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Introduction générale

La modernisation écologique à l’épreuve de Rio+20

p. 11-28


Texte intégral

Rio+20 : au-delà des résultats, un évènement et ses enjeux

1« Rio moins 20 », « Le futur que nous ne voulons pas », les multiples détournements des slogans officiels du Sommet de la Terre1 témoignent du sentiment général sur Rio+20. Il ne se serait donc rien passé lors de cet évènement. Pire, Rio+20 marquerait une régression quant à nos capacités à collectivement traiter des questions de développement et d’environnement à l’échelle internationale. Il paraît effectivement difficile de ne pas valider ce constat. Le flagrant manque de volonté politique à Rio+20 et le texte insipide sont bien éloignés de ceux de Rio92 et en décalage total avec l’urgence des enjeux planétaires actuels. De toute évidence, Rio+20 illustre bien un retour en force de la realpolitik dans le domaine des grandes négociations internationales (Chartier et al., 2012). Une fois ce constat établi, on doit à la fois chercher à savoir s’il pouvait en être autrement dans le contexte de crise évoqué, mais plus encore changer de regards. Tout en partageant en partie le constat précédemment évoqué, ne pas analyser Rio+20 au prétexte qu’il constitue un non-événement relèverait d’une vision superficielle de sa portée et des enjeux qui lui sont liés.

2Comme le souligne Le Prestre, les jugements d’échec concernant les grandes conférences tiennent d’abord aux critères que l’on se fixe, critères et attentes généralement maximalistes au regard des difficultés inhérentes à trouver des points d’accord dans ce genre de négociations multilatérales (Le Prestre, 2005). Bon nombre de conférences aux résultats jugés insuffisants ont néanmoins permis de stimuler des réflexions et actions dans le domaine du développement durable et d’en accroître la visibilité. Parfois difficiles à percevoir, les effets indirects de ces réunions planétaires prennent des formes multiples : engagements des États, constitution et structuration de réseaux ou de luttes. Les entretiens menés un an après Rio+20 au siège des Nations unies auprès d’acteurs des négociations renvoyaient ainsi régulièrement à l’idée pragmatique qu’il valait mieux remplir des objectifs décevants que de se fixer des objectifs ambitieux, mais hors d’atteinte. Ils révélaient ensuite que le suivi des négociations post Rio avait contribué à redynamiser le multilatéralisme, notamment dans le cadre des négociations des Objectifs du Développement durable (les SDG’ s) et des nouveaux Objectifs du Millénaire (les MDG’ s) à l’horizon 2015. Il semblerait que même l’économie verte, pourtant fortement affaiblie lors des négociations de Rio+20 (cf. chapitre 5) retrouve un regain d’intérêt au niveau international. À travers notre démarche pluridisciplinaire, il s’agit moins d’évaluer Rio+20 sur la base de l’accord final que d’en expliciter les nombreux tenants et aboutissants dépendants du niveau et de l’angle d’analyse adopté.

3Notre démarche se situe donc à contre-pied des approches qui considèrent que, du fait même de leur statut de « grandes messes » aux objectifs flous et aux résultats toujours décevants, les grandes rencontres internationales ne méritent pas d’être analysées. On propose ainsi de changer de niveau d’observation et de regarder plus en détail et très concrètement l’évènement tel qu’il a été préparé et tel qu’il s’est déroulé. L’adoption d’une perspective constructiviste permet de comprendre et de mettre en lumière une multitude de phénomènes relatifs à la gouvernance mondiale et aux articulations entre politique, environnement et économie. Au-delà des grands objectifs qu’on se fixe, le Sommet de Rio se distingue par sa capacité à regrouper et à faire interagir dans un même espace-temps une multitude d’acteurs différents. Il offre donc une fantastique clé de lecture du monde contemporain et des grands enjeux qui le traversent. Pour le dire de manière plus littéraire, Rio+20 remplit la fonction de l’Aleph de Borges, au sens où c’est un objet où la planète entière semble concentrée, réassemblée. Cette concentration semble d’autant plus intéressante que son motif renvoie non pas à la participation à un évènement sportif ou culturel, mais à des discussions sur l’avenir même de la planète.

4Il s’agit donc d’analyser Rio+20 comme moment de cristallisation d’enjeux et de mobilisations d’acteurs autour de la gouvernance mondiale. Pour ceux qui y ont participé, Rio+20 a en effet été l’occasion non seulement de se positionner par rapport aux thématiques négociées (nouveau cadre pour la gouvernance de l’environnement et économie verte notamment), mais aussi de présenter leurs activités, de faire avancer leur agenda, de définir et affirmer leurs positions et orientations. Ce genre d’évènement « où l’on ne peut pas ne pas être » est l’endroit où se confrontent des visions antagonistes, où se renégocient des rapports de force, où s’affirment de nouvelles orientations et de nouveaux acteurs. Comme tel, cet évènement représente un site et un moment privilégié pour observer l’ensemble de ces reconfigurations. L’équilibre de l’ouvrage repose donc sur la tension entre les observations fines des différentes arènes de la conférence et une mise en perspective par rapport à des enjeux politiques, économiques et environnementaux. L’évènement Rio+20 est donc moins notre objet que notre point d’entrée pour aborder une série d’enjeux globaux comme la gouvernabilité de la planète, les liens entre capitalisme et environnement et la constitution d’une société civile mondiale. Nous avons synthétisé l’analyse de ces enjeux plus généraux autour d’une réflexion sur la modernisation écologique et ses limites. L’idée de modernisation écologique, entendue de manière très générale comme un projet politique pour rendre compatibles les piliers de la dynamique de modernisation de la fin du xxe siècle (économie de marché, innovations technologiques, participation démocratique et bonne gouvernance) avec la rationalité écologique, permet en effet d’embrasser les principaux enjeux qu’on a voulu analyser à partir de Rio+20. Avant d’exposer notre problématique, il est utile de donner quelques éléments de définition de cette notion.

