Les dramatiques télévisées, lieux d’apprentissage culturel et social dans la France des Trente Glorieuses ?
p. 113-143
Texte intégral
1Lorsque l’on songe aux « dramatiques télévisées » françaises, surgit immédiatement l’image d’un âge d’or de l’« école des Buttes-Chaumont », à la charnière des années 1950 et 1960, évoquant les savoir-faire du théâtre et les grandes pièces du répertoire classique. À cet âge d’or aurait succédé une période grise, où la dramatique se serait affadie, soit qu’elle aurait abandonné les grands auteurs, soit que les difficultés financières auraient eu raison des talents qui la fabriquaient. Cette analyse n’est sans doute pas fausse, mais elle s’inscrit dans une vision quasi mythique des débuts de la télévision française. L’autre image dominante véhiculée à propos des dramatiques télévisées tourne autour du prestige qui leur est attaché : « Pièces classiques, adaptations de romans, prospections d’auteurs modernes témoignent d’un goût littéraire éclectique et d’une volonté d’apporter aux téléspectateurs mieux qu’un divertissement passager », expliquent André S. Labarthe et Jacques Siclier en 1963, insistant sur le nombre d’émissions produites et leur caractère ambitieux1. Pourtant, la notion de « dramatique télévisée » pose problème, tant le terme est incertain et la nature des titres et des émissions proposés variée.
2L’ambition est donc double ici : tenter de brosser le portrait de ce type d’émission télévisée entre les années 1950 et les années 1970 ; s’interroger sur son éventuel rôle d’apprentissage culturel et social pour les téléspectateurs français. Pour ce faire, c’est autour de la notion même de dramatique, et précisément de ses relations privilégiées ou non avec le théâtre, que porteront nos premières interrogations, afin de savoir si cette catégorie d’émission qui obéit à des règles propres, invente ses rythmes et produit des usages inédits, n’apparaît pas, en définitive, comme constitutif d’un genre télévisuel à part entière. Le regard portera ensuite sur l’offre fournie aux téléspectateurs, avec, en filigrane, une interrogation sur les formes de culture produites par les dramatiques télévisées. Plus largement enfin, on se demandera comment les « dramatiques télévisées » contribuent à l’apprentissage culturel et social des citoyens français des Trente Glorieuses.
L’AFFIRMATION D’UN GENRE TÉLÉVISUEL : UN RÔLE CENTRAL DÉVOLU AU THÉÂTRE ?
3La question du lien entre théâtre et télévision est bien à l’origine de la difficulté à définir la « dramatique » télévisée. Ainsi, « un texte écrit à l’origine pour le théâtre traité avec toutes les ressources de sa technique par la télévision : c’est une “dramatique”. Le mot n’est-il pas proprement théâtral ? », est-il suggéré en 19732. La chose paraît assez simple. Et pourtant...
Une définition malaisée
4À observer de près, la délimitation du terme n’est pas si aisée. Dans la base de données de l’Inathèque, les dramatiques ne sont pas répertoriées comme telles : on les trouve sous les termes de pièce, de théâtre, d’émission enregistrée en studio, comme sous les rubriques « retransmission », « adaptation » ou « téléfilm », mais de façon exceptionnelle sous le vocable de « dramatique ». Deuxième obstacle, les moyens utilisés pour filmer et retransmettre ces dramatiques ne sont pas identiques : le direct emploie, soit le magnétoscope et des films magnétiques, soit le kinescope avec des images filmées sur le tube ; le support film, en 16 mm ou 35 mm, est de plus en plus sollicité à partir de 1957, année des premiers inserts filmés, jusqu’à se généraliser à la fin des années 1960. Troisième difficulté, la dramatique n’est pas réductible au seul domaine de l’art dramatique. Si l’on s’en tient à une définition administrative – émissions relevant du service des émissions dramatiques –, le terme englobe non seulement les adaptations de pièces de théâtre mais aussi de romans et de nouvelles. Les hésitations sont nombreuses : faut-il par exemple inclure Le chevalier de Maison-rouge adapté de Dumas, réalisé par Claude Barma et diffusé en quatre fois ? Barma récuse le terme de « feuilleton » pour privilégier celui de « télé-roman »3. Est, en tout cas, considérée comme une dramatique, toute émission dépendant du service dirigé par Bernard Hecht de 1952 à 1956 puis par André Frank. Le fait que le téléspectateur lui-même ne fasse pas toujours la différence entre les films, les dramatiques et les feuilletons, complique encore la définition du terme4. Bref, l’écheveau est épais et difficile à démêler. Pierre-Aimé Touchard en propose la définition suivante5 :
Le vocabulaire de la télévision manque cruellement d’un terme qui correspondrait, pour le petit écran, au mot film pour le cinéma. Le film est actuellement conçu comme un genre artistique qui n’a plus rien de commun avec le théâtre et, quelle que soit l’origine de l’histoire racontée, qu’elle soit empruntée à une pièce ou à un roman, ce qu’on exige de l’adaptateur, c’est d’en faire un vrai film. À la télévision, faute d’un autre mot, on utilise substantivement l’adjectif : dramatique. Une dramatique, c’est aussi bien une pièce de théâtre filmée qu’une adaptation de pièce de théâtre filmée, ou qu’une adaptation de roman, de nouvelle, ou encore d’une création originale6.
5En réalité, le sens du mot « dramatique » a bel et bien changé : après avoir désigné une pièce de théâtre retransmise, il a rapidement qualifié une adaptation télévisuelle. Marie-Noëlle Sicard explique bien qu’« à l’origine, on entend par "dramatiques", les pièces issues du répertoire jouées dans les théâtres parisiens et retransmises en direct à la télévision. Très rapidement, cette expression désigne les pièces de théâtre adaptées et mises en scène pour la télévision. Elles sont jouées dans les studios de la rue Cognacq-Jay et diffusées en direct7 ». Plus largement, le terme recouvre toute une série de diffusions : retransmissions télévisuelles de pièces, dramatiques filmées dans le cadre d’émissions thématiques (« En votre âme et conscience ») comme dans celui de séries policières ne constituant pas des feuilletons, au sens où chaque émission est une entité séparée (« Maigret » par exemple). Dès lors, de la quasi absence initiale dans la base de données de l’Inathèque par laquelle il peut accéder à la chose télévisuelle, le chercheur se retrouve devant un objet aux frontières difficilement saisissables, mais, à tout le moins, quantitativement important.
Des caractéristiques communes
6Quelle unité peut bien exister entre une dramatique policière ou judiciaire, une pièce retransmise de la Comédie-Française ou une adaptation romanesque ? À priori, les points communs ne l’emportent guère et, pourtant, la télévision, en s’emparant de textes littéraires ou de scénarios écrits, détient un pouvoir de transformation, de re-création inédit, qui permet de distinguer un genre spécifique. Il existe bien des traits communs aux dramatiques télévisées. En ce sens, elles ne sont pas de simples transpositions du théâtre à la télévision. Pierre-Aimé Touchard établit clairement une distinction entre les deux domaines :
[...] il ne paraît pas que le théâtre puisse espérer se maintenir encore longtemps à la place de premier plan qu’il occupe aujourd’hui sur l’écran de la télévision. Son rôle se bornera, de plus en plus, à celui d’invité, à mesure que la télévision aura suscité un art nouveau8.
7et de suggérer que la nouvelle trouvera ici son terrain d’élection.
