Les circulations « province-Paris » dans les feuilletons télévisés
1961-1973
p. 163-184
Texte intégral
1De nombreuses fictions télévisées mettent en scène des personnages extrêmement mobiles, qui traversent la France, à la recherche d’une université ou d’un emploi, le plus souvent dans la capitale. Après avoir expliqué sur quel corpus d’images se fonde cette étude pour comprendre ces circulations entre la province et Paris et les raisons de ce choix, je tenterai de déterminer quelle région on quitte, qui émigre et dans quel but. Je suivrai ensuite les pérégrinations du migrant dans la « ville lumière » pour voir comment l’échec ou la réussite du projet dépendent non seulement de l’âge, du sexe et de la profession exercée mais aussi de la période de réalisation.
POURQUOI LE FEUILLETON ?
2Pour saisir les déplacements sur le territoire français, j’ai observé les feuilletons diffusés quotidiennement sur les deux chaînes nationales1 hertziennes, généralement du lundi au vendredi, à 19 heures 40, juste avant le journal télévisé2. La durée de vie de ces fictions – découpées en 15 épisodes pour la plus courte, 145 épisodes pour la plus longue – est de treize ans. Elles commencent à être diffusées en 1961, au moment où la famille devient le « destinataire privilégié »3 du petit écran, et disparaissent à la fin d’une double époque, économique – les Trente Glorieuses – et télévisuelle – quelques mois avant l’éclatement de l’ORTF. En effet, François Gaillard ou la vie des autres, projeté en 1973, annonce déjà un nouveau genre, hybride, bientôt dominant. Composé de huit histoires de cinq épisodes chacune, il est un compromis entre le feuilleton et la série à héros récurrent. Ce changement intervient au terme d’une longue campagne de dénonciation, dans la presse, de « la feuilletonite »4, de « l’inflation du feuilleton »5 et du « règne du feuilleton »6.
Une mine pour l’historien...
3Or, pour l’historien, ces feuilletons, vilipendés par la critique qui leur reproche à la fois leur absence de prétention esthétique et leurs facilités narratives, offrent plusieurs avantages.
4Ce sont ces programmes que les Français ont vus. Ils ont été diffusés à des heures de grande écoute et leurs concepteurs ont tout mis en œuvre pour capter l’attention des familles, pour « toucher une clientèle de masse déjà perturbée par le repas, le bruit des enfants »7. Ils ont, par exemple, privilégié le motif musical du générique, pour « obliger la cuisinière à quitter ses fourneaux, l’homme à laisser son journal et même le gosse son jeu »8. Cette stratégie semble avoir réussi puisque les publicistes acceptent que « les tranches horaires avant et après le feuilleton soient les plus chères »9. Non seulement quantité de procédés ont été expérimentés pour resserrer l’attention du destinataire mais ces documents ont été plusieurs fois rediffusés dans les années qui ont suivi leur premier passage à l’antenne, et toujours à des heures d’audience maximale10. Il a donc été difficile d’y échapper et l’on peut risquer l’hypothèse qu’ils ont laissé une empreinte sur les téléspectateurs, ont véhiculé, conforté ou façonné des modèles et des clichés de Paris et de la province, imposé une image de l’espace géographique et culturel français.
5En raison de leur format – chaque épisode dure entre 13 minutes et 13 minutes 30 alors que les normes internationales de l’époque sont le 26 ou le 52 minutes – et de la cherté des doublages, ces feuilletons apparaissent également comme une spécificité hexagonale. Ils sont, au mieux, distribués dans les pays francophones limitrophes. Aussi tout porte-t-il à croire qu’ils renseignent plus finement sur les préoccupations des Français, sur leurs espoirs, leurs doutes et leurs interrogations, que des fictions prévues pour une exportation outre-Atlantique11.
6Contrairement aux documents diffusés durant le week-end ou après le journal télévisé, qui sont souvent des adaptations de romans historiques célèbres (Les Illusions perdues, Rocambole...), ces feuilletons se veulent centrés sur des « questions de société » et empruntent à la vie courante. Leurs concepteurs souhaitent que chaque foyer retrouve sur l’écran des personnages à son image. Ils ambitionnent de faire du « journalisme reconstitué » pour présenter au public des professions à chaque fois différentes. Les scénaristes, dans les interviews qu’ils ont accordées à la presse, affirment tous avoir d’abord étudié un milieu et ensuite seulement imaginé le récit et les emplois des héros – transporteurs, policiers, avocats, enquêteurs... – en contact avec ces milieux. Ils certifient également s’être entouré, dans un souci d’authenticité, de représentants des métiers mis en scène, venus leur faire des remarques, suggestions et critiques12.
…ou un terrain miné ?
7Mais, comme tout document, ces feuilletons ne peuvent s’appréhender sans connaître les contraintes spécifiques qui ont pesé sur leur élaboration.
8Ces fictions sont d’abord tributaires des heures de diffusion. Projetées à un moment de grand remue-ménage dans les foyers, elles sont davantage conçues pour être écoutées que pour être vues et ont une forme particulière. Leurs acteurs sont extraordinairement volubiles et le rythme est lent : les plans sont longs, caractérisés par de nombreux mouvements de caméra qui accompagnent les personnages et les moyens de locomotion. Les prouesses artistiques sont secondaires car il s’agit avant tout de créer des habitudes, de fidéliser le spectateur et de l’accompagner jusqu’au JT via Bonne nuit les petits13.
9Les lieux mis en scène dépendent aussi des budgets. Certains tournages ont été imaginés mais le réalisateur a dû y renoncer en raison du coût14 ou parce qu’il n’a pas obtenu d’autorisation préfectorale. Inversement, comme certains de ces feuilletons ont reçu des subventions ministérielles, les cameramen ont parfois filmé dans des endroits qui n’avaient pas été initialement prévus. Ainsi, la Camargue, dont le littoral se modifie profondément dans les années soixante, a-t-elle la vedette dans deux feuilletons quotidiens (Caravane Pacouli, Le Manège de Port-Barcarès), de même que plusieurs stations balnéaires alors en grand bouleversement urbanistique comme Houlgate, Cabourg et Arcachon. Les opérateurs s’attardent aussi sur des constructions récentes, tel le pont de Tancarville (L’Homme du Picardie) que la chambre de Commerce et d’Industrie de Havre souhaite promouvoir. Et plusieurs scénarios évoquent Grenoble, qui devient, grâce à l’endiguement du Drac et de l’Isère, une agglomération industrielle attractive.
