Chapitre 11. Évolution politique et justification des normes de légitimité dans le discours social
p. 381-408
Texte intégral
1Cette recherche a été réalisée à partir de matériaux sur trois affaires criminelles qui ont eu lieu en Chine au cours des trente dernières années afin d’identifier les jugements produits par les discours sociaux contemporains sur les actes incriminés, proposer une analyse des critères et des principes utilisés par ces discours publics et explorer les transformations de la logique de légitimation. Dans cet article, nous mettrons en lumière les signes d’une évolution de la logique de jugement par le discours public. Auparavant, quand il s’agissait de se prononcer sur la nature criminelle d’un acte, la position politique, l’idéologie et les attitudes quotidiennes de la personne incriminée étaient définies comme critères centraux. Progressivement ces critères se sont affaiblis, perdant leur statut principal au profit de la logique de distinction économique et sociale qui a pris de plus en plus d’importance. Ceci témoigne d’une évolution de l’acception de la justification des normes de légitimité par les membres de la société : si, hier, les preuves de culpabilité acceptées par les individus étaient référées aux seuls principes idéologiques, aujourd’hui elles le sont en référence aux principes d’égalité sociale et de justice du système. Ce phénomène révèle également la production progressive de valeurs d’égalité sociale et de justice définies et partagées par les membres de la société, distinctes de l’orthodoxie idéologique. Cette évolution relève du développement de la citoyenneté, comme du développement d’une société civile, mais sans emprunter la forme d’« organisation civile ». Or le milieu académique considère généralement comme témoin de la société civile l’existence d’organisations. Mais, dans le contexte des institutions chinoises, la production de valeurs sociales communes légitimées peut servir d’analyseur pour observer la forme spécifique du développement d’une société civile.
PROBLÉMATIQUE
2Le développement économique et les mutations sociales de la Chine ont largement mobilisé l’attention de chercheurs. Mais contrairement à l’orientation générale de la transformation économique qui fait consensus, les controverses sont nombreuses dans le milieu académique concernant la transition sociale. La question au cœur de ces polémiques est de savoir si la transformation de la société chinoise rend compte du développement d’une société civile. Les réponses divergent. L’origine du débat réside dans la manière dont ces positions sont justifiées. Il est intéressant de constater que tous les participants à ce débat s’emploient à convaincre en s’appuyant sur les organisations. Il est clair qu’ils en partagent la définition et les critères d’analyse : c’est-à-dire qu’ils se basent sur l’existence, ou non, d’organisations sociales indépendantes afin de montrer qu’une société civile se développe, ou non, en Chine. Ce type d’approche a exercé une grande influence sur de nombreuses disciplines. Dans les milieux académiques étrangers et chinois, le développement des organisations est généralement accepté comme critère d’analyse pour mesurer le niveau de développement de la société civile. Par exemple, les historiens se centrent sur le développement des organisations sociales populaires – groupes de notables ruraux, associations commerciales dans les villes, rassemblements autour des marchés. Ils tentent de prouver qu’il existe en Chine un espace public organisé avec ses activités, également appelé « troisième espace » (Huang, 1993). Les politologues mettent en avant la croissance des forces sociales et de leurs formes d’organisation – développement de la participation sociale et du vote – afin d’en éclairer la progression (White, 1993 ; He Baogang, 1997 ; Howell, 2004). Quant aux sociologues, ils observent l’organisation des liens sociaux, en particulier les sous-organisations regroupant des intérêts communs – le développement de communautés civiles et d’organisations à but non lucratif – afin de mettre en lumière leur rôle, qui diffère de celui des organisations officielles, dans la construction de la société civile (Nee, 1996 ; Whyte, 1992 ; Cai Xiaoli, 2006). Toutes ces problématiques de recherche suivent le même modèle fondé sur le raisonnement suivant : le développement des organisations sociales, l’établissement de leur autonomie et l’expansion de la société civile. Ainsi, l’essentiel du travail des chercheurs consiste à observer si les alliances sociales passées et actuelles sont « organisées » et si elles possèdent des fonctions indépendantes de l’État. Ce paradigme est dominant, voire même représente l’unique outil d’analyse, jusque dans les rapports annuels de la Banque mondiale. Ainsi, ce paradigme est utilisé comme unique critère, et fait de la croissance quantitative des organisations populaires (non lucratives) la preuve principale du développement de la société civile dans un pays. Il importe cependant de souligner que les conclusions sur la Chine à l’aide de ce paradigme sont contestables.
3De nombreuses recherches ont montré que, s’il existe en Chine une tradition d’organisations sociales non officielles assez importantes, celles-ci sont dépourvues d’autonomie et de valeurs propres. Par exemple, Kong Feili a indiqué que les communautés citadines et les groupes de notables, généralement considérés comme l’expression d’un équilibre avec la puissance de l’État, n’ont cependant, dans toute l’histoire du pays, jamais défié le pouvoir officiel. Qui plus est, leur rapport avec le système officiel était le plus souvent une relation de coopération et non pas d’équilibre. Ceci indique que le rôle fondamental des groupes de notables dans les campagnes était de servir de pont entre l’État et la société (Kuhn, 1994). Traditionnellement, la réalisation des principales tâches des gouvernements locaux, comme la collecte des taxes, reposait souvent sur des canaux populaires informels. Par conséquent, les groupes de notables faisaient partie des gouvernements locaux informels, le pouvoir local se situait et se répartissait de manière informelle entre les deux groupes formés d’un côté par les mandarins (le gouvernement) et de l’autre par les notables (le gouvernement informel) (Qu Tongzu, 2003). De nombreuses organisations locales revêtant une apparence d’organisations sociales subordonnées ont été créées en s’appuyant sur des relations sociales spécifiques ; elles pouvaient donc difficilement forger des valeurs communes. Il est par conséquent impossible de les définir comme des organisations sociales ayant véritablement une portée commune (Zhang Jing, 2003). Les travaux de Dorothy J. Solinger sur les villes chinoises contemporaines ont montré que l’objectif des groupes d’entrepreneurs et des chambres de commerce n’était pas de défendre leur autonomie, de conserver une distance et des frontières claires avec le système officiel, mais de fusionner avec celui-ci en vue de maximiser leurs intérêts communs. Grâce à leurs relations avec le pouvoir officiel, les communautés de commerçants ont accès à des opportunités de marché, des politiques préférentielles et des autorisations de financement, pendant que les fonctionnaires tirent des revenus économiques de cette aide qu’ils apportent aux entrepreneurs (Solinger, 1993). Cette structure relationnelle si particulière est appelée par Wank un « système communiste commercialisé » (Wank, 2001). Les recherches sur la circulation des fonds dans les organisations à but non lucratif montrent que la majorité des organisations non-gouvernementales (ONG) sont créées entièrement, ou en partie, par le système officiel. Leur fonctionnement – incluant leurs objectifs, leurs principes, leur structure et leurs règlements – ne présente aucune différence notable avec celui des organisations officielles (Kang Xiaoguang, 2001). Il est évident qu’une telle structure ne peut être interprétée à partir des couples « pouvoir/marché » et « État/société ».
