Les commerçants français en Palestine pendant la période ottomane (1842-1914)
p. 137-165
Texte intégral
1Si les relations économiques entre la France et l’Empire ottoman ont fait l’objet d’études approfondies, notamment par Jacques Thobie dans sa thèse consacrée à l’impérialisme français1, restait encore à se pencher sur un acteur essentiel, mais méconnu, du jeu commercial : le commerçant français résidant en Palestine. Qu’il ait été un véritable trait d’union entre les entreprises de métropole et le territoire palestinien ou un simple représentant de la nation française à l’étranger, le Français qui pratiquait le commerce en Palestine ne peut être détaché du vaste champ économique franco-palestinien.
2Précisons tout d’abord que le terme même de Palestine ne correspond aucunement à une réalité administrative de l’époque et recoupe, pour plus de facilité, le territoire contenu dans les frontières actuelles de l’État hébreu. De même, il faut souligner que le classement typologique classique qui veut que l’on différencie l’artisan du boutiquier, du négociant, de l’agriculteur et de l’industriel n’est pas de mise ici. Nous avons choisi de consacrer la présente analyse aux commerçants en tant que particuliers et, dans ce cas, il n’y a pas de distinction, ou plutôt un cumul des activités : le commerçant français en Palestine était tout à la fois ; il achetait et vendait des marchandises qu’il avait importées ou fabriquées lui-même, les expédiait à l’étranger ou les écoulait sur le marché local, faisait du négoce et servait d’intermédiaire, il diversifiait ses produits et fondait même plusieurs entreprises. Enfin, il faut s’entendre sur la période qui s’étend de 1842 à 1914 et qui correspond à celle de l’influence française en Palestine2. L’année 1842 marque précisément la mise en place d’une politique de présence française en Palestine avec la nomination du premier consul de France à Jérusalem depuis la réouverture de l’échelle, le comte Gabriel de Lantivy, qui, de plus, était le premier Français à représenter les autorités nationales en Palestine. Avec la fermeture des postes consulaires et le départ des représentants français, l’année 1914 clôt d’une certaine manière, tant d’un point de vue concret que symbolique, la présence française sur le territoire. Toutefois, il faut savoir que les commerçants français, qui sont surtout apparus à partir des années 1880, ont poursuivi leurs activités après le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Plusieurs sources viennent le confirmer. Mes recherches ont porté sur les archives françaises, tant sur les sources publiques, avec les fonds du ministère des Affaires étrangères conservés à Paris et à Nantes et celui des Archives nationales, que sur les sources privées, notamment le Crédit lyonnais. Enfin, il existe une source originale et inédite que sont les registres de l’état civil de Palestine de 1845 à 1891, qui fournissent des informations précieuses sur l’activité et la situation des commerçants français, et nous renseignent sur leur nombre.
3La question du nombre se pose en effet. On peut difficilement évaluer la dimension de la communauté française établie en Palestine et, a fortiori, celle du réseau de commerçants. Nous butons sur deux problèmes : tout d’abord les limites du recensement ottoman, souvent inexact concernant les chiffres des étrangers et auquel les agents consulaires français refusaient de participer ; et pour ce qui est des archives françaises, la rareté des registres d’immatriculation qui sont d’ailleurs peu représentatifs puisque les Français ne procédaient pas systématiquement à cette inscription, obligatoire pourtant, mais qui n’était soumise à aucune sanction. C’est notamment le cas des musulmans et juifs originaires d’Algérie, qui se trouvent de fait majoritairement exclus de cette étude. Lorsqu’il existe une liste nominative des commerçants, leur nationalité n’est pas systématiquement précisée3. Si nous nous référons aux papiers qui ne concernent que les commerçants de nationalité française, il n’y en aurait eu aucun à Jérusalem au début de notre période4 et, au milieu, l’une des rares listes nominatives des commerçants français établis dans la circonscription de Jérusalem ne donne que deux noms5. Face à cette pauvreté de documents, reste à déceler dans la correspondance politique et commerciale les quelques commerçants qui y sont distingués. D’où l’importance d’étudier les registres de l’état civil qui apparaissent doublement intéressants puisqu’ils fournissent plusieurs noms de commerçants tout en nous renseignant sur leur situation familiale. Certes, leur étude contient certaines limites : ne figurent que les individus qui sont nés, se sont mariés, ont eu des enfants, se sont portés comme témoins dans des actes ou sont décédés en Palestine. Une somme de conditions qui, toutefois, nous permet d’approcher un peu mieux le réseau des commerçants français. En regroupant les informations contenues dans plusieurs fiches d’état civil pour chaque individu, y compris les témoins, le nombre total de Français s’élève à 436 personnes, parmi lesquelles 42 commerçants6. Ce résultat ne peut en aucune manière faire l’objet d’une étude statistique. Cependant, il a le mérite de nous apporter des renseignements sur plusieurs individus, lesquels, bien que ne constituant qu’une partie du monde des commerçants, se trouvent être, au vu d’autres sources complémentaires, les principaux acteurs économiques en Palestine, surtout dans les années 1880-1914. Citons, parmi les plus influents, les Baldensperger, une famille présente sur trois générations, les familles Bagarry, Barrellet, Bost, Portalis, les commerçants Auguste Rochais et Frédéric Niclas.
4Ces commerçants évoluaient dans un cadre juridique qui a été finement analysé par Jacques Thobie. Aussi, nous n’en donnerons que les aspects généraux. La liberté du commerce français dans l’Empire ottoman était garantie par les capitulations, et en premier lieu par le traité du 18 octobre 1569, conclu entre Sélim III et Charles IX, qui précisait également la nature des biens échangés et réglait les problèmes de douane. Avec le traité du 8 mai 1740, les droits hérités des capitulations furent déclarés définitifs et perpétuels. Un Français pouvait s’établir en Palestine, circuler sur terre et mer, vendre, acheter et faire commerce, pratiquer son culte librement, et il obtenait une immunité de juridiction fort appréciable dans le cas de conflits de nature commerciale. Enfin, c’est par le traité du 29 avril 1861 et son annexe du 5 décembre que furent réglées plusieurs questions sur la prohibition de certaines marchandises et les droits de douane. Le traité confirmait l’abolition de tous les monopoles, qui avait été décidée dans la convention commerciale de 1838. La Porte exerçait un droit de surveillance sur l’exportation de certains produits comme le tabac et le sel, dont elle défendait l’entrée dans l’Empire, et interdisait l’importation d’armes. Pour les droits de douane, le traité précisait un droit de courtage sur les opérations de commerce intérieur. Le traité fixait les droits à l’importation dans l’Empire ottoman à 8 %. Ils ont évolué pendant notre période : le droit d’entrée est passé à 11 % en juin 1907, puis à 15 % après l’accord général franco-turc du 1er octobre 1914. Ces droits ont été augmentés en compensation d’une diminution des droits à l’exportation, établis par le traité de 1861, qui les a fait baisser définitivement de 12 à 8 %. Enfin, au cœur de ces dispositions générales, il existait des produits plus ou moins taxés. Le vin, par exemple, pouvait être exempté de taxe s’il était destiné à une consommation privée et l’on sait a contrario que les produits en bois d’olivier étaient très taxés à l’exportation. Quant au commerce des céréales, il était spécialement réglementé par la Porte, qui pouvait interdire toute exportation en temps de crise, ce qui s’avéra particulièrement préjudiciable pour les Français qui en faisaient le négoce.