10Mais les concepteurs de ces fictions présentent également les régions qui leur sont familières. Le scénariste Jean Canolle, qui est marseillais, impose dans Le Temps des copains deux héros avignonnais et multiplie les allusions à la Provence. De même, Louis Soulanes, né dans l’Hérault, fait circuler La Caravane Pacouli du nord au sud de ce département.
11Dans ces feuilletons, les jeux d’intertextualité sont importants. Les téléastes, qui reçoivent souvent des commandes précises, retraitent ce qui a précédemment fait recette sur d’autres supports. Avant d’être transposée au petit écran, Noèle aux quatre vents a d’abord été un feuilleton radiophonique15. Pour Le Temps des copains, Robert Guez se voit confier la mission de recycler Les Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger et de relire Les Illusions perdues. Il choisit alors, non pas de masquer ces emprunts mais de les souligner, d’épisode en épisode, via une voix off venue rappeler au téléspectateur qu’elle connaît l’histoire de Paris et de ceux qui l’ont évoquée avant elle.
Le récitant, Jean Négroni, après avoir cité les propos de Molière sur Paris « la ville des villes, le bureau des merveilles », reprend les principaux clichés sur la duplicité de la capitale : « Paris ce mirage. Paris cette réalité brillante, sordide, multiple, protéiforme. Paris cette ruche, ce village [...] Paris fosse aux astres et aux désastres » [...]
12À l’image aussi les références à Balzac sont nombreuses. Non seulement l’ambitieux Gonfaron s’appelle Lucien, mais, faute d’argent, son copain Jean, comme Balzac dans sa maison de Sèvres, dessine au fusain, sur les murs blanchis à la chaux de sa mansarde, un cadre vide dans lequel il écrit « Ici tableau de Delacroix ».
13De façon plus discrète, les téléastes recyclent également ce qui a plu au cinéma. Ainsi Le Temps des copains (1961) est-il en forte résonance avec Les Cousins de Claude Chabrol (1958) et les mésaventures de Cécile, venue « seule à Paris » pour trouver un emploi, sont-elles comparables à celles des héroïnes des Surmenés (Jacques Doniol-Valcroze, 1960)16 et du Pavé de Paris (Henri Decoin, 1961)17. Ils s’inspirent aussi d’émissions télévisées précédentes qui ont été plébiscitées par le public comme Jeune fille de province18 ou La Traversée de Paris à la nage19.
14Parallèlement aux questions de réception attendue avant le journal télévisé, d’héritages littéraire, cinématographique et radiophonique, les contraintes qui ont modelé ces fictions sont encore d’un autre ordre. Lorsque le tournage du feuilleton n’est pas achevé au moment de la diffusion du premier épisode, le scénario est corrigé au gré des réactions des téléspectateurs, exprimées par courriers ou par sondages20. C’est à la lecture des nombreuses lettres demandant de « sauver la fille mère » que les producteurs imposent à Gonfaron (alias Henri Tisot) d’épouser Maryse (Maryse Méjean) pour laquelle il éprouvait seulement de l’amitié et à qui il avait préalablement intimé l’ordre : « Cesse de m’aimer ! »21. De même, Le Temps des copains, Vive la vie et Quand on est deux ont une suite grâce à l’intervention du public et contre l’avis des critiques professionnels22.
15Mais les anecdotes peuvent aussi être modifiées en fonction des impératifs des vedettes, souffrantes ou refusant de poursuivre l’aventure. Par exemple, au début de la deuxième série de Vive la vie, le scénariste, Jean-Charles Tacchela, est forcé d’envoyer le petit Cricri en sanatorium dans le Pyrénées car l’acteur, Christian Georges, soucieux de bien travailler à l’école, ne veut plus jouer23.
... plutôt « le territoire du vide »
16Recenser ces fictions du quotidien, centrées sur les circulations entre la province et Paris, pose peu de problèmes. Pour les fonds antérieurs à 1986, la base de données de l’Inathèque étant incomplète, j’ai compulsé les magazines consacrés au petit écran et les bulletins des chefs de chaîne24. J’ai ainsi dénombré dix feuilletons échelonnés entre 1961 et 1973, treize si l’on autonomise chaque « suite ».
17Mais le visionnage des documents est moins simple que leur inventaire. Dès 1959, pour des raisons de coût et malgré le monopole de production, la réalisation de multiples feuilletons est confiée au privé25. De fait, les copies ne se trouvent pas à l’INA mais à Telfrance26, principal partenaire de l’ORTF – dont les portes ne s’ouvrent pas au chercheur – ou ne peuvent être localisées car les firmes Agratéléfilms, Maintenon film, Télécip et Opéra film, également prestataires de service, ont aujourd’hui disparu. Lorsque le document a été produit ou co-produit par l’INA, une copie est certes déposée mais elle n’est pas pour autant consultable. En effet, dans les années 1960-1970, les feuilletons étaient tournés en film 16 millimètres et leur transfert sur un support vidéo coûte très cher. Deux des séries retenues, Le Temps des Copains et L’Homme du Picardie sont commercialisées dans la collection « Mémoire de la télévision ». L’INA possédait sur cassettes SVHS les quatre premières heures de François Gaillard et la vie des autres. Il détenait en film 16 millimètres quatre autres documents. Une moitié des épisodes d’Une chambre à louer, de Seule à Paris et de Vive la vie a été recopiée27. La Route n’a pas encore pu être transféré. Les trois derniers feuilletons recensés (Un homme, une ville, Noèle aux quatre vents, Vilain contre ministère public) sont restés introuvables. Les manques ne peuvent pas être entièrement comblés par la documentation écrite. Les scénarios, quand ils ont été confiés à l’INA, sont presque aussi succincts que les résumés proposés par les chefs de chaîne et les magazines de télévision. Les critiques parues dans la presse et les courriers des téléspectateurs publiés dans Télé 7 jours et Télé poche sont rares28. Et seule La Route est l’adaptation fidèle d’un roman facilement consultable.
