Chapitre 11. Acter la fin d’un monde pour activer l’alternative
ONG et acteurs de l’altermondialisme à Rio+20
p. 281-304
Texte intégral
1« On remet en ordre les fauteuils sur le pont du Titanic alors qu’il est en train de sombrer »1. Cette phrase de Kumi Naidoo, directeur exécutif de Greenpeace international, illustre parfaitement le sentiment dominant au sein de la société civile à l’issue de Rio+20, la Conférence des Nations unies pour le développement durable (CNUDD) de juin 20122. En restant otages de multinationales, préférant favoriser leurs intérêts économiques aux dépens du peuple et du bien-être de la planète, en persistant dans une logique de développement fondée uniquement les indicateurs économiques les plus traditionnels, les chefs d’État et les gouvernements n’ont pas pris leurs responsabilités pour définir des objectifs et fixer un calendrier d’action à la hauteur de l’urgence écologique et sociale.
2Échec, Titanic, impuissance face aux « puissants », voilà des mots forts qui auraient pu pousser la société civile au découragement et à la désespérance. Découragement, car 20 ans après la Conférence des Nations unies pour l’environnement et le développement (CNUED) de 1992 (Rio 92), rien ne semble conduire à la mise en place de politiques à la hauteur des crises contemporaines. Désespérance, car le bilan de l’action des acteurs de la société civile qui nous intéressent dans cet article, à savoir les Organisations non gouvernementales (ONG) et les acteurs du mouvement altermondialiste3, semble marqué par l’essoufflement et la faible efficacité. Qu’il s’agisse des ONG participant et collaborant avec les instances internationales, au risque de l’instrumentalisation et de la neutralisation critique, ou de celles préférant la rupture et la dénonciation, au risque de l’isolement et de l’impuissance, toutes semblent avoir touché les limites de leurs stratégies et, par incidence, de leur capacité à réellement agir sur la marche du monde.
3Mais faut-il arrêter nos analyses à ce bilan, 20 ans après Rio92 et 13 ans après les mobilisations contre l’Organisation mondiale du commerce à Seattle ? Nous ne le croyons pas. D’abord parce que certains spécialistes du mouvement altermondialiste (Pleyers, 2007 ; Francq et al., 2007 ; Juris, 2011, etc.) disent depuis quelques années qu’il faut se méfier d’une telle vision. Alors qu’elle était largement en retrait lors de Rio+20, la société civile et les mouvements sociaux ont su montrer par ailleurs leur force, en s’organisant et s’exprimant de façon nouvelle, autour du « mouvement des places », allant du printemps Arabe en passant par le mouvement des indignés en Espagne, le mouvement Occupy aux États-Unis ou même les mobilisations populaires brésiliennes massives du printemps 2013. Ensuite parce que ce n’est pas une approche dépressive post-Rio+20 qui nous semble avoir prédominé au sein de la société civile, à la différence d’avec les lendemains de la Conférence des parties sur le climat de Copenhague en 2009 (Eastwood, 2011). En effet, le constat d’échec du Sommet officiel et la pauvreté des perspectives ouvertes semblent avoir plutôt provoqué un sentiment de révolte et un appel redoublé à l’action. Comme l’écrivait la journaliste Stella Giani (2012), « si les diplomates laissent tomber la planète, la société civile, elle ne le fera pas… ». Elle relayait par cette phrase les paroles de Sharon Burrow (Confédération internationale des syndicats), de Daniel Mittler (Greenpeace) ou de Peter Lehner (National Ressource Defense Council). « On ne va pas rester tranquilles, il est temps pour nous de mobiliser pour que les gens que nous avons élus rendent des comptes. » « L’échec de Rio+20 donnera aux gens plus d’énergie pour se mobiliser et se battre pour la planète. » « On ne change pas le monde avec un document, mais avec de l’action […] Si vous regardez Rio comme un rassemblement de peuples et non comme un document, vous constatez qu’il y a beaucoup d’énergie, c’est à nous de prendre l’énergie des gens d’ici et de la transformer en action. » Nous voulons voir ici comment cette démarche tournée vers l’action s’est manifestée au moment même de la Conférence, alors qu’en surface une forme de démobilisation semblait à l’œuvre.
4Pour répondre à ces questions, nous avons choisi de ne pas nous restreindre à l’analyse des dispositifs de lobbying, à l’influence des ONG sur l’élaboration du texte final de la Conférence au sein des instances onusiennes, ni sur la marche du monde dans un contexte de lutte altermondialiste. De nombreux travaux ont d’ores et déjà expliqué de façon convaincante ces processus (Princen and Finger, 1994 ; Bebbington et al., 2008 ; Pleyers, 2007, 2010 ; Juris, 2010, Shamira et al., 2006 ; Wallace et al., 2001 ; Willets, 2006). Il s’agit plutôt, à partir des observations faites durant la Conférence, des dires d’acteurs que nous avons pu glaner, des interviews réalisés auprès de responsables d’ONG4, d’analyser et d’identifier les premiers éléments d’une transition dans les modes d’action et de pensée au sein des acteurs de la société civile. Il s’agit donc ici de mieux saisir les différents dispositifs dans lesquels sont intervenues ces organisations à Rio+20 pour aborder leur rôle effectif vis-à-vis d’une part des instances internationales et des gouvernements, et d’autre part dans l’organisation de mobilisations et de mouvements sociaux, afin d’identifier les chemins d’un renouveau du politique.
Vagabonder avec la société civile dans les arènes de rio+20
5Atterro de Flamengo, Sommet des peuples. Sous un toit de tente, l’orateur s’est tu le temps de laisser passer un avion décollant de l’aéroport tout proche. Il n’a pas de micro et autour de lui, une vingtaine de personnes écoutent et se préparent à discuter les propositions. Sur l’allée flânent les participants. Certains s’arrêtent et happent des bribes de débat ; parfois intéressés par l’orateur ils décident de rester. Par moment un groupe plus bruyant manifeste dans l’allée, suspendant à nouveau les paroles. Ce qui se joue ici n’est pas de l’ordre de la production de concepts, ou de la rédaction de textes ou d’amendements. Pour la plupart, les présents se sont déjà rencontrés lors des Forums sociaux mondiaux (FSM) ou de leurs évènements satellites, et continuent ici à faire vivre un réseau mondial actif. Internet ne suffit pas à construire des réseaux solides, à assurer la reconnaissance mutuelle des acteurs, et les rencontres en marge des événements internationaux sont l’occasion d’un tel renforcement collectif par la co-présence.
6Plus tard, autre tente abritant les débats. La tribune est sonorisée et la salle plus grande accueille des figures de la contestation mondiale. L’Indienne Vandana Shiva, ou le Bolivien Pablo Solón ont cette fois été les vedettes de ce type de débats. L’assistance est fournie, attentive. Il s’agit là de capter un cadre global de référence permettant de comprendre les enjeux et de se forger une culture altermondialiste. Les jeunes sont particulièrement sensibles à ce type de meetings qui offrent d’emblée une dimension globale à leur engagement. Il s’agit de passer de l’indignation à la construction d’alternatives, et ces rencontres vont orienter sur le long terme une vie militante.