8Quelles sont alors les principales caractéristiques de la dramatique télévisée ? Celle-ci se définit d’abord par son temps de diffusion. À la différence du feuilleton, de format plus court, elle dure souvent entre une et deux heures9. La formule se distingue de celle adoptée en Grande-Bretagne, une pièce intégrale, souvent découpée et diffusée en plusieurs fois, lors d’émissions hebdomadaires d’une demi-heure. Encore faut-il nuancer. Que l’on songe au Chevalier de Maison-rouge diffusé en plusieurs épisodes (mais dont, justement, le format rendit certains perplexes) ou à de courtes dramatiques, comme les adaptations par Carlo Rim des Contes de Maupassant. Les dramatiques se caractérisent également par leur coût élevé. En 1970, elles coûtaient en moyenne 400 000 francs. Une émission comme Au théâtre ce soir est particulière. Son coût moyen est évalué à 70 000 francs10, soit deux à trois fois moins qu’une dramatique tournée aux Buttes-Chaumont11. Ce programme, initié par Pierre Sabbagh, est d’ailleurs davantage considéré comme du divertissement que de la dramatique. Quant aux retransmissions, elles demandent un budget beaucoup plus restreint, mais peuvent-elles être encore considérées comme des dramatiques télévisées ?
9En effet, très tôt, le postulat initial, qui avait consisté à privilégier la retransmission sur l’adaptation en studio, avec l’idée qu’il fallait rendre compte au mieux de la représentation théâtrale, est dépassé12. Les problèmes liés aux conditions techniques, et notamment à la transmission du son et la qualité de l’éclairage, étaient nombreux et ont rapidement été pointés du doigt. Ainsi, Michel Droit se montra réservé à l’égard des retransmissions intégrales pour trois raisons : la durée, la disposition fixe des caméras, « enfin parce que ces émissions nous ont enseigné que l’écran électronique exigeait un découpage dramatique et une concentration des mouvements selon certains plans et certains axes absolument étrangers à une mise en scène de théâtre13 ». Très vite donc, parallèlement à ce que Janick Arbois appelle un « théâtre transporté », une autre tendance s’orienta vers un « théâtre adapté, modifié, plus ou moins profondément, pour répondre à certaines exigences du spectacle télévisuel14 ».
10Ainsi, au fil des ans, dramatiques télévisées et théâtre en ville eurent de moins en moins de points communs, même si les dramatiques se sont forgées à partir du spectacle théâtral. « Les émissions dramatiques de la télévision ont commencé à se façonner avec des éléments et un répertoire tout entier venus du théâtre, selon cette règle qui veut que les techniques nouvelles puisent toujours leurs lois dans une forme de traditions plus anciennes, plus assurées », pouvait affirmer André Frank en 195815. Cependant, la dramatique télévisée a gagné en autonomie : les usages répétés des gros plans, la multiplication des espaces de jeu ou le recours à la voix « off » induisent de nouveaux modes de représentation.
11Quant au jeu des acteurs, si certains soulignent la proximité entre télévision et théâtre – usage du direct, rôle du texte (François Maistre, Alice Sappritch) –, d’autres en retiennent surtout la distance : Jean Négroni oppose l’emphase du théâtre à l’intimité de la télévision et Mireille Darc l’emploi du visage sur le petit écran à celui du corps tout entier au théâtre. De son côté, Odile Versois donne son impression à propos du direct : « Mais c’est une fausse excitation et qui n’a rien à voir avec le trac du théâtre. Un trac qui vient de la peur de mal jouer, de la présence du public et non pas de la crainte de se prendre les pieds dans un câble ou de sortir du champ16. » La dramatique télévisée est donc tout sauf du théâtre, les contraintes du petit écran conduisant à la fabrication d’un type d’émission tout à fait inédit.
Un milieu spécifique
12La définition des dramatiques passe aussi par le constat qu’un milieu chargé de les produire, de les réaliser et même de les critiquer, émerge durant les Trente Glorieuses17. Des professions qui renvoient à la chaîne du spectacle – producteurs, auteurs, réalisateurs, critiques – se développent au fil des ans. Une série de monographies serait ici nécessaire pour reconstituer les carrières de chacun et évaluer le rôle du cinéma, du théâtre ou de la radio dans leurs itinéraires respectifs. En tout état de cause, des réalisateurs s’affirment. C’est le cas des plus réputés d’entre eux : Claude Barma18, Marcel Bluwal19, Stellio Lorenzi20, Jean Prat21. Ils ne sont pas les seuls. Que l’on songe à Alain Boudet, Jean-Paul Carrère, Ange Casta, Yves-André Hubert, Roger Iglésis, Jean Kerchbron, Claude Loursais, René Lucot, Michel Mitrani ou Claude Santelli. Loin de former un groupe uniforme, chacun se distingue. Jean Prat utilise toutes les ressources de la télévision, comme dans Les Perses (multiplication des plans, stéréophonie...). Jean Kerchbron, l’un de ceux qui lancent Europe no 1, cultive les vertus du plateau nu et les mouvements de caméras braqués sur les visages des acteurs. Pierre Cardinal, qui inaugure la série L’esprit et la lettre, le 19 décembre 1961, avec une adaptation du Rouge et du noir, privilégie, lui, le texte littéraire au détriment du spectacle. Roger Kahane multiplie les émissions lyriques. Pierre Badel mais aussi Marcel Cravenne réalisent plusieurs dramatiques dans le cadre de Théâtre de la jeunesse. Au sein de cette société télévisuelle en expansion, le réalisateur occupe en tout cas la position hiérarchique la plus élevée. C’est ce que suggère Jean d’Arcy :
Il n’est pas seulement un homme cultivé, fin, ayant du goût et capable de l’imprimer à la mise en scène de l’émission, il est également sur le plateau un homme à tout faire, vraiment le patron de tout ce qui se passe. Pour une émission dramatique hebdomadaire, comme nous en passons actuellement, nous comptons huit cents journées de travail pour une émission. Le metteur en scène, en dehors des acteurs, a en général à faire sentir son autorité sur 40 à 50 personnes22.
13Quant aux auteurs, s’ils ne sont pas nombreux dans les premiers temps, ils n’en forment pas moins, au fil des ans, une catégorie de plus en plus importante. La rédaction de textes écrits uniquement pour la télévision date de 1963 avec Jean-Jacques Varoujean et Les eaux dérobées, Jean-Louis Curtis et Un homme de vérité, François-Régis Bastide et Le troisième concert. Jacques Krier écrit Une histoire d’amour l’année suivante23. Cette montée en puissance est telle que certains observateurs ont cru pouvoir distinguer trois périodes : temps de la collaboration entre auteurs et réalisateurs ; puis prépondérance des auteurs et du service des émissions dramatiques, qui correspond à la politique de recherche de textes d’Albert Ollivier, directeur des programmes de 1959 à 1964 ; enfin, suprématie des auteurs et des directions de chaînes24. Sans doute, la réalité est-elle plus complexe, mais indéniablement, les réalisateurs ont perdu au cours des décennies leur pouvoir initial dans la chaîne de production, au profit d’autres professions, probablement plus les producteurs que les auteurs.
14Parallèlement, un petit monde de la critique a émergé, d’André Brincourt au Figaro à Jacques Siclier au Monde pour la presse générale, de Janick Arbois (Radio Ciné TV) à Guillaume Hanoteau (Télé 7 jours) pour les magazines télévisés. Claude Santelli considère d’ailleurs qu’ils ne sont pas pour rien dans le succès des dramatiques télévisées :
On attendait la critique de ces gens-là. Parce qu’elle touchait le public d’abord, auquel ils donnaient un son de cloche avec une espèce de cohérence de jugement. Ensuite ils signalaient les tournants et l’évolution de cette technique, de cet objet nouveau. Enfin, ils écrivaient déjà l’histoire et en particulier par rapport à cette frustration que nous avions d’être diffusés une seule soirée, ils resituaient les créateurs dans leurs œuvres25.
15Les critiques participent de l’expertise télévisuelle et, ce faisant, créent des attentes et des habitudes : ils résument les débuts des histoires afin d’attiser la curiosité et rédigent des reportages sur les conditions de tournage et les acteurs. Leur type de critique accentue encore la spécificité du genre télévisuel. Car, à la différence de celle du cinéma et du théâtre, la critique télévisuelle s’intéresse plus à l’intrigue qu’au texte ou à la mise en scène, et son regard relève plus de la bienveillante neutralité que de l’exercice d’une plume acérée et polémique. Il s’agit surtout de convaincre le spectateur de rester, le soir de la dramatique, devant son poste, et non de faire et défaire des spectacles.
