La Suède et la Terre sainte : colonisation piétiste et communautaire*
p. 381-404
Texte intégral
« L’action spirituelle qui sous-tend Jérusalem est le conflit entre l’idéalisme et l’enracinement au foyer et à la terre natale, profondément ancré dans les communautés rurales... Parmi l’aristocratie rurale de Dalacarlia l’attachement à la ferme est la vie elle-même ».
Henry Goddard Leach, 29 juin 1915, Introduction à Jérusalem de Selma Lagerlöf (Garden City, 1915), pp. xii-xiii.
1Des chercheurs appartenant à des disciplines diverses ont décrit de manière extensive le phénomène de la foi religieuse comme force motrice de l’immigration et de l’installation dans de nouveaux pays et de nouveaux continents. Des études détaillées ont par exemple été publiées concernant de petites sectes religieuses, principalement originaires d’Europe, qui se sont installées dans le Nouveau Monde1. On a aussi analysé l’« exil » et les pérégrinations de certains de ces groupements à l’intérieur de leur nouvelle « patrie », à l’instar des Mormons ou des Voortreckers boer. On peut aussi analyser sous cet angle l’installation en Terre sainte au xixe siècle d’Américains, d’Allemands et de protestants suédois aux motivations messianiques, tout comme celle des juifs d’Europe et d’Afrique du Nord.
2Ce qui apparaît de manière éloquente dans le cas des groupements qui viennent d’être mentionnés, c’est le fort impact de leurs idéologie et concept relatifs à leurs paysages idéaux sur le paysage matériel qu’ils créent. Baker a analysé dans une perspective historique la littérature scientifique publiée sur les thèmes de l’idéologie et du paysage. Il a souligné que la plupart des géographes traditionnels travaillant sur la culture et le paysage qui ont étudié la traduction sur le terrain de la culture matérielle, ont tendu à ignorer ou à négliger la mentalité2 de ceux qui l’avaient créée. Il a suggéré l’adoption d’une approche plus large et plus équilibrée, dans laquelle les environnements créés par des personnes ne doivent pas seulement être perçus comme des paysages matériels, mais aussi comme des paysages mentaux, formés par des attitudes mentales :
« Les paysages “réels” sont des constructions, les paysages “idéaux” sont des conceptualisations. Dans le même temps, les paysages “réels” sont moulés par des idéologies, et les idéologies elles-mêmes sont façonnées par les paysages “idéaux” : la relation est réciproque, son résultat est un paysage dialectique qui est une fusion de la nature et de la culture, de la pratique et de la philosophie, de la raison et de l’imagination, du “réel” et du “symbolique”3. »
3Denecke a suivi Baker en prétendant que les colonies envisagées et les paysages créés par des sociétés sont le résultat de multiples éléments, au nombre desquels on compte les pensées et les idéologies des anciens résidents, gouvernements et sociétés. La recherche portant sur l’idéologie comme fondement de l’environnement est un phénomène récent mais, à son avis, fortement à recommander. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit d’idéologies religieuses et d’utopies. Les formes utopiques valent en ce qui concerne la création et l’interprétation de paysages ; elles incarnent le concept et la quête d’un ordre dans l’environnement. Denecke et Baker s’entendent sur le fait que les géographes historiques ont tout à gagner d’une étude large et comparatiste des projets utopiques4.
4Dans le domaine de la géographie, Guelke, inspiré par Collongwood, a pris en considération les implications d’une approche idéaliste quant à la compréhension historique du passé5. Il a ainsi énoncé que « de fait, la géographie historique peut être définie comme l’étude des changements de mentalité tels qu’exprimés par l’activité humaine sur la surface du globe6. » Pour illustrer cette approche, il a étudié la colonisation hollandaise du Cap aux xviie et xviiie siècles7. Sa ferme opinion relative à la juste méthodologie a fait l’objet d’un débat entre géographes historiques, dont certains l’ont considérée comme étroite, inadéquate, sacrifiant la diversité sur l’autel de la définition. Cette dernière condamnation étant due au fait qu’il reconstruit le passé principalement en vertu des idées des « acteurs », ne laissant aucune possibilité à un « observateur » historique d’évaluer leurs idées et actions8. L’idéologie religieuse qui, au xixe siècle, a amené dans l’Empire ottoman et en Palestine des colons chrétiens et des juifs pré-sionistes, ainsi que le processus de développement ou les caractéristiques spatiales, peut être évalué en optant pour l’approche idéaliste, nonobstant ses limites.
5La colonisation protestante précoce en Terre sainte, américaine, allemande et en particulier suédoise, peut également être vue comme un acte de « géopiété » (l’adjectif étant alors « géopieux »), une notion forgée par le géographe John Kirtland Wright sur la base de l’expression « piété géographique ». Wright considère la géopiété comme la province d’un royaume plus grand dénommé « géoreligion », là où se rencontrent la religion et la géographie9. Il l’utilise principalement en lien avec la théologie naturelle et les visions du monde qui apparaissent dans les écrits géographiques des scientifiques « piétistes » américains relatifs au Déluge, à la Genèse et à la Fin des temps. Il souligne également que « l’on peut concevoir que des endroits géopieux tels que La Mecque, Lhassa, Jérusalem, des forêts sacrées et autres éveillent des émotions géopieuses chez les personnes géopieuses... (ou les personnes qui ont une conscience ou une expérience géopieuse10) ». Tuan s’est inscrit dans la lignée de Wright, tout en lui donnant une signification différente, de manière à considérer l’écologie et la territorialité par le biais des comportements, croyances et valeurs sous-tendues par le concept religieux de géopiété. Il étudie la géopiété comme un amas de sentiments propres à donner naissance à des types spécifiques d’environnements, aux caractéristiques particulières liées à la notion de foyer et à engendrer un sentiment d’enracinement qui accompagne la nationalité :
« “Géopiété” est un terme emprunté à John K. Wright pour qualifier l’ensemble spécifique de relations entre l’homme et la nature. “Géo” signifie la terre ; la terre se réfère à la planète, au globe ou à sa surface par opposition au ciel ; cela signifie également le sol et, par extension, la terre, le pays et la nation. “Piété” signifie la révérence et l’attachement à la famille et à la terre natale, comme aux dieux qui les protègent. “Géopiété” recouvre un vaste ensemble de liens émotionnels entre l’homme et sa demeure terrestre... Le terme “piété” recouvre les relations non seulement entre les hommes mais aussi celles entre l’homme et les dieux, comme entre l’homme et la nature ; au total, les trois types de relations sont étroitement imbriqués11. »
6Dans son étude sur l’expérience religieuse américaine, Ross-Bryant (prenant pour exemple les puritains, les transcendalistes du xixe siècle et les naturalistes littéraires du xxe siècle) suggère que
« Le PAYS, l’ESPACE, c’est-à-dire les États-Unis d’Amérique ont aidé à constituer l’expérience religieuse et les représentations de la religion que les Américains ont constituées et qui ont fait des Américains ce qu’ils sont tout au long de leur histoire dans ce nouveau monde12. »
7Ils commencent très tôt à utiliser des métaphores de la terre pour se définir eux-mêmes et leurs relations à Dieu. L’auteur en question explore les manières dont les Américains ont imaginé le pays et les métaphores qu’ils ont élaborées, qui révèlent à leur tour l’interaction entre le pays et ses habitants ; mais elle ne prête que peu d’attention à la question de savoir comment l’idéologie influence le terrain.