7Plus loin, un marché d’échange de semences venant d’Amazonie s’est ouvert. Dans l’allée, les peuples autochtones défilent, mi-jean, sac à dos et téléphone mobile, mi-parures de plumes lances et flèches. Il est quatre heures de l’après-midi. L’assemblée fait partie des cinq points de rencontre destinés à préparer une déclaration autonome du « Sommet des Peuples » et à envisager les perspectives. Pablo Solón, qui l’anime, débute par une salutation collective au Soleil et à la Terre-Mère. Rien de religieux, mais tout de même un frisson de sacré : l’énergie nécessaire à l’action nous est offerte par la Nature, par Gaïa. Saurons-nous être à la hauteur ? Puis s’engagent les débats, retranscrits avec force d’ordinateurs portables. Il n’est pas question ici de soumettre des inflexions à un texte officiel dont on sait d’avance qu’il ne sera pas en phase avec une crise écologique majeure, mais de préparer les mobilisations à venir, de repérer ensemble les points les plus sensibles, ou les plus urgents, de valoriser les luttes en cours à l’image de la résistance aux méga-projets comme le barrage de Belo Monte (Pará, Brésil), ou les multiples actions locales contre le néo-extractivisme.
8Le soir, Hôtel Golden Park, une soixantaine de militants invités par le groupe fondateur des Forums sociaux mondiaux (FSM). Cette réunion n’était affichée nulle part. L’assemblée est mixte, tant dans sa composition que dans la distribution de parole. La plupart se connaissent depuis longtemps. Il ne se décidera rien. Mais cet échange de vues sur la situation va tisser des connivences, faire apparaître des voies et des idées nouvelles. L’action se préparera ensuite, parmi ces gens qui ont eu besoin de confronter leurs points de vue dans un espace respectueux, complice, et surtout fortement multilingue. Une des caractéristiques de ces rencontres tient justement dans le fait que chacun s’exprime dans la langue qu’il maîtrise le mieux, en l’occurrence l’espagnol et le portugais, tous font les efforts de compréhension, s’aident mutuellement en traduction par chuchotage.
9Riocentro, lieu du Sommet officiel Rio+20, à trente kilomètres de Flamengo. Les délégués des pays négocient mot à mot. L’ambiance est à la fois constructive (il « faut » obtenir un accord) et tendue. L’invention de nouvelles phrases susceptibles de sanctionner un compromis dans lequel chacun garde la tête haute est le principal travail à effectuer. Autour des délégués des gouvernements, dans des salles de négociation sans fenêtre baignées par le son des climatiseurs, sont présents des acteurs « non-officiels », même si pour être là ils ont du être « accrédités », au nom d’une organisation reconnue par la Commission du développement durable. Leur activité n’est pas ici à la démonstration ni même à la rédaction fébrile d’amendements. Il s’agit de « regarder et comprendre » les lignes de force, pour agir ensuite, dans les couloirs, les rencontres autour d’un café, ou les réunions plus officielles avec les délégués des gouvernements. La « société civile » est ici une société d’experts, connaissant autant (et parfois mieux) que les officiels les sujets débattus et les enjeux des querelles sémantiques autour des termes clés de la négociation (l’« économie verte », la gouvernance du « développement durable »...).
10Tout au long de la journée, en parallèle des négociations, mais sur le même lieu, se tiennent de multiples forums, des assemblées réunies autour des ONG reconnues dans la galaxie des Nations unies, ou autour des initiatives de pays ou réseaux multilatéraux. Sans être luxueuses, les salles accueillant ces séances sont dotées de sonorisation, d’une tribune et de sièges en nombre suffisant. Nous sommes ici dans une sorte d’Université improvisée, et le discours des acteurs de la société civile se veut formateur, soulignant les dangers ou les réponses, précisant les architectures politiques et économiques qui découleraient de l’application de telle ou telle proposition. En permettant à des experts venus de toute la planète de s’exprimer, cet ensemble de réunions balance entre les questions hypertechniques, et les projets de société, des plus convenus aux plus innovants. Nous retrouverons dans ces réunions les principaux acteurs de la société civile mondialisée que nous avons également rencontrés sur le Sommet des peuples. Ils délivreront leurs positions dans ce cadre avec les inflexions nécessaires pour espérer être entendus directement par les négociateurs et faire reconnaître l’expertise acquise.
11Enfin, entre ces deux lieux emblématiques, se tiennent une collection d’initiatives sur l’environnement et les projets planétaires de réponses à la crise systémique. Il s’agit de « réfléchir ensemble ». Ces multiples initiatives sont animées d’un côté par des universitaires, des artistes, des philosophes ou des collectifs philanthropiques et de l’autre par le « secteur privé ». Dans ces manifestations de prestige, on note quelques récurrences : le partage de la tribune entre intellectuels, chefs d’entreprises, membres du gouvernement, ONG… ; un soutien des grandes entreprises, parmi lesquelles on trouvera le producteur d’OGM Monsanto, les grandes banques publiques brésiliennes (Banco do Brasil et Caixa) ou le géant minier Vale. De nombreux intellectuels et personnalités sont présentes dans ces initiatives, à l’image de Tim Jackson, le pape anglais de la décroissance ; Edgard Morin, sociologue, penseur de la complexité et vedette dans l’intelligentsia brésilienne, Joan Martinez Alier, personnalité de l’économie environnementale et concepteur de « l’écologisme des pauvre » ; Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie passé du côté de la lutte altermondialiste ou Rajendra Pachauri, prix Nobel de la paix 2007 et président du GIEC…
12On l’aura compris, le Sommet Rio+20 ne peut se réduire à un moment de négociations internationales visant à obtenir un consensus et une Déclaration (cf. chapitre 2). C’est un temps unique dans lequel se cristallisent plusieurs fils directeurs, chaque acteur tendant à conquérir, selon le terme d’Antonio Gramsci, « l’hégémonie culturelle », à faire en sorte que ses idées particulières apparaissent comme les plus évidentes et nécessaires à la poursuite de la marche du monde. C’est ce contexte qu’il faut prendre en compte pour comprendre Rio+20. Trois types de lieux, trois modèles d’activité, mais une circulation entre ces pôles d’un réseau relativement dense d’acteurs. In, Off, Out, on ne peut comprendre les évolutions et ruptures dans la « société civile » qu’en mesurant les différences de comportement, mais également les zones de recouvrement entre ces trois types d’activités. Les médias diffuseront le caractère officiel de la négociation, les interventions d’intellectuels vedettes et les manifestations des « alters ». Pourtant, des choses plus sensibles se jouent dans les relations complexes qu’entretiennent les divers acteurs non gouvernementaux. C’est ce que nous allons tenter d’expliquer maintenant en nous focalisant plus spécifiquement sur les espaces de la Conférence officielle et du Sommet des peuples, lieux privilégiés de nos investigations5.
