Chapitre 8. Le ramadan en Algérie
p. 139-145
Texte intégral
1En avril 1990, l’Algérie vit depuis près d’un an et demi au rythme d’un « printemps » politique né des émeutes d’octobre 1988. C’est l’époque débridée où des partis politiques se créent tous les jours, où des journaux indépendants sont lancés et où les associations de quartier fleurissent notamment pour financer l’installation d’antennes paraboliques collectives ou pour tenter de réhabiliter des constructions souvent délabrées faute d’entretien et de crédits. Mais en ce mois où débute le ramadan, les tensions commencent à s’aggraver car les militants du Front islamique du salut (FIS) tout nouvellement créé entendent bien profiter de cette période sainte pour obtenir une plus forte mobilisation de leurs troupes. Pour eux, fidèles à ce qu’ils estiment être une tradition initiée par le prophète Mohammed, le ramadan porte en lui une obligation de djihad et ils ne voient en ce saint combat que la nécessité de combattre ceux qu’ils estiment être des ennemis, c’est-à-dire le pouvoir mais aussi nombre de démocrates qui s’opposent à l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques. Du coup, ils balayent d’autres interprétations qui estiment que dans ce cas précis du ramadan, le djihad est d’abord l’obligation pour tout musulman de mener un combat intérieur destiné à purifier son âme. L’heure n’est donc pas encore à l’affrontement tel qu’on l’a connu au cours de la dernière décennie mais presque partout le ton se durcit et des nuages sombres commencent alors à s’amonceler dans le ciel algérien. Ainsi, dans les mosquées qui ne sont pas contrôlées par l’administration (et elles sont les plus nombreuses), les prêches incendiaires vont se multiplier. Des critiques virulentes fustigent les dirigeants, n’épargnant personne y compris les dignitaires militaires. A l’intérieur du pays, des « polices islamiques » se créent, chargées de faire respecter l’ordre moral. Des heurts ont lieu en soirée dans des cafés populaires, la chourta islamiya (police islamique) tentant d’empêcher les jeunes de jouer aux dominos ou aux cartes comme il est de tradition durant le ramadan. Des salons de thé sont attaqués et les habituelles soirées musicales organisées par nombre de municipalités annulées sous la pression des représentants du parti religieux. Prudents, des patrons d’hôtels vont eux aussi décider de supprimer toute activité culturelle dans leurs salles de fêtes et c’est ainsi toute l’Algérie qui fait face à un véritable déferlement en matière de remise en cause d’habitudes et de traditions festives. Dans certaines régions, des zélotes déchaînés vont même tenter d’interdire les antennes paraboliques, tandis que d’autres se heurtent aux forces de l’ordre dont la hiérarchie va curieusement rester passive, accréditant ainsi l’idée, au sein du mouvement islamiste, que le pouvoir commence à douter. C’est ainsi que le ramadan va donc prendre petit à petit cette marque de bras de fer entre pouvoir et islamistes, mais surtout de violence politique qui le caractérise aujourd’hui encore.
Ramadans des années quatre-vingt-dix : la violence
2Pour qui chercherait à dresser un historique de la montée en puissance du drame algérien, les mois de jeune des années quatre-vingt-dix sont d’ailleurs un excellent repère pour comprendre et détailler l’aggravation de la situation tant sur le plan sécuritaire que sur le plan socio-économique. Les années 1990 et 1991 sont marquées, on l’a vu, par les tentatives musclées de contrôle de la société algérienne et de ses loisirs, tandis que le FIS affine son discours de contestation à l’égard du pouvoir à l’occasion des prières du soir qui caractérisent le ramadan (taraouih, prières qui permettent à l’imam de réciter le Coran dans son intégralité durant les vingt-neuf ou trente jours de jeûne). En 1992, surviennent les premiers attentats contre les forces de l’ordre, et les soirées dans les mosquées sont l’occasion de préparer d’autres actions, de monter des réseaux et d’identifier des cibles potentielles. Mais c’est surtout en 1993 que le ramadan devient synonyme de violence accrue avec les premiers assassinats d’intellectuels, les premiers attentats à la bombe et les prémices de violence de masse avec quelques attaques de villages isolés. Des tracts du GIA annoncent le chaos, la psychose et les rumeurs les plus alarmistes envahissent alors le pays. Familial et imprégné de convivialité dès les premières années de l’indépendance, le ramadan devient une période d’angoisse et de stress. En 1995, le mois sacré va voir les premiers attentats suicides contre des installations des forces de sécurité, les tracts des organisations armées insistant sur le fait que tout sacrifice en cette période ouvrait les « voies du paradis ». En décembre 1999, et malgré la loi sur la concorde civile et l’adoption d’une amnistie concernant les islamistes armés, les Algériens ont dans leur majorité vécu le mois du jeûne dans une grande anxiété. Et là encore, les événements leur ont donné raison, au point que plusieurs d’entre eux ont préféré quitter le pays pour quelques jours.