8Werblowsky reprend la notion énoncée par Éliade selon laquelle l’une des manières dont les hommes font l’expérience et cristallisent leur sens de la sainteté réside dans leur relation à l’espace. Il établit une différence entre les terres saintes, qui sont considérées comme sacrées en vertu du lien qui unit les groupements humains à la terre sur laquelle ils vivent (un lien qui tient de la gratitude et de l’amour, qui tourne fréquemment à la vénération), et les lieux saints
« où le divin devient manifeste aux yeux des croyants, et qui sont chéris ou vénérés “en tant que témoignages concrets, tangibles, spatialement définis de la réalité du divin” ; et les villes saintes, cités sont sacrées parce que, en théorie ou en réalité, elles sont construites pour refléter la réalité cosmique13. »
9Dans son étude sur les Américains et la Terre sainte au xixe siècle, Vogel développe plus avant la définition de la géopiété établie par Wright et Tuan, et l’utilise pour la première fois, et de manière convaincante, dans le contexte de la Terre sainte : « La géopiété donc, dans le sens qu’on lui donne ici, est l’expression de l’obéissante dévotion et de la révérence habituelle envers un territoire, un pays, ou un espace. Dans cette acception large, le terme semble fait sur mesure pour décrire le degré d’attachement national à la Terre sainte, un endroit qui a suscité de tout temps la dévotion et la vénération habituelle de la part des peuples et des civilisations14 ».
10Sur le plan conceptuel, un aspect important de la question n’a pas été analysé plus avant par Wright, Tuan ou Vogel. Il s’agit de la relation dialectique entre le géopiétisme et le voyage/pèlerinage/exil effectué pour coloniser un ancien espace géopieux redécouvert. Celle-ci implique plus qu’un attachement à un endroit ou un foyer devenant particulièrement réel lorsque mis en juxtaposition avec ses contraires – le pays étranger et le voyage15. De nombreux groupes de colonisateurs choisissent de procéder à un « voyage » à partir de leur pays d’origine, mus par les diverses impulsions qui poussent le pèlerin à explorer un nouveau territoire, guidés lors de leur voyage par une vision, à l’instar des anciens Hébreux suivant le jour la colonne de nuées et la nuit celle de feu16. La préparation d’une nouvelle vie, un leadership visionnaire et l’importance d’un voyage ardu – autant d’éléments présents en abondance dans des mouvements tels que le mormonisme, le sionisme et le Voortrek sud-africain17. De la même manière, les groupements communautaristes américains du xixe siècle ont en commun une impulsion provoquant un départ pour l’exploration de nouvelles terres et la quête d’une Nouvelle Jérusalem18.
11L’aboutissement du voyage – la colonisation – crée différents niveaux de référence géopiétiste. En premier lieu, c’est la reproduction ou le rejet dialectique de l’idéologie (attitudes et motivations) entre les sociétés de l’Ancien et du Nouveau Monde. Dans une étude de cas détaillée des Suédois provenant de la région de Dalarna ayant immigré dans le Minnesota, Ostergren a bien démontré la tentative dont font preuve les immigrants européens de transplanter dans le Nouveau Monde la culture et le cadre de vie, de même que, peut-être, la géopiété qui étaient les leurs en Europe19. Ensuite, il y a adoption de concepts géothéologiques. Dans la colonisation de l’Amérique du Nord par les pionniers, Éliade met en avant les éléments eschatologiques et paradisiaques, tandis que d’autres remarquent que les puritains importent en Amérique l’idée et la réalité de la Terre sainte telles qu’ils la perçoivent au préalable, à savoir comme une entité spirituelle transgéographique. Ils parlent de leur exode/avance à l’aveuglette errant dans le nouveau monde sauvage, qu’il leur faut transformer en Royaume de Dieu, procédant en cela à l’union des mondes sacré et naturel. Ainsi l’Amérique devient la « Terre promise » colonisée par le « Peuple élu » qui utilise fréquemment les noms de Sion, de Canaan et de Jérusalem pour désigner leurs nouvelles terres et églises20. Ces concepts et études peuvent être utiles comme cadre de la reconstruction et de l’analyse de la colonisation piétiste et communautariste suédoise en Terre sainte. Deux implantations expérimentales et pionnières sont réalisées en Terre sainte par des Suédois dans la seconde moitié du xixe siècle ; l’une d’entre elles, celle de Jérusalem, fait l’objet de la présente étude.
12Ces deux cas sont les deux seules tentatives d’installation en Terre sainte mises en œuvre par des Scandinaves. Au xixe siècle, les autres chrétiens qui les ont précédés, fondant en Palestine des colonies utopiques religieuses, ont été, dans l’ordre chronologique : des Américains, des Anglais et des Allemands, tous protestants. L’activité des Français, des Italiens, des Espagnols, des Autrichiens et des Russes s’est inscrite principalement dans le cadre des Églises catholique et orthodoxe établies, et ils ne fondent pas de colonies de nature utopique21. Au xixe siècle, toutes les entreprises chrétiennes de colonisation reflètent un changement dans la signification de la Terre sainte et de Jérusalem aux yeux des chrétiens, passant alors d’un concept céleste, sacré, « dé-territorialisé », à celui d’un lieu saint terrestre22.
13Les colons suédois sont amenés à se rendre en Terre sainte en raison du rôle qui lui est attribué dans le cadre de la fin des temps ; ils cherchent à s’y établir non pas pour y réaliser des intérêts coloniaux mais pour y être présents au moment des événements prédits dans l’eschatologie millénariste. Ces deux groupements sont motivés par les nouvelles idéologies religieuses développées aux États-Unis, en Allemagne et en Suède. L’une de ces colonies fait long feu, tandis que l’autre – une commune religieuse – existe pendant plus de soixante-dix ans ; elle a de plus un impact non seulement en Terre sainte, mais aussi dans le folklore historique récent de la Suède.
14L’installation de Suédois en Terre sainte, dans la deuxième moitié du xixe siècle, n’a attiré l’attention que de peu de chercheurs. En dépit de sa petite échelle, elle est d’importance puisqu’elle permet d’observer de l’intérieur les processus de colonisation et les courants idéologiques d’Europe et du Nouveau Monde replacés dans différents contextes historique et géographique globaux. On retrouve là l’émigration et l’installation d’Européens (Suédois compris) dans d’autres parties du globe ; les croyances religieuses comme force d’accélération ou de freinage entraînant des migrations vers de nouveaux pays ou continents ; le développement d’une nouvelle doctrine théologique ; et de nouveaux courants dans les protestantismes allemand et américain qui influencent l’émergence du piétisme, de l’évangélisme, du revivalisme, le mouvement de la Sainteté et la création de l’Église libre en Suède. Cela peut aussi être analysé dans le cadre des implantations communautaires religieuses utopiques d’obédience millénariste dans l’Amérique d’avant et après la guerre de Sécession ; Bishop Hill est la première commune suédoise. L’installation des Suédois reflète également la tradition protestante associant la chrétienté occidentale au pays de la Bible et au concept utopique et géopiétiste de la Terre sainte. Il peut aussi relever et être inclus dans les expériences de colonisation apolitique et messianique tentées par des chrétiens et des juifs en Palestine, au xixe siècle.
