Le quartier de Tilanqiao, l’émergence d’un « patrimoine juif » à Shanghai
p. 85-101
Texte intégral
1Depuis plus de trois décennies, la Chine urbaine vit à l’heure d’une fièvre modernisatrice qui tout en s’accompagnant d’un profond renouvellement urbain a su simultanément stimuler la préservation patrimoniale. Tout en s’attachant à sauvegarder leur patrimoine historique, les anciennes villes concessionnaires ambitionnent, chacune à leur manière, de se réapproprier leur patrimoine étranger, caractéristique d’une identité urbaine propre. À Shanghai, ville des plus attentives à son patrimoine datant de l’ère concessionnaire, un épisode particulier de son histoire remontant aux années de guerre (1937-1945) s’est peu à peu imposé comme un enjeu historique majeur. L’histoire des juifs européens ayant fui le national-socialisme, venus se réfugier à Shanghai, fait à présent partie intégrante de l’identité shanghaienne. L’objectif sera ici de tenter de dénouer et d’apprécier à travers une approche globale les enjeux historiques, politiques et patrimoniaux de ce terrain révélateur de la complexité du passé – et du présent – shanghaien.
La protection du patrimoine : contextes et repères
2La politique de réformes et d’ouverture dans laquelle les dirigeants de la République populaire de Chine engagent le pays à partir de la fin des années 1970 va engendrer des mutations socio-économiques majeures et entraîner la Chine vers une modernisation accélérée. Tout en accordant la priorité aux marqueurs économiques, les autorités centrales encouragent également le pays à renouer avec son patrimoine culturel et historique prémaoïste (Fresnais, 2001). Or, la préservation du patrimoine historique urbain est à l’évidence en discordance avec une modernisation dynamique du tissu urbain, laquelle nécessite des destructions aussi massives que radicales du bâti immobilier. En vue d’imposer la sécurisation du patrimoine culturel et historique, le gouvernement central décide dès le début de la décennie 1980 de doter le pays d’un cadre législatif garantissant la conservation de l’héritage historique et culturel et destiné à cerner les priorités de sa politique patrimoniale, tout en accompagnant celles-ci de lois et de décisions appropriées. L’année 1982, année de la promulgation de la quatrième constitution chinoise, marque une indéniable avancée dans la politique de préservation patrimoniale, avec la proclamation de la « Loi sur la protection du patrimoine culturel de la République populaire de Chine1 », laquelle introduit et définit en particulier le concept de « ville historique et culturelle2 », label décerné dès cette même année 1982 par le Conseil des affaires d’État à 24 villes du continent chinois. Dans la foulée, le gouvernement promulgue une liste nationale de monuments historiques classés3, régulièrement complétée depuis. L’ensemble de ces mesures marque le tout début d’une nouvelle approche de la protection du patrimoine culturel et historique que confirme l’adhésion de la Chine, en 1985, à la « Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel », adoptée par l’Unesco en 1972. En l’espace de quelques années à peine, la République populaire réussit à recadrer sa législation et sa gestion patrimoniales, et parvient en matière de patrimoine à se conformer aux codes internationaux et à intégrer les espaces d’échange et de discussion mondiaux.
3Mais les événements de Tian’anmen en 1989 vont modifier la donne, dès lors que les dirigeants communistes décident d’infléchir quelque peu les pratiques politiques gouvernementales et d’adopter une gestion plus idéologique du patrimoine historique, ajustée pendant toute la décennie 1990 à une nouvelle devise nationale, celle de « l’éducation patriotique4 » (Zhao, 1998 ; Wang, 2008). Dans le domaine patrimonial, celle-ci se traduit par un nouveau label, reflet des crispations idéologiques d’alors, qui engendrent un nationalisme aux caractéristiques chinoises. Dès les années 1990, nombre de sites et de bâtiments culturels et historiques traditionnels et modernes se voient décerner le label de « base modèle d’éducation patriotique » (Baige aiguozhuyi jiaoyu shifan jidi dituji, 1998)5. Si cette lecture « patriotique » du patrimoine se veut à l’heure actuelle moins ostensible, l’attribution de ce label n’en perdure pas moins bien au-delà de la décennie 1990 (Di er pi baige aiguozhuyi jiaoyu shifan jidi dituji, 2002)6. Aujourd’hui encore, les sites et monuments ainsi labellisés arborent toujours une plaque signalant la date d’attribution de ce label si caractéristique du recadrage idéologique imposé à partir de 1989 par les dirigeants communistes.