« Quel que soit l’avenir de l’Algérie, le ramadan n’aura plus la même signification », explique Fatima, soixante-quatre ans, ancienne institutrice à Batna. « Il y a tellement eu de violence au cours des derniers mois de carême [les algériens utilisent souvent cette expression pour désigner le ramadan en langue française] que pour mes petits-enfants, le ramadan signifie violence et enterrements. Ils sont persuadés que c’est un mois où l’homme se doit d’être mauvais et que c’est l’occasion pour les criminels de perpétrer leurs forfaits. Il est très difficile de les convaincre du contraire lorsque les rumeurs de la ville affirment que les groupes armés vont se déchaîner et que le sang va couler. »
3D’autres Algériens insistent sur un autre aspect négatif du ramadan au cours des dernières années. La crise économique que connaît leur pays a provoqué une large paupérisation avec un rétrécissement dramatique des classes moyennes. Près d’un million de salariés ont, d’une manière ou d’une autre, perdu leurs emplois, et le mois de jeûne représente pour eux une période terrible. Avec une inflation importante et le gel des salaires, les pouvoirs d’achat n’ont rien à voir avec ceux des années quatre-vingt, lorsque le baril de pétrole dépassait les trente dollars permettant au gouvernement d’importer nombre de marchandises occidentales et de les commercialiser à des prix abordables.
« En règle générale, un foyer algérien dépense trois ou quatre fois plus que d’habitude durant le ramadan, explique l’économiste Ali Chouarbia. Chaque repas du soir est une fête à lui tout seul. Plusieurs plats sont à préparer et il n’est pas question que la viande, rouge ou blanche, soit absente de la table. Il faut des gâteaux, des plats spéciaux, de la limonade, du thé. Tout cela coûte horriblement cher. »
4De fait, avec un kilogramme de viande qui représente près du sixième du salaire minimum, on devine que nombreux sont les Algériens qui ne peuvent faire face à ces exigences. Du coup, le ramadan joue un rôle de révélateur de la crise sociale. Tandis que des familles aisées se permettent des dépenses fastueuses (il n’est pas rare que l’on commande du chocolat de France ou du nougat d’Espagne pour accompagner les autres douceurs servies en soirée), des hommes et des femmes sont obligés de quérir quelques kilogrammes de semoule ou de beurre auprès d’associations caritatives dont le nombre ne cesse d’augmenter.
« Nous étions fiers d’un pays qui ne connaissait pas la pauvreté même si nos libertés étaient réduites. Aujourd’hui, des enfants de l’indépendance voient leurs enfants avoir faim pendant le ramadan de jour comme de nuit. Trente jours de frustration, tandis que les autres s’amusent et ripaillent, tout cela va laisser des traces », s’indigne un jeune infirmier de l’hôpital Mustapha à Alger à proximité duquel est servie chaque soir une chorba (soupe traditionnelle) pour les pauvres.