La Suède et la Terre sainte : image et réalité
15À partir de l’instauration du christianisme en Suède (à l’exclusion du siècle qui suit la Réforme), l’essence du contact entre la Suède et la Terre sainte réside dans le pèlerinage religieux. La preuve la plus ancienne en est constituée par des pierres runiques médiévales sur lesquelles est gravé le nom de Jérusalem, en souvenir de croisés qui ne sont pas revenus. Le plus célèbre des premiers pèlerins est Sainte-Brigitte, fondatrice de l’Ordre du Saint-Sauveur, qui se rend à Jérusalem en 137223. Le pèlerinage est aboli au xvie siècle ; il n’est repris qu’au xviiie siècle, dans la lignée de la première traduction complète en suédois de l’Ancien et du Nouveau Testament, des influences bibliques sur la culture littéraire et de l’époque des Lumières24. Les disciples d’Emmanuel Swedenborg, un scientifique, mystique chrétien, philosophe et théologien suédois (1688-1772), créent les sociétés swedenborgiennes peu après sa mort. Ces dernières forment la base de l’Église de la Nouvelle Jérusalem (aussi connue sous le nom de Nouvelle Église, ou Swedenborgiens) en Angleterre (à partir de 1788) et aux États-Unis (à partir de 1817). La théologie de Swedenborg diffère de celle de l’Église luthérienne, même s’il ne la quitte à aucun moment. Il interprète les Écritures comme étant la parole même de Dieu et croit que ses écrits seront les fondements d’une « Nouvelle Église » qu’il relie à la Nouvelle Jérusalem de la Révélation25. Au début du xviiie siècle, trois expéditions scientifiques envoyées en Terre sainte par le roi Charles XII, et la visite en 1751 du botaniste Frederik Hasselquist, un disciple de Carl von Linnaeus, ouvrent la voie à une autre catégorie de visiteurs26.
16Dans l’attachement suédois à la Terre sainte, tout à fait comme dans le cas des Américains, on doit voir une expression culturelle de géopiété, le lien entre la conscience territoriale et le concept de sainteté, même si avant le xixe siècle le concept de Terre sainte demeure, pour la majorité des Suédois, un mythe abstrait et lointain. Le concept américain de Terre sainte, tel qu’il est suggéré par Vogel, lié au contexte dual d’espace et de passé, trouvant sa place dans les esprits dans les catégories de « représentation/réalité », et apparaissant comme une prise en considération « géopieuse » spécifique de la Terre sainte27, correspond à partir de ce moment à bien des égards au concept de Terre sainte présent chez les Suédois.
17Au cours du xixe siècle parmi les cercles protestants, le concept transcendantal de la Terre sainte commence à céder le terrain à une conscience plus grande de sa réalité physique. La connaissance suédoise de la Terre sainte est avant tout nourrie par des pèlerins et touristes, des spécialistes d’études bibliques et plus tard par les colons. Parmi les premiers, on trouve des écrivains réputés, tels que Frederika Bremer en 1859, Selma Lagerlöf et son amie juive, l’écrivain Sophie Elkan, en 1900 ; des universitaires comme Jakob Berggren en 1821 ; des ecclésiastiques, par exemple Carl Emanuel Beskow en 1860 ; et les trois fils du roi Oscar II qui s’y rendent en 188428. Ces visites précèdent l’établissement d’un consulat suédois et toute activité missionnaire soutenue par l’Église officielle de Suède, qui ne commence qu’à partir du début du xxe siècle29. Les visiteurs des premiers temps ont des raisons diverses de se rendre en Palestine mais sans aucun doute ils sont aussi influencés par l’attention croissante prêtée au pays par les autres nations européennes, comme par les avancées technologiques dans les transports qui signifient une accessibilité renforcée à cette partie du monde après les années 183030.
18L’implication diplomatique et religieuse tardive de la Suède en Palestine contraste avec l’influence occidentale croissante dans l’Empire ottoman (y compris la Palestine) au cours du xixe siècle. Les autres puissances européennes trouvent leur motivation dans des intérêts de stratégie politique, militaires, commerciaux, culturels et religieux financés de différentes manières31. La plupart des nations européennes se servent de n’importe quel moyen de pénétration en s’en tenant au vieux principe de la « quintuple » représentation – missionnaires, agents commerciaux, scientifiques, conseillers militaires et consuls. Même si de temps en temps l’un de ces représentants peut endosser plusieurs responsabilités, ces cinq éléments sont toujours clairement distingués32. L’entrée de la Suède en Palestine survient relativement tard et est bien moins envahissante que celle des autres puissances européennes, ressemblant plus à celle des États-Unis. Avant et pendant le xixe siècle, la plupart des intérêts suédois tendent à être personnels et inofficiels. En accord avec la ligne chronologique de la « quintuple » pénétration, les premiers Suédois qui arrivent en Terre sainte sont des pèlerins, des voyageurs et des scientifiques, qui ne bénéficient pas d’un appui gouvernemental.
19L’une des catégories de ces personnes est présente de manière continue et dans certains cas permanente à partir des années 1830, celle composée d’une myriade de colons. Ceux-ci comprennent les musulmans, les chrétiens et les juifs présents à la fois dans des localités rurales et urbaines de Palestine33. Les pionniers de l’agriculture moderne en Terre sainte sont des chrétiens, pour la plupart des groupes d’Américains, de Britanniques, d’Allemands et de Suédois qui s’installent en dépit des mises en garde émanant d’experts locaux et des représentants des gouvernements américain et allemand. Leurs responsables sont inspirés par les idées millénaristes et la foi dans le retour à Sion, très répandues parmi les sectes fondamentalistes protestantes du xixe siècle. Ils tentent de mettre en pratique leurs croyances religieuses en concevant et créant des colonies agricoles et des enclaves urbaines en Palestine. Sont à remarquer en premier lieu parmi eux des Américains dirigés par Warder Cresson (1844-1860), Clorinda
20S. Minor (1852-1855), George W. Adams (1866-1867) et la colonie « spaffordite » américaine (1861-1968). Ils sont suivis par les tentatives de créer des fermes modèles destinées aux juifs effectuées par les missions britanniques (1856-1890) et les Templers allemands (à partir de 1860) ; par des Suédois inspirés par le piétisme des Templers allemands (1876-1879) et plus tard par des Américano-Suédois et des Suédois qui rejoignent la colonie « spaffordite » américaine (1896-1960). À partir de 1860, l’idéologie chrétienne millénariste influence également les premiers promoteurs de sociétés juives favorables à une installation agricole en Palestine, et à partir de 1878 les moshavot juives. De manière indirecte elle affecte également les Arabes34.
21La Société suédoise de Jérusalem (Svenska Jerusalemsföreningen), placée sous le patronage du roi Oscar II, est officiellement établie à Stockholm en mai 1900. Son objectif principal est l’activité missionnaire en Palestine, inaugurée en 1902. Aucun représentant consulaire suédois n’est en place au xixe siècle ; mais un consulat est établi en conséquence des activités de la Société suédoise de Jérusalem et de l’existence, à partir de 1896, d’une petite communauté suédoise à Jérusalem35. Le premier consul honoraire à Jérusalem est un médecin juif du cru, nommé en 1901. Il est remplacé en 1903 par le scientifique allemand réputé (en partie d’origine suédoise) Gustav Herman Dalman, qui fait office de consul honoraire jusqu’en 1911, date à laquelle il est promu consul général, poste qu’il occupe jusqu’en 1921. Son successeur, Hol Lars (Lewis) Larsson, un membre de la colonie américano-suédoise, est venu à Jérusalem avec sa famille en tant que petit garçon, en 189636.