4Tout en se conformant aux décisions patrimoniales du gouvernement central dès les années 1980, les métropoles chinoises se dotent, quant à elles, d’une législation patrimoniale locale. La municipalité de Shanghai adopte ainsi au début des années 1980 les « Principes directeurs pour la protection et la planification de la ville historique et culturelle de Shanghai7 », ceci avant même que le Conseil des affaires d’État classe Shanghai « ville historique et culturelle » en 1986, décision qui entraîne l’élaboration d’un nouveau plan d’aménagement général de Shanghai. Au cours des années suivantes, la municipalité shanghaienne procède à l’inventaire des bâtiments historiques à sauvegarder8, pour la plupart localisés dans les anciennes concessions étrangères, construits à partir du début du xxe siècle essentiellement à l’usage des résidents étrangers. Or, il apparaît assez rapidement que la sauvegarde des seuls « bâtiments historiques » n’entrave nullement les destructions massives à leurs abords, le libellé des textes législatifs ne prenant pas en considération l’environnement patrimonial. Afin d’enrayer dans la mesure du possible la vague de destructions irrémédiables intervenues pendant la décennie 1990 marquée par la verticalisation systématique de la ville, et dans l’objectif à présent prioritaire de sauvegarder, au-delà des seuls « bâtiments historiques », l’ensemble de l’héritage historique et culturel de la ville, la municipalité de Shanghai s’emploie à définir sur l’intégralité de son territoire une quarantaine de « secteurs historiques et culturels protégés9 ». Dans la ville-centre, la liste initiale des quartiers historiques, établie dès 1999 et promulguée en 2003, comporte onze secteurs (Shanghai wenhua nianjian, 2000 : 147), avant d’être complétée en 2005 par un douzième quartier protégé, celui de Tilanqiao10, situé dans l’arrondissement de Hongkou. Un bref rappel des redécoupages administratifs successifs intervenus à Hongkou et à Tilanqiao depuis le xxe siècle se bornera ici à une présentation succincte des principaux repères.
5Situé dans la partie sud-est de l’arrondissement de Hongkou11, le quartier de Tilanqiao12, délimité par les rues Dalian, Gongping, Tangshan et la rivière Huangpu13 (Shanghai zhanggu cidian, 1999 : 54), constituait jusqu’en décembre 1959 un des arrondissements urbains de Shanghai14, date à partir de laquelle il est intégralement rattaché à celui de Hongkou (Xiong, 2005 : 681-682)15. Pendant les décennies suivantes, le toponyme « Tilanqiao » ne renvoie plus à une entité administrative distincte, tout en figurant toujours sur les plans de Shanghai comme un simple lieudit, en référence au pont (qiao) qui dans le passé enjambait l’ancienne rivière Xiahai pu16. L’éclipse administrative de Tilanqiao perdure pendant plus de trente ans. En 1991, le quartier de Tilanqiao réémerge, suite à la fusion des jiedao de Haimen lu17 et de Dongchangzhi lu18 (http://goo.gl/x20ck319). Dans les années qui suivent, les limites du quartier seront à plusieurs reprises réajustées, conséquence du rattachement au jiedao de Tilanqiao de plusieurs autres secteurs de l’arrondissement de Hongkou. Actuellement, le quartier de Tilanqiao constitue un des huit jiedao de l’arrondissement de Hongkou (http://goo.gl/pjG7jp20).
6Quartier surpeuplé, dont le tissu urbain n’a guère été réhabilité après la fin de la guerre sino-japonaise (1937-1945), Tilanqiao abrite aujourd’hui encore une population ouvrière et commerçante modeste et vieillissante, qui, malgré l’état médiocre de l’habitat, souhaite demeurer dans ce quartier somme toute proche du centre-ville et ayant bénéficié ces dernières années d’une modernisation partielle de ses infrastructures, depuis qu’une ligne de métro construite à l’occasion de l’Exposition universelle de 2010 est venu desservir le quartier (Ruan, 2008 : 4).
7La complexité des reconfigurations territoriales successives du quartier de Tilanqiao depuis environ un siècle se traduit dans la majorité des études et publications académiques chinoises et occidentales par une approche souvent lacunaire, ou pour le moins partielle, des contextes historiques shanghaiens. En général, il est fait un usage indifférencié du toponyme « Tilanqiao », celui-ci pouvant désigner le lieudit de la période concessionnaire (1899-1941) et des années d’occupation japonaise (1941-1945), l’ancien arrondissement de Shanghai (1947-1959), le jiedao de l’actuel arrondissement de Hongkou (1991-2014) ou, depuis 2005, le secteur historique protégé, auquel il est généralement connoté. En tout état de cause, ce secteur de la ville-centre ne semble guère avoir eu vocation à intégrer le patrimoine historique et culturel de Shanghai. Certes, tout comme l’ensemble des anciens quartiers concessionnaires, Tilanqiao compte quelques bâtiments historiques datant du premier xxe siècle, mais qui sont incomparablement moins prestigieux que les édifices luxueux du Bund ou de l’ancienne Concession française21. Nul doute que les raisons pour lesquelles Tilanqiao a été classé par les autorités municipales secteur historique protégé en 2005 tiennent au passé de ce quartier, dans lequel plusieurs milliers de réfugiés juifs européens fuyant le national-socialisme à la fin des années 1930 trouvèrent un asile temporaire pour la durée de la guerre.
