Chapitre V. Processus (1962-1993) et stratégies
p. 161-203
Texte intégral
1Ayant défriché le terrain de l’argumentation juridique, on note que les principes d’utilisation équitable et raisonnable, l’obligation de ne pas causer de dommage et l’obligation de notification préalable des mesures projetées par un État, constituent des normes internationales. D’après Caflisch, ces « devoirs de notification, de réponse et même de négociation font partie du droit international coutumier1 ». Ces normes internationales représentent des éléments importants de la structure des négociations et influent sur les positions de pouvoir respectives. L’absence de mécanismes obligatoires de règlement des différends entre les États démontre que la solution réside dans la négociation.
2Il s’agit à présent d’en analyser l’application pour les riverains de l’Euphrate et du Tigre. La résistance de la Turquie à la codification de ces normes au sein de la Convention internationale de 1997 est significative. Cette résistance du riverain en amont – et la mise en avant de ces principes par les riverains en aval – sera une caractéristique du processus de négociation, que ce soit dans le cadre du face-à-face direct des ingénieurs ou lors des joutes officielles et officieuses qui s’ensuivront. Ce chapitre représentera une étape centrale de l’analyse puisqu’il abordera les autres dimensions importantes de la négociation. Une première section analysera les positions respectives, affirmées dans le cadre des sessions directes de négociation (1962-1993), ainsi que lors de l’interaction diplomatique qui s’ensuivra. Or, ce processus de négociation s’inscrit dans le cadre plus large des dynamiques interétatiques. La mise au jour des relations causales complexes nous révèlera, dans une deuxième partie, un emboîtement de la problématique hydraulique avec les projections régionales de chacun des acteurs : le rôle projeté de la Turquie dans les Balkans et l’Asie centrale, le soutien de la Syrie au Kurdes du PKK, les rivalités syro-irakiennes, la collaboration turco-israélienne.
LE PROCESSUS DE NÉGOCIATION
3La structure de coopération la plus importante a été représentée par les réunions du Comité technique commun des trois riverains. Les négociateurs des trois pays ont entrepris de se rencontrer régulièrement au cours des années. La négociation est considérée comme technique, puisqu’elle n’engage que les ingénieurs mandatés officiellement de chaque côté, mais le processus recèlera, dès le début, les prémisses de l’interaction politique et stratégique globale. Ainsi, on peut extraire de ces discussions « techniques » tous les germes du positionnement qui sera à la base des relations interétatiques. Plusieurs phases de négociation, bilatérales ou trilatérales, auront étayé les relations hydro-politiques des riverains de l’Euphrate et du Tigre. Cette partie relative au processus de négociation se basera sur l’analyse des procès-verbaux, archivés au sein du gouvernement syrien, qui rendent compte du déroulement des différentes sessions de négociation directe. Ces positions de face-à-face seront étayées par les revendications émises dans les documents officiellement publiés par chacun des riverains, ainsi que dans les notes officielles bilatérales entre les ministères des Affaires étrangères respectifs. Cette analyse ne pourra se départir, notamment pour la période post-négociation, d’une certaine rhétorique juridique. Elle se basera sur les commentaires soulevés par chacun des riverains, en réaction au projet d’articles de la Commission de droit international, avant sa soumission définitive à l’Assemblée générale des Nations unies (1993).
4Or, les analystes ont rarement eu l’occasion de tester l’application des variables de la négociation aux situations empiriques, avec l’introduction d’indicateurs réels, souvent par manque d’informations rigoureuses sur le contenu des discussions. Ce chapitre propose d’offrir une adaptation, entre la phase de conceptualisation et la réalité de la négociation, telle que vécue ou analysée. Le processus évoluera d’une approche stricte de diplomate à diplomate, en un processus de rencontres informelles ou formelles, de meetings d’experts ou de ministres, avec une combinatoire de concessions, demandes et contre-demandes. Au-delà du cadre formel des rencontres, cette négociation a engendré un échange d’informations, de prise de positions respectives, avec alternance de coopération et non-coopération. Ainsi, le processus de négociation directe se distingue-t-il selon quatre phases :
- une première phase de pourparlers bilatéraux Syrie/Turquie (1962-1971) et Syrie/Irak (1962-1974) ;
- une deuxième phase avec des négociations tripartites (1972-1974) ;
- une troisième phase bilatérale et trilatérale, de mai 1982 (Irak/Turquie) à octobre 1992 (Irak/Turquie/Syrie) ;
- une quatrième phase bilatérale (Syrie/Turquie) en mai 1993.
5Les réunions seront interrompues dès 1993. Des discussions bilatérales sur les questions de l’eau s’amorceront, dès 1997, entre la Syrie et l’Irak. Mais un rapprochement aura lieu, en août 2001, lors de la recrudescence des déclarations communes en faveur d’un accord sur l’eau, ainsi qu’à l’occasion des visites répétées des divers ministres de l’Irrigation dans les capitales respectives.
LES SESSIONS DE LA NÉGOCIATION : POSITIONS, CRISES DU PROCESSUS ET ACCORDS BILATÉRAUX
6Dès les années 1960, différentes positions se profilent progressivement pour se cristalliser dès la troisième phase du processus, après le lancement des projets du GAP par la Turquie. L’analyse se concentrera sur cette troisième phase, durant laquelle se sont conclus les accords bilatéraux. Ces rencontres auront suscité une entente et un esprit de coopération entre les parties techniques que certains n’hésitent pas à qualifier d’amitié2, de quasi-aboutissement à un règlement tripartite3 ou de recherche de « relations amicales et même fraternelles entre les peuples voisins4 ». Mais, sous le couvert d’une coopération sans faille, on remarquera vite que l’échange de données ne dépasse pas un niveau anodin ; et les résistances et points de contention, de part et d’autre, restent des éléments constants du processus.
7Ce processus, de nature mixte, oscillera entre phase de coopération, à ses débuts, et pics de crise, au fur et à mesure que se précisent les objectifs de développement respectifs. Les profonds différends et les accords, dans le cadre du processus, seront minutieusement étudiés, pour mieux déceler ensuite les liens et fondements qui les caractérisent lors de l’analyse des stratégies déployées par la Syrie. En effet, les dissensions sur la question de l’allocation ou le partage des eaux communes culminent en deux pics de crise : 1974 (Irak/Syrie) et 1990 (Syrie/Turquie). Un autre grave différend émaillera ces relations en 1998 (Turquie/Syrie) ; il sera aussi suivi par la conclusion d’un accord bilatéral en 2002. Mais une telle crise dépasse le cadre strict du processus de négociation directe (1960-1993). Elle fera l’objet de l’analyse des stratégies dans la deuxième partie de ce chapitre.
8Le refus de la Turquie d’envisager le partage des eaux communes trouvera justification dans la défense de positions diverses, telles que la réfutation du caractère international des fleuves et son interprétation personnelle des règles d’utilisation équitable et raisonnable, de l’obligation de ne pas causer de dommage ou de l’obligation de consultation et notification préalable. Après avoir reconnu l’existence de deux bassins séparés, qu’elle recommande d’appréhender en bassin unique pour faciliter l’harmonisation des projets communs, la Turquie campera sur une interprétation basée sur l’unicité de ces bassins et la nécessité de standardiser toutes les données entre riverains respectifs. On constate, par là même, un durcissement de la position de l’État en amont, qui sera étayée par le refus de considérer les normes de droit international, relatives aux cours d’eau internationaux, comme applicables aux eaux de l’Euphrate et du Tigre.
9Les six parties suivantes procèderont à la mise en exergue de ces positions, au gré des sessions directes et déclarations officielles. Il importe de souligner, à ce stade, que ces points de contention seront d’abord élaborés et examinés de manière synthétique, au gré des séquences du processus. Une dernière partie évaluera la légitimité de ces positions au regard du droit international, ainsi que leur influence sur les relations de pouvoir entre riverains.