La colonie américano-suédoise de Jérusalem
De Chicago et Nås à Jérusalem
22Cette entreprise de colonisation est la deuxième à être effectuée par des Suédois au Levant, à la suite de celle ayant été réalisée au Liban37. Elle a lieu cette fois dans un environnement urbain, rencontre plus de succès et est plus durable que la première. Elle est l’émanation de deux groupements religieux communautaristes qui ont fusionné à Chicago dans les années 1870 et 1880, composés d’immigrants américains et américano-suédois. Avec des disciples provenant de la région de Nås, une partie de la province suédoise de Dalarna, ils constituent à Jérusalem la commune américano-suédoise connue sous le nom d’American Colony. Agissant suivant le principe du pèlerinage/ voyage, cette colonie d’environ cent cinquante membres s’installe et vit en Terre sainte pendant plus de soixante-dix ans. C’est là une période inhabituellement longue en comparaison à la durée de vie d’autres communes américaines, y compris la commune religieuse suédoise « janssonite » de Bishop Hill, dans l’Illinois, qui survit pendant environ quinze ans (1846-1862)38. La commune de Jérusalem est la première réussite en matière de colonisation parmi plusieurs expériences américaines, et à la différence de la tentative suédoise ayant eu lieu au Liban. Elle se fonde sur des visions prémillénaristes ayant trait à la Terre sainte et sur la réinstallation là des juifs. À Jérusalem, elle constitue une « enclave dans la différence » afin de réaliser un avant-poste géopiétiste dans l’attente de la fin des temps et du second avènement. L’histoire de l’American Colony est immortalisée en 1902 par l’écrivain prix Nobel de littérature, Selma Lagerlöf, dans son ouvrage Jérusalem39.
23L’American Colony est établie à Jérusalem en 1881, au moment de l’arrivée d’un petit groupe de seize Américains en provenance de Chicago, conduit par Horatio Spafford (1828-1888) et sa femme Anna (1843-1923, originaire de Norvège). Dans ses premières années, la Colony est connue sous le nom de « spaffordites », ou « vainqueurs ». La venue de ces personnes à Jérusalem est due à leurs attentes millénaristes et à leur désir de surmonter une série de tragédies personnelles40. Elles ont été influencées par le protestantisme évangélique américain du xixe siècle, qui comprend des éléments de revivalisme, de dispensationnalisme prémillénariste, d’évangélisme et d’enseignement de la sainteté. À Chicago, les Spafford sont associés à Dwight L. Moody (1823-1899), le principal évangéliste américain de la fin du xixe siècle. Là, ils développent leurs concepts religieux spécifiques relatifs au péché originel, au salut universel, à l’amour, à l’unité et à la paix. Leurs idées hétérodoxes conduisent à leur expulsion de leur église presbytérienne locale. Prenant la décision de rester à Jérusalem, ils y créent un cadre communautaire fondé sur la tradition communautariste des premiers chrétiens, sur la foi en la perfectibilité, un style de vie communautaire ascétique, faisant office d’œuvre charitable et s’abstenant de tout prosélytisme41.
24En 1896, un groupe d’environ soixante-dix adeptes suédois du Second avènement rejoint la Colony, après avoir fait la connaissance à Chicago de certains des spaffordites. La plus grande partie du groupe suédois est composée d’immigrés qui s’étaient d’abord rendus à Chicago. Ils appartiennent à l’Église évangélique libre de Suède, un groupe piétiste dissident qui rejette les rites et pratiques formels de l’Église luthérienne suédoise, de même que sa structure hiérarchisée. Dénommés les « larsonites », d’après leur fondateur et dirigeant, Olof Henrik Larson (1842-1919), ils vivent à Chicago dans une maison communautaire semblable à celle de l’American Colony de Jérusalem.
25Larson, un ancien capitaine de marine, est né dans une famille de pêcheurs luthérienne de Uddevalla. Personnage charismatique qui se prétend le dépositaire de révélations divines, il se tourne d’abord vers le méthodisme, puis établit plus tard sa propre communauté, édifiant finalement une église et une commune (la Svenska Evangeliska Kyrkan), implantées dans Madison Avenue à Chicago vers 1879. Une décennie plus tard, il passe deux ans à Nås (1889-1891), le lieu de naissance de sa seconde épouse, y organisant des rencontres de relevant du revivalisme et y créant une communauté « sœur », « élue » composée de ses adeptes. À cette époque, de telles activités ne sont en apparence pas neuves dans la région de Dalarna. Les paysans sont en effet exposés à des « réveils » religieux spontanés et à des prédicateurs américano-suédois, à la grande stupeur des pasteurs luthériens locaux. Lorsque la communauté des « larsarenes », comme on les appelle à Nås, atteint l’effectif d’environ cinquante personnes, issues de familles de notables, Larson place à sa tête deux doyens locaux et retourne à Chicago. En 1896, trente-sept disciples de Nås vendent leurs terres ancestrales et rejoignent les larsonites établis à Chicago ainsi que les spaffordites à Jérusalem42. Ils quittent Nås au son de chansons du mouvement revivaliste :
« Nous allons à Sion
La Sion céleste et bénie
Nous allons à Sion
La magnifique et céleste cité de Dieu43. »
26Avec cette arrivée de Suédois et d’Américano-Suédois, les Américains sont alors en minorité ; cependant les fondateurs continuent de diriger leur commune sous tous ses aspects. Les Suédois, qui croient que les Américains sont plus éclairés, passent alors par un processus d’acculturation et d’américanisation ; ce qui comprend les rites religieux, la langue, l’enseignement et même l’appartenance nationale. Ils reconnaissent l’autorité religieuse d’Anna Spafford et sa place de « mère » par rapport aux membres de la commune. Au sein de la Colony, Larson, jusqu’alors perçu comme une sorte de Saint-Jean le Baptiste ayant préparé le chemin vers le Seigneur, est relégué dans une position plutôt recluse et sans influence44. La motivation du pèlerinage et de l’installation des Suédois, comme des Américains, à Jérusalem est de nature purement religieuse : des attentes millénaristes et la croyance selon laquelle l’« approche du Jugement dernier est imminente, ce qui les pousse à s’empresser d’aller à Jérusalem à la rencontre de leur Seigneur45 ».
27Selma Lagerlöf, qui conte l’histoire des « larsonites » dans son roman Jérusalem, n’a pas simplement transcrit leur pèlerinage sur le papier ; elle est allée elle-même rendre visite à la communauté. Sa propre idéologie géopiétiste est exprimée dans le livre ; son cœur accompagne ceux qui restent attachés à leur maison et qui demeurent à Dalacarlia (Dalarna). Le personnage central du roman, Ingmar, incarne la foi de Lagerlöf faite d’un amour profond de la maison et de la tradition ; selon elle, le concept de la « Jérusalem céleste » ou de la « Jérusalem du cœur » est plus important que la vraie Jérusalem. Dans un chapitre intitulé « La source du paradis », elle établit le contraste entre la rareté de l’eau, la maladie et la mort parmi les Suédois et les images du paradis où l’eau est en abondance, la fertilité des temps bibliques et des scènes se déroulant à Dalarna :
« Alors Bo Ignmar Mansson se mit à parler... “Je ne pense pas aux eaux merveilleuses et sacrées comme vous autres”, dit-il lentement, “mais du matin au soir je pense à un fleuve d’eau bleue et bouillonnante qui s’écoule limpide et fraîche”. »
28Les paysans redressent alors la tête, et lui jettent un regard ardent.
« Je songe à un fleuve qui recueille les eaux de nombreux torrents et ruisseaux, et qui s’écoule large et profond depuis la sombre forêt, et qui est si limpide que l’on peut voir étinceler toutes les pierres qui reposent sur son fond, et ce fleuve n’est pas asséché comme le Cédron, il n’est pas non plus une vision comme le ruisseau d’Ézéchiel, il n’est pas non plus impossible à trouver comme le torrent d’Ézéchias ; mais il coule et jaillit encore aujourd’hui. Je songe à la rivière Dalar46 ».