4Ces contestations et conclusions soulèvent des questions complexes.
5Notre recherche montre que, bien que les structures définies ailleurs comme des organisations sociales soient également apparues en Chine, leur nature, leurs actions et leurs fonctions ne possèdent pas les caractéristiques que l’on reconnaît à la société civile – c’est-à-dire des fonctions publiques, une indépendance et une contribution à la croissance de la société civile. Nous en déduisons que, dans différentes configurations institutionnelles, les mêmes organisations sociales peuvent remplir des fonctions différentes. Ainsi, en Chine par exemple, si ce que l’on appelle des organisations sociales existent, il est nécessaire de procéder à un examen minutieux du contenu de leurs activités et des objectifs de leurs actions pour pouvoir définir leur rôle réel dans la constitution d’une société civile.
6Sur le plan des outils d’analyse, cette particularité confronte les chercheurs à un défi : étant donné les spécificités des organisations chinoises et de la structure sociale du pays, la seule approche par les organisations peut difficilement apporter des solutions satisfaisantes à la problématique de la société civile. Ce point soulève la question du degré de sensibilité de cet indicateur des organisations (Mutz, Benda, Meng Lingqi, 2006). Cet indicateur peut-il refléter efficacement et dans sa totalité le développement de la société civile en Chine ? Dans une telle société, le développement des organisations peut-il servir de preuve valable d’existence d’une société civile ? L’utilisation d’un critère unique permet-elle de mesurer précisément le développement de la société civile en Chine ?
7Si l’on va plus loin dans la réflexion, le développement de la société civile en Chine, ainsi que son observation, doit-il suivre la norme d’autres sociétés ? Ou peut-il se produire sous une forme « anormale » ? Si tel est le cas, outre l’indicateur des organisations, d’autres développements sociaux en Chine ont-ils des conséquences sur la société civile ? Quels sont les faits reflétant cette évolution ? D’autres critères plus sensibles peuvent-ils nous aider pour l’observation et l’interprétation ? Quels critères peuvent nous permettre de saisir les indices d’un tel développement profond de la société et refléter avec précision la conscience de la société civile et la diversité des comportements ?
HYPOTHÈSES ET MÉTHODOLOGIE
8Nous souhaitons proposer un autre critère d’analyse – la justification des normes de légitimité dans les discours sociaux – afin de mieux comprendre l’évolution de la société chinoise et notamment la réalité du développement de la société civile. La raison a été évoquée plus haut : étant donné le contexte chinois, l’emploi de l’unique critère des organisations comporte le risque d’erreur d’interprétation et, de plus, représente un faible outil de mesure du changement. Toutefois, si nous abandonnons le critère habituel des organisations pour nous intéresser aux membres de la société eux-mêmes – leurs opinions, attitudes, discours et activités – et analysons les logiques de jugement que les gens ordinaires développent sur les affaires publiques, certaines mutations sociales majeures devraient émerger plus aisément. C’est pourquoi nous tenterons, en nous fondant sur des discours sociaux, d’étudier les jugements que la population porte sur des actes criminels et interprèterons les logiques qu’elle adopte lorsqu’elle légitime (ou non) de tels actes. C’est ce que nous appelons la « justification de la légitimité ».
9L’adoption de cet outil d’analyse est fondée sur les hypothèses suivantes :
101. Lorsqu’il produit un jugement, le discours social est susceptible de refléter la logique de justification des membres sociaux envers autrui et envers des actes sociaux ; de plus, il est fondé sur une certaine conception de la justice sociale. La conception de la justice largement partagée par les membres de la société peut non seulement refléter l’idéologie et les valeurs de la société, mais également exercer une influence sur l’adoption des règles institutionnelles par les individus et leur soumission à l’ordre établi. Le discours social est par conséquent un moyen pertinent pour repérer les indices du développement de la citoyenneté, que sont le partage, la reconnaissance, l’intéressement et la participation. Ces indices sont de même nature que le développement de la société civile.
112. L’importance de ce point s’explique par le lien entre l’adhésion sociale et le changement de système. La théorie du changement de système a déjà montré que, bien qu’ils soient imperceptibles, les changements de normes de légitimité peuvent entraîner une attente de nouveaux comportements et une adhésion à de nouvelles règles, aboutir ainsi à des changements de système. La raison en est que l’adhésion sociale peut construire l’ordre et l’autorité dans la société. Une adhésion largement subjective – accord des gens sur ce qui est légitime – conduit à un changement des comportements (et des règles).
12Les développements les plus récents de la recherche sur les changements de système ont déjà montré que les transformations sociales et leur institutionnalisation s’accomplissent généralement en quatre phases successives :
- Apparition de nouveaux (et différents) comportements.
- Adoption de ces nouveaux comportements par des individus précurseurs.
- Énonciation des normes de légitimité, de règles et de nouveaux comportements.
- Adhésion sociale et diffusion ; établissement des nouvelles règles parmi les membres de la société.
13La troisième phase forme le maillon central de ce processus : l’énonciation des normes de légitimité, de nouveaux comportements et de leurs règles. Les membres de la société estiment ce qui est bon et mal, expliquent pourquoi cela est bien ou mal, en avançant des principes sans jugement. Si les arguments impliquent des valeurs communes, ils influencent le public et par là reflètent, produisent une adhésion encore plus large. De plus en plus de gens se comporteront et jugeront autrui à partir de nouvelles justifications. Par conséquent, l’exposé sur la justification des normes de légitimité est le point clef de la production de nouvelles règles (Rao, Monin, Durand, 2003).
143. La justification des normes de légitimité peut nous aider à observer comment les règles institutionnelles sont légitimées (ou non). Le degré de proximité ou de distance entre les justifications de la légitimité que défend la société d’une part, et l’idéologie officielle et les principes de base des textes de loi d’autre part, nous aident à cerner des tendances sociales cachées, leur nature et leur sens.
15L’outil d’analyse que constitue la justification des normes de légitimité éclaire les phénomènes d’adhésion sociale et accorde une grande attention aux évolutions que connaissent les idées partagées par les membres de la société. Il représente ainsi un outil plus précis et sensible pour observer la citoyenneté. Il n’est pas soumis à un contexte organisationnel spécifique. Toute pratique conforme aux principes de la société civile – attitudes, actions et habitudes – devient importante. L’adoption de cette approche permet de déceler un plus grand nombre de signes du développement de la société civile : la conscience citoyenne, les idées de justice sociale, les raisons et fondements de la légitimation de certains comportements par les membres de la société… Cet outil permet d’évaluer la société civile en portant l’attention sur les croyances publiques, la morale et les valeurs que possèdent les gens ordinaires. Par rapport au critère des organisations son avantage est qu’il permet d’apporter plus facilement des solutions aux problèmes difficiles. Par exemple, quels sont les critères et les logiques de construction sociale des actes corrects ? Existe-t-il des principes déterminés qui sont le plus souvent utilisés ? Comment la société définit-elle ces principes ? Comment les discours sociaux participent à cette définition ? Quels sont les nouveaux principes que les membres de la société sont en train d’accepter comme étant de nouvelles valeurs ? Quels sont les différents principes sur lesquels se fondent l’ancienne et la nouvelle définition ? Y a-t-il eu des changements dans ce domaine ? Que signifient ces changements ? Ces questions nous aident à dévoiler la tendance des changements qui se dissimule au plus profond de la société.