Les réfugiés juifs à Shanghai : les dimensions mémorielles et politiques de l’Histoire
8Entre 1938 et 1941, environ 18 000 réfugiés d’Europe centrale, pour la plupart juifs ou d’origine juive, trouvèrent asile dans les concessions étrangères de Shanghai. Démunis de tout moyen de subsistance pour la majorité d’entre eux, il leur faut à l’arrivée s’en remettre à l’assistance caritative et au soutien financier des organisations d’entraide juives mises en place par les communautés sépharade et ashkénaze locales, elles-mêmes établies à Shanghai depuis la fin du xixe siècle. Dès l’arrivée des premiers réfugiés européens à l’été 1938, les dirigeants communautaires juifs perçoivent l’urgence de la situation, qui se confirme quelques semaines à peine plus tard, lorsqu’à partir de novembre 1938, les pogromes en Allemagne provoquent la fuite précipitée de très nombreux ressortissants juifs et l’arrivée à Shanghai de plusieurs milliers d’entre eux. L’aide aux réfugiés consistera dans un premier temps à organiser leur accueil, à relever leur identité, à les informer du quotidien shanghaien et à leur trouver rapidement un hébergement adéquat. Or, il apparaît à l’évidence que, pour résoudre la question capitale de l’hébergement dans une ville dont le parc immobilier avait en partie été détruit par les bombardements japonais (août-novembre 1937), les résidents sépharades et ashkénazes optent, dès l’arrivée des premiers réfugiés, pour une stratégie de marginalisation, en procédant d’un commun accord au transfert de tous les réfugiés dépourvus de moyens financiers personnels dans le quartier de Hongkou. Situé à l’écart du centre-ville concessionnaire, ce secteur de la Concession internationale, bien que sous administration du Conseil municipal de Shanghai, se trouvait sous occupation militaire japonaise depuis la fin de l’année 193722. Plusieurs milliers de réfugiés seront hébergés à Hongkou dans des bâtiments propriété soit du Conseil municipal de la Concession internationale soit de résidants shanghaiens fortunés, sépharades ou ashkénazes, bâtiments qui serviront de foyers d’hébergement collectif jusqu’au départ des réfugiés de Shanghai. D’autres trouveront à s’héberger dans des logements locatifs à Hongkou, quartier déserté par une partie de ses habitants chinois lors des bombardements de 1937. À partir de 1943, et après avoir procédé à l’internement en camps de tous les ressortissants de pays ennemis23, l’occupant japonais, qui depuis décembre 1941 exerçait son contrôle sur l’ensemble de la Concession internationale, décide de reléguer les réfugiés d’Europe centrale, désormais apatrides, dans un secteur délimité de Hongkou, situé dans l’actuel quartier de Tilanqiao et entré dans l’histoire sous le nom de « ghetto de Shanghai ». Un comité d’entraide, majoritairement constitué de résidants ashkénazes russes et polonais, non affectés par les mesures ségrégatives japonaises, faisait fonction d’instance de contrôle et d’intermédiaire entre les réfugiés européens et les autorités japonaises. Désormais coupés et ignorés du monde extérieur, les réfugiés juifs devront attendre la fin de la guerre avant de pouvoir envisager leur départ de Shanghai, lieu d’exil où la majorité d’entre eux survécurent néanmoins aux années de guerre.
9Cet épisode, effacé de l’histoire de Shanghai pendant plusieurs décennies, tant par l’historiographie chinoise qu’occidentale24, réémerge à la fin des années 1980 dans la mémoire historique shanghaienne, lorsque l’Académie des sciences sociales de Shanghai reprend ses activités de recherche25 et que plusieurs universitaires shanghaiens choisissent de se consacrer à l’étude de ces réfugiés juifs, après avoir pris connaissance des premières études et publications parues en Occident (Kreissler, 2012). Aujourd’hui, la présence de réfugiés juifs à Tilanqiao pendant les années de guerre apparaît comme un marqueur fort de l’histoire mémorielle shanghaienne, laquelle a adapté les contextes politiques et les réalités historiques d’alors (occupation militaire et présence civile japonaises26, rétrocession des concessions, collaboration chinoise) à une lecture historique sans doute plus conforme aux nouvelles attentes identitaires chinoises, tout en étant révélatrice d’une stratégie soutenue de décontextualisation historique.
10Tandis que les historiens shanghaiens se consacrent à de nombreuses recherches sur le passé concessionnaire de la ville (Shanghai shehui kexueyuan yuanshi, 2008 : 223-225 ; Zhang, 2008), l’histoire des réfugiés juifs constitue le domaine de recherche privilégié du Centre d’études juives27 créé en 1988 au sein de l’Académie des sciences Sociales, sur l’initiative du Professeur Pan Guang28. Alors qu’il n’existe à notre connaissance aucun institut de recherche spécifique se consacrant à l’histoire d’autres communautés étrangères de Shanghai, l’étude des réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale se présente depuis les années 1990 comme un domaine de recherche quasi hors norme de l’historiographie chinoise (Pan Guang, 2008).