29L’American Swedish Colony dans le contexte de l’émigration et des courants religieux suédois au xixe siècle
30Entre 1850 et 1900, la Suède perd 843 281 habitants par la seule émigration ; entre 1850 et 1930, les émigrés représentent 1/7e de sa population. La plupart des émigrants prennent le chemin des États-Unis, des effectifs plus faibles s’établissant dans des pays européens voisins, en Amérique du Sud, Afrique du Sud, Australie et Canada47. Conzen souligne la tendance très répandue au xixe siècle suivant laquelle des émigrés issus de la même région s’établissent très proches les uns des autres en Amérique du nord48. Selon Hokanson, « la règle vaut que les immigrés viennent en groupe en provenance d’une même région de Suède49 ». De nombreuses études effectuées par Helga M.O. Nelson, Robert C. Ostergren50 et certaines de Berg, Kaups, Moberg, Odhner et Winsberg traitent de l’émigration et de l’installation de Suédois en Amérique du Nord et de leurs relations avec la Suède51.
31La deuxième initiative de colonisation suédoise en Terre sainte fait clairement partie de l’époque d’émigration suédoise vers les États-Unis et est liée aux courants religieux de l’Amérique du xixe siècle, comme aux influences religieuses mutuelles en Suède. La commune des larsonites de Chicago (qui n’apparaît pas dans les études qui viennent d’être mentionnées ou dans celles relatives aux sociétés communautaristes américaines), et ses contacts avec Dalarna, participe de ce processus général. Ce n’est peut-être pas une coïncidence que cette commune soit d’abord installée à Chicago. En effet, cette ville à la croissance rapide est alors la principale métropole et pôle de départ « suédois » en Amérique du Nord, du début de l’émigration de masse suédoise au milieu du xixe siècle jusqu’à la fin de cette époque d’émigration, en 1930. Elle devient alors une cité faite d’une mosaïque de nationalités, puisque les immigrés s’installent en enclaves imprégnées de leurs propres langues, religions et cultures52.
32Sous l’influence américaine, de nombreuses sectes religieuses sont introduites en Suède dans les années 1850 et 1860, et beaucoup de dissidents suédois considèrent d’autres fois protestantes, comme le baptisme, le mormonisme ou le méthodisme, comme plus adaptées à leurs besoins spirituels. Ces trois Églises encouragent à l’émigration de plusieurs manières. Cependant, l’étroit système religieux du milieu du xixe siècle montre que le mouvement va aussi bien de Suède en Amérique que dans l’autre sens. En effet, en même temps que s’établissent en Suède de nouvelles confessions par le biais de l’activité missionnaire des Églises américaines, les différents mouvements religieux composant l’Église suédoise trouvent leur illustration dans les Églises des immigrés suédois installés en Amérique53.
33Au milieu du xixe siècle, l’Église d’État tente de maintenir l’unité de la religion luthérienne en persécutant les dissidents. Ce n’est qu’en 1860, 1869 et 1873 que des lois sont votées permettant aux dissidents de quitter l’Église d’État et d’établir leurs propres Églises, consacrant une entière liberté religieuse54. Il n’est pas possible d’estimer le nombre de dissidents suédois qui sont obligés de quitter leur pays en raison de la persécution religieuse, combien le quittent simplement par mécontentement religieux vis-à-vis des tendances rationalistes de l’Église d’État, ou combien partent pour des raisons économiques. Eric Norelius, l’un des premiers pasteurs luthériens suédois à s’établir aux États-Unis, lui-même un Hedbergien au moment de son émigration, indique que « la principale raison d’émigrer à partir de la Suède réside sans aucun doute dans l’espoir d’améliorer la situation économique une fois établi en Amérique. À l’exception des Eric-Jansonites, peu de personnes ont quitté la Suède pour trouver une plus grande liberté religieuse et politique55. »
34Certes la conception qui fait de l’Amérique un Canaan biblique idéal prévaut chez certains Suédois qui arrivent là pour s’y installer, une Bible à la main. Mais, comme l’écrit le 13 décembre 1848 de Fairfield, Illinois, un immigré Suédois du nom de Cassel : « Personne en Suède ne peut rêver des possibilités qu’offre l’Amérique aux personnes mesurées, sérieuses et industrieuses. Pour les personnes de cette sorte, c’est un Canaan virtuel où le lait et le miel coulent réellement dans la nature56. »
35Cette même attitude est présente parmi les Suédois qui se convertissent au mormonisme et émigrent vers l’Amérique pour trouver en Utah la Terre promise57. Eric Jansson et ses disciples suédois, qui trouvent refuge et établissent leur commune à Bishop Hill dans l’ouest de l’Illinois, lui donnent ce nom d’après le lieu de naissance de leur fondateur, Biskopskulla en Suède. Ils se comparent eux-mêmes aux Hébreux qui quittent l’Égypte, ou « vallée de larmes », pour arriver dans la Jérusalem céleste. Selon leur chef visionnaire, la colonie doit devenir une nouvelle Jérusalem. Dans cette nouvelle terre de promesse, les gloires du millenium doivent être leurs. C’est à partir de cette Nouvelle Jérusalem que la vraie chrétienté doit rayonner pour convertir l’Amérique, et de là rayonner sur le monde entier. À ce moment adviendra le millenium, sur lequel Jansson et ses disciples doivent régner en tant que représentants du Christ, jusqu’à la fin des temps58.
La vie quotidienne de l’American Swedish Colony de Jérusalem
36La colonie somme toute de petite taille établie en Terre sainte par les Américano-Suédois et les Suédois de Nås participe de ce processus d’émigration et de colonisation suédoise à grande échelle ; il est cependant unique en ce qui concerne le choix de la destination et son profil social. On peut distinguer six sous-périodes dans la vie de l’American Swedish Colony de Jérusalem. La première, entre avant 1881 et 1896, centrée sur les communes de Chicago et de Nås, au cours de laquelle l’idéologie religieuse des fondateurs se cristallise à la suite de traumatismes personnels ou de révélations divines ; avec le rassemblement de disciples autour de ces chefs spirituels. Dans le cas des spaffordites, la deuxième période, 1881-1896, est marquée par le pèlerinage vers Jérusalem et la création d’un mode de vie communautaire fondé sur un ensemble unique de croyances et de culte qui résulte à la fois de médiations internes et de conditions externes. À l’arrivée des Suédois, leur implantation dans le quartier musulman de la Vieille Ville ne peut plus contenir la nombreuse communauté, et en 1896 ils louent, et plus tard achètent, la « Grande Maison », une villa extra muros appartenant à la famille musulmane des Husseini. Ils créent dans la maison une pièce commune, une salle à manger et de petites pièces pour la résidence des membres, réparties suivant le sexe et l’âge. Par la suite, ils louent d’autres bâtiments dans le quartier des Husseini et acquièrent un cimetière privé sur le mont Scopus59.
37Au cours de la troisième période, 1897-1904, les larsonites se joignent à la communauté qui représente alors (selon des témoignages de spaffordites) une grande et harmonieuse commune d’Américains, de Suédois et de personnes d’autres nationalités, réunis, après la mort d’Horatio Spafford sous la conduite autoritaire de sa veuve, Anne, qui est la « mère » de l’assemblée. Ils adhèrent encore aux principes religieux spaffordites originels, le rituel, le style de vie, les activités sociales et culturelles, ce qui comprend la gestion de tous les biens en commun, le célibat et la foi en le salut divin60. Les observateurs extérieurs, en particulier des missionnaires protestants et des consuls étrangers, expriment à cette époque des sentiments négatifs à l’égard de la commune et l’accusent d’être « communistique », de négliger la santé et l’éducation de ses enfants et de pratiquer l’amour libre61. Certains de ceux qui quittent la Colony, des pasteurs suédois qui la visitent et, plus tard, des membres suédois qui y avaient grandi, rapportent également qu’Anna Spafford soumettait les membres à un ordre tyrannique, à l’espionnage et à la coercition spirituelle ; ils se plaignent en outre de ce que la petite élite américaine dirige en fait la majorité des Suédois et des autres adeptes et jouit de privilèges spéciaux62. Il faut toutefois souligner que la commune établit de bonnes relations avec ses voisins, la plupart d’entre eux étant des bourgeois musulmans, comme avec les fellahin et les bédouins, avec les juifs de Jérusalem et les samaritains de Naplouse. La Colony fournit également de la nourriture et des aides diverses, elle exerce une grande influence dans ces secteurs de la population en prodiguant des soins médicaux (concernant également la pédiatrie), un enseignement, des activités culturelles, des cours de langues, des habits et de la technologie moderne. La Colony travaille en particulier à améliorer le statut des femmes dans la société musulmane en leur fournissant des cours professionnels et une éducation à la santé. Le principal changement qui affecte le groupement au cours de cette sous-période, en grande partie dû au caractère industrieux des Suédois, prend place dans le domaine économique, avec le développement d’entreprises à la fois internes et externes (photographie commerciale, ateliers, magasins, agriculture) qui amènent la prospérité dans la Colony63.