« Quand le ramadan s’approche, l’Algérien a désormais trois hantises », relève Saïd Lafter, syndicaliste membre de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). « D’abord il se demande comment faire pour dépenser en moyenne 600 dinars par jour, quand il n’en gagne que la moitié. Auparavant, son entreprise lui faisait une avance sur les salaires à venir ou alors lui versait une prime conséquente. Aujourd’hui, avec le FMI qui a imposé l’austérité au pays, c’est impossible. Alors, notre homme empruntera ou tentera d’arrondir les fins de mois en faisant du commerce, en conduisant un taxi clandestin ou en gageant les bijoux de son épouse. Ensuite, il se demandera comment acheter les nouveaux vêtements que ses enfants exigeront pour la fête de l’Aïd. Enfin et surtout, il priera pour qu’il ne lui arrive rien de fâcheux lorsqu’il effectuera ses courses dans un marché. Car c’est là, le plus souvent, que les groupes armés ont pris l’habitude de déposer leurs engins explosifs. »
Le ramadan dans l’histoire de l’Algérie
5Mais le ramadan en Algérie n’a pas toujours eu cette sombre connotation. Comme dans nombre de pays musulmans, il est l’occasion de retrouvailles familiales et de repas conséquents. Mais avant cela, il fut durant la colonisation française, l’une de ces périodes où les Algériens musulmans éprouvaient la sensation d’appartenir à une communauté bien plus importante en nombre, la Oumma musulmane, et où, du coup, le sentiment de posséder une identité réelle, malgré certains discours d’essence assimilatrice, se concrétisait de manière indiscutable.
« Le ramadan à l’époque de la colonisation française, c’est d’abord le sentiment qu’on existait et que nous n’étions pas ce que les Français prétendaient ou voulaient nous imposer », explique Ahmed Solhi, soixante-dix ans, ébéniste à Boufarik. « Bien entendu, tout dans notre quotidien nous prouvait que nous étions dans une situation différente des Européens. Mais le ramadan nous rassemblait, on se rendait visite entre parents et même les colons faisaient preuve d’une certaine modération à notre égard. Avec le sacrifice du mouton, et le mouloud où nous fêtions la naissance du Prophète, c’était l’une des rares occasions où notre identité de musulmans nous apportait une certaine dose de reconnaissance, voire de respect. Quelqu’un qui ne mange pas par volonté force toujours l’admiration même de son pire ennemi. »
6Toutefois l’irruption de la guerre d’Algérie va transformer cette image du ramadan. Là aussi, et le parallèle est saisissant même s’il est trop aisé à faire, le Front de libération nationale (FLN) entend profiter de ce mois sain pour entraîner la population avec lui. Ainsi, c’est pendant le ramadan 1956 que le Front entend interdire aux musulmans certaines pratiques, et par là même asseoir son autorité. Fumer, boire de l’alcool, aller au cinéma sont des actes désormais passibles de mort ou entraînent des punitions terribles comme la mutilation du visage. Côté européen, on se méfie aussi de cette période, et la presse de l’époque montre bien que le ramadan est jugé comme une période propice aux attentats de la « rébellion » et qu’il impose un surcroît de vigilance de la part des autorités et la mobilisation de nouveaux renforts.
7Quelques années après l’indépendance, le ramadan algérien est toujours synonyme de retrouvailles familiales. Conscientes de la nécessité d’accompagner ce mouvement, les autorités vont encourager les activités culturelles et religieuses durant cette période. Le ministère des Affaires religieuses organise ainsi chaque année un concours du meilleur lecteur du Coran, compétition ouverte aux moins de seize ans et qui connaît chaque année un réel succès. Dans le même temps, et parce qu’un bon ramadan doit offrir le maximum de loisirs, des programmes spéciaux sont prévus par l’unique chaîne de télévision. Leur articulation n’a d’ailleurs pas beaucoup évolué depuis. Durant la journée, il s’agissait de faire passer le temps aux gens et de les aider à attendre la rupture du jeûne. Séries américaines et feuilletons religieux étaient les plus usités. Ensuite, venait l’heure des concerts de musique religieuse ou andalouse et surtout celle des « sketchs ». De petites fictions très populaires et dont la rediffusion ces dernières années a généré une réelle nostalgie à propos de l’Algérie de Boumediene et contribuant par là même à donner plus de relief à la campagne électorale d’Abdelaziz Bouteflika. Dans le même temps, plus que jamais, les programmateurs sont obligés de veiller à ne pas heurter la sensibilité des spectateurs. Si quelques films occidentaux aux scènes un peu osées sont tolérés le reste de l’année, il n’est pas question de laisser passer le moindre baiser durant le mois. Cela d’autant plus que les familles algériennes qui ont découvert les chaînes télévisées européennes grâce aux antennes paraboliques ont tendance à revenir à leur télévision durant le ramadan.
