Une région féconde et hospitalière depuis l’Antiquité
p. 15-31
Texte intégral
1La région de Smyrne se trouve en Asie Mineure occidentale. Il s’agit du littoral égéen qui s’étend d’Ayvalık à Fethiye. Ce littoral borde un hinterland, percé par des vallées fluviales comme celles du Büyük Menderes, du Küçük Menderes, du Gediz. Les villes les plus orientales, occasionnellement évoquées ici, sont Akhisar, Ahmetli, Uşak, Nazilli et Denizli. Cette région constitue, au-delà d’un ensemble géographique stricto sensu, une entité de géographie humaine. Il s’agit grosso modo du vilayet d’Aydın, dont la capitale a été déplacée d’Aydın à Smyrne en 1833, du bassin desservi par les deux lignes de chemin de fer qui ont toutes les deux leur point de départ à Smyrne, de la circonscription consulaire des consuls occidentaux qui résident tous à Smyrne depuis les années 1620, de la région convoitée par la Grèce après le premier conflit mondial. Elle correspond, plus ou moins encore aujourd’hui, à la région Ege Bölgesi de la République turque. Le littoral égéen appartient à la zone climatique méditerranéenne.
2L’Asie Mineure égéenne est célèbre pour sa fécondité depuis l’Antiquité. Elle produit toutes sortes de fruits, de légumes, de graines et de plantes à vocation textile. On y récolte du raisin, des figues, des grenades, des dattes, des abricots, des pêches, des agrumes, des pastèques, du melon, du tabac, du coton, du lin, des pommes, des poires, des coings, des prunes, des cerises, des mûres, des nèfles, des noix, des noisettes, des châtaignes, des amandes, du pavot, des graines de tournesol, des pistaches et toutes sortes de céréales panifiables, alors que le pain est la base de l’alimentation d’une grande partie de la population jusqu’à aujourd’hui, en Turquie. L’agriculture s’insère, à la fin du xixe siècle, dans l’idéologie nationaliste. Si travailler la terre de ses mains n’est pas souvent une occupation lucrative, cela permet à un groupe de prétendre à l’enracinement dans un pays, c’est-à-dire à en être le propriétaire exclusif. Les liens entre le sol et la population suscitent l’attention de toute administration. En Russie, une réglementation empêche l’achat de terres par les juifs. Il n’existe rien de tel dans l’Empire ottoman, à partir du moment (juin 1867) où la propriété privée, tant des sujets de l’Empire que des étrangers, est reconnue. Cette modification du statut des terres, sous la pression des puissances européennes, permet l’achat de terrains par la population grecque orthodoxe. Il y a alors, jusqu’aux guerres balkaniques, grécisation progressive des riches terres micrasiatiques. Après les guerres balkaniques, toutefois, l’administration jeune-turque veille à ce que les Grecs orthodoxes puissent difficilement conserver leurs propriétés. Les activités agricoles suscitent le développement manufacturier. La production d’huile d’olive nécessite des pressoirs mus par la force animale, puis hydraulique, puis par des moteurs. L’huile d’olive sert aussi de matière première à la savonnerie. Enfin, elle est la graisse alimentaire principale.
3L’activité portuaire de Smyrne est fortement dépendante des cycles naturels de la végétation. Ainsi, on parle d’une saison commerciale qui s’étale de début juin à la fin septembre, simultanée au temps des récoltes et des livraisons des divers produits d’exportation dans le grand port expéditeur de l’Asie Mineure. Les principaux produits d’exportation, à la fin du xixe et au début du xxe siècle, sont en effet les raisins de cépage Sultanine, le coton et les figues. En outre, on pratique dans ces régions l’élevage ovin, caprin et bovin. Les équidés servent encore aux déplacements. Smyrne est aussi l’ultime station de caravanes de dromadaires. Cet animal est une figure obligée des récits de voyage ou des cartes postales. Une de ces cartes montre l’arrivée d’une caravane devant une fabrique motorisée. Le contraste ainsi réalisé entre les symboles de modernisme d’origine occidentale et l’animal de bât, symbole de l’Orient, est censé souligner le cachet de cette cité.
4Les divisions administratives ottomanes ne correspondent pas aux divisions ecclésiales orthodoxes. Le siège métropolitain d’Éphèse, qui est en réalité situé à Magnésie en hiver et à Cordélio en été, ou de Smyrne ne correspondent pas non plus aux anciennes divisions administratives byzantines. Pour compliquer la situation, les limites de la circonscription consulaire française ne correspondent pas aux limites du vilayet d’Aydın, mais englobent aussi le vilayet de Konya, le vilayet de l’Archipel, tant que celui-ci appartient à l’Empire ottoman. Le choix des divisions reflète généralement les inclinations nationales des auteurs. L’utilisation de toponymes tombés en désuétude, provenant de l’époque grecque ancienne, romaine ou byzantine, n’est pas innocente et suggère le manque de légitimité de l’administration ottomane. Les deux systèmes de division les plus communs sont celui de l’administration ottomane, que l’Indicateur oriental, annuaire du commerce respecte, ainsi que celui de l’administration romaine en Asie Mineure pour la plupart des auteurs savants occidentaux, grecs et arméniens1. Les divisions administratives de la Turquie républicaine ont été redéfinies et tous les toponymes officiels turquisés. Le vilayet d’Aydın recoupe les divisions romaines d’Ionie, de Lydie, de Carie et d’Éolie. L’exiguïté des provinces antiques ne correspond plus à l’aire de rayonnement de Smyrne, qui comprend jusqu’à la ville d’Ayvalık. Ainsi, ce sont les divisions ottomanes qui sont utilisées ici.
UN PEUPLEMENT ANCIEN, DIVERS ET CHANGEANT
5La région de Smyrne est peuplée depuis l’Antiquité. Le peuplement y est complexe et l’a toujours été2. Il mêle différentes populations à travers le temps, selon des processus de conquête, d’assimilation, d’installation, d’appropriation du sol, de répartition des richesses et de domination. Ces processus historiques, ainsi que l’organisation sociale relativement cloisonnée de l’époque ottomane tardive présentent à l’examen une région humainement bigarrée3.
6Dans l’Antiquité, la civilisation hellénique s’installe surtout sur les rivages de l’Asie Mineure occidentale. L’hellénisation de la péninsule se généralise à partir de la conquête d’Alexandre et de l’administration des diadoques. Sous l’Empire byzantin, la diversité persiste. Vryonis la souligne tant en matière ethnique que religieuse4. L’orthodoxie fédératrice est caractérisée par de nombreuses hétérodoxies et hérésies. Ahrweiler parle aussi de « “cosmopolitisme” avant la lettre » pour toute l’Asie Mineure5. Pendant la période byzantine, Arméniens, Slaves, soit des Serbes et Bulgares, mais aussi Coumans, Arabes, Turcs et Latins sont présents dans la région.
