le taux d’équipement des ménages en télévision est 13,1 % en 1960. Cf. Marie-Françoise Lévy, (dir.), La Télévision dans la République : Les années 50, Bruxelles/Paris, Complexe/IHTP-CNRS, 1999, « Introduction », note 4, p. 12.
17 Colette Lustière, « Le Journal télévisé. L’évolution des techniques et des dispositifs », in Marie-Françoise Lévy, (dir.), La Télévision dans la République..., op. cit., p.46.
18 INA, « Paul Valéry est mort », Les Actualités françaises, 3 août 1945, AFE86003105.
19 Les funérailles nationales, les panthéonisations et les re-enterrements diffusés à la télévision française durant la période de cette étude furent ceux et celles de : Léon Blum (avril 1950), général de Lattre de Tassigny (janvier 1952), Louis Braille (juin 1952), Colette (août 1954), Paul Claudel (février 1955), Gustave Charpentier (février 1956), Irène Joliot-Curie (mars 1956), Édouard Herriot (mars 1957), Frédéric Joliot-Curie (août 1958), maréchal Lyautey (mai 1961), Jean Moulin (décembre 1964), maréchal Juin (février 1967), Charles de Gaulle (novembre 1970), Georges Pompidou (avril 1974).
20 Source : INA.
21 Pour la logique des cérémonies du pouvoir, voir Clifford Geertz, « Kings, Centers, and Charisma : Reflections on the Symbolics of Power », in Local Knowledge..., op. cit., p. 121-146. Pour la couverture télévisée des visites présidentielles, voir Évelyne Cohen, « La télévision et les voyages en province du général de Gaulle (1958-1962) », in Télévision et espace régional, Paris, INA-CNRS, 1999 [actes du colloque d’Aix-en-Provence, 25-26-27 septembre 1997].
22 Roland Barthes, Le Degré zéro de l’écriture ; Éléments de sémiologie, Paris, Gonthier, 1969, p. 131-144.
23 Sur la large place des rites du pouvoir dans les nouvelles quotidiennes durant la seconde moitié des années 1950, voir Jérôme Bourdon, Haute Fidélité : Pouvoir et Télévision 1935-1994, Paris, Seuil, 1994, p. 47.
24 Jérôme Bourdon, « Live Television is still alive : on television as an unfulfilled promise », Media, Culture and Society, vol. 22, 2000, p. 531-556.
25 Daniel Dayan et Elihu Katz, Media Events : The Live Broadcasting of History, Cambridge (Mass.) Harvard University Press, 1992, p. 38.
26 Ibid., p. 59.
27 Jérôme Bourdon, « Télévision et Symbolique politique », Hermès-CNRS Éditions, vol. 11-12, 1992, p. 199-200.
28 Pour une analyse détaillée de la cérémonie, voir Henry Rousso, Le Syndrome de Vichy 1944-198..., Paris, Seuil, 1987, p. 95-109.
29 Sur les funérailles de de Gaulle, voir Jean-Pierre Rioux, « Le Souverain en mémoire (1969-1990) », in Institut Charles de Gaulle, De Gaulle en son siècle, Paris, Plon/La Documentation française, 1991, p. 305-308, et Ben-Amos, Funeral, Politics, and Memory in Modern France 1789-1996, Oxford, Oxford University Press, p. 366-367.
30 Jean-Pierre Azéma, « De Gaulle et les médias », in Institut Charles de Gaulle, De Gaulle en son siècle..., op. cit., p. 402-7.
31 Jérôme Bourdon, Haute Fidélité : Pouvoir et Télévision 1935-1994, Paris, Seuil, 1994, p. 53.
32 INA : « Messe des obsèques du général de Gaulle », 12 novembre 1970, CAF87002352 ; « Les obsèques du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises », 12 novembre 1970, CPF93000279. L’information sur le défilé aux Champs-Élysées se fonde sur la presse : Le Monde, 13 novembre 1970, Le Figaro, 13 novembre 1970.
33 Roland Barthes, « Rhetoric of the Image », in Image, Music, Text, translated by Stephen Heath, New York, Hill and Wang, 1977, p. 38-40. On doit ajouter que le texte aussi n’a pas toujours un sens fixe, mais que son adition à l’image diminue le nombre d’interprétations possibles.
34 Pour le rôle de la voix au cinéma et à la télévision voir Michel Chion, L’Audio-vision, Paris, Nathan, 1990.
35 Daniel Dayan et Elihu Katz, Media Events..., op. cit., p. 130.
36 INA, « Cérémonie à Notre-Dame en hommage au Président de la République, Georges Pompidou », 6 avril 1974, CAF92029677.
37 Comparé, par exemple, aux obsèques nationales de Sadi Carnot (1894) et Félix Faure (1899) qui eurent lieu à Notre Dame, en présence du corps.
Auteurs
Historien, professeur à l’École d’éducation, université de Tel-Aviv. S’intéresse à l’histoire de la mémoire collective et de la culture visuelle en France et en Israël. Auteur, entre autres, de « Les funérailles de Victor Hugo : Apothéose de l’événement spectacle », in Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, vol. I, La République, Gallimard, 1984, pp. 473-522 ; Funerals, Politics, and Memory in Modern France, 1789-1996, Oxford, Oxford University Press, 2000 ; « Une Politique sioniste de la mémoire ? Les fêtes commémoratives à l’école publique israélienne », Mouvements, vol. 33-34, 2004, pp. 36-42, (avec I. Bet-El).
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