La participation des ONG au dispositif onusien : de la difficulté de pousser les gouvernements hors de leur zone de confort
13La « société civile » est un mot-valise qui le plus souvent, recouvre toutes les formes, organisée ou non, distinctes des États et du militarisme, y compris pour beaucoup le « corps électoral » lui-même6. Dans l’acception actuelle, le monde des entreprises et des affaires d’un côté, et celui des collectivités territoriales de l’autre, sont plutôt considérés comme extérieurs à la société civile. Dans le système des Nations unies, les choses sont plus ambiguës puisque dans certaines arènes la distinction entre société civile et entreprises semble de plus en plus clairement établie quand dans certaines autres, cette distinction apparaît beaucoup moins évidente. Ainsi, si l’on se réfère à l’article 71 de la Charte des Nations unies, à la résolution 1996/31 du Conseil économique et social (ECOSOC) sur les relations aux fins de consultations entre l’ONU et les ONG et au Service de liaison des Nations unies avec les organisations non gouvernementales (SLNG), la société civile englobe les ONG et les organisations de la société civile (OSC) que sont les associations, les fondations et les syndicats (SLNG et al., 2005). Cette distinction de plus en plus claire avec le « secteur privé » tend à s’imposer peu à peu dans les négociations, comme ce fut le cas au sein du SMSI (Sommet de l’ONU de 2003 et 2005 consacré à la société de l’information), apparu comme le premier sommet thématique des Nations unies construit ouvertement sur la tripartition États, secteur privé et société civile (Peugeot, 2007). C’est également le cas dans certaines négociations au sein de la FAO (cf. chapitre 3). Pourtant, la confusion possible entre société civile et secteur privé se maintient, notamment dans le cadre des différentes CNUED. C’est ainsi qu’à Rio+20, la société civile était officiellement représentée par les 9 major groups pouvant participer officiellement aux négociations : affaires (Business) et industrie, enfants et jeunes, agriculteurs, peuples indigènes, femmes, travailleurs et syndicats, communauté scientifique et technologique, ONG et collectivités locales.
14Les ONG elles-mêmes restent difficiles à définir. Ces organisations, souvent organisées autour de leur sens de l’intérêt général et des biens communs, sont parfois infiltrées par des intérêts nationaux ou commerciaux. Nombreuses parmi les 90 000 ONG recensées dans le Global civil society book sont crées à l’initiative d’industries, de secteurs économiques ou même directement par les États. Le bénévolat ne peut pas non plus apparaître comme un critère quand de nombreuses ONG, afin de répondre aux exigences des combats qu’elles portent, se professionnalisent et souvent s’étendent à la planète entière. Les notions de privé, d’indépendance à l’égard des sphères marchandes ou publiques, de non-lucrativité, d’officialité et de bénévolat, se révèlent finalement toutes plus ou moins défaillantes à l’aune de leur diversité (Chartier, 2010). Cela incite à considérer la réalité ONG et l’étendue de la société civile non pas dans une définition rigide, mais dans une perspective dynamique et dialectique afin de saisir l’impact qu’elles ont en termes de réponse à la crise systémique contemporaine.
15L’article 71 de la Charte des Nations unies indique : « Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les Organisations non gouvernementales qui s’occupent de questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s’appliquer à des organisations internationales et, s’il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du membre intéressé de l’Organisation. » Cette reconnaissance officielle a fortement transformé le travail des ONG avec les Nations unies7. Dans les années 1970 et 1980, leur participation aux activités de l’organisation, leur capacité à influencer l’agenda international et leur rôle d’acteurs opérationnels de terrain ont été doucement reconnus, mais ils concernaient plutôt des organisations des pays développés (Leprestre, 2008, Shamira et al., 2006 ; Wallace et al., 2001). Les relations ONU-ONG-OSC ont fortement changé dans les années 1990, quantitativement et qualitativement, en particulier dans le cadre de la CNUED de Rio en 1992, où grâce à une accréditation leur donnant un statut d’observateur, les ONG officiellement recensées ont pu à partir de cette période assister aux divers stades successifs des négociations : prepcom, séances plénières et groupes de travail (Leprestre, 2008, Chartier, 2010). Le premier Sommet de la Terre de Rio, sous l’impulsion de son secrétaire général Maurice Strong, a ainsi ouvert une nouvelle ère dans l’engagement et la participation de la société civile au dispositif onusien (Chaterjee & Finger, 1994 ; Chartier, 2010). S’inscrivant dans ce processus, la Conférence de Rio+20 n’a pas dérogé à la règle, la société civile ayant été fortement mobilisée par les instances onusiennes, qu’il s’agisse de la préparation de l’évènement ou du Sommet à proprement parler. Nous étions dans la continuité de Rio92 à ce détail près que des signes d’usure dans l’implication et l’impact des ONG sont apparus. De l’euphorie et l’espoir de 1992 (Chesneaux, 1993), nous sommes passés en 2012 à une valse de sentiments oscillant entre résignation, impuissance, pessimisme, indignation ou colère ; sentiments liés au doute généralisé quant à la capacité de la plupart des organisations de la société civile à influer sur le cours des négociations et sur l’aptitude des gouvernants à prendre des mesures à la hauteur de l’urgence écologique et sociale.
16Le document à négocier pendant la conférence a été construit au cours d’un long processus de consultation auquel la société civile, au sens onusien le plus large, a participé à travers différents textes et contributions (cf. chapitre 7). Pendant près de huit mois au cours de l’année 2011, les propositions ont afflué à la commission qui les a réunis dans un document de compilation. Parmi les 672 propositions, 493 émanaient d’organisations de la société civile. Ce document a servi de base, après avoir été discuté lors d’un Intersessional Meeting (11-12 décembre 2011), à la rédaction du draft zero, texte « martyr » lançant la négociation officielle. Celui-ci donnera lieu à de nouveaux échanges entre les parties prenantes (dont les organisations de la société civile) pour passer de 30 pages à 206 pages, avant une énième refonte qui mènera à un texte d’une petite centaine de pages pour le dernier round de négociation précédent la Conférence officielle de juin 2012.