7Celle-ci est tôt intégrée dans le monde hellénique antique, à la faveur de mouvements de migration à partir des Balkans, qui entraînent la fondation des cités célèbres dans l’Antiquité comme Milet, Halicarnasse, Smyrne, Éphèse, Adramytte, etc. Elles sont annexées par l’Empire perse, au vie siècle, avant notre ère. L’Asie Mineure connut les premiers pas de la philosophie, des mathématiques et de la poésie grecques anciennes, bien avant Athènes. Ces faits historiques sont les points de départ obligés des histoires ou mémoires grecs ou phihellènes sur la région6. Les traces de cette histoire captivent les archéologues occidentaux ainsi que les érudits locaux, le plus souvent Grecs orthodoxes. L’engouement scientifique pour ces vestiges est soutenu par une institution locale, l’École évangélique grecque orthodoxe, qui publie le Musée et bibliothèque de l’École évangélique, en grec, à Smyrne dès 1873. À partir du iie siècle, la région fait partie de l’Empire romain, mais sans être profondément romanisée. Elle participe aussi aux débuts du christianisme : Polycarpe, évêque de Smyrne, est martyrisé par Rome, en 156. Puis la région de Smyrne appartient à l’Empire d’Orient et entre ainsi dans la civilisation chrétienne impériale, jusqu’à la fin de la deuxième décennie du xive siècle. Les vestiges byzantins y sont importants, d’autant que l’Empire de Nicée est, en fait, centré sur Nymphaion, bourgade qui se hisse brièvement au rang de capitale impériale7.
LES DISCONTINUITÉS LOCALES DE L’HISTOIRE GRECQUE
8Établir une continuité grecque sur des millénaires, comme beaucoup d’hellénistes s’attachent à le faire, relève du tour de force. S’il faut faire place au fait grec depuis les temps homériques parvenant, d’une certaine façon, jusqu’à nos jours, celui-ci doit être conçu en tant que phénomène complexe, qui contient bien des ruptures ou crises idéologiques, géographiques et bien sûr génétiques8. Ce problème de la continuité obsède les historiographes d’autres peuples, dits anciens, de la région comme les Arméniens, les Arabes ou les Juifs. La continuité affirmée repose sur la conviction de la permanence essentielle d’une identité spécifique à ces peuples. Il s’agit pourtant dès lors d’une histoire qui abolit l’histoire et ne fait que conter les avatars d’essences statiques éternelles. Or cette continuité est bien difficile à affirmer en Asie Mineure occidentale9.
9La conquête musulmane de l’Asie Mineure provoque la destruction de la société byzantine et souvent la disparition ou la fuite des chrétiens, en particulier Grecs orthodoxes. La Smyrne conquise est une bourgade turque et musulmane, aux neuf dixièmes. Il est plus que téméraire d’écrire comme cet auteur grec du début du xxe siècle : « [...] les Grecs des rivages sont les descendants des Grecs des colonies, qui furent fondées pendant les temps anciens, ainsi que des habitants de l’intérieur de l’Asie Mineure, hellénisés à travers le temps par Alexandre le Grand et sous les Byzantins10. » Le texte qui suit ce passage fait d’ailleurs allusion à de nouveaux mélanges avec des Grecs venus de l’extérieur, mais la continuité centrale est posée d’emblée. La plupart du temps, le géographe et l’historien de ces régions ne se concentrent pas sur l’étude de la géographie humaine ou de l’histoire des habitants. C’est le cas pratiquement sans exception jusqu’aux années 1920. Il s’agit bien plutôt de déterminer qui se trouve en toute légitimité à tel endroit.
10Odessa et sa région, autre zone humaine plurielle, comparable à Smyrne au xixe siècle, présentent une différence notable par rapport à l’Asie Mineure. Il n’y est jamais fait mystère du caractère récent de sa fondation, contrairement à Smyrne dont on s’empresse de souligner la continuité supposée avec l’Antiquité11. La nouveauté de l’établissement urbain d’Odessa s’inscrit pourtant dans une longue histoire d’activité humaine dans cette région, mais personne n’en gomme le caractère discontinu. Autre différence de taille, Odessa est une ville qui fut dessinée dès sa fondation selon l’urbanisme moderne. Odessa naît d’un geste hardi de saisie du territoire. C’est une ville sans enfance. Or ce n’était pas l’impression que faisait Smyrne au visiteur, même si les voyageurs notent tous la rareté décevante des vestiges antiques dans la ville elle-même. Hormis les nouveaux quartiers près du quai, la place du konak, la continuité historique de la ville, depuis la conquête ottomane, ne faisait aucun doute.
11Smyrne et les rivages égéens, dans la seconde moitié du xixe siècle, présentent un aspect fortement grec aux visiteurs. Que s’est-il passé entre les âges byzantins et l’époque contemporaine ? Hormis la croissance démographique que l’on remarque chez les groupes chrétiens du Proche-Orient ayant tôt eu accès aux soins de la médecine occidentale, notamment dispensée dans le cadre des missions catholiques, il faut bien constater un retour de Grecs, après une quasi-absence assez longue12. Tous les auteurs de l’époque parlent d’une conquête pacifique de ses parages, du fait de l’activité économique des Grecs orthodoxes13.
12Le pays a été, entre-temps, turquifié en profondeur, en particulier sa toponymie. Ce phénomène est sensible dans les campagnes, où les villages portent des noms turcs dont l’équivalent grec n’est souvent qu’une construction artificielle. On peut citer à titre d’exemple : Buca au nord-est de Smyrne, Kukluca, Hacılar, Sevdiköy, Narlıköy. Même certains auteurs grecs, bien qu’irrédentistes, se refusent à leur donner un autre nom que le nom turc, légèrement grécisé par la transcription, qui altère inévitablement la prononciation. Ce nom est d’ailleurs celui que tout le monde emploie sur place. A contrario, il faut savoir que la toponymie turque reprend et adapte plus ou moins les toponymes grecs anciens ou byzantins à la phonétique turque. C’est le cas pour les centres les plus importants, comme Burnova, issu de Prinovaris, Manisa, issu de Magnisia, ou Izmir, venant tout droit de Zmyrni. Ces adaptations sont la conséquence de la conservation de certains sites. Quand le site d’installation est postérieur à l’époque byzantine, le nom turc est le seul qui puisse exister. La diffusion des noms turcs, de quelque origine qu’ils soient, est attestée par leur utilisation spontanée en français levantin, en arménien ou même en grec d’Asie Mineure.
13Le retour massif des Grecs en Asie Mineure est dû au développement commercial et agricole de la région, ainsi qu’aux troubles qui ravagent la Morée, après l’insurrection révolutionnaire de 1821. Les évolutions qualitatives de la population n’ont rien d’extraordinaire en soi, tant que la réussite dans l’armée ou l’Administration reste pour les musulmans un idéal de vie inégalé et que l’ordre impérial ottoman semble impérissable. Dans ce cadre, les différents groupes ne se pensent pas comme antagonistes. Les populations peuvent cohabiter si elles acceptent la place qui leur est assignée. En particulier, les Grecs orthodoxes, tant qu’ils n’expriment pas de prétentions politiques, peuvent très bien persister dans leur foi et régler leurs affaires internes comme ils l’entendent. Mais le retour massif de l’élément grec orthodoxe a pour conséquence la constitution de majorités grecques le long des côtes et en particulier dans la ville de Smyrne. Ces majorités côtières et urbaines restent cependant minoritaires à l’échelle du vilayet. La ville d’Aydın, en particulier, demeure une ville à la population et l’aspect largement turcs, jusqu’en 192214.