5C’est dans une optique économique et sociale que nous souhaitons présenter les commerçants français de Palestine. La personnalité et le parcours commercial de chacun d’entre eux n’ont d’intérêt que celui de nous faire approcher une réalité plus large concernant le réseau des commerçants français et de tenter de répondre en premier lieu à cette problématique qui apparaît de prime abord fort simple : pourquoi quelques Français ont-ils choisi de faire du commerce en Palestine ? Autrement dit, leur démarche a-t-elle procédé d’une véritable logique commerciale ou faut-il voir dans leur choix de résidence l’attrait premier de la Terre sainte ? C’est la nature même de leurs activités qu’il convient de préciser, leur place à l’intérieur de la communauté française de Palestine et les liens qu’ils entretenaient avec la France.
Les activités commerciales
Les produits
6Parmi les marchandises les plus représentées dans les activités des commerçants français, nous pouvons établir une liste selon les grands secteurs d’activités : les matériaux de construction, la quincaillerie, la faïence, la porcelaine et la verrerie, les meubles, la literie, la papeterie et les articles de bureau, les conserves alimentaires et les liqueurs. Tous sont des secteurs dans lesquels la France était très présente à l’exportation vers la Palestine. L’intérêt est donc pour nous de connaître la part des commerçants français en Palestine dans l’importation de ces marchandises.
7Le premier document qui nous renseigne sur les importations françaises en Palestine est un rapport commercial de Jaffa établi en 18797. Il indique que les principales importations étaient faites sur place par des commissionnaires généralement non français. Et lorsqu’ils étaient français, il s’agissait exclusivement de commissionnaires de Marseille qui jouaient le rôle d’intermédiaires. À cette date, les maisons françaises étaient trop peu présentes en Terre sainte pour participer activement et influer sur les échanges. Mais on note une évolution à partir des années 1880. Non seulement les commerçants français semblent plus nombreux, mais il apparaît également que leur comportement s’est modifié. Il en est ainsi de Marius Barrellet, qui entreprit lui-même une tournée en France et en Belgique, où il présenta ses activités et acheta de l’outillage pour son commerce basé à Jaffa. Autre exemple avec Pierre Baggary, qui importait toutes ses marchandises, dont la plus grande partie venait de France. Il s’agissait essentiellement de matériaux de construction : fer, zinc, plomb, céramique, quincaillerie, bois, ciment, plâtre, clouterie, instruments de menuiserie. Il faut toutefois attendre un rapport de 1901 pour apprécier la valeur des importations des commerçants français dans les relations franco-palestiniennes8. Pour ce qui est des grandes maisons de commerce, la France entrait à hauteur de 40 % dans leurs activités, en leur fournissant surtout des matériaux de construction, de la céramique, de la quincaillerie, des conserves alimentaires, des vins et liqueurs et des produits de droguerie. En revanche, des matériaux bruts et ouvrés comme le ciment et la chaux venaient de Belgique, d’Allemagne, d’Autriche et d’Angleterre. Quant aux petits boutiquiers qui vendaient sur place des habits et cotonnades, ainsi que des articles de mercerie et cordonnerie, ils se les procuraient dans les grands centres du Levant comme Beyrouth, Smyrne, Constantinople et Alexandrie ; la France n’entrant que pour 15 % dans leurs activités. Ce faible résultat est à considérer dans le cadre d’une vente sur place, qui exigeait que l’on se soucie des goûts locaux. Cette observation nous amène à considérer plus largement la question de l’adaptation au marché local.
8L’un des griefs majeurs qui était fait aux commerçants français dans les rapports des agents consulaires était leur difficulté d’adaptation aux spécificités du commerce levantin. Ce problème peut être étudié à travers le commerce des objets de piété. Celui-ci, qui aurait été introduit dès le xviie siècle en Palestine par les pères franciscains, se développa considérablement à partir de la seconde moitié du xixe siècle, en relation directe avec l’essor des pèlerinages. On trouvait des chapelets, médaillons et croix, ou encore des tablettes représentant des scènes de la vie religieuse ou des Lieux saints, lesquels étaient également figurés dans des modèles réduits en marqueterie. Les matériaux comme la nacre et les pierres étaient importés, notamment d’Italie et des États-Unis. La France, avec ses grands centres de Paris, Bordeaux, Marseille et Lourdes, exportait des produits finis comme les croix et chapelets. En Palestine, des centres artisanaux travaillaient le bois d’olivier et la pierre de la mer Morte, en en faisant quelquefois leur spécialité, comme Bethléem. Quelle était la place des Français dans ce secteur commercial qui tendait à devenir très concurrentiel ? Curieusement, ils sont peu nombreux parmi le groupe des commerçants français à s’adonner à cette nouvelle activité, qui pouvait prendre des dimensions fort diverses. Ainsi, parmi les plus enthousiastes se trouvait la maison Pierre Michel et Fils, entreprise établie en 1878 à Jérusalem et Bethléem, qui s’était spécialisée dans la vente d’objets de piété. Elle importait des objets de nacre et de bois d’olivier, notamment de France, et les vendait sur place. On trouve aussi Auguste Rochais, qui ouvrit en 1880 – c’est-à-dire en plein essor des pèlerinages de pénitence français – une boutique d’articles de bureau, papeterie, horlogerie, lunetterie, et d’objets de piété. Dix ans plus tard, il importa de France pour près de 300 000 francs de marchandises, dont une grande partie était représentée par les objets de piété9. Son commerce fut si lucratif qu’il apparaissait en 1902 comme l’une des plus grosses fortunes françaises de Palestine. En devenant une activité si productive, la vente des objets de piété pouvait susciter l’engouement des Français, à l’image de Jules Glambart qui, arrivé à Jérusalem en 1911, installa aussitôt une boutique d’objets qu’il expédiait à l’étranger. Mais pour beaucoup, ce type de commerce ne représentait qu’une activité secondaire. Il en est ainsi de Frédéric Niclas, résident de Beit Djemal dans l’arrondissement de Ramleh, qui exerçait la profession de mécanicien. Parallèlement, à partir de 1876, il entreprit de fabriquer lui-même des objets de piété qu’il vendait sur place. C’est aussi le cas de Louise Baldensperger, fille d’Henri et Caroline Baldensperger dont nous serons amenés à reparler plus longuement. Ses activités nous sont connues par l’ethnologue Hilma Granqvist (1891-1972), qui la rencontra lors de ses deux missions scientifiques dans le village d’Ortas entre 1925 et 1931. Elle écrit : « Quand je suis venue à Ortas pour la toute première fois, Mlle Baldensperger était occupée à arranger ses plantes. Elle n’avait aucun travail permanent et gagnait sa vie en faisant de petits travaux temporaires. L’un d’entre eux était de collecter des plantes qu’elle arrangeait dans de grands herbiers palestiniens, ou dans de petites collections de “plantes bibliques”. Elle faisait également des cartes florales qu’elle vendait à Jérusalem à ceux qui voulaient envoyer leurs vœux de la Terre sainte à leurs amis de l’Ouest10. » Le commerce levantin était donc assimilé par les Français qui voulaient en faire une simple occupation ou un commerce plus important. Cependant, rares étaient les spécialistes.
