Chapitre VII. Cyrille VI (1902-1971) : l’homme du siècle et le saint
p. 189-213
Texte intégral
1Comme dans le cas d’Abraham, on connaît assez peu de choses sur l’enfance de ‘Azir Yûsuf ‘Atâ, né le 2 août 1902 dans un petit village du Delta, et pourtant l’importance de la documentation concernant celui qui deviendra Cyrille VI offre bel et bien une occasion unique à l’historien de saisir « sur le vif » les différents aspects et étapes de la fabrication d’un saint. De son vivant jusqu’à nos jours, la réputation de Cyrille VI ne s’est pas démentie, et le culte post mortem qui lui est rendu aujourd’hui ne semble pas faillir. Dans les entreprises, dans les taxis et les boutiques coptes, son image est glissée sous le verre du comptoir ou le plastique recouvrant le tableau de bord, aux côtés de celles de Georges ou de la Vierge. Cyrille VI est entré dans le panthéon des coptes par la grande porte, celle du patriarche. Trente ans après sa mort, il incarne plus que jamais, aux yeux des membres de la communauté, l’idéal du saint copte, et les foules qui se pressent sur sa tombe dans le monastère de saint Ménas au Mariout ainsi que les publications sur sa vie et ses miracles ne cessent de se multiplier. C’est dire si l’étude de son parcours est importante pour la compréhension de la communauté copte à l’époque contemporaine et notamment au cours des années 1960, pendant lesquelles se forge la légende du saint : la constitution de son hagiographie débute en effet dans la presse dès son élection comme patriarche, en 1959, et quelques semaines après sa mort sont publiés les deux premiers livrets hagiographiques qui lui sont consacrés1.
2‘Azir Yûsuf ‘Atâ naît dans une famille originaire de Haute-Égypte qui émigra, à la fin du xixe siècle, dans le village de Tûkh Dalka dans la province de Minûfiyya dans le Delta, puis dans la ville de Damanhûr située dans la même province. Son père travaille comme employé au service de la direction du travail chez l’un des grands propriétaires terriens du Delta. L’enfant suit sa scolarité primaire à Damanhûr, puis émigre de nouveau avec sa famille à Alexandrie où il poursuit ses études secondaires et supérieures. Après ses études, il travaille avec son frère dans une société hollandaise avant d’entrer en 1924 à l’agence touristique Thomas Cook. Quelques années plus tard, il opte pour la vie monastique et en 1927, à l’âge de vingt-cinq ans, il entre au Dayr al-Barâmûs où, en 1931, il est consacré prêtre et moine sous le nom de Mînâ2.
3Les sources du projet de Cyrille VI de se consacrer à la vie religieuse sont peut-être à rechercher du côté des fréquentations de la famille ‘Atâ, qui semble avoir reçu chez elle les moines rattachés au monastère al-Barâmûs dont les dépendances se trouvaient dans le village de Tûkh Dalka. Cyrille aurait tissé des liens privilégiés avec l’un d’entre eux, Tadrûs al-Barâmûsî. Le neveu de Cyrille VI, auteur, en 1971, de la première Vie consacrée au saint, rapporte qu’un soir, l’enfant s’était endormi sur les genoux du vieux moine. Alors que sa mère s’apprêtait à le conduire au lit, le moine lui aurait dit : « Laisse-le, car il est des nôtres3. » Bien qu’il faille prendre avec précaution ce témoignage tout empreint de ferveur hagiographique, la famille semble avoir été très dévote : le père restaurait des livres religieux anciens et Cyrille VI fut nommé diacre, dès son plus jeune âge, à l’église Saint-Michel de Damanhûr. Les ‘Atâ auraient aussi fréquenté assidûment le pèlerinage consacré à Ménas à l’église qui lui est dédiée à Abyâr, au nord-ouest de Tantâ. Surtout, elle aurait reçu chez elle l’évêque de Minûfiyya, qui devient patriarche de l’Église copte en 1928 sous le nom de Jean XIX (19281942). Cette information, qui apparaît dans la biographie composée par le neveu de Cyrille VI, n’est recoupée par aucune autre source. Toutefois, la protection dont le futur Cyrille VI semble avoir bénéficié de la part de ce patriarche au cours de sa vie de moine et les liens privilégiés qu’il a entretenus avec lui nous portent à l’accréditer. C’est au cours de ses études universitaires que Cyrille VI semble avoir choisi la voix monastique, pratiquant, d’après les sources, l’ascèse en secret, et se consacrant à l’étude des Vies des pères du désert. Comme beaucoup de jeunes gens de sa génération, le jeune Yûsuf s’engagea aussi dans la vie associative communautaire, notamment dans l’Association de la conviction copte (al-thabât al-qibtiyya).
MÎNÂ AL-BARÂMÛSÎ : DU MOINE AU SAINT
4La vie de ‘Azir Yûsuf ‘Atâ, depuis son projet d’entrer en monachisme jusqu’à son élection comme patriarche en 1959, peut être décrite comme l’histoire d’une ambivalence. Ce patriarche qui incarne, dans l’historiographie copte aussi bien qu’européenne, l’idéal-type du moine copte, et qui est présenté par ailleurs comme le phare de la réforme monastique copte contemporaine, a passé en réalité sa vie de moine à fuir l’institution monastique et plus particulièrement sa hiérarchie. Contraint de suivre, comme tous les jeunes moines récemment consacrés, l’enseignement de l’École théologique d’Helwân fondée en 1929 par le patriarche Jean XIX, il s’en échappe subitement en cours d’année pour aller s’installer près de Sohag en Haute-Égypte, dans les ruines du monastère Blanc, alors déserté. Le patriarche met rapidement un terme à l’expérience de Mînâ, qui doit rejoindre son monastère. Le jeune moine est toutefois autorisé, quelques mois plus tard, à s’installer en reclus dans un ermitage situé aux alentours du couvent. Dans les solitudes du désert du Wadi Natroun, Mînâ fait la rencontre de l’ermite ‘Abd al-Masîh al-Habashî, qui vit retiré dans la zone depuis de nombreuses années. Il devint, dit-on, son maître spirituel.
5Ces différentes stations n’indiquent pas seulement un goût prononcé du retrait mais témoignent aussi des rapports distants que Mînâ entretient avec la hiérarchie. À la fin de ses années passées à Dayr al-Barâmûs, il prend parti pour un groupe de sept moines qui critiquent la direction du monastère et s’en trouve chassé avec eux4. Plus tard, dans le centre spirituel qu’il crée au Vieux-Caire, il forme, de sa propre initiative, de jeunes postulants à la vie monacale, provoquant ainsi l’irritation de certains dirigeants ecclésiastiques. Le goût du retrait et de l’indépendance, loin d’effacer le moine Mînâ du tableau, a contribué au contraire à le mettre en valeur, au sein de l’institution ecclésiastique et de la communauté des fidèles.
6On l’aura compris, depuis son entrée en monachisme, Mînâ caresse un tout autre rêve que celui du moine cénobite : celui de l’ermite, retiré dans ses solitudes. Sa référence en monachisme ne s’appelle pas Macaire ou Chenouda, mais Ishaq al-Suryânî. Ce moine nestorien, originaire du golfe Persique, a vécu au viie siècle. Nommé évêque de Ninive (actuelle Mossoul) en 680, il déserte son évêché au bout de cinq mois pour se retirer dans les montagnes du sud-ouest de l’Iran où il demeure dans une extrême solitude jusqu’à sa mort. Dans les dernières années de sa vie, il compose une profusion de discours illuminés sur la perfection chrétienne. Son œuvre, écrite en syriaque, est traduite dès le ixe siècle en arabe, en copte et en grec. Ne traitant en rien de questions christologiques, elle connaît une grande faveur auprès des Églises orientales et se répand dans les milieux monastiques nestoriens aussi bien que jacobites. Ainsi, si Mînâ ne prend pas comme modèle une figure proprement égyptienne, il ne s’en réfère pas moins à un maître fortement ancré dans la piété chrétienne proche-orientale. Il en commente d’ailleurs les œuvres et, selon I. Habîb al-Misrî, en publie même une partie en cinq volumes5. Avec ce personnage, Mînâ partage certains tropismes : le goût de la mystique notamment et une nette propension à la rupture avec l’institution. Ne pense-t-il pas à l’ermite iranien lorsque, jeune étudiant à l’école théologique d’Helwân, il la quitte contre toute attente pour disparaître dans les solitudes de Sohag ? N’est-ce pas encore le modèle d’Ishaq al-Suryânî qui l’habite quand, laissant les compagnons avec lesquels il fut chassé du Dayr Al-Barâmûs rentrer sans lui au bercail, il choisit, une fois encore, de jouer son destin en solitaire ? Mais cette fois, la retraite est totale et le lien avec l’institution monastique, coupé : n’étant plus rattaché à aucun monastère et ne dépendant plus d’aucun higoumène, Mînâ s’installe en 1936 dans un moulin abandonné sur la montagne désertique du Muqattam qui surplombe Le Caire, et change son nom : Mînâ al-Barâmûsî devient Mînâ al-Mutawahhid, Mînâ le Solitaire. À Tâhûna (moulin – nom donné au site), Mînâ passe huit années au cours desquelles se dessine son image : celle du saint moine pratiquant l’ascèse, retiré dans ses solitudes désertiques.
7Mînâ et Ménas : le moine et le martyr. À vrai dire, le moine Mînâ n’est pas seul sur les hauteurs de la célèbre montagne dominant le Caire. Le martyr Ménas, dont il a pris le nom en entrant en monachisme6, y est tout aussi présent que lui. Il est difficile de trouver l’origine de la dévotion extrême que Mînâ porte au martyr, mais outre qu’il semble avoir fait l’objet dans sa famille d’une ferveur particulière, ce dernier possède plusieurs atouts susceptibles d’avoir attiré l’attention du moine.