17Même si les négociateurs sont désignés par les gouvernements ou les ensembles régionaux (l’Union européenne notamment), le travail fourni en amont par les organisations de la société civile s’est concrétisé par une présence effective sur les lieux mêmes de la négociation, pour continuer d’influer sur le contenu de la Déclaration. 45 000 badges pour accéder au site de la conférence ont été délivrés, dont plus de 10 000 pour les représentants de la société civile (dont une majeure partie à des ONG). Ces derniers étaient donc présents en masse et leurs actions ont pris de nombreuses formes. Les neuf major groups disposaient de bureaux sur le site de la conférence, et ont organisé de nombreux évènements (tables rondes, séminaires) pendant les négociations et la CNUDD. Un temps de dialogue journalier leur était par ailleurs dévolu avec les responsables onusiens. Notons que si l’observation des premières séances de dialogue8 suggère que ce processus participatif était largement cosmétique et servait plus la légitimation des négociations que la prise en compte des intérêts de la société civile, certains major groups ont fait preuve d’une activité intense qui a pu donner quelques résultats, notamment le groupe représentant les syndicats (cf. chapitre 9) et les populations autochtones (cf. chapitre 10). Au-delà de ces major groups, certaines organisations bien rodées au jeu institutionnel de la diplomatie internationale, comme les grandes ONG internationales, ont fait le choix de tenter d’influencer les négociations via des actions plus informelles de lobbying auprès des délégations nationales et des responsables d’institutions. Des ONG fortement professionnalisées et expérimentées, de grandes tailles comme Greenpeace et le Fonds mondial pour la Nature (WWF) ou plus spécialisées à l’image d’ETC Group9 ont concentré leur énergie sur des points particuliers de négociation, comme les océans ou les transferts de technologie. Julian Oram10 nous confiait que pour Greenpeace, le texte n’allait délivrer le futur de personne et que l’on assistait plutôt à un Greenwash+20 (Greenpeace, 2012), sous la pression des multinationales. Considérant que peu de choses émaneraient du texte, ils ont décidé de n’envoyer qu’une petite équipe à la Conférence officielle, principalement pour pousser dans le texte la question des océans et tenter d’intervenir sur des questions d’alimentation en collaboration avec d’autres ONG (Oxfam, ActionAid). Il s’agissait aussi de communiquer à l’international sur ce qui se passait (ou ne se passait pas) et d’appuyer les campagnes brésiliennes contre le Code forestier (cf. Chapitre 3). Il s’agissait enfin d’aider à récolter des signatures pour qu’une loi sur la déforestation soit évaluée par le parlement brésilien.11 Des objectifs très ciblés, signifiant que ces grandes ONG ne croyaient plus à la capacité de ces évènements à porter les changements politiques nécessaires, cela valant d’ailleurs à leurs yeux pour le in, mais parfois aussi pour le off. Là encore, l’effet dépressif qui a suivi la négociation climatique de Copenhague, dans laquelle les ONG s’étaient fortement investies pour des résultats dérisoires (Eastwood, 2011, Dahan et al., 2011), a beaucoup pesé dans ce contexte. D’autres ONG, à l’image du Third World Network, ont préféré franchir un pas de plus dans le réalisme politique, leurs principaux animateurs suivant Martin Khor dans le South Center, think-tank collectif des pays du G77+ Chine, quitte à brouiller quelque peu la cohérence d’un discours traditionnellement antilibéral et environnemental. Cette option, en apportant à cet organisme intergouvernemental une réelle compétence issue des actions de base est un symptôme fort de deux déplacements observés à Rio : la place déterminante de l’Asie dans les négociations et dans la mise sur le tapis de perspectives politiques globales ; et l’intégration par les ONG des contraintes diplomatiques, liées au recul de visibilité des mobilisations des mouvements sociaux. Une attitude qui reste très largement comprise et soutenue par ceux qui persistent dans le choix d’une activité indépendante, montrant que des formes de diplomatie s’installent au sein même de la société civile. Ce type de répartition des tâches est maintenant assez largement acceptée si l’on en croit Pablo Solón, qui lui-même a fait le chemin inverse, ancien Ambassadeur de la Bolivie à l’ONU ayant choisi de prendre la Direction de Focus on Global South et de rejoindre ses bureaux aux Philippines : « De nombreuses personnes qui sont à l’intérieur des négociations pensent comme nous, mais au bout du compte, ils finissent par suivre les structures officielles et les gouvernements. Nous sommes la société civile, donc nous ne sommes pas liés aux gouvernements, mais j’apprécie énormément le travail de nombreuses ONG qui travaillent à l’intérieur. Nous sommes complémentaires. Nous devons combiner les deux formes de travail, et je pense qu’ici cela arrive vraiment.12 »
18Ce qui se dégage de l’observation des actions des ONG au sein du dispositif onusien est que la participation, pour qu’elle soit opérante, doit être menée par une « élite » de la société civile, car elle implique des compétences pointues ainsi qu’un investissement considérable en temps et en ressources financières et humaines. Seules des structures très professionnalisées peuvent assumer ce rôle. Notons aussi que les résultats de ces actions sont très incertains et les risques d’institutionnalisation et de légitimation du système de négociation bien réels (Eastwood, 2005, 2011). Peut-on encore dire, comme beaucoup d’analystes, que les acteurs de la société civile peuvent servir à pousser les délégués des gouvernements hors de leur zone de confort (Eastwood, 2011, p. 16) ? Une question que ces acteurs se posent directement. Pour signe, la colère des organisations de la société civile (certaines ayant symboliquement rendu leurs badges d’accès à la Conférence officielle à l’issue de cette dernière) et l’existence d’un débat interne aux major groups visant à faire retirer du premier article du texte final la mention « avec la participation pleine et entière de la société civile », pour ne pas être associée à un texte jugé en deçà des enjeux. L’impossibilité pour la société civile de peser directement sur la rédaction même du texte, en proposant des amendements ou en intervenant dans les moments de négociation, renforce ce sentiment d’avoir été in fine exclues de la négociation.
19Le bilan concret est maigre, mais on mesure également qu’au sein même de cet ensemble d’acteurs décidés à influer le cours des négociations, les orientations restent souvent très divergentes13 et complexes. Dans la pratique du in, la réception des expertises des ONG sera d’autant plus difficile à entendre par les négociateurs qu’elle laissera émerger les divergences. L’un des moyens de résoudre ce problème se tient sans doute hors des enceintes onusiennes, dans la capacité des ONG à mobiliser leurs bases. Le moment d’une négociation cristallise le travail antérieur et se doit d’être suivi d’un moment de mobilisation pour que les applications tiennent réellement compte de l’expertise accumulée et de la versatilité de la lecture des documents diplomatiques. Cela renforce le besoin d’une autre approche, capable d’appuyer par la mobilisation populaire, les interprétations des textes et déclarations. L’expertise doit alors se transmettre dans une forme d’éducation populaire (mélange d’action et de formation) auprès des groupes de base, des militants et des secteurs entiers de la société civile avec les mots et les préoccupations qui sont les leurs au quotidien. C’est ce second rôle de la société civile qui s’est manifesté lors du Sommet des peuples, et qui justifie la fluidité des échanges et la présence de nombreux acteurs dans les deux types d’activité.
Le Sommet des peuples : dépasser ambiguïtés et essoufflement pour recomposer les champs de luttes
20Le Sommet des peuples s’est tenu, comme en 1992, dans le parc Flamengo, près du vieux centre de Rio (cf. chapitre 2). Le sommet avait des objectifs très clairs, dans la tradition des Forums sociaux. Le premier point consistait à développer une position critique face à l’agenda officiel de Rio+20, en particulier sur l’économie verte et l’insuffisance du débat sur la gouvernance globale. Le deuxième visait à donner de la visibilité aux luttes des peuples face au « modèle dominant » et aux différentes formes d’exploitation au niveau mondial (en particulier au Brésil et en Amérique latine). Le troisième visait, à partir d’un inventaire des alternatives populaires déjà pratiquées, à faire des propositions théoriques et pratiques pour répondre aux crises systémiques contemporaines. Il s’agissait de recomposer les champs de lutte des mouvements sociaux et produire un agenda commun de luttes à l’échelle mondiale et des positions convergentes, construites à partir de l’actualité des mouvements sociaux et des organisations de la société civile14.