14L’Archipel a servi de refuge aux populations chrétiennes, au temps de la conquête musulmane. Il fonctionne désormais, au xixe siècle, comme un réservoir pour les territoires occidentaux de la péninsule15. La population est mobile en raison de ses occupations professionnelles, en partie liées à la mer. Il s’agit souvent de pêcheurs ou de marins, ayant un lopin sur une île. Or cette zone, adjacente à la péninsule micrasiatique, connaît une révolution démographique à partir du xviiie siècle. On y note une forte natalité qui fait croître la population, alors que les terres sont pauvres et, de toute façon, rares. Cette situation pousse au départ des insulaires pour l’Asie, où les terres sont peu peuplées et les perspectives favorables16. Ainsi, la population grecque orthodoxe de l’Archipel gagne les côtes voisines17.
15La mobilité des Grecs orthodoxes et la date récente de leur nouvelle installation en Asie Mineure ne font pas mystère pour la population. On parle ouvertement, voire avec une certaine fierté, d’une « origine » péloponnésienne ou égéenne. Les réfugiés, interrogés par le Centre d’études d’Asie Mineure d’Athènes, à partir des années 1930 et jusque dans les années 1970, abordent franchement le sujet. Certains savent et d’autres pas d’où leurs ancêtres sont venus, mais tous sont bien conscients du caractère relativement récent de leur installation18. Les réfugiés parlent aussi du processus d’autochtonisation des travailleurs migrants19. Ces migrants de Grèce vers l’Asie Mineure ont, en effet, fini par se marier sur place et sont devenus des chefs de familles. Ces mouvements de population sont indéniables, même pour les irrédentistes, si prompts à parler de droits historiques des Grecs sur ce territoire : « Les Épirotes ont bien renforcé l’hellénisme partout en Asie Mineure, où ceux-ci sont venus s’installer à partir de 1830, les Lesbiens l’hellénisme des rivages occidentaux de l’Asie Mineure, en face de leur île, les Cappadociens l’hellénisme des rivages nord, sud et ouest de la péninsule20. »
16Le grec parlé en Asie Mineure occidentale est la langue de l’Archipel, à peu de nuances près. Il n’y a pas de forte continuité linguistique depuis l’époque byzantine, mais réintroduction massive du grec à partir d’une zone qui est, d’ailleurs, partie prenante dans la définition du standard de la langue démotique du royaume de Grèce. Il est donc naturel qu’il y ait homogénéité linguistique avec le royaume21. La grande étude sur le grec moderne d’Asie de Dawkins n’évoque même pas le grec de Smyrne, comme s’il ne présentait aucun intérêt. Si l’on s’attarde sur ses particularités, on s’aperçoit qu’elles existent tout de même. Il s’agit surtout d’emprunts, qui attestent la familiarité des Grecs avec le turc et, dans une moindre mesure, avec l’italien ou le français. Un roman qui fait la place à ce grec familier doit être doté d’un lexique pour un lecteur grec d’aujourd’hui22. Le mythique « hellénisme » d’Asie Mineure a sa part turque que le discours savant, grec et philhellène prend soin ou de taire ou de réprouver23. En revanche, le grec pontique, parlé là où la population grecque peut affirmer, à juste titre, une permanence depuis l’Antiquité ou au moins depuis la chute de l’État orthodoxe local (1461), diffère sensiblement du grec du royaume de Grèce. La démotique du royaume et le pontique ont le même statut de langues filles vis-à-vis du grec ancien, lui-même déjà divers. Il n’y a pas intercompréhension entre ces deux parlers, même si leur caractère grec est indubitable pour tous24. L’histoire et les changements qu’elle engendre démentent ainsi les théoriciens d’une grécité immuable, uniforme et pure. Mais le discours nationaliste n’hésite pas à utiliser tout argument et ne s’embarrasse pas des contradictions internes entre idéologèmes, à savoir ici celui de l’autochtonie originelle et celui de la nouveauté pionnière, comme le remarque un voyageur français de la fin du xixe siècle : « Les Grecs ont la prétention d’être, de tous les habitants de Smyrne, à la fois les plus anciens et les plus modernes. Ils vantent, avec la même loquacité, les temples de marbre de leurs ancêtres, et le Cercle hellénique, éclairé au gaz [...]25. »
17Le nationalisme grec élabore plusieurs discours pour justifier la prééminence politique à venir des Grecs en Asie Mineure. Il peut arguer de droits « historiques », c’est-à-dire développer l’argument du premier occupant. Mais il peut aussi, et cela porte particulièrement au début des années 1920, où futurisme et fascisme sont en genèse, se profiler en conquérant jeune, énergique et fort, qui s’oppose à l’apathie, supposée atavique et incurable, de l’Orient musulman26. Toutes ces plumes ignorent ainsi les ressources de la société turque musulmane et ne peuvent voir venir la révolution jeune-turque, elle-même annonciatrice des réformes kémalistes, après le premier conflit mondial. Cependant, malgré l’ingéniosité du nationalisme grec moderne, la région portait la marque d’autres présences humaines dès l’époque byzantine.
DE L’ASIE BYZANTINE À L’ANADOLU TURQUE
18La région est en contact avec l’Islam, depuis que celui-ci cherche à s’étendre vers le nord-ouest de l’Asie. La conquête de Smyrne et de sa région par la poussée musulmane se fait graduellement. La ville est soumise à des raids arabes, mais ce sont surtout les incursions seldjoukides en Arménie, puis en Asie Mineure qui vont, à terme, menacer la cité byzantine. En particulier, au xie siècle, le chef turc Çaka Bey s’y établit et constitue un éphémère royaume dans la région. La ville revient à Byzance, en 1097, après la reconquête de Nicée. En 1317, la forteresse au sommet du Pagos est abandonnée par l’Empire byzantin27. En 1320, l’émir Aydın d’Éphèse s’empare de la ville, qui devient à nouveau une base de piraterie turque dans la mer Égée28. Le 8 octobre 1344, les puissances maritimes, Venise et Gênes, sous l’égide papale, la reconquièrent29. Les chevaliers de Rhodes se voient confier sa défense, et rénovent à l’entrée du port le fort Saint-Pierre qui est démoli, au xixe siècle seulement, par la puissance publique ottomane. La citadelle du Pagos demeure, elle, possession des Aydınoğlu. La ville haute est la ville turque musulmane, la ville basse et le fort Saint-Pierre, Aşağıkale ou simplement Hisar en turc, son contrepoint chrétien30. En décembre 1402-janvier 1403, Timur Lang détruisit la ville et chassa définitivement les chevaliers de Rhodes31.
19La conquête ottomane définitive a lieu en 1424-1425. Smyrne est alors rattachée à l’Empire par Mehmet II32. C’est une période de destruction des établissements sédentaires et de fuite de la population orthodoxe : « […] les chrétiens de Smyrne ont été largement déportés et remplacés par des colons musulmans et […] la ville était en ruines33. » Une part de la population qui cherche à fuir essaie de gagner Constantinople ou bien les îles égéennes34. Après la conquête ottomane, la ville modeste qui subsiste, et qui ne compte que quelques milliers d’habitants jusqu’au xvie siècle, connaît une certaine stabilité. Certains auteurs parlent de pax ottomanica de quatre siècles pour Izmir. La région se retrouve, en effet, au centre d’un espace ottoman en expansion jusqu’à la fin du xvie siècle. Mais le grand port de l’Antiquité ou de l’Empire byzantin n’est plus. En 1580, la ville compte environ 2000 habitants. Il s’agit d’une bourgade musulmane, aux quatre cinquièmes, qui ne vit que d’occupations agricoles sur les terres des environs immédiats35. La conquête a eu plusieurs conséquences sur l’espace de la ville. La communauté grecque orthodoxe, qui passe sous la tutelle du nouveau pouvoir, n’occupe plus qu’un quartier unique : le cemat-i gebran autour de l’église Saint-Georges, qui existe jusqu’en 1922.