Échange des données hydrauliques et réalisation parallèle des barrages de Keban, Karakaya, Atatürk (Turquie) et Tabqa (Syrie) : crises du processus et accords
10L’objectif premier des réunions techniques sera de procéder à un échange des données hydrauliques, susceptible de favoriser une coopération entre riverains. En 1962, les réunions bilatérales Syrie/Irak débutent dans un esprit de coopération5. La délégation irakienne insiste, dès le départ, pour que la « détermination des besoins hydrauliques pour les projets en cours dans le bassin de l’Euphrate » se fasse sur la notion des droits acquis6. Les deux délégations se mettent d’accord sur l’idée d’un partage des eaux communes entre les « deux pays amis » et chaque riverain fait état de ses besoins hydrauliques7. Lors de la sixième session bilatérale, l’Irak évalue ses besoins sur les eaux de l’Euphrate à 28,5 Gm3, tandis que la Syrie estime les siens à 16,724 Gm38. Les discussions abordent les eaux des bassins de l’Euphrate et du Tigre, mais ce dernier fleuve est surtout évoqué en termes d’études conjointes du bassin du Tigre. Durant les treize sessions bilatérales (Syrie/Irak), aucun résultat tangible n’est atteint, mais les parties échangent des informations sur le volume d’eau et les surfaces irriguées9. Les discussions portent en outre sur l’établissement d’un pipeline pour le transport du pétrole irakien en territoire syrien.
11Selon les paroles du chef de la délégation syrienne, ces réunions ne furent pas inutiles puisqu’elles permirent l’échange des données météorologiques et hydrologiques, ainsi que le partage d’informations sur les projets en cours et potentiels, en « permettant de connaître les vues et la façon de penser des deux autres10 ». La Syrie propose ensuite de céder 53 % des eaux de l’Euphrate au riverain irakien11. Lors de la 7e session, l’Irak revendique 67 % du volume d’eau12. En parallèle de ces sessions, une rencontre informelle focalisera la négociation autour d’un volume de 55 % pour la Syrie et 59 % pour l’Irak13. Plus tard, ce dernier revendiquera une part à 58 % contre 42 % pour la Syrie14.
12De même, lors de leurs quatre premières sessions bilatérales15, la Syrie et la Turquie évoquent la nécessité d’un échange d’informations sur les données hydrauliques, climatologiques et les projets existants et planifiés sur l’Euphrate. Dès le début des discussions, la Turquie fait part de sa volonté de poursuivre des négociations avec la Syrie, ainsi que l’Irak, sur l’entreprise de projets communs en terres turques16. Les deux parties décident de mettre sur pied un Comité technique conjoint avec l’Irak, autour de « la question des eaux partagées » et la nécessité de « parvenir à une distribution équitable des eaux de l’Euphrate17 ».
13La 4e session bilatérale Syrie/Turquie aura pour but de coordonner le remplissage des barrages de Keban et Tabqa, sur la base du Protocole technique signé en 1969 entre les deux pays. Ce document a pour objectif la « recherche d’une distribution des droits hydrauliques18 ». Confrontée aux projets turcs, la Syrie évoque les « 640 000 ha » irrigués en Syrie dans le bassin de l’Euphrate, ainsi que ses « besoins hydrauliques qui se montent à 12 Gm319 ». En outre, il est mentionné que la Syrie obtient maintes informations hydrologiques de la part de la Turquie, excepté le taux d’évaporation du réservoir de Keban20.
14Quant aux cinq sessions tripartites autour du remplissage des deux barrages en amont (Keban, Tabqa)21, elles se basent sur la demande d’informations détaillées de la part de l’Irak, qui s’inquiète des projets envisagés par les deux pays en amont. La Turquie annonce son intention de remplir, « autant que possible », le réservoir de son barrage. Le rapport interne de la Syrie note que les riverains en aval sont « mis devant un fait accompli » ; elle recommande une réunion au plus haut niveau entre les deux pays, dans le but « d’unifier les positions22 ». L’Irak demande qu’un accord tripartite établisse les volumes d’eau stockés dans les réservoirs de Keban et Tabqa, dans le cadre d’une allocation générale des eaux de l’Euphrate et du Tigre23. Pour la Turquie, cette distribution pourrait avoir lieu après la prise en compte « des projets de longue haleine, des besoins des trois pays et du transfert d’eau à partir d’autres fleuves ». Les parties concluent à la nécessité d’établir un rapport commun sur la base d’une collecte de données sur le terrain, soumis aux plus hautes instances des trois pays et analysé lors de la 4e session24. C’est l’impasse puisque le remplissage des deux réservoirs est prévu en même temps. Liés à d’autres facteurs (sécheresse, tensions politiques), ce désaccord va susciter la première crise du processus, lors des menaces de guerre entre la Syrie et l’Irak.
La crise de 1974 (Irak/Syrie) lors du face-à-face
15À partir de 1974, les discussions se déroulent autour du remplissage simultané des barrages réservoirs de Keban (30 km3) en Turquie, et Tabqa (11,6 km3) en Syrie. L’enjeu en est vital pour les surfaces irriguées d’Irak. Un comité tripartite ad hoc visite le terrain, sur la base des recommandations de la 4e session tripartite25. Malgré ces efforts, les parties ne s’entendent pas sur le partage des eaux et le stockage des deux réservoirs débute simultanément. Un accord oral entre les représentants syriens et irakiens établit un seuil de rétention, à Tabqa, des flots supérieurs à 450 m3/seconde26. Le début de l’année 1974 sera pauvre en précipitations et la crise éclate lorsque la Syrie entreprend de retenir les eaux nécessaires au démarrage des groupes électrogènes. Cette opération coïncide avec les retenues du barrage de Keban, dès le 28 janvier 1974. C’est alors la première crise hydro-politique du processus, dont les enjeux dépassent la problématique hydraulique. La Syrie et l’Irak sont au bord de la guerre. Chaque pays donne une interprétation différente de la coupure : l’Irak invoque une coupure d’un tiers de son volume, tandis que la Syrie avance le chiffre de 12,8 km3, correspondant à sa consommation annuelle en période normale. La crue exceptionnelle de mars 1974 met fin à cet état de tension, en libérant de plus grandes quantités d’eau vers l’Irak. Un modus vivendi est établi entre les deux parties.
16Entre-temps, une réunion trilatérale rassemble les trois protagonistes du 1er au 17 avril 1974. La Turquie annonce son intention de commencer le stockage, de juillet 1974 jusqu’en 1975, et elle s’engage à laisser passer entre 100 et 170 m3/seconde27. La Syrie réclame de la part de la Turquie un volume d’eau à la frontière commune de 376 m3/seconde pour les mois d’avril à juin 1974, et 269 m3/seconde pour les mois d’été, afin de satisfaire ses besoins en irrigation et production d’énergie28. Les négociateurs ne parviennent pas à un accord commun et les flots évoluent aux alentours des 100-200 m3/seconde. Lors de la 10e session bilatérale Syrie/Irak (19 mai au 5 juin 1974), les parties aboutissent à un accord relatif au remplissage du réservoir de Tabqa qui aura lieu jusqu’au 10 juillet 1974. La Syrie s’engage à « laisser passer vers l’Irak un minimum de 90 m3/seconde pendant le mois de juin, et 110 m3/seconde lors de dix premiers jours de juillet29 ». L’Irak accepte de se rabattre sur les eaux stockées dans le réservoir de Habaniya, en attendant que la Syrie rouvre les vannes dès le 11 juillet 1974. Malgré ces efforts, il est difficile d’établir un accord de partage global, de sorte que la première phase du remplissage initial du réservoir des deux barrages commence simultanément. Du 16 au 20 juillet 1974, une délégation irakienne de haut niveau visite la Syrie et une 11e session bilatérale réunit les deux pays30. Le président syrien donne alors « l’ordre personnel de laisser passer 100 m3/seconde depuis les eaux du lac Assad vers la frontière avec l’Irak », pendant 20 jours31.
17Un désaccord interviendra toutefois entre les représentants syriens et irakiens, réunis lors de la 12e session bilatérale, sur la question des quantités libérées depuis le réservoir Assad en Syrie. L’Irak se basera sur l’accord oral établi avec la Syrie en 1973, selon lequel le réservoir ne stockerait que les quantités dépassant « le seuil décidé dans cet accord32 ». La Syrie propose alors un volume minimum de 250 m3/seconde, qui s’élèverait à 450 m3 pendant le mois de janvier33. Les deux parties camperont sur leurs positions, et il n’y aura pratiquement pas de rencontres de 1974 à 1980. Par la suite, des accords provisoires non officiels entre la Syrie et l’Irak réglementeront le remplissage successif de Tabqa. Malgré les suspicions respectives et la détérioration des relations politiques, la collaboration irako-syrienne sera désormais une constante du processus.