Un Sommet des peuples en rupture avec la Conférence officielle
21Nous l’avons déjà évoqué, le Sommet des peuples fut un mélange de festival, de marché artisanal, de séminaires, de tables rondes, d’échanges d’expériences ou de manifestations anticapitalistes, le tout mâtiné d’une relation complexe avec la Conférence officielle. Cela ne facilite évidemment pas l’analyse de ce qui s’est réellement joué lors de ce Sommet. Bien que Flamengo soit physiquement éloigné de Rio Centro, l’articulation entre les deux évènements est restée très ambiguë. D’un côté, le Sommet des peuples, lui aussi sponsorisé par d’importants groupes privés brésiliens et par l’État, semblait bien faire partie intégrante du dispositif officiel, participant ainsi à une sorte d’« enrôlement » de la société civile dans l’évènement et à une forme de mise en scène sous contrôle des marges critiques. De l’autre, une rupture très nette était perceptible dans les formes de débats, les idées défendues et les objectifs. Le fossé avec le reste de la Conférence officielle et ses acteurs est resté béant. L’esprit du Sommet des peuples se situait déjà dans l’après-négociation.
22La rupture avec la Conférence officielle n’est pas le résultat d’une mise à l’écart, mais bien le choix d’une stratégie délibérée. Choix du mouvement social de ne pas être allé (en temps que Sommet des peuples) parler dans le cadre des « Dialogue Days » organisés dans l’enceinte de la conférence officielle. Choix d’afficher leur liberté et leur indépendance vis-à-vis de la présence des multinationales et des grandes entreprises et d’afficher leur autonomie par rapport aux gouvernements. Certains acteurs en vue du mouvement altermondialiste (la militante et scientifique indienne Vandana Shiva, Pablo Solón du Focus on Global South, les amérindiens Ashaninka Benki et Moises Piyãko ou encore Pat Mooney d’ETC Group) sont malgré tout intervenus dans les divers cadres de la Conférence officielle, assurant le relais entre le in et le off. D’autres organisations, comme les Amis de la Terre, ont annulé les évènements organisés dans le cadre de la Conférence officielle. Enfin, les syndicats étaient très présents sur les deux arènes. Les difficultés de cette articulation questionnent la place occupée par la société civile aujourd’hui et sa capacité à construire et à imposer des alternatives, en dehors, mais aussi au sein des Nations unies.
Un Sommet des peuples « brésilien » marqué par les ambiguïtés qui traversent la société civile latino-américaine
23Au Sommet des peuples, l’organisation, la présence et les modes d’interventions ont, pour une large part, été dominés par les courants latino-américains, voire uniquement brésiliens, ce qui est une différence avec le processus internationalisé des Forums sociaux mondiaux. Dans le cas présent, les acteurs internationalisés de Rio+20 étaient souvent déjà mobilisés par leur stratégie au sein de la Conférence officielle et les relations complexes des ONG et de l’ONU. Cela a eu deux conséquences : une difficulté linguistique d’intercompréhension et une vision centrée sur les problématiques spécifiques de l’Amérique latine.
24La plupart des débats et échanges se sont tenus, souvent sans traducteurs, en portugais ou en espagnol, au grand désespoir de certains participants comme ces militants francophones de l’ONG Enda (Environnement et développement du tiers monde), venant d’Afrique de l’Ouest15. Cette question linguistique pèse fortement sur les divers Forums mondiaux, et oblige la société civile à dépenser en frais de traduction, dans des conditions matérielles souvent difficiles. Mais cette question linguistique a semblé encore plus marquée lors de ce Sommet des peuples, car les sujets mêmes pris en compte étaient souvent liés aux questions qui traversent le sous-continent, ou du moins à l’approche de questions globales telles qu’elles y sont perçues. Il convient ici de remarquer que la question linguistique est également sensible dans le Sommet officiel, y compris dans les négociations pour lesquelles la maîtrise de l’anglais permet de trouver les formulations qui peuvent faire consensus et d’avoir un discours plus fluide et compréhensible (cf. Chapitre 3). Comme le soulignait Vaia Tuuhia de l’Association 4D : « La langue joue énormément… dans le in comme dans le off… la langue est un obstacle !16 ».
25Mais, plus grave sans doute, le Sommet des peuples a surtout été marqué par les ambiguïtés qui traversent les diverses sociétés civiles latino-américaines dans leurs relations aux institutions officielles. Les gouvernements de Bolivie ou du Venezuela, et bien entendu du Brésil étaient ainsi fortement représentés. Plus sensible encore, les débats internes à la société civile brésilienne, puissance invitante, ont fortement pesé sur l’organisation du Sommet des peuples. Une grande partie du mouvement social brésilien est en effet proche du gouvernement du Parti des travailleurs de la présidente Dilma Rousseff et ceci malgré des points de discordance, notamment sur la réforme du code forestier examinée à l’époque du sommet et très critiquée par les peuples autochtones et certaines ONG environnementalistes brésiliennes. Entre participation au gouvernement et maintien d’une distance critique, les mouvements sociaux brésiliens se sont trouvés dans une position ambiguë qui, une nouvelle fois au nom d’un certain réalisme politique, limite leur marge de manœuvre. On est ici au cœur de tensions existantes au sein du mouvement altermondialiste entre « d’un côté, des militants tentés par une posture “plus politique”, qui soutiennent par exemple certains régimes latino-américains ou qui se présentent sur des listes électorales et, de l’autre, une majorité d’altermondialistes qui pensent que le mouvement y perdrait sa spécificité et s’éloignerait des enjeux fondamentaux. » (Pleyers, 2007, p. 189). On touche ici à une tension, très présente en Amérique Latine entre une tradition anticapitaliste et antiimpérialiste de l’extrême gauche issue des années 1970, très active au Sommet des peuples, proche des partis politiques et qui considère l’altermondialisme comme un prolongement du conflit des classes de la société industrielle au niveau mondial (Pleyers, 2007) et des acteurs prônant une distance critique et des analyses plus centrées sur des actions locales, autonomes en réseaux. Le Sommet des peuples semblait plongé dans ce va-et-vient classique entre pratiques novatrices et maintien d’un cadre hérité du xxe siècle. Ces équivoques expliquent aussi qu’un mouvement de masse et de référence comme le Mouvement des sans-terre (MST) se soit montré relativement discret durant le Sommet (mais très présent dans la manifestation organisée le 20 juin), sans doute pour ne pas nuire à un processus de négociation soutenu par un gouvernement qu’il appuie. Elles expliquent aussi pourquoi les voix les plus radicales, faisant le choix d’une rupture nette avec la conférence officielle, y ont été les plus audibles.