LA PROVINCE QUITTÉE
18Ce corpus en apparence fragmenté permet cependant de comprendre quelle province on délaisse et qui part. Il laisse également sourdre, entre 1961 et 1973, des bouleversements géopolitiques et des résistances.
Quelle province ?
19Avant 1972, les provinciaux qui viennent se fixer à Paris quittent toujours une ville, moyenne ou grande, ou sa banlieue (La Côte Saint-Jean), pas un village. Ceux qui abandonnent la campagne, comme la famille Pacouli, dont la maison s’est effondrée (La Caravane Pacouli, 1964), ne vont pas jusqu’à la capitale mais se réfugient dans un bourg qui se modernise (Agde), où ils pourront se reconvertir professionnellement, troquer la viticulture contre une agriculture moderne. Après 1972, tout change : ceux qui immigrent à Paris sont originaires d’un hameau – de la Loire (Noèle aux quatre vents), du Loiret (François Gaillard ou la vie des autres) ou de Bretagne (Un homme, une ville).
20Jusqu’en 1966, dans ces feuilletons, les cités de province, seulement évoquées ou brièvement montrées, sont toutes situées sur l’axe PLM. Les gens du Sud, de Marseille, de Nîmes, d’Avignon, de Lyon, de Saint-Étienne, de Clermont-Ferrand et de Dijon montent au sens propre à Paris. Ceux dont le métier est d’approvisionner la capitale, les transporteurs (La Route) et les maraîchers, vont et viennent entre Marseille, diurne, et les Halles, nocturnes et encombrées où ils dorment dans leurs camions en attendant de décharger. À partir de 1968, les représentations se modifient. Les héros provinciaux sont désormais issus du Nord de la France et de régions peu éloignées de Paris : l’Oise, le Loiret, le Dijonnais, le Pas-de-Calais. Les Provençaux et les Lyonnais ne viennent plus se fixer dans la capitale. Au petit écran, Paris a cessé d’être l’unique ville « de tous les possibles », elle a dorénavant une concurrente : Strasbourg. L’héroïne de L’Homme du Picardie (1968) fugue dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons que l’héroïne de Seule à Paris (1965) : elle s’enfuit nuitamment, pour apprendre un métier, travailler et éviter un mariage arrangé... mais Paris n’est plus qu’une escale car la jeune fille se rend à Strasbourg, où vit son frère.
21Au plan des mobilités affleure le même découpage temporel. Durant les six premières années observées, le territoire français reste hors champ. Les cameramen ne filment, entre Paris et la ville de province, que quelques plans du train qui roule. En outre, tous les départs et les arrivées, quelles que soient les origines et les destinations, se font à la gare de Lyon, facilement identifiable à sa grosse horloge toujours prise en contre-plongée. Dans l’avant dernier épisode de Seule à Paris, alors que l’héroïne annonce qu’elle part pour Londres via Le Havre, elle se rend à la gare de Lyon et déjeune au Train bleu avant le départ.
22À l’exception des routiers (La Route), d’un homme politique (Le Temps des copains) et d’une fiancée jalouse (Une chambre à louer) aucun provincial ne se rend régulièrement dans la capitale. Les parents ne viennent voir leur enfant qu’une seule fois au long de l’année universitaire ou de l’apprentissage ; l’étudiant ne retourne dans sa famille qu’à Noël et aux grandes vacances. À partir de 1968, en revanche, les personnages se déplacent plus fréquemment, leurs trajets sont plus diversifiés et s’effectuent davantage en voiture qu’en train : ils se rendent à un mariage à Strasbourg (L’Homme du Picardie) et à l’état civil de Nantes (Noèle aux quatre vents), ils participent à une vente aux enchères à Honfleur ou à Nevers, partent en vacances à Cabourg comme dans les Alpes. De la sorte, le téléspectateur découvre une grande partie des réseaux routier et ferroviaire, et non plus simplement la RN7 et la ligne du « Mistral ». Non seulement les héros prennent facilement un Paris-Strasbourg ou un Lille-Amiens mais ils ne se trompent plus de gare. Et comme pour nous obliger à le remarquer, la caméra accompagne très longuement un homme en semi-liberté qui va voir les horaires pour Lagnon à Montparnasse (François Gaillard ou la vie des autres), une jeune fille qui traverse le hall de la gare de l’Est (L’Homme du Picardie) et un adolescent parti retrouver sa mère adoptive dans l’Oise via la gare du Nord (François Gaillard ou la vie des autres)... À la vieille capitale des embarras semble avoir succédé une ville moderne, des circulations.
La province au petit écran
23Si, sur les treize années observées, la représentation du territoire français se modifie considérablement, laissant deviner la régionalisation, en revanche, la figuration des villes ou villages, éloignés ou proches de la capitale, change peu.
24Pour les téléastes, la province commence à une quinzaine de kilomètres de Paris. Le téléspectateur n’aperçoit de Conflans-Sainte-Honorine, Champigny, Senlis... que le vieux centre, avec son marché peuplé de personnes âgées, ses habitants qui travaillent sur place, élèvent des poules, jardinent... Seules Sarcelles, Ivry et Vitry, plusieurs fois aperçues, sont présentées comme des localités de banlieue, cité dortoir pour la première, villes-usines où les héros viennent chercher un emploi pour les secondes.