8Ménas est l’un des martyrs les plus cotés dans le panthéon copte. Son hagiographie ancienne se présente comme un écheveau très complexe. Il existe de nombreux manuscrits, coptes, arabes, syriaques, éthiopiens, arméniens, nubiens, grecs et latins, qui le présentent soit comme un martyr égyptien, soit comme un martyr phrygien7. L’historicité du martyr est improbable ; le nom de Ménas et les reliques qui y sont attachées, dont certaines ont été revendiquées hors d’Égypte, à Constantinople par exemple, ont donné naissance à plusieurs figures littéraires8. Le Ménas de Constantinople, dont l’hagiographie est sensiblement différente de celle du Ménas égyptien, n’en est pas moins fêté en Égypte, à une autre date. Les versions coptes et coptes arabes relatives à Ménas concernent différents types de documents, passions, notices liturgiques, encomiums, recueils de miracles. Un encomium rédigé par le patriarche Jean IV (777-799) constitue la source copte la plus complète sur le martyr9. Bien que des variantes existent dans les différentes sources composant l’hagiographie copte et copte-arabe du martyr, les grandes étapes de son itinéraire demeurent identiques dans tous les textes. On peut les résumer ainsi : Ménas est né de parents égyptiens à Nikiou, dans la province de Gharbiyya dans le Delta. Son père, Eudoxius, est gouverneur de la province de Pentapolis à l’ouest d’Alexandrie. Enrôlé dans les armées romaines stationnées à Cotyée, en Phrygie, à l’époque de Dioclétien, Ménas est chrétien, tout comme ses parents, et pratique sa religion en secret. À la mort de son père, Ménas est nommé gouverneur militaire de la province de Pentapolis. À ce titre, il doit exécuter l’édit de persécution émis par Dioclétien à l’encontre des chrétiens. Refusant de se soumettre à un tel ordre, il quitte l’armée et s’enfuit au désert pour se consacrer à la prière. Mais un jour, une voix se manifeste, lui ordonnant d’aller subir le martyre. L’ancien soldat va confesser publiquement sa foi et subit le martyre à Cotyée. Après sa mort, les restes de son corps sont emmenés par des chrétiens sur deux chameaux pour être ensevelis dans sa ville d’origine. Arrivés en bordure du désert libyque, à l’est du lac Maréotide, à mi-chemin entre Alexandrie et le Wadi Natroun, les chameaux se couchent à un certain endroit du désert. Le signe est interprété comme une volonté du martyr de reposer dans la zone : Ménas y est enterré. L’endroit est oublié.
9Contrairement à ce que l’on trouve dans les passions des autres martyrs, Ménas ne fait pas l’objet d’un culte immédiatement après sa mort. Sa Vie post mortem ne débute, selon les textes, que lorsqu’un berger découvre un jour que ses brebis, atteintes de la gale, guérissent lorsqu’elles se roulent à l’emplacement de ce qui est sa tombe. On fouille et l’on découvre les restes du martyr10.
10L’endroit devient le plus grand centre de pèlerinage chrétien de toute l’Antiquité tardive et ne tarde pas à prendre les dimensions d’une ville11. Une première église est élevée au ive siècle au-dessus de la tombe de Ménas. Le Synaxaire copte indique que sa construction en revient à l’empereur Constantin, dont la fille aurait été miraculeusement guérie après s’être rendue sur le site en compagnie de sa mère, l’impératrice Hélène12. Cette église aurait été consacrée par l’évêque Athanase. À la fin du ive siècle, l’empereur Arcadius (395-408) fait construire une première basilique sur le site et au ve siècle, sous l’empereur Zénon (474-491), une seconde basilique est érigée. Autour de ces premières constructions prennent place d’autres édifices cultuels, des bains, des maisons d’habitation, des palais et des hôtelleries ainsi que des ateliers de poterie d’où sortent les ampoules à eulogies rapportées par les dévots. Le site comporte aussi de vastes établissements monastiques, plus vastes que ceux du Wadi Natroun, et des infrastructures destinées à l’hébergement des garnisons militaires installées par Zénon pour protéger la ville. Sous l’empereur Anastase (491-518), un port est aménagé sur le lac Maréotide, où les pèlerins font étape en provenance d’Alexandrie13.
11Après l’arrivée des Arabes, melkites et coptes se disputent la paternité du pèlerinage. Finalement, selon HP, le site revient officiellement et définitivement aux coptes, par décision de justice, sous le patriarcat de Michel Ier (744-768). Ces derniers peuvent désormais revendiquer pleinement un saint dont le culte s’est répandu du Moyen-Orient jusqu’en Europe.
12Le passage de l’Égypte sous domination arabe à partir du viie siècle et les fréquentes attaques des bédouins dans la région ont-ils été la cause du déclin du rayonnement international du site ? Une partie de ses marbres et de ses colonnes est en tout cas prélevée au ixe siècle sur ordre du calife al-Mutawakkil sous le patriarcat de Yûsâb Ier (831-849). Le géographe al-Bakrî, qui écrit à la fin du xe siècle, donne de la plus importante des églises du site, l’église Abû-Mînâ, une description qui témoigne encore de son éclat ; mais le savant livre par ailleurs un commentaire qui atteste que la région est d’ores et déjà désertée par les pèlerins14. Quoi qu’il en soit, aux alentours du xe siècle, le pèlerinage du Mariout tombe en désuétude et la ville à laquelle il avait donné naissance est progressivement recouverte par les sables. Ni Abû Sâlih (xiiie siècle) ni Maqrîzî (xve siècle) ne l’évoquent. La translation, sous le patriarcat de Benjamin II (1327-1339), des reliques du martyr à l’église qui a été érigée à son nom au Vieux-Caire aux alentours du ive siècle, témoigne de la désertion définitive du site15. Mais entre-temps, le culte de Ménas s’est développé en Égypte où des églises et des monastères lui sont dédiés. La dévotion rendue au martyr ne semble pas s’être tarie au cours des siècles et l’on trouve dans les sources, notamment dans HP, d’assez nombreuses mentions de Ménas, témoignant de la vitalité de l’image du saint dans la communauté. À la veille des années 1960, trois pèlerinages sont consacrés à Ménas en Égypte.
13Autant dire qu’en se vouant au culte de Ménas et en associant son nom au sien, Cyrille VI n’a pas choisi une figure inconnue des coptes. Elle n’est pas non plus anodine. Seul saint militaire à être donné par les textes comme égyptien de naissance, Ménas représente le martyr copte par excellence. Il possède une autre particularité : il est aussi le seul saint militaire à avoir vécu au désert avant de subir le martyre et donc à posséder les deux caractéristiques du solitaire et du martyr.
14Une autre raison contribue à l’adoption de Ménas par le futur Cyrille VI : une vingtaine d’années avant que ce dernier entre en monachisme et après dix siècles d’oubli, le 7 juin 1905 exactement, les premières pierres du site du Mariout sont mises au jour par une équipe d’archéologues allemands dirigée par C. M. Kaufmann. Les ruines de l’ancien centre de pèlerinage surgissent des sables, églises, sanctuaires, hôtelleries16. La résurrection de l’ancien site consacré à Ménas connaît un grand écho en Égypte et le martyr est subitement élevé au rang de figure nationale. Au moment même où les Égyptiens se battent pour se soustraire à la tutelle de l’occupant anglais, le retour de la figure de Ménas sur le devant de la scène tombe à point nommé. En août 1929, dans un discours enflammé dénonçant la présence britannique en Égypte, le leader nationaliste Ahmad Husayn cite Ménas comme l’exemple même du héros national ayant résisté à l’oppression de l’envahisseur17. On pourrait s’étonner de cette référence à un saint copte dans la bouche d’un leader musulman. Ce serait méconnaître, d’une part, l’union sacrée contre les Anglais qui a lié les membres des deux confessions dans les années 1920-1930. Ce serait ignorer par ailleurs que le martyr est loin d’être un étranger pour les musulmans. Ces derniers ont fréquenté à divers titres son pèlerinage entre le viie et le xe siècle. Qu’ils soient sédentaires ou bédouins, les musulmans étaient impliqués dans l’économie de la région du Mariout en tant que producteurs de denrées vivrières, fournisseurs de services, transporteurs, etc.18 La protection du martyr ne semble pas avoir été pour eux chose négligeable. Ils venaient en effet aussi au Mariout pour y prier : une mosquée fut érigée sur le site. On retrouve ce même schéma en ce qui concerne par exemple le monastère de Saint-Antoine dans le désert de la mer Rouge. Comme en témoigne Vansleb au xviie siècle, les bédouins qui assurent le ravitaillement du monastère (et rançonnent à l’occasion les pèlerins qui s’y rendent) vénèrent aussi le saint. Au xxe siècle, les musulmans fréquentent encore les pèlerinages consacrés à Ménas et invoquent son nom19. Ainsi, lorsque le futur Cyrille VI prend le nom de Mînâ, il s’associe à une figure complète du point de vue de la sainteté et dont le rayonnement est international ; il s’associe par ailleurs à une figure pleinement copte, mais reconnue de longue date par les musulmans au point qu’elle fut érigée en symbole national.