20Si la présence grecque n’est pas de nature anhistorique dans la péninsule d’Asie Mineure, il en va de même pour la présence turque. L’arrivée des Turcs dans la partie nord de l’Empire byzantin débute à la bataille d’un avant-poste byzantin en terre arménienne, Manazgerd, perdue par Byzance en 1071. Le but de la conquête est l’installation définitive. Les byzantinistes affirment que l’avance des Turcs fut facilitée par la diversité ethnique, linguistique et religieuse de l’Empire byzantin36. Une large partie de la population chrétienne se convertit à l’Islam et adopte le turc. Les villageois chrétiens apportent aux conquérants leur savoir-faire agricole. Arméniens et Grecs constituent aussi une main-d’œuvre artisanale recherchée. Les villageois chrétiens sont dépossédés puis réintégrés dans un nouveau village, souvent à quelque distance de l’ancien, où ils se trouvent en position sociale subalterne. La cohabitation entre une ancienne population en voie de conversion et les nouveaux venus contribue à la sédentarisation des Turcs, même si certaines habitudes semi-nomades persistent, comme celle de l’estivage hors du village d’hiver, construit en dur37.
21Le développement reprend au début du xviie siècle. C’est alors que Smyrne sort de son rôle de petit port agricole assigné au ravitaillement de Constantinople, au même titre que d’autres villes du littoral, pour devenir le port intégré à des réseaux centrés sur l’Europe occidentale, drainant vers lui les marchandises importées de Perse, mais aussi les produits de l’arrière-pays agricole, qui s’adapte aux exigences de l’Europe commerçante. Au xviiie siècle, la région est dominée par des familles ottomanes, en particulier les Karaosmanoğlu de Manisa et les Araboğlu de Bergama. C’est avec ce pouvoir local fort que les Européens doivent composer38. La nouvelle irruption de l’Occident, désormais engagé sur la voie de la révolution scientifique et technique ainsi qu’économique, dans cette région du monde accélère la croissance de Smyrne et en fait un centre cosmopolite, plurilingue, multiethnique et plurireligieux39. C’est la vision célèbre que livre Jean-Baptiste Tavernier :
« La ville est fort peuplée et ne contient guère moins de quatre-vingt-dix mille âmes. On y compte plus ou moins 6 0000 Turcs, 15 000 Grecs, 8 000 Arméniens, et six ou sept mille Juifs. Pour ce qui est des chrétiens d’Europe, qui y font tout le commerce et dont je parlerai incontinent, le nombre en est fort petit. Chacune de ces nations y a l’exercice de la religion entièrement libre. Les Turcs ont à Smyrne quinze mosquées, les Juifs sept synagogues, les Arméniens n’ont qu’une église, les Grecs en ont deux, et les Latins trois. Les Capucins français y ont un fort beau convent, et leur église sert de paroisse où ils font les fonctions curiales. Il y a aussi des jésuites français et des observantins italiens. Les Turcs, les Grecs, les Arméniens et les Juifs demeurent sur la colline, et tout le bas qui est le long de la mer n’est habité que par des chrétiens d’Europe, Français, Anglais, Hollandais et Italiens. Les Grecs ont dans le même quartier une ancienne église, et quelques petites maisons où les matelots vont prendre quelques repas.
Le quartier des Francs n’est qu’une longue rue, dont l’un des côtés donne sur la mer qui bat au pied des maisons, et tant pour la vue que pour la commodité de la décharge des marchandises, les maisons qui répondent sur la mer sont de beaucoup plus chères que celles qui regardent la colline40. »
22Au xviie siècle, malgré son cosmopolitisme croissant, la ville conserve une majorité absolue d’habitants turcs, évidente pour un voyageur occidental qui a pourtant plus de facilité à entrer en contact avec des chrétiens, et ayant ainsi le travers fréquent de surestimer le groupe qu’il côtoie directement. Les questions de démographie dans l’Empire ottoman sont délicates41. En effet, hormis la difficulté technique de mise en place de processus de recensement de toute population, le chercheur est confronté aux enjeux politiques et idéologiques, ainsi qu’aux réalités sociales des rapports entre groupes de l’époque qui obèrent, en partie au moins, les mécanismes de recensement ou d’estimation des populations, que ceux-ci soient d’initiative étatique, étrangère ou communautaire.
23Au xixe siècle, la fécondité des Grecs orthodoxes est supérieure à celle des musulmans. Les observateurs soulignent le recul démographique de la population turque en Asie Mineure. C’est plutôt le solde de naissances viables qui est nettement plus élevé chez les non-musulmans, car ils se trouvent déjà dans la première phase de révolution démographique : « C’est autour de 1881 que se situe le moment de l’histoire turque où les non-musulmans, Grecs et Arméniens surtout, atteignirent leur apogée démographique. Ils représentaient alors 21 % de la population sur le territoire de la Turquie actuelle42. » Les musulmans, moins bien soignés, subissent seuls les contraintes de la conscription et des fréquentes mobilisations, alors que guerres avec les pays voisins et soulèvements dans les territoires balkaniques se succèdent. Ils ne peuvent soutenir la concurrence démographique des non-musulmans qui acquittent le bedel-i askeriye et échappent ainsi à cette obligation, jusqu’au régime jeune-turc.
24Dans ce contexte, Smyrne fait figure de grande ville non musulmane, plus particulièrement chrétienne, même auprès de la population turque qui l’appelle Gâvur İzmir, la ville infidèle. Le consul de France en estime la proportion des habitants Grecs orthodoxes aux deux tiers de la population totale. Smyrne est devenue semblable à un îlot grec avec un arrière-pays musulman43 La situation, jusqu’alors simple résultat du cours de l’histoire, est présentée comme épineuse pour l’Empire à la fin du xixe siècle44.
25De même, on perçoit l’émergence d’une aire allant de la mer de Marmara à Antalya, où s’expriment des visées sinon d’expansion, du moins de contrôle partagé entre la diplomatie hellénique et l’Église orthodoxe, sur la population rum. Un monde grec orthodoxe, graduellement hellénisé, se profile, même sur des rivages si lointains. La trame grecque suit deux réseaux : les consuls, vice-consuls, agents consulaires hellènes, mais aussi les dignitaires religieux. Les métropoles deviennent des foyers d’hellénisation45. L’affiliation sentimentale à l’État grec prend des formes démonstratives dans l’espace public. Les célébrations religieuses pascales à Smyrne sont connues pour leurs débordements dans la rue ottomane. Les fêtes ou événements de l’État grec moderne donnent lieu à des manifestations et déploiements de pavillons azur et blancs aux façades des maisons smyrniotes46. Les cafés grecs ont souvent une photographie du roi de Grèce, dans des localités parfois fort éloignées. Ainsi, un voyageur découvre des portraits du couple royal de Grèce dans un café de Nazilli47.