16Il est clair que les questions soulevées par cette approche diffèrent de celles de l’analyse par les organisations. En effet, nous pensons que les transformations que connaissent les organisations sont le résultat de ces adhésions de la part des membres de la société. L’évolution des principe d’adhésion joue un rôle crucial d’incitation : la diffusion d’un principe de légitimité incite les membres de la société à abandonner l’ancienne définition dominante et à adopter le nouveau principe ainsi que les nouvelles règles institutionnelles. Si la société civile signifie l’apparition dans la société d’une série de valeurs, principes, organisations et règles, et leur institutionnalisation progressive, alors un changement dans la justification des normes de légitimité des discours sociaux révèle une conscience citoyenne de l’adhésion et du partage d’idées entre les membres de la société. Au contraire, en nous centrant uniquement sur les organisations, nous risquons de négliger ces mutations fondamentales : en effet, une structure qui porte le même nom qu’une organisation de la société civile pourrait exercer une influence dans des domaines qui n’ont strictement rien à voir avec la citoyenneté.
17Notre recherche utilise la méthode qualitative d’étude comparative de cas, privilégiant la description des principales tendances des changements, et non la mesure de leur représentativité. Ce dernier travail nécessiterait de réaliser également des recherches quantitatives. La comparaison des cas concrets s’organise autour de deux concepts : les « frontières symboliques » et les « ordres de justification ». Le premier concept renvoie aux critères utilisés par les individus pour dessiner les frontières et classer les groupes, comme par exemple, distinguer « nous » et « eux », ou pour établir des groupes (les bons, les mauvais, les amis, les ennemis, les riches, les pauvres, les dominants, les précaires…), afin de pouvoir distinguer et catégoriser. Le second concept se réfère à la manière dont les principes de la justification sont ordonnés, et pose en particulier deux questions : comment différents principes deviennent dominants ? comment évolue cette hiérarchie des principes ?
18Ces deux concepts sont nés de développements récents de l’analyse sociologique. Nous sommes d’accord avec Michèle Lamont (2005) pour dire que chaque ethnie/nation connaît des parcours historiques et institutionnels particuliers, de sorte que leurs membres utilisent plus facilement certains outils spécifiques. Différentes ethnies/nations peuvent avoir recours à différents outils pour construire et évaluer l’univers qui les entoure (Lamont, Thévenot, 2005). Cependant, la vertu de ces deux concepts permet de traiter de problématiques générales : ils facilitent l’observation et la mesure de différentes situations sociales, et leur comparaison. De plus, ces concepts peuvent résoudre des problèmes singuliers, et permettent en particulier d’étudier les critères et les ordres de justification des classements entre groupes que manipule une société donnée.
19A l’aide du concept de « frontières symboliques », nous étudierons les critères appliqués par le discours social pour distinguer une identité, ici celle du « criminel ». Nous observerons les critères mis en œuvre pour dessiner une ligne de démarcation entre les « bons » et les « mauvais » (et classer les individus en différents groupes), et les critères utilisés pour distinguer l’identité spécifique des personnes impliquées dans des affaires criminelles. Nous regarderons les éventuelles évolutions de ces critères dans les trois cas étudiés. En nous appuyant sur le concept d’ordre de la justification, nous mettrons l’accent sur la fréquence des différentes justifications utilisées, afin de faire émerger la primauté de certains principes. Nous souhaitons découvrir des principes importants auxquels les gens adhèrent et mettre en lumière ceux qui tiennent une place dominante.
20En résumé, en nous appuyant sur cette méthode, nous nous concentrerons sur trois points essentiels : premièrement, la détermination des frontières symboliques : quels critères sont employés par les gens pour qualifier des actes de criminels ? Deuxièmement, les ordres de justification : quels sont les arguments les plus couramment utilisés pour juger de la culpabilité ? Comment sont-ils hiérarchisés ? Troisièmement, l’évolution des ordres de justification : sur la période que nous couvrons (30 ans), quelles évolutions ont connu ces critères, arguments et ordres ? Que signifient ces changements ?
TROIS CAS D’AFFAIRES PÉNALES ET DISCOURS SOCIAL
1. L’Affaire Wang Ping : la justification par le comportement politique
21En 1968, un inconnu mendie devant la gare routière de Linfu dans l’Anhui. Un groupe d’habitants locaux l’interroge sur le lieu d’origine et les raisons de sa présence. Il s’exclame : « Je suis révolutionnaire. » Les gens restent incrédules : « Si tu es révolutionnaire, pourquoi ne pas retourner chez toi faire la révolution et participer à la production ? Pourquoi venir ici pour “faire la manche” ? » Parmi les locaux se trouve Wang Ping qui affirme que l’inconnu est le chef d’une organisation criminelle locale. Il va dans la cantine de la gare prendre un bâton gros comme une tasse à thé et frappe violemment les jambes de l’inconnu jusqu’à ce que celui-ci tombe à terre. Beaucoup de gens participent à cette bastonnade. La scène attire une centaine de badauds, et il devient difficile pour les voyageurs de pénétrer dans la gare. Au bout d’un moment, le directeur de la gare leur ordonne de ne pas rester rassemblés ainsi. Mais l’inconnu ne respire déjà plus. Certains proposent de l’enterrer, et Wang Ping soulève le corps et l’enterre dans un cimetière.
22Par la suite, une enquête dévoile l’identité de la victime qui portait le nom de famille Chen. Il avait fait son service militaire, avait été promu chef d’escouade puis chef de peloton et avait accompli des exploits militaires. La confirmation de cette identité révolutionnaire change radicalement la nature de l’acte de Wang Ping (Wang Guoqin, 2005). L’affaire sort de l’indifférence pour devenir localement la célèbre affaire de l’« enterrement d’un vivant ». Le 27 août, détenu par la police, Wang Ping se défend en disant qu’il croyait que la victime était le chef de l’organisation des « cinq lacs et quatre mers » qui avait mis le feu à plusieurs centaines de tonnes d’herbe appartenant à l’usine de papier d’État Dongfang.