11Largement inspirées par l’historiographie anglo-saxonne, les très nombreuses publications, traductions, expositions et conférences internationales centrées sur les réfugiés juifs ont contribué depuis la décennie 1990 à une lecture mémorielle passionnée de cet épisode de l’histoire shanghaienne (Kreissler, 2012). Dans les faits, ce phénomène mémoriel dépasse amplement le seul cadre de l’historiographie et peut sans nul doute être interprété comme une des résultantes des nouvelles orientations adoptées par la politique étrangère post-maoïste menée par Pékin. En effet, l’établissement des relations diplomatiques avec les États-Unis (1979), puis avec Israël (1992), représente deux moments politiques majeurs et décisifs pour la recherche historique chinoise dans le domaine des études juives. C’est ainsi, par exemple, qu’après avoir assisté en janvier 1992 à Pékin à la cérémonie officielle consacrant l’établissement des relations sino-israéliennes, le directeur du Centre d’études juives accueillera régulièrement au Centre d’études juives de Shanghai les dirigeants israéliens de passage à Shanghai29, de tels moments diplomatiques contribuant incontestablement à la visibilité nationale et internationale du Centre d’études juives.
12Tout en s’appropriant progressivement l’histoire des réfugiés juifs à Shanghai, les spécialistes du Centre structurent dès les années 1990 une grille de lecture historique qui présente Shanghai comme le « lieu d’exil idéal pour les réfugiés juifs d’Europe » (Jiefang ribao, 20.02.05). Pour les historiens chinois, il en découle une lecture normative faisant désormais autorité dans le monde de la recherche en République populaire et qui repose pour l’essentiel sur trois thèses clés : l’absence de tout antisémitisme en Chine, l’hostilité manifeste de la plupart des pays dans les années 1930 à l’encontre des juifs fuyant le national-socialisme et le statut de « ville ouverte » de Shanghai. Ces constats stéréotypés constituent le socle théorique sur lequel repose l’hypothèse du « modèle de Shanghai » (Pan Guang, 2005), lequel présente la métropole chinoise comme la ville havre, l’« Arche de Noé » des juifs persécutés (Zhang Yanhua, 2006), « la seule ville au monde à avoir ouvert grand ses portes aux réfugiés juifs » (Xiong, 2005 : 356).
13Pour familiariser le grand public avec cette lecture historique, la Chine s’est forgé un nouveau slogan à connotation maoïste, aujourd’hui communément adopté. Désormais, « l’amitié judéo-chinoise »30 sous-tend toute étude ou analyse de l’histoire des réfugiés juifs à Shanghai. Cautionnée par les autorités et la presse officielle chinoises, cette approche est aussi relayée par bon nombre de publications journalistiques occidentales bienveillantes (Lyons, 2011), tout comme par un nombre croissant d’acteurs politiques étatsuniens, israéliens et européens, qui se font un devoir moral de visiter le Centre d’études juives de Shanghai et le quartier de Tilanqiao lors de leur passage à Shanghai.
14Les universitaires chinois n’en poursuivent pas moins leur enquête historique, soulignant désormais la continuité de la présence juive à Shanghai, depuis les premiers résidants sépharades arrivés au milieu du xixe siècle jusqu’aux « expatriés juifs » établis dans la métropole chinoise au xxie siècle (Wang Jian, 2010). Cette supposée continuité de la présence juive se double d’une nouvelle approche du patrimoine historique shanghaien, puisque plusieurs historiens chinois ont ces dernières années décelé à Shanghai une cinquantaine de « sites et bâtiments caractéristiques juifs31 », dont ils ont dressé un inventaire qui se dit exhaustif (Dai, 2006 : 178 ; Pan Guang, 2008 : 311-312). L’élaboration de cette nouvelle nomenclature à tonalité patrimoniale suggère que les spécialistes shanghaiens, dépositaires de l’autorité historique, cherchent à présent également à se positionner sur le terrain patrimonial, où ils se retrouvent depuis quelques années aux côtés de nouveaux acteurs sociaux, ou en concurrence avec eux. Architectes, journalistes et urbanistes sont en effet de plus en plus nombreux à s’impliquer sur le terrain de Tilanqiao.
Tilanqiao et ses « lieux de mémoire »
15La réémergence de l’histoire des réfugiés à Shanghai, ainsi que l’activisme soutenu du Centre d’études juives de Shanghai, et l’intérêt croissant que l’un et l’autre suscitent en Occident, vont inciter les autorités de la municipalité de Shanghai et celles de l’arrondissement de Hongkou à s’impliquer à leur tour dans la valorisation de ce potentiel patrimonial. Dès 1992, année de la normalisation des relations bilatérales entre la République populaire et Israël, et des premières visites officielles de dirigeants israéliens en Chine, la municipalité de Shanghai se décide à une première démarche visant à transformer l’ancienne synagogue russe établie à Hongkou en un mémorial destiné à l’histoire des réfugiés juifs à Shanghai. Cette ancienne synagogue, installée dans un immeuble d’habitation datant du début du xxe siècle, était devenue lieu de culte à la fin des années 1920, lorsque les dirigeants de la communauté ashkénaze russe en avaient fait l’acquisition. Destinée à l’importante communauté de juifs russes résidant à Hongkou, la synagogue était restée en activité jusqu’en 1956, date de sa fermeture par les autorités communistes, et avait par la suite hébergé une annexe de l’hôpital local.