25On ne voit de ces espaces que les voies de communication permettant d’en sortir ou de revenir s’y enterrer au sens littéral. La caméra se limite à suivre les héros qui sortent d’une gare, marchent sur une route, longent une voie ferrée ou un canal (L’Homme du Picardie), demandent un renseignement dans une station service (François Gaillard ou la vie des autres) Elle pénètre uniquement dans les cimetières et dans les cafés épiceries qui bordent les nationales (François Gaillard ou la vie des autres, L’Homme du Picardie, La Route). Elle s’arrête, en revanche, au seuil des maisons, très en retrait de la rue et protégées par de hautes grilles, l’envers des immeubles parisiens, qui donnent directement sur la chaussée et dans lesquels les personnages apparaissent toujours sur des seuils : dans l’encadrement de la porte ou de la fenêtre, au balcon, ouvrant sur les toits de la capitale... La seule agglomération de province présentée différemment est Strasbourg, apparentée par le montage à Paris. Dans un cas comme dans l’autre, les héros qui découvrent la métropole apparaissent successivement dans le champ de la cathédrale Notre-Dame, sur les quais de la Seine ou du Rhin, dans le centre historique, à la recherche d’un hôtel, dans un petit restaurant où les âges et les classes se mêlent.
26Dans ce monde intemporel, une seule modification se fait jour. Jusqu’aux années soixante-dix, au petit écran comme dans la littérature, la province est féminine. Et les garçons la quittent pour cette raison, désespérés d’avoir « deux sœurs et deux grands-mères et une mère qui tient tant de place et fait tant de bruit que [l’on a] parfois l’impression d’avoir deux mères » (Le Temps des copains). Dans les trois derniers feuilletons examinés, en revanche, les villages deviennent le fief des hommes : des notables qui décident d’entrer au conseil municipal pour pouvoir bâtir un lycée et industrialiser la région (Un homme, une ville), des promoteurs venus urbaniser le littoral aquitain (Vive la vie 3).
Profil des migrants
27Les garçons quittent la province après le baccalauréat, pour poursuivre leurs études dans la capitale. Avant 1968, ils partent même quand il existe une université dans leur ville d’origine (Lyon, Dijon) sous le motif que les établissements parisiens offrent plus de choix et sont plus prestigieux. Les filles n’émigrent pas pour les mêmes raisons. Dans les familles de condition modeste, leur scolarité est sacrifiée.
Yvette n’a que le certificat d’études alors que son frère a obtenu son brevet (L’Homme du Picardie).
Le futur médecin Chantournel regrette que sa sœur, « plus vive, plus intelligente » que lui n’aille pas à Paris à sa place (Le Temps des copains 1).
28Dans les foyers plus aisés ou culturellement favorisés, elles ne songent à finir leurs études supérieures qu’après Mai-6829 et n’arrivent dans la capitale qu’en fin de cursus, pour effectuer un stage dans un cabinet d’avocats célèbres (Vilain contre ministère public, François Gaillard ou la vie des autres).
29Moins diplômées que les garçons, les héroïnes se rendent donc à Paris pour apprendre un métier, généralement en rapport avec la mode : étalagiste, dessinatrice, mannequin... pour travailler et être autonomes, ce que ne comprend pas leur père qui morigène : « Je suis encore capable de te nourrir jusqu’à ce que tu te maries ! » (L’Homme du Picardie).
30La plupart des jeunes gens émigrent aussi pour ne pas faire comme leurs parents. Les garçons refusent de reprendre le métier du père (maraîcher, industriel, artisan marinier), souvent une profession sinistrée. Les filles n’acceptent pas de devenir, comme leur mère, des maîtresses de maison trompant leur ennui par les bonnes œuvres. Tout au long de la période observée, au petit écran, les garçons comme les filles partent également parce qu’ils ne veulent pas d’un mariage arrangé par les parents avec un(e) voisin(e) qualifié(e) de « beau parti »... Ainsi contestent-ils à la fois l’immobilisme géographique et professionnel.
« LA VIE PARISIENNE »
31Ces feuilletons du quotidien, dont le visionnage incomplet rend toute interprétation hasardeuse, semblent également vouloir prouver au téléspectateur que les « paysans de Paris » ne vivent pas comme les Parisiens de souche, que les jeunes filles de province ne mènent pas dans la capitale la même existence que leurs frères et que l’âge du migrant n’est pas sans conséquence sur l’échec ou la réussite de l’installation.
Provinciaux et Parisiens : deux mondes
32Seuls dans la « ville lumière », les nouveaux venus sont très différents des jeunes Parisiens qui habitent avec leurs parents – lesquels n’ont parfois emménagé dans la capitale que « pour assurer une meilleure scolarité à leurs enfants » (Vive la vie 2).
33Les jeunes filles qui ont toujours vécu à Paris sont plus émancipées que les migrantes. Toutes travaillent comme ouvrières, secrétaires mais aussi antiquaires, institutrices et avocates pour les plus âgées. Plusieurs étudient la médecine (Le Temps des Copains, Chambre à louer, Vive la vie). Elles partent seules en vacances (François Gaillard ou la vie des autres) ou en année de formation à l’étranger (Vive la vie). Presque toutes fument, portent des pantalons et revendiquent des relations sexuelles avant le mariage alors que les héros réservent une chambre d’hôtel à leur fiancée stéphanoise (Une chambre à louer) ou allemande (L’Homme du Picardie).
34Si les garçons de province croisent inévitablement les jeunes Parisiens à l’Université ou à Sciences Po, les provinciales et les Parisiennes ne se rencontrent presque jamais. Pendant que les premières sont en apprentissage ou effectuent un travail ingrat en banlieue, les secondes s’enferment dans un bureau, au Palais ou à l’École de Médecine. Tandis que les unes habitent une mansarde dans un lieu de bohème, au Quartier Latin ou à Montmartre (rue Lepic), les autres logent dans des appartements hausmanniens des VIIIe ou XVIe arrondissements.