23Peu après, une discussion sur la culpabilité de Wang Ping a lieu avec la population de Linfu. Les comités de quartier Yongjian, Yuejin, Zhongxing, les groupes de production Dagong, Huashu, la coopérative de service, le comité révolutionnaire Jianzhu, le groupe d’études de la station d’approvisionnement, etc., convoquent plusieurs réunions de dénonciation et d’analyse. Le commissariat local, le comité révolutionnaire et le service de défense du peuple mènent de nombreux entretiens, prennent connaissance de l’opinion publique et enregistrent dix neuf procès-verbaux d’entretiens. Sur la base de cette vaste enquête, le commissariat prononce : « Wang Ping est un élément dégénéré qui refuse de se corriger malgré de nombreux avertissements, et qui produit une influence néfaste sur la société. Pour éduquer l’intéressé et défendre la sécurité publique, nous demandons un châtiment, conformément à la loi. »
24La lecture des procès-verbaux fait émerger les principaux titres d’accusation :
L’accusé a toujours eu une conduite politique médiocre
25Il « transgresse les règlements de production ; ne participe pas aux séances d’étude politique organisées par son unité de travail ; trouble le recrutement militaire ; enfreint la loi matrimoniale ; loge des personnes de provenance inconnue ; lie des relations avec des éléments impropres ; ne déclare pas son hukou ; ne demande pas de congé lorsqu’il s’absente ; exerce la vente privée de cigarettes en espérant en tirer des profits importants ; il mène une vie aisée et mange toujours de la viande, il peut à tout moment sortir une liasse de billets de 5 yuans de sa bourse ; il a déclaré qu’il allait tuer le cadre révolutionnaire Liu, a injurié publiquement le cadre municipal Lu, en disant qu’ils étaient “plus cruels que des bandits” ; il est hostile au gouvernement populaire et insatisfait des politiques du Parti. Dans ses discours il attaque constamment la ligne politique, le Grand bond en avant et les communes populaires. »
La victime avait réalisé des exploits militaires et était un paysan pauvre :
26« La victime venait d’une famille de paysans pauvres, il avait rejoint l’Armée de la huitième route. Il avait lutté contre les orgueilleux fascistes japonais, participé à la guerre de Corée et combattu les impérialistes américains armés jusqu’aux dents. Il avait accompli de grands exploits militaires ; c’était un bon camarade qui avait rendu de nombreux services à l’État et au peuple. » Les masses demandent « l’exécution de Wang Ping, parce que la victime était un paysan pauvre… »
L’acte de Wang Ping avait une visée politique
27« L’ignoble objectif politique de Wang Ping était de renverser la dictature du prolétariat et de réaliser le rêve de restauration du capitalisme (…), de faciliter la libération des ennemis de classe et de comploter. Il a fourni des armes empoisonnées afin de diffamer la Révolution culturelle et faciliter la propagande contre-révolutionnaire de ses maîtres, tenté en vain de calomnier l’influence mondiale et la portée historique de la Révolution culturelle. » « Par le meurtre il a cherché à atteindre son unique objectif : instaurer le chaos. » L’acte de Wang Ping « est anarchiste et porte atteinte au système socialiste de notre pays… S’il n’est pas exécuté, il doit être condamné à perpétuité. »
L’affaire Wang Ping relève d’une question de lutte des classes
28« Wang Ping n’est pas un assassin ordinaire. C’est un assassin contre-révolutionnaire. Il appartient à la troupe des impérialistes-révisionnistes-contre-révolutionnaires. C’est notre ennemi le plus farouche. » Dans l’annexe de l’affaire, on trouve trente sept « avis du peuple » datés du 5 septembre 1970. Beaucoup ont été rédigés sur de petits morceaux de papiers, des feuilles de cahiers d’exercices, des bouts de paquets de cigarettes ou d’emballage de nourriture, voire de papier toilette. Ces avis sont remplis de slogans comme « N’oublions jamais la lutte des classes », « Exigeons avec force l’exécution par balle immédiate de Wang Ping ! » « A bas l’assassin Wang Ping, renforçons la dictature du prolétariat ! »
Les conséquences sociales nuisibles de l’acte de Wang Ping
29« L’assassinat de Wang Ping a fait surgir de mauvaises habitudes à Linfu. Les bagarres, les jeux d’argent, la spéculation, les actes répréhensibles ne cessent d’augmenter. Les paysans ne s’investissent plus dans les labours de printemps, ils ne s’intéressent qu’aux affaires entre hommes et femmes. Vieux et enfants ne sont pas bien nourris, ne dorment pas tranquilles. Cela affecte gravement la Révolution culturelle et l’ordre social souffre d’atteintes sans précédent depuis la fondation de la Chine nouvelle. »
30Dans cette affaire criminelle des années 1960, la majorité des avis des masses met en avant la justification que l’accusé est un criminel et se fonde sur le critère du positionnement politique. Leur logique repose sur la conduite politique constante de l’accusé, conclut sur ses positions erronées, afin de le classer dans la catégorie des ennemis politiques. À cela s’ajoutent les informations sur l’identité d’« homme bon, ayant accompli des exploits » de la victime qui ont conduit les masses à l’identifier comme un « soldat révolutionnaire ayant rendu de grands services ». À partir de ces données on a déduit le caractère « politique » du motif, de la nature et des conséquences sociales de l’acte criminel de Wang Ping. En particulier, les discours prononcés par l’accusé contre le régime au cours de ses activités sociales ont constitué, pour les masses, le principal argument pour juger de sa position politique. En même temps, ce dernier point est considéré comme directement lié à cette affaire. Les critères de base dont les gens usent pour distinguer les bons des méchants (frontières entre groupes), sont l’attitude et la conduite politiques quotidiennes vis-à-vis du régime.
2. L’Affaire Jiang Aizhen : la justification de l’indignation par la raison
31En 1979, Jiang Aizhen, une jeune femme d’un détachement de construction dans le Xinjiang, est l’objet de rumeurs l’accusant de « mauvais comportements avec les hommes ». Son unité de travail organise une série de réunions au cours desquelles elle se voit incitée à ne pas continuer à entretenir de telles relations incorrectes. Dazibaos et caricatures sont affichés sur les murs, des qualificatifs obscènes sont utilisés. Ces activités empêchent les gens de s’approcher d’elle et la laissent dans l’injustice et la solitude, ce qui entraîne chez elle une perte de lucidité. Mais l’on juge qu’elle ne fait que feindre. Jiang Aizhen demande à plusieurs reprises aux niveaux supérieurs à ce qu’une enquête à son sujet soit organisée et que les personnes qui propagent ces rumeurs soient punies afin qu’elle puisse être blanchie. En vain. Dans ces circonstances, elle tire sur trois personnes, dont un cadre du détachement, et les tue. Elle est par la suite condamnée à mort pour « meurtres contre-révolutionnaires ». Les trois victimes sont classées comme « martyrs révolutionnaires ». L’unité de travail organise des funérailles solennelles, offre des couronnes mortuaires, puis certains membres du personnel concernés par cette affaire sont rapidement mutés ou promus. Peu après, le tribunal du niveau supérieur reçoit de nombreuses lettres des masses qui exigent une révision du verdict. Certains articles de journaux commencent également à douter de la justice dans cette affaire, impulsant un vaste débat au sein de l’opinion.