La modernisation écologique : plus qu’une théorie sociale, une pratique institutionnelle et un projet de société

5La modernisation écologique est un discours qui oscille entre une théorie des sciences sociales et un projet politique dont l’influence a grandi au sein des États européens et de certaines institutions internationales. Comme la gouvernance, la modernisation écologique est ambiguë au sens où, en tant que théorie sociale et projet politique, c’est à la fois un outil conceptuel et un objet d’analyse, sans qu’il soit aisé de distinguer l’un et l’autre. Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas dans cet ouvrage de s’inscrire dans l’école théorique de la modernisation écologique2, mais plutôt de considérer cette modernisation écologique en tant que projet politique au cœur de l’évènement Rio+20. Notre positionnement plus constructiviste nous amène ainsi à discuter la pertinence du cadre théorique de la modernisation écologique, les implicites normatifs qu’il véhicule, mais surtout, la possibilité même de réalisation de ce projet politique. À travers la mise à l’épreuve de la modernisation écologique, c’est bien la naturalisation de ce projet politique que l’on remet en cause.

6En tant que théorie sociale, la modernisation écologique est née en Allemagne au début des années 1980 à partir du constat de l’échec des politiques environnementales étatiques (Jänicke, 1986) et en réaction aux discours environnementaux critiques dans les milieux intellectuels, discours très majoritairement anticapitalistes qui prônaient alors une désindustrialisation et même une certaine « démodernisation ». Comme son nom l’indique, la modernisation écologique suggère que l’environnement est le nouveau moteur de la modernisation, en s’appuyant notamment sur la technologie et l’économie de marché. Selon les auteurs de la modernisation écologique, non seulement le développement de la technologie n’est pas opposé à l’environnement, mais l’innovation technologique dans les secteurs environnementaux est présentée comme une solution centrale à la crise environnementale. De la même manière, non seulement capitalisme et environnement ne sont pas antithétiques, mais au contraire le marché doit être moteur dans le mouvement de modernisation écologique. Les auteurs de la modernisation écologique appellent ainsi à un verdissement du capitalisme, à une transformation structurelle de ce dernier sous l’influence de l’écologie (Mol et Jänicke, 2009). Dans un second temps, au cours des années 1990, la modernisation écologique a évolué vers une version qui se veut moins techno-marchande (Davidson et Frickel, 2004 ; Bouleau, 2011). Cette version a notamment été portée par des universitaires hollandais comme Arthur Mol et Gert Spaargaren (Mol et Spaargaren, 2000). Dans cette vision plus sociale-démocrate, la modernisation écologique doit à la fois contribuer à réformer en profondeur l’État et à réaffirmer ce dernier en lui attribuant un rôle actif dans la modernisation écologique de la société. Ouvrant une voie intermédiaire entre centralisme étatique et libéralisme extrême, cette vision de la modernisation écologique prône une redéfinition du rôle de l’État vers un modèle moins rigide. Ceci implique notamment une meilleure prise en compte par l’État de la question de la participation de la société civile (Buttel, 2000). La modernisation écologique, dans ses différentes variantes théoriques, oscille donc entre, d’une part, une version plus libérale et techno-économique et, de l’autre une version dite d’écologie réflexive (Hajer, 1995). Ces deux approches se rejoignent dans leur soi-disant « pragmatisme » et leur « réformisme » qui, au vu du contexte politique actuel, facilitent leur traduction politique. Plusieurs théoriciens de la modernisation écologique combinent d’ailleurs un travail théorique et la mise en place d’un plaidoyer épistémique (Hayden, 2003), c’est-à-dire un discours scientifique explicitement tourné vers les sphères de prise de décision.