16Quelques deux ans après l’établissement des relations sino-israéliennes, à l’occasion de l’ouverture en 1994 du consulat d’Israël et de la tenue d’une première conférence internationale sur les Juifs à Shanghai, le gouvernement de l’arrondissement de Hongkou fait ériger une stèle commémorative dans le parc Huoshan32, situé dans le quartier de Tilanqiao. Financée par les autorités de Hongkou (Hongkou nianjian, 1997 : 211), la stèle rappelle que pendant la Seconde Guerre mondiale, l’envahisseur japonais avait rassemblé les réfugiés juifs apatrides dans un « ghetto33 ». L’inscription trilingue (chinois, anglais, hébreu) figurant sur la stèle précise que « des milliers de juifs, fuyant les persécutions nazies s’étaient entre 1937 et 1941 établis à Shanghai. Les autorités d’occupation japonaises, les considérant comme des “réfugiés apatrides”, les avaient confinés dans une zone de résidence délimitée, restreignant ainsi leurs activités économiques ». En choisissant d’ériger la stèle l’année de l’ouverture du consulat d’Israël à Shanghai et d’y faire figurer une inscription en hébreu, langue que les réfugiés ne maîtrisaient généralement pas, les autorités chinoises désignent désormais Israël comme le porte-parole légitime des anciens réfugiés d’Europe et de leurs descendants.
17L’établissement à Tilanqiao, dès le milieu des années 1990, de ces deux pôles mémoriels par les autorités locales, témoigne en quelque sorte d’un transfert sur le terrain shanghaien des nouvelles options politiques de Pékin, pôles qui désormais recevront régulièrement la visite de dirigeants, diplomates et touristes étrangers, mais aussi chinois, tous en quête du « passé juif » de Shanghai. Ces pôles mémoriels vont au fil des années attirer un nombre croissant de visiteurs étrangers, à l’époque encore majoritairement d’anciens réfugiés d’Europe centrale et leurs descendants, pour s’imposer finalement comme de véritables « lieux de mémoire34 ». À la fin du xxe siècle, Shanghai dispose, avec la stèle commémorative, le Mémorial des réfugiés juifs à Shanghai35 et le Centre d’études juives de Shanghai, d’un « patrimoine juif » qui suscite de la part de nombreux Occidentaux un intérêt accru pour l’histoire longtemps oubliée des juifs à Shanghai. Il revient au Centre d’études juives de Shanghai un rôle particulier dans cette reconfiguration mémorielle. En multipliant ses activités de publication et d’information, dont la presse nationale et internationale se font l’écho, le directeur du Centre et ses collaborateurs parviennent, grâce aux réseaux scientifiques internationaux dont ils disposent à présent, à faire du Centre l’institut de recherche majeur sur l’histoire des réfugiés juifs à Shanghai. À cela s’ajoute le rôle pilote que joue à partir de la fin du xxe siècle le Centre d’études juives de Shanghai en assurant pour tous les visiteurs intéressés le relais avec les deux « lieux de mémoire » localisés dans le quartier de Tilanqiao.
18Avec la cybermédiatisation de l’histoire des réfugiés juifs pendant la Seconde Guerre mondiale à Shanghai, Tilanqiao va à partir des années 2000 capter plus encore l’attention de nouveaux acteurs étrangers. En particulier, des architectes et journalistes nord-américains et israéliens, de passage à Shanghai ou résidant dans la ville, élaborent des projets visant à sauvegarder la « mémoire juive » dans cette ville en pleine restructuration et où le quartier de Tilanqiao menace de disparaître. Le plus grandiose de ces projets (« Living Bridge Project »), de l’architecte canadien Ian Leventhal, propose la réhabilitation intégrale de l’ancien « quartier juif » sous forme d’un « Shanghai Jewish Cultural Complex », qui suscite chez les autorités de l’arrondissement de Hongkou d’immenses attentes en matière d’investissements et d’impact sur le potentiel touristique du quartier, qui n’avait jusqu’alors guère tiré bénéfice de la modernisation accélérée de la ville.