32Dans leurs lettres, les masses estiment que si Jiang a commis un meurtre, elle ne méritait pas la peine capitale. Les raisons de leur opinion sont les suivantes :
Jiang Aizhen avait des idées politiques progressistes.
33Elle « avait un comportement honnête, sérieux, réservé et n’avait pas l’air de commettre des actes répréhensibles. Elle participait activement au travail et avait des idées politiques progressistes. Elle avait été admise à la Ligue de la jeunesse communiste en 1973, et au Parti en 1976. La même année, elle avait été élue membre du comité de cellule du Parti et secrétaire de cellule de la Ligue. » De plus, « dans cette affaire, Jiang avait vainement cherché le soutien des dirigeants et du Parti, rédigé une plainte et en avait appelé au directeur du détachement », mais en vain.
Il ne lui restait que le meurtre pour punir les auteurs de la rumeur.
34« Faute de retour des autorités concernant sa plainte, sans autre solution, elle n’a commis les meurtres qu’après avoir été violemment blessée. » « Sa propre responsabilité mise à part, il ne faut pas ignorer les trois facteurs suivants : premièrement, Li et Xie étaient effectivement les auteurs des rumeurs ; deuxièmement, Yang avait de facto violé la loi en convoquant des réunions de critique au nom du Parti, en collant des affiches, en provoquant des mouvements politiques et en créant une commission spéciale, dans le but de forcer Jiang à se confesser publiquement ; troisièmement, certains dirigeants du détachement étaient partiaux et avaient un comportement bureaucratique. »
Victime de ces tourments, Jiang a agi par indignation et non par vengeance.
35« Elle était victime de violations de sa liberté personnelle, et était tourmentée par ses accusateurs. Par exemple, son unité de travail l’avait convoquée une dizaine de fois pour discuter, l’obligeant à écrire des autocritiques. Son groupe avait également organisé des assemblées de dénonciation et exigeait qu’elle avoue ses fautes ; l’unité de travail lui avait imposé des examens gynécologiques ». Son unité de travail avait rédigé des rapports « au nom des masses » destinés au comité du Parti du niveau supérieur mais avait également influencé l’opinion publique et exercé des pressions psychologiques ; les enfants l’insultaient dans la rue. « Ces persécutions ont provoqué chez elle une indignation extrême, lui faisant perdre le contrôle de ses actes. Sans cela, elle ne serait pas allée jusqu’à tuer. »
La révolte de Jiang était une cause juste.
36Étant donné l’injustice qu’elle subissait, sa lutte était perçue comme juste et suscitait l’admiration. Dans tout le pays, des milliers d’ouvriers, de paysans, de cadres, d’étudiants et de soldats de l’Armée Populaire de Libération ont écrit aux autorités judiciaires afin de demander une peine allégée. « Cela exprime la voix, le souhait et le sentiment du peuple. » Trois compagnies hongkongaises ont organisé un mouvement de pétition dans la région de Kowloon à Hongkong afin de réclamer qu’elle « garde la vie sauve ». Pendant cinq mois, d’octobre 1979 à mars 1980, des magazines ont reçu 15 000 lettres. Le tribunal de Shihezi a reçu 833 courriers en provenance de différentes provinces et de l’étranger, signés d’individus ou de collectifs. Des gens envoyaient de l’argent et des objets, demandaient Jiang en mariage, la reconnaissaient comme leur fille, ou encore proposaient de devenir gratuitement son avocat. Pendant sa détention en prison, des lettres de consolation lui ont été envoyées par les masses. Celles-ci estimaient que si le crime de Jiang méritait bien une punition en vertu des lois, Jiang n’était pas un élément contre-révolutionnaire ; elles exprimaient le souhait d’une peine allégée et que, simultanément, soit ouverte une enquête contre les auteurs de la rumeur. Avant le procès en appel, la cour avait déjà ouvert mille auditions publiques, mais au moment du procès en appel, de nombreuses personnes venues de partout ont demandé à être entendues. Il existait également une opinion contraire qui estimait que ceux qui la persécutaient étaient coupables, mais que cette culpabilité ne méritait pas la mort, et que par conséquent, l’élévation de Jiang au rang d’héroïne représenterait une violation de la justice. Cependant ces voix étaient faiblement entendues.
37Bien que les trois victimes aient été des « cadres révolutionnaires », les commentaires publics sur cette affaire dans les années 1980 utilisaient très peu ces expressions de « révolutionnaire » ou de « contre-révolutionnaire » pour distinguer les identités des personnes impliquées. Au contraire, les commentaires se référaient au critère suivant : est-ce une « personne bonne » ? Est-elle « bonne » envers autrui ? L’unité de travail de Jiang Aizhen a tenté de recourir au critère politique, mais le discours social ne l’a pas accepté. Au contraire, les commentaires dans la presse estimaient que les manières de procéder d’une partie des dirigeants de l’unité de travail avaient porté atteinte à la réputation de Jiang, conduisant au drame ; il n’était donc pas correct d’utiliser les discours révolutionnaires ou contre-révolutionnaires comme titres d’accusation. Dans ce débat sur la culpabilité de Jiang, l’opinion publique plaçait le principe de justice contre les persécutions avant le principe « le meurtre appelle la mort ». Cette logique reposait certes sur une comparaison entre l’accusée et les victimes, il ne s’agissait plus de comparer les statuts et les positions politiques mais les comportements de chacun. Les individus estimaient que la légitimité du meurtre de Jiang était construite à partir des torts commis contre elle par les trois personnes tuées. Il faut noter que, dans cette logique, la conduite politique de Jiang au quotidien a joué un rôle limité. La signification politique ne reposait déjà plus sur le positionnement politique de Jiang, mais sur le fait de savoir si elle possédait des idées progressistes et si elle avait aidé les autres en prison. Un tel changement indique que les gens avaient déplacé leur jugement de positions politiques vers le comportement réel (donc relativement moins politisé) : la personne est-elle honnête et aide-t-elle les autres ?
3. L’Affaire Wang Binyu : la justification par le système social
38En 2005, Wang Binyu, paysan-ouvrier originaire du Gansu, réclame à maintes reprises à son patron l’année de salaire que celui-ci lui doit, à chaque fois sans résultat. Au contraire il est systématiquement injurié et chassé. Un jour, armé d’un couteau, il pénètre par effraction chez son patron et demande à nouveau son salaire, mais une dispute violente éclate. Wang tue quatre personnes et en blesse grièvement une cinquième. La cour le condamne à la peine capitale. Cette affaire suscite un vaste débat public sur internet. Des sondages d’opinion menés en ligne donnent à voir que la plupart des internautes sont opposés à ce verdict.
39Êtes-vous d’avis que Wang Binyu mérite la peine de mort ?