15Dès que ‘Azir Yûsuf ‘Atâ prend le nom de Mînâ, il se consacre à la glorification de la figure de Ménas. Pendant ses années passées dans le Wadi Natroun, Mînâ assume la rédaction et l’édition d’une petite revue manuscrite d’une douzaine de pages à destination des autres moines, Mînâ al-khalas, qui contient, outre les parties consacrées à Ménas, des prières, de l’hagiographie et, comme on l’a déjà mentionné, des textes de spiritualité consacrés à Ishaq al-Suryânî. Mînâ ne se contente pas de cette fréquentation, tout intellectuelle, du martyr : il tente à de multiples reprises de se retirer sur l’ancien site consacré au saint au Mariout. En 1936, il adresse une demande en ce sens au patriarche Jean XIX, qui lui fournit une réponse positive, mais l’autorisation d’aller s’installer sur les célèbres ruines lui est finalement refusée ; l’armée britannique, en poste dans la zone, aurait, d’après I. Habîb al-Misrî, mis un veto au projet20. Mînâ s’installe alors à Tâhûna. Sur les hauteurs du Muqattam, c’est sous une icône représentant le martyr qu’il se consacre à l’ascèse et reçoit ses visiteurs.
16Mînâ est chassé de Tâhûna par les Anglais en 1942 alors que la Seconde Guerre mondiale sévit et qu’Allemands et Anglais s’affrontent sur le territoire égyptien. Les armées britanniques tiennent la zone qui surplombe le Caire et l’ermite n’y est pas persona grata. Mînâ s’exile de nouveau, mais au lieu de rejoindre les abords d’un monastère, il s’installe au pied de la montagne du Muqattam, au Vieux-Caire, dans l’église Saint-Michel où il séjourne quelque temps, non loin du monastère Saint-Théodore. Sa dévotion à Ménas ne faillit pas : en quelques années, il fait bâtir dans la zone une église dédiée au martyr, qui est consacrée par un groupe d’évêques en 1948. On peut s’étonner de l’indépendance, de la liberté d’action et, enfin, des moyens financiers du futur Cyrille VI : c’est qu’aux côtés de l’ermite ascétique coexiste un autre personnage, l’homme du siècle, prompt à tisser des relations avec des personnages haut placés et apte à s’entourer de fidèles dévoués à sa cause et à celle du martyr Ménas.
MÎNÂ, L’HOMME DU SIÈCLE
17Mînâ, le moine solitaire, a toujours su d’une part se faire respecter des autorités religieuses alors même qu’il a poursuivi, depuis son entrée en monachisme, un dessein tout personnel, et d’autre part s’attirer la sympathie et l’adhésion à ses buts de nombreux laïcs influents. Dès qu’il se retire dans son ermitage des alentours de Dayr al-Barâmûs, débutent paradoxalement ses contacts avec des personnages qui, par la suite, l’ont aidé à atteindre ses différents objectifs. Lors de cette première retraite, il est visité notamment par le directeur du Service des antiquités arabes au Caire, Husni Fu’âd. Quelques années plus tard, ce dernier autorise le futur Cyrille VI à s’installer sur le site du Muqattam, moyennant un loyer dérisoire, ce qu’interprète I. Habîb al-Misrî comme un témoignage de reconnaissance, empreint de ferveur nationale, à l’égard du moine : « [Lors de sa visite au désert], il [Husni Fu’âd] sortit une carte de visite et la donna au prêtre Mînâ en disant : “Merci mon père car tu lèves haut notre tête et fais honneur à l’homme égyptien. J’espère pouvoir te donner un jour la preuve effective de mon profond respect pour toi.”21 »
18Bien qu’il soit difficile de dater exactement ses différentes démarches, Mînâ a entrepris très tôt une stratégie pour mettre pied sur le célèbre site du Mariout. Lors de ses premières démarches en vue de séjourner dans la zone, il demande à Bânûb Habashî, directeur du Musée gréco-romain à Alexandrie, de lui servir d’intermédiaire auprès du Service des antiquités égyptiennes22. Plus tard, alors qu’il se trouve probablement installé sur le Muqattam, il tente une seconde médiation, par l’intermédiaire cette fois d’une lettre de recommandation d’Anbâ Yu’anis Habîb al-Misrî, oncle de l’historienne Iris Habîb al-Misrî, appartenant à l’une des grandes familles coptes du Caire. Mais les Anglais, qui occupent militairement la zone, se montrent intraitables, à moins que le blocage ne soit venu en réalité du Service des antiquités égyptiennes, comme le laisse entendre un journaliste, dans un article paru après l’élection de Cyrille VI23. Quoi qu’il en soit, les multiples démarches que Mînâ a engagées aboutissent, à une date non précisée dans les sources, à la mise à disposition, par le gouvernement égyptien, d’une surface de 15 feddans aux abords immédiats des fouilles ; sur la zone est érigé, à partir de 1959, le nouveau centre monastique dédié à Ménas. On trouve, dès l’époque de Tâhûna, des prêtres, des notables et de jeunes fidèles de la bourgeoisie copte aux côtés du moine, qui l’aident à restaurer le moulin et qui diffusent sa réputation dans Le Caire. Le moine semble avoir eu un sens aigu des relations publiques – l’un de ses biographes ne dit-il pas qu’il faisait imprimer des cartes de visite à son nom ?24 – et avoir su choisir ses intermédiaires en cas de conflit. Sommé en 1946 par le patriarche Yûsâb II, récemment intronisé, de rejoindre son monastère, Mînâ fait intervenir le prêtre Ibrâhîm Lûqâ, fondateur de plusieurs associations coptes, éditeur du journal Al-Yaqaza, et surtout, intime du nouveau patriarche, pour plaider sa cause, avec succès.
19Au Vieux-Caire, alors qu’il séjourne à l’église Saint-Michel, c’est entouré d’une foule de fidèles dévoués à sa cause qu’il entreprend la construction de l’église Saint-Ménas. Des bienfaiteurs réunissent en effet promptement l’argent pour acheter le terrain et financer les travaux. Mînâ le Solitaire est en réalité à la tête d’un courant qui vise à promouvoir la figure de Ménas et, du même coup, à le promouvoir.
20L’association Saint-Ménas, créée à Alexandrie en 1945, joue un rôle déterminant dans le processus. À sa tête officient de jeunes diplômés d’Alexandrie qui se donnent pour objectif de « diffuser la culture historique de la période chrétienne » par des conférences, des visites dans les monastères (rihalât), des publications, et de « jouer un rôle dans la diffusion de la conscience nationale et religieuse des coptes »25. À leur tête, une figure prestigieuse de la communauté, A. S. Atiya, apporte la caution scientifique de l’entreprise. L’association publie plusieurs numéros à thème, sous la forme d’une lettre annuelle, traitant du monachisme et de l’histoire des coptes. La revue n’aborde Ménas qu’en 1963, sous la forme d’un volume de 400 pages consacré au cycle du martyr. Les membres de l’association ont peut-être mené d’autres activités : ils semblent avoir en effet, de plus ou moins loin, assuré une présence sur le site des fouilles du Mariout et peut-être même en avoir eux-mêmes engagé. On retrouve en tout cas dans les rangs de l’association un personnage que nous avons déjà rencontré, Bânûb Habashî. « Avec à leur tête Bânûb Habashî, ils [les membres] ont organisé des visites dans cette zone historique ; ils ont fait des fouilles dans sa ville et rénové son église magnifique », affirme S. Tâwdurûs al-Suryânî en 196726. Sommes-nous ici en présence de la revendication, a posteriori, de la paternité d’un héritage mis au jour par d’autres, ou s’agit-il d’une information ? Le site du Mariout a été déserté dans les années 1920 par les archéologues allemands et une nouvelle campagne de fouilles, menée sous l’égide du Musée copte, n’est entamée qu’à partir de 1950. Pendant près de trente ans, le site est donc vacant, ce qui laisse la question ouverte. Un autre point demeure obscur : la nature de la relation que le moine Mînâ a entretenue avec l’association Saint-Ménas. Selon Munîr Shukrî, l’un des fondateurs et principaux animateurs de l’association, Mînâ aurait pris contact avec cette dernière par l’intermédiaire de B. Habashî, au moment où il a sollicité son aide27. Mais dans un autre article, publié en 1960, le même auteur affirme que c’est Mînâ qui aurait demandé à
21B. Habashî de créer l’association28. En réalité, le rapport entre l’association d’une part, le site du Mariout et Mînâ d’autre part, reste à éclaircir. L’entretien que j’ai eu en 1997 avec M. Badî‘ ‘Abd al-Malik, actuel président de l’association Saint-Ménas, ne m’a hélas apporté aucun élément nouveau sur cette question, pas plus qu’à celle concernant les activités, autres qu’éditrices et « touristiques », de l’association. Les différentes sources présentent toutefois un tableau qui laisse à penser que des liens anciens ont existé entre les différents protagonistes et qu’il a existé entre eux, de longue date, un projet commun pour donner une dimension nouvelle au culte de Ménas en Égypte, à travers la personne de Mînâ. Tous ont en tout cas un point commun : Alexandrie.