16Peut-on par ailleurs parler d’une catégorie spécifique d’acteurs de télévision ? Rien n’est moins sûr : entre 1945 et 1975, les acteurs du petit écran viennent en grande part du théâtre et du cinéma, la télévision leur permettant d’élargir leurs perspectives de carrière et d’augmenter leur notoriété. Une remarque parallèle peut être formulée pour les métiers proches du monde du spectacle, tels que les machinistes, les électriciens, les projectionnistes, les décorateurs et les régisseurs. Beaucoup sont issus d’autres secteurs artistiques et continuent d’y travailler. L’exemple de Jacques Lemare, photographe et cameraman avant-guerre puis directeur de la photographie à partir de 1946, est éclairant : il travaille sur des longs-métrages de cinéma comme sur des émissions de télévision (Horace réalisé par Kerchbron, Les Perses par Jean Prat, Ruy Blas par Claude Barma). Néanmoins, la spécialisation télévisuelle de ces métiers semble relativement précoce. Tel est le cas de Jean-Jacques Gambut qui, après avoir été décorateur au cinéma, entre définitivement à la RTF en 1954 et réalise les décors de plusieurs dramatiques importantes, dont Les Perses (Prat) et Crime et Châtiment (Lorenzi). Quant à la catégorie des adaptateurs dont le modèle est, à la fois, celui du cinéma et de la radio – puisqu’il s’agit de modifier les textes pour les rendre conformes à un autre support médiatique –, elle définit bien aussi les contours de la dramatique. Dans cette fonction souvent anonyme, on ne sera guère surpris de trouver un nombre plus élevé de femmes, à l’instar de Françoise Dumayet, que parmi les réalisateurs ou les auteurs.
17En définitive, la dramatique, même si sa définition est instable, dessine un format télévisuel particulier, fabriqué, géré, encadré et observé par un milieu composite de professionnels qui, même issus d’autres voies que celles de la télévision, s’y retrouvent pour construire de véritables carrières.
L’OFFRE D’UNE CULTURE TÉLÉVISUELLE
18Au-delà des interrogations sur la nature des dramatiques télévisées, une autre manière de questionner ces émissions peut consister à se demander quelles formes de culture nationale celles-ci véhiculent.
L’abondance du choix
19Première remarque, l’offre télévisuelle de dramatiques n’est pas uniforme sur l’ensemble de la période : le paysage culturel ainsi offert apparaît plutôt éclaté. On en dénombre, à la fin des années 1950, entre 100 et 150 par an26. Fait remarquable, entre le début des années 1960 et le début des années 1970, leur nombre n’augmente pas. La principale raison en est que, avec l’arrivée de nouveaux publics, l’effort doit désormais porter sur d’autres parties du programme. L’arrivée d’une deuxième chaîne, en 1964, modifie également la donne. Jusqu’à cette date, deux dramatiques hebdomadaires étaient généralement diffusées : le mardi soir27 et une autre le samedi, la première étant plutôt axée sur la recherche et l’expérimentation, la deuxième misant davantage sur l’adhésion populaire. Avec deux chaînes, le découpage diffère. Sur la première, le samedi demeure le jour-phare de la dramatique, tandis que la programmation ne suit plus une règle constante pour les autres jours de la semaine. En 1970, par exemple, la répartition est la suivante : le lundi sont diffusés soit une dramatique, soit un spectacle musical ; le jeudi voit alterner Au théâtre ce soir, Au cinéma ce soir et Au music-hall ce soir ; le samedi reste le jour de la dramatique. Sur la deuxième chaîne, la seconde partie de soirée du mardi sert de cadre à la diffusion des dramatiques. Plusieurs tentatives sont faites pour diversifier les formules, telle cette proposition formulée en 1970 de diffuser le jeudi des « fictions de divertissement », émissions plus courtes que les dramatiques traditionnelles, un peu comme les nouvelles par rapport aux romans. Au fil des ans, une double observation peut donc être faite : la multiplication des heures de programmes ne bénéficie pas quantitativement à ce format télévisuel ; la marche vers une segmentation de l’offre est d’autant plus remarquable qu’elle est facilitée par l’augmentation du nombre de chaînes.
20Cette segmentation se retrouve dans la volonté de créer très tôt des habitudes de réception. Ainsi, la politique des séries est très précoce : Claude Barma réalise et produit « En votre âme et conscience » (1954-1959 puis 1965-1969) avec Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet. À partir de 1957, la série Si c’était vous de Marcel Bluwal et Marcel Moussy se nourrit de dramatiques à caractère social. On peut également citer La réalité dépasse la fiction de Jean Kerchbron, en coproduction avec Henri Noguères, Les Cinq dernières minutes (1958-1972) de Claude Loursais, Les Énigmes de l’histoire (1956-1957) et La Caméra explore le temps (1957-1965) de Stellio Lorenzi, ou Les Enquêtes du commissaire Maigret depuis 1967. Au début des années 1970, le désir de créer des collections est symptomatique de cette même volonté de donner des rendez-vous à des publics, même si les nouvelles orientations témoignent d’une évolution vers une écoute plus parcellisée. Tel est le cas de la création, en 1973, de Temps libre qui entend diffuser des œuvres ambitieuses du théâtre international réalisées pour le petit écran, des pièces méconnues ou jamais jouées, ainsi que des expériences d’écriture télévisuelle. Cette collection compte quelques œuvres considérées comme de belles réussites (Petite flamme dans la tourmente de Soljenitsyne ; Le voyage de Schehadé). S’en ajoutent d’autres : Aujourd’hui l’histoire, Les chemins de la découverte, Tous les théâtres (des spectacles retransmis des salles où ils ont été montés avec distribution du théâtre), Le jury des 12, Les classiques de l’étrange... Mais la politique des collections n’épuise pas la diffusion des dramatiques télévisées : passent hors collection des dramatiques policières ou des retransmissions de la Comédie-Française. Le samedi soir surtout, moment où le public familial est nombreux devant son poste, un nombre important d’émissions hors collection est programmé. On pourra citer, pour l’année 1973, Histoire d’une fille de ferme de Maupassant ou La belle au bois dormant de Roman Weingarten28. L’offre culturelle fournie par le secteur des dramatiques télévisées est donc plutôt dispersée.
Quelle place pour les classiques ?
21Une plus grande homogénéité de l’offre peut-elle être trouvée dans le répertoire ? Si la question mérite d’être posée, c’est que le constat fait à la fin des Trente Glorieuses d’une télévision des premières années privilégiant une diffusion dramatique de haut niveau culturel était unanime29. En 1971, Jacques Siclier exprimait ses regrets : « La télévision dramatique est en train de perdre ses conquêtes. Quelques œuvres de prestige littéraire maintenant tant bien que mal une tradition de qualité – au profit d’une fabrication industrielle qui n’intéressera bientôt plus personne30. » A contrario, le recours jugé trop systématique aux classiques de la télévision des premiers temps provoquait la consternation de tous ceux qui pensaient que la télévision avait contribué à alimenter une culture tout à la fois scolaire, bourgeoise et un peu poussiéreuse. En 1971, Gilles Plazy évoquait dans Le Monde ce premier âge durant lequel « la télévision française a naturellement rencontré le théâtre » : « Le théâtre qu’a ainsi promu notre télévision a été, sauf exception, un théâtre du temps passé, un théâtre déjà reconnu par l’Université, et les audaces n’allèrent jamais plus loin que l’avant-garde d’hier ». Et d’ajouter « Cette culture dont on a été si fier est quelque peu pesante et rarement les pièces choisies ont témoigné d’un langage populaire31. » Qu’il s’agisse de s’en féliciter ou de le déplorer, les dramatiques télévisées auraient donc essentiellement offert dans les années 1950 et 1960 une culture homogène, à la fois théâtrale et classique.