26Au final, les limites concernant l’impact de la société civile ont été très visibles à Rio+20. Plus qu’une mauvaise organisation préemptée par les organisations sud-américaines, plus qu’une crise des ONG ou du mouvement altermondialiste, il faut sans doute y voir un certain nombre de syndromes connus par ces organisations depuis quelques années (mais aussi les pistes de nouvelles orientations). La question des difficultés et des mutations du mouvement altermondialiste et de l’essoufflement des acteurs de la société civile n’est pas nouvelle. Bon nombre de chercheurs ont expliqué ces dynamiques qu’il s’agisse du monde des ONG (Bebbington, 2005 ; Bryant, 2009 ; Chartier, 2010) ou du mouvement altermondialiste (Pleyers, 2007, 2011, Aguiton et al., 2010). Concernant les ONG, il est aujourd’hui connu que les compromis qu’elles doivent faire pour agir ou par la multiplication des espaces de rencontre, des réseaux, des passerelles qu’impliquent un processus collaboratif avec les gouvernements ou les entreprises, et les effets parfois pervers d’une reconnaissance institutionnelle, elles se trouvent souvent en situation de devoir accompagner des modèles socio-économiques néfastes pour les écosystèmes et les sociétés. Cela n’est pas sans poser des problèmes éthiques à leurs membres et dirigeants. Ces contraintes, cumulées à un sentiment d’instrumentalisation et d’inefficacité face à l’aggravation des crises systémiques, a d’ailleurs récemment renforcé une rupture au sein du monde des ONG, particulièrement suite aux échecs des grandes négociations internationales sur le climat (Chetaille, 2010 ; Dahan et al., 2010 ; Eastwood, 2011). Nombre d’entre elles ont fait le choix de faire émerger, indépendamment des États et des organisations de la sphère marchande, un autre référentiel non gouvernemental mentionnant les inégalités Nord-Sud, proposant des alternatives localisées et mettant en avant des revendications éthiques, de justice sociale et la nécessité de changer de système économique et social (Chartier, 2010). Les acteurs de l’altermondialisme ressentent pour leur part l’essoufflement du modèle des Forums sociaux qui ne sont plus relayés par les médias, et éprouvent des difficultés à passer d’une dénonciation des effets du néolibéralisme à des propositions d’actions concrètes. Les formes mêmes de l’engagement et leur impact sur les conceptions politiques sont en jeu (Pleyers, 2007, 2011).
27Mais, plus qu’une rupture, ne voit-on pas émerger à Rio+20, de nouvelles façons d’agir de ces mouvements et de nouveaux concepts collectifs ? Le Sommet des peuples n’a-t-il pas, à sa manière, rempli des fonctions essentielles de construction et/ou de reconfiguration des luttes ? Après avoir réussi à dénoncer certaines idées néolibérales, ne voit-on pas se mettre en place un choix consistant à plutôt s’attacher à l’implantation des alternatives concrètes aux politiques néolibérales ?
Rio+20, entre appel à l’action et connexionnisme : nouvel acte d’une reconfiguration de l’action des ong et du mouvement altermondialiste ?
Construction des réseaux, processus apprenant et motivation des jeunes
28On ne saurait réduire le Sommet des peuples aux simples contradictions qui ont traversé l’évènement. Il faut aller au-delà, ne serait-ce que pour comprendre son importance pour les militants internationaux et pour les jeunes altermondialistes. D’une part, chaque évènement de ce type est l’occasion d’une préparation nationale de longue haleine, permettant la rencontre de groupes, associations et syndicats pour préparer leur présence. Ce faisant, nous avons affaire à ce que Vaia Tuuhia décrit comme « un processus apprenant », aux multiples sens de ce terme : réseaux qui apprennent à se connaître les uns les autres (par exemple l’investissement nouveau des syndicats dans le combat écologiste, avec de réels succès puisqu’ils ont réussi à faire inscrire la protection sociale dans le texte de la Déclaration officielle) ; apprentissage des solutions proposées par les uns et les autres pour tisser une proposition globale qui puisse former une alternative collective ; apprentissage de la construction d’un réseau global de la société civile. Sur ce dernier point, il convient de mesurer l’impact du Sommet des peuples au-delà de la surface visible. Comme nous l’indiquait Sally Burch, responsable de l’Agence latino-américaine d’Information et du Réseau mondial sur le droit de la communication, « les sommets servent à renforcer les agglutinations entre mouvements et réseaux qui ont des secteurs différents, mais qui peuvent identifier des causes communes et préparer un calendrier de travail et d’action. Cela crée un ensemble de réunions internes, qui ne sont pas dans la partie visible de ces Sommets. Il y a deux programmes : celui qui est publié avec des évènements publics et un programme interne de réunions et de renforcement des réseaux »17.
29Autre élément essentiel du Sommet, sa fonction de motivation et de formation d’une jeunesse altermondialiste. La fréquentation de l’Atterro de Flamengo a surtout été le fait des peuples autochtones, des militants latino-américains, notamment les syndicalistes, mais plus encore des jeunes altermondialistes. Cette importance de la jeunesse est à l’image des Forums sociaux mondiaux, et également des récents évènements et mobilisations mondiales, notamment en Chine (grandes grèves des usines d’électronique) ou lors des Printemps arabes. La jeunesse, bien que force de proposition, ne peut que rarement s’inscrire dans la diplomatie et l’expertise (Juris, 2006). De ce point de vue, il semble particulièrement important que les leaders, que les « stars » de l’altermondialisme et de la contestation soient présents, et aient été fort écoutés par les plus jeunes. Sally Burch ne disait rien d’autre : « les sommets sont des espaces très importants pour sensibiliser, motiver les jeunes qui font leurs premières approches des mouvements sociaux. Les marches, le campement des jeunes, la musique, les activités culturelles… Il est important qu’ils puissent se trouver dans une ambiance qui veut changer le monde.18 »
Construire un autre futur : reconquête des biens communs
30De la même façon il ne faut pas en rester aux limites du Sommet des peuples, et notamment les faiblesses de sa propre Déclaration finale19. Plus spécifiquement il ne faut pas se prononcer trop rapidement sur le déclin global du mouvement, car cela reviendrait à oublier à quel point il est nourri par une grande variété d’acteurs, ONG, altermondialistes, syndicats, think-tanks... Si par endroits l’essoufflement peut poindre, ailleurs, ce sont de nouvelles dynamiques qui émergent. Il s’agissait bien lors de ce Sommet, à partir d’un inventaire des alternatives populaires déjà pratiquées, de faire des propositions théoriques et pratiques pour répondre aux crises systémiques contemporaines. Il s’agissait aussi de recomposer les champs de lutte des mouvements sociaux et de produire un agenda commun de luttes mondiales et des positions convergentes. La lecture du programme-fleuve des différentes activités menées au sein du Sommet des peuples laisse plutôt entendre que Rio+20 marque un temps de réorganisation avec des altermondialistes qui expriment « une volonté d’être acteurs dans ce monde. Ils ont insisté sur la nécessité d’agir à différents niveaux (du local au global), d’allier expérience et expertise et de lier transformations individuelles et défis globaux » (Pleyers, 2007, p. 195). Ce qu’écrivait Geoffrey Pleyers dans son livre antérieur est aujourd’hui très parlant. Il s’agit bien de construire un autre futur et « du local au global, reconquérir les biens communs »20.