18Cette tendance à la coopération caractérisera ainsi le début de la troisième phase du processus (1980-1992). Celle-ci s’amorce à la suite de l’inquiétude croissante des riverains en aval, face au lancement du GAP. Les négociations s’articulent autour de seize sessions bipartites et tripartites. La série débute avec la signature d’un accord bipartite entre l’Irak et la Turquie, les deux riverains s’engageant à établir un accord de partage avant février 198334. Pour ce faire, un Comité technique est chargé d’établir une étude en conséquence, afin de faciliter la conclusion de l’accord. Les deux premières réunions ont lieu à Ankara35, entre les parties turque et irakienne. Les deux parties conviennent, lors de la 2e session, d’inviter la Syrie à rejoindre leurs discussions. Celle-ci fait partie de la 3e session trilatérale réunie à Ankara en 198336. Les réunions ont lieu régulièrement, en moyenne deux fois par année, à tour de rôle entre les diverses capitales. L’ouverture de chacune de ces sessions débute par un échange détaillé de données hydrauliques et météorologiques de part et d’autre. Il est fait allusion aux visites sur le terrain, établies en parallèle des discussions, et à la prise de « mesures communes » du débit de l’Euphrate dans chacun des trois pays37. Pourtant, au-delà des bonnes volontés et de l’échange anodin de données hydrauliques (précipitations, volume de la fonte des neiges), les prises de position se heurtent très rapidement. D’une part, les parties découvrent parfois une différence notable dans l’établissement des données hydrauliques communes38. D’autre part, divers points de tension continuent à gagner les échanges au cours des années.
La montée vers la deuxième crise du processus en 1990 (Turquie/Syrie) et les accords bilatéraux (1987, 1990)
19Le processus connaît un regain de tension, lors de la construction du barrage de Karakaya en 1984. La Turquie déclare que son accord avec la Banque mondiale « l’engage à laisser passer 500 m3/seconde à la frontière commune avec la Syrie39 ». Soucieuse de parvenir à un accord global de répartition des eaux, la Syrie refuse cette mesure, en s’appuyant sur la « nécessité de spécifier ces montants dans le cadre d’un accord tripartite40 ». Lors de la 7e session de 1986, la Turquie refuse de discuter la question des 500 m3/seconde, puisqu’elle dépasse « les attributions du Comité technique41 ». Mais elle annoncera, lors de la 8e session de 1986, que le remplissage du réservoir de Karakaya se fera « sur la base des 500 m3/seconde » au travers de la frontière commune avec la Syrie42. À la suite de la tenue de la 10e session, le compte rendu officiel de la délégation syrienne à son ministère des Affaires étrangères révèle que la Turquie annonce aux autres riverains la fin des travaux sur le barrage de Karakaya. Elle établit aussi la part du volume courant et planifié des réservoirs du barrage Atatürk. La Syrie fait de même pour le barrage Al-Baath sur l’Euphrate, et l’Irak annonce la fin du barrage de Qadisiya sur l’Euphrate, de même que ses projets sur le Tigre43. Pourtant, en 1987, la Turquie ira plus loin et s’engagera à garantir un débit de 500 m3/seconde à la frontière syrienne, dans le cadre d’un accord bilatéral signé entre les deux pays, et ce, « pendant la période de remplissage du réservoir d’Atatürk en attendant la conclusion d’un accord tripartite d’allocation des eaux de l’Euphrate entre les trois riverains44 » (voir annexe II). Signé à Damas le 17 juillet 1987, ce Protocole prône la collaboration économique, à effets multiples dans les domaines du pétrole et du gaz, de l’eau, de l’électricité, du commerce, de la coopération bancaire et des questions de transport et télécommunications. Cette garantie reste bilatérale, même si les deux parties s’engagent à travailler conjointement avec l’Irak, pour « une allocation des eaux de l’Euphrate et du Tigre45 ». Pourquoi ce revirement turc ? L’analyse du processus strict n’en offre pas d’indices concluants. Des informations précises sur le remplissage des réservoirs respectifs seront communiquées de part et d’autre, et ce, jusqu’à la dernière réunion. À une question de l’Irak sur les impacts possibles du barrage d’Atatürk, la Turquie répond qu’elle ne fera pas subir « de dommages aux pays en aval, selon les mêmes garanties offertes pour le remplissage du réservoir de Karakaya46 ». Pourtant, dès la 12e session, à la suite de la visite du site du barrage d’Atatürk, le rapport interne des négociateurs exprime leurs inquiétudes relatives à « l’impact sur les ressources hydrauliques de l’Euphrate » du futur barrage, dont la réalisation est alors achevée à 76 %47.
20Dès 1989, la position de la Turquie se durcit. Lors de la 14e session des négociations tripartites, elle annonce son intention de couper totalement le débit de l’Euphrate du 13 janvier au 12 février 1990, afin de permettre le remplissage du barrage Atatürk48. La Syrie et l’Irak s’y opposent fermement, en arguant de la possibilité d’alternatives techniques qui permettent le remplissage sans entraîner de coupure totale, afin d’en « diminuer les dommages encourus par les trois pays49 ». Les deux riverains en aval insistent sur la diminution de la période de coupure. Elles estiment que la Turquie doit tenir compte des pays qui se trouvent en aval du fleuve international et respecter les engagements pris dans le Protocole de 1987 avec la Syrie50. Selon certaines sources locales, cette mesure de fermeture totale ne se justifiait pas sur un plan technique51. La Turquie s’oppose aux arguments de la Syrie et de l’Irak et elle procédera à la coupure effective du débit pendant un mois (janvier-février 1990). La 15e session fera suite à la coupure effective de 1990. Les États en aval insisteront à nouveau sur la nécessité d’un partage des eaux communes sur la base de la séparation entre les deux bassins52. La Syrie met en avant son intérêt primordial pour les eaux de l’Euphrate pour ses projets courants, tout en clamant ses droits sur les eaux du Tigre53. La Turquie s’engage à « essayer dans la mesure du possible de respecter l’engagement de laisser passer 500 m3/seconde au travers de la frontière commune avec la Syrie54 ». L’Irak rétorque que cette quantité n’est pas suffisante pour les besoins des deux pays qui nécessiteraient 750 m3/seconde ; la Syrie souligne que l’accord des 500 m3/seconde n’est que provisoire, en attendant une allocation finale55. La Turquie refuse ces diverses propositions.
21Les États en aval réitéreront leur volonté d’aboutir à un accord tripartite. Les réunions bipartites Syrie/Irak avaient déjà exprimé une volonté commune d’élever le niveau de décision de la dimension technique aux instances politiques56. Il est rapidement fait mention du soutien de l’Irak à la position syrienne57. Lors des négociations tripartites, les négociateurs de ces pays tenteront, en vain, d’obtenir l’accord de la Turquie pour établir un rapport global qui serait soumis à l’approbation prochaine d’une réunion ministérielle, planifiée après la tenue des 12e et 13e sessions techniques58. Les négociateurs syriens recommandent de parvenir rapidement à un accord bilatéral avec l’Irak, notamment sur l’Euphrate, de façon à faciliter la réalisation d’un accord tripartite59. Cet appel sera à la base de la signature le 17 avril 1989, lors d’une rencontre bilatérale organisée en parallèle des négociations tripartites, d’un accord de répartition des eaux de l’Euphrate entre la Syrie et l’Irak : « […] la part de l’Irak des eaux traversant la frontière syro-irakienne […] sera de 58 % du volume d’eau traversant la frontière entre la Turquie et la Syrie » et « le reste, soit 42 %, irait à la Syrie »60. Ces pourcentages mettent un terme au débat qui remonte aux premières réunions bilatérales, autour d’une proposition syrienne d’un volume irakien de 53 %, et la contre-proposition irakienne réclamant 67 %. Il s’agit du deuxième accord bilatéral dans le cadre du processus de négociation. En dépit des refus déclarés de la Turquie de considérer toute idée d’allocation ou partage des eaux communes, la Syrie parvient à conclure un accord d’allocation minimale.