22On voudrait cependant suggérer une autre idée. Si les auteurs du répertoire théâtral classique français occupèrent une place non négligeable sur le petit écran des années 1950 et 1960, ils ne furent pas les seuls à inspirer le contenu des dramatiques. Considérons, en effet, un certain nombre de dramatiques télévisées diffusées dans les premières années de la télévision nationale32.
23Loin d’être réduite aux auteurs considérés comme des classiques français, la liste illustre, au contraire, la présence initiale d’auteurs étrangers, et notamment anglo-saxons, le choix de pièces relativement courtes, à intrigues rapides, et surtout le recours à plusieurs pièces jouées sur le boulevard parisien de l’entre les deux guerres34. André S. Labarthe et Jacques Siclier, comparant l’offre en dramatiques des premières années et du début des années 1960, ne suggéraient pas autre chose : « Le théâtre de boulevard est en régression de plus en plus nette, par épuisement du répertoire et par le jeu d’une concurrence qualitative de plus en plus sérieuse35. » Dès les premières années, la place dévolue au théâtre de divertissement fut donc importante. En 1955, Roger Ferdinand, président de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques et président du Comité de télévision de la RTF en faisait le constat : « Allons ! Le boulevard, si légèrement décrié par beaucoup, est toujours à la mode et supporte fort bien les exigences des nouvelles techniques...36 » Et, contre toute attente, la tragédie classique, par exemple, était peu présente sur le petit écran des premières années, au grand dam de Janick Arbois37. Les dramatiques télévisées des années 1950 offraient donc un paysage théâtral plus chamarré qu’il n’y paraissait au premier abord.
Des répertoires de plus en plus éclectiques
24L’analyse peut aller encore plus loin, tant les dramatiques télévisées puisent leur inspiration bien au-delà de l’art du théâtre. L’année charnière paraît être 1956, avec l’adaptation du roman de Balzac, Eugénie Grandet, par Maurice Cazeneuve. L’année suivante, Mister Bartleby, une nouvelle d’Hermann Melville, est réalisée par Claude Barma. Les œuvres des romanciers du xixe siècle deviennent alors particulièrement prisées. Autre nouveauté, des œuvres originales commencent à être écrites spécifiquement pour la télévision38. En ce sens, Les Perses d’Eschyle réalisés en 1961 constituent une exception. À y regarder de plus près, le point commun entre les titres est moins d’appartenir au répertoire consacré que d’être jugé d’un format télévisuel.
25Bref, si apprentissage culturel il y a, il passe peut-être moins qu’on ne l’a pensé par le recours systématique aux œuvres du répertoire théâtral classique. En revanche, la télévision permet d’offrir aux téléspectateurs – dont on ne rappellera jamais assez qu’ils restèrent longtemps peu nombreux (seulement 260 000 récepteurs en 1955 et 442 000 l’année suivante ; en 1958, 9 % des foyers possèdent un récepteur ; en 1965, 42 % ; à la fin de la décennie, 70 %) – un nombre relativement important d’œuvres, de pièces, de nouvelles et de romans. Cette tendance, qui concurrence sans nul doute les dramatiques radiophoniques, va en s’accentuant, à l’image de cette offre de programmes en dramatiques télévisées diffusées sur la première et la deuxième chaîne en avril-mai 1971 :
26Le souci de l’équilibre et de la variété est remarquable. Il faudrait néanmoins distinguer ici entre les deux chaînes. Sur la première, la création d’Au théâtre ce soir en 1966 permet une division des tâches : l’émission diffuse des pièces plus légères, souvent écrites par des auteurs dits de boulevard du xxe siècle, tandis que des dramatiques prestigieuses ou des textes d’auteurs sont programmés sur d’autres créneaux horaires. Plus tard, la directrice de la première chaîne, la journaliste Jacqueline Baudrier, avec le choix de 78 dramatiques par an, soit six par mois, met en partie le cap sur le contemporain. Sur la deuxième chaîne, qui bénéficie d’emblée de la couleur, l’offre de dramatiques est pensée en termes à la fois télévisuels et théâtraux. Plusieurs principes sont distingués. Dans les pièces relevant du principe de l’« écriture par le mot », une attention particulière est accordée aux textes neufs. Pour les pièces relevant de « l’écriture par l’image », les créateurs, qui doivent réunir la double qualité d’auteur et de réalisateur, travaillent avec des moyens de tournage légers sur des sujets inspirés de l’actualité. Le troisième objectif de Maurice Cazeneuve est celui de la « théâtralité » : un effort particulier est alors consenti en direction du répertoire français et étranger afin de montrer des pièces « qui auraient la possibilité de poursuivre une carrière théâtrale normale ». Cazeneuve précise cependant que ces efforts ne suppriment pas les dramatiques traditionnelles, « qu’il s’agisse de l’adaptation d’un roman ou de la transformation d’une pièce de théâtre pour les nécessités de la télévision »39. La pluralité est donc de règle. Avec la multiplication des heures d’écoute et l’augmentation du nombre de téléspectateurs, l’accent est mis sur la diversité de l’offre, certes éclectique, mais aussi relativement cohérente. Ainsi, en 1974, sur 54 dramatiques télévisuelles prévues pour être tournées, 8 sont des adaptations théâtrales, 23 des textes originaux et 23 adaptations de romans. Les projets font ressortir 9 grands textes, 14 pièces en costumes, 22 modernes et 9 policières40, la programmation témoignant plus d’une prédilection pour le bon texte ou le bon scénario que d’une soumission à des critères de sélection plus scéniques. Bref, la télévision, par le biais de ses dramatiques, contribue à l’apprentissage culturel des citoyens autour d’une culture littéraire, avant tout théâtrale et romanesque.
LA FORMATION DU GOÛT : CONSERVATOIRE OU LABORATOIRE ?
27Encore peut-on se demander quel sens prend la diffusion de cette culture littéraire. Les dramatiques télévisées n’apparaîtraient-elles pas davantage comme des lieux de transmission du patrimoine culturel que comme des émissions révélatrices des mutations de la France entre 1945 et 1975 ?
La télévision, lieu de popularisation culturelle
28De fait, avec 15 à 20 millions de spectateurs annuels pour Au théâtre ce soir, environ 11 millions pour les « dramatiques » policières, entre 7,5 à 8 millions pour les pièces dites classiques et modernes41, les dramatiques paraissent bien faire office de lieux de conservation culturelle. Ces émissions ont en commun de participer au désir, largement partagé après la Seconde Guerre mondiale, de transmettre des connaissances ailleurs que dans le cadre scolaire. L’action des réalisateurs, parfois comparés aux « hussards noirs de la République »42, et dont l’une des ambitions est de voir leurs spectacles discutés par les enseignants dans leur classe dès le lendemain de leur diffusion, peut être rapprochée, pour les années 1950, de celle des associations d’éducation populaire, du TNP de Jean Vilar, des Centres dramatiques nationaux en province ou des ciné-clubs. Pour les années 1960, et, plus précisément, à partir de la création du ministère des Affaires culturelles en 1959 dirigé par André Malraux, elle peut être mise en parallèle avec celle des théâtres subventionnés, dont la similitude des programmes est assez remarquable. L’ambition est résolument pédagogique :
On sait que la décentralisation actuelle en France est encore très limitée. Mais dorénavant, grâce à la télévision, un immense public peut voir vivre des textes et des comédiens dont il ignorait jusque-là l’existence ou qu’il ne connaissait que par les livres, les critiques de presse ou la radio43.