9Pour ce qui est des produits agricoles, notre intérêt est là aussi de savoir si les commerçants français se sont adaptés aux réalités du marché local et régional, ou au contraire s’ils ont poursuivi des activités qui se pratiquaient en France et qu’eux-mêmes pouvaient avoir déjà occupées. Le commerce des céréales, domaine particulièrement réglementé, était une activité ponctuelle. Les rares négociants et commissionnaires qui s’en occupaient étaient souvent soumis aux fluctuations du marché et aux directives de la Porte. Ainsi, l’un des documents nous permettant d’identifier ces commissionnaires français est une pétition signée en 1877 par huit d’entre eux réclamant l’arrêt de la décision du 20 juin 1877 interdisant l’exportation des céréales par Jaffa et Jérusalem. Les commissionnaires étaient basés essentiellement à Jaffa. Toutefois, l’on peut retenir un cas particulier que l’on trouve inscrit dans les registres de l’état civil, et qui exerçait dans une place peu fréquentée par les Français : Abraham Chelouche, qui faisait dès 1897 du commerce d’orge à Gaza. Parmi les autres activités agricoles se trouve la fabrication de l’huile d’olive, très présente en Palestine puisque chaque village possédait deux à trois presses traditionnelles. Utilisée en grande partie pour la fabrication du savon, son débouché principal était la consommation locale, mais elle pouvait également être expédiée en Afrique du Nord. Dès les années 1850, l’huile d’olive apparaît comme un produit phare dans les activités des commerçants français, généralement des commissionnaires, qui l’achetaient sur place et l’expédiaient en grande majorité vers Marseille. En 1877, Pierre Bost, qui vendait déjà des articles de bâtiment, se lança dans la fabrication et le commerce de l’huile d’olive. Il était alors le seul représentant français dans ce secteur d’activité, alors que, parallèlement, certains comme Marius Barrellet intervenaient toujours comme intermédiaires. Au tournant du siècle, on perçoit une nette évolution. Pierre Bagarry s’ajoute à la liste des producteurs qui exportent de l’huile d’olive. Quant à lui, Édouard Portalis, établi à Jaffa, est l’un des rares commerçants, toutes nationalités confondues, à avoir importé une presse moderne en Palestine, qui ne comptait alors que trois ou quatre presses perfectionnées sur tout le territoire. Enfin, pour clore cet aperçu sur les produits agricoles, évoquons le domaine de l’apiculture qui, bien que représentée par une seule famille française, les Baldensperger, n’en est pas moins remarquable. Les deux fils d’Henri Baldensperger, Philippe et Émile, sont venus pratiquer l’apiculture à Ortas sur des ruches qu’avait placées leur père. Leur activité s’est développée et ils se sont essayés à des techniques novatrices. En 1886, le consul de France à Jérusalem indiquait que les Baldensperger avaient établi « près de 300 ruches portatives qu’ils ont perfectionnées d’après les nouvelles méthodes connues sous le nom de ruches à rayons mobiles11. » Par ce moyen, ils pouvaient extraire le miel des rayons sans endommager la cire, qui servait alors à plusieurs extractions. Le système de ruches portatives leur permettait en outre de poursuivre leur exploitation pendant plusieurs mois de l’année, une partie de l’été dans le village d’Ortas et le printemps autour des jardins de Jaffa. Ils produisaient ainsi jusqu’à 20 000 kg de miel par an, qu’ils exportaient ensuite dans des boîtes de fer blanc, à raison de 1,20 franc le kilo, presque essentiellement en direction de l’Angleterre.
Les maisons de commerce
10L’étude de la structure des maisons des commerçants français a pour objectif de nous faire saisir les raisons mêmes de leur implantation en Palestine. Le Français qui faisait du commerce en Terre sainte avait-il choisi d’y résider avec cet objectif et était-il déjà rompu aux pratiques du négoce ? Avait-il l’espoir de s’enrichir en Palestine et l’entreprise était-elle un patrimoine familial que l’on se transmettait de génération en génération ? Les demandes de renseignements sur les maisons françaises en Palestine, qui fleurissent dans les archives dès la fin du xixe siècle, ainsi que les registres de l’état civil, nous donnent des indications sur les principales maisons.
11Quelquefois, le fondateur restait seul à la tête de sa maison de commerce, du moins jusqu’en 1914. C’est le cas de Marius Barrellet qui avait une quarantaine d’années lorsqu’il est venu s’établir à Jaffa en 1883 où il fonda une maison de commerce d’articles divers. Parallèlement, et il faut y voir sans doute une particularité du commerce français, il créa une société de remorquage à vapeur en rade de Jaffa. Il apparaît dans l’état civil de Palestine à l’occasion de la naissance le 4 juin 1889 de son fils, Charles Louis, et comme témoin dans de nombreux actes. Auguste Rochais, né à Cholais en 1850, est inscrit dans l’état civil de Palestine comme témoin de plusieurs actes, pour lesquels il se présentait à chaque fois comme professeur. En réalité, il est venu en Palestine pour se soustraire au service militaire, après avoir échoué à ses examens d’instituteur primaire12 ; il a ouvert une maison de commerce et s’est marié avec une indigène. Ces deux exemples apparaissent comme des cas particuliers. Le plus souvent, les maisons de commerce étaient des entreprises familiales qui se transmettaient aux enfants ou à l’épouse. Il en est ainsi de la maison Baldensperger, présente sur trois générations dans les registres de l’état civil, et dont nous avons pu reconstituer l’arbre généalogique13. Le patriarche, Henri (quelquefois orthographié Henry) est né en Alsace en 1823. Arrivé en Terre sainte en 1848 comme missionnaire, il acheta une maison à Ortas où il souhaitait s’adonner à l’apiculture. Mais il fut rappelé à Jérusalem et ce sont ses deux fils, Philippe et Émile, qui lui succédèrent en travaillant avec les ruches portatives qu’il avait placées. Lorsque Hilma Granqvist se rendit en Palestine au début du siècle, Émile Baldensperger exerçait toujours le métier d’apiculteur à Ortas et Jaffa. Hormis sa sœur Louise qui résidait auprès de lui, la plupart de ses frères étaient morts ou avaient quitté le pays, tel Philippe qui s’était installé à Nice. Le fondateur de la maison Bagarry, Pierre Joseph, est né à Marseille en 1844, où il a résidé avant de s’établir à Jérusalem dans les années 1860. On peut alors supposer qu’il avait déjà exercé une activité commerciale en France, ou du moins établi des relations avec les négociants de la cité phocéenne. Marié à une Française, Élisa Appolonia, il eut six enfants nés à Jérusalem et enregistrés à l’état civil14. L’aîné, Marius