26La population rum, si démonstrative, tend à accaparer l’attention des voyageurs. Pourtant, la population musulmane est majoritaire dans le vilayet d’Aydın jusqu’en 1922. Elle est diverse, même si les sources occidentales ou non musulmanes d’Orient ne permettent pas de la sonder. Certains groupes sont très visibles, comme les Zeybeks ou Yürüks d’Asie Mineure. Il s’agit de groupes aux costumes hauts en couleur, qui s’insèrent dans l’imagerie exotique de la région. Toutefois, la diversité musulmane reste décrite comme de l’extérieur. Ainsi, il est rare de trouver mentionnée la mosquée chiite, inclue dans le han des Persans, Acem hanı. A contrario, cette diversité est soulignée à loisir par la bibliographie nationaliste grecque, comme argument pour scinder le groupe musulman en groupes de type national, et réduire l’ensemble turc48.
27Certains travaux, même récents, essaient de mettre en valeur l’autochtonie exclusive des Turcs par rapport aux migrants chrétiens, notamment économiques, au cours du xixe siècle49. Il suffit pourtant de changer les bornes temporelles d’examen pour mettre en lumière l’historicité inéluctable de cette présence. L’historiographie turque moderne a longtemps désiré gommer le passé du territoire. Arméniens et Grecs orthodoxes sont les personnes non grata dans l’espace et le temps de la Turquie. Il s’agit d’une manipulation idéologique inverse de celles d’autres groupes désireux de s’approprier exclusivement la péninsule50. L’argument de l’autochtonie n’est cependant pas le seul qui puisse étayer cette revendication exclusiviste. La conviction d’être le peuple ayant reçu l’ultime révélation, et que le territoire que l’on a conquis est donc régi par la véritable foi, permet même de valoriser la très relative nouveauté de la présence des Turcs en ces contrées gagnées au Dar-al- Islam. Le territoire ainsi sanctifié devient intangible, selon la formule de Vryonis : « once Muslim, always Muslim51 ».
LES IMMIGRANTS MUSULMANS
28Depuis les débuts des nationalismes en Turquie d’Europe, une partie des musulmans ottomans qui résidaient sur place – qu’ils soient issus de convertis locaux ou d’anciens immigrants musulmans – sont obligés de partir sous la pression des nouveaux États ou des populations, ou bien font le choix personnel de rester en territoire sous souveraineté musulmane52. Ainsi, l’Asie Mineure connaît un afflux de muhacirs, qui renouvelle la population musulmane. L’Anatolie devient un refuge pour les musulmans des Balkans, poussés à l’émigration. Il s’agit d’un changement qualitatif important. En effet, ces muhacirs éprouvent du ressentiment envers ceux qui les ont chassés de chez eux53. En particulier, les Turco-Crétois qui commencent à affluer après la première insurrection grecque orthodoxe de 1821-1829 se montrent, le plus souvent, hostiles envers les Grecs orthodoxes du vilayet. Cette inimitié s’exprime ouvertement à l’extérieur de Smyrne. De nombreux témoignages de réfugiés Grecs orthodoxes d’Asie Mineure confirment ce changement : « Nous avions peur des Crétois sans maître. Ils tuaient. Ils volaient, c’était de terribles tueurs de chrétiens. Dès qu’ils mirent le pied en Asie Mineure, après l’occupation de la Crète, la vie des chrétiens changea54. »
29Les Turco-Crétois ne quittent une île, où ils occupent toutes sortes de professions, dont leurs ancêtres sont originaires, et dont le dialecte grec est l’unique langue, que sous la contrainte de violences, répétées tout au long du xixe siècle : en 1821-1829, puis 1858, 1866-1869 et finalement 1896-189755. À Smyrne et dans d’autres villes ou villages de la région, ils s’installent dans de nouveaux quartiers56. Le plus souvent, ce sont des lieux improvisés comme au sud de Kadifekale, construits à la hâte, peu à même de faire oublier la Crète57. Après les guerres balkaniques, de nombreux muhacirs de Thrace, de Macédoine et d’Épire arrivent en Asie Mineure. Ce courant migratoire grossit, jusqu’aux guerres balkaniques de 1912-1913.
30Les autorités ottomanes établissent des quartiers de muhacirs, notamment de Thessalie qui vient d’être enlevée à la Grèce, en 1882 dans les lieux suivants : Kadife Kalesi, Beli Bahçe, Göztepe, Halka Bunar et Bağı Burnu. Le cimetière juif de Değirmen Dağı est convoité lui aussi, il s’agit d’un terrain en face de Karataş. L’espace est saisi par la « Commission pour l’installation des émigrés ottomans ». On installe d’abord des baraques, puis le campement est amené à devenir un village58. La communauté juive est très choquée par la profanation d’un cimetière qu’elle utilise depuis plusieurs siècles, sans être toutefois à même de produire le ferman impérial qui lui en accorde l’usage59. Cet afflux conditionne le développement de la ville de Smyrne et contribue à gommer certaines traces de son histoire, car les vestiges antiques servent de carrière de pierres, en particulier lors de la construction de quartiers pour les muhacirs. Personne alors n’accorde de valeur au passé ni à ses vestiges.
31La population muhacir n’est pas homogène. À côté des quartiers miséreux de réfugiés, elle se distingue aussi par son apport de talents et de compétences. Cela est vrai à l’échelle de l’Empire, notamment sur le plan intellectuel60. C’est également vrai à Smyrne dans le domaine de la fonction publique ottomane. De hauts dignitaires dans l’administration du vilayet sont originaires de territoires perdus par l’Empire. C’est le cas du defterdar Kemal Bey, au début du xxe siècle, qui arrive de Crète, ainsi que du vali Rahmi Bey, dont la famille était établie à Salonique61. Il arrive à Smyrne en septembre 1913 et reste en fonction jusqu’en 1918. L’attitude de ces fonctionnaires envers les Grecs orthodoxes ne peut être bienveillante.
32La population musulmane de Smyrne est au contact de l’Europe et est attirée, elle aussi, par sa puissance. Elle appartient aux catégories sociales auprès desquelles le Comité Union et Progrès (CUP) a un fort succès. La consultation du Moniteur oriental ne laisse aucun doute sur la présence en ville d’une élite musulmane accédant à des professions libérales comparables à celles exercées par les chrétiens : médecine, journalisme, enseignement ou droit. On distingue même la présence de commerçants musulmans dans toutes les branches d’activité, même si les contacts avec l’Occident sont plutôt le fait de non-musulmans. En juillet 1908, cette population moderne est enthousiasmée par la révolution du CUP. Izmir est aussi une ville de la modernité musulmane ottomane. Néanmoins, le nationalisme turc y est de facto minoritaire dans la population, puisque les Turcs y sont minoritaires62. Le voisinage de populations non musulmanes européanisées, et manifestement aisées, avive l’envie de se hisser au même niveau matériel et politique que cet Occident si présent dans cette ville. En comparaison, Stamboul est la ville du conservatisme impérial et relativement hostile aux idées du CUP.