29Cette démocratisation culturelle devra être plus convaincante que celle opérée dans le cadre des théâtres publics, dont les études statistiques dans les années 1960 ont montré les limites en termes de prospection de spectateurs. Pierre-Aimé Touchard émet ainsi le souhait que :
la télévision réussisse ce que n’ont su faire ni les universités populaires, ni les théâtres populaires ni certaines maisons de la culture. Si ces derniers ont échoué dans cette entreprise permanente d’éducation, c’est parce qu’ils ont proposé au public des œuvres qui ne leur convenaient pas, et qui ne pouvaient satisfaire qu’une minorité plus évoluée. M. Touchard voudrait que la télévision fasse son profit de cette expérience, car il craint que le public, lassé de l’abus de certains thèmes, n’entraîne par son attitude, un retour vers un style néoclassique44.
30Le projet de popularisation culturelle, au sens où il entend offrir au plus grand nombre des chefs-d’œuvre accessibles, formulé sous le Front populaire, repris à la Libération comme au début de la Ve République, est au cœur de cette analyse. Plus largement, il est entendu que la télévision « devra s’efforcer de constituer une sorte d’anthologie »45. Et cette notion patrimoniale persiste tout au long des Trente Glorieuses :
Le panachage – ou plutôt l’éclectisme – est tel qu’un téléspectateur, grâce à la télévision, peut avoir de très solides notions sur l’ensemble de la production théâtrale. Il contracte, s’il ne l’a déjà, le désir de se mêler au public actuel des salles à Paris ou dans les régions. Quant à l’habitué des véritables parterres et authentiques galeries, la télévision lui permet de retrouver des œuvres déjà connues ou de découvrir un répertoire qu’il n’a ni le temps ni peut-être les moyens d’aller voir sur place46.
31Néanmoins, tout se passe comme si la télévision ne pouvait se justifier comme média autonome. La télévision doit mener à la lecture, média qui se superpose au livre sans le faire disparaître : « Sous ces éclairages neufs, des classiques tenus dans un coin un peu poussiéreux de la mémoire retrouvent une jeunesse, une pugnacité extraordinaires. Ces réalisations si elles ne conduisent pas toujours dans une salle de théâtre mènent tout droit vers la bibliothèque47. »
32La dramatique doit non seulement conduire au livre mais aussi à la salle de spectacle : « La télévision a réussi sur deux plans : on rit à Molière diffusé dans des hameaux reculés mais chez beaucoup elle ressuscite le goût de se rendre dans une salle pour rire ou pleurer avec des inconnus dans la chaude complicité d’un vrai public devant une vraie scène48. »
33Comment comprendre cette volonté de se tourner, malgré tout, vers des pratiques culturelles conventionnelles ? L’interrogation est d’autant plus légitime que les différentes études statistiques ont bien montré que ni la pratique de la lecture, ni la fréquentation des salles de spectacle n’ont bénéficié de la diffusion audiovisuelle. Au contraire49. On pourrait interpréter cette posture comme une recherche de légitimation en dehors du champ télévisuel, parce que celui-ci est, dès l’origine, lié à la culture de masse, jugée nécessairement dévalorisante.
34La télévision entend participer d’une autre manière à la fabrication du goût des téléspectateurs. Parce que le nombre de dramatiques diffusées est considérable, la télévision leur permet de voir des spectacles de qualité très variée. Cette fonction discriminatoire est bien analysée au début des années 1960 :
Une émission dramatique moyenne à la télévision est toujours d’une qualité artistique supérieure à un film dit commercial, pour la raison qu’au cinéma la qualité moyenne tend à disparaître. Si l’on néglige le déchet inévitable, et de plus en plus mince, de pièces qu’il faut monter pour d’obscures raisons (peut-être tout simplement administratives), on trouve, au contraire, un étalement à peu près complet de la qualité des dramatiques, un niveau fort honorable de réussite au-dessus duquel s’élèvent quelques individualités plus fortes [...]. Par ailleurs, la prolifération des dramatiques possède une fonction discriminatoire qui permet en fin de saison de tracer une ligne de démarcation point trop arbitraire entre les réalisateurs talentueux et les tâcherons (qui peuvent être des techniciens consciencieux)50.
35Le même type d’argument est utilisé pour l’émission Au théâtre ce soir :
À raison de 26 pièces par an, il est certes impossible d’enregistrer uniquement des chefs-d’œuvre. N’est-il pas d’ailleurs souhaitable de fournir au téléspectateur une échelle de valeurs ? Le plus souvent, il ne s’y trompe pas. Les sondages d’écoute, s’ils font état de « fours » injustes révèlent que c’est bien la plus mauvaise pièce – peu importe son titre ! – qui a été le plus mal accueillie. En revanche de vraies grandes pièces ont « fait » un malheur51.
36La télévision se présenterait ainsi comme un étalon permettant à chacun de se faire une idée, de juger du bon et du mauvais, de polir son jugement.
Formation du goût moyen et innovations limitées
37Si les choix opérés pour les dramatiques télévisées privilégient l’éclectisme, celui du contenu comme de la qualité, ces orientations sont cependant loin de rendre compte des changements esthétiques de la France des Trente Glorieuses. Ainsi, le triptyque idéal appelé de ses vœux par Jean-Louis Barrault – « être au théâtre ce que le Livre de Poche est à l’édition originale avec la possibilité de faire mieux que l’original » ; « fixer les spectacles importants et révélateurs d’une époque » ; « servir l’art dramatique télévisuel proprement dit »52 – n’est que partiellement réalisé. Car, au-delà du caractère systématique des retransmissions réservées à la Comédie française ou à la Compagnie Renaud-Barrault53, puis, dans les années 1960 à quelques théâtres de la décentralisation théâtrale (de province ou de banlieue), l’innovation théâtrale n’est que marginalement présente. Certes, la pièce Les chaises d’Eugène Ionesco est montée pour la télévision par Roger Iglésis en 1962 mais le spectateur n’accède guère davantage, par écran interposé, à la vitalité artistique des petits théâtres de la Rive gauche des années 1950. La même remarque peut être formulée à propos des pièces de Brecht, des mises en scène brechtiennes qui se diffusent au cours des années 1960, ou des bouleversements pré et post-soixante-huit affectant les scènes françaises. En 1971, Le Monde pointait la « pesanteur de l’école des Buttes Chaumont » et déplorait que les spectacles d’Ariane Mnouchkine ne soient pas représentés à la télévision54. Quant aux magazines télévisés consacrés au théâtre, s’ils n’ignorent pas les tentatives de renouvellement de l’art dramatique, ils ne retransmettent que rarement les pièces analysées. L’émission « Théâtre d’aujourd’hui », témoin important de l’effervescence esthétique de ces années, connaît, par exemple, maintes difficultés55. Les metteurs en scène eux-mêmes ne désirent pas un passage à la télévision qu’ils jugent le plus souvent affadissant. Déjà, dans les années 1950, Jean Vilar donnait quelques pièces, mais avec parcimonie56. Les nouveautés du festival de Nancy, créé en 1963, pénètrent faiblement le média, même si certains de ses événements sont retransmis : on songe au spectacle de Bob Wilson Le regard d’un sourd en 1971. Mais surtout, à la différence de la BBC, la télévision française ne parvient pas à faire émerger de jeunes auteurs dramatiques. Bien sûr, et on les a cités, des auteurs ont surgi : Jean-Jacques Varoujean, Jean-Louis Curtis, François-Régis Bastide, Jacques Krier. Bien sûr, des tentatives pour stimuler la création existent : que l’on songe à Émile Biasini en 1967 ou, sur le plan politique, au ministère des Affaires culturelles, Jacques Duhamel, entre 1971 et 1973. Mais la production d’œuvres originales, à la différence de la télévision britannique notamment, n’est pas massive57. En France, le renouvellement de l’écriture théâtrale et romanesque – la déconstruction et les jeux de langage des auteurs du théâtre de l’absurde, le nouveau roman – rend probablement plus délicat le passage des planches et des textes au petit écran.