Cours d’eau « transfrontaliers » contre cours d’eau « internationaux »
22En outre, la Turquie s’opposera aux positions de la Syrie et de l’Irak, mais aussi à l’interprétation des fleuves internationaux faite par la communauté internationale. Ses positions s’orienteront, dès le début des années 1990 et la codification progressive de ces normes internationales, vers le rejet d’une interprétation qui entame sa position de pouvoir en tant que riverain en amont. Donc, la Turquie reste le seul acteur, dans le différend sur les eaux de l’Euphrate et le Tigre, à revendiquer une approche basée sur l’intégrité territoriale absolue, en insistant sur l’importance de la souveraineté et l’absence de sa prise en compte dans les délibérations de la Commission du droit international61 :
« On n’a pas tenu suffisamment compte, lors de la détermination du régime à appliquer aux cours d’eau internationaux, de la souveraineté des États sur leurs propres ressources naturelles ou de leur droit de gérer lesdites ressources. »
23En conséquence, le gouvernement turc estime que l’Euphrate et le Tigre sont des « fleuves turcs tant qu’ils coulent sur le territoire turc », sur lequel ils « ont leurs sources et sont alimentés »62. En 1990, le président Turgut Ozal affirmait : « La Turquie n’accepte pas de devoir partager les eaux de l’Euphrate puisque l’Euphrate est un fleuve turc63. » Cette position est réitérée dans la réponse offerte par la Turquie aux diverses objections de la Syrie, relatives à la construction du barrage de Bireçik : « Turkey wishes to reiterate that the Euphrates and Tigris are transboundary rivers and consequently Syrian claims are not only inapplicable […] but also unacceptable64. »
24La différence est subtile : un cours d’eau est international lorsque ses rives relèvent de la souveraineté de deux ou plusieurs États qui partagent ses eaux en fonction de la ligne médiane ou le thalweg ; la réduction à la notion de cours d’eau transfrontalier dénote un passage des eaux au travers des frontières de divers États65 ; donc le droit international ne peut s’y appliquer. Or, la consolidation progressive d’un droit international en la matière a permis de cristalliser la définition du cours d’eau international. Celui-ci se définit comme « un cours d’eau dont les parties se trouvent dans des États différents » (article 2. b). Aussi, le Tigre et l’Euphrate sont-ils des cours d’eau internationaux au regard du droit international. L’approche souverainiste de la Turquie n’est plus adoptée aujourd’hui et le cours d’eau international se définit comme un cours d’eau qui, parfois, forme la frontière (le Tigre entre la Syrie et la Turquie) ou s’écoule sur le territoire des différents riverains successifs.
25La position syrienne s’aligne sur cette définition du cours d’eau international puisque son représentant officiel déclare, en 1980, lors des débats de la Commission du droit international (CDI) :
« Une voie d’eau internationale est une voie d’eau qui traverse plusieurs pays voisins ou en délimite les frontières naturelles communes, chacun d’eux ayant le droit de l’utiliser librement66. »
26Cette position sera appuyée par l’Irak, en 1993 :
« Le paragraphe 4 du commentaire relatif à l’article 8 mentionne que l’expression eaux transfrontières a été utilisée [...] par la CEE en 1987. Cette expression est incompatible avec la définition d’un cours d’eau international. L’Irak est d’avis que l’on ne doit pas tenir compte de cette expression partout où elle se trouve67. »
27La publication officielle du ministère irakien des Affaires étrangères et de l’Irrigation ajoutera en 1999 :
« Les deux fleuves de l’Euphrate et du Tigre sont internationaux selon la définition du fleuve international qui a été entérinée au niveau international, soit des cours d’eau dont les parties se trouvent dans différents États. » (Ils sont caractéristiques d’une « propriété collective »68.)
28Cet argument est renforcé dans les sources officielles syriennes, qui s’appuient sur la Convention de 1997 pour « réfuter l’argument selon lequel les deux fleuves sont transfrontaliers et non internationaux69 ». À l’instar de l’Irak, la Syrie s’appuie aussi sur les conventions historiques signées par la Turquie (traité de Lausanne de 192370 et Conventions de 1920 à 1946) pour mettre en exergue la responsabilité de la Turquie envers les riverains en aval et le respect des relations de « bon voisinage » en ce qui concerne l’Euphrate et le Tigre71. La Syrie cite l’article 109 du traité entre la Turquie et les puissances alliées (traité de paix de Lausanne de 1923), qui préconise une « entente entre les États intéressés, de nature à sauvegarder les intérêts et les droits acquis par chacun d’eux », pour les questions relatives au régime des eaux comme les canalisations, inondations, irrigations, drainages et autres. À cet égard, certaines sources syriennes opposent les réactions officielles de rejet par la Turquie aux traités historiques des années 1920. L’ancien ministre des Affaires étrangères turc, W. K. Oglu, aurait alors rétorqué dans un symposium public en 1993 : « Let us not discuss the 1920 treaty between Turkey and France because if we get into the mazes of history then we would have much to say72. »
29En outre, la Syrie évoque le Protocole bilatéral de 1987, dans lequel la Turquie s’engage à laisser passer un minimum de 500 m3/seconde des eaux de l’Euphrate « en attendant que soit négocié un accord global de partage ». Cet accord implique, selon la Syrie, la pleine « reconnaissance par la Turquie de la nature internationale du cours d’eau73 ». En définitive, elle appuie sa position sur la notion de communauté d’intérêts, entérinée par l’arrêt de la CIJ de 199774. En opposition, certains experts turcs évoquent le traité de 1946 avec l’Irak, comme une preuve de la non-limitation des « droits souverains de la Turquie pour l’installation d’infrastructures qui régulent les flots en territoire turc75 ». En réponse à la Syrie, la Turquie mentionne l’application des clauses du Protocole de 1987, comme preuve de ses « bonnes intentions » et de son respect des « relations de bon voisinage » – et ce, sans évoquer la nature internationale de ces cours d’eau76. En revanche, elle revendique ses droits de riverain en aval sur les eaux de l’Oronte, dont elle invoque la nécessaire prise en compte par la Syrie et le Liban lors de leurs exploitations unilatérales :
« […] Many comparable lessons can be drawn between the Orontes and the Euphrates Rivers with respect to both the amount of water released to the downstream countries and its utilization. Syria accuses Turkey, the upstream country, of reducing the amount of water in the Euphrates, while in the case of the Orontes River, where Syria is the upstream country, it utilizes almost all of the river’s water and releases a meager amount to its downstream country, Turkey » ; « In this respect, Syrian claims to Turkish territories should also be noted. Syria has long refused to recognize the trans-boundary character of the Orontes River77. »
30La Turquie s’appuie, donc, sur les normes de droit international qu’elle réfute dans le cas de l’Euphrate et du Tigre, en revendiquant à ce sujet les relations de bon voisinage.
31On constate, d’ailleurs, que les enjeux de l’Oronte figurent pleinement dans les publications officielles de la Turquie sur les enjeux régionaux de l’eau78, ainsi que dans la correspondance officielle avec la Syrie79. Les rapports internes syriens révèlent que cette revendication est présentée par la Turquie dès 1962. La Syrie refuse la proposition d’une étude de « toutes les ressources partagées », pour des « raisons politiques connues » qui incluent « l’Oronte (Assi) et le Sandjak d’Alexandrette »80. Cette proposition de la Turquie sera régulièrement réitérée81, et la Syrie y voit une manœuvre politique de la part de l’État en amont82. Lorsque la Syrie rejoindra le Comité technique en 1983, sa position s’alignera sur celle de l’Irak, avec une opposition réitérée à l’inclusion des sources de l’Oronte parmi les données étudiées. Elle rétorque alors que ce fleuve « ne fait pas partie des eaux communes aux trois pays83 ». La volonté d’inclure l’Oronte, dans l’agenda des négociations, sera une stratégie constante de la Turquie.
32Par ailleurs, la Syrie propose d’inclure une délibération sur les ressources souterraines de la frontière syro-turque. Il s’agit notamment de l’aquifère de Ras el-Ayn84. La partie turque refuse cette proposition, en affirmant que cette question « dépasse les attributions du Comité ». Cet argument appuie sa défense du principe de l’intégrité territoriale absolue, qui sera réitéré, lors des débats à la Commission du droit international en 1993. La Turquie y refuse une définition large du cours d’eau, qui inclut les ressources souterraines, car « ce résultat serait […] incompatible avec le principe de droit généralement accepté concernant la souveraineté permanente des États sur leurs propres ressources naturelles85 ».