38La « nouvelle époque » de la Colony recouvre les années 1904-1923, au cours desquelles le célibat obligatoire est aboli et s’imposent une plus grande permissivité et des contacts avec le monde extérieur, de même qu’une activité économique à grande échelle. Après la mort d’Anna Spafford en 1923, la communauté entre dans une période de moindres ferveur religieuse et attentes millénaristes64. De 1923 à 1934 a lieu une lutte interne relative à la direction du groupe, au contrôle des biens et propriétés, s’achevant par la dissolution partielle de la communauté. La plupart des familles suédoises de la deuxième génération, qui retrouvent progressivement leur langue, identité et nationalité suédoises, quittent la commune et partent pour la Suède, les États-Unis ou demeurent à Jérusalem. Lars (Lewis) Larsson décrit le départ de sa propre famille, y compris de sa femme Édith (fille du responsable des Suédois, Olof Larson), en 1935 comme un processus traumatique et coûteux, mais il n’en remercie pas moins Dieu d’être enfin libre et maître de lui-même. À l’instar de la sienne, d’autres familles subissent un éclatement65.
39De 1934 aux années 1960, la Colony bien plus petite, qui n’est plus une commune religieuse, est composée des descendants des Spafford et d’un certain nombre d’adeptes âgés, sans enfants, la plupart des Suédois, qui continuent d’accueillir des touristes et de prodiguer des soins aux enfants, que ce soit sous le mandat britannique, l’administration jordanienne ou israélienne66.
Conclusion
40L’expérience de colonisation suédoise en Terre sainte est intéressante non seulement pour elle-même, mais aussi parce qu’elle reflète les caractéristiques générales qui peuvent être examinées dans le contexte de géopiété et dans l’interface entre la religion et l’espace, entre le temps (idéal et réel) et le lieu, de même qu’entre le millénarisme et l’utopie comme forces d’impulsion et moules du processus de colonisation et de ses caractéristiques. Comme le suggèrent Guelke et Powell, l’acte de colonisation peut être parfaitement compris dans un contexte idéaliste et comme l’expression dans l’activité humaine de bouleversements mentaux. Les idéaux et les aspirations ne peuvent être ignorés dans le processus de reconstitution géographique. Ils recommandent que les géographes combinent les perspectives générales avec des études comportementales détaillées des activités de groupements spécifiques67. Dans le réseau des pratiques spatiales et temporelles complexes et leur implication dans les processus de reproduction et de transformation de relations sociales, on ne doit pas voir seulement des pratiques matérielles sociales (l’expérience) mais aussi des représentations de l’espace (les perceptions) et des espaces de représentations (les constructions mentales, l’imagination), ce qui comprend les projets utopiques, les paysages imaginaires et les espaces symboliques, de même que les interrelations dialectiques ou autres68.
41À l’instar d’autres mouvements millénaristes, utopiques et communautaristes occidentaux, les origines et les racines spirituelles des membres de l’American Swedish Colony de Jérusalem doivent être cherchées dans un contexte plus vaste. Cela comprend les courants religieux mouvants en Suède, les poussées conduisant à l’émigration, les conceptions préalables relatives à la Terre sainte, les contacts des Suédois avec la Terre sainte elle-même, et les relations entre les évangélistes suédois et américains. L’American Swedish Colony reflète également toute une série de types de sociétés religieuses communautaristes américaines du xixe siècle, sur place ou à l’étranger. En Palestine, elle participe de la colonisation messianique chrétienne et juive du xixe siècle, lorsque la Terre sainte devient un miroir reflétant les idéologies européennes et américaines. Elle précède l’expérience communautaire du kibboutz, déjà bien étudiée (dont le premier est ouvert en 1909). Au départ, le groupe n’entre pas en interaction directe avec la Terre sainte mais passe par la médiation d’une influence théologique externe : c’est l’évangélisme des larsonites de Chicago et l’universalisme et le millénarisme des spaffordites de Chicago-Jérusalem. Leur émigration n’est pas due à des difficultés économiques ou à la persécution religieuse, comme c’est le cas plus tôt en Suède pour certains « religionistes », et ils n’ont aucun passé colonial européen. Ils ne quittent pas la Suède pour construire une Nouvelle Suède ou une « Ville sur la Colline » transposée dans la Nouvelle Sion, mais ils choisissent le réalisme brut du Canaan biblique. Ils agissent suivant le principe d’un pèlerinage-voyage volontaire, motivé par une idéologie purement religieuse, prémillénariste et eschatologique. Le rôle du chef charismatique est fondamental. On a donc là la convergence d’une période, d’un lieu et d’une personnalité. Ils perçoivent dans le pèlerinage et l’acte de colonisation un passage géopiétiste temporaire, une condition préalable à leur transfert à partir du temps et de l’espace de leur terre natale vers une ère messianique et un nouveau monde. Winroth se voit lui-même comme le pionnier du « Peuple de Dieu » et est convaincu de ce que le Royaume de Dieu va bientôt advenir. Les Américains et Suédois qui viennent à Jérusalem veulent témoigner des événements magnifiques à venir et trouvent qu’il leur est urgent de rencontre leur Seigneur à Jérusalem. La commune se considère elle-même comme l’« Épouse » élue du Christ, en attente de l’arrivée du marié sur le mont des Oliviers.
42Le cas que nous venons de mentionner illustre les multiples niveaux des émotions géopieuses, liées aux lieux saints, aux villes sacrées, aux terres saintes et à leur imaginaire ; il diffère de ce qui existe au préalable dans la mesure où il y a création d’une colonie sur le lieu même de l’idéal géopieux, en préparation aux futurs temps et espace. Dans le cas de l’American Swedish Colony de Jérusalem, à l’instar de Bishop Hill aux États-Unis, la colonie endosse un rôle particulier dans l’héritage historico-religieux de la Suède. À Dalarna, où prédomine un profond sentiment relatif au foyer et à l’enracinement, accompagnant la notion de nationalité, sont adoptées des expériences d’outre-mer, elles sont internalisées et exprimées pendant plus d’un siècle dans des livres, des monuments, des musées, des articles de presse, des émissions de télévision, des films et à travers les Ingmar Spelen, partie intégrante des cérémonies du solstice d’été. Dès 1936, les Suédois de Dalarna et ceux de la Colony de Jérusalem fêtent le 23 juillet le 40e anniversaire de l’émigration vers Jérusalem, un événement également diffusé à la radio. En 1958, Katrina Larson (une jeune fille de Nås qui a grandi dans la Colony) participe au cinquantenaire du Prix Nobel de Selma Lagerlöf. La visite de Larson provoque d’ailleurs la mise en scène du Jérusalem de Lagerlöf69.