38Les dramatiques télévisées françaises s’épanouissent, par ailleurs, dans des cadres bien particuliers, jouant sur la répétition de recettes éprouvées plus que sur le renouvellement des formes. Le goût pour des divertissements prisés de longue date se retrouve dans plusieurs domaines : engouement pour le fait-divers (Les Cinq dernières minutes, En votre âme et conscience), plaisir de la conversation mondaine (Au théâtre ce soir) ou manière romancée d’aborder le passé (La Caméra explore le temps). L’ensemble des dramatiques ne saurait toutefois être cantonné à la sphère du léger et du grivois. L’esprit de sérieux, qui préside en partie à la volonté de popularisation culturelle, n’y est pas absent. Des émissions, telles Théâtre de la jeunesse font écho à la volonté de l’école de la République de transmettre une culture solide passant par la connaissance des grands textes et des grands auteurs. L’histoire et la justice sont convoquées. Plus généralement, dans de nombreuses dramatiques dépendant de collections, la parole du présentateur qui « ouvre » et « ferme » la réalisation, induit une lecture informative ou morale.
39Par conséquent, les dramatiques télévisées dessinent moins un modèle culturel innovant qu’un ensemble composite, fondé sur des genres attractifs, mais pas nécessairement légers, dont les spectateurs, conduits par des médiateurs culturels, deviennent des experts de plus en plus affûtés.
Mutations culturelles ou sociales et progrès de l’« expertise » télévisuelle
40Il ne faudrait néanmoins pas en rester à l’idée que les dramatiques télévisées restent totalement en dehors des mutations traversant la France des Trente Glorieuses. Les émissions prennent notamment en compte les améliorations techniques, participant à l’affinement du goût des téléspectateurs et aux progrès de leur capacité d’expertise. Progressivement, le style glorieux de la dramatique télévisée, tel qu’il s’était développé aux Buttes-Chaumont, cède en effet la place à d’autres façons de filmer. La multiplication des gros plans au début des années 1960 introduit une proximité, permet une intimité et engendre parfois une complicité entre les acteurs et les téléspectateurs58. En retour d’ailleurs, la télévision a un effet sur l’esthétique théâtrale. C’est ce dont témoigne Jean-Louis Barrault :
Quand j’ai commencé à faire du théâtre et du cinéma, il y avait deux impératifs : ne pas regarder la salle, ne pas regarder la caméra. Depuis l’apparition de la télévision – et rejoignant en cela le théâtre primitif – on s’adresse de nouveau directement aux spectateurs et ils n’en sont pas choqués59.
41Le modèle, qui était celui du « cinéma de qualité française », développé entre les années 1930 et 1950, se modifie peu à peu dans les années 1960 et connaît une nette remise en cause après 1968. Cette façon de faire, qui repose sur une construction en séquences, très liée aux reconstitutions en studio, est de moins en moins utilisée, même si les réalisateurs cherchant à bouleverser en profondeur le genre demeurèrent une minorité. Tel Jean-Christophe Averty qui abhorrait le style des Buttes-Chaumont60 et explorait les voies offertes par l’utilisation de l’électronique dans Ubu roi ou Alice au pays des merveilles. Les spectateurs restèrent, semble-t-il, assez perplexes devant ces jeux de sons et de lumières expérimentaux. Dans une facture restée classique, l’autre évolution, plus largement partagée que ces expériences restées sans lendemains, consiste à sortir du huis-clos du théâtre : « En d’autres cas le texte sort totalement de la scène et se met à vivre en de vraies maisons, sous de vrais arbres – l’écran n’a toujours que quelques décimètres carrés mais de vastes espaces y sont offerts61. » Les Papiers d’Aspern, d’après Henri James, diffusé le 15 octobre 1971 en sont un exemple. Cette pièce anglo-saxonne, dont l’action se déroule dans un palais vénitien à la fin du xixe siècle – un critique littéraire est à la recherche de documents sur un poète américain Aspern, jalousement gardés par une vieille dame – multiplie les espaces de jeu, extérieurs et intérieurs, ainsi que les jeux sur les couleurs (tons ocre, marron et blanc), dans une atmosphère à la Visconti. Et ce, pour le plus grand plaisir de Jacques Siclier, considérant que le réalisateur Raymond Rouleau « a, sans rien altérer de la tension dramatique de la pièce, donné un style, un mouvement romanesque aux Papiers d’Aspern par une liaison parfaite entre les décors naturels filmés à Venise et les décors de studio, créant l’impression d’un de ces vieux palais délabrés, tombeaux du souvenir, par la souplesse des mouvements d’appareil, une intelligente utilisation de l’espace et de la couleur62 ». Ainsi, il faut sans doute chercher dans l’optimisation des techniques l’une des principales raisons des mutations du genre de la « dramatique télévisée », et du changement de regard que les téléspectateurs portent sur elle. On hasardera l’hypothèse que ce regard se rapproche de celui posé sur le cinéma. La connaissance de plus en plus intime des acteurs, l’attention aux lumières, aux couleurs et aux cadrages, l’attachement aux reconstitutions (scènes de guerre, paysages naturels, espaces urbains...) constituent autant de signes de l’aiguisement de la manière de voir des téléspectateurs, et, partant, de l’affinement du goût télévisuel. Il y a là les traces d’un apprentissage culturel, à défaut d’une « révolution » esthétique.
42À ces mutations techniques et à l’adaptation progressive de la réception qui leur est concomitante, existe-t-il une équivalence sociale ? Là, la réponse sera plus nuancée. Bien sûr, la contestation de la fin des années 1960 a touché le contenu et les thèmes abordés dans les dramatiques des deux premières décennies de la télévision française. Les sujets sur lesquels elles reposaient (intrigues amoureuses, affaires d’État, dossiers judiciaires ou policiers), comme le rôle qu’elles accordaient à la psychologie des personnages, n’ont pas manqué de provoquer des réactions hostiles :
Les dramatiques en studio, avec leur faux réalisme, devraient avoir disparu des petits écrans si les responsables de télévision trouvent le moyen d’utiliser valablement leurs studios pour d’autres usages [...] mais le vrai problème du théâtre télévisé ne relève-t-il pas d’abord de l’autocensure, de la peur d’aborder dans des films ou dans des pièces filmées des sujets politiques ou sociaux contemporains, de montrer tout simplement dans une transposition poétique et scénique, comment vivent les hommes et les femmes d’aujourd’hui63 ?
43Reproche était fait à la plupart des dramatiques de vouloir enrichir la culture des spectateurs plus que de les engager dans une prise de conscience des problèmes du temps. Au début des années 1970, au moment où les acteurs de théâtre se mettaient à jouer dans les usines ou aux champs et où les metteurs en scène cherchaient à faire davantage intervenir le public, les dramatiques étaient sommées de rendre compte de la vie des gens. Or, elles présentaient surtout des sociétés apaisées, sans conflits de classe, mettant en images des situations plus individuelles que collectives. Cependant, même si les dramatiques télévisées ne paraissent que modérément plonger au cœur de la société française contemporaine, elles ne restent pas étrangères aux mutations qui l’affectent. Les dramatiques de la série Si c’était vous parlent de racisme, de délinquance juvénile ou de crise du logement. Celles qui relèvent de l’« écriture par l’image », bien que leur succès soit mitigé, s’inscrivent dans ce sillage. Toute une école, autour de Jacques Krier (Chouchan, Dhouailly, Failevic, Seban), réalise des dramatiques en s’inspirant des techniques de reportages et d’interviews. Au fil des années 1970, de nouvelles fictions s’intéressent à la vie quotidienne des gens, à leur façon de se comporter et de parler. Les dramatiques sont alors à la recherche d’une certaine authenticité. Elles ont en tout cas pour elles, héritage de la période précédente, une tradition de proximité avec le public : connaissance de l’assassin avant le commissaire chargé de l’enquête ; interpellation du téléspectateur sur des affaires judiciaires ; débats avec questions du public succédant aux dramatiques. Même une émission comme Au théâtre ce soir, dont les pièces sont en grande partie construites sur des stéréotypes sociaux, ne reste pas imperméable aux transformations de la société française. C’est ce dont témoigne le renouvellement du thème ancien du conflit entre générations par différents biais (féminisme, régionalisme, écologie...). Cela étant, ces combats y sont généralement moqués, et, surtout, leur caractère contestataire est systématiquement gommé. En tout état de cause, il faudrait faire une analyse méthodique de la production dramatique de la fin des Trente Glorieuses pour mesurer précisément les degrés de prise en compte des mutations sociales. Restons pour l’instant sur l’hypothèse qu’ils furent probablement peu élevés.
