Conclusion

1L’étude de l’urbanisation en Balagne aux xiv^e-xv^e siècles présente un modèle original de relations ville-campagne. Fondée dans un contexte colonial, la ville de Calvi se distingue en effet longtemps par son absence d’hinterland. Si des échanges sont attestés dès la seconde moitié du xiv^e siècle, ils ne semblent pas avoir engendré une véritable domination de la ville sur son arrière-pays, non plus qu’une polarisation de l’habitat. Il faut en fait attendre la fin du xv^e siècle, et la construction d’un État génois en Corse, pour voir les Calvais tenter d’affirmer leur domination sur les campagnes balanines, entraînant ainsi une première rupture dans l’histoire de la région. Ce bouleversement est d’abord lié à une forte croissance démographique, puisque c’est à cette époque que la ville semble avoir atteint son apogée, avec une population d’environ 4 000 âmes, ce qui la place largement en tête du réseau urbain insulaire. La rupture intervient également du fait de la fondation par l’autorité génoise d’une nouvelle ville sur la côte occidentale, Ajaccio, qui s’affirme rapidement comme principale concurrente de Calvi pour le commerce des céréales. En privant Calvi d’une partie de son aire d’approvisionnement, la fondation d’Ajaccio eut en effet pour conséquence de pousser les Calvais à s’intéresser plus fermement aux campagnes balanines. Or le contexte de la victoire génoise contre les seigneurs de Leca aurait pu être propice à un renforcement du contrôle de la ville sur son arrière-pays : voisins directs des Balanins avec lesquels ils entretenaient des relations de clientèle et de parenté, les Leca avaient trouvé dans la région de nombreux soutiens contre l’autorité génoise. En tant que fidèles alliés de Gênes, les Calvais espéraient donc sans doute s’appuyer sur le nouveau pouvoir pour faire du littoral balanin une circonscription de la ville. Or, en faisant d’Algajola la capitale administrative de la Balagne, le pouvoir génois a permis, au contraire, aux Balanins de résister à cette tentative de domination. L’affirmation politique d’Algajola, en donnant naissance à la bipolarité du territoire balanin, semble avoir ainsi contribué à renforcer l’isolement topographique de Calvi, ce qui pourrait être une des causes du déclin de la ville à l’époque moderne.