Marcel, lui succéda à sa mort en juin 1898. Le jeune homme, alors âgé de 24 ans, multiplia les activités comme commissionnaire ou encore en tant que représentant de la maison Cassegrain en Palestine, pour laquelle il vendait surtout des boîtes de thon. Il céda ensuite la gestion de la maison à sa première épouse, Marie, une citoyenne russe qui était encore en charge du commerce en 1914 (mais se pose alors la question de la nationalité de la maison Bagarry). La maison Bost constitue encore un exemple de la transmission familiale. Le fondateur, Pierre Julien Bost, est né à Usson en 1845. C’est accompagné de son frère, l’abbé Joseph Bost, qu’il accomplit un voyage en Palestine. En 1875, il établit une boutique d’articles de bâtiments à Jaffa, puis en 1883 diversifia ses activités en faisant du commerce d’huile d’olive. La même année, il épousa Marie Thérèse, fille mineure de Français établis en métropole, avec laquelle il eut six enfants. À sa mort, sa veuve et ses enfants ont repris la maison sous le nom de « Veuve Bost et Fils » et l’ont ainsi gérée jusqu’au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
12Quelle était la santé financière de ces entreprises ? Pour y répondre, trois sortes de pistes peuvent être envisagées. Tout d’abord, en compilant les renseignements fournis dans un rapport rédigé en 190115, répondant à un questionnaire sur la fortune française à l’étranger, nous disposons d’un panorama général des maisons de commerce françaises en Palestine. Quatre grandes maisons étaient établies en Palestine, dont trois établissements de commission, parmi lesquelles une était installée à Jaffa. Leur chiffre d’affaires dépassait annuellement 1 500 000 francs ; à savoir 800 000 francs pour les trois commissionnaires et 700 000 francs pour la seule maison de commerce. Leur capital s’élevait à environ 200 000 francs, celui de la maison de commerce atteignait 250 000 francs. On peut déjà relever la nette prééminence de cette dernière sur les activités des négociants purs qui spéculaient surtout sur des produits agricoles. À côté de ces grandes maisons vivaient une quarantaine de petits boutiquiers, dont un peu plus d’une dizaine résidait dans la région de Jaffa. Ils employaient un capital de 150 000 francs et réalisaient un chiffre d’affaires de 800 000 francs. On relève très nettement l’importance accordée à la place de Jaffa, dont le mouvement tendait à la fin du xixe siècle à supplanter celui du port de Caïffa. Nombreux étaient les commerçants français à s’y établir. Toujours selon le rapport de 1901, leur fortune peut être évaluée en fonction de leur propriété foncière. Les quatorze commerçants de Jaffa étaient tous propriétaires et travaillaient pour leur compte. Ils possédaient 11 709 m2 de constructions, c’est-à-dire leurs fonds de boutique en grande majorité, dont la valeur, ajoutée à celle des terrains, était de 2 187 000 francs. De plus vivaient à Jaffa des particuliers français qui exploitaient sur 12 000 m2 des terrains cultivables, notamment des jardins d’orangers, valant 400 000 francs et qui leur rapportaient 10 % par an. Il est difficile d’assimiler ces propriétaires à des commerçants. La grande majorité devait être composée de rentiers16, tandis que les autres participaient activement à leurs affaires. On sait par exemple qu’Édouard Portalis, témoin dans plusieurs actes de l’état civil pour lesquels il se présentait comme rentier, a développé un commerce d’huile d’olive et d’oranges. Enfin, un dernier indice de la santé de ces entreprises nous est fourni avec les renseignements donnés dès le début des années 1880 par le consulat général et la sous-agence du Crédit lyonnais à Jérusalem sur les maisons de commerce françaises, ainsi qu’avec la correspondance interne des agences du Crédit lyonnais.
13Auguste Rochais a peut-être été client de cet établissement. Bien qu’il n’apparaisse pas dans la correspondance mensuelle et trimestrielle de l’agence, nous savons qu’il correspondait activement avec ses représentants. Son commerce qui, rappelons-le, comprenait surtout l’import-export d’objets de piété, était fort lucratif et il apparaît dans le rapport de 1901 comme l’une des plus grosses fortunes foncières de Palestine, avec un patrimoine immobilier évalué à 80 000 francs. Pourtant, une fiche de renseignements rédigée en 1906 souligne qu’il disposait de « moyens restreints », ajoutant « difficile en affaires et l’on conseille d’être en règle avec lui17 ». Pour ce qui est de la maison Bagarry, nous pouvons évaluer sa situation financière sur plusieurs générations. Quand son fondateur, Pierre Bagarry, demanda en 1886 au consul général de l’aider à envoyer son fils Marius dans un collège de Jésuites à Beyrouth, il était distingué pour les services désintéressés qu’il avait rendus aux établissements religieux et au consulat, ainsi que pour la « modicité de ses ressources18 ». Quinze ans plus tard, son fils Marius, qui avait depuis repris les affaires, comptait parmi l’une des plus grosses fortunes françaises, évaluée à 13 000 francs en comptant uniquement la valeur de la propriété et des terrains qu’il avait acquis19. Mais il rencontra des difficultés et céda la gestion de son commerce à sa première épouse Marie. En 1914, une fiche de renseignements établie sur la maison Bagarry indique qu’elle « semble mieux dirigée actuellement et Mme Bagarry, qui passe pour être active, cherche à s’attirer la clientèle en important à chaque saison quelques articles de nouveautés qu’elle essaie de placer pour son compte20 ». Autre exemple avec Édouard Portalis, sans doute le plus grand propriétaire terrien français, que la sous-agence du Crédit lyonnais présentait comme l’un de ses meilleurs clients. À sa mort en 1911, son fils Hubert hérita d’une orangerie des environs de Jaffa d’une valeur de 250 000 francs et de différents titres, dont une partie en dépôt à la Société marseillaise pour environ 10 000 francs, le reste en titres nominatifs au Crédit lyonnais pour une valeur de 70 000 francs21. Mais Hubert Portalis étant lui-même débiteur de plus de 12 000 francs envers cette banque, c’est la maison Veuve Bost et Fils, créancière au Crédit lyonnais de Jérusalem, qui lui procura une garantie à concurrence de 15 000 francs, avant qu’il ne récupère son héritage22.
14La propension des commerçants français à acquérir facilement des biens immobiliers ne doit pas nous faire oublier la situation financière souvent variable de leurs maisons. Seules quelques grosses entreprises se distinguaient. À l’origine de ces réussites, il faut sans doute voir le souci des commerçants de diversifier leurs activités et de s’allier entre eux.