JUIFS ET ARMÉNIENS : ENTRE EXIL ET AUTOCHTONIE
33La population juive d’Asie Mineure se voit doublement en exil. D’un point de vue religieux, le peuple juif est en exil depuis la seconde destruction du temple, en 70. D’un point de vue linguistique, la population juive se sait l’héritière de la population juive expulsée d’Espagne, lors de la Reconquista par les Rois très Catholiques63. La population juive, comme celle de Salonique ou de Constantinople, maintient l’usage de l’espagnol du xve siècle, mâtiné d’apport des langues liturgiques et des langues de contact. La création d’une communauté juive est tardive, puisqu’elle a lieu en 1605. La croissance de la population est rapide, car déjà vers 1630, elle compte environ 2 000 personnes. L’installation à Smyrne d’une communauté juive fait suite à la crise du textile, notamment à Salonique, la Jérusalem des Balkans64. Elle détrône ainsi Magnésie, qui était le centre régional principal de la population juive. Dans la seconde moitié du xixe siècle, Smyrne est plus peuplée que Salonique, qui ne rassemble, malgré sa croissance, que 150 000 habitants au début du xixe siècle, alors que Smyrne en compte le double65. Salonique est encore moins musulmane que Smyrne l’Infidèle. Au début du xxe siècle, elle ne compte que 27 % d’habitants musulmans contre 33 % à Smyrne66. Sa majorité juive en fait une ville bien différente de Smyrne, où ce groupe est minoritaire et moins aisé.
34Smyrne est importante dans l’histoire juive, car elle est le cadre, au xviie siècle, du sabbataïsme, un mouvement messianique qui aboutit à la fondation d’une communauté secrète, celle des dönmes67. La population juive compte, à la fin du xixe siècle, environ de 15 000 à 2 0000 personnes68. Cette population n’a aucune prétention à l’hégémonie en ville69. Le groupe est considéré comme fidèle au régime ottoman. Après le xviie siècle, qui a été un siècle de grande influence des juifs dans l’Empire, ils s’estiment eux-mêmes en situation de décadence, dès le début xixe siècle. À Smyrne, ils connaissent la gêne matérielle, concentrés dans leur quartier, limitrophe du quartier turc et assez éloigné des quartiers européens. Il existe également de nombreuses mais petites communautés dans l’ensemble du vilayet comme par exemple à Magnésie, Aydın ou Tire.
35Les sources arméniennes s’attachent à faire remonter la présence d’Arméniens à Smyrne le plus tôt possible, même avant la destruction des royaumes de Cilicie au xive siècle, mais aussi des expulsions d’Arménie orientale, consécutives à la conquête perse de l’Arménie orientale. Une place de choix est faite dans ces récits aux déportations du chah Abbas, qui a également provoqué des mouvements de population vers l’ouest70. Ne serait-ce pas là un schéma préétabli de légitimation, ressentie comme nécessaire, de la présence d’une communauté hors de tout territoire national, par des monographes nationalistes du xixe siècle ? La seule légitimité possible est celle que confère la destruction d’un noyau national, qui prend des allures mythiques avec l’éloignement. D’une façon plus matérialiste, on peut avancer que les Arméniens viennent à Smyrne quand celle-ci acquiert une fonction commerciale internationale. C’est au début du xviie siècle que des Arméniens d’Alep et de Perse viennent s’installer à Smyrne. Le commerce avec la Perse – et, en particulier, le commerce des soieries – amène de nombreux Arméniens à s’y fixer.
36L’effectif de la population arménienne est presque stable de la fin du xviie siècle au début du xxe siècle. Smyrne n’est, le plus souvent, qu’une étape dans un itinéraire qui mène les Arméniens de Smyrne vers l’Occident : Trieste, Venise, Amsterdam ou Marseille, ou même vers d’autres rivages propices aux affaires comme l’Égypte71. Le mouvement est si prononcé que certaines colonies, au Caire ou à Candie, sont constituées en majorité d’Arméniens de Smyrne. Des immigrations successives d’Anatolie ou d’Arménie ottomane compensent ces départs. Elles sont causées, d’une part, par l’insécurité chronique, où les relations entre musulmans et non-musulmans n’ont pas les dehors policés de Constantinople ou de Smyrne, et d’autre part, par la pauvreté des lieux quittés. Smyrne promet une relative sécurité, ainsi que la possibilité de trouver à s’employer, de scolariser ses enfants et d’espérer ainsi une ascension sociale pour soi-même ou ses descendants.
37Il s’agit aussi d’une population urbaine. Elle compte de nombreuses mais modestes communautés dans la région, comme à Magnésie. Les Arméniens de Smyrne sont moins nombreux que les juifs, mais ont la réputation d’être, dans l’ensemble, plutôt à l’aise. L’effectif total se maintient autour de 10 000 personnes environ, jusqu’en 1914. Il y a aussi déperdition de capital humain par le jeu de nombreux mariages exogames avec des membres de millets plus attractifs que la communauté arménienne. La stabilité apparente de l’effectif de ce groupe humain masque donc une histoire sociale et migratoire plus complexe.
***
38Toutes les populations de la région sont présentes en raison d’une histoire longue et enchevêtrée. Cette situation est attestée partout dans les Balkans et au Proche-Orient. L’éparpillement y est partout la norme72. Dans cet écheveau de mouvements divers, les principaux groupes développent des discours, qui sont autant de revendications exclusivistes. Grecs et Turcs veulent faire de cette région leur propriété. Le rapport au territoire acquiert une acuité nouvelle. Le xixe siècle fait du modèle de l’État-nation et de la patrie territorialisée, le modèle normal de l’organisation politique des populations. Dès lors, Smyrne, comme quelques grandes cités portuaires de l’Est méditerranéen – en particulier Salonique, Odessa, Alexandrie et Constantinople –, est une anomalie à normaliser, en la vidant de la population indésirable, afin de l’inclure dans un ensemble national en création.
Notes de bas de page
1 Kalphoglous I., Géographie historique de la péninsule d’Asie Mineure, Constatinople, 1899 (tu.), Athènes, 2003 (gr.). Kalphoglous utilise la division ottomane de l’espace pour son ouvrage précurseur, en turc karamanlı.
2 Reclus É., Nouvelle Géographie universelle. La Terre et les Hommes, t. IX, L’Asie Antérieure, Paris, 1884, p. 4 : « En aucune contrée de la Terre, les races principales qui se font équilibre dans le monde n’ont eu plus de représentants civilisés contrastant aussi nettement les uns avec les autres. »
3 Askitopoulos Y., « L’ethnographie micrasiatique », p. 303-312, DKMS, t. VII, 1988-1989 (gr.).
4 Vryonis S., The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of Islamization from the Eleventh through the Fifteenth Century, Berkeley, 1971, p. 68 : « La culture de l’Anatolie, cependant, reflétait les éléments disparates qui avaient été noyés sous les dehors de l’hellénisme et de l’orthodoxie. Dans certains cas, les anciens particularismes locaux disparurent simplement, mais souvent ils s’installaient en force dans les formes culturelles de l’Anatolie byzantine. »
5 Ahrweiler H., « L’histoire et la géographie de la région de Smyrne entre les deux occupations turques (1081-1317), particulièrement au xiiie siècle », Travaux et mémoires du Centre de recherche d’histoire et civilisation byzantines, n° 1, Paris, 1965, p. 1-42.
6 Texier C., Description de l’Asie Mineure : faite par ordre du gouvernement français de 1833 à 1837 et publiée par le ministère de l’Instruction publique, Deuxième partie, Beaux-Arts, monuments historiques, plans et topographie des cités antiques, Paris, 1839-49, p. 263-308. Même Kalphaoglous, op. cit., malgré son patriotisme « anatolien » affiché n’échappe pas à la règle, cf. « Prologue », p. 37-40.