22I. Habîb al-Misrî confirme cette hypothèse lorsqu’elle écrit, de manière quelque peu sibylline, à propos de la première visite officielle que Cyrille VI fait au Mariout le 22 juin 1959 : « L’association Saint-Ménas a œuvré depuis 1945 pour prendre les dispositions nécessaires pour cette visite patriarcale29. » C’est bien cette dernière qui organise la visite qu’effectue le tout nouveau patriarche sur le site, affrétant des cars spéciaux d’Alexandrie pour y conduire les pèlerins. Parmi eux, l’historienne et ses frères bien sûr, témoins du soutien qu’a apporté au nouveau patriarche toute une partie des jeunes de l’élite copte. Ces jeunes gens semblent avoir mis un enthousiasme, osons le terme, tout militant à soutenir leur candidat. Les opposants à l’élection de Mînâ au patriarcat ont fait par exemple courir le bruit, au début des années 1960, que, dès l’élection de Cyrille VI connue, des images le représentant se mirent à circuler dans le quartier du Vieux-Caire. Finalement, le moine Mînâ n’a choisi ni le cénobitisme, ni l’érémitisme. Cénobite épris de solitude et ermite entouré, Mînâ a créé un modèle : une figure associée à celle d’un saint populaire et prestigieux auprès des chrétiens comme des musulmans, totalement détachée de l’institution ecclésiastique et monastique, mais reconnue par elle et promue par une solide troupe d’intellectuels et de notables. Si le moine Mînâ a connu de nombreux accrocs avec la hiérarchie, il semble en revanche avoir profité, jusqu’en 1942, de la protection du patriarche Jean XIX. Ce dernier envoie son représentant le visiter dans son ermitage de Dayr al-Barâmûs et donner des consignes à son sujet pour qu’il ne manque de rien30. À Tâhûna, c’est en personne que le patriarche vient visiter le moine31. Quant à l’institution, si Mînâ a toujours refusé d’en supporter l’autorité, il s’est en revanche soucié de participer à l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes moines.
23Mînâ et les moines. Cyrille VI n’est pas allé au monachisme, c’est ce dernier qui est venu à lui, sous la forme de jeunes laïcs, qui, fascinés par le personnage, se sont mis sous sa direction, dès l’époque de Tâhûna. Jeunes intellectuels formés dans les universités du Caire ou d’Alexandrie, ils entourent Mînâ, partagent sa vie de prière et se vouent avec lui au culte de Ménas. Ils se reconnaissent en lui, qui, le premier, entra en monachisme avec le baccalauréat en poche et rendit désirable un idéal monastique qui conjugue pratiques ascétiques et travail intellectuel. Lorsque Mînâ fonde l’église Saint-Ménas au Vieux-Caire, il prend soin de faire construire à ses côtés des bâtiments pour les jeunes étudiants coptes arrivés de Haute-Égypte ou d’Alexandrie. Tout occupé à ses projets, le moine défie une fois encore l’autorité : Yûsâb II le nomme en effet higoumène du monastère Saint-Samuel afin d’y faire renaître la vie monastique ; mais après avoir séjourné quelques semaines sur le site, Mînâ délaisse définitivement sa mission et revient au Vieux-Caire. L’église Saint-Ménas devient un centre où les jeunes impétrants côtoient les partisans du moine, notables et intellectuels. Des vocations fleurissent sous la direction spirituelle de Mînâ. Il prépare les postulants à l’entrée dans la vie monastique avant de les envoyer prendre l’habit au monastère des Syriens, dans le Wadi Natroun. Son higoumène, Anbâ Tawfilûs, qui a le premier réformé, en 1951, son monastère selon la règle pacômienne, est en effet demandeur de jeunes moines désireux de se consacrer à un monachisme rénové. Une fois devenu patriarche, Cyrille VI choisit parmi les jeunes moines qu’il a formés d’importants collaborateurs. Nazîr Jayyid Rûfâ’îl, le futur patriarche Chenouda III, fait partie de ceux-là. Après avoir passé plusieurs années aux côtés de Mînâ, il entre au monastère des Syriens en 1954 ; en 1962, Cyrille VI le nomme à la tête du tout nouvel évêché à l’Enseignement religieux. Convaincu que l’Église copte doit se doter d’une politique globale qui mette en œuvre des projets à l’échelle de la communauté et rende cette dernière plus visible aux yeux des autres Églises chrétiennes, Cyrille Vl crée en effet, événement inédit dans l’histoire de l’Église copte, quatre évêchés sans éparchie. L’évêque Samuel, à qui est confié l’évêché aux Services sociaux en 1962, sort lui aussi du sérail : il passa en effet trois ans au Vieux-Caire sous la direction du moine Mînâ avant de séjourner, comme Chenouda, plusieurs années au monastère des Syriens.
24Ce sont en réalité ces évêques qui mènent l’œuvre de réforme au sein de la communauté, et permettent à Cyrille VI de forger son image de « Père de la réforme », tout comme Cyrille IV en son temps. Ils conduisent avec zèle et efficacité la rude tâche d’encadrement religieux et d’assistance sociale que Cyrille VI leur confie, même si, en s’engageant dans leur jeunesse aux côtés du moine solitaire, ils s’attendaient, pour certains, à un autre destin, comme en témoigne Chenouda :
Le jour où j’ai été nommé évêque, j’ai eu l’impression que ma vie changeait complètement dans un sens que je n’avais pas voulu. Car quand je suis devenu moine, je recherchais une vie de solitude, dans le calme et loin du monde, au désert. Et avec ma nomination comme évêque, je suis devenu quelqu’un qui vit une vie consacrée au service, rencontrant des gens toute la journée, comme si j’avais perdu la vie de solitude pour toujours32.
25Peu importe les états d’âme de ses dirigés : en leur déléguant totalement la gestion des affaires communautaires, Cyrille VI s’est donné les mains libres pour se consacrer à deux domaines : incarner la sainteté et gérer les relations avec l’État.
CYRILLE VI, LE SAINT
26Quand Cyrille VI est-il devenu saint ? Toutes les sources concordent sur ce point : c’est à Tâhûna que sa réputation commence à circuler. Les fidèles qui montent la pente aride du Muqattam pour se rendre au célèbre moulin ne viennent pas seulement prier avec le moine Mînâ devant l’icône de Ménas. Ils viennent aussi prendre la baraka du saint homme et baiser sa croix. Le solitaire a en effet déjà la réputation de guérir les malades et de faire des prophéties. Habîb al-Misrî rapporte :
L’un de mon oncle était malade, et il resta malade une longue période au cours de laquelle la maladie empira. Alors ses proches, qui l’aimaient beaucoup, décidèrent de demander au Qummus Mînâ de se rendre auprès de lui et de prier au-dessus de sa tête. Le saint homme accéda à la demande. Pendant la prière, il demanda un verre d’eau pour prier dessus. Vers la fin de la prière, le verre se cassa. Sur le chemin du retour, il dit à celui qui l’accompagnait : « La volonté de Dieu est que Lam‘aî parte au paradis. » Et il ne se passa pas longtemps avant que Lam‘aî ne meure33.
27En 1961, O. Meinardus témoigne des charismes du moine : « Là, au sud de la métropole égyptienne, Abûnâ Mînâ al-Mutawahhid prenait soin des déshérités, conseillait les affligés, guérissait les malades34. » E. Wakin témoigne en 1963 de la réputation de sainteté de Mînâ alors qu’il séjourne sur la montagne du Muqattam ; il décrit aussi la ferveur des foules qui l’entourent lors de ses déplacements lorsqu’il devient patriarche : « Descendant les marches du patriarcat pour saluer la foule qui l’attend avant le service du soir, il fait le signe de croix tout en avançant, s’arrête pour que l’on baise sa croix en or. Impénétrable, son expression demeure emprunte du regard lointain de l’ermite. » Ce ne sont pas là observations, volées sur le vif, d’une piété fondée sur la tradition orale : dès l’élection de Cyrille VI au patriarcat, en 1959, son hagiographie débute dans la presse. Si les éditeurs hésitent à publier sa Vie de son vivant, les journalistes, qui couvrent les activités du saint homme, évoquent ses charismes, n’hésitant pas à le qualifier de saint.
28L’histoire de la sainteté de Cyrille VI dans la presse des années 1960, c’est bien sûr d’abord, comme pour tout saint, le récit de ses pouvoirs charismatiques. Exposés dans les magazines communautaires tirés à plusieurs milliers d’exemplaires, ils donnent à sa réputation un écho et une dimension à l’échelle de la communauté tout entière. Peu de temps après son élection au patriarcat, le journal Al-Fidâ’ relate un exorcisme que Cyrille VI pratique sur une jeune fille lors de la réception hebdomadaire des fidèles :
La mère présenta la jeune fille au pape en demandant qu’il prie sur elle car elle était malmenée par un mauvais esprit [rûh sharîra] qui lui imposait des visions déplaisantes dans son sommeil et à l’état de veille. Le pape la regarda et leva sa main avec la croix. Aussitôt, la jeune fille leva ses mains et cacha son visage, mue par peur. Sa volonté semblait aliénée et elle poussait des cris de frayeur. Alors sa Sainteté s’est approchée d’elle et la peur du mauvais esprit qui était embusqué en elle augmenta. Sa Sainteté posa la croix sur sa tête et commença à prier. Ensuite il ordonna à l’esprit sale [al-rûh al-najis] de sortir et il sortit. Les nerfs de la jeune fille se calmèrent. Ensuite le pape demanda un verre d’eau et pria dessus. Puis il la bénit avec l’eau et alors elle guérit. Des centaines de visiteurs furent témoins de ce miracle et ils commencèrent à applaudir et à l’acclamer [Cyrille VI]. Quant à la fille, elle revint le lendemain à l’église où elle communia. La foule se retourna sur elle. Elle commença à raconter aux gens comment l’esprit mauvais avait pris pouvoir sur elle et comment il avait aliéné sa volonté pendant un temps, jusqu’à ce que Dieu lui dise d’aller visiter le palais papal et qu’elle guérisse par la main du pape35.