7Nous ne voulons pas poursuivre plus en profondeur dans les débats autour de la modernisation écologique comme théorie sociale, mais plutôt considérer la modernisation écologique comme un projet politique plus ou moins explicite dont l’influence a grandi au sein des institutions internationales ces trente dernières années. Il semblerait en effet que les idées de la modernisation écologique aient eu une influence importante et une certaine performativité non seulement auprès des États européens du Nord (Allemagne, pays scandinaves…), mais aussi à l’intérieur des Institutions internationales comme l’Union européenne (Aykut, 2012 ; Bouleau, 2011). Au niveau international, on peut voir Rio92, son volontarisme écologique et ses appels à la participation du secteur privé et de la société civile, comme l’acte de naissance de la modernisation écologique dans les instances onusiennes. Rio92 marquerait ainsi l’extension du projet de modernisation écologique au niveau mondial. On pourrait faire des remarques similaires pour analyser la manière dont de grandes institutions internationales comme la Banque mondiale ou l’OCDE ont internalisé la question environnementale en la rendant conciliable avec les règles du marché, avec les réformes structurelles des États (décentralisation, transferts de compétences au secteur privé…) qu’elles appelaient de leurs vœux, ou encore avec les injonctions à la participation de la « société civile » ou des populations locales. Par rapport à une écologie politique radicale ou une vision naturaliste des questions environnementales, la modernisation écologique serait ainsi devenue le courant dominant dans les institutions nationales et internationales qui traitent de questions d’environnement.

8Nous formulons l’hypothèse que la modernisation écologique n’est pas seulement, comme le propose Hajer, « la nouvelle façon dominante de conceptualiser les problèmes environnementaux » (Hajer, 1995 ; 1996), mais aussi la façon de conceptualiser la modernisation qui s’est imposée ces trente dernières années. « L’esprit » de la modernisation écologique fait écho à l’institutionnalisation progressive des thématiques environnementales et à leur mise en adéquation avec d’autres grands discours modernisateurs comme ceux du néo-libéralisme, de la réforme de l’État, de la participation, du développement durable ou encore de la société de la connaissance. Vue sous cet angle, la modernisation écologique apparaît comme le versant environnemental d’un discours modernisateur plus général, dans lequel la thématique environnementale peut parfaitement être traitée dans le cadre du capitalisme, du développement et de la démocratie. Mieux encore, les questions environnementales sont l’occasion de mener des réformes nécessaires en ce qui concerne le capitalisme, la technologie, l’État et la démocratie. L’enjeu semble bien de repenser notre modèle de civilisation moderne sous l’angle environnemental, sans pour autant remettre en cause fondamentalement ce projet de modernisation. Le constat qu’il faille réformer notre modèle de société en esquivant ou retournant certaines contradictions fondamentales est donc implicite à la modernisation écologique et lui a permis de travailler en profondeur les représentations des questions écologiques depuis une trentaine d’années.

Rio +20 : la modernisation écologique à l’épreuve

9L’idée que nous défendons dans cet ouvrage est que Rio+20 a représenté une mise à l’épreuve (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Lemieux, 2007) particulièrement aiguë pour la modernisation écologique. En effet, en même temps que de très nombreux éléments suggèrent que les différents cadrages véhiculés par la modernisation écologique étaient largement dominants à Rio+20, d’autres au contraire viennent questionner et même entraver cette redéfinition du projet de modernisation par l’écologie. En d’autres termes, Rio+20 correspond à la réaffirmation de la modernisation écologique en tant que discours mondialisé et à sa mise en échec en tant que programme politique.

10L’esprit de la modernisation écologique semblait omniprésent à Rio+20. Alliée au Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’Union européenne avait réussi à imposer les deux points de l’agenda du Sommet : celui de la redéfinition du cadre institutionnel pour le Développement durable et celui de l’économie verte, deux thématiques directement liées aux questions environnementales et que l’on peut aisément analyser sous l’angle de la modernisation écologique. S’agissant du cadre institutionnel, l’enjeu était en effet de clarifier et réformer le cadre des institutions onusiennes sur les questions de développement durable et d’environnement dans l’optique de rationaliser et d’améliorer l’action de l’ONU dans ce domaine. Cette volonté reproduit au niveau international les velléités de réformer l’État au niveau national. Mais c’est surtout la thématique de l’économie verte qui correspond le mieux à l’esprit de la modernisation écologique. L’économie verte, malgré le flou de sa définition, a coïncidé avec la volonté de renouveler le discours du développement durable autour de l’idée d’une synergie entre environnement et économie, en s’appuyant sur un cocktail de solutions techniques, marchandes et politiques. Au-delà des thématiques principales, on va voir au long des différents chapitres que divers processus peuvent également faire l’objet d’une lecture en termes de modernisation écologique. La volonté de réformer les institutions internationales et étatiques, la place prépondérante des acteurs et des solutions de marché, l’importance donnée aux solutions techniques, la montée de nouvelles formes de régulation basées sur le volontariat plus que sur la coercition ou encore, la réaffirmation de la nécessité de la participation de la société civile peuvent apparaître comme autant de déclinaison du projet général de modernisation écologique.

11Malgré la réaffirmation de ces différents principes propres au projet de modernisation écologique, celui-ci a été mis à mal par une série de contraintes structurelles dont les principales renvoient à la gouvernabilité de la planète (I), aux contradictions entre économie capitaliste et environnement (II) et aux limites de la participation de la société civile globale (III). Après une présentation de la méthodologie collaborative mise en œuvre dans notre projet (cf. chapitre 1), les développements du livre reprennent en détail ces trois points qui sont l’occasion de mettre en évidence les tensions entre la poursuite du projet de la modernisation écologique et les failles de plus en plus évidentes de celui-ci.