19Entre 2000 et 2005, plusieurs architectes étrangers, majoritairement nord-américains, élaborent des projets de plus en plus démesurés, prévoyant aux abords du mémorial, auquel est attribué une place centrale, un « parc de la mémoire », des musées et des galeries d’art, une zone piétonne, des hôtels, des boutiques, des restaurants, misant de la sorte non seulement sur le potentiel touristique supposé, mais aussi sur le quartier de Tilanqiao comme futur centre d’affaires pour businessmen juifs. « The new Shanghai Jewish Cultural Complex will soon establish itself as the crown jewel in this revitalized district » (www.journey-of-hope.com) prédit non sans optimisme un des cabinets d’architectes nord-américains, et ce malgré plusieurs années de négociations inabouties menées avec les autorités de Hongkou. Car, si ces dernières se sont déclarées disposées à coopérer, dans l’espoir de faire bénéficier leur arrondissement d’investissements financiers étrangers conséquents, il s’avère assez rapidement que d’autres acteurs shanghaiens sont à l’évidence plus réticents à adhérer à ces choix. En effet, les autorités municipales semblent entrevoir ces plans avec une retenue certaine et se tiennent très en retrait des projets pharaoniques étrangers. Quant aux chercheurs du Centre d’études juives de Shanghai, ils partagent sans nul doute l’avis du directeur du Centre, qui commente de façon laconique la faisabilité du projet canadien : « Agreements, contracts mean nothing without the money to back it up. It will be difficult for them. » (Movius, 2005.)
20Tout en laissant les architectes étrangers se débattre avec les réalités du terrain shanghaien, la Municipalité de Shanghai enchaîne ses objectifs modernisateurs, en vue de l’échéance de 2010, année de l’Exposition universelle. À Hongkou, la municipalité décide dès le début des années 2000 de réhabiliter intégralement la rive septentrionale du fleuve Huangpu, en partie située dans le quartier de Tilanqiao. Lancé en 2002, le North Bund Project vise à une complète restructuration de cette ancienne zone industrielle et portuaire, siège de nombreuses entreprises industrielles occidentales, japonaises et chinoises au début du xxe siècle, et considérée par les autorités municipales comme le berceau de l’industrie chinoise moderne. Les anciennes usines, les docks et les hangars ont d’ores et déjà été réhabilités, transformés en lieux d’exposition et de spectacles, ou en cafés et restaurants mondains.
21En 2004, les autorités municipales promulguent une quatrième liste de bâtiments historiques classés, parmi lesquels figurent l’ancienne synagogue de Hongkou, devenu mémorial, ainsi que plusieurs ensembles d’habitation situés à proximité et qui avaient abrité de nombreux réfugiés européens pendant les années 1930-1940. L’année suivante, la municipalité shanghaienne décide de compléter la liste des onze quartiers protégés promulguée en 2003 par un douzième quartier correspondant au secteur de Tilanqiao, où avaient vécu la majorité des réfugiés pendant la guerre. Pour concrétiser cette décision, la Municipalité fait appel à des urbanistes shanghaiens, et en particulier à l’un des plus expérimentés d’entre eux. Ruan Yisan36, professeur à l’université Tongji, se voit confier le plan de conservation du quartier protégé de Tilanqiao. L’urbaniste shanghaien s’exprime officiellement sur l’intérêt et l’urgence de la réhabilitation du quartier, dont il s’attache à souligner tout particulièrement la valeur historique :
« … what makes it famous is its history of hosting Jewish refugees during the Second World War » (Ruan, 2008), rappelle-t-il, tout en reconnaissant que le motif pour lequel Tilanqiao fut intégré parmi les secteurs protégés reste une inconnue. Il se pourrait, selon lui, que la « nostalgie des juifs » (« nostalgia of Jews ») pourrait avoir influencé la décision des autorités municipales. L’objectif étant, toujours selon Ruan Yisan, d’utiliser « these old buildings as the living heritage for attracting the new Jewish involvement and make the memories reappearance » (sic) (Ruan, 2008). L’approche mémorielle des urbanistes est somme toute très analogue à celle des historiens de Shanghai, approche qui s’est imposée en Chine comme la lecture officielle.
22Le plan de conservation du quartier de Tilanqiao élaboré par Ruan Yisan et ses collaborateurs définit les mesures de conservation à appliquer et souligne la fonction résidentielle du quartier, dans lequel les « rues historiques » doivent être sauvegardées. Toutefois, la réalité semble quelque peu en décalage avec les objectifs fixés par le plan de conservation, car nos plus récentes enquêtes sur le terrain en septembre 2012 et juin 2013 ont permis de constater que le processus de réhabilitation du quartier semble être à l’arrêt, tandis que les destructions massives empiètent à l’évidence sur le secteur protégé. Pour l’heure, les quelques « rues historiques » de Tilanqiao encore en partie intactes ont bien gardé leur aspect d’antan, pauvres et délabrées, telles que les réfugiés d’Europe les avaient découvertes à leur arrivée à Shanghai il y a plus de 70 ans. C’est d’ailleurs ce que relèvent dans leurs publications certains chercheurs qui soulignent de même la valeur patrimoniale toute relative des bâtiments classés à Tilanqiao. Selon eux, le quartier protégé ne comporte pas de bâtiments historiques de valeur, qui mériteraient d’être à tout prix préservés. Même l’ancienne synagogue, actuellement Mémorial des réfugiés juifs, est considéré par eux comme un bâtiment anodin. En somme, concluent ces chercheurs, le maintien en l’état du quartier permettrait essentiellement de garder en mémoire le passage à Tilanqiao de milliers de réfugiés juifs, qui y trouvèrent asile pendant la Seconde Guerre mondiale (Zhang et Wei, 2007 : 92). C’est bien cette valeur mémorielle de Tilanqiao qui, à leurs yeux, doit être respectée et sauvegardée.