Garçons et filles : deux mondes
35Au petit écran, les garçons et les filles de province ne semblent pas non plus vivre dans la même métropole. Les premiers, encore mineurs, sont aidés financièrement par leurs parents qui ne leur coupent jamais longtemps les vivres, même lorsqu’ils ont fugué. De fait, ils peuvent se consacrer pleinement à leurs études, n’acceptant qu’occasionnellement un « petit boulot » de baby-sitting ou de guide. Ils rencontrent aussi immédiatement des pères de substitution qui leur prêtent ou leur découvrent en cette période de pénurie de logement, une caravane, une chambre de bonne rue Mouffetard ou dans leur maison d’Enghien. Ces adjuvants, que les héros qualifient de « père nourricier » offrent tous les mêmes caractéristiques : ils n’ont pas d’enfants – le restaurateur Michel-Ange dans Le Temps des copains –, ne les élèvent pas car ils sont à l’étranger – Espanet dans Le Temps des copains –, ont perdu un fils durant les « événements d’Algérie » (Une chambre à louer). Dès leur arrivée dans la capitale, les jeunes provinciaux sont aussi aidés par des Parisiennes émancipées – une femme peintre, une institutrice, une galeriste... – qui leur permettent de se faire connaître.
36Pour les jeunes filles, la tonalité est plus grave. Le plus souvent déjà majeures, elles ne reçoivent aucune aide de leur famille qui les a parfois totalement abandonnées en apprenant leur grossesse involontaire (Le Temps des copains) ou leur mariage sans consentement (François Gaillard ou la vie des autres). Elles ne trouvent pas non plus de parents adoptifs, bien au contraire.
Pour ne pas déplaire à son mari dont elle dépend financièrement, la cousine Gisèle, qui avait invité « plus de cent fois » Cécile à s’installer chez elle, la chasse immédiatement après lui avoir emprunté tout son argent (Seule à Paris). Quant à la cousine de Noèle, elle la reconduit elle-même très rapidement, aux quatre vents.
37Les employeurs rencontrés ont tous l’âge d’être père mais, loin de protéger les héroïnes, ils les harcèlent sexuellement. Pour leur échapper, celles-ci sont amenées à accepter des emplois peu gratifiants – laveuse de bus, femme de ménage la nuit à Orly, ouvrière plieuse dans une cartonnerie – ou dégradants – modèle, strip-teaseuse. Celles qui refusent cet avilissement risquent la famine, comme Maryse, obligée de manger durant une semaine de la farine avec de l’eau (Le Temps des copains).
38De fait, si au début des récits tous les jeunes gens de province commencent par visiter les mêmes lieux touristiques : s’attarder dans l’Île-Saint-Louis et à Montmartre, longer le Quai aux fleurs... les filles sont ensuite beaucoup plus mobiles que les garçons car elles doivent trouver un emploi : se rendre dans une usine à Ivry, enquêter dans deux banlieues aussi dissemblables que Neuilly et Sarcelles... Sortes de reporters involontaires, elles découvrent alors une agglomération parisienne moderne et industrieuse sur laquelle elles portent un regard sévère qu’elles font partager au spectateur.
Cécile, après avoir affirmé à l’architecte Michel que « Sarcelles c’est inhumain », avoue : « Je comprends cette bande de jeunes qui erre là-dedans avec l’envie de tout casser » [...] « Tous les gens que j’ai rencontrés aujourd’hui regrettaient les vieux immeubles » (Seule à Paris).
39Pendant ce temps, les personnages masculins vivent confinés au Quartier latin, dans une capitale intemporelle où Notre-Dame, toujours visible au fond du champ, semble les protéger.
40Les héroïnes de province sont seulement secourues par un « pays », récemment installé à Paris, qui défend leur vertu. Elles sont aussi aidées par une collègue de travail mais celle-ci, une célibataire endurcie, les incite à ne pas suivre son exemple et à privilégier leur vie sentimentale. De fait, dans chaque feuilleton, l’objectif initial des jeunes filles – trouver un emploi qualifié – dérive vers la quête d’un mari qu’elles accepteront de suivre à Grenoble (Seule à Paris) ou en Mauritanie (L’Homme du Picardie) et qui leur fera renoncer à leur métier.
Se maintenir à Paris ou le quitter
41Ainsi, aucune des provinciales mises en scène ne se maintient-elle dans la capitale. Mais, à y regarder attentivement, le sort réservé aux Parisiennes n’est guère plus enviable. Plus diplômées et résistant mieux aux pressions que les Clermontoises ou les Stéphanoises, elles doivent néanmoins émigrer aux États-Unis si elles veulent s’épanouir professionnellement. En 1961, la dessinatrice part exposer à New York ses œuvres que personne n’achetait à Saint-Germain et l’interprète famélique émigre outre-Atlantique où on lui propose un tour de chant (Le Temps des copains). Sept ans plus tard, la fille aînée de Vive la vie s’exile elle aussi pour finir ses études à Harvard car, comme le sous-entend son fiancé américain, dont « la mère a une affaire importante là-bas », dans le nouveau monde, le travail est compatible avec la famille.
42Concernant les garçons, la situation est également délicate. Les personnages peu ambitieux ne restent pas à Paris après la fin de leurs études ou de leur stage. La « ville lumière » n’a été pour eux qu’un espace d’apprentissage où ils ont d’ailleurs vécu comme en province : rentrant déjeuner chez eux, ne découvrant de la métropole que ses espaces verts (Buttes Chaumont, Luxembourg, bois de Vincennes) et ses sites les plus touristiques (Tour Eiffel, funiculaire de Montmartre, passages des Champs-Élysées)30. Seul le conquérant s’installe définitivement dans la capitale, mais après avoir fait l’expérience de l’humilité et de la patience, après avoir pris conscience que la mesure de Paris « ce sont les années » (Chambre à louer, Le Temps des copains).
43Quand ce n’est pas un adolescent qui tente de s’établir à Paris mais un homme ou une femme de plus de quarante ans, venu avec les siens, le feuilleton vire au drame.