Utilisation équitable ou allocation des utilisations
33En outre, les déclarations officielles turques vont privilégier la notion d’utilisation rationnelle et optimale du bassin entre les trois États concernés, en rejetant le partage ou l’allocation commune de ressources. Elle refuse, selon les mots du Président turc Demirel rapportés en 1997, de « partager les eaux avec la Syrie et l’Irak » :
« Demirel stressed that Turkey would in no way share its water resources with Syria and Iraq, but added that Ankara could consider cooperation with these countries for using rationally regional water resources86. »
34En contrepartie, la Turquie fait recours à la terminologie d’« utilisation équitable et raisonnable », en insistant sur le fait qu’elle doit être « interprétée de manière flexible puisque la notion centrale en est d’équilibrer les intérêts en jeu87 ». Elle place donc cette utilisation dans la perspective d’un développement optimal qui consiste à développer des « critères communs basés sur des règles scientifiques et objectives88 ». Pour ce faire, dès 1984, la Turquie fait une proposition de standardisation des données, qui seraient accumulées par des comités mobiles circulant dans les trois pays89. Régulièrement rejetée par la Syrie et l’Irak, cette proposition se répartit selon trois catégories : tout d’abord, l’entreprise d’études hydrologiques (mesures communes et échange de données) ; ensuite, l’étude conjointe des sols et des pratiques agricoles (classification des sols, choix des plantations) ; enfin, une planification conjointe en génie hydraulique (minimisation des pertes en eau, critères de faisabilité économique, détermination de la consommation totale). On y trouve les prémisses du Plan à trois étapes (1984) qui constituera, plus tard, les fondements de la position officielle de la Turquie sur les questions d’eau dans la région. Le riverain en amont propose d’établir un inventaire minutieux des ressources hydrauliques, des terres (qualité des sols, infrastructures de drainage) et des ressources eaux/terres (détermination des moyens d’irrigation, des pertes subies et de la consommation globale) par les experts des trois pays. L’objectif final est de favoriser un développement rationnel en déterminant les besoins hydrauliques réels et en appliquant des méthodes optimales de classification des sols afin d’éviter les gaspillages en eau90.
35Cette position se place en continuité avec la réfutation du caractère international des eaux communes puisque la Turquie privilégie une conception unifiée des bassins du Tigre et de l’Euphrate.
Unicité du bassin et standardisation des données inter-riveraines
36Dès les deux premières réunions bilatérales entre l’Irak et la Turquie91, les positions divergent sur la question de l’unicité du bassin, défendue par la Turquie et repoussée par l’Irak. Cette revendication de la Turquie représentera un point d’achoppement constant, dans son interaction générale avec les pays en aval. Le désaccord réapparaîtra rapidement entre les parties, au début de la troisième phase (1980). La Turquie insiste sur une distribution basée sur une « interprétation des deux bassins des rivières du Tigre et de l’Euphrate comme bassin unique, et la distribution devra s’établir sur cette base, de même que la nécessité d’établir une planification unique pour les projets de barrages dans les deux bassins au travers des trois pays92 ». Cette revendication se base sur le fait que les sources de l’Euphrate et du Tigre naissent en Turquie, où se trouvent les terres les plus fertiles et aussi les projets d’exploitation agricole les plus ambitieux, visant à exporter au travers de toute la région du Moyen-Orient. À première vue, cet objectif renforcerait la position de pouvoir du pays en amont. La Syrie revendique, en échange, la séparation de systèmes hydrauliques qui irriguent des régions différentes93. Selon les rapports internes syriens, l’Irak approuve d’abord l’idée de l’unicité de bassin Euphrate-Tigre, dans le but d’appuyer son projet en cours de réalisation pour le « détournement des eaux du Tigre vers l’Euphrate par le canal du Tharthar94 ». Ce sera lors de la 13e session que l’Irak fera part, « pour la première fois95 », des données hydrologiques sur ce canal. Cette réunion verra d’ailleurs un renforcement de la revendication turque du bassin unique, « du fait de la compensation par l’Irak de son manque d’eau dans le bassin de l’Euphrate par un apport d’eaux du Tigre96 ». Elle sera contrée par une opposition marquée de l’Irak97. L’unicité de bassin sera réitérée dans les déclarations ultérieures, sur la base de l’union des deux fleuves à Bagdad pour former le Chatt el-Arab – cette preuve étant renforcée par la construction d’un canal artificiel par l’Irak afin de relier les deux cours d’eau98. Les publications turques continuent aujourd’hui à se référer au bassin de l’Euphrate et du Tigre.
Utilisation équitable et raisonnable ou utilisation rationnelle et optimale, et échange des données
37Dès la 12e session, la Turquie formule clairement sa proposition en termes d’utilisation « rationnelle et optimale99 ». La Syrie et l’Irak rejettent rapidement cette suggestion, préférant l’échange d’informations techniques lors des réunions établies. La demande turque est perçue comme une tentative de démontrer la qualité des sols turcs, leurs besoins limités en ressources hydrauliques, dans le but d’« accorder (à la Turquie) la primauté dans l’exploitation des eaux100 ». En effet, le raisonnement repose sur l’estimation faite par le riverain en amont que les besoins des pays en aval ne doivent pas reposer uniquement sur l’Euphrate, et les plans d’irrigation pour les régions desservies par l’Euphrate devraient s’articuler sur un transfert à partir des eaux du Tigre. Ce Plan à trois étapes synthétise l’essentiel des propositions de la Turquie qui continue toujours à s’y référer. Ainsi le pays considère-t-il comme « inéquitable et non économique » l’irrigation de terres infertiles, en Syrie et en Irak, au détriment des terres fertiles de Turquie101. D’ailleurs, la dimension d’« équité » comme partie importante du développement soutenable est conceptualisée par le gouvernement turc comme l’« intégration de ceux qui se trouvent dans des positions socialement, culturellement ou économiquement désavantagées dans le processus de développement » ; et la Turquie considère que le GAP entérine cette dimension en faisant participer les populations qui ne bénéficient pas de l’irrigation102. Les besoins des autres riverains n’y sont pas inclus. D’ailleurs, la Turquie ne s’estime pas aussi riche en eau que l’affirment certaines sources internationales103. Et les eaux régionales ne suffisent pas aux besoins de tous104.
38La Syrie refuse aussi de faire suite à la demande turque sur le volume du débit annuel des affluents de l’Euphrate (Khabour, Balikh) puisqu’« un échange a déjà lieu aux stations de jaugeage aux frontières communes » et elle fera de même « après que la Turquie et l’Irak lui [ont] procuré des informations sur les affluents de l’Euphrate sur leur territoire »105. En revanche, la délégation syrienne appuie une demande turque présentée à l’Irak, pour l’obtention des données hydrauliques de la station de Nasiriyah sur l’Euphrate, mais l’Irak rejette la demande puisque « ces données ne sont pas disponibles106 ». Par ailleurs, la Turquie refuse d’accéder à la demande syrienne d’établir une station de mesure commune des eaux du Tigre. Pourtant, le Comité tripartite réitère la nécessité de telles réunions pour « l’échange de données sur la réalisation de barrages sur l’Euphrate et le Tigre107 » et les échanges futurs incluront les données relatives au Tigre108 – sans que soit discutée la question de leur allocation.
Allocation des usages de l’eau (Turquie) contre partage/allocation des eaux sur la base des droits acquis (Syrie, Irak)
39En outre, la Turquie spécifie son interprétation de l’« allocation des eaux » prescrite par le droit international :
« What Turkey understands from the “allocation of water”, as is confirmed by the recent developments in International Law, has always been and still is, not the distribution of water between the countries concerned but an “allocation of uses of water” on an equitable and reasonable basis, taking into account all the relevant factors and circumstance109. »
40L’avantage de cette distinction est qu’elle permet d’éviter la question de l’allocation ou le partage des eaux communes, au bénéfice de la promotion d’une répartition communément décidée de l’exploitation entreprise par chacun des trois riverains. Son argument se fonde sur le fait que les sources hydrologiques des fleuves naissent en territoire turc, où la vallée de l’Euphrate offre des avantages topographiques favorables à la construction de barrages et à la production d’énergie électrique. À cette position, l’Irak répond que la Turquie remet en question la dimension de partage pour lui préférer la notion d’utilisation optimale, au détriment de la notion d’allocation équitable et raisonnable reconnue par le droit international. Pour ce faire, ce riverain en aval s’appuie sur les rencontres tripartites passées dont l’objectif déclaré était de négocier un partage110, ainsi que les conclusions de l’arrêt de 1997 de la CIJ sur l’illicéité des travaux unilatéraux entrepris sur le Danube par la Slovaquie au détriment de la Hongrie. Selon l’Irak, la suggestion turque d’une harmonisation des données relatives aux eaux et aux sols ne serait pertinente que dans le cadre d’une structure étatique unique, car il existe d’importantes différences entre les politiques économiques et agricoles de chaque pays et leur évaluation propre des projets économiques. En outre, l’objectif de cette proposition turque serait de déduire les portions de terres en Irak qui nécessitent de grands volumes d’eau, du fait de leur détérioration en raison d’une irrigation ancestrale111. Quant à l’unité des bassins de l’Euphrate et du Tigre, l’Irak rétorque par la réalité « géographique, hydrologique et topographique » qui démontre la séparation des deux bassins112.