15Les Français établis en Palestine étaient naturellement amenés à travailler les uns avec les autres. Quelques commerçants, comptant parmi les plus influents, se sont même alliés. Le plus souvent, ils avaient déjà créé leur propre établissement et géraient plusieurs activités en même temps. C’est le cas de la société « Barrellet et Damiani », qui liait Marius Barrellet à Martin Damiani, ce dernier assurant un temps la distribution de la poste française. Fondée vers 1875 à Jaffa, leur entreprise est connue sous le nom de « société française de remorquage ». Pierre Bost et Marius Bagarry, tous deux à la tête de leur propre maison de commerce, ont monté un établissement fort prospère puisque leur capital commun était évalué, au début du xxe siècle, à 100 000 francs. Il serait aisé d’en conclure que ce partenariat témoignait d’une parfaite harmonie à l’intérieur de la communauté commerçante française. Il existe cependant plusieurs affaires civiles et commerciales qui, pour ne s’en tenir qu’aux cas opposants des Français entre eux, prouvent que le recours aux tribunaux était fréquent. Problèmes de marchandises impayées, d’instruments non rendus ou de débiteurs peu scrupuleux s’accumulaient. Nous ne retiendrons qu’un seul exemple, qui témoigne à la fois de la mésentente qui pouvait exister entre Français, mais également de la concurrence qui s’exerçait entre les maisons privées et les entreprises nationales françaises. En 1876, le consul de France à Jérusalem fut chargé de traiter la dissolution de la société française de remorquage « Barrellet et Damiani ». Ses dirigeants auraient demandé de leur propre initiative de procéder à la liquidation. Or, il apparaît que la société était en bonne santé financière. Marius Barrellet et Martin Damiani avaient bénéficié des capitaux de plusieurs commerçants de Jaffa. La somme, évaluée à 100 000 francs, leur avait notamment permis d’acheter un remorqueur, le Jaffa, qui servait au déchargement des navires dans la rade du port, réputée d’accès difficile. Plusieurs contrats avaient été passés avec des sociétés de métropole, dont la maison Félix Abram et Cie de Marseille23. Cela était une occasion rêvée pour eux de se soustraire aux taxes de débarquement et d’embarquement de la compagnie nationale et de négocier directement avec les entreprises et les navires de commerce. Mais c’est justement parce qu’ils menaçaient les intérêts de la Compagnie des messageries maritimes, présente en Méditerranée depuis 1851, que le vice-consul de France à Jaffa, Jean-Étienne Philibert, pensait qu’ils couraient vers l’échec. Notons que Philibert était familier de ce secteur économique puisqu’il avait fondé avec son frère Émile une société de services pour les Messageries maritimes. La sanction tomba en août 1876 lorsqu’un Français, Lalande, porta plainte contre la société Barrellet-Damiani, la contraignant à la liquidation. Loin d’être harmonieuses, les relations entre commerçants laissent donc transparaître un certain cloisonnement.
Les relations intra-communautaires et la place du commerçant français
Les réseaux de clientèle, d’amitié et les alliances matrimoniales
16Plus que toute autre source, les registres de l’état civil nous permettent de saisir la structure interne de la communauté française, à l’intérieur de laquelle se distinguent très nettement les commerçants. Dans la majorité des cas, les témoins des actes de naissance, mariage et décès des laïcs ne sont pas des religieux mais les voisins, les employés ou patrons, les amis et les parents. Pour comprendre la place du commerçant, il convient de s’intéresser au groupe des Français établis en Palestine, qui formaient donc ce qu’il convient d’appeler une communauté. L’origine géographique commune et le lien linguistique les amenaient naturellement à se regrouper dans ces villages et villes arabes, dont la disposition même, en secteurs religieux, entraînait l’émergence d’une hiérarchie sociale. Les personnes de même confession, si elles ne vivaient pas déjà dans le même quartier, fréquentaient le même lieu de culte et partageaient le même réseau de connaissances. Des liens d’amitié se formaient. Le plus bel exemple est illustré par Henri Baldensperger, à l’origine missionnaire protestant d’origine alsacienne, et Frédéric Auguste Klein, ministre du Saint-Évangile natif de Strasbourg. Chacun s’est porté témoin pour l’autre dans quasiment tous les actes de l’état civil qui concernaient la naissance ou le décès de leurs enfants. De même, pour ce qui concerne les commerçants, nous pouvons voir derrière les liens de voisinage et d’amitié, précisés dans les registres de l’état civil, la formation de réseaux de clientèle.
17La structure communautaire des Français de Palestine et son cloisonnement sont largement visibles au travers des alliances matrimoniales des commerçants. Le mariage, qui sert avant tout à maintenir et développer un héritage religieux, est conclu entre les membres d’une même confession. Ainsi, les fils Baldensperger épousèrent des protestantes comme eux, qui plus est originaires de la même région que leur père. D’ailleurs, en règle générale, lorsqu’ils ne s’étaient pas déjà mariés en métropole, les Français prenaient pour épouse des compatriotes résidant en Palestine. Seul Auguste Rochais a épousé une « indigène » qui, en vertu des principes du temps, ne pouvait être qu’une Palestinienne de confession catholique. De plus, les alliances étaient contractées parmi les membres d’un même groupe social comme en témoignent les exemples suivants. La fille du commerçant Pierre Bagarry, Berthe Faustine, épousa le 29 novembre 1899 dans la paroisse de Jérusalem, Alexis Frey, le contrôleur de la sous-agence du Crédit lyonnais à Jérusalem. Hubert Portalis, fils d’un riche négociant et propriétaire foncier de Jaffa, épousa la fille de Jean-Étienne Philibert, qui avait ouvert une entreprise de remorquage dans le port. Ce dernier, par ailleurs vice-consul de France à Jaffa, avait demandé pour seconde femme la fille mineure du consul de France à Jérusalem, Hélouis-Jorelle24. Quant à Marius Barrellet, il épousa en 1888 la veuve de l’ancien vice-consul de France à Jaffa, Léandre Le Gay. Ainsi, par un subtil jeu d’alliances, les commerçants tendaient à s’approcher toujours plus de la sphère économique et politique ; en clair le centre du pouvoir. Dans cette micro-société parfaitement cohérente, ils accédaient au rang de notables.
Le commerçant, un notable de la communauté française
18Il est particulièrement intéressant de constater que les riches commerçants français établis en Palestine cumulaient presque systématiquement au moins une fonction au service d’une entreprise française, voire de l’administration française. Jean-Étienne Philibert était agent consulaire de France à Jaffa puis vice-consul de 1841 à 1878. Pendant cette période, il devint également le vice-consul de Naples à Jaffa, en accord avec les autorités françaises. En 1875, il prit la tête de la poste française de Jaffa et, parallèlement à ces activités, fonda une société de remorquage avec son frère. Édouard Portalis associa également à ses activités commerciales la fonction de gérant du vice-consulat de France à Jaffa pendant l’année 1895. Mais le plus exemplaire de ces « cumulards » est sans aucun doute Marius Barrel-let. Tout en poursuivant la direction de sa maison de commerce, il fut le gérant du vice-consulat de France à Jaffa de janvier à avril 1878 puis en 1886, en même temps qu’il assurait l’intérim dans la distribution des postes françaises de la ville. Il fut également régulièrement l’agent de la compagnie Cyprien Fabre en Palestine. De plus, il devint le correspondant du Crédit lyonnais à Jaffa, où il n’existait pas encore de bureau, de mars à novembre 1892. Pour cette fonction, il avait été désigné parmi les notables de la ville. Le gérant du Crédit lyonnais, Jean Joannidès, indiquait à son sujet : « À Jaffa, nous avons choisi Marius Barrellet, qui nous a été chaudement recommandé par M. le consul de France, et sur lequel nous avons obtenu les meilleurs renseignements. M. Barrellet, très actif et intelligent, possède de la fortune et nous sommes persuadés qu’il est placé de façon à nous rendre de vrais services25. » Si le cumul des fonctions de vice-consul de France à Jaffa et d’agent des Messageries maritimes ne fut plus toléré par le ministère après 1878, les commerçants français étaient toujours sollicités pour assurer la gestion du vice-consulat. Les accusations de confusion entre politique et négoce avaient donc leurs limites. Car, pour les autorités françaises qui devaient choisir parmi les notabilités peu nombreuses de la communauté, il était plus aisé de faire appel à de riches commerçants déjà connus pour rendre des services aux entreprises nationales. Souvent aussi, leurs propres enfants travaillaient au service du gouvernement. C’est ainsi que deux des fils d’Henri Baldensperger, Guillaume puis Samuel, furent choisis comme distributeurs des postes françaises à Jaffa. Mais bien plus que l’expression d’un dévouement au service de la France, accepter une charge représentative était surtout, pour les commerçants, l’occasion de multiplier leurs activités, d’élargir leur champ d’influence et leur clientèle, et finalement d’accroître leurs bénéfices.