44On voudrait conclure sur trois remarques. La première porte sur la fonction des dramatiques télévisées, dont on a vu qu’elles ne se réduisaient pas à la reproduction du théâtre à la télévision. Abondantes, bonnes ou moins bonnes, les dramatiques permettent sans doute moins aux téléspectateurs de se constituer une solide culture classique que d’accéder à une culture nationale, et plus marginalement internationale, composée d’œuvres variées, souvent romanesques. En second lieu, les dramatiques télévisées requièrent une expertise de la part des téléspectateurs qui s’affine au fil des évolutions techniques. Aussi, plutôt que de parler d’un « âge d’or des dramatiques » auquel aurait succédé un déclin dans les années 1970, préférera-t-on parler d’adaptations successives, n’épousant pas nécessairement les révolutions esthétiques et les mutations sociales du temps, mais ne les ignorant pas non plus totalement. Enfin, les dramatiques télévisées nous semblent pouvoir être regroupées dans le plus vaste ensemble des loisirs culturels dans la mesure où elles en regroupent deux des principaux attributs : la connaissance et le divertissement. Plus avant, elles forment un vaste ensemble et doivent donc être observées comme étant complémentaires les unes aux autres. Ainsi, celui qui regarde en 1961 Hernani de Hugo réalisé par Jean de Kerchbron est peut-être le même téléspectateur qui se délecte à la vision des dramatiques des Cinq dernières minutes ou de La Caméra explore le temps. C’est cet ensemble télévisuel hétérogène qui contribue sans nul doute à construire la culture des « honnêtes hommes » et « femmes » de la France des Trente Glorieuses.
Notes de bas de page
1 André S. Labarthe et Jacques Siclier, « La saison 1962-1963 : pas de révolution mais une politique de qualité », Les Cahiers de la télévision, no 8, août 1963, p. 5.
2 Archives INA, dossier no 56, note « Le théâtre à la télévision », mars 1973.
3 L’Humanité, 1er mars 1962.
4 Archives nationales (AN), ANF 1990214/44, Comité de programmes, 10 septembre 1970.
5 Outre qu’il appartient au comité de programmes, Pierre-Aimé Touchard fut critique théâtral à la revue Esprit de 1933 à 1947, inspecteur général des Spectacles de 1946 à 1967, en dehors des années 1947-1953 durant lesquelles il fut administrateur de la Comédie-Française, directeur du Conservatoire national d’art dramatique de 1968 à 1974.
6 Pierre-Aimé Touchard, « L’écrivain de théâtre et la télévision », in « Théâtre et télévision », Les Cahiers de la télévision, n 7, juillet 1963, p. 5.
7 Marie-Noëlle Sicard, « L’invention d’une esthétique : le théâtre à la télévision », in Marie-Françoise Lévy (dir.), La Télévision dans la République. Les années 50, Paris, Bruxelles, Complexe, 1999, p. 69, note 15.
8 Pierre-Aimé Touchard, « Le théâtre et les arts nouveaux », RTF Infos, juin 1962.
9 « Pour l’écrivain de théâtre une des premières constations qui s’impose c’est que la durée de la dramatique excède rarement une heure dix : or c’est une formule qui n’existe qu’exceptionnellement à la scène où les pièces en un acte sont généralement plus courtes et les pièces en trois actes plus longues », Pierre-Aimé Touchard, « L’écrivain de théâtre et la télévision », art. cit., p. 5-6.
10 Archives INA, politique générale des programmes (2), rapport d’activité ORTF 1970.
11 AN, archives ORTF, 1993, art. 188, convention 1970, article 3. À titre indicatif, le devis pour Le Misanthrope mis en scène par Pierre Dux dont la fabrication est prévue en juin de la même année (durée : 1 heure 45) indique une somme de 565 921 francs.
12 Benoît-Léon Deutsch, président du Syndicat des directeurs de théâtres, dans un article de Michel Droit, « Les retransmissions théâtrales ont-elles leur place sur l’écran électronique ? », Le Monde, 20 mai 1952 : « monter au studio une pièce en cours de carrière serait une erreur et risquerait de dénaturer son rythme et son sens. La retransmettre en "direct" est de loin préférable, même avec tous les risques artistiques que cela comporte. »
13 Michel Droit, Le Monde, 25 février 1954.
14 Janick Arbois, « Mademoiselle ou le bon théâtre de boulevard télévisé », Radio Cinéma Télévision, 18 janvier 1953.
15 André Frank, « La télévision dramatique à l’heure de l’hôtel de Bourgogne », Cahiers d’études de radio-télévision, n 17, avril 1958, p. 26.
16 « Témoignages d’acteurs », dans « Théâtre et télévision », Les Cahiers de la télévision, op. cit., p. 22-41.
17 Des services sont spécifiquement chargés des dramatiques télévisées. Bernard Hecht est responsable du service des dramatiques de 1952 à 1956. Entré à la télévision dès novembre 1945, il a d’abord réalisé des émissions éducatives puis des dramatiques. André Frank, venu du monde du théâtre, puisqu’il fut secrétaire général des Cahiers Renaud-Barrault, est nommé responsable du service des dramatiques en 1956, date à laquelle le service s’installe aux Buttes-Chaumont. Il y reste jusqu’à la fin de l’année 1970. À partir de 1971, le service est divisé en trois grandes unités de production. Sous la pression des auteurs, un bureau central des textes et des projets d’émission a été créé l’année précédente.
18 À titre d’exemples, Le mariage de Figaro en 1956, Macbeth et Les trois Mousquetaires en 1959, La marquise d’O, Cyrano de Bergerac et Hamlet en 1960, Othello et La nuit des rois en 1962, La puissance et la gloire en 1964, Ruy Blas en 1965, Un chapeau de paille d’Italie en 1966, La mort de Danton en 1969.
19 À titre d’exemples, Le baladin du monde occidental en 1957, L’Alcade de Zalamea en 1958, Notre petite ville en 1959, Le mariage de Figaro en 1961, Woyzcek en 1964, Don Juan en 1965, La double inconstance en 1967, Le jeu de l’amour et du hasard en 1968, Les frères Karamazov en 1969, Les misérables en 1972.
20 À titre d’exemples, L’affaire Lafarge en 1954, Crime et châtiment (1955 et 1969), La belle Hélène et Un nommé Judas en 1956, Un chapeau de paille d’Italie et Thérèse Raquin en 1957, Monsieur Chasse, La dame de Pique et Le voyage de monsieur Perrichon en 1958, Marie Stuart en 1959, Montserrat en 1960, La cagnotte en 1961, Oncle Vania en 1962, Volpone et Jacquou le croquant en 1967, La Cerisaie en 1972, Antigone en 1974, Les Rosenberg ne doivent pas mourir en 1975.
21 À titre d’exemples, Les trois Sœurs d’après Tchekhov, Hauteclaire, Les Perses, Six personnages en quête d’auteur, L’Espagnol d’après Bernard Clavel, Le grand voyage, Le silence des armes.