41Finalement, l’Irak estime qu’une utilisation équitable et raisonnable tiendrait compte des « utilisations existantes par rapport aux utilisations potentielles au cas où il y aurait conflit entre elles113 ». Elle revendique ainsi la suprématie des droits acquis114, issus de son exploitation millénaire de l’Euphrate et du Tigre115. L’Irak estime que ces droits ont été garantis par les conventions bilatérales signées avec la Turquie, ainsi que le droit international116. D’ailleurs, lors de son intervention dans le cadre des débats de la CDI en 1993, l’Irak suggère d’inclure une disposition dans ce sens à la fin de l’alinéa d du premier paragraphe de l’article 6, qui spécifie les paramètres de l’utilisation équitable et raisonnable : « En tenant compte de l’importance particulière qui doit être accordée aux utilisations existantes par rapport aux utilisations potentielles, au cas où il y aurait conflit entre elles117. » Cet appui sur la notion des droits acquis est aussi étayé par la Syrie : « Les Syriens ont déjà commencé à utiliser les eaux de l’Euphrate pour l’irrigation et les besoins domestiques depuis plus de cinquante ans118. »
42Le riverain en aval insiste aussi sur le fait que la « Turquie du Sud-Est reçoit beaucoup plus d’eau propre que [nos] terres semi-arides souffrant de salinité119 ». La Turquie considère l’argument des droits historiques comme « inadéquat », puisque ceux-ci ne représentent qu’un facteur parmi d’autres éléments constitutifs de l’utilisation équitable et raisonnable120. En outre, elle perçoit cette position comme un moyen utilisé par les États riverains pour la pousser « à laisser passer des volumes d’eau plus importants »121, en rapport avec une surface de terres irriguées qui ne représente pas la réalité. Ce dernier argument sera souvent réitéré par la Turquie, qui en fera la pierre angulaire de sa réfutation des objections des riverains en aval. La Syrie reprend certains des points irakiens ; elle réfute l’argument de l’utilisation optimale car il permet au riverain en amont de réclamer des volumes d’eau plus importants, sur la base de terres plus fertiles et de rendements économiques plus avantageux. Aussi, la Syrie considère-t-elle que cette position représente une fausse interprétation du contenu de l’article 5 de la Convention de 1997, qui ne prévoit pas de pénaliser les pays aux terres infertiles ou techniques moins avancées, en les empêchant de bénéficier de leurs ressources hydrauliques122. En clair, selon la Syrie, l’objectif de la Turquie est de repousser la question de la distribution des eaux, jusqu’à la finalisation du GAP123. D’ailleurs, certaines sources syriennes notent le paradoxe des prises de position en amont, puisque l’utilisation conjointe est prescrite pour des eaux considérées comme non communes, dans le cadre d’une répartition des utilisations sans qu’il n’y ait de partage :
« […] We may ask which water that countries can utilize jointly if it was not common water ? How is it possible to distribute water utilization if it does not mean to get part of that water to utilize it124 ? »
43En définitive, selon les termes d’un négociateur syrien impliqué dans les pourparlers avec la Turquie et l’Irak, il s’agit pour tous de montrer une « disposition d’accepter des sacrifices réciproques équitablement répartis entre les partenaires, en vue de fonder une base solide pour des relations de bon voisinage qui soient amicales et même fraternelles125 ». Outre le principe d’utilisation équitable et raisonnable, d’autres normes de droit international seront réfutées par le riverain en amont.
Obligation de ne pas causer de dommages
44Une publication officielle de 1992 établit clairement les réticences du gouvernement turc face à l’obligation de ne pas causer de dommages126. En logique avec son approche souverainiste, la Turquie réitère cette position lorsqu’elle soumet un commentaire sur la première version des projets de la CDI en 1993 :
« L’un des points sur lesquels le projet d’articles prête peut-être à la critique est que l’idée de dommage causé à l’environnement ne tient pas compte comme il convient des problèmes de développement des États » et « l’accent qui est mis sur le dommage a abouti à un texte qui limite l’utilisation des cours d’eau par les États en amont127. »
45Cette position est parfois étayée par un raisonnement technique :
« L’objectif de ne pas porter dommage à la nature, dans l’éventualité où il est strictement appliqué, impliquerait dans certains cas que le développement ou l’utilisation même des ressources hydrauliques n’est pas possible. Mais le développement économique et la gestion environnementale peuvent être poursuivis en concordance afin de diminuer les effets négatifs128. »
46La Syrie, quant à elle, défend la primauté de l’interdiction de causer des dommages sur le principe d’utilisation équitable et raisonnable, lorsque le dommage est causé à l’environnement. Ses arguments officiels s’appuient sur la priorité de la défense de l’environnement par rapport aux autres aspects de l’utilisation de l’eau, en se basant sur l’arrêt de la CIJ de 1997 (Gabcikovo-Nagymaros)129. Les menaces posées par le GAP aux pays en aval sont définies en termes de quantité mais aussi de qualité (pollution) des eaux130 ; elles touchent aux questions de droit « vital » ou « existentiel »131. Cette accusation de pollution avait fait l’objet d’une plainte officielle de la Syrie, lors de la construction du barrage de Bireçik (1995) par la Turquie, qu’elle tient responsable du déversement d’eaux polluées dans le Balikh132. L’Irak, de son côté, soulève la question de la « qualité de l’eau arrivant sur le territoire de tous les États du cours d’eau », comme critère d’évaluation de l’utilisation équitable et raisonnable133, en notant le danger de salinisation du fait de la diminution des volumes d’eau en Irak134. Aux accusations de pollution, la Turquie répond par la négation, en affirmant que le processus du GAP est trop prématuré pour entraîner déjà des effets de pollution vers la Syrie135. Elle considère qu’elle a porté attention aux questions de drainage, et elle estime que son Plan à trois étapes représente une « base sensée pour la consultation sur les problèmes environnementaux136 ». En conséquence, les plaintes de l’Irak sont aussi jugées comme « inacceptables137 ».
Obligation de notification et consultation : un dialogue de sourds en crescendo
47La Syrie se plaindra régulièrement de ne pas avoir été consultée au préalable par la Turquie138. Selon ce riverain en aval :
« La Turquie n’a jamais consulté ses voisins au sujet du barrage d’Ilisu ni demandé leurs avis ou leurs observations à son sujet. Peut-être que la Turquie considère qu’une simple information suffit, encore que jamais celle-ci n’a été faite dans les règles, et même si elle l’était, elle serait insuffisante du point de vue du droit international139 ».
48Elle se base sur les modalités du traité de 1930 sur le Tigre, signé avec la Turquie, ainsi que les articles 8, 11 à 19 de la Convention des Nations unies de 1997140. De même, l’Irak constate que la Turquie a maintenu la réalisation du GAP, malgré « les oppositions répétées de l’Irak et de la Syrie141 ». La Turquie ne répondra pas directement. Sa réaction sera de réitérer les positions soulignées auparavant, soit la réfutation de l’applicabilité de ces normes au cas des eaux de l’Euphrate et du Tigre.