« Ramdane (le ramadan), c’est une ambiance », confie Rédha Benyaiche, jeune journaliste algérois. « Ce sont les repas en famille, les odeurs de cuisine, l’attente de la rupture du jeûne, le Coran diffusé par la télévision puis les émissions améliorées en cours de soirée. Voilà pourquoi un ramadan loin de chez soi est une terrible épreuve, surtout en Europe. »
Ramadan et société
8Jeûner est donc à la fois un acte religieux mais aussi culturel. Ne pas l’accomplir, aujourd’hui encore, c’est se couper de la majorité. Ainsi, en Algérie, respecter le ramadan a longtemps été jugé bien plus important que d’accomplir les cinq prières quotidiennes. Du coup, manger durant la journée est souvent ressenti de manière honteuse. Celui qui mange est obligé de se cacher, et doit craindre les moqueries et le manque de respect des autres, alors qu’il est tout à fait admis qu’il ne mette jamais les pieds dans la mosquée. Une émission de caméra cachée algérienne est ainsi dans toutes les mémoires. L’animateur, un jeune homme, s’installe sur un banc à côté d’un homme bien plus âgé. C’est le ramadan et le vieillard est révulsé lorsqu’il voit l’animateur sortir du pain et du fromage et les poser entre eux. Arrive un (faux) agent de police. On devine la suite. L’animateur affirme que la nourriture appartient à son voisin et l’agent fait mine de le croire. L’affaire se corse néanmoins lorsque le vieil homme, ivre de colère, sort un couteau pour faire un sort à l’animateur (et non à l’agent, bien entendu...).
« Les Algériens accusent, à tort, les Égyptiens d’être moins pieux qu’eux puisque selon eux ces derniers ne feraient pas le ramadan. Mais ce que les Algériens oublient de dire, c’est qu’en Égypte, la fréquentation des mosquées est bien plus importante. Où est la vérité ? Chaque pays a ses traditions culturelles sur lesquelles se greffe le rite religieux », relève le politologue égyptien Mohsen Manâam.
9Reste enfin d’autres aspects du ramadan qui ne sont néanmoins pas propres à l’Algérie. La chute de la productivité des entreprises durant cette période est une évidence. Arrivée tardive sur les lieux de travail, fatigue, nécessité d’aller au ravitaillement pour préparer le repas du soir (et donc absentéisme fréquent) sont autant de facteurs négatifs qui pénalisent des organisations où l’efficacité est déjà peu répandue. Les hommes d’affaires qui travaillent avec les pays musulmans le savent bien, eux qui ne s’y déplacent jamais à cette époque. C’est l’excuse idéale aussi pour nombre de travailleurs pour aller à leur rythme.
« Le pire, c’est qu’il faut se couler dans un moule », raconte Mustapha Kadri, ingénieur électricien dans une grande entreprise publique algérienne. « Travaillez normalement, souriez, soyez comme d’habitude, et immédiatement vous serez suspecté de ne pas respecter le jeune, de manger en cachette, en clair, d’être un hypocrite. Le plus terrible, c’est les premiers jours où il faut absolument montrer que l’on est fatigué, hors du temps. »
10Les Algérois connaissent bien ces états. Les premiers jours du ramadan sont souvent marqués par des bagarres, parfois spectaculaires, entre personnes « battues par ramdane » (sur lesquelles le ramadan a prise). D’autres ne peuvent supporter l’arrêt du tabac sur une si longue période dans la journée, alors le moindre incident est l’occasion rêvée d’en découdre et de se défouler. D’ailleurs, l’une des conséquences négatives les moins connues du ramadan est la multiplication d’accidents de la route. En 1990, une étude du ministère algérien de l’Intérieur chiffrait à 25 % l’augmentation de ce type de sinistre. Déjà durant la journée, conduire le ventre vide peut mener au pire. Les bagarres entre conducteurs irascibles sont fréquentes aussi. Plus souvent, c’est l’accident. Le plus répandu est celui qui intervient à quelques minutes de la rupture du jeûne. C’est l’heure où des dizaines d’automobilistes roulent à tombeau ouvert pour être à temps à la maison et débuter le premier repas de la journée avec le reste de la famille. Une lubie étrange, due très certainement à la faim, et qui pousse les jeûneurs à estimer qu’une journée de ramadan rompue