44Au début du récit, installée dans une vaste demeure de Seine et Marne (Vive la vie), une ferme de Bretagne (Un homme, une ville) ou une péniche sillonnant la France (L’Homme du Picardie) la famille est unie et rassemble plusieurs générations : parents et enfants mais aussi, éventuellement, un grand-père et une sœur célibataire (Vive la vie 1). La femme est une parfaite maîtresse de maison que la caméra accompagne à l’épicerie et filme dans sa cuisine, épluchant les légumes ou donnant l’ordre de le faire à la gouvernante (Vive la vie). Les nombreuses scènes de repas et de couchers accusent encore la monotonie et l’immuabilité de cette vie provinciale. Mais dès l’emménagement à Paris, cet ordre est bouleversé. Le plus jeune des enfants part pour les Pyrénées car il ne supporte pas le mauvais air de la capitale. Le grand-père, qui manque de place, décide d’aller vivre à « l’hospice de vieillards ». La sœur, revendiquant subitement son indépendance, se réfugie à l’hôtel (Vive la vie). La mère prend un amant (Un homme, une ville) ou cherche un job (L’Homme du Picardie). Les filles, livrées à elles-mêmes, n’en font qu’à leur tête. Un fils est même accusé (à tort) de meurtre (Un homme, une ville)... Une voix off confirme « La famille Vincent est dispersée » (Vive la vie 3). Déprimés, les pères regrettent amèrement l’ancien temps : « la maison était grande [...] Il y avait un jardin, on pouvait s’isoler. Mais depuis deux ans qu’on est installé à Paris, toujours les uns sur les autres... » (Vive la vie 2). Plus grave, ils ne tardent pas à perdre leur emploi. Sur-endetté, L’Homme du Picardie doit vendre sa péniche aux enchères. Dépourvu de qualification professionnelle, il ne trouve aucun travail durable et se résigne à être chômeur sans droits. Pourtant très diplômé, Vincent n’a pas plus de chance. L’entreprise où il avait un poste à responsabilité est rachetée et « tous les cadres de l’ancienne boîte sautent » (Vive la vie 3). Inoccupés, ces pitoyables héros acceptent alors d’effectuer les tâches ménagères jusqu’alors dévolues à leurs femmes qui, elles, n’ont eu aucune difficulté à trouver un emploi. Pour souligner ce renversement de situation, la caméra accompagne désormais l’homme au marché et s’attarde sur lui quand il prépare le dîner... Comme le constate lucidement l’ex-batelier du Picardie, contraint d’accepter l’argent de ses enfants qui lui font la leçon : « Quand un homme ne peut plus faire bouillir la marmite, il n’a plus le droit de commander ! ». Dans chaque feuilleton les conséquences sont identiques : le chef de famille déchu se met à boire et, sans l’aide improbable d’un Deus ex machina, le feuilleton léger et tout public se teinterait aux couleurs de la tragédie. Par un ultime coup de théâtre, un délicieux beau-frère prête à Vincent sa propriété d’Arcachon, convaincu qu’il est plus facile pour un « quadra » de trouver un emploi dans le Bordelais qu’en Ile-de-France (Vive la vie 3). Plus fraternellement encore, un collectif de mariniers rachète la péniche de L’Homme du Picardie et la lui offre afin qu’il puisse naviguer paisiblement jusqu’à sa retraite.
45En examinant ces dix (treize) feuilletons diffusés avant le JT et échelonnés entre 1961 et 1973, je souhaitais comprendre quelles représentations du territoire français et des circulations « Paris-province » les téléastes proposaient à leur public, sans cesse grandissant, et déceler les éventuelles mutations intervenues durant une période certes brève mais effervescente. Cette approche, même si elle se fonde sur un corpus lacunaire, révèle le passage subreptice d’un vieux Paris des embarras, alimentant les rêves de tous les jeunes provinciaux, à une métropole moderne et fluide mais moins attractive pour la jeunesse car concurrencée par une grande ville européenne : Strasbourg. Cette nouvelle capitale ne convient ni aux femmes actives, qui émigrent, ni aux seniors, dorénavant encouragés à s’exiler dans une province qui perd lentement ses caractéristiques féminines.
46Je me suis limitée ici à une étude de contenu des récits télévisuels et bien d’autres investigations restent à mener. Des entretiens avec les scénaristes et producteurs survivants aideraient à mieux saisir les faisceaux de contraintes, politiques, financières, technologiques, qui ont conditionné les tournages. Comparer ces fictions à celles diffusées en prime time permettrait de voir si tous les réalisateurs tiennent le même discours ou si les propos varient en fonction des destinataires supposés et des postures spectaculaires présumées : des familles en écoute flottante dans un cas, des adultes attentifs, rivés à l’écran, dans l’autre. Établir un parallèle avec des œuvres diffusées sur d’autres supports aiderait aussi à dire si, aux alentours de Mai 68, les médias véhiculent tous les mêmes messages, se contredisent ou se complètent, si la télévision tente ou non de s’émanciper des représentations façonnées par le cinéma et la radio dont elle est issue. Il faudrait également, malgré les inévitables biais que ces démarches présupposent, interroger ceux qui furent spectateurs et retrouver les courriers adressés à l’ORTF. De la sorte, on obtiendrait des précisions sur ce qui a enthousiasmé, laissé indifférent ou choqué les Français, lesquels, par leurs réactions autant que par leurs pratiques, ont contribué à faire exister ces images et ces sons.
CORPUS (CLASSEMENT CHRONOLOGIQUE)
Le Temps des copains, production Téléfrance ; scénariste : Jean Canolle ; réalisateur : Robert Guez ; diffusé du 16 octobre 1961 au 22 décembre 1961 sur la chaîne nationale à 19 h 40 ; 50 épisodes de 13’30.
Le Temps des copains 2, production Téléfrance, scénariste : Jean Canolle ; réalisateur : Robert Guez, diffusé du 26 mars 1962 au 27 juin 1962 sur la chaîne nationale à 19 h 40, 65 épisodes de 13’30 (à ces deux séries s’ajoute un épisode de 90’, tourné en film 35 millimètres. Le Temps des copains, sept ans après, non diffusé).