49La 16e et dernière session aura lieu à Damas du 28 septembre au 2 octobre 1992. On y décèle les prémisses de l’atmosphère qui entourera l’échange de correspondance entre les trois pays dans les années qui suivent. L’Irak fera état des dommages subis par son agriculture dans le Sud du pays, du fait de la coupure par la Turquie des eaux de l’Euphrate et l’augmentation consécutive de la salinité des eaux. En outre, la Syrie et l’Irak argueront que le Protocole de 1987 a été conclu bilatéralement entre la Syrie et la Turquie. Ainsi, la règle des 500 m3/seconde ne peut s’appliquer à l’Irak. La Syrie propose donc que le Comité parvienne à harmoniser les points de vue, de sorte à « établir un rapport qui sera élevé au niveau gouvernemental des trois pays afin de déterminer la part de chacun des trois pays des eaux du Tigre et de l’Euphrate142 ». La Turquie répondra qu’il s’agit de « fleuves transfrontaliers qui naissent dans les terres turques », et elle réitère son Plan soumis à la 10e session (1988). Ainsi, la solution proposée par la Turquie « s’appuie sur des réalités globales » et « il n’y aura pas de solution si cette réalité est ignorée ». D’après elle, ce problème nécessite une solution « technique avant tout143 ». À cet argument, la Syrie répondra en disant qu’« elle espérait lors de sa venue que le Comité irait de l’avant au lieu de revenir en arrière et de réitérer des positions déjà avancées144 ». L’Irak, quant à elle, considère que les négociations sont revenues « au niveau zéro145 » mais elle propose d’organiser la 17e session à Bagdad dans le courant de 1992. Cette session n’aura jamais lieu. Un processus diplomatique remplacera les négociations directes par un échange de notes officielles. La Syrie146 et la Turquie147 se targueront d’avoir, en vain, invité l’autre partie à reprendre les négociations. L’Irak aussi placera ses espoirs dans la reprise d’une négociation et la finalisation d’un accord de partage148. Selon l’un de ses négociateurs, les appels lancés à la Turquie seront restés lettre morte149. Pourtant, le quota de 500 m3/seconde sera réaffirmé, en 1992, lors de la visite du ministre des Affaires étrangères turc en Syrie, dans le cadre de la signature d’un nouveau Protocole de sécurité150. De même, la visite à Damas du Premier ministre turc, le 20 janvier 1993, aboutira à un communiqué de presse commun, réitérant la promesse de conclusion d’un accord sur les eaux de l’Euphrate avant la fin de l’année151. Elle sera suivie par un nouveau round de négociations bilatérales, ne comprenant que la Syrie et la Turquie, qui se tiendra à Ankara du 17 au 21 mai 1993152. Ces sept sessions aboutiront à une décision commune d’organiser une prochaine réunion à Ankara, en présence du riverain irakien153. L’objectif en serait de parvenir à un accord final de répartition des eaux avant la fin de l’année 1993. La Turquie y réitère ses critiques au sujet du projet de codification du droit international, de même qu’elle insiste sur la prise en compte d’un bassin unique regroupant l’Euphrate et le Tigre154. Il ne sera pas donné de suite à la déclaration d’intentions des deux riverains.
50Dès 1994-1995, le rapprochement de la Syrie et de l’Irak débouche en une action concertée contre la construction du barrage turc de Bireçik sur l’Euphrate. Les deux parties se rencontrent, dès 1997, afin de mobiliser leurs efforts sur la question des ressources en eau communes. En septembre 1999, des plaintes successives sont envoyées à la Turquie, en protestation contre une coupure totale des eaux du Tigre pendant une semaine lors du lancement des travaux du barrage d’Ilisu155. Les autorités syriennes soutiennent par ailleurs que leur ambassade à Ankara a, maintes fois depuis 1993, invité les autorités turques à la reprise des négociations mais l’appel serait resté sans réponse. En définitive, les États en aval insistent sur la nécessité d’un arbitrage international, afin de résoudre la question du partage. Or cet arbitrage ne peut se faire sans l’accord de toutes les parties concernées, et la Turquie s’est refusée, jusqu’à présent, à y participer.
UN PROCESSUS MIXTE, ENTRE CONFLIT ET COOPÉRATION : ANALYSE DES POSITIONS AU REGARD DU DROIT INTERNATIONAL
51L’analyse empirique du processus de négociation a mis en exergue la recherche d’une sécurité hydraulique par les riverains en aval, soucieux de garantir leur approvisionnement en eau. L’agenda strict des négociations dénote l’absence des questions d’importance pour le développement des riverains en aval, soit l’impact des travaux en amont sur les ressources en aval, la qualité des reflux de l’irrigation ou le manque de structures de drainage. De même, les eaux du Tigre ne font pas formellement partie de l’agenda des négociations, la priorité ayant été axée sur les eaux de l’Euphrate. D’ailleurs, cette focalisation, sur les eaux de l’Euphrate uniquement, constitue une erreur de tactique pour l’un des négociateurs syriens, même si elles sont affectées en premier156. Par ailleurs, la description topographique et hydraulique des bassins avait établi la séparation des bassins.
52Une coopération s’est pourtant développée entre les trois riverains autour d’un échange des données climatiques et hydrauliques, de visites mutuelles et de partage des informations techniques sur le remplissage des réservoirs respectifs. Des années 1960 jusqu’aux années 1980, la Turquie a fait preuve d’une volonté réelle d’échange de données et de coordination des projets communs sur l’Euphrate. Elle évoque même, dès 1964, la notion de « distribution équitable des eaux communes » – notion qu’elle remettra en cause plus tard au bénéfice d’une interprétation « flexible » de la règle d’utilisation équitable et raisonnable des eaux communes, de l’interdiction de causer un dommage et de l’obligation de notification préalable des mesures projetées. Les règles internationales représentent donc des éléments incontournables de la structure des négociations, en contrainte sur les actions et options à disposition des États riverains. Or, l’insistance de la Turquie à défendre une position de souveraineté territoriale absolue s’écarte de la tendance récente du champ juridique international à se débarrasser de cette conception issue d’une pratique du xixe siècle. Par ailleurs, la Convention de 1997 instaure une prédominance de la règle d’utilisation équitable sur l’interdiction de causer un dommage, qui démontre le droit du riverain en amont de procéder à l’exploitation de ses ressources hydrauliques, dans la mesure où le principe de proportionnalité est respecté. On peut aussi déduire des conclusions du chapitre précédent que les riverains en aval ne peuvent se prévaloir du principe des droits acquis afin de bloquer les travaux d’exploitation de la Turquie. Ainsi, l’argument mis en avant par la Syrie et l’Irak d’une pratique antérieure, fût-elle millénaire, n’est pas légitime. Mais la Turquie doit pouvoir démontrer que ses travaux respectent la règle de l’équité par rapport aux projets existants dans ces pays. Une utilisation optimale, qui soit équitable et raisonnable, tiendrait compte des divers paramètres géographiques, socio-économiques et environnementaux soulignés à l’article 6 de la Convention, ainsi que les besoins socio-économiques de tous et l’impact des travaux entrepris sur tous les riverains concernés. Outre l’analyse faite au préalable des dommages potentiels sur les autres riverains, certains juristes considèrent déjà que les principes d’évitement de dommage, de proportionnalité et d’utilisation équitable ont été enfreints par la construction et la mise en marche du barrage Atatürk par la Turquie157.