7 Ahrweiler, art. cit., p. 42-44.
8 La deuxième Rome était déchirée entre le christianisme et l’attachement de son élite à la culture grecque antique. Guillou A., La Civilisation byzantine, Paris, 1990. Cf. chap. VI, « La culture », p. 297-369. Le territoire grec est-il celui de l’Asie Mineure des temps homériques, celui de l’Attique de l’Antiquité classique, ou encore la Constantinople byzantine, voire ottomane ? La population grecque moderne a connu des apports génétiques albanais et slaves, tout à fait essentiels.
9 Sphyoera V., « Migrations et établissements de Cycladites à Smyrne pendant la Turcocratie », p. 164-199, MCh, t. X, Athènes, 1962 (gr.).
10 Kontoyannis, op. cit., p. 54. L’ethnonyme employé est, bien sûr, toujours Hellines qui établit l’identité avec l’Antiquité grecque et gomme toute référence à une souveraineté étatique ou une « sujétion ».
11 Herlihy P., Odessa : A History, 1794-1914, Cambridge, 1995.
12 Heyberger B., Les Chrétiens du Proche-Orient au temps de la réforme catholique, Rome, 1994. Les soins médicaux prodigués contribuent à légitimer la présence religieuse et éducative des ordres catholiques. Le catholicisme devient un ensemble de ressources dans le jeu social local.
13 Krumbacher K., Griechische Reise, Blätter aus dem Tagebuche einer Reise in Griechenland und in der Türkei, Berlin, 1886 ; Cuinet V., La Turquie d’Asie, t. III, Paris, 1894.
14 Alexandris A., « The Greek Census of Anatolia and Thrace (1910-1912) : A Contribution to Ottoman Historical Demography », in Gondicas D. et Issawi C. (dir.), Ottoman Greeks in the Age of Nationalism : Politics, Economy, and Society in the Nineteenth Century, Princeton, 1999.
15 Sphyroera, art. cit.
16 CEAM, ATO, Çiflik Hayiou Yeôryiou, IÔN 15, Ariadni Polykrati, née au Çiflik Saint-Georges, à la fin de l’Empire ottoman, int. à Athènes, le 24 VI.63, par Zôi Kyritsopoulou, f. 1 : « Mon village était un çiflik qui appartenait à un Turc qui s’appelait Abdul Aaa. Il était très bon avec les chrétiens, il leur a donné des champs et les a aidés à s’installer. Une nuit, le propriétaire du çiflik a vu dans son sommeil saint Georges, les Turcs le révéraient beaucoup, il vit ce saint qui lui disait : “À partir de maintenant le village ne s’appellera plus Abdul Aaa çifliai, on l’appellera seulement Çiflik Saint Georges.” Ça c’est ce que ma grand-mère m’a raconté, laquelle l’avait elle-même entendu des vieux. »
17 Kitromilidès P., Alexandris A., « Ethnic Survival, Nationalism and Forced Migration, the Historical Demography of the Greek Community of Asia Minor at the Close of the Ottoman Era », p. 9-44, DKMS, t. V, Athènes, 1984-1985.
18 CEAM, ATO, Burnova, IÔN 10, Hiliopoulos Nikolaos, né à Burnova, en 1906, int. à Athènes, le 26.VII.68, par Kyritsopoulou Zôi, f. 9 : « Les chrétiens de Burnova étaient originaires de Cythère, de Chios, de Mytilène, ils étaient venus des années auparavant, certains en 1912. Mon arrière-grand-père était venu du Péloponnèse en 1821 lors de la révolution. »
19 CEAM, ATO, Gâvurköy, IÔN 16, Geôrgios Chalvatzis, int. à Thèbes, le 25.IX.64, par Zôi Kyritsopoulou, f. 1 : « Quand nous demandions aux vieux pourquoi ils avaient quitté leurs villages et étaient venus en Asie Mineure, ils nous disaient qu’ils voulaient mieux vivre, qu’ils voulaient cultiver de grandes étendues, s’enrichir comme cela s’est d’ailleurs passé. »
20 Kontoyannis, op. cit, p. 55.
21 Dawkins R., Modern Greek in Asia Minor, Cambridge, 1916.
22 Politis K., Dans le quartier de Chatzifragkou, Athènes, Hermès, 1988 (gr.).
23 Georgelin H., « La fin de la société ottomane multiethnique dans les récits en grec », p. 97- 129, in RMAMC, t. 6, Paris, 2001.
24 Drettas G., Aspects pontiques, Paris, 1997.
25 Deschamps G., Sur les routes d’Asie, Paris, 1894, p. 167.
26 Deschamps, op. cit., p. 257 : « Elle dort, la vieille Turquie. Pendant ce temps, la civilisation la mange. »
27 Ostrogorsky G., Histoire de l’État byzantin, Paris, 1956, 1996. Chap. VIII : « Déclin et chute de l’Empire byzantin ».
28 Lemerle P., L’Émirat d’Aydin, Byzance et l’Occident, recherche sur la « geste d’Umur Pacha », Paris, 1957, p. 7-18.
29 Zachariadou E., Trade and Crusade, Venetian Crete and the Emirate of Menteshe and Aydin (1300-1415), Venise, 1983, p. 49.
30 Les deux forts sont appelés en grec byzantin : le vieux château pour celui du mont Pagos, palaion kastron, et le nouveau château, kainourion kastron, pour celui du port.
31 Zachariadou, op. cit., p. 81.
32 Mantran R. (dir.), Histoire de l’Empire ottoman, Paris, 1989. Cf. Vatin N., chap. II : « L’ascension des Ottomans (1367-1451) », p. 69-70.
33 Vryonis, op. cit., p. 348.
34 Ibid., p. 169.
35 Goffman D., Izmir and the Levantine World, 1550-1650, Seattle, UWP, 1990, p. 12.
36 Vryonis, op. cit., p. 68, est plutôt d’avis que, malgré la diversité de l’Asie byzantine, la conquête turque fut remarquablement longue et mit près de quatre siècles à ôter ces territoires de l’orbite byzantine. Néanmoins, il reprend, p. 403, l’argument de la désunion entre Grecs, Arméniens et Syriens pour expliquer la faiblesse de Byzance au sud et à l’est de ses territoires.
37 Tamdoğan-Abel I., Les Modalités de l’urbanité dans une ville ottomane : les habitants d’Adana au XVIIIe siècle d’après les registres des cadis, thèse de doctorat, Veinstein Gilles (dir.), 22.V.98, à l’EHESS, Paris, p. 28 et 79.
38 Veinstein G., « “ Âyân” de la région d’Izmir et commerce du Levant (deuxième moitié du xviiie siècle) », p. 71-83, EB, n° 3, Sofia, 1976.
39 Goffman, op. cit., cf. chap. 7, « A Colonial Port City », p. 138-146.
40 Tavernier J. B., Les Six Voyages de Jean Baptiste Tavernier…, Paris, 1676, p. 76-77.
41 Panzac D., « L’enjeu du nombre. La population de la Turquie de 1914 à 1927 », p. 45-67, REMMM, n° 50, 1988. Ce chercheur défend la fiabilité des données ottomanes. Elles ne sont produites qu’à des fins utilitaires. Mais cette utilité pratique des tentatives de saisie de la population est-elle absente des initiatives grecques-orthodoxes ou arméniennes apostoliques ? Peut-on vraiment affirmer la naïveté pratique des producteurs de chiffres ottomans, alors que l’Empire est en recul territorial continu depuis le xviie siècle et qu’un des arguments nouveaux utilisés par les populations sécessionnistes est bien l’importance démographique de leur groupe ?