La Route, production ORTF, adaptation et dialogues : Albert Aycard (d’après son roman) et Jean Verdun ; réalisation : Pierre Cardinal, diffusé à partir du mercredi 15 juin 1964 sur la deuxième chaîne à 20 h 15 ; 15 épisodes. Rediffusé sur la première chaîne dès septembre 1964.
Chambre à louer, production Téléfrance films ; scénariste : Hélène Misserly ; réalisateur : Robert Guez ; diffusé du 4 janvier au 8 février 1965 sur la première chaîne à 19 h 40 ; 26 épisodes de 13’30.
Seule à Paris, production Téléfrance-film ; scénario et dialogues : Hélène Misserly ; réalisateur : Robert Guez ; diffusé du 11 octobre 1965 au 22 décembre 1965 sur la première chaîne à 19 h 40 ; 52 épisodes de 13’30. – Vive la vie, production Téléfrance-film ; scénario et dialogues : Jean-Charles Tachella et Claude Choublier ; réalisation : Joseph Drimal ; diffusé à partir du 3 avril 1966 sur la première chaîne à 19 h 40, 52 épisodes de 13’30.
Vive la vie 2, production Téléfrance-film ; scénario et dialogues : Jean-Charles Tachella et Claude Choublier ; réalisateur : Joseph Drimal ; diffusé à partir du 9 septembre 1968 sur la première chaîne à 19 h 40, 52 épisodes de 13’30.
Vilain contre ministère public (autre titre : Affaire Vilain contre ministère public), production Telfrance, scénario, adaptation et dialogues : Daniel Anselme ; réalisation : Robert Guez ; diffusé à partir du 18 novembre 1968 sur la première chaîne à 19 h 40 ; 20 épisodes de 13’.
L’Homme du Picardie, coproduction Koba-ORTF, scénaristes : Henri Grangé et André Maheux ; réalisateur : Jean Ertaud, diffusé à partir du 16 décembre 1968 à 19 h 40 sur la première chaîne ; 41 épisodes de 13’.
Vive la vie 3, production Téléfrance-film ; scénario et dialogues : Jean-Charles Tachella et Claude Choublier ; réalisateur : Joseph Drimal ; diffusé à partir du 2 mars 1970 sur la première chaîne, à 19 h 25, 26 épisodes de 13’.
Noèle aux quatre vents, production Téléfrance-film, scénario et dialogues : Dominique Saint-Alban, réalisation : André Colpi, diffusé à partir du 30 novembre 1970 sur la première chaîne, à 19 h 25, 85 épisodes de 13’30.
François Gaillard et la vie des autres, production ORTF, scénariste : Henri Maheux et Henri Grangé, réalisateurs : Jacques Ertaud et Pierre Santini, diffusé à partir du 18 décembre 1972, du mardi au samedi, sur la première chaîne, à 20 h 15, 40 épisodes de 13’.
Un homme, une ville, Agra télé film. ; scénariste : Jacques Armand ; dialogues : Pierre Nivollet et Jacques Armand ; réalisateur : Joseph Drimal, diffusé à partir du lundi 9 juillet 1973 sur la première chaîne, du lundi au samedi inclus à 20 h 15, 26 épisodes.
Notes de bas de page
1 Antenne 2 commence à émettre, de façon intermittente, le 18 avril 1964. À la naissance de cette deuxième chaîne, l’ORTF crée un service de feuilletons pour gérer les coproductions.
2 Les programmateurs expérimentent, durant la période, deux autres créneaux horaires, 19 heures 25 et 20 heures 15, une « semaine » différente, allant du mardi au samedi et non plus du lundi au vendredi, mais ils reviennent toujours très vite aux jours et horaires initiaux.
3 Formulation de Marie-Françoise Lévy, in « Les représentations sociales de la jeunesse à la télévision française. Les années soixante », Hermès-CNRS Édtions, no 13-14, 1994, p. 205.
4 Néologisme-intitulé d’un article de Jean Rocchi, L’Humanité, 15 janvier 1973.
5 Titre d’un article de Jacques Mourgeon, Les Nouvelles littéraires, 14 mai 1972.
6 Titre d’un article d’André Brincourt, Le Figaro, 9 octobre 1972.
7 « Feuilleton : les deux recettes », L’Express du 28 février 1972.
8 « Le feuilleton télévisé. Enfant chéri du public. École impitoyable pour ceux qui le font », La Croix, 2 décembre 1973.
9 Henri Grangé interrogé par Jean Rocchi, « Henri Grangé : distraire en apportant des éléments de réflexion », L’Humanité, 23 février 1972.
10 Ils ont souvent été rediffusés sur l’autre chaîne nationale, parfois dans un format différent.
11 Le Temps des copains a toutefois été vendu au Japon.
12 Un exemple, dans Télé 7 jours (no 609, semaine du 25 décembre 1971 au 1er janvier 1972), les auteurs de François Gaillard ou la vie des autres disent avoir, durant de longs mois, observés les faits et gestes au Palais, consulté des dossiers, pris conseil auprès d’un ami avocat, pour savoir si les situations imaginées étaient plausibles.
13 À partir de 1963.
14 En 1970, le coût moyen d’une minute de ces « feuilletons du quotidien » est de 3 950 francs contre un peu plus de 5 000 francs pour les autres fictions télévisuelles. Faute de budget suffisant pour pouvoir déplacer les équipes dans tous les lieux initialement prévus, Robert Guez est obligé, pour chaque feuilleton, de recourir au transflex, procédé de trucage consistant à faire jouer des acteurs dans un studio vide en projetant les décors sur des panneaux de bois grâce à un projecteur et à des écrans réfléchissants (cf. son entretien dans L’Humanité dimanche du 23 juin 1969).
15 L’actrice qui incarnait Noèle à la radio n’est pas réengagée car la télévision la juge trop âgée pour le rôle. Par contre, Pierre Mondy et Rosy Varte, qui interprétaient les parents, reprennent du service.