40Le meurtre d’un innocent mérite bien sûr cette peine......... 6,4 %
41Malgré ma compassion, il ne peut que payer de sa vie....... 18,4 %
42La peine devrait être réduite au regard des circonstances...... 44 %
43Wang se révolte contre l’injustice, c’est un héros........... 38,4 %
44Je ne sais pas........................................ 0,8 %
45Les opinions contre la peine capitale dans cette affaire reposent sur les arguments suivants :
Wang Binyu fait partie de la population précaire
46« Ils sont tous des victimes innocentes. Exploités longuement et violemment par les catégories supérieures et les “grands”, ils sombrent dans des abîmes de désespoir. Le système social qu’ils côtoient ne leur manifeste qu’une indifférence glaciale, ils ignorent leur misère qui les accable toujours un peu plus, ce qui les pousse dans un désespoir extrême. »
Wang Binyu a été privé de ses droits légaux
47« Il sont exploités par les dominants et les “grands”, et le système actuel ne leur accorde aucun droit de résistance légitime. Ils recherchent des modes légaux et légitimes pour résister, mais à force d’échecs, ils sont poussés à bout et choisissent des modes non légaux et non légitimes, ce qui mérite certainement compréhension et compassion. » « La revendication de Wang Binyu est rationnelle. Il s’est d’abord tourné vers le contremaître, le bureau du travail et le tribunal, sans prononcer de paroles de colère, mais il ne lui est plus rien resté d’autre que de placer un couteau sur le cou de quelqu’un. » « L’affaire de Wang est comme un miroir qui reflète les regrettables insuffisances en ce qui concerne la protection des droits légaux des paysans-ouvriers (mingong). » « Les intérêts des paysans-ouvriers sont sans cesse bafoués, reflétant une perte de leurs droits. »
Les pouvoirs publics n’ont pas su défendre efficacement la justice
48Les dispositifs actuels de règlement des différends ne protègent pas suffisamment cette catégorie sociale à laquelle appartient Wang Binyu, catégorie qui n’a aucun moyen d’assistance. En l’absence d’une telle assistance par l’État, malgré la gravité du crime, celui-ci est partiellement attribuable à la responsabilité de la société ou de l’État. « Pourquoi incombe-t-il seulement au faible d’assumer les conséquences négatives ? Est-il juste d’accuser uniquement l’un des protagonistes lorsque les exclus acculés dans une impasse recourent à la violence et à des actes “irrationnels” ? » (…) « Ces conséquences ou ces coûts doivent être à la charge de tous les citoyens y compris les dominants. » Les gens comme Wang Binyu qui ne peuvent bénéficier d’un secours efficace à temps, et qui de plus sont victimes d’atteintes à la loi (car le non paiement des salaires est une infraction), ne doivent pas assumer l’entière responsabilité des actes de vengeance exécutés dans ces circonstances. « L’interdiction de châtiments privés et d’actes de vengeance par la justice moderne possède une condition préalable : les pouvoirs publics sont en mesure de mettre en œuvre efficacement la justice et l’égalité. Si cette condition n’est pas remplie, ou subit des attaques, les châtiments privés et les actes de vengeance sont légitimes. »
Les juristes : respecter la procédure malgré le manque de justice
49Il est important de constater que l’avis des professions juridiques diffère de celui de l’opinion publique. Les juristes estiment que « les reportages dans la presse ne doivent pas interférer avec un jugement indépendant, il s’agit là d’une règle d’or dans un État fondé sur la loi. » Ils rappellent ainsi aux médias que : « Il faut être vigilant et ne pas laisser s’amplifier une telle affaire, et veiller à ce que les émotions concernant les problèmes sociaux ne dépassent pas des limites professionnelles strictes, au risque de mettre en danger le socle de la loi. » Certains professionnels du droit s’interrogent : « L’ingérence de l’opinion publique dans un procès en justice n’enfreint-elle pas la procédure ? »
50L’opinion des internautes sur l’acte de Wang Binyu se construit autour de deux logiques. D’une part, la population précaire subit de la part des dominants oppression et injustice. L’acte de Wang est lié à cette situation sociale. D’autre part, les canaux d’assistance publique étant entravés, si la société se montre incapable de punir efficacement les actes illégaux (comme le non-versement des salaires), les Wang recourront à des moyens extrêmes pour se faire justice. Dans ces discussions sur l’acte de Wang, ces deux logiques le dépassent et cherchent à désigner des facteurs plus généraux : la situation où se trouve le groupe social dont il fait partie et la capacité d’assistance du système social. Les opinions des internautes pointent du doigt les obstacles au règlement des problèmes « injustice » par le système social, qui ont fait que Wang n’avait d’autre choix que le recours à des moyens extrêmes pour régler lui-même le problème.
51« Lui, ses frères et sœurs de misère mènent une vie plus pitoyable que les bêtes, mais il n’a pas pensé à voler ou à braquer » ; « Pourquoi Wang Binyu est-il si désespéré ? Pourquoi ces paysans-ouvriers qu’il représente sont-ils si désespérés ? C’est simple : son adversaire est extrêmement puissant. Un contremaître est comme un dictateur qui décide seul s’il donne le salaire ou non. Pourquoi Wang ne peut-il rien faire contre cela ? Parce qu’il est trop faible, trop précaire… le nœud du problème est l’absence d’une expression organisée, l’absence de canaux d’expression institutionnels. Par exemple Wang Binyu se tourne vers la justice, mais la cour met longtemps avant d’examiner son dossier ; il se tourne ensuite vers le Bureau du travail, mais il ne peut lui venir en aide car il est débordé. Est-ce que Wang peut se tourner vers quelqu’un d’autre ? Non, il n’y a personne d’autre. Alors, il ne lui reste plus que l’autodéfense. Or ce canal n’est pas forcément efficace, et il conduit facilement au crime. »
52La logique à la base de ces discussions est l’identification de la position du groupe auquel appartient Wang. Une telle position ne repose pas sur l’attitude politique ou le comportement général de l’intéressé, mais sur la situation du groupe social – situation économique (les biens), sociale (le statut) et politique (les droits légaux). Cette position du discours public condamne le système actuel pour n’être pas équitable envers certains groupes. Ces nouveaux critères de jugement adoptés par les individus mettent en avant la généralisation de certaines valeurs : l’égalité sociale et la justice du système. En mettant en œuvre ces principes, le discours social analyse les actes des personnes concernées en se plaçant sur le plan des groupes et des systèmes, estimant que l’apparition de comportements individuels radicaux est une conséquence inévitable de l’inégalité et de l’injustice auxquels sont soumis les groupes sociaux en question.