29On retrouve dans ce récit le verre d’eau que Cyrille VI a coutume d’employer et qui caractérise sa manière de bénir les fidèles en quête de baraka. Les journalistes ne cessent de s’émerveiller des pouvoirs charismatiques du saint homme, affirmant qu’il donne à l’Église copte une nouvelle naissance ; ils établissent ainsi un parallèle avec le christianisme des premiers siècles : « Dieu a envoyé un prophète de la foi, explique un rédacteur dans le journal Madâris al-ahad, et les croyants et les non-croyants se sont précipités pour prendre la baraka de Dieu de la main de l’homme de Dieu […]. Les astres du monachisme et du désert luisent de nouveau sur l’Église après que les nuages les ont longtemps cachés36. » Tout au long de la décennie, ils rappellent les miracles, nombreux, qui se sont produits dans la retraite de Tâhûna et au Vieux-Caire ; ils soulignent aussi les pouvoirs punitifs du patriarche à l’encontre de ceux qui lui ont porté tort :
Pendant la Seconde Guerre mondiale, un inspecteur des monuments historiques lui a demandé de quitter Tâhûna. Il a demandé un délai mais l’inspecteur a refusé et a exigé qu’il parte sur-le-champ ; sa Sainteté s’est rendue au poste de police du Vieux-Caire et a raconté l’histoire. Alors le commissaire l’a autorisé à rester jusqu’à ce qu’il trouve un autre endroit et le lendemain, l’inspecteur partait pour le Delta37.
30Les récits sur ses signes de sainteté circulent, dans des versions diverses : son compagnonnage avec une hyène lors de son séjour à Tâhûna ; la canne que lui a laissée Jean XIX lors de sa visite au moulin, après que cette dernière s’est subitement cassée, signe qu’il sera patriarche ; la prophétie d’un aîné lorsqu’il est nommé moine38. Les étapes de sa vie sont écrites dans un pur style hagiographique, telle celle de la création de l’association Saint-Ménas : selon cette version, Mînâ fit une telle impression sur l’archéologue B. Habashî, dont les enfants mouraient en bas âge, que lorsque ce dernier eut de nouveau un fils, il le nomma Mînâ. L’enfant vécut et Bânûb Habashî décida, en signe de gratitude envers le moine, de créer l’association Saint-Ménas39.
31Il faut ici revenir au couple que forment Mînâ (plus tard Cyrille VI) et Ménas. Dès que le moine prend le nom du martyr, la ferveur que les fidèles manifestent auprès des deux personnages devient une. Un récit de miracle rapporté par I. Habîb al-Misrî illustre parfaitement le trait. L’hagiographe relate qu’une femme, dont l’enfant était atteint d’un abcès à l’oreille nécessitant une opération, fut conduite par un ami auprès du moine Mînâ :
Il trempa un petit bout de coton dans l’huile de la chandelle posée devant l’icône de saint Ménas et lui dit : « Mets ce coton dans l’oreille de ton fils et par la grâce de Dieu, il n’y aura pas besoin d’opération. » Elle obéit en toute confiance et quand elle accompagna le lendemain son fils chez le médecin, son étonnement apparut car il trouva l’oreille complètement guérie ! Et la femme garda l’image du qummus Mînâ dans son portefeuille toute sa vie40.
32On identifie ici un mécanisme de « double intercession » : les fidèles sollicitent à la fois les prières du martyr et celles du saint homme. Les miracles adviennent, dans les récits, par l’action conjuguée du moine et du martyr, « par la baraka de Mînâ et les prières de sa sainteté le pape Cyrille VI [bi-barakat al-shahîd al-‘azîm al-qiddîs Mînâ al-‘ajâ’îbî wa salawât qadâsat al-bâbâ al-anbâ Kîrillus al-sâdis] ». « Le pape Cyrille VI était là et ainsi c’étaient deux joies et deux barakas [qadâsat al-bâbâ Kîrillus kân hunâka wa hakadhâ kânat al-farha farhatayn wa al-baraka barakatayn] », s’enthousiasme un rédacteur au retour d’une visite collective au Mariout où il a rencontré le patriarche.
33Dans l’esprit des fidèles des années 1960, nulle hiérarchie entre les deux figures. Au contraire, les deux saints semblent chacun bénéficier de la puissance charismatique de l’autre. Ainsi, ce récit qui relate comment Mînâ fut sauvé grâce à l’icône de Ménas à Tâhûna :
Des voleurs pensèrent qu’il cachait chez lui de l’argent et ils l’attaquèrent en essayant de le tuer. Il tomba à terre, le sang coulant de sa bouche. Alors il tendit la main vers l’image de son intercesseur Mâr Mînâ le merveilleux et l’hémorragie cessa sur l’instant. Les voleurs s’enfuirent et il se leva pour effectuer ses devoirs religieux et ses dévotions comme s’il ne s’était rien passé41.
34Si l’élection du moine Mînâ au siège patriarcal est vue comme un miracle du martyr Ménas, à l’inverse, le retour des miracles sur le site du Mariout, dont Cyrille prend possession dès son élection, est porté au crédit du saint homme. M. Shukrî, en bon hagiographe, le donne en effet pour avoir non seulement revivifié la zone, mais aussi pour être responsable du retour des eaux miraculeuses sur le site : « Tout cela ne montre-t-il pas la longueur de vue de sa sainteté Cyrille VI, qui n’eut pas sitôt tendu la main de la construction et de la restauration sur cette zone, qu’y revint la baraka42 ? »
35Ainsi, tout au long de la décennie, les pouvoirs charismatiques des deux figures fusionnent, dans l’esprit des fidèles, en une seule force d’intercession et se prolongent en quelque sorte. Les hagiographes se plaisent d’ailleurs à entretenir une ambiguïté entre le martyr et le moine, témoin l’épisode ajouté à l’histoire de l’attaque qui survint au Muqattam : l’un des voleurs est écrasé par un train, l’autre tombe fou ; mais le troisième va se confesser auprès du moine, qui lui pardonne : « Il pria sur lui conformément à la parole du livre saint : “Priez pour ceux qui vous font du mal.” Ainsi le grand saint Abâ Mînâ sauva cet homme de la colère de Dieu. »
36Mînâ, devenu Cyrille VI, est bien entré, aux yeux des fidèles et du temps de son patriarcat même, dans la grande procession des saints de l’Église copte. Témoin les rapports qu’il entretient, selon les hagiographes, avec d’autres saints, plus haut placés que lui dans le panthéon. Selon un grand classique de l’hagiographie, ils profitent de sa présence pour se manifester, comme pour approuver sa réputation de sainteté. Georges lui ouvre les portes demeurées fermées de l’église Saint-Georges à Alexandrie un matin qu’il s’y rend à l’improviste ; quant à la Vierge, les coptes disent qu’elle apparaît, en 1968, entre autres pour lui rendre hommage : « Le ciel de son âge béni a été illuminé par cette apparition splendide », témoigne un prélat dans la presse en 196943. Parmi les miracles que les fidèles rapportent au moment des supposées apparitions, l’association du saint homme et de la Vierge est parfois de rigueur, comme c’est le cas avec Ménas. Ainsi, un homme expose dans le journal Watanî le cas de son épouse, atteinte d’un cancer de l’appareil digestif. Il relate les multiples démarches qu’il a effectuées en compagnie de sa femme auprès des médecins et des religieux, espérant une guérison. Finalement, le couple se rend à l’église de la Vierge à Zaytûn où la Vierge leur apparaît pendant la nuit. Le lendemain, le couple se rend au centre patriarcal pour recevoir la bénédiction du patriarche. « Ce dernier posa la croix à l’endroit de la douleur dans son dos et il commença à prier avec ferveur. Elle sentit après cela un grand calme et la totalité de la douleur ne tarda pas à disparaître […]. Le jour suivant, nous nous rendîmes à l’église de la Vierge à Zaytûn pour annoncer ce miracle avant notre retour à Dayrût44. »
37Désigné par d’autres saints à la ferveur des coptes, Cyrille VI est donné pour avoir désigné à son tour aux fidèles d’autres figures vivantes autour desquelles se rassembler. C’est notamment le cas pour le prêtre Bîshoy Kâmil, prêtre à l’église Saint-Georges à Alexandrie, et pour mère Irénè, supérieure du couvent Saint-Mercure au Vieux-Caire. Mû, selon les sources, par une inspiration, Cyrille VI décide de nommer, sans le connaître, le diacre Bîshoy Kâmil à la fonction de prêtre dans la nouvelle église du Sporting à Alexandrie en novembre 1959. Non seulement Bîshoy Kâmil fait du Sporting le premier centre d’édition hagiographique de la décennie45, mais il acquiert lui-même une réputation de sainteté à Alexandrie et dans la diaspora, où le patriarche l’envoie faire un voyage pastoral dès 1969. Cette réputation se traduit dans l’hagiographie des années 1980. Cyrille VI est aussi donné pour avoir eu dans un rêve la révélation qu’il devait nommer mère Irénè supérieure du couvent Saint-Mercure, ce qu’il fit en 1962. D’après des proches de l’abbesse, Cyrille VI lui apparaissait en rêve, l’incitant à réformer son couvent et à donner un nouveau lustre au culte de Mercure. Dans les années 1980, mère Irénè acquiert elle aussi une réputation de sainteté et les miracles de Mercure au Vieux-Caire se multiplient. On retrouve ici le principe de la double intercession inauguré par Cyrille VI. Mais dans le cas d’Irénè, nul passage à l’écrit des propres charismes de l’abbesse, dont l’écho demeure dans le circuit oral. Seuls les miracles contemporains du martyr passent dans l’hagiographie, à partir de la fin des années 1980. Mère Irénè, qui est encore en vie de nos jours, n’a donc pas d’hagiographie, mais les récits de ses pouvoirs circulent, dont celui de bénir les malades, que Cyrille VI lui-même lui aurait octroyé46.