23En dépit de la stagnation du projet de rénovation, de nouveaux projets ont vu le jour. En 2007, le « Mémorial des réfugiés juifs à Shanghai », lieu mémoriel phare, est intégralement rénové et restructuré et peut dorénavant s’ouvrir à des expositions, des manifestations culturelles, des réunions et événements internationaux. Plus connu sous le nom de « Musée juif de Shanghai » par les visiteurs étrangers toujours plus nombreux à se déplacer jusqu’à Tilanqiao (Hongkou nianjian, 2008, 2009, 2013), quartier très à l’écart des grands axes touristiques shanghaiens, il n’en est pas moins devenu un lieu de visite incontournable.
24En été 2009, un an avant l’ouverture de l’Exposition universelle, les autorités décident de modifier le nom du Mémorial des réfugiés juifs à Shanghai, qui devient désormais « Mémorial des réfugiés juifs shanghaiens »37 (Hongkou nianjian, 2010 : 43-44), soulignant de la sorte l’identité shanghaienne des réfugiés et gommant le caractère passager de leur séjour dans la métropole chinoise, où, selon les historiens chinois, ils eurent la vie sauve grâce à l’accueil solidaire des habitants de Tilanqiao.
25Si tous les acteurs shanghaiens s’entendent sur la valeur mémorielle de Tilanqiao, symbole de la « mémoire juive » à Shanghai, les approches qu’en ont les autorités municipales shanghaiennes et les autorités de l’arrondissement de Hongkou, les historiens et les urbanistes font état de différences majeures.
26Dans un avenir proche, le « patrimoine juif » risque de se limiter en définitive aux deux seuls « lieux de mémoire » existants, du moins aussi longtemps que le projet de rénovation actuellement en stagnation dans le quartier protégé de Tilanqiao reste essentiellement virtuel. On ne peut se départir de l’impression que la décision municipale de déclarer Tilanqiao « secteur protégé » était dans une certaine mesure destinée à freiner les initiatives individuelles émanant d’entreprises étrangères, certes en collaboration avec les autorités d’arrondissement. Preuve supplémentaire, s’il en faut, que la patrimonialisation de l’histoire des juifs à Shanghai ressort en premier lieu des objectifs politiques gouvernementaux.
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Notes de bas de page
1 Zhonghua renmin gongheguo wenhua baohu fa.
2 Lishi wenhua mingcheng. Le concept de « ville historique et culturelle » est défini par la « Loi sur la protection du patrimoine » de la façon suivante : « Une ville où sont préservés des héritages riches et variés et qui possède une valeur historique et une signification révolutionnaire. » (Guo, 2008 : 31.)
3 Di erpi quanguo zhongdian wenwu baohu danwei mingdan. Cette deuxième liste de monuments classés fait suite à une première liste établie en 1961, puis invalidée au début de la « Révolution culturelle » (1966-1976), la protection du patrimoine n’étant plus alors à l’ordre du jour.
4 Aiguozhuyi jiaoyu.
5 Aiguozhuyi jiaoyu shifan jidi. La liste des « Cent bases modèles d’éducation patriotique » émane, entre autres, du Département de la propagande du Comité central du Parti communiste. De façon significative, la place Tian’anmen figure sur cette liste en tant que premier site « d’éducation patriotique ».
6 Di erpi baige aiguozhuyi jiaoyu shifan jidi dituji. En 2005 et 2009 sont publiées les troisième et quatrième listes de « bases modèles d’éducation patriotique ». Nous n’avons pas été en mesure de repérer d’autres listes, éventuellement ultérieures à 2009.
7 Lishi wenhua mingcheng baohu guihua gangyao.
8 Quatre listes de « bâtiments historiques remarquables de Shanghai » (Shanghai shi youxiu lishi jianzhu) seront rendues publiques en 1989, 1994, 1999 et 2004. Si le classement municipal des « bâtiments historiques remarquables » est récent, il convient ici de rappeler que, dès 1959, la Municipalité de Shanghai avait dressé des listes de « sites culturels à protéger » (Shanghai shi wenwu baohu danwei), initiative interrompue pendant la « Révolution culturelle ». La Municipalité reprend cette démarche en 1977, la dernière de ces listes datant d’avril 2014. À la différence des « sites culturels », les « bâtiments historiques » datent exclusivement de la période concessionnaire. Certains « bâtiments historiques » figurent toutefois également sur les listes des « sites culturels à protéger ».