31Cette question des communs, inscrite dans le sous-titre du Sommet des peuples (« pour la Justice Sociale et Environnementale et la Défense des Biens Communs ») apparaît comme un signe de ralliement de cette nouvelle conception d’une autonomie des peuples vis-à-vis des gouvernants et d’une forme de réponse au monde des affaires qui pousserait à l’irresponsabilité environnementale et sociale. « L’approche par les communs insiste sur le fait qu’il y a des choses qui ne peuvent pas être privatisées. » (Pablo Solón). Pour Pat Mooney (ETC Group), les enjeux des négociations environnementales sont de résister à la tentative de mainmise privée des 70 % de la biomasse qui n’appartiennent encore à personne, mais également à développer la capacité des gens à faire fonctionner dès maintenant des solutions. Il estime qu’aider les paysans à adapter les semences aux changements climatiques et faire des semences un commun est la véritable alternative à la concentration privée qui découle du choix du techno-fix (plantes brevetées sur leur capacité à résister au réchauffement...)21.
32La progression de cette notion des communs depuis le Forum social mondial de Belém (Brésil) en 2009 et sa déclaration finale sur « la récupération des biens communs » (Sultan, 2009) est très significative. Elle permet à la fois de se (re-)concentrer sur les activités locales, sur la mise en réseau d’expériences, d’expérimentation pour répondre à ce qui est perçu comme une incurie des gouvernements. Elle permet également de proposer une alternative appuyée sur des pratiques concrètes (Bollier, 2014). Elle permet enfin, compte tenu de la polysémie du terme, de tisser des ponts avec les approches plus spirituelles ou théologiques, le « bien commun » (Houtart, 2012) dont on ne peut nier l’importance dans la constitution et l’architecture des mouvements mondiaux.
L’irruption du sacré dans les propositions politiques
33Le nombre de manifestations et de discours faisant appel au sacré, à la Terre-mère, à Gaïa, mais aussi à la notion de « Buen Vivir »22 invite à dépasser le scepticisme sur des pratiques souvent considérées comme irrationnelles, et à nous interroger sur le sens de cette approche. En observant les propositions et les pratiques politiques portées par la société civile, nous faisons l’hypothèse qu’autour de l’irruption de cette figure du sacré se joue une évolution importante. D’autant plus que cette prégnance d’une conception de la Nature à la fois partenaire et Mère nourricière, pouvant à ce titre revendiquer des Droits propres, n’est pas l’apanage du seul Sommet des peuples. L’Assemblée générale des Nations unies en 200923, sous l’impulsion de la Bolivie, a adopté la mise en place d’une Journée mondiale de la Terre nourricière (Mother Earth Day). Les textes de l’ouvrage Visions of the living Earth (Collectif, 2012), qui a été lancé conjointement au Sommet des peuples et à la Conférence officielle24 synthétise les visions du sacré dans la nature fortement présentes dans les différentes espaces de Rio+20. Il nous semble, à la suite d’Émilie Hache (2014), que l’engagement dans un rapport sacré à la nature est une proposition qui questionne de manière fondamentale notre rapport à la nature et qui ne dénote pas forcément d’une forme de résignation face à la difficulté d’influer sur l’évolution des crises. Cette nouvelle conception permettrait ainsi : « de proposer de penser ces formes de nature sacrée non pas tant comme des propositions irrationnelles qui s’assumeraient comme telles contre la rationalité revendiquée du monde moderne, que comme des propositions politiques divergentes, dont l’une des spécificités serait […] leur attachement à la déesse mère, mettant en cause le système capitaliste comme sa prétention au monopole de rationalité » (ibid. p. 139). Il s’agit donc de s’autoriser des formes d’action, de coopération avec la nature, et non de domination, une forme de substitution d’un agir environnemental à un agir technique (Larrère, 2014)25.
Conclusion
34L’ampleur des ruptures nécessaires pour faire face aux défis que posent l’emboîtement des crises, l’urgence des transitions nécessaires soulignées par les multiples études scientifiques convergentes ou l’incapacité des gouvernements à prendre des mesures politiques à hauteur des enjeux, obligent les sociétés civiles à remettre en question leurs stratégies héritées des années 1990. Schématiquement, deux approches étaient présentes à Rio+20, parfois portées par les mêmes acteurs qui ont navigué entre les différents espaces, jouant des postures en fonction des arènes. Certains ont choisi de continuer à porter leurs plaidoyers dans l’espace onusien en acceptant les règles de la participation, souvent sans grandes illusions quant à leur capacité à infléchir un texte attendu comme décevant. D’autres au contraire, dépités par des instances officielles enfermées dans les logiques d’un multilatéralisme en crise et aux mains du lobbying des multinationales, ont préféré jouer la rupture. Ils ont cherché ainsi à confronter le monde des affaires et du néolibéralisme à celui des biens communs, de la justice socio-environnementale et des initiatives locales.
35Malgré la recherche de complémentarité entre ces deux tendances de la société civile, malgré l’expertise déployée et les propositions concrètes, la société civile n’a pas vraiment réussi à peser sur les positions des gouvernements et le cours des négociations. Les mouvements altermondialistes, enclenchés avec succès il y a vingt ans au travers de la mise en lumière de certains effets néfastes du néolibéralisme, sont aujourd’hui à la recherche d’un second souffle. Au-delà de la portée de ces critiques, les pistes d’évolution des sociétés et les « utopies pragmatiques » à mettre en œuvre restent encore largement à dessiner. Quant aux plaidoyers experts des ONG au sein des instances onusiennes, ils ne sont entendus qu’à la marge, ce qui questionne au plus haut point les dispositifs participatifs onusiens. Ce constat de la difficulté de la société civile à influer sur les enjeux écologiques aurait pu provoquer un découragement généralisé. Pourtant, à Rio+20, la recherche de construction de nouveaux discours et de nouvelles modalités d’action semble s’être poursuivie dans la logique d’un « processus apprenant ».
36La critique environnementale s’étend de plus en plus à la remise en cause de la modernité et de la prétendue maîtrise de l’homme sur la nature. Sur la base de cette critique, on voit se dessiner la définition d’une approche « partenariale » avec la Nature où cette dernière redevient sujet, dotée de qualités propres. La présence des peuples autochtones amérindiens et les références constantes à leurs cosmovisions ne sont sans doute pas étrangères à ces évolutions. Ces visions peuvent également rencontrer celles d’autres régions du monde, comme l’Inde ou le Japon, tel que ce fut le cas lors de la présentation du livre Visions of the Living Earth. Si l’on ajoute à ces évolutions des discours environnementalistes les messages portés autour de la notion de communs, on voit apparaître de nouvelles perspectives pour les mouvements sociaux et les ONG, à l’opposée de l’approche prétendument pragmatique défendue par le projet de modernisation écologique. Les mobilisations et les actions qui se préparent autour des grandes conférences internationales de la fin de 2015 (Conférence sur le climat à Paris et lancement des Objectifs du Développement Durable lors de l’Assemblée générale de l’ONU) seront sans nul doute un bon moyen pour évaluer si ces évolutions sont mieux à même de peser sur le cours du monde.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Cité dans Giani S. (2012).
2 Pour un détail des déclarations issues de la société civile, voir la synthèse du Service de Liaison des Nations unies avec les organisations gouvernementales (SLNG, op. cit.).