avec du retard n’a pas la même importance que celle où la nourriture est portée à la bouche à l’instant même où le muezzin annonce la rupture du jeûne. Mais le plus grave est que face à ces automobilistes qui risquent leur vie pour gagner quelques minutes, d’autres conducteurs privilégient quant à eux la lenteur. Ils font partie de ceux qui « tuent le temps » en attendant le f’tour (repas de rupture du jeûne). Selon l’expression algérienne, ils « amènent » la rupture du jeûne. Des accidents spectaculaires ont ainsi lieu aujourd’hui encore, endeuillant les familles dans une conjoncture déjà peu souriante. Mais la tragédie des accidents de la route ne s’arrête pas aux seuls moments qui précèdent le f’tour. Si les villes et villages sont pratiquement déserts durant l’heure et demie qui suit le repas, elles s’animent rapidement, les uns et les autres rendant visite à leurs proches pour les longues soirées « ramadanesques ». Et là, abus de sucreries oblige, les effets des hyperglycémies sont tout autant dévastateurs que ceux des hypoglycémies de la journée. Agressivité au volant, conduite trop rapide, les Algériens appellent cela les « effets du sucre ».
11Reste que cette approche très critique du ramadan concernant la diminution de la productivité pourrait être contrebalancée un jour par la nécessité pour l’humanité de faire de temps à autre une pause. Certes, la productivité des entreprises, l’efficacité, déjà bien ténue, des administrations, sont parmi les principales victimes du ramadan, mais un peu partout dans le monde musulman et aussi judéo-chrétien des voix se font entendre pour que les rythmes de travail et de production soient plus humains. Certains rappellent même l’exigence qui a été faite aux fils d’Abraham de laisser reposer la terre toutes les sept années et de s’abstenir de toute activité durant douze mois. Bien entendu, les exigences de la vie moderne ne peuvent tolérer un tel arrêt ; mais pourquoi ne pas s’interroger à nouveau sur les vertus curatives du ramadan et réhabiliter sa dimension mystique et spirituelle dans une conjoncture internationale où nombreux sont ceux qui s’élèvent contre les dégâts de la mondialisation ? De même, et face à la dérive mercantile que connaît le ramadan dans certains pays musulmans, notamment du Golfe, nombreux sont ceux qui réclament un retour à plus d’austérité et plus de solidarité avec les pauvres. A l’instar de cet ancien rédacteur en chef de l’hebdomadaire francophone Algérie Actualité qui qualifia un jour ses compatriotes durant le ramadan de « faux musulmans » et de « véritables tubes digestifs ambulants ».
12Enfin, il est impossible de parler du ramadan en Algérie sans évoquer le sort de la minorité tunisienne installée dans ce pays depuis plusieurs décennies. Cette dernière est constituée par de nombreux marchands de beignets et le ramadan est leur mois. C’est en effet la période des khfafdji (marchands de beignets), celle où ils réalisent leurs plus forts chiffres d’affaires en vendant deux produits principaux. La zlabia, gâteau à la semoule frit dans l’huile et nappé de miel, et le kalb ellouz, gâteau fait aussi de semoule normalement fourrée à l’amande pillée et dont certaines versions destinées aux arrivistes sont surmontées de rondelles de kiwis importés d’Asie.
« C’est le mois où nous existons en Algérie. Où les gens se battent devant notre devanture pour acheter leur kilogramme de zlabia. Ils ne nous respectent pas pour autant et les insultes méprisantes que nous entendons à longueur d’année ont tendance à se multiplier. Mais c’est grâce à ce mois que nous vivons mieux qu’au pays. Mais Dieu, que les Algériens sont durs pendant le ramadan », confie un des plus anciens khfafdji installés sur les hauteurs de la capitale algérienne.
Auteur
Akram B. Ellyas : journaliste indépendant, spécialisé dans les questions relatives au monde arabe. Il contribue au journal économique La Tribune, au Monde diplomatique et au magazine Time. Il est l’auteur des 100 portes du Maghreb, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1999 (en collaboration avec Benjamin Stora).
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