Entre relation internationale et émergence d’une société globale : quelle gouvernabilité pour la planète ?

12La première partie combine un objectif essentiellement descriptif avec un objectif plus théorique. Elle vise à décrire Rio+20 en tant qu’évènement ponctuel tout en le resituant dans la dynamique plus large des négociations internationales et de la construction d’une gouvernance globale de la planète.

13Cette partie permet en premier lieu de comprendre la configuration des débats et le contexte général de Rio+20. Des observations les plus « micro » aux enjeux géopolitiques les plus généraux, elle offre aussi bien des éléments pour saisir les dynamiques concrètes des négociations internationales que des clés de compréhension des termes des débats. Selon les chapitres et les types de perspectives adoptées, Rio+20 apparaît comme un évènement à géométrie variable. Le deuxième chapitre de David Dumoulin présente un panorama de Rio+20 en revenant sur la diversité des arènes et formats de discussions et, plus généralement, sur la construction de la grandeur de cet évènement. Il revient sur les divers dispositifs institutionnels déployés par les organisateurs de la Conférence visant l’intéressement et le recrutement des acteurs et revient sur l’hétérogénéité des modes d’appropriation des différents « participants ». L’objectif est de montrer comment la multiplicité de ces arènes de discussion constitue une autre modalité de constitution d’une société globale, à côté des négociations diplomatiques qui ne semblent alors qu’un prétexte. À l’opposé de cette vision panoramique, le troisième chapitre, par Birgit Müller et Gilles Cloiseau, nous plonge au cœur des négociations. Il combine une perspective ethnographique et linguistique pour décrypter les modes de fabrication d’un texte international dans une salle de négociation. À partir d’un paragraphe précis sur les investissements agricoles responsables, ce chapitre décrypte le jeu rhétorique qui contribue à définir les nouveaux cadrages autour d’enjeux aussi importants que la régulation de l’accaparement des terres et les modes de participation de la société civile dans les institutions internationales. Leur analyse permet de mettre au jour l’un des problèmes centraux de la gouvernance internationale actuelle : l’affaiblissement du rôle des institutions multilatérales de l’ONU face à l’augmentation d’instruments autonomes sans légitimité multilatérale, promus par des groupes d’États, les associations du secteur privé et certains organismes internationaux. Dans la continuité de l’analyse des négociations, un bref encadré par Stefan Aykut explique comment Rio+20 renvoie à une sorte de méta-négociation à l’articulation de plusieurs régimes internationaux. Comme telle, elle dépend des dynamiques propres à chacune de ces négociations. On comprendra alors en quoi le relatif manque d’ambition de Rio+20 est aussi le résultat d’un multilatéralisme en panne. Enfin, le quatrième chapitre de Catherine Aubertin permet de replacer cet évènement dans le contexte brésilien, en soulignant l’importance du rôle du pays hôte, autant dans son influence dans les négociations que dans la manière d’appréhender les questions de développement. À travers l’exemple brésilien, ce chapitre permet de saisir à la fois la force et la fragilité des BRICS dans la redéfinition des rapports de force géopolitiques mondiaux et des modèles de développement promus au niveau international.

14En plus de montrer les différentes strates de l’évènement et leurs imbrications complexes, les chapitres de cette partie esquissent l’image d’une planète dont la gouvernabilité3 semble extrêmement précaire. En soulignant les logiques de blocs dans les négociations ou le rôle de nouvelles puissances comme le Brésil, elle revient sur les limites que représentent les bouleversements de l’ordre géopolitique pour la modernisation écologique. L’Europe, principal porteur du projet de modernisation écologique, est en effet arrivée à Rio affaiblie par la crise économique mondiale. Les pays épargnés par cette crise, et tout particulièrement les BRICS se sont au contraire retrouvés en position de force au moment de Rio+20. Cette reconfiguration, dans le sens d’un ordre international plus conflictuel et moins nettement dominé par les pays du Nord, pose la question de la viabilité du projet de modernisation écologique au-delà de pays ou d’institutions où la gouvernabilité semble acquise. Il se peut que la modernisation écologique soit mal adaptée aux contextes des pays du Sud qui donnent la priorité aux questions économiques et sociales. Le fait que certains d’entre eux tendent à dominer la scène internationale ne joue évidemment pas en faveur de la modernisation écologique. Le passage des contextes étatiques nationaux au niveau international serait d’autant plus difficile que les conditions de gouvernabilité nécessaires à la mise en œuvre de la modernisation écologique ne semblent pas réunies. Si l’on ajoute à cela que ce basculement s’inscrit dans un multilatéralisme largement en panne depuis l’échec de la négociation climatique à Copenhague en 2009, on comprend que la modernisation écologique devait faire face à un contexte mondial turbulent et hostile.