43De telles commémorations perdurent jusqu’à présent, bien après que la commune en tant que telle eut cessé d’exister. On trouve principalement des groupes de Suédois qui se rendent en pèlerinage à Jérusalem pour visiter les vieux bâtiments, qui existent toujours mais abritent l’hôtel de l’American Colony, la « Maison sur la Colline », la « Grande Maison », l’hôpital Spafford pour enfants et le cimetière de l’American Swedish Colony où sont enterrés tous ceux qui furent loyaux à la cause et certains de leurs descendants.
Notes de bas de page
1 Clark, E. T., The Small Sects in America, New York-Nashville, 1949 ; Meining, D. W., The Shaping of America, A Geographical Perspective on 500 Years of History, 2 vol., New Haven-Londres, 1986, 1993 ; Christopher, A., Southern Africa, Folkestone-Hamden, Ct, 1976 ; Powell, J. M., « Utopia, millenium and the cooperative matrix in the settlement process », Australian Geographer, 11, 1971, pp. 606-618.
2 En français dans le texte.
3 Baker, Alan R. H., « Introduction : on ideology and landscape », in Baker, A. R. H. & Biger, G. (dir.), Ideology and Landscape in Historical Perspective, Cambridge, 1992, pp. 7-8.
4 Denecke, Dietrich, « Ideology in the planned order upon the land : the example of Germany », in ibid., Baker, « Introduction », ibid., p. 4.
5 Guelke, L., Historical Understanding in Geography, an Idealist Approach, Cambridge, 1982, p. 3.
6 Ibid., p. 3.
7 Guelke, op. cit., pp. 70-102. L’opinion de Collingwood selon laquelle « toute l’histoire est l’histoire de la pensée » est, selon Guelke, le point crucial d’une philosophie qui fait des êtres humains les auteurs intégraux de leur propre histoire. Guelke, L., « On “power, modernity, and historical geopgraphy” by Harris », Annals, Association of American Geographers, 82, 1992, pp. 312-313.
8 Wishart, D. J., « Historical understanding in geography », compte rendu d’ouvrage, Annals, Association of American Geographers, 74, 1984, pp. 178-179 ; Harris, C., « Reply to “On power, modernity, and historical geopgraphy” by Harris », Annals, Association of American Geographers, 74, 1992, pp. 314-315 ; Butlin, R. A., Historical Geopgraphy Through the Gates of Space and Time, Londres, 1993, p. 64.
9 Wright, J. K., « Notes on early American geopiety », in Wright, J. K., Human Nature in Geography, Cambridge, Ma, 1966, pp. 250-285.
10 Wright, ibid., p. 252 ; Tuan, Y. F., « Geopiety : a theme in man’s attachment to nature and to place », in Lowenthal, D., Bowen, M. J. (dir.), Geographies of the Mind : Essays in Historical Geography, New York, 1976, pp. 11-39.
11 Tuan, ibid., pp. 11-12.
12 Ross-Bryant, L., « The land in American religious experience », Journal of the American Academy of Religion, 58, 1990, pp. 336-355.
13 Werblowsky, R. J. Z., The Meaning of Jerusalem to Jews, Christians and Muslims, Jérusalem, 1983, p. 1.
14 Vogel, L., To See a Promised Land, Americans and the Holy Land in the Nineteenth Century, University Park, Pa, 1993, p. 8.
15 Tuan, op. cit., p. 30.
16 Gaustad, E. S., Religious History of America, New York, 1966, p. 154.
17 Porter, P. W. & Luckermann, F. E., « The geography of utopia », in Lowenthal, D., Bowen, M. J. (dir.), op. cit., pp. 197-223.
18 Fogarty, S. R., Al Things New, American Communes and Utopian Movements 1860-1914, Chicago, 1990, p. 30.
19 Ostergren, R. C., « A community transplanted : the formative experience of a Swedish immigrant community in the Upper Midlle West », Journal of Historical Geography, 5, 1979, pp. 189-212.
20 Eliade, M., « Paradise and utopia : mythical geography and eschatology », in Manuel, F. E. (dir.), Utopias and Utopian Thought, Boston, 1971, pp. 260-280 ; Greenberg, G., The Holy Land in American Religious Thought 1620-1948, Lanham, Md, 1994, pp. 1-45 ; Handy, R. T., « Studies in the interrelationship between America and the Holy Land : a fruitful field for interdisciplinary interfaith cooperation », Journal of Church and State, 13, 1971, pp. 283-301 ; Ross-Bryant, op. cit., pp. 336-338.
21 Kark, Ruth, « Millenarian and agricultural settlement in the Holy Land in the nineteenth century », Journal of Historical Geography, 9, 1983, pp. 1-17.
22 Werblowsky, R. J. Z., op. cit., pp. 6-10.
23 Waddams, H. M., The Swedish Church, Londres, 1946, pp. 1-10 ; Vilnay, Z., Encyclopedia Ariel, Tel Aviv, 1980, pp. 7711-7713 (en hébreu).
24 Encyclopedia Hebraica, Ramat Gan, 1967, vol. 31, pp. 545-548 (en hébreu) ; Encyclopedia Judaica, Jérusalem, 1970, vol. 14, pp. 926-932.
25 Melton, J. G., Encyclopedia of American Religion, 4e édition, Détroit, 1993, pp. 693-694 ; Encyclopedia Britannica, VIII, p. 633 ; ibid., XI, p. 437. La publication swedenborgienne américaine entre 1855 et 1884 est intitulée New Jerusalem Messenger.
26 Murray, R., Till Jorsala, Svenska Färder Under Tusen År, Stockholm, 1969, pp. 107-168.
27 Vogel, op. cit., p. 216c
28 Murray, op. cit., passim.
29 Shovaln, N., « The contacts between Sweden and the Land of Israel at the end of the Ottoman Period (1799-1917) », mémoire de séminaire inédit, Département de géographie, Université hébraïque de Jérusalem, 1994, pp. 28-36 (en hébreu).
30 Kark, R., American Consuls in the Holy Land, 1832-1914, Détroit-Jérusalem, 1994, p. 24.
31 Ibid., pp. 38-40.
32 Ibid., pp. 38-40, pp. 301-306.
33 Kark, R., « Land ownership and spatial change in nineteenth century Palestine : an overview », in Roscizewskiy, M. (dir.), Transition from Spontaneous to Regulated Spatial Organization, Varsovie, 1984, pp. 183-196.
34 Kark, « Millenarism and agricultural settlement », pp. 1-17.
35 Shoval, Noam, « Swedish activity in Jerusalem and its surroundings at the beginning of the twentieh century », note inédite, Jérusalem, 1995, pp. 2-7. La recherche de Shoval se fonde sur des informations tirées d’une lettre de N. Rosquist, Stockholm, au consul de Suède à Jérusalem, A. Hjertström, 7 octobre 1975, Riksarkivet (archives royales suédoises), Dnr 1260/N5.
36 Lettre de Hol Lars Larson, Jérusalem, à Lars (Jons) et sa famille, 25 août 1921, Papiers d’Erik Jons, Mellandborg, Nås, Suède ; A. Davidson, « Svenska Jerusalemsföreningen 1900-1925 », in Tjugofem år i Palestina, Stockholm, 1925, pp. 2-25 ; Shoval, ibid., pp. 1-4.
37 Cf. le texte original en anglais dont est tiré le présent article, pp. 51-54.
38 Pour plus de détails concernant l’American Swedish Colony dans le contexte sociologique des communes religieuses américaines d’après la guerre de Sécession, cf. Kark, R., « Post-Civil War American communes : a millenarian utopian commune linking Chicago and Nås, Sweden, to Jerusalem », in Communal Societies, 15, 1995, pp. 75-114.