22 Archives du comité d’histoire de la télévision, Bry-sur-Marne, exposé de Jean d’Arcy prononcé devant le Comité de télévision, compte rendu de la séance tenue le jeudi 1er octobre 1953, cité par Marie-Françoise Lévy, La Télévision dans la République..., op. cit., p. 17.
23 Indications fournies par Marie-Noëlle Sicard, op. cit., note 24, p. 76.
24 AN, ANF 1990214/44, M. Kahane, comité de programmes du 14 mai 1970.
25 Jacqueline Beaulieu, La Télévision des réalisateurs, Paris, INA, La Documentation française, 1984, p. 19.
26 Indication fournie par Marie-Noëlle Sicard, loc. cit., p. 69, note 14.
27 Le mardi est un jour « si important que les directeurs des théâtres parisiens avaient décidé de fixer à ce mardi la soirée de relâche », Jacqueline Beaulieu, op. cit., p. 91.
28 AN 19890536/22. Première chaîne, septembre 1973.
29 Cf. par exemple, le comité des programmes de la télévision, le 12 mars 1970 (ANF 1990214/44).
30 Jacques Siclier, Le Monde, 10 juin 1971.
31 Gilles Plazy, Le Monde, 21 octobre 1971.
32 La liste n’est bien sûr pas exhaustive. Elle a été constituée à partir de la base de données de l’INA, par toute une série de recoupements, et des programmes publiés dans les magazine télévisés spécialisés.
33 Il s’agit de la première dramatique enregistrée à la télévision française. La pièce fut diffusée en direct le 20 décembre 1950 et filmée en format 35 mm le 21.
34 À titre d’exemple, Un homme en or de Roger Ferdinand est créé au Théâtre de l’œuvre en 1927. Carlos et Marguerite de Jean-Bernard Luc a été créé en octobre 1954 au Théâtre de la Madeleine. Ma sœur de luxe est monté au Théâtre de Paris en 1933. Feu monsieur de Marcy de Regnier et Vinci est créé au Théâtre de la Porte Saint Martin en 1952. Durand bijoutier de Léopold Marchand est créé au Théâtre Saint-Georges en 1929. Le greluchon délicat est créé par Natanson au Théâtre Michel en 1925.
35 André S. Labarthe et Jacques Siclier, art cit., p. 5.
36 Archives INA, Roger Ferdinand, « Expression aux auditeurs du Programme parisien », 25 mars 1955.
37 Janick Arbois, « La télévision et le répertoire tragique », Radio cinéma télévision, 28 février 1958. Voir également ce qu’écrivait André Frank en 1962 : « Nous sommes partis du théâtre, plus particulièrement du théâtre de boulevard [...] Puis nous avons abordé les classiques, nous avons essayé d’amener à la télévision des grands auteurs contemporains, nous nous sommes attaqués au répertoire étranger », cité dans La Télévision des réalisateurs, op. cit., p. 94.
38 Cf. Marie-Noëlle Sicard, op. cit., note 15, p. 69.
39 AN, ANF 1990214/44, Comité de programmes, 11 juin 1970.
40 Article Le Figaro, 1974, s. d.
41 Archives INA, politique générale des programmes (2), rapport d’activité ORTF 1970. Parmi les classiques sont cités Labiche, Feydeau, Molière, Courteline, Marivaux, Musset, Büchner. Parmi les modernes, Weingarten, Schehadé, Audiberti, Miller, Valéry, Vian, Vitrac...
42 Jacqueline Beaulieu, op. cit., p. 100.
43 Les Cahiers de la Télévision, n 7, juillet 1963.
44 AN, ANF 1990212/44, Comité de programmes, 10 septembre 1970.
45 AN, ANF 1990212/44, Comité de programmes, 14 décembre 1967.
46 Note « le théâtre à la télévision », mars 1973, cf. note 2.
47 Ibid.
48 Ibid.
49 Cf. Olivier Donnat, Les Pratiques culturelles des Français, Paris, La Documentation française, 1973.
50 André S. Labarthe et Jacques Siclier, art. cit., p. 5-6.
51 Archives INA, article 271, ORTF programmes 1973-1974, « Les trois chaînes et les trois coups », mars 1973.
52 Pierre Dupont et Jean Belot, enquête, Le Monde, 16 avril 1970.
53 Les fausses confidences (Marivaux, 1954) ; La Cerisaie (Tchékhov, 1955) ; La seconde surprise de l’amour (Marivaux (1956) ; Le chemin de croix (Claudel, 1957) ; La répétition ou l’amour puni (Anouilh, 1958) ; Le jeu de l’amour et du hasard (Marivaux, 1954, diffusé en 1959) ; Amphitryon (Molière, 9 février 1960) ; La double inconstance (Marivaux, 1964).
54 Gilles Plazy, Le Monde, 21 octobre 1971.
55 Les producteurs de l’émission sont Lucile de Guyencourt et Jean-Louis Mingalon. Elle débute le 12 avril 1967. Hebdomadaire, Théâtre d’aujourd’hui a pour objectif de mettre en valeur les grandes réalisations de l’art contemporain et de montrer que le théâtre répond aux préoccupations du public qui le concerne. L’émission est d’abord composée de retransmissions (théâtre universitaire, Bread and Puppet) mais les obstacles s’accumulent. L’émission devient mensuelle puis bimensuelle à partir de 1971. Elle se transforme et mise sur le passage d’extraits. Plusieurs projets ont été refusés : le Berliner Ensemble, le théâtre d’expérience française au Canada, le renouveau du théâtre américain. Cf. Téléliberté, 22 avril 1971 (archives INA 12854 0041/dossier no 58).
56 Macbeth est monté à Avignon en 1954 et repris pour la télévision avec les mêmes acteurs (Maria Casarès et Daniel Sorano) ; Henri IV de Pirandello en 1961 (Barma) ; Les Rustres de Goldoni (Pignol) en 1963.
57 Théâtre critique, satire contre l’establishment, mise en avant des inégalités sociales, dénonciation du conformisme, mais aussi du pouvoir du petit écran : tels sont les traits des pièces télévisées anglo-saxonnes. En Grande-Bretagne, les auteurs de théâtre contemporains joués à la télévision, souvent proches de la nouvelle gauche née dans les années 1950, accordent au théâtre un rôle social et politique différent de celui octroyé par les Français qui ont davantage tendance à privilégier à la fois le divertissement et la sauvegarde du « canon de l’élite cultivée ». Cf. Nicole Boireau, Théâtre et société en Angleterre des années cinquante à nos jours, Paris, PUF, 2000.
58 Sur les aspects esthétiques et techniques que nous ne développons pas, nous renvoyons à l’article cité de Marie-Noëlle Sicard (cf. note 7). Elle montre l’importance accordée au jeu de l’acteur. Elle insiste également sur les modifications de support. Ainsi, les caméras lourdes rendent, dans les premières années, difficiles les mouvements de caméras et contribuent à rendre statique le jeu des comédiens. L’introduction des zooms à partir de 1960 renforce, au contraire, l’intérêt pour le jeu de l’acteur.
59 Pierre Dupont et Jean Belot, « Enquête », Le Monde, 16 avril 1970.
60 Jean-Christophe Averty, in La Télévision des réalisateurs, op. cit., p. 108 : « C’est l’erreur la plus tragique qu’on ait pu commettre à la télévision. On l’a enfermée dans le carton-pâte. »
61 Note « Le théâtre à la télévision », mars 1973, cf. note 2.
62 Jacques Siclier, Le Monde, 17-18 octobre 1971.
63 François Tranchant, La Tribune de Genève, 2 juin 1971.
Auteur
Maître de conférences à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. Principales publications : Renouveau et décentralisation du théâtre, Paris, PUF, 2004 ; en collaboration avec Emmanuelle Loyer, Histoire culturelle de la France de la Belle Époque à nos jours, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », nouvelle édition revue et augmentée, 2005.
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