16 Une jeune provinciale, lauréate du concours de dactylographie du Limousin, vient travailler à Paris. Malgré les mises en garde de son fiancé et de sa sœur aînée, elle est attirée par le rythme trépidant de la capitale.
17 De retour d’Algérie où il effectuait son service militaire, un jeune homme apprend que sa fiancée a quitté Amiens pour s’installer à Paris. Après maintes recherches, il retrouve Arlette qui lui avoue ses aventures amoureuses.
18 Collection Si c’était vous, 10 juin 1958, scénario de Marcel Bluwal et Marcel Moussy, réalisation de Marcel Bluwal, 60’. Il y a aussi l’influence des autres émissions télévisuelles. Au même moment, on voit au petit écran des provinciaux s’établir à Paris dans une pluralité d’émissions allant de la dramatique au documentaire en passant par la pièce de théâtre filmé. Dès 1956, François Chalais, dans la collection Édition spéciale, « Les femmes jouent leur destin », interroge des provinciales sur leurs conditions de vie à Paris, leur qualification et leur insertion professionnelle, les difficultés qu’occasionne la loi interdisant le recours à la contraception et à l’avortement.
19 Le 28 janvier 1958, Pierre Badel enregistre en studio une pièce d’une heure 11’27 « consacrée à un jeune provincial, Marcel, qui traverse Paris en « nageant » entre les tentations féminines.
20 Des enquêtes sont commandées à l’IFOP-ETMAR à partir de 1962. Au départ, elles sont réalisées sur deux périodes d’une semaine par an. À partir de 1967, elles deviennent permanentes grâce à des feuilles d’écoute remplies pendant deux semaines par les mêmes personnes. Parallèlement, une dizaine d’enquêteurs, employée par l’ORTF appelle les téléspectateurs pour comprendre leurs habitudes d’écoute. Dès octobre 1968, quand la publicité de marques est introduite sur la première chaîne, c’est le Centre d’études sur les supports de publicité (CESP) qui reprend les enquêtes de l’IFOP et fournit, quart d’heure par quart d’heure, les courbes d’écoute des différentes chaînes, à destination des agences de publicité mais aussi de la RFP (Régie française de publicité), filiale de l’ORTF. Cf. notamment Régine Chaniac, « L’audimat, la ménagère et l’annonceur publicitaire », in La Télévision au pouvoir, Dominique Wolton (dir.), Paris, Universalis, coll. « Le tour du sujet », 2004, p. 77-78.
21 Cf. interview de Maryse Méjean par Bérengère Decroux, Filles et garçons dans Seule à Paris et Le Temps des copains, maîtrise d’histoire culturelle, université Paris I, sous la direction de Pascal Ory et Myriam Tsikounas, octobre 2003, annexe 2.
22 Cf. article de Robert Thill, « Les nouvelles aventures dérisoires d’Odette et de Pilou », Télé 7 jours, p.17.
23 Comme il l’explique dans Télé 7 jours (no 440, semaine du 28 septembre 1968 au 4 octobre 1968).
24 On dispose à cette époque de Télérama (ex-Radio-cinéma-télévision), de Télé-magazine (ex-Télévision Programme Magazine, lancé en 1955 par Maurice Leclerc), de 7 jours Télé 60, né comme l’indique son titre en 1960 et rapidement rebaptisé Télé 7 jours. En 1966 naît Télé-Poche, lancé par le magnat de la presse du cœur Gino del Duca. Si les articles consacrés à ces feuilletons délivrent quantité de renseignements sur les lieux de tournage, les vedettes..., en revanche, les résumés fournis sont très souvent de simple reprises des notices proposées par les chefs de chaîne. J’ai donc complété l’information par la lecture du magazine belge Télé pro qui offre des résumés plus substantiels des quelques feuilletons du corpus distribués dans ce pays.
25 Marcel Bluwal prend la décision de confier la fabrication des feuilletons au privé car « l’office RTF ne pouvait produire sans recruter de nombreux personnels et sans, par là, renforcer le bloc des salariés » (Marcel Bluwal, Un aller, Paris, Stock, 1974, p. 246). Dans Le Temps des certitudes (Paris, Flammarion, 1982, p. 274), Yves Guéna confirme que, dans un souci d’économie, il a fait commander des séries dans le privé, mais que Paul Marie de la Gorce n’était pas d’accord car il craignait la médiocrité de certaines productions extérieures.
26 Ex-Téléfrance.
27 Plus précisément, les cinq premiers et les cinq derniers épisodes, puis un épisode sur trois.
28 Je n’ai pas trouvé aux archives de Fontainebleau les « sacs postaux entiers » de courriers dont parle Maryse Méjean. Entretien cité.
29 Avant 1968, on voit certes une jeune fille de province (Mariette) inscrite à la faculté de pharmacie. Mais elle interrompt ses études à la fin du premier semestre et retourne définitivement à Bourges car elle est fiancée (Le Temps des copains).
30 Concernant l’installation des garçons à Paris, je me permets de renvoyer à Myriam Tsikounas, « À nous deux Paris ! Devenir Parisien dans les feuilletons télévisés français (1961-1967) », in Claude Gauvard, Jean-Louis Robert (dir.), Être parisien, Paris, Publications de la Sorbonne, 2004, p. 597-613.
Auteur
Professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et co-directrice de la revue Sociétés & Représentations. Elle travaille depuis plusieurs années sur les imaginaires urbains : Les Halles : images d’un quartier (dir. avec Jean-Louis Robert), Paris, Publications de la Sorbonne, février 2004 ; Imaginaires parisiens (xixe-xxe siècles) (dir. avec Jean-Louis Robert), Sociétés & Représentations, no 17, mars 2004 ; Images de Paris et de sa banlieue, rapport pour le ministère de l’Équipement, du Transport et du Logement, 2006 et sur l’imaginaire des drogues. Elle vient d’éditer, pour la revue Alcoologie et Addictologie, le dossier Le Cannabis en tous ses états (tome 28, juin 2006). Elle poursuit, parallèlement, sa recherche sur les feuilletons télévisuels (1956-1974).
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