53Cette logique renforce encore une fois une expérience qui était tombée dans l’oubli – la politisation des affaires pénales comme cela avait été le cas de l’affaire Wang Ping dans les années 1960. Cependant apparaissent des critères différents : la position politique cède la place au statut social et à l’égalité dans le système. Les gens commencent d’abord par procéder à un classement des personnes concernées par une affaire, afin de situer les intéressés au sein de catégories, mettant en exergue les difficultés et les privilèges, les brimades, les humiliations ; ils redirigent l’acte criminel : ils ne regardent pas si l’attitude politique de l’intéressé est conforme à l’idéologie dominante, ils préfèrent saisir le fait que Wang et son groupe font partie des laissés-pour-compte du système, et que, face à une situation d’injustice qui n’est ni rectifiée, ni traitée efficacement, de tels individus commettent progressivement des actes violents. Dans cette affaire Wang Binyu, le discours social n’est plus centré sur le caractère progressiste, ni les idées politiques de l’intéressé, mais sur son appartenance à un groupe occupant une certaine position économique et politique : on regarde si l’intéressé respecte la loi, si la procédure respecte les règlements, et s’il a été traité de façon juste. On constate d’ailleurs sur Internet des divergences d’opinions selon les groupes. Les professions juridiques s’intéressent à l’indépendance de la justice. Mais le critère de justice qu’ils mobilisent se réfère au respect absolu de la procédure judiciaire et à la non-ingérence des médias et des masses dans le verdict. Le grand public se focalise au contraire sur les inégalités entre les catégories sociales et l’efficacité de l’assistance du système. Ces éléments révèlent ainsi que le discours de l’opinion est plus politisé et radicalisé que celui des professions juridiques. En outre, si on le compare à ce qu’il était dans les deux cas précédents, le discours social est traversé par de profondes divergences. Les individus ne parlent plus à l’unisson, ils adoptent des critères différenciés : les uns insistent sur la rationalité et les procédures, les autres sur la précarité et la capacité de protection du système.
ÉVOLUTION DE LA JUSTIFICATIONS DES NORMES DE LÉGITIMITÉ
54Ces trois affaires qui se sont succédées sur une trentaine d’années sont riches d’informations concernant les discours sociaux à différentes époques. Certains éléments ont connu une continuité, d’autres ont connu de évolutions nouvelles. Nous pouvons dégager les changements suivants :
1. Justification de légitimité et marquage des frontières symboliques
55Un acte est-il criminel ? Qu’est-ce que la culpabilité ? Pourquoi y-a-t’il délit ? Les principales justifications du discours social ont connu l’évolution suivante : elles sont passées de la position politique à l’attitude politique, puis à la catégorie sociale ; la définition des frontières entre groupes s’est déplacée, d’une dichotomie ennemi/nous à l’opposition bons/mauvais, pour arriver à celle de pauvres/riches. Enfin, les critères se sont d’abord appuyés sur l’adhésion à l’idéologie dominante, puis sur un certain progressisme des idées et enfin le respect de la loi et l’aide proposée aux autres au quotidien, pour en arriver enfin au statut socio-économique (y-a-t’il égalité de traitement et les droits sont-ils efficacement protégés par le système ?). Une comparaison des trois affaires révèle les critères dominants dans chaque cas : la position politique occupe une place prépondérante dans la justification de la culpabilité dans la première affaire, mais s’affaiblit dans la seconde et disparaît pratiquement complètement dans la troisième où le discours social définit une « personne bonne » en fonction du respect de la loi. La tendance que l’on peut observer est donc la suivante : en ce qui concerne la légitimation des actes, le discours public renonce peu à peu à la logique de position politique ; progressivement l’attitude idéologique et les opinions politiques sont de moins en moins mobilisées dans la construction de la preuve. Autrement dit, l’évaluation de la légitimité des actes ne repose plus sur la position politique, qui n’occupe donc plus une position dominante.
2. Transformations de la logique de politisation
56Ces changements de principes ne signifient toutefois pas que la logique de politisation a été abandonnée par le discours social, mais qu’elle a connu des modifications. Par exemple, dans l’affaire Wang Ping, la logique de politisation n’est pas différente de l’orthodoxie idéologique de l’époque. Dans le cas de Jiang Aizhen, l’accent est mis sur le comportement quotidien, la recherche de progrès social (recherche admise par le système) ; c’est pourquoi l’appartenance aux organisations d’avant-garde, comme la Ligue et le Parti, montrent que cette femme a des idées progressistes. Enfin, le discours social autour de l’affaire Wang Binyu se distingue nettement d’un discours idéologique orthodoxe, il se construit sur le reproche de l’inégalité et l’injustice infligées à Wang ; les principes d’égalité sociale et de justice du système apparaissent de plus en plus comme principes de base.
57Sans aucun doute, il s’agit toujours d’une logique de politisation. Elle assigne une responsabilité au système en matière d’inégalité et d’injustice et relie les actes au système social, politique, économique et judiciaire. Ce lien est toujours concrètement construit suivant une même procédure : tout d’abord l’identité de la personne concernée est définie puis la frontière symbolique (entre les groupes) est déterminée, enfin les raisons des actes de la personne sont comprises en fonction de la situation dans laquelle se trouve son groupe d’appartenance. La tendance est claire : en ce qui concerne le jugement de l’acte et du système, le discours social tente d’utiliser ses propres principes et sa propre logique de légitimation, distincte de l’orthodoxie. Mais cette logique demeure hautement politisée. C’est le contenu de cette politisation qui a changé : il s’agissait auparavant de l’attitude et de la position politique, ensuite de la position du groupe et de la justice du système. Le discours social n’a ainsi pas modifié sa tendance : mettre en lien les actes criminels avec l’idéologie de l’État voire avec le système social et trouver dans ce lien les raisons des actes. Le discours social interprète les actes de violence entre individus comme un problème produit par le système, comme une révolte individuelle résultant des préjudices infligés aux individus, de l’inégalité entre catégories et des injustices du système social.
58Une telle compréhension possède une tendance à la radicalisation politique en refusant de considérer les affaires pénales ordinaires, par exemple les crimes, comme des menaces à la sécurité publique. Dans les affaires que nous avons présentées, le discours social analyse le meurtre comme une rébellion et un défi visant un groupe social ou lié à une injustice sociale.
3. Diversification des critères et ordre
59Le discours social a récemment intégré le critère des revenus économiques en établissant une opposition entre bénéficiaires et victimes d’une part, entre riches et pauvres d’autre part. De plus, face à différents groupes, il adopte différentes hypothèses de légitimité des actes. Le discours social accorde plus de sympathie aux individus et aux groupes occupant une position sociale relativement inférieure, disposant de peu de ressources, dont les droits sont peu protégés ; il accorde au contraire peu de légitimité aux individus et groupes occupant une position supérieure dans la société. Si on se réfère aux situations antérieures, cela montre une diversification des critères de légitimité : nous sommes passés d’un seul principe de justification de légitimité (l’attitude, la position politique) à différents principes de justification de légitimité (respect de la loi, égalité sociale, justice du système) ; d’un argument unique pour tous les actes, nous sommes passés à une diversité d’arguments qui varie en fonction des groupes et des identités sociales.