39 Ariel, Y., On Behalf of Israel, American Fundamental Attitudes Towards Jews, Judaism and Zionism (1865-1945, Brooklyn, Nt, 1991, pp. 36-38 ; Lagerlöf, S., Jerusalem, a novel, 2 volumes. Première édition en suédois parue en 1901-1902.
40 Spafford Vester, B., Our Jerusalem, an American Family in the Holy City, 1881-1949, Garden City, NY, 1950, pp. 30-61.
41 Kark, R., Ariel, Y., Messianism, holiness and community : a Protestant American-Swedish sect in Jerusalem, 1881-1933 », Church History, 65, 1996, pp. 641-657. Cf. aussi Dudman, H. & Kark, R., The American Colony, Scenes from a Jerusalem Saga, Jérusalem, 1998.
42 Larsson, E., Dalafolk i Heiligt Land, Stockholm, 1957, pp. 1-36 ; Petri, L., På Heliga Vägar, Stockholm, 1931, pp. 120-165 ; Forsslund, K. E., Nås, 2° partie, Livre 7, Stockholm, 1925, p. 125.
43 Murray, op. cit., p. 243. L’explorateur suédois Sven Hedin qui visite la Palestine en 1916 au cours de la guerre donne une liste précise des immigrés en provenance de Nås et le nom des fermes dont ils proviennent (Hedin, Sven, Till Jerusalem, Stockholm, 1917, p. 334).
44 Fahlén, O., Nåsbönderna i Jerusalem, Berättelsen om en Marklig Utvandering, Lund, 1988, pp. 115-118 et pp. 186-189.
45 Petri, op. cit., p. 133.
46 Lagerlöf, Selma, Jérusalem, vol. 2 ; Berendsohn, Walter A., Selma Lagerlöf, Her Life and Work, Londres, 1931, p. 103. Lagerlöf dédie son roman « à Sophie Elkan, ma camarade dans la vie et la littérature ».
47 Janson, op. cit., pp. 1-13.
48 Conzen, M. P., « Ethnicity on the land », in Conzen, M. P. (dir.), The Making of the American Landscape, Boston, 1990, pp. 221-248.
49 Hokanson, N., Swedish Immigrants in Lincoln’s Time, New York-Londres, 1942, p. 19.
50 Ostergren, op. cit.
51 Conzen, M. P., Rummey, T. A., Wynn, G. (dir.), A Scholar’s Guide to Geographical Writing on the American and Canadian Past, Chicago, 1993, passim.
52 Beijbom, U., Swedes in Chicago, a Demographic and Social Study of the 1846-1880 Immigration, Väjkö, 1971, pp. 9 et 228.
53 Janson, op. cit., pp. 179, 195 et 208 ; Hokanson, op. cit., pp. 14-23.
54 Janson, op. cit., pp. 193, 216-217.
55 Ibid., pp. 192-193.
56 Ibid., p. 130.
57 Ibid., pp. 106 et 199.
58 Erdahl, S., « Eric Janson and the Bishop Hill Colony », Journal of the Illinois State Historical Society, 18, 1925, pp. 503-574, 506, 536-537 ; Oved, Y., 200 Years of American Communes, Tel Aviv-New Brunswick, NJ, 1988, pp. 99-107.
59 Aurelius, E., Palestina Bilder, Uppsala, 1913, pp. 278-290.
60 Lind, Lars E., Mémoires de sa vie dans la Colony à partir de l’enfance (ms inédit en anglais, s. d.), pp. 448-458 ; Larsson, Edith (fille de Olof H. Larson), ms inédit en anglais, s. d.
61 Lettres de Selah Merrill et Edwin S. Wallace, consuls américains à Jérusalem, au vice-secrétaire d’État ; Washington, DC, 17 août 1893, 19 avril 1897 et 8 juillet 1901, United States National Archive (Archives nationales des États-Unis, par la suite : USNA), Washington, DC, RG 59 T471.
62 Témoignage de Constantine Antoszewsky, adepte qui quitte la commune, déposé au consulat américain de Jérusalem, mentionné dans une lettre de Selah Merrill au vice-secrétaire d’État, 5 mars 1900, USNA, RG 59 T471 ; témoignage de M. J. B. et Mme Amelia Adamson, qui quittent la commune, déposé le 19 avril 1897, USNA, RG 59 T471 ; L. Lind et R. Walström, Jerusalem Fararna, Stockholm, 1981, pp. 50-92 ; Fahlén, op. cit., pp. 175-202.
63 Gavish, D., « The American Colony in Jerusalem and its photographers », in Schiller, E. (dir.), Zev Vilnay’s Jubilee Volume, Jérusalem, 1984, pp. 127-144 ; Grønbaek, J. H., « American Colony i Jerusalem og den fotoatelier », in Boger. Bibliiteker. Mennesker. Et nordisk Festskrift tilegent Torben Nielsen, Copenhague, 1988, pp. 261-275.
64 Lind, op. cit., pp. 448-458.
65 Lettre de Hol Lars Larsson, Jérusalem, à Ellen von Platen, Stockholm, 20 septembre 1935, Archives du Palestine Exploration Fund (par la suite : PEF), Londres, Papiers Granquist, Correspondance arabe E-L. Dans une lettre écrite à Nås le 22 juin 1936, Larsson dit : « Je n’ai jamais rencontré mes trois sœurs en dépit du fait qu’elles ne vivaient qu’à quelques centaines de mètres de ma maison. Les responsables de leur section les détournaient et leur disaient de nous éviter le plus possible, comme s’il était dangereux de nous approcher et ainsi d’entendre parler du grand scandale qui affectait la Colony. » Archives Erik Jons, Mellanborg, Nås.
66 Pour plus de détails sur la Colony dans le contexte de l’après-guerre de Sécession, cf. Kark, « Post-Civil War American communes... », op. cit.
67 Guelke, op. cit. ; Powell, J. M., op. cit., 11, 1971, pp. 606-618.
68 Harvey, D., The Condition of Postmodernity. An Enquiry into the Origins of Cultural Change, Oxford, 1989, pp. 218-225.
69 « Dalafolk som for till Jerusalem », in Församlings Bladet, 30 (23 juillet 1936), in PEF, Papiers Granquist. À propos des pièces jouées à Dalarna, cf. Per-Ola Björklund, Bygdespel i Dalarna, Kristianstads, 1983, pp. 1983, pp. 51-82 ; ibid., « Selma Lagerlöf Jerusalem-spelet », Falun, 1990 ; Olsson, Anders, « The Ingmar Pageant », Nås, s. d. L’auteur de cette étude s’est rendu à Dalarna et Nås en juin 1991 pour recueillir du matériel et interroger des descendants des larsonites.
Notes de fin
* Cet article est l’adaptation française d’un texte paru dans Journal of Historical Geography (22, 1996, pp. 46-67).
Auteurs
Professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem, elle a écrit et publié quinze livres et quelque cent articles sur l’histoire et la géographie historique de la Palestine et d’Israël. Ses pôles de recherche concernent l’étude des concepts de terre, d’utilisation de la terre et les modalités de propriété de la terre en Palestine/Israël aux xixe et xxe siècles ; les processus d’implantation urbaine et rurale ; ainsi que les intérêts occidentaux en Terre sainte et leur interaction avec les populations locales.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
De Balfour à Ben Gourion
Les puissances européennes et la Palestine, 1917-1948
Ran Aaronsohn et Dominique Trimbur (dir.)
2008
De Bonaparte à Balfour
La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799-1917
Ran Aaronsohn et Dominique Trimbur (dir.)
2008