19Toutefois, il apparaît clairement qu’au cœur de la communauté française de Palestine, le commerçant devenu notable faisait preuve d’un réel sentiment national. Un seul exemple contradictoire est donné par Auguste Rochais, qui n’aurait cessé d’envoyer des lettres diffamatoires contre les agents consulaires français et étrangers, le Crédit lyonnais, mais également les administrations locales et les autorités religieuses de Jérusalem26. Tous les autres témoignèrent d’un véritable attachement à la France, qui pouvait s’exprimer de différentes manières. On a vu que pour devenir le correspondant du Crédit lyonnais, Marius Barrellet avait été recommandé directement par le consul de France à Jérusalem. Dans la fiche de renseignements établie sur Joseph
20A. Albino, ancien agent de la maison Barrellet à Jaffa, qui tenait au début du xxe siècle sa propre maison de commission à Jérusalem, le critère de moralité est établi, hormis l’aspect financier, en fonction des services rendus à la nation. Il y est indiqué qu’il « semble actif et reconnaissant bien sa patrie27 ». D’autres exemples sont fournis par la famille Baldensperger. Guillaume Baldensperger fut choisi comme distributeur des postes françaises de Jaffa en raison de ses connaissances en anglais, allemand, arabe et italien, mais aussi parce que lui-même, comme ses frères apiculteurs Émile et Philippe, avaient effectué leur service militaire28. Quant à leur père, l’alsacien Henri Baldensperger, il avait quelques années plus tôt accompli un geste hautement symbolique. Contraint, comme tous les autres originaires d’Alsace-Moselle de choisir sa nationalité après la défaite de Sedan, il avait décidé de rester Français29.
21Avec l’avènement de la République, le 4 septembre 1870, un nouveau mouvement patriotique émergea dans la communauté de Palestine. Aux fêtes de l’empereur succéda la fête du 14 juillet, pour laquelle des comités d’organisation furent fondés dans les principales villes. À Jérusalem et Jaffa, les célébrations se faisaient en grande pompe avec messes, banquets, illumination de tous les établissements nationaux et feux d’artifices. En quelques jours, les Français revendiquaient ostensiblement leur attachement à la nation, en même temps qu’ils marquaient fortement leur présence en Terre sainte. Nous avons l’exemple, pour Jaffa, du comité d’organisation du 14 juillet de l’année 189230. Si les présidents d’honneurs en sont traditionnellement les membres du corps consulaire, le président titulaire n’est autre que Marius Barrellet, tandis que le vice-président est Pierre Bost, de la maison Bost et Bagarry. À leurs côtés se trouvent d’autres notables de la communauté : des agents de la Société des travaux publics et constructions qui travaillaient sur la ligne de chemin de fer Jaffa-Jérusalem, le correspondant des Messageries maritimes, le médecin de l’hôpital français Saint-Louis... Les commerçants français entretenaient donc un lien évident avec la patrie d’origine.
22Quelle était, inversement, l’attention que portaient à leurs affaires les autorités françaises ?
La place des commerçants français dans les relations économiques franco-palestiniennes
Le faible intérêt porté aux commerçants français de 1842 aux années 1880
23Dès sa prise de fonctions, le consul de France à Jérusalem, Gabriel de Lantivy, annonçait qu’à « côté des grandes questions concernant le protectorat religieux en Terre sainte, l’accent serait mis sur le développement des activités commerciales31 ». S’engageait alors une période de mise en place de la présence française. La création de postes consulaires, y compris dans des villages palestiniens qui ne comptaient aucun Français, tels Ramleh, Naplouse et Gaza, se justifiait alors par des besoins socio-économiques : le trafic des voyageurs et pèlerins, toujours plus nombreux. Un système de communications tourné vers la Palestine s’élabora dès 1843. À cette date, le service de navigation en Méditerranée établit des liaisons régulières avec Jaffa et un projet de service de la poste entre Jérusalem et Le Caire était envisagé. En 1851, la Compagnie des messageries maritimes reçut le monopole du service postal en Méditerranée et inaugura son premier bureau à Jaffa. Cette ouverture des communications entraîna un regain d’intérêt pour le commerce palestinien, notamment les secteurs du tabac, des graines de sésame et de la sériciculture. Les échanges franco-palestiniens prenaient consistance avec l’essor du trafic maritime des compagnies de navigation marseillaises qui touchaient régulièrement à Jaffa, Caïffa et Saint-Jean-d’Acre, ainsi qu’avec la création des premières maisons de commerce françaises en Terre sainte. Mais celles-ci, encore trop peu nombreuses, ne paraissent pas avoir suscité d’intérêt de la part des autorités françaises, que ce soient les ministères des Affaires étrangères et du Commerce, mais également les agents consulaires sur place.
24Les documents d’archives des années 1860-1870 laissent transparaître un véritable regain d’intérêt pour le commerce palestinien, à travers les demandes de renseignements qui se multiplient à propos de certains produits. Toutefois, elles concernent essentiellement des produits phares de l’exportation française dans le Levant, et qui sont déjà bien représentés au Liban, comme la soie et les cotons filés32. En se maintenant comme l’un des grands partenaires économiques de la Palestine, la France pouvait s’enorgueillir de ne pas avoir qu’une présence religieuse en Terre sainte. C’est ce qu’affirmait le consul de France à Jérusalem, en analysant les résultats du mouvement commercial de l’année 1878 : « Il y a là un fait qui prouve que la France n’a pas que des intérêts de sentiment à sauvegarder dans ces parages, ainsi qu’il a plu à un homme d’État étranger de le dire récemment ; ce sont aussi des intérêts matériels, substantiels33 [...] ». Parallèlement pourtant, rien ne semble avoir été envisagé pendant ces années pour développer les activités économiques en Palestine, alors même que plusieurs commerçants y étaient déjà bien implantés. Et pour faire entendre leur voix, ceux-ci n’hésitaient pas à adresser des pétitions au consul de France. Ainsi, en 1875, treize commerçants de Jaffa, parmi lesquels on retrouve notamment le nom de Marius Barrellet, sollicitèrent de l’administration des postes françaises la possibilité de profiter du passage des paquebots autrichiens pour faire parvenir leurs lettres en France, via Alexandrie34.
L’intérêt manifesté pour les commerçants français à partir des années 1880
25À mesure que se développaient les échanges franco-ottomans et que la concurrence étrangère était perçue comme une menace sérieuse pour les intérêts français, la place des commerçants installés en Palestine se valorisa. En 1886, le consul de France écrit que « la Palestine commence à être envisagée au point de vue économique : on s’adresse à sa production et l’on doit reconnaître que les résultats justifient les espérances35 ». Dans le même rapport, pour la première fois, on relève une prise de conscience sur la nécessité d’aider les entreprises françaises de Terre sainte. Ainsi, à propos de la maison Baldensperger, qui expédiait toutes ses marchandises en Angleterre mais à laquelle une entreprise française proposait un contrat d’exclusivité, le consul écrit : « Il serait à souhaiter que nos commerçants encourageassent, même au prix de certaines concessions, les efforts de nos rares nationaux fixés à l’étranger36. » Le commerçant était finalement saisi comme un acteur des échanges franco-palestiniens.