15Mais au-delà de ces problèmes entre États-Nations, particulièrement aigus au moment de Rio+20 et somme toute assez inhérents aux relations internationales, la vision de Rio+20 qu’offre cette partie permet de mettre en avant un problème peut-être encore plus structurel pour la gouvernabilité de la planète. Le chapitre de Dumoulin montre notamment que Rio+20 est un rassemblement d’une société globale (Barnett et Sikkink, 2008) en cours de constitution, bien plus qu’une négociation internationale. Les questions des modalités de participation du secteur privé et de la société civile à l’ordre mondial, abordées dans les parties II et III, renvoient également l’image d’une société globale qui ne se retrouve pas, ou mal, représentée dans l’ordre international. Dès lors, on peut légitimement se demander si les cadres institutionnels des relations internationales sont encore adaptés à cette société globale. Autrement dit, alors même que les institutions internationales ont du mal à réguler l’ordre des Nations, la constitution d’une société globale dont on devine les contours en appelle à d’autres formes de régulation encore largement à inventer. Les institutions et relations internationales semblent enlisées sans que se dessinent clairement les instruments de la gouvernance d’une société globale.

16Face à ces conditions géopolitiques difficiles, face à un multilatéralisme enlisé et la complexité d’un ordre mondial désormais « plus qu’international », la modernisation écologique est-elle extrapolable à l’ensemble de la planète ? Si son origine largement occidentale pose des questions d’adaptabilité à d’autres contextes politiques, culturels et économiques, c’est peut-être plus encore l’inadaptation des cadres internationaux à la globalisation et, par conséquent, les problèmes de gouvernabilité mondiale, qui posent problème. La modernisation écologique suppose en effet des réformes profondes coordonnées entre les nations, mais également entre les nations et différentes parties prenantes (les firmes transnationales, les représentants de la société civile…). Or, cette gouvernance mondiale est extrêmement fragile tant les conditions mêmes de son exercice (la gouvernabilité) sont précaires. Dans ces conditions, la modernisation écologique ne peut, au mieux, que prendre la forme d’initiatives particulières et localisées ; en aucun cas, elle ne peut faire l’objet d’un pilotage clair.

La reconfiguration des liens entre marché et environnement : synergies, contradictions et nouvelles formes de régulation

17La seconde partie de l’ouvrage est centrée sur une des questions fondamentales de la modernisation écologique, celle de la reconfiguration des relations entre environnement et économie. Quarante ans après Stockholm et sa mise en évidence de la contradiction entre croissance économique et finitude des ressources naturelles, vingt ans après Rio92 et sa tentative de rééquilibrage entre développement économique et logiques sociale et environnementale, quels sont les termes du débat ? Cette partie explore le basculement à la fois rhétorique et performatif vers un discours qui fait de l’environnement une opportunité pour sortir de la crise et non pas une contrainte au développement. Ce discours s’oppose néanmoins à un retour à des positions développementalistes dures de la part des États du Sud, ce qui tend à réaffirmer certaines contradictions entre environnement et marché. Malgré cette opposition, un de ces principaux effets performatifs est de contribuer à produire de nouvelles formes de régulation par le marché qui tendent à supplanter les formes de régulation multilatérales. La question générale sous-jacente à cette partie renvoie aux conditions et aux possibilités de verdissement du modèle économique général : le capitalisme. Si un consensus au moins rhétorique semble émerger sur l’inclusion des externalités environnementales dans le modèle de production et de consommation capitalistes, c’est selon des modalités extrêmement diverses qui vont du simple « greenwashing » à un changement beaucoup plus structurel des manières de produire (notamment par les technologies de consommation à basse teneur en carbone), en passant par un repositionnement stratégique de certains acteurs économiques. Cette dynamique plus ou moins avancée et réelle de verdissement est co-construite entre différents acteurs des secteurs privés et publics et implique des dynamiques de gouvernance complexes. Elle pose notamment une série de questions sur les formes de régulation à l’œuvre dans cette restructuration supposée d’un capitalisme qui produirait toujours plus ses propres normes (Levi-Faur, 2005) et tendrait à les imposer vis-à-vis des normes internationales issues du multilatéralisme. Comment le néo-libéralisme, par principe hostile à toute forme de régulation non marchande, s’accommode-t-il de cette exigence de verdissement ? Quelles sont les formes de régulation émergentes au-delà des législations obligatoires ? C’est cette tension entre, d’un côté, une économie de marché qui se veut compatible avec la rationalité environnementale et de l’autre, la persistance de contradictions fondamentales, que nous explorons dans cette partie.