42 Courbage Y. et Fargues P., Chrétiens et Juifs dans l’Islam arabe et turc, Paris, 1992 (1re éd.), 1997.
43 AMAEF-AT-CES-1906-1916, dp n° 177, envoyée par le CGF, P. Blanc, à L’AF à Constantinople, le 10.IX.08, « L’élément grec et le régime constitutionnel ».
44 AMAEF-AT-CES-1878-1881, dp n° 170, envoyée par le CGF à Smyrne, H. Pellissier, à l’AF, M. Tissot, le 27.I.81, « État de défense des places de Smyrne, Mételin, Ayvali et Échelle-Neuve ».
45 AMAEF-AT-CES-1891-1896, dp n° 45, envoyée par le CGF, F. Rougon, au ChF, M. de la Boulinière, le 10.X.93.
46 Paulin F., « Négationnisme et théorie des populations stables : le cas du génocide arménien », sur le site <http://www.ehess.fr/populatique.Numero1.PAULIN.html>.
Cet article met à plat les intentions de certains chercheurs, qui nient toute existence de documents provenant des millets non musulmans, ayant une quelconque pertinence pour l’historien démographe des différents groupes de l’Empire.
47 Deschamps, op. cit., p. 248.
48 Acritas D., Peuples et races de l’Asie Mineure, aperçu historique et ethnographique, Constantinople, 1922, p. 32 et suiv.
49 Voir Bilsel C., Cultures et fonctionnalités : l’évolution de la morphologie urbaine de la ville d’Izmir aux xixe et début xxe siècles, thèse de doctorat, Guy Burgel (dir.), Paris X, octobre 1996, p. 191-194.
50 Copeaux É., Espaces et temps de la nation turque, analyse d’une historiographie nationaliste, 1931-1993, Paris, 1997, p. 25 : « En s’établissant en Anatolie, puis dans les Balkans, les Turcs ont dû entretenir avec le passé et les populations de ces terres des rapports complexes, qui ont mené à la série de drames et de désastres du tournant du siècle. Ce rapport, unique en son genre, d’un peuple avec des terres si éparses sous-tend le récit historique [...] »
51 Vryonis, op. cit., p. 285.
52 Mccarthy J., Death and Exile. The Ethnic Cleansing of Ottoman Muslims, 1821-1922, Princeton, 1995.
53 Mccarthy J., Muslims and Minorities. The Population of Ottoman Anatolia and the End of the Empire, New York, 1983.
54 CEAM, ATO, Magnésie, AIO 18-19-20, Yiôryis Kiougkis, né à Magnésie, en 1895, int. à Athènes, le 22.IX.62, par Zôi Kyritsopoulou.
55 Kolodny É., « Des musulmans dans une île grecque : les “Turcocrétois” », p. 1-15, Mediterranean World, n° XIV, Tokyo, 1995.
56 CEAM, ATO, Bunarbaşı, IÔN 27, Kôstis Lamprinoudis, né à Bunarbaşı, en 1887, int. à Athènes, le 20.IV.65, par Chara Lioudaki : « Environ 40 familles turco-crétoises vinrent s’installer. Elles s’installèrent au Kaminaki, un quartier turc séparé. »
57 Bilsel, op. cit., p. 306-308.
58 AMAEF-AT-CES-1881-1884, dp n° 230, Smyrne le CGF, H. Pellissier, à l’AF, M. Tissot, le 19.II.82.
59 Krumbacher, op. cit., p. 73.
60 Pour un exemple de parcours intellectuel d’un Tatar de la Volga dans l’Empire ottoman : Georgeon F., Aux origines du nationalisme turc, Yusuf Akçura (1876-1935), Paris, 1980.
61 Humbert G., Konstantinopel-London-Smyrna, Skizzen aus dem Leben eines kaiserlich deutschen Auslandsbeamten, Berlin-Charlottenburg, 1927, p. 76 : « Nous avions depuis septembre 1913 un vali, Rahmi Bey, originaire des environs de Salonique que précédait sa réputation d’être non seulement un membre zélé du comité jeune-turc Union et Progrès mais un homme aux convictions tout particulièrement nationalistes turques. »
62 AMAEF-AT-CES-1906-1916, dp n° 160, de Smyrne par le CGF, P. Blanc, à L’AF à Constantinople, le 14.VIII.08, « Entretien avec Nazim Bey », et la dp n° 177, envoyée le 10.IX.08 par le CGF, P. Blanc, à L’AF à Constantinople, « L’élément grec et le régime constitutionnel ».
63 Sephiha H., L’Agonie des Judéo-Espagnols, Paris, 1977.
64 Veinstein (dir.), Salonique 1850-1918, la « ville des Juifs » et le réveil des Balkans, Paris, 1992.
65 Anastassiadou M., Salonique, 1830-1912, Une ville ottomane à l’âge des Réformes, Leiden, 1997, p. 4-97 ; Papayeôryiou V., « Les petites communautés ethniques à Salonique, à l’époque du déclin de l’Empire ottoman », p. 103-120, in Historika, n° 26, vol. XIV, 1997, Athènes.
66 Georgeon, « Selanik musulmane et dönme », p. 105-118, in Veinstein (dir.), Salonique, 1850-1918, la « ville des Juifs » et le réveil des Balkans, Paris, 1992.
67 Ben Zvi I., Les Tribus dispersées, Paris, 1959, p. 193-217, et Zorlu I., Oui, je suis Salonicien, Istanbul, 1998 (tu.).
68 En 1912, Salonique a environ 170 000 habitants, presque aux deux tiers juifs séfarades.
69 Les juifs sont les non-musulmans modèles de l’Empire. Ils sont si attachés au statu quo ottoman qu’ils aimeraient le voir perdurer après la chute de l’Empire. Cf. Morin E., Vidal et les siens, Paris, 1989.
70 Kévorkian R. et Paboudjian P., Les Arméniens dans l’Empire ottoman à la veille du génocide, Paris, 1992, p. 160-172.
71 Kalousdian C. O., « Smyrne et la colonie arménienne de Smyrne », Almanach arménien de Grèce, Athènes, Nor Or, 2e année, 1928 (ar.), p. 276-351.
72 Jelavich B., History of the Balkans, Eighteenth and Nineteenth Centuries, vol. I, Cambridge, 1993 (éd. cons.), p. 53-57 : « Comparés aux autres peuples balkaniques, les Grecs se distinguaient par leur dispersion. Dans l’Antiquité, on pouvait trouver des communautés grecques le long des côtes de la Mer Noire, de la Méditerranée et en Asie Mineure. Lors de la conquête ottomane, les Grecs émigrèrent en particulier en Italie, où le royaume des Deux-Siciles et Venise allaient abriter de grandes colonies grecques. Le centre vénitien allait se révéler le plus important pour l’avenir. Avec l’expansion commerciale européenne, impliquant des Grecs, des colonies grecques apparurent dans les principales villes européennes : Londres, Vienne, Marseille et plus tard Odessa se révélèrent particulièrement influentes. »
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