26Les autorités comprirent également qu’il était un témoin important de l’économie palestinienne et une source sûre pour l’appréciation du marché. Marius Barrellet, gérant du vice-consulat de France à Jaffa pendant l’année 1878, était bien entendu le premier à revendiquer le rôle essentiel des commerçants. Dans son rapport consacré au « relevé statistique du mouvement commercial du port de Jaffa du 1er mars 1876 au 1er mars 1877 », il nota en exergue que les chiffres présentés ne pouvaient être exacts : « Les fonctionnaires de la douane turque craignent, en fournissant des chiffres réels, qu’ils soient publiés et qu’une comparaison avec leurs recettes ne les expose à des restitutions qui n’entreraient pas, il est vrai, dans la caisse du Trésor ottoman37. » Aussi, on fit régulièrement appel aux négociants et petits boutiquiers français pour multiplier les sources. Ils intervenaient également directement dans la rédaction des rapports économiques. On peut citer par exemple le rapport d’Edouard Portalis sur la culture des orangers à Jaffa, envoyé par le consulat à Paris en 189438. Les commerçants signaient même des articles pour le bulletin de la Chambre de commerce française de Constantinople. Ainsi, Pierre Bagarry fit publier sa « lettre de Jérusalem du 6 avril 1893 sur le fonctionnement de la ligne qui est ouverte depuis six mois39 », dans laquelle il soulignait les difficultés d’exploitation du chemin de fer Jaffa-Jérusalem. Le gouvernement les utilisait comme des correspondants officieux et cette façon de procéder semblait lui convenir puisqu’il ne fonda pas de chambre de commerce à Jérusalem, comme il pouvait en exister partout ailleurs dans le Levant. Ce n’est qu’en 1902 que le titre officiel de « conseiller du commerce extérieur de la France » fut adopté en Palestine, à Jaffa, quatre ans après la création de l’Office national du commerce extérieur. Les correspondants, choisis parmi les notabilités commerçantes et industrielles de la place, étaient désignés par décret après proposition des agents diplomatiques et consulaires et après l’avis du département des Affaires étrangères. Le premier titulaire du poste à Jaffa fut Pierre Bost. On voit que la stratégie commerciale évoluait quelque peu. Alors que la circulaire du 28 mai 1884 avait imposé aux consuls de ne correspondre qu’avec le département politique et commercial du Quai d’Orsay, vingt ans plus tard, par le décret du 3 novembre 1906, ils étaient tenus de fournir un exemplaire complet de leurs rapports commerciaux au ministère du Commerce et de l’Industrie. Le consulat général se fit l’intermédiaire entre les entreprises françaises de métropole et les commerçants installés en Palestine. Grâce aux renseignements qu’il glanait notamment auprès du Crédit lyonnais, il renseignait les premières sur l’activité et la santé financière des seconds. Les commerçants français de métropole s’ouvrirent progressivement à leurs homologues de Palestine et choisirent des représentants permanents (Pierre Bagarry pour la maison Cassegrain), ou des fondés de pouvoir, tel Pierre Barrellet, qui travaillait pour la maison Alexandre Labadié de Marseille.
27Malgré cette nette revalorisation du rôle du commerçant français en Palestine, on s’intéressait peu à ses résultats financiers et, de façon plus large, la perception générale était que le commerce français subissait un déclin. À la veille de la Première Guerre mondiale, tous les rapports économiques soulignaient le net recul de la France, s’interrogeaient sur les raisons et proposaient quelques conseils. Ceux-ci étaient systématiquement destinés aux commerçants et armateurs français, à qui l’on demandait de profiter de la diffusion du français en se faisant connaître par des catalogues et objets de réclame. L’un des principaux griefs qui leur était fait était de ne pas s’adapter aux réalités du commerce levantin : il leur fallait en finir avec le commerce de luxe et les traditionnels « articles de Paris », pour produire une marchandise de bonne qualité, mais à un bas prix. Le commerçant de Palestine était quasiment absent de ces analyses. Finalement, le seul conseil ayant pu l’intéresser, quoiqu’indirectement, était de le choisir en priorité comme représentant des maisons de métropole, en l’affectant à une ville plutôt qu’à une région et en lui laissant le choix du mode de paiement40. Alors même que l’on entreprenait une nouvelle stratégie commerciale pour parer aux difficultés de la France – difficultés qu’il nous faudrait d’ailleurs relativiser – il était perçu comme un acteur des échanges économiques, mais un acteur de second rang, presque marginalisé.
28En conclusion, soulignons d’abord le réel dynamisme des commerçants français de Palestine : dynamisme des activités, en se faisant tour à tour négociant, artisan ou dirigeant d’une entreprise d’import-export, et en fondant même plusieurs entreprises ; dynamisme dans le souci de diversifier les marchandises, en s’illustrant dans plusieurs secteurs économiques et en profitant quelquefois de l’essor de produits nouveaux, comme les objets de piété. Cette vitalité, qui s’explique par la nécessité de se développer pour accroître ses bénéfices, serait également à étudier en fonction du poids de la concurrence étrangère, difficile à apprécier. L’on pourrait encore parler du dynamisme des commerçants français dans le domaine des techniques. Les Baldensperger, avec leurs ruches portatives à rayons mobiles, ou Edouard Portalis qui a fait venir de France une presse moderne pour l’huile d’olive, témoignent de l’existence d’un certain savoir-faire français importé en Palestine.
29Cependant, malgré leur réussite certaine, les commerçants ne semblent pas tous avoir suivi un objectif commercial. Pour beaucoup d’entre eux, la vente d’objets de piété, pourtant en plein essor pendant cette période, n’a été qu’une activité secondaire. Souvent aussi, les commerçants n’ont pas utilisé les possibilités de la main-d’œuvre locale, comme Auguste Rochais qui ne faisait pas appel aux ouvriers palestiniens pour la fabrication des objets de piété et importait ses marchandises, qu’il exportait par la suite. De même, ils n’établissaient pas toujours de relations privilégiées avec la France, tels les Baldensperger qui expédiaient toute leur production de miel en Angleterre. Dans la plupart des cas, il apparaît que l’attrait de la Terre sainte était plus important que le désir de faire commerce en Palestine. Auguste Rochais avait fui la France plus qu’il n’avait choisi de venir vivre en Palestine, Henri Baldensperger y était arrivé comme missionnaire protestant et Pierre Bost avait fait le voyage avec son frère, l’abbé Bost. On venait s’établir en Terre sainte, on y fondait une famille et on développait une petite activité commerciale. D’ailleurs, point important pour tenter de saisir le comportement de ces commerçants, la majorité d’entre eux, et ensuite leurs enfants, sont demeurés en Palestine. Nous n’avons relevé que de rares cas de Français qui s’en sont retournés en métropole. De plus, notons que l’entreprise était transmise, comme un héritage, aux générations suivantes. Le commerce était donc perçu comme un patrimoine et l’ambition première de ces commerçants n’était sans doute pas de s’enrichir à l’étranger pour revenir en France. De manière générale, rares sont ceux qui ont fait fortune en Palestine. Ils n’ont constitué qu’un petit groupe, mais fort puissant à l’intérieur de la communauté française, dont ils devinrent les représentants. C’est ainsi les commerçants de Palestine se sont transformés en notables dans une micro-société bien organisée, cohérente et hiérarchisée selon de nouveaux critères sociaux. Mais si le petit commerçant était sollicité de toutes parts pour donner son avis sur la situation économique, occuper des postes administratifs voire gérer des agences consulaires et représenter de grandes maisons françaises, il n’en demeurait pas moins presque absent des correspondances politiques, et donc d’une certaine manière de l’idée que les autorités françaises se faisaient de la présence de la France en Terre sainte. Ce n’est qu’avec l’apparition de la concurrence étrangère et sous la menace d’un déclin de l’influence française, ainsi pressenti par les responsables politiques, qu’il fut considéré sinon comme un acteur important, du moins comme un témoin privilégié des échanges franco-palestiniens.