18Le chapitre de Valérie Boisvert et Jean Foyer revient sur le concept d’économie verte, l’un des deux thèmes principaux des négociations. Il en retrace notamment l’origine, plus technocratique qu’entrepreneuriale, entre monde universitaire et monde institutionnel. Il analyse le moment de Rio+20 comme une mise à l’agenda très tourmentée, du fait notamment des réticences des pays du Sud, soupçonneux de stratégies de protectionnisme vert ou désireux de réaffirmer l’objectif prioritaire de lutte contre la pauvreté. Ce chapitre montre que l’idée centrale de la modernisation écologique, à savoir la compatibilité entre croissance économique et environnement, est loin d’être partagée au niveau international. Le chapitre de Sarah Benabou et Birgit Müller s’intéresse à la volonté du secteur privé (et notamment des entreprises transnationales) de s’affirmer comme un acteur incontournable des négociations environnementales, et, plus largement, de l’écologie. Après avoir été décrié pour son rôle de premier plan dans la dégradation de l’environnement, comment en effet comprendre que ce secteur se revendique à Rio comme la locomotive du changement ? Ce chapitre revient sur la tendance des acteurs du marché à revendiquer l’autorégulation. Il analyse les représentations que le secteur privé donne de son engagement environnemental lors des différents forums du business parallèles à la conférence et le passage à un régime de justification qui puise sa source dans les fondamentaux mêmes du capitalisme et se fonde sur des normes flexibles émanant des pratiques et besoins des entreprises. Il résulte de cette logique que la protection de l’environnement ne réclame plus tant de décisions politiques qu’elle prétend s’imposer depuis le « réel » tel qu’il a été mis en forme via le langage économique et la comptabilité verte. Il pointe d’une part la difficulté pour le secteur privé, au-delà de l’impératif de profit, à parler d’une même voix sur ces questions, notamment du fait de la concurrence entre firmes, des différences entre secteurs, de divergences idéologiques sur les questions de régulation ou encore de diversités de positionnements stratégiques par rapport à l’environnement et d’autre part, l’émergence d’autorités privées qui mettent dans l’ombre le système onusien.

19Les chapitres d’Élise Demeulenaere et Monica Castro sur l’agriculture et de Laura Maxim sur la chimie (verte) analysent comment cette dynamique de verdissement peut se décliner de manière très différente dans deux secteurs fondamentaux de l’économie mondiale. Le septième chapitre analyse ainsi les différentes voies d’écologisation de l’agriculture promues par les principaux acteurs du secteur. À travers une analyse des textes produits dans le cadre de Rio+20 et d’observations in situ, il propose pour chaque modèle d’écologisation une analyse plus en profondeur du rôle attribué aux agriculteurs, aux savoirs, aux technologies, à la production et à la consommation des services écosystémiques. On comprend notamment comment le verdissement de l’agriculture industrielle correspond dans une large mesure à une dynamique de recyclage de la critique environnementale et s’appuie sur des solutions essentiellement techniques, dans l’esprit de la modernisation écologique. Le chapitre 8, montre, quant à lui, comment, à Rio, le secteur de la chimie est confronté à deux manières d’articuler production, environnement et régulation. Il semble en effet que le paradigme classique selon lequel le secteur de la chimie produit des substances potentiellement dangereuses que les législateurs nationaux et internationaux tentent de réguler en aval reste dominant. La possibilité d’une chimie verte où le secteur chercherait à s’autoréguler en transformant ces modes de production sous l’influence d’une rationalité environnementale reste encore largement marginale. Au-delà des discours volontaristes, cet exemple montre les difficultés de certains secteurs industriels à transformer en profondeur leurs modes de production.

20Directement lié au contexte géopolitique et à la crise financière, Rio+20 semble donc avoir montré que sur les questions de développement, la rationalité environnementale est clairement subordonnée aux questions économiques et sociales. Si la modernisation écologique met au cœur du processus de modernisation cette rationalité environnementale, au niveau des États au moins, celle-ci a été reléguée au rang de question subalterne à Rio+20. Le contexte de crise financière et économique a souligné le fait que les pays du Nord ne pouvaient défendre un agenda environnemental ambitieux en l’absence de croissance économique. Pour les pays du G77 qui maintenaient une croissance importante, la question environnementale a été perçue à la fois comme un frein potentiel à leur croissance économique et comme un objectif secondaire par rapport à celui de la lutte contre la pauvreté. Si certains avaient jugé Rio 92 comme trop environnemental, Rio+20 marque un net retour à une logique développementaliste centré sur la croissance économique et la lutte contre la pauvreté. L’équilibre entre les différents piliers du développement durable est donc nettement défavorable à l’environnement. Au-delà des discours de façade, les rapports à Rio entre rationalités environnementales, économiques et sociales se sont donc plus posés en termes conflictuels qu’en termes d’équilibre ou de synergie. Au niveau des acteurs économiques, on observe malgré tout qu’un certain impératif de verdissement ne produit pas tant des changements dans les modes de production que des changements dans les discours et surtout, les modes de régulation. La volonté de rompre avec des normes contraignantes basées sur des valeurs universelles et des mécanismes de sanction est manifeste. À la place de ces normes, on voit apparaître des modèles d’auto régulation basés sur l’adhésion volontaire et l’établissement de standards peu contraignants. Si ces nouvelles formes de régulation sont censées être plus pragmatiques, l’absence totale de mécanismes de contrôle ne garantit en rien l’efficacité supérieure que ces promoteurs veulent lui prêter. Plus que réconcilier rationalité environnementale et rationalité économique, la modernisation écologique aurait ainsi pour effet de produire de nouvelles modalités de régulation.