60Ce point reflète l’affaiblissement de l’argument idéologique dominant et sa transformation en une pluralité des valeurs et des positions. Le principe d’inégalité des positions est progressivement devenu le principal argument dans l’ordre du discours social. De leur côté, les professionnels attachent beaucoup d’importance au principe de procédure, lequel occupe une place peu importante dans l’ordre du discours social. Lentement, mais progressivement, le discours social et le discours des professionnels marquent leurs différences par rapport à l’orthodoxie. Le système actuel peut-il incarner l’égalité et protéger efficacement les droits des plus faibles ? Cette question se place désormais au cœur des débats sur le devoir de responsabilité.
4. Formes de discussion et participation active
61La participation au débat public a également connu une évolution, passant d’une forme organisée à une forme individuelle. L’unanimité, le recueil passif des opinions, la participation à la mobilisation, les réunions collectives, l’éducation, ont progressivement laissé la place à une participation active, une expression volontaire, différentes formes de prise de parole (par internet) qui proposent un jugement sur les affaires et espèrent influencer le verdict. Cependant, comme auparavant, l’opinion estime devoir influencer la justice, et souvent la société fait pression sur le verdict. De telles pressions ont été de plus en plus nombreuses et influentes lors d’affaires pénales récentes, montrant que le discours social intervient dans la définition de ce qu’est la justice et que les membres de la société commencent à y prendre part au lieu d’attendre et d’accepter passivement cette définition.
TENDANCES
62Du point de vue de la transformation sociale, que reflètent ces changements ?
63En premier lieu, un tournant en ce qui concerne l’adhésion des membres de la société : leurs motifs sont passés d’une position/attitude politique unique à l’acceptation d’une diversité de principes : respect de la loi, soutien de la procédure, égalité sociale et justice du système. L’égalité sociale et la capacité du système à protéger les droits de citoyens s’imposent de plus en plus comme des principes primordiaux. Le discours social s’écarte peu à peu de l’orthodoxie et maintient soigneusement cette distance en réinterprétant la justice et redéfinissant les actes légitimes.
64En second lieu, par le biais de débats sociaux animés, les individus tentent d’affirmer leurs propres positions et valeurs indépendantes, leur propre définition de la justice qu’ils s’emploient ensuite à faire partager aux autres membres de la société. L’intérêt mutuel, le partage et la conscience d’une dépendance entre les membres de la société se renforcent au travers des débats et discussions. Les individus cherchent un soutien et des adhésions collectives. Cela montre que la société construit des valeurs individuelles et encourage le partage d’arguments. Les gens participent de plus en plus à la définition d’objectifs communs.
65Troisièmement, les caractéristiques de la société politisée se perpétuent, voire se renforcent, mais d’une nouvelle manière : dans le discours social les affaires judiciaires et les systèmes économiques, sociaux et politiques sont pensées comme liées entre elles. La logique de radicalisation politique reste la même, les motifs des actes délictueux apparaissent politiques ou économiques.
66Enfin, le partage et la différenciation des valeurs sociales se développent en même temps. D’un côté, le discours social laisse apparaître un consensus sur l’égalité des droits et la justice du système ; de l’autre, la hiérarchie entre un certain nombre de valeurs est source de discordances entre les membres la société. Cette discordance accompagne la croissance des différences de statut entre les groupes sociaux, annonce une intensification des divergences sociales et l’apparition d’une culture de discours social porté vers l’extrémisme et la radicalité.
CONCLUSION : LE PUBLIC, L’INDIVIDU ET LA CITOYENNETÉ
67La description de cette évolution correspond-elle au développement du principe de citoyenneté : qui fait partie de la société civile ? Les sociologues du politique s’accordent à dire que la formation de l’ordre social reste liée à la construction des relations de domination. Dans l’histoire des hommes, la domination civique et la domination autoritaire sont les deux formes fondamentales qui ont émergé.
68Au commencement, la majorité des individus étaient exclus de la domination civique, la société subissait la domination autoritaire du clan, de l’ethnie ou du souverain. Aujourd’hui, la domination n’est pas produite par une mobilisation de l’opinion publique, mais par un pouvoir illimité et reconnu par une certaine tradition. La domination autoritaire n’est pas un pouvoir public, elle n’est pas le fait d’un ensemble d’individus représentant la communauté, on ne trouve pas de mécanismes de différenciation ni de lien entre le collectif et l’individuel. Autrement dit, le pouvoir public et les droits individuels sont déconnectés, tout comme le sont la formation du pouvoir public et la protection des droits et intérêts individuels. L’individu ne participe ni à la définition ni au contrôle du pouvoir public, et il ne s’intéresse pas à son utilisation.
69La domination civique doit être basée sur les besoins des individus et l’acceptation des règles qui régissent l’espace public. Les membres de la société exposent leurs besoins par le biais de débats publics, posent des principes de base, les utilisent pour évaluer la légitimité des actes et favoriser le partage de valeurs. Ce processus a lieu en même temps que le développement de la citoyenneté. En effet, si les individus ne sont pas aussi des citoyens qui s’intéressent, participent, partagent et définissent leurs droits et principes d’action, alors il n’y a pas moyen de construire de liens de domination, ni d’exercer la protection envers soi-même.
70Nous avons observé cette évolution dans les discours publics des trois cas présentés. Les réactions de la société à l’égard de ces affaires pénales sont riches de sens puisqu’elles traduisent les relations entre individu et société : elles reposent toutes sur une réflexion sur la différenciation et le lien social, à savoir droit des individus et pouvoir public, faute des individus et faute publique, responsabilité individuelle et responsabilité publique. Si l’égalité et la justice sont définies comme la possession par tout citoyen de droits fondamentaux protégés, alors toute violation ou manque de protection sont perçues comme inacceptables. Une première conception de l’espace public émerge ainsi. Évidemment, il doit être partagé de façon égalitaire et n’appartient pas à un groupe donné ; il ne peut pas non plus être défini seulement par une catégorie d’individus. L’espace public est ouvert, proche, défini en commun et lié aux intérêts de tous. Si un certain nombre de droits sont monopolisés par une certaine catégorie, il y a inégalité et injustice.
71Le partage égalitaire est le contenu de la citoyenneté, ce qui signifie au préalable partage et responsabilité de l’espace public par tous les membres de la société. Il dépend en particulier de la différenciation entre le public et le privé, et de la différenciation entre l’individu et le citoyen. Il dépend également de la reconnaissance, de la défense et de l’accord de chacun sur ce qui est public. La citoyenneté signifie que les membres de la société sont des citoyens, ont la conscience et la capacité de rechercher la civilité, la solidarité et d’accéder à l’autonomie. Cette citoyenneté définit la base de toute évolution, elle est source de production des relations publiques, des principes publics, de conscience publique, de gouvernance publique, de capacité de construction publique et responsabilité publique. Les signes de l’évolution des logiques de légitimation dans les discours sociaux que nous avons analysés, malgré leur lenteur, traduisent néanmoins le développement d’une conscience publique et d’une compétence citoyenne en Chine.
Bibliographie
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Auteur
Professeur de sociologie, Département de sociologie de l’Université de Pékin
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