38La désignation d’autres figures de saints par Cyrille VI apparaît dans des sources postérieures à sa mort. À partir de 1971 en effet, les récits de ses charismes, guérisons, visions et prophéties prennent encore de l’ampleur. Ils sont exposés abondamment et en détail aussi bien dans la presse que dans l’édition. Publiés en fascicules, des recueils de miracles ne tardent pas à circuler dans la communauté, sur l’initiative d’une association, Abnâ’ Kîrillus al-sâdis (Les fils de Cyrille VI), qui se forme peu de temps après la mort du patriarche. De nombreux livrets sont ainsi édités dans les années qui suivent sa disparition, relatant ses miracles et sa vie exemplaire. Mais le fleuron de cette hagiographie post mortem est constitué par le volume que I. Habîb al-Misrî consacre, au sein de son Histoire des coptes, au patriarche, qui bénit lui-même le premier tome de la série. L’historiographe, qui a été l’une des proches de Cyrille VI, parachève l’écriture hagiographique de la vie de ce dernier. Il s’agit en réalité d’une œuvre à mi-chemin entre l’historiographie et l’hagiographie, à l’image de ce que l’on trouve dans HP47. Les différentes étapes de son action à la tête de l’Église copte sont ponctuées, dans cette source, par le récit de ses miracles et des signes divins témoignant de sa sainteté. Relatant ses funérailles, l’historienne décrit l’odeur d’encens qui s’échappe de la plaque de marbre sur laquelle on grave son nom. Elle évoque aussi la pluie salvatrice qui s’abat sur le village désertique de Bahij – dernière étape avant le Mariout où le patriarche est inhumé un an après sa mort – au moment où la dépouille mortelle arrive à la gare.
39Toutefois, au moment de la mort du patriarche Cyrille VI, dans la presse, c’est avant tout comme personnage hautement temporel que Cyrille VI est évoqué. Même si les journalistes citent avec générosité les témoignages de ceux qui ont bénéficié de sa baraka, ils relatent avant tout son œuvre de rénovation et de structuration de la communauté autour de son Église, sa dimension internationale au sein de l’Église chrétienne ; ils s’attardent sur la portée politique et nationale de ses discours, surtout après 1968, comme nous le verrons. Si l’un des deux premiers livrets hagiographiques qui sont consacrés à Cyrille VI traite presque exclusivement de son œuvre dans la restauration du culte de Ménas, l’autre en revanche s’attache principalement à décrire l’action du patriarche dans les domaines religieux, communautaires, et dans ses relations avec les autres religions, islam compris. Si la communauté copte se désole de la perte d’un saint, elle pleure avant tout un chef. Comme son hagiographie actuelle le démontre, la baraka de Cyrille VI a continué de vivre et même de se développer après sa mort. Les saints ne meurent jamais, pour autant que les fidèles continuent de solliciter leur intercession. Plutôt que de relater les miracles qui se produisent au moment des funérailles, il est plus urgent, pour les journalistes et les hagiographes des années 1960, de décrire les délégations, venues de partout, pour se recueillir devant la dépouille mortelle du patriarche. On insiste surtout sur la présence de l’État lors de l’événement en s’attardant sur le défilé des ministres lors de l’exposition du corps et aux funérailles. De même, on souligne la reconnaissance portée à Cyrille VI par les dignitaires musulmans. Finalement, c’est la visibilité que le patriarche a su donner à la vitalité de son Église et de sa communauté qui est saluée. Il faut dire que le saint homme a su se faire présent au sommet même de l’État et y tisser des liens solides, comme il est parvenu à le faire avec tous ceux qui ont eu à jouer un rôle décisif dans sa vie. On n’en est pas moins là en pleine hagiographie. Les rapports avec les puissants font partie des prérogatives du saint homme et Cyrille VI a su, plus que tout autre, les développer et les mettre en représentation. Il est vrai qu’il s’est trouvé en face d’un personnage à la réputation tout aussi charismatique que lui : Gamal Abd al-Nasser.
CYRILLE VI ET GAMAL ABD AL-NASSER : LE FACE-À-FACE DU SAINT ET DU HÉROS
40Au premier abord, les deux personnages semblent appartenir à deux univers étrangers l’un à l’autre. Quel point commun entre le jeune officier musulman toujours rasé de près, devenu le symbole international de l’anticolonialisme et du panarabisme, et le vieux moine copte, à la barbe hirsute et à l’austère robe noire ? Pourtant, ces deux personnages sont bien issus du même moule : ils sont tous deux le produit de l’exode rural qui, à partir de la fin du xixe siècle, a poussé les paysans du Saïd à remonter vers le nord pour se salarier sur les grands domaines fonciers du Delta, fournissant par la suite la réserve d’employés qui a formé la nouvelle classe moyenne égyptienne des moyennes et grandes villes égyptiennes. Ces deux points suffiraient à rapprocher les deux hommes s’ils n’étaient pas, en plus, originaires de la même région de Moyenne-Égypte, où les coptes sont assez bien représentés48.
41Si on peut déduire de ce point que la religion copte n’est probablement pas demeurée totalement étrangère au jeune Nasser dans son enfance et sa jeunesse, ce dernier n’a toutefois qu’une faible conscience de la présence chrétienne en Égypte lorsqu’il arrive au pouvoir. La donnée copte n’a en effet aucune place dans sa formation, ni même dans ses préoccupations politiques. On compte un seul copte dans le mouvement des officiers libres, encore appartient-il au second cercle. Le Conseil de la révolution, instance dirigeante qui exerce le pouvoir aux côtés du ra’îs, ne compte aucun copte en son sein et les quelques hauts fonctionnaires et ministres qui sont en fonction au cours de la période sont de purs technocrates ; ils ne font pas fonction d’interlocuteurs auprès de Nasser et ne représentent rien pour la communauté49. Lorsque Nasser arrive au pouvoir, les affaires concernant la communauté lui apparaissent comme des sources de problèmes, telle celle concernant la déposition et la difficile succession de Yûsâb II où, comme on l’a vu, il est amené à intervenir. Les sources rapportent la mauvaise disposition de Nasser à l’égard de Cyrille VI lorsqu’il devient patriarche : A. Nasr mentionne qu’avant l’élection patriarcale, Nasser aurait reçu une lettre hostile au moine Mînâ, émanant de ses opposants50. Une fois devenu patriarche, Cyrille tente vainement pendant plusieurs mois d’obtenir un rendez-vous auprès de Nasser. Des témoignages mentionnent que le patriarche n’aurait pas cherché à faire du zèle pour séduire le ra‘îs. Bref, en 1959, la confrontation entre les deux hommes s’annonce difficile.
42Finalement, le premier rendez-vous entre Gamal Abd al-Nasser et Cyrille VI a lieu le 14 octobre 1959. Le patriarche se rend chez Nasser, au palais de la République, entouré d’un certain nombre d’évêques et la rencontre se montre décisive : l’hostilité se transforme en sympathie et bientôt en amitié. C’est du moins ce que décrit l’historiographie. Il faut dire que, selon M. Fawzî, Cyrille VI donne, lors de l’entretien, des gages de nationalisme aptes à adoucir l’humeur du dirigeant égyptien. En effet, il se déclare farouche ennemi du combat communautaire, al-fitna al-tâ’ifiyya, et se place sur le terrain de la relation personnelle avec Nasser. On est loin ici de l’idéal de la umma qibtiyya (« nation copte », expression calquée sur celle de « nation islamique », umma islâmiyya) prônée par l’association Saint-Ménas. Cette posture, qui sert de politique à Cyrille VI tout au long de son patriarcat, est inaugurée par une décision toute symbolique : à partir de 1959, la délégation copte se dissocie des autres communautés chrétiennes présentes en Égypte lors de la présentation officielle des vœux au gouvernement, témoin de l’adhésion totale à l’État et du caractère national que Cyrille entend donner à l’Église copte. Les sources convergent pour décrire la relation entre Cyrille VI et Nasser comme ayant été assez nourrie, le patriarche ayant le chemin ouvert pour des visites au palais présidentiel, où il est reçu dans les appartements privés du président. Les deux hommes semblent avoir eu de nombreuses conversations téléphoniques, dont une, citée par A. Nasr, qui se déroule lors d’une l’hospitalisation de Nasser en URSS51. Les historiographes montrent aussi les égards que Nasser témoigne à Cyrille VI, le reconduisant lui-même à la porte de sa voiture et l’appelant « mon père ».
43Le fait de déplacer la relation institutionnelle sur le plan de la relation personnelle comporte de nombreux avantages pour le patriarche. Cyrille VI parvient tout d’abord à obtenir le blanc-seing de Nasser pour les projets qui lui tiennent à cœur comme la construction du monastère Saint-Ménas et de la cathédrale Saint-Marc, mais il dispose aussi du soutien du chef de l’État pour régler ses problèmes au sein même de la communauté. Ainsi du journal Misr qui prône une réforme communautaire plus appuyée que celle menée par Cyrille et entame une campagne de presse virulente contre lui en 1961. Le journal est brusquement fermé au cours de l’année1962. De même, lorsqu’un conflit surgit en 1965 entre le patriarche et l’assemblée du Majlis Millî à propos de la gestion des Waqfs : Cyrille VI obtient de Nasser la création d’une direction spéciale affectée aux dotations patriarcales qui lui donne une plus grande autonomie en matière financière. Il semble en effet que le patriarche ait rencontré une certaine opposition parmi les laïcs influents de la communauté concernant les investissements pour bâtir le nouveau monastère du Mariout et la cathédrale Saint-Marc.