La société civile globale en chantier : entre jeu institutionnel et alternatives radicales

21On a vu que la modernisation écologique prétend se faire en partenariat avec la société civile et qu’en cela, l’entrée à Rio92 de cette société civile mondiale, alors en gestation, dans le jeu international, avait représenté une étape fondamentale. Vingt ans après l’arrivée en force de la société civile dans la gouvernance globale de l’environnement et du développement, son institutionnalisation pose différentes questions quant aux stratégies à adopter (participation officielle, contournement via lobbying-professionnalisation, radicalisation critique) pour les mobilisations collectives. Si l’enrôlement de la société civile dans les institutions internationales a été un facteur important de sa mondialisation, à partir de la fin des années 1990 et du contre-sommet de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Seattle, d’autres « courants » dans le processus de la mondialisation de la société civile sont apparus, avec notamment le mouvement altermondialiste. Dans le cadre des différents Forums sociaux mondiaux (FSM) et régionaux, mais aussi en marge des différents cycles de négociations des conventions sur la biodiversité ou le climat, une stratégie plus frontale a consisté à dénoncer la faiblesse des engagements internationaux, à maintenir une pression constante dans l’espoir d’obtenir des résultats plus ambitieux ou encore à proposer des alternatives radicales au modèle de développement dominant. Cette troisième partie pose le problème de la stratégie d’une société civile globalisée entre inclusion dans le jeu institutionnel et altermondialisme. Elle vise à montrer que ces deux approches, institutionnelles ou alternatives, sont à la fois divergentes et complémentaires, puisque de nombreuses organisations jouent sur les deux tableaux. Elles renvoient à un dilemme irrésolu pour cette société civile mondiale quant à la position à adopter vis-à-vis des institutions nationales et internationales. Si l’institutionnalisation présente l’avantage d’un accès privilégié aux ressources financières et politiques ainsi qu’une chance de peser à un niveau structurel, elle présente le risque considérable d’instrumentalisation, de cooptation ou de neutralisation critique. Quant à la stratégie alternative, elle semble ouvrir des marges de manœuvre et de créativité non négligeables, mais peut également se traduire par des déconnexions des enjeux politiques ou le repli sur le local.

22Dans cette réflexion, le cas du syndicalisme international présenté dans le chapitre d’Édouard Morena est intéressant à plusieurs titres. Tout d’abord, le syndicalisme est généralement perçu comme l’archétype de l’ancien mouvement social quelque peu déconnecté de la dynamique de globalisation et peu soucieux des questions d’environnement. Or, Édouard Morena montre au contraire qu’à partir du milieu des années 2000, le syndicalisme international a su renouveler ses stratégies et thématiques de mobilisation en s’imposant comme l’un des acteurs les plus influents de la société civile dans les négociations internationales autour de l’environnement. Cette influence des acteurs du syndicalisme international, Confédération syndicale internationale (CSI) en tête, a largement été confirmée à Rio. La CSI a su combiner à Rio+20 des stratégies de mobilisation dans le cadre des négociations et institutions internationales avec une forte visibilité dans le contre-sommet. C’est en s’ouvrant à de nouvelles formes de mobilisation tout en s’appuyant sur son expérience et sa tradition de négociation que le syndicalisme international semble se réinventer.

23Irène Bellier, quant à elle, revient sur la relative force de négociation des acteurs indigènes/autochtones à Rio. Entre capital symbolique, expérience institutionnelle et mobilisations collectives, ce chapitre offre une explication quant à l’importance des thématiques indigènes/autochtones dans les négociations. Ce chapitre est aussi l’occasion de revenir sur vingt ans de mobilisation depuis Rio92 comme moment d’affirmation, sur ce qui a été acquis institutionnellement et sur la dynamique des mobilisations collectives au niveau mondial. Ce chapitre s’arrête en particulier sur deux aspects (la rhétorique et les modes de participation indigène) permettant de comprendre l’efficacité, plus symbolique que politique, et la centralité d’un certain nombre des propositions autochtones.

24Si les exemples syndicaux et indigènes offrent des (contre -) exemples de mobilisations combinant habilement jeux institutionnels et mobilisations collectives, le chapitre de Denis Chartier et Hervé Le Crosnier vise à interroger plus largement l’évolution des positionnements et stratégies de la société civile vis-à-vis des processus d’institutionnalisation du développement durable. Entre choix de participation à la conférence officielle (dans le cadre des groupes de travail) et stratégie de rupture (avec participation unique au Sommet des Peuples), le chapitre revient sur les tensions qui ont émergé de ces différentes postures. Du côté de la conférence officielle, le chapitre s’intéresse au positionnement des ONG internationales environnementales. Du côté du Sommet des Peuples, il revient plus spécifiquement sur les tentatives de renouvellement des modes d’action du mouvement altermondialiste. En conclusion, ce chapitre questionne la place occupée aujourd’hui par la société civile et sa capacité à construire et imposer des alternatives, en dehors, mais aussi au sein des Nations unies.

L’écologie est-elle soluble dans la modernité ?