9 Shanghai shi lishi wenhua fengmao baohu qu.
10 Tilanqiao lishi fengmao baohu qu.
11 Hongkou qu.
12 Tilanqiao jiedao. Le terme chinois jiedao est généralement traduit par « sub-district » dans les publications anglo-saxonnes. Christian Henriot propose le concept de « circuit de rues » (Henriot et Zheng : 177). Pour la clarté de notre exposé, nous optons pour le terme de « quartier ».
13 Dalian lu, Gongping lu, Tangshan lu, Huangpu jiang.
14 Tilanqiao qu.
15 Pour un historique détaillé du quartier de Tilanqiao, on peut se reporter à Ye (2007).
16 Xiahai pu. La rivière suivait le tracé de l’actuelle rue de Haimen (Haimen lu).
17 Haimenlu jiedao.
18 Dongchangzhilu jiedao.
19 http://baike.baidu.cn/view/3333573.htm
20 http://zhuanti.shanghai.gov.cn/encyclopedia/en/Default2.aspx#132
21 L’un de ces bâtiments historiques étant la prison de Tilanqiao (Shanghai shi Tilanqiao lanyu), construite au tout début du xxe siècle sur décision du Conseil municipal de la Concession internationale, et à l’époque la plus grande prison d’Asie, toujours en activité de nos jours. La prison municipale de Tilanqiao figure aussi bien parmi la deuxième liste municipale de bâtiments historiques classés en 1994 que sur la septième liste nationale en 2013.
22 En novembre 1937, les troupes japonaises occupent tous les quartiers de Shanghai jusqu’alors sous administration chinoise, mais également Hongkou et Yangshupu, deux secteurs de la Concession internationale situés au nord de la rivière Suzhou (Eastern District). Tout en continuant à y exercer officiellement le pouvoir administratif, le Conseil municipal de la Concession internationale se résigne à l’occupation militaire japonaise de l’Eastern District, qui représente environ 50 % de la superficie totale de la Concession internationale.
23 Ces camps établis par les Japonais portaient le nom de Civil Assembly Centers, terme anodin pour qualifier des camps d’internement où régnait un régime des plus durs, et dans lesquels étaient emprisonnés hommes, femmes et enfants, ressortissants de pays ennemis du Japon.
24 Le premier ouvrage occidental paraît aux États-Unis en 1976 (Kranzler, 1976). Sa traduction chinoise paraîtra en 1991.
25 . L’Académie des sciences sociales de Shanghai (Shanghai shehui kexueyuan) avait interrompu ses activités entre 1968 et 1978.
26 Pendant les années 1930-1940, les Japonais constituent la communauté étrangère la plus nombreuse à Shanghai. L’historien Joshua Fogel évalue le nombre de résidents japonais à Shanghai à environ 25 000 à la fin de l’année 1937, à environ 80 000 en 1940 et à près de 100 000 en 1941. La plupart d’entre eux, précise-t-il, résidaient dans la Concession internationale, avec une préférence marquée pour le quartier de Hongkou, alors surnommé la « Concession japonaise ». (Fogel, 2000 : 927, 939-940). Voir aussi Henriot et Zheng, 1999 : 90.
27 Shanghai youtai yanjiu zhongxin (Center for Jewish Studies Shanghai).
28 Au sein de l’Académie des sciences Sociales de Shanghai, le Centre d’études juives de Shanghai était à sa création rattaché à l’Institut de recherche sur l’Europe orientale, l’Asie centrale et l’Asie occidentale, avant d’être rattaché au Chinese Institute for Peace and Development Studies, après l’effondrement du bloc communiste.
29 Après la visite en 1992 du président Haïm Herzog se succéderont en 1993 le ministre des Affaires étrangères Shimon Peres et le Premier ministre Yitzhak Rabin, qui se rendront à Hongkou à l’occasion de leur passage à Shanghai.
30 Zhongyou youyi.
31 Youtai yizhi ji tese jianzhu.
32 Huoshan gongyuan.
33 Geli qu.
34 Jinian di.
35 Youtai nanmin zai Shanghai jinianguan.
36 Diplômé d’urbanisme de l’université Tongji (Shanghai) en 1961, Ruan Yisan est impliqué depuis le début des années 1980 dans la plupart des projets et réalisations traitant du patrimoine historique de Chine. À Shanghai, il a tout particulièrement contribué aux plans et projets de protection du Bund (1991), de la rue de Nankin (1992), de la rue Xinhua (1999), avant de se voir confier le projet du secteur protégé de Tilanqiao. Ruan Yisan est également impliqué dans de nombreuses recherches internationales, est l’auteur de très nombreuses publications sur les questions d’urbanisme et de patrimoine. Il a créé en 2006 la Fondation Ruan Yisan (Shanghai Ruan Yisan chengshi yichan baohu jijinhui), avec pour objectif de promouvoir la conservation du patrimoine urbain de la Chine.
37 Shanghai youtai nanmin jinianguan.
Auteur
Historienne, Professeur à l’Institut national des langues et civilisations orientales et Membre de l’UMR 245 Cessma.
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