44Les deux hommes servent leurs images mutuelles : la mise en représentation de leurs liens privilégiés permet à Cyrille VI d’acquérir une envergure nationale et témoigne de sa reconnaissance au plus haut de l’État ; quant à Nasser, il se donne, en se montrant aux côtés du patriarche, une image positive vis-à-vis de l’Occident, celle du chef d’État soucieux de la minorité chrétienne du pays. En réalité, comme on l’a vu, la situation de la communauté copte au cours de la décennie va plutôt en se dégradant et Nasser semble peu soucieux des coptes lorsqu’il laisse se développer l’islamisation de la société : elle fournit, au début des années 1970, le terreau des groupes islamistes violents dont certains s’en prennent aux coptes lors d’attentats, causant la mort de plusieurs dizaines d’entre eux52. Mais l’image de complicité que les deux hommes mettent en scène dans les années 1960 fonctionne, du moins au sein de la communauté copte, et les fidèles préfèrent penser, voyant leur patriarche se tenir si proche du ra‘îs, qu’ils bénéficient de la double protection, spirituelle et temporelle, des deux dirigeants. Une iconographie se développe d’ailleurs sur ce thème : de nombreuses photos paraissent dans la presse et les périodiques, montrant le patriarche et le chef de l’État côte à côte, se souriant et se touchant, symbole, s’il en était, de leur parfaite entente53.
45Ainsi, Nasser ne manque pas d’être présent aux côtés de Cyrille VI lors des grands événements qui mettent l’Église copte sous les feux de l’actualité. La pose de la première pierre de la cathédrale Saint-Marc en 1965 constitue un épisode significatif en la matière. Le chef d’État s’est impliqué dès le départ dans le projet de construction, initié par Cyrille VI, de la plus grande cathédrale d’Afrique. L’État égyptien finance une partie des travaux sous la forme d’un don d’un demi-million de livres égyptiennes et de la mise à contribution d’entreprises étatisées pour procéder aux travaux. Nasser vient lui-même, sous les flashs des reporters égyptiens et étrangers, sceller dans le ciment la première pierre de l’édifice. Il prononce à l’occasion un discours enflammé sur l’unité de la nation, proclamant un acte de foi sur les liens de fraternité qui lient tous les Égyptiens, musulmans et chrétiens. En 1967, l’État égyptien verse de nouveau 100 000 livres pour l’achèvement des travaux. Lors de l’inauguration officielle de la cathédrale, le 25 juin 1968, Nasser est entouré des dignitaires religieux et des représentants de nombreux pays, l’invité d’honneur de la cérémonie aux côtés de l’empereur Hailé Sélassié. Pour symboliser le retour des bonnes relations entre les deux Églises, ce dernier a fait le voyage au Caire, accompagné de plusieurs prélats. Lors de son entrée dans la cathédrale, comme pour illustrer les propos tenus trois ans auparavant, Nasser tient la main du patriarche et les deux hommes se présentent ensemble sur le parvis, les doigts enlacés : « Et l’assistance s’est réjouie de la vision du pape Cyrille pénétrant sur la terre d’Anbâ Ruways, tenant la main du ra’îs Gamal Abd al-Nasser comme le père aimant tient la main de son fils bien-aimé », témoigne I. Habîb al-Misrî, qui assiste aux cérémonies aux côtés de plusieurs milliers de fidèles dans l’enceinte du patriarcat54. Ces dernières sont retransmises en direct à la radio et à la télévision, ce qui donne une ampleur nationale à l’événement. Les coptes fêtent aussi, à l’occasion de ce dernier, les dix-neuf siècles écoulés depuis le martyre de Marc et le retour de ses reliques en Égypte, emportées en Italie par des marchands vénitiens en 828 AD55. Par esprit œcuménique, Rome accepte d’en restituer une partie aux coptes : c’est chose faite le 22 juin 1968, lors d’une cérémonie officielle au Vatican.
46Les auteurs ne tardent pas à s’emparer de la relation entre Nasser et Cyrille VI pour en faire une nouvelle illustration des liens qui, dans la tradition hagiographique, unissent le saint homme au puissant. Comme Sarapamon a guéri la fille de Méhémet Ali, Cyrille VI est donné pour avoir guéri le fils de Nasser en priant sur lui :
‘Abd al-Hakîm, le plus jeune fils de Gamal Abd al-Nasser était malade, et la maladie se prolongeait. Et le pape aimant distinguait les troubles de ses enfants. Alors, dans sa sollicitude envers tous ses enfants, il se rendit à la maison du ra‘îs. Le père céleste pria sur la tête de ‘Abd al-Hakîm et lui procura une guérison immédiate56.
47On prête aussi au saint homme d’avoir guéri Nasser en personne lors de l’une de ses visites :
Il posa la main sur la poitrine du ra‘îs en disant : « Je pose ma main sur la main de Dieu ; car il est écrit chez nous que la main de Dieu est sur le cœur des chefs » […]. Et le soir du même jour un homme du palais est venu chez le patriarche pour présenter les remerciements du ra‘îs pour cette visite bénie qui s’était produite le matin ; il indiqua que le ra‘îs ressentait des douleurs dans sa poitrine et qu’elles avaient totalement disparu lorsque sa sainteté le pape avait posé sa main sur sa poitrine57.
48Ces récits de guérison relatifs à Nasser n’apparaissent dans les sources que bien après la mort des deux hommes, ainsi que le récit montrant les enfants de Nasser remettant un don providentiel en argent à Cyrille VI au moment même où ce dernier achète la terre du Mariout :
Nasser dit à Cyrille : « Regarde, j’ai enseigné à mes enfants que quiconque faisait un don à l’Église le faisait à tous » […]. Et le sort voulut que la somme des dons des fils d’Abd al-Nasser couvre non seulement l’avance pour l’achat de la terre de Mâr Mînâ mais qu’il restât cinq guinées, correspondant aux honoraires versés pour la rédaction de l’acte58.
49La relation que Cyrille VI a entretenue avec Nasser au cours de son patriarcat parachève son portrait dans les sources coptes. Il est celui qui non seulement intercède pour résoudre les maux individuels mais qui, aussi, protège la communauté tout entière, grâce à l’influence qu’il acquiert auprès des puissants, en tant que patriarche et en tant que saint homme.
50Par sa capacité à incarner l’idéal de la sainteté auprès de ses contemporains et par son action à la tête de l’Église copte, Cyrille VI apparaît, aux yeux des coptes des années 1960, comme la preuve même de la décennie exceptionnelle qu’ils pensent vivre. Cette ère exceptionnelle est vue, d’une part, comme une ère de réforme, islâh. Par la politique qu’il met en place par l’intermédiaire de ses évêques, Cyrille VI est en effet perçu comme un réformateur et, à ce titre, il est comparé à Cyrille IV (1854-1861) qui, le premier, se soucia d’apporter un meilleur encadrement à la communauté, en matière d’éducation notamment. Mais un second terme est employé par les coptes des années 1960 pour qualifier le patriarcat de Cyrille VI : nahda, éveil, renouveau. Son choix n’est pas fortuit : il renvoie au grand mouvement de renouveau intellectuel qui s’est développé au Proche-Orient à la fin du xixe siècle, désigné, justement, sous le nom de Nahda. Sur le plan culturel, la Nahda s’est traduite, entre autres, par une explosion de l’édition dans les domaines de la littérature et de la poésie arabes qui se sont libérées du carcan des conventions. On pourrait s’étonner de la reprise de ce terme par les coptes, qui n’ont pas été touchés par ce mouvement dont certains acteurs ont prôné la laïcité et remis en cause l’existence de Dieu. C’est que, tout en reprenant l’idée de modernité qu’il induit, ils lui donnent un contenu spécifique : c’est le patriarcat de Cyrille VI qui est perçu comme une véritable renaissance ; il annonce une nouvelle période glorieuse de l’Église copte sous la houlette de ses saints puissants. Les apparitions de la Vierge dans la banlieue du Caire, dont des milliers d’Égyptiens se disent témoins à partir du printemps 1968, donnent toute son ampleur à ce discours au sein de la communauté.
Notes de bas de page
1 M. Jirjis, Al-bâbâ Kîrillus al-sâdis (Le pape Cyrille VI), Damanhûr, 1971 ; F. Mansûr, Siyar al-qiddîsîn – Sâhib al-qadâsa al-bâbâ Kîrillus al-sâdis (Vies des Saints – Sa sainteté le pape Cyrille VI), 1971.
2 La biographie la plus complète de Cyrille VI est parue en 1996 : A. Nasr, Abûnâ Mînâ al Barâmûsî al-Mutawahhid (Notre père Mînâ al-Barâmûsî le Solitaire), Le Caire, 1996.
3 F. Mansûr, op. cit., p. 5.
4 S. Tâwdurûs al-Suryânî, Târîkh bâbâwât al-kursî al-iskandarî, 1809-1971 (Les papes du siège d’Alexandrie, 1809-1971), Le Caire, 1977, p. 172-173.
5 I. Habîb al Misrî, Qissat al-kanîsa al-qibtiyya, 7 : Fatra min al-bahâ’, 1956-1971 (Histoire de l’Église copte, 7 : Période de la splendeur, 1956-1971), Le Caire, s.d.
6 Mînâ est le nom arabe de Ménas.
7 Sur l’hagiographie copte de Ménas, J. Drescher, Apa Mena. A Selection of Coptic Texts Relating to St. Menas, Le Caire, 1946 ; M. Chaine, « La Vie de saint Ménas dans la littérature copte et éthiopienne », C. M. Kaufmann (éd.), Zur Ikonographie der Menas Ampullen, Le Caire, 1910, p. 31-35. Sur l’hagiographie arabe, F. Jaritz, Die arabischen Quellen zum heiligen Menas (thèse de doctorat), Heidelberg, 1993.