3 La définition de la notion de société civile est très difficile à stabiliser, tout comme celle d’ONG. Nous reviendrons ultérieurement dans cet article sur le cadrage de ces notions. La notion d’altermondialiste est quant à elle comprise dans le sens d’un mouvement composé d’organisations et de méthodes très hétérogènes qui sont réunies à compter de la fin des années quatre-vingt-dix autour de la lutte contre les effets de la mondialisation néolibérale.
4 Les analyses développées dans cet article sont basées sur de l’observation participante dans le cadre de la Conférence officielle et du Sommet des peuples. Une série d’interviews a été réalisée auprès de responsables d’ONG ou d’organisations du mouvement altermondialiste accompagnée par l’analyse de documents produits par ces organisations au sujet de l’évènement Rio+20. Pour plus de détails sur ces questions de méthodologie de recherche, nous renvoyons au chapitre consacré à cette question dans cet ouvrage.
5 Bien qu’abondantes, les initiatives de la société civile hors des deux enceintes étudiées ne seront que peu évoquées ici, principalement parce qu’il était impossible d’en avoir une vue exhaustive au regard de l’abondance et de la dispersion géographique, mais également parce que la Conférence et le Sommet nous semblent emblématiques de l’action de la société civile étudiée.
6 De nombreux travaux ont été menés sur ce terme de société civile dont la définition est très difficile à stabiliser. Pour un état des lieux sur cette question, on peut voir Ghils P. (1995), Chartier D. (2002, p. 75-88) ou Kaldor (2007).
7 Lauren Eastwwod (2011, p. 14) mentionne très justement que la participation des acteurs non gouvernementaux n’a pas attendu d’être codifié pour exister. C’est d’ailleurs sous leur pression « d’advisors », terme pour les désigner en 1945, que l’article 71 aurait été ajouté à la charte des Nations unies.
8 Nous avons observé les deux premières séances de dialogues ONU-major groups des 15 et 16 juin 2012.
9 ONG faisant de la veille sur les technologies émergentes et les stratégies des multinationales autour des questions de biodiversité, d’érosion des ressources et de concentration des entreprises.
10 Interview de Julian Oram, Senior polical advisor, Greenpeace International, réalisé le 15 juin 2012, sur le site de la Conférence officielle.
11 Selon la législation brésilienne, si 1 % de la population du pays signe une pétition en faveur d’un projet de loi, il doit être évalué par le parlement.
12 Interview de Pablo Solón lors du Sommet des peuples, mardi 19 juin (Rio de Janeiro).
13 Sur ce bilan concret, la déception de la société civile et l’exposition de ces positions divergentes, on peut lire le compte-rendu de la SNLG : http://www.unngls.org/spip.php?page=article_fr_s&id_article=3986.
14 Site du sommet des peuples ; consulté le 13 octobre 2013 : http://cupuladospovos.org.br.
15 Plusieurs responsables d’Enda nous ont en effet fait part, lors d’une rencontre intitulée Occupy nature (19 juin 2012), de leur frustration de ne pouvoir participer plus avant au débat pour cause de non traduction des débats, pour la plupart en portugais ou espagnol.
16 Interview réalisée par Hervé Le Crosnier et Jean Foyer le 19 mars 2013 (Paris).
17 Interview de Sally Burch lors du Sommet des Peuples (20 juin 2012).
18 Ibid.
19 Déclaration finale du Sommet des peuples de Rio+20 pour la justice sociale et environnementale http://rio20.net/fr/propuestas/declaration-finale-du-sommet-despeuples-de-rio20-pour-la-justice-sociale-et-environnementale/.
20 Titre d’un communiqué de presse conjoint à Attac, aux Amis de la Terre et à l’AITEC (Association internationale de Techniciens, experts, chercheurs), publié le 24 juin 2012 : http://france.attac.org/actus-et-medias/salle-de-presse/articles/du-local-au-global-reconquerir-les-biens-communs.
21 Propos recueillis le 14 octobre 2013 à l’occasion d’un entretien réalisé avec Pat Mooney (Paris).
22 Cette notion, issue de conceptions des peuples andins, est devenue un point de ralliement suite au Sommet de Cochabamba « sur le changement climatique et les droits de la Terre-Mère » en 2010. Pour une analyse critique de la notion, on peut lire l’article de Julien Vanhulst et Adrian E. Beling (2013).
23 Résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 22 avril 2009 - 63/278, Journée internationale de la Terre nourricière (Mother Earth) : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/63/278. De nombreux évènements sont organisés depuis 2009 autour de cette thématiques, pour la plupart répertoriés sur le site onusien : Chronology of Harmony with Nature : http://www.harmonywithnatureun.org/chronology.html.
24 Ce livre est composé de 40 courts textes écrits par des figures de l’altermondialisme ou des luttes anticapitalistes, des ONG, de « maîtres spirituels », de figures des luttes autochtones, d’intellectuels, etc.
25 Nous faisons ici référence à une démonstration de Catherine Larrère attestant qu’il n’y a pas forcément incompatibilité entre science et sacralisation de la nature et que voir du sacré dans la nature peut aider à mieux prendre en considération une vision holiste, une conception de la Terre dans son intégralité.
Auteurs
Géographe, maître de conférences à l’université d’Orléans en détachement CNRS au laboratoire d’éco-anthropologie et d’éthnobotanique du MNHN. Après avoir mené des recherches sur l’action des ONG internationales environnementales, il a travaillé sur les politiques conjointes de développement et de conservation en Amazonie brésilienne. Il a été co-rédacteur en chef de la revue Écologie & politique et a co-dirigé avec Etienne Rodary un ouvrage consacré à la géographie environnementale (Presses de Sciences Po, 2016).
Hervé Le Crosnier enseigne l’informatique et la culture numérique à l’Université de Caen. Chercheur associé à l’ISCC, il travaille sur les communs. Dernier ouvrage : Une introduction aux communs des la connaissance, C & F éditions, 2015.
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The Asian side of the world
Editorials on Asia and the Pacific 2002-2011
Jean-François Sabouret (dir.)
2012
L'Asie-Monde - II
Chroniques sur l'Asie et le Pacifique 2011-2013
Jean-François Sabouret (dir.)
2015
The Asian side of the world - II
Chronicles of Asia and the Pacific 2011-2013
Jean-François Sabouret (dir.)
2015
Le Président de la Ve République et les libertés
Xavier Bioy, Alain Laquièze, Thierry Rambaud et al. (dir.)
2017
De la volatilité comme paradigme
La politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de l'Inde et du Pakistan dans les années 1970
Thomas Cavanna
2017
L'impossible Présidence impériale
Le contrôle législatif aux États-Unis
François Vergniolle de Chantal
2016
Sous les images, la politique…
Presse, cinéma, télévision, nouveaux médias (xxe-xxie siècle)
Isabelle Veyrat-Masson, Sébastien Denis et Claire Secail (dir.)
2014
Pratiquer les frontières
Jeunes migrants et descendants de migrants dans l’espace franco-maghrébin
Françoise Lorcerie (dir.)
2010