Notes de bas de page
1 Thobie, Jacques, Intérêts et impérialismes français dans l’Empire ottoman (1895-1914), Paris, Publications de la Sorbonne, Université de Paris-1, 1977, 817 p.
2 Telle que je l’ai étudiée dans mon travail de recherches en DEA, « La présence française en Palestine, 1842-1914 », Université de Paris I-Panthéon Sorbonne, septembre 1998.
3 Archives nationales (AN), F12 7281. Le rapport établi le 31 mai 1908 sur la Palestine économique fournit la liste nominative des commerçants de Jérusalem, soit un peu plus de 150 maisons dont la nationalité n’est pas indiquée. Le rapport du 20 juin 1910 concernant la situation économique de la place de Caïffa pendant l’année 1909 donne une liste nominative de 23 maisons de commerce, en précisant leur secteur d’activité mais en omettant de signaler leur nationalité.
4 Ministère des Affaires étrangères à Paris (MAE), série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 2, rapport du 20 janvier 1851.
5 AN, F12 7414, Pierre Bagarry et Auguste Rochais.
6 Voir en annexe la liste des commerçants français enregistrés dans l’état civil de Palestine, avec mention de leur profession telle qu’elle a été consignée.
7 MAE, série CPC, sous-série Jérusalem, vol. 13, Jérusalem, 31 juillet 1879, n° 49, statistique du mouvement commercial du port de Jaffa du 1er mars 1876 au 1er mars 1877.
8 Ministère des Affaires étrangères, Archives diplomatiques de Nantes (ADN), Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai 1901, n° 21, 10 p.
9 MAE, série NS, sous-série Saint-Siège, vol. 100, dossier IV.
10 Granqvist, Hilma, Birth and Childhood among the Arabs, New York, AMS Press, 1975 (2e éd. 1947), pp. 20-21.
11 MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 5. Ces chiffres et les suivants sont contenus dans le rapport commercial du 20 février 1886, annexé à la lettre du 26 février 1886, n° 22.
12 MAE, série NS, sous-série Saint-Siège, vol. 100, dossier IV.
13 Voir en annexe l’arbre généalogique de la famille Baldensperger.
14 Voir en annexe l’arbre généalogique de la famille Bagarry.
15 ADN, Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai 1901, n° 21, 10 p. et complément du 11 février 1901, n° 6, 18 p.
16 Onze personnes, dont trois femmes, se déclarent « rentier » ou « propriétaire » dans l’état civil de Palestine.
17 ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche « Auguste Rochais », établie le 9 avril 1906.
18 ADN, Jérusalem, série E, n° 29, Jérusalem à Beyrouth, 12 août 1886, n° 117.
19 ADN, Jérusalem, série B, vol. 38, Jérusalem au MAE, rapport du 18 mai 1901, n° 21, 10 p.
20 ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche « Bagarry » n° 16, établie à Jérusalem le 18 mars 1914.
21 CL (Crédit lyonnais), DAE 5475, Alexandrie à Paris, 7 juin 1911.
22 CL, DAE 5475, Alexandrie à Paris, 18 juillet 1911.
23 ADN, Jérusalem, série B, vol. 48, dossier 26, 1876-1877.
24 MAE, série Personnel, 1re série, vol. 161, Hélouis-Jorelle, lettre d’Hélouis Jorelle au ministère demandant l’agrément du roi pour cette union, Jaffa, 7 mars 1846, n° 8.
25 CL, DAE 2280, dossier I, note de Jean Joannidès annexée à la lettre d’Alexandrie à la Direction, Jérusalem, 18 mars 1892.
26 MAE, série NS, sous-série Saint-Siège, vol. 100, dossier IV sur le protectorat en Orient.
27 ADN, Jérusalem, série B, vol. 64, fiche de Joseph A. Albino établie le 9 avril 1906.
28 ADN, Jérusalem, série E, vol. 30, Jérusalem à Beyrouth, 1er avril 1891, sans n° f° 34.
29 ADN, Jérusalem, série B, vol. 6, dossier de l’option pour la nationalité française. Henri Baldensperger est enregistré comme Français le 28 juin 1872.
30 ADN, Jérusalem, série B, vol. 4, comité d’organisation de la fête nationale à Jaffa en 1892, avec une liste de souscripteurs.
31 MAE, série CCC, Jérusalem, vol. 2, lettre de Gabriel de Lantivy au MAE, 25 mars 1843, f° 4.
32 MAE, série CCC, sous-série Beyrouth, vol. 8, Beyrouth au MAE, 12 novembre 1864, n° 14. Des statistiques sont demandées par le ministère du Commerce sur la production de coton à Caïffa, Lattaquié, ou encore Naplouse, dans le but de servir de guide aux fabriquants de tissus en France.
33 MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 3, Jérusalem au MAE, 31 juillet 1879, n° 49.
34 MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 4, Jérusalem au MAE, 25 novembre 1875, n° 15.
35 MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 5, Jérusalem au MAE, 18 février 1886, n° 20, f° 32.
36 Ibid, f° 29.
37 MAE, série CCC, sous-série Jérusalem, vol. 3, annexe à la dépêche de Jérusalem au MAE, 31 juillet 1879, n° 49.
38 MAE, série CCC, sous-série Jaffa, volume sans numéro, rapport de M. Portalis, Jaffa, 1er mai 1894.
39 ADN, Jérusalem, série B, vol. 16, Bulletin de la Chambre de commerce française de Constantinople, 7e année, 30 avril 1893, pp. 25-26.
40 AN, F12 7281, rapport sur la situation économique de la région de Caïffa et Saint-Jean-d’Acre (1901-1912), 27 juillet 1912, « conseils aux commerçants et armateurs français », pp. 102-104.
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De Bonaparte à Balfour
Ce livre est cité par
- Chenoll Alfaro, Rafael. (2015) Jerusalén en la escatología cristiana y musulmana. BAETICA. Estudios de Historia Moderna y Contemporánea. DOI: 10.24310/BAETICA.2012.v0i34.83
De Bonaparte à Balfour
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