25Au final, Rio+20 nous apprend que la réforme environnementale du projet modernisateur est loin d’aller de soi, selon les principes d’une supposée bonne gouvernance. Cet évènement nous montre qu’au-delà de la transformation des discours et de certaines inflexions environnementales dans les pratiques, les faits sont têtus et les contradictions profondes. À l’heure où, à travers l’économie verte notamment, le projet de modernisation écologique semblait trouver une consécration au niveau international, la réalisation de ce projet est soumise à différentes épreuves dont on veut montrer les ressorts. Épreuve d’une internationalisation chaotique tout d’abord. Épreuve, probablement encore plus fondamentalement contraignante de la mise en adéquation entre rationalités environnementales et rationalité économique ensuite. Enfin, épreuve de la participation et de l’ouverture à la société civile.

26Au-delà de ces limites « politiques », le projet de modernisation écologique doit peut-être plus encore faire face aux limites « naturelles » de la planète. Depuis Rio92, la situation quant aux dérèglements climatiques, à l’érosion de la biodiversité, à l’épuisement des ressources naturelles ou encore à la dégradation des milieux océaniques ne s’est pas améliorée, très loin de là. Même à supposer que le réformisme environnemental au cœur de la modernisation écologique soit partagé par tous, on peut douter qu’un réformisme timide soit à la hauteur des enjeux écologiques globaux. Il est d’ailleurs intéressant de noter que si Rio92 avait mobilisé une importante expertise scientifique sur les limites naturelles de notre planète, Rio+20 semble avoir mis ces discours sur les limites planétaires sous le tapis d’une nécessaire croissance économique. En ce qui concerne cette question des limites de notre planète, il est également intéressant de noter qu’au moment de Rio+20 émergeait un plaidoyer épistémique nouveau depuis différentes communautés scientifiques : celui qui se structure autour du concept d’anthropocène. À travers ce concept, les tenants de l’anthropocène proposent de donner à une nouvelle ère géologique le nom de l’homme pour mieux souligner l’empreinte désormais climatique et tellurique de ce dernier sur la planète. Si ce concept peut se décliner de manière très diverse, sa version plus historique et politique représente un renouveau intéressant de la critique environnementale de la geste modernisatrice (Bonneuil et Fressoz, 2013) : la modernisation serait inséparable d’un développement scientifique et technologique au service du capitalisme et d’une croissance économique nécessairement anti-environnementale. En deux mots, l’écologie est foncièrement incompatible avec la modernité, qu’elle soit « réflexive » ou même « écologique ».

27Dans la lignée de ces critiques et face aux limites politiques et écologiques que l’on a soulignées, on pourrait être tenté de parler avec Blüdhorn de « politiques de simulation » ou d’une vaste « performance de sérieux » à propos des politiques environnementales, au sens où celles-ci ne serviraient qu’à donner une vague illusion de traiter une crise environnementale globale sur laquelle personne ne veut se donner les moyens, nécessairement drastiques, d’agir (Blüdhorn, 2007). Pourtant, le refuge dans une critique écologique radicale et essentiellement intellectuelle du capitalisme, de l’État, de la technoscience et, plus généralement, de la modernité ne semble pas mieux à même de résoudre la crise écologique. Elle s’apparente en effet à une nouvelle forme de « tentation de la pureté » courant le risque inverse à celui du « pragmatisme » propre à la modernisation écologique, à savoir la déconnexion des enjeux politiques et économiques du monde dans lequel on vit. Entre la puissance critique de l’écologie vis-à-vis des institutions modernes et un certain pragmatisme politique aussi nécessaire que périlleux, le chemin est étroit pour inventer d’autres formes de modernités sur la base de pensées et de pratiques environnementales.

Bibliographie

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Notes de bas de page

1 D’un point de vue strictement institutionnel onusien, Rio+20 n’est pas un Sommet de la Terre mais la Conférence des Nations unies pour le développement durable (CNUDD). Nous reprendrons néanmoins couramment l’appellation de Sommet de la Terre car celle-ci a largement été employée par l’ensemble des participants et commentateurs.

2 Pour une présentation des approches théoriques du groupe, entre « approche politique des questions environnementales » et anthropologie des institutions internationales, on renvoie au chapitre 1 de cet ouvrage.

3 Sans rentrer dans les détails de définition et dans la lignée de précédents travaux (Foyer, 2010), nous souhaitons distinguer clairement ici la gouvernance de la gouvernabilité. De manière très générale, la gouvernabilité renvoie à la possibilité d’exercice du pouvoir, c’est-à-dire aux conditions d’exercice de ce dernier (sécurité physique et juridique, existence d’institutions, stabilité et respect du cadre juridique, stabilité institutionnelle, conflictualité faible…). La gouvernance, elle, renvoie aux modalités concrètes d’exercice du pouvoir selon une vision d’influence gestionnaire ou managériale où le pouvoir est polycentrique, à la fois multi-acteur et multi-niveau. En ce sens, la gouvernabilité devient une sorte de prérequis pour la gouvernance.

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