8 H. Delehaye, « L’invention des reliques de saint Ménas à Constantinople », AB, XXIX, 1910, p. 117-150.
9 J. Drescher, op. cit.
10 Voir sa notice au 15 hâtûr dans le Synaxaire.
11 Sur les principaux pèlerinages d’Égypte au cours de l’Antiquité tardive, P. Maraval, Lieux saints et pèlerinages d’Orient…, Paris, 1985. Voir les passages qui concernent le pèlerinage consacré à Ménas, p. 81-84, 319-322.
12 R. Basset (trad.) « Le Synaxaire arabe jacobite », PO, 3, p. 293-298.
13 P. Maraval, op. cit., p. 319-322. Voir la description complète du site tel qu’il a été mis au jour au cours des fouilles qui s’y sont succédé dans P. Grossmann, « Abû Mînâ », CE, 1, p. 24-29. Voir aussi la notice extrêmement détaillée sur le site du Mariout rédigée par H. Leclercq dans le DACL. Cf. H. Leclercq, « Ménas (saint) », DACL, 11, col. 324-397.
14 « El-Mena, localité renfermant trois villes abandonnées, dont les édifices sont encore debout. On y remarque plusieurs châteaux magnifiques, situés dans un désert sablonneux où les caravanes prennent le risque d’être attaquées par les Arabes nomades. Ces châteaux, construits avec une grande solidité, ont des murailles extraordinaires et s’élèvent, presque tous, sur des voûtes en plein cintre ; quelques-uns sont habités par des moines chrétiens […]. » Description de l’Afrique septentrionale par Abou-Obeïd-el-Bekri, trad. M. G. de Slane, Paris, 1965, p. 8-9. Voir aussi, C. Décobert, « Maréotide médiévale. Des bédouins et des chrétiens », dans C. Décobert (éd.) Alexandrie médiévale, 2, IFAO, Le Caire, 2002.
15 A. Khater, « La translation des reliques de saint Ménas à son église du Caire », BSAC, 16, 1961-1962, p. 161-181. Sur la construction de l’église Saint-Ménas au Vieux-Caire, C. Coquin, Les Édifices chrétiens du Vieux-Caire, Le Caire, 1974, p. 3-11. Curieusement, C. Coquin n’évoque pas la présence des reliques dans l’église.
16 C. M. Kaufmann, Les Fouilles dans les sanctuaires de Ménas au désert de Maréotis (trad. A. Hartmann), 2e rapport, Alexandrie, 1908.
17 L. Barbulesco, La Communauté copte d’Égypte, 1881-1981 (thèse de doctorat), IEP, Paris, 1990, p. 122.
18 C. Décobert, article cité.
19 W. S. Blackman, Les Fellahs de la Haute-Égypte, Paris, 1948, p. 216.
20 I. Habîb al-Misrî, op. cit., p. 24. Malheureusement, l’historienne ne date pas l’épisode. Il est possible qu’il s’agisse d’une tentative ultérieure, car elle précise que Mînâ retourne alors à Tâhûna (‘âda ilâ tâhûnatihi).
21 Cf. I. Habîb al-Misrî, op. cit. p. 22. Dans The Story of the Copts, Nairobi, 1987, vol. 2, p. 374, l’historienne dit que le loyer de Tâhûna est payé par le Service des antiquités.
22 M. Shukrî, « ‘Ashrûn ‘âman fî khidmat al-târîkh al-qawmî wa al-kanîsa,(« Vingt-ans au service de l’histoire nationale et de l’Église »), Madâris al-ahad, 7, 1967, p. 28-32.
23 « Kanîsa Mâr Mînâ bi-Maryût » (« L’église Mâr Mînâ au Mariout »), Risâlat al-mahabba, 25, 1959, p. 203-205.
24 S. Tâwdurûs al-Suryânî, op. cit., p. 174.
25 Cf. M. Shukrî, « Tadhkâr takrîs kanîsat Mâr Mînâ al-‘ajâ’îbî » (« Souvenir de la consécration de l’église Mâr Mînâ le merveilleux »), Madâris al-ahad, 1960, 6, p. 15.
26 S. Tâwdurûs al-Suryânî, « Mâr Mînâ, kanîsatuhu, madînatuhu, dayruhu aljadîd » (« Mâr Mînâ, son église, sa ville, son nouveau monastère »), Risâlat al-mahabba, 9-10, 1967, p. 213-219.
27 « Un moine solitaire, caractérisé par son ascèse, prit contact et rencontra l’un de ses membres, Bânûb Habashî […] sollicitant sa médiation auprès du Service des antiquités. » Cf. M. Shukrî, « ‘Ashrûn ‘âman… », article cité, p. 28.
28 « Il [Bânûb Habashî] répondit au désir du qummus Mînâ le Solitaire et créa, avec l’un de ses amis, l’association Mâr Mînâ al-‘ajâ’îbî. » Cf. M. Shukrî, « Tadhkâr takrîs kanîsa… », article cité, p. 15.
29 I. Habîb al-Misrî, op. cit., p. 30.
30 F. Mansûr, op. cit., p. 9.
31 O. Meinardus, Monks and Monasteries…, Le Caire, 1961, p. 157, et E. Wakin, A Lonely Minority, New York, 1963, p. 110.
32 M. Fawzî, Al-bâbâ Kîrillus wa ‘Abd al-Nâsir (Le Pape Cyrille VI et Abd al-Nasser), Le Caire, 1993 (3e éd.), p. 132.
33 I. Habîb al-Misrî, op. cit., p. 25.
34 O. Meinardus, op. cit., 1961, p. 157.
35 « Mu‘jiza fî al-qasr al-bâbawî » (« Miracle au palais patriarcal »), Al-Fidâ’, 13, 1959, p. 8.
36 « Dakhalat al-kanîsa al-qibtiyya ‘ahdan jadîdan » (« L’Église copte est entrée dans une nouvelle ère »), Madâris al-ahad, 5, 1960, p. 1-2.
37 N. Fanus, « Rajul al-salâ wa al-salâh » (« L’homme de prière et de bonté »), Nahdat al-kanâ’is, 3, 1966, p. 85-90
38 « Al-râhib alladhî asbaha bâbân, nubû’a tahaqqaqat ba ‘da thalâthîn ‘âman », (« Le moine qui est devenu pape. Une prophétie se réalise après trente ans »), Watanî, 534, 9 mars 1969, p. 2.
39 M. Shukrî, « Tadhkâr takrîs kanîsa… », article cité, p. 15.
40 I. Habîb al-Misrî, op. cit., p. 25.
41 N. Fanus, article cité, p. 85.
42 M. Shukrî, « Safha hadîtha mushriqa min târîkh al-‘ajâ’îbî (Mâr Mînâ) » (« Page nouvelle tirée de l’histoire du merveilleux [Mâr Mînâ] »), Madâris al-ahad, 9-10, 1964, p. 19.
43 « Kalimat qadâsat al-bâbâ » (« Allocution de sa sainteté le pape »), Risâlat al-Mahabba, avril-mai 1969, p. 142.
44 M. Sâdiq, « Barakat al-tajallî satabqâ dâ’ iman muqtarinatan bi-hadhâ al-makân al-muqaddas » (« La baraka de l’apparition demeurera toujours associée à cet endroit saint »), Watanî, 564, 1969, p. 2.
45 Voir chapitre II.
46 B. Voile, « Saintes, moniales, diaconesses : des femmes dans le renouveau copte », B. Heyberger (éd.), Chrétiens du monde arabe. Un archipel en terre d’Islam, Paris, 2003, p. 226-239.
47 L’ouvrage de S. Tâwdurûs al-Suryânî appartient lui aussi à ce genre. Il constitue d’ailleurs la partie contemporaine de HP. Au sujet du mélange des genres dans HP, B. Voile, « Les miracles des saints dans la deuxième partie de l’Histoire des Patriarches d’Alexandrie : hagiographie ou historiographie ? », dans D. Aigle (éd.), Miracle et karama, Paris, 2000, p. 317-330.
48 Pour une biographie de Nasser qui conjugue les données personnelles du personnage avec les conditions historiques de la période, voir J. Lacouture, Nasser, Paris, 1971.
49 Au sujet de la présence copte au sein de l’État égyptien pour la période, L. Barbulesco, op. cit., p. 104-107 ; M. H. Heykal, L’Automne de la colère, Paris, 1983 ; S. Bahr, Al-aqbât fî al-hayâ al-misriyya al-siyâsiyya (Les Coptes dans la vie politique égyptienne), Le Caire, 1984, p. 151-152.
50 A. Nasr, op. cit., p. 149 ; M. Fawzî, op. cit., p. 54-57.
51 Malheureusement, l’auteur ne donne pas la date. Cf. A. Nasr, op. cit., p. 155.
52 Au sujet des troubles du début des années 1970, L. Barbulesco, Les Chrétiens égyptiens aujourd’hui, Éléments de discours, Dossiers du CEDEJ, 1, 1985.
53 B.Voile, « Cyrille VI et Gamal Abd al-Nasser : le face-à-face du saint et du héros », dans C. Mayeur-Jaouen (éd.), Saints et héros du Moyen-Orient contemporain, Paris, 2002, p. 161-176.
54 I. Habîb al-Misrî, op. cit., p. 60.
55 Les reliques de Marc ont été conservées à Bucalis, à l’est d’Alexandrie,jusqu’en 828. Après cette date, seule la tête du saint est restée en Égypte, où elle connut quelques vicissitudes. Voir notamment HPEC, II, 3, p. 264-265.
56 I. Habîb al- Misrî, op. cit., p. 48.
57 A. Nasr, op. cit., p. 157-158.
58 M. Fawzî, op. cit., p. 60, et A. Nasr, op. cit., p. 156.
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