53Un processus de notification a bien été initié par le riverain en amont (échange de notes officielles) mais sa réalisation est aussi considérée comme juridiquement incomplète158. On peut d’ailleurs observer que, dans ses publications officielles ou échanges de correspondance avec les autres riverains, la Turquie ne donne pas d’informations sur la progression des travaux en cours ou de détails sur les opérations futures. Un spécialiste des normes obligatoires en matière de cours d’eau internationaux souligne du reste que l’opposition la plus engagée, lors de l’élaboration des textes par la CDI, fut celle de la Turquie, et conclut : « La proposition turque demeurait bien en deçà du droit coutumier, en tentant de limiter à une simple obligation de consultation les devoirs de l’État qui projette une nouvelle activité159. »
54Les réfutations officielles du gouvernement turc vont se réitérer dans les interventions écrites qui jalonneront l’interaction interétatique. Il en va ainsi de l’argument de la standardisation des données hydrauliques qui est régulièrement repris par les publications internationales d’experts turcs160. Les normes du régime préconisé entre les riverains de l’Euphrate et du Tigre évolueraient autour de la reconnaissance des systèmes transfrontaliers de l’Euphrate et du Tigre comme entité unique, l’établissement d’un inventaire commun des eaux et sols, le droit de chacun d’utiliser librement les eaux internationales dans leurs territoires respectifs de manière équitable et raisonnable, une coopération au travers de l’établissement de mécanismes conjoints en vue d’une utilisation optimale et adéquate, l’échange régulier d’informations, une notification à l’avance de projets susceptibles d’avoir des effets négatifs, un mécanisme individuel et conjoint de prévention et réduction de la pollution161. Or le plan turc de standardisation des données relatives aux ressources et aux sols des trois riverains établirait clairement une efficacité plus grande de l’allocation prioritaire des eaux communes aux terres fertiles de la Turquie. Une gestion inter-riveraine impliquerait que les sites de Turquie seraient privilégiés. Cela équivaudrait à un renoncement, par la Syrie et l’Irak, à certains de leurs projets de développement agricole162, au prix d’une dépendance économique et politique accrue sur la Turquie. Certains commentateurs étayent l’argument d’un bénéfice pour tous les riverains de la régulation des crues en amont par la Turquie, dans le cadre de solutions « scientifiques » et « techniques » prometteuses163. L’application d’une conception « raisonnable » à l’utilisation faite par les États en amont n’empêchera pas, selon eux, une réduction de la consommation des États en aval164. En effet, ces diverses interventions s’articulent autour de l’inflation des surfaces irriguées par les riverains en aval165. Malgré la réévaluation à la baisse des surfaces irriguées de la Syrie et l’établissement de la mauvaise qualité des sols, la demande en eau du pays reste importante, que ce soit pour l’irrigation, la production d’énergie ou la consommation domestique. Aux yeux de certains spécialistes turcs, les riverains en aval ne souffrent pas de raréfaction de l’eau mais de systèmes d’irrigation inefficaces qu’ils devraient réhabiliter plutôt que de réclamer des volumes d’eau importants166. D’autres estimeront en outre que les retours d’irrigation ne sont que très peu minéralisés, la mauvaise qualité de l’eau provenant de l’état des sols qui souffrent des mauvaises conditions de drainage dans les portions syriennes et irakiennes des bassins167.
55L’émergence de ces normes internationales vient toutefois renforcer la position de pouvoir de la Syrie et de l’Irak. Le rejet par la Turquie du caractère « international » de ces fleuves, de la séparation des bassins et de l’interprétation de la règle d’utilisation équitable et raisonnable, représente une tactique qui vise à soustraire le riverain en amont aux contraintes établies par les normes du droit international. Cette détermination de la Turquie à en réfuter les fondements sera un élément permanent de l’interaction dès 1993, à un tournant qui coïncide avec deux événements décisifs : d’une part, la finalisation par la CDI du projet de convention qui aboutira à la Convention de 1997 des Nations unies, et d’autre part l’interruption des négociations directes avec la Syrie et l’Irak. Il est difficile d’en tester l’influence directe mais l’analyse a pu offrir une première évaluation de l’impact des normes de droit international sur l’évolution des positions.
56Le processus de négociation sur les eaux de l’Euphrate et du Tigre aura notamment été entravé par l’accélération des projets de développement unilatéraux. Cette réalité met en avant sa nature mixte, entre coopération et conflit. Car, jusqu’à la fin des années 1990, il aura été à prédominance conflictuelle. Il se caractérise par une tension entre l’appropriation conflictuelle des gains, soit la coupure de flots et le refus d’allouer ou partager les ressources communes, et la création de « valeur » mutuelle par l’échange de données et les accords de garantie minimale des flots de l’Euphrate168. Or, comment expliquer que, malgré les oppositions catégoriques qui les séparent, la Syrie soit parvenue à amener la Turquie à conclure un accord d’allocation minimale de 500 m3/seconde en 1987 ? L’amélioration de la position de pouvoir, du riverain en aval, s’expliquera par le recours aux stratégies de pouvoir.
LES POSITIONS DE POUVOIR DE LA SYRIE ET DE LA TURQUIE
57La réalité du pouvoir de la négociation ne s’inscrit pas seulement dans la perspective de mobilisation des ressources et capacités mais aussi de l’utilisation qui est faite des paramètres existants, en fonction des stratégies adoptées. On se posera la question de savoir quelle position l’emportera sur le terrain diplomatique et quelles sont les sources de pouvoir des riverains de l’Euphrate et du Tigre. Cette partie s’intéressera à la dernière dimension importante de la négociation, soit les stratégies et contre-stratégies de marchandage (bargaining strategies) utilisées par le riverain en aval pour améliorer sa situation de pouvoir. Il s’agit de revenir à la question de base qui consiste à analyser les positions de pouvoir respectives et cerner l’influence des stratégies utilisées par la Syrie pour réduire sa dépendance mais surtout amener la Turquie, acteur prépondérant dans les bassins de l’Euphrate et du Tigre, à un accord de répartition.
58Comment démêler l’écheveau des diverses interprétations du pouvoir lorsqu’il s’agit d’analyser la réalité des négociations sur l’Euphrate et le Tigre ? Dans la définition qui en a été faite dans la partie conceptuelle, on peut concevoir l’établissement du GAP par la Turquie comme une expression de son pouvoir structurel, puisque son interaction avec les riverains en aval est matériellement structurée par le GAP. Ce projet lui offre d’ailleurs de nouvelles options. Elle bénéficie d’une position en amont qui lui donne le pouvoir (structurel) de décider du volume d’eau qui traversera les frontières. En d’autres termes, la Turquie possède le pouvoir de « fermer les vannes ». Or, cette mesure n’est possible qu’une fois le GAP terminé. Aussi la Syrie bénéficie-t-elle encore de marges de manœuvre, en termes de pouvoir de marchandage, dont le soutien aux Kurdes en représente une facette importante, en sus de la catégorisation de sa manifestation indirecte en tant que pouvoir structurel. De même, la construction du GAP peut s’envisager aussi comme une expression du pouvoir de marchandage de la Turquie, qui peut menacer les pays en aval d’une coupure des flots et en obtenir de plus grandes concessions. L’État en amont est capable de mobiliser ses ressources, de façon à tirer avantage de sa position géographique, et celle-ci devient un atout de pouvoir dans l’interaction. Il en va de même pour l’existence de normes de droit international sur les cours d’eau internationaux, qui structurent l’interaction entre les riverains de l’Euphrate et du Tigre, en établissant les règles de jeu. Par la même occasion, ces normes appuient la position de marchandage des pays en aval (Syrie, Irak), qui y feront appel pour renforcer leurs revendications et élargir leurs marges de manœuvre.
59La Turquie apparaît donc comme la puissance dominante parmi les trois acteurs de la négociation. Une autre facette du pouvoir (structurel) réside dans l’établissement des règles du jeu, que ce soit par une position géographique avantageuse ou par l’entreprise de projets hydrauliques qui créent une situation de faits accomplis. Certes, la position géographique (en amont, en aval) compte, mais elle ne détermine pas uniquement la position de pouvoir. Ainsi, l’asymétrie des pouvoirs en faveur du riverain en aval peut dissuader un pays en amont, comme l’Ethiopie, d’entreprendre de grands projets d’exploitation sur sa partie du Nil, sans avoir consulté le puissant riverain inférieur égyptien. Par ailleurs, l’ampleur de ce pouvoir structurel a été relativisée par l’émergence de normes internationales qui contraignent l’action du riverain en amont et équilibrent le rapport de forces en faveur des riverains en aval. La partie conceptuelle établit aussi les mécanismes du pouvoir de marchandage, au travers de la mobilisation des ressources, de l’élargissement de ses propres alternatives et de l’impact sur les alternatives de l’autre. Ainsi, un État plus dépendant en apparence peut-il adopter des stratégies de linkage appropriées, de sorte à égaliser l’asymétrie de pouvoir en construisant une position de force meilleure. Cet effet d’emboîtement se réalise par l’inclusion d’acteurs indirects, l’établissement d’un lien avec d’autres problématiques ou l’adjonction de problématiques indirectes sur l’agenda. La dimension des alternatives à l’accord ou, ce que nous appellerons les points de séparation, prend sa pleine importance. De même que la possibilité de former des alliances, la capacité de changer les alternatives à l’accord apparaît comme une source de pouvoir qui peut augmenter les bénéfices de l’acteur169. On différenciera la stratégie de la tactique qui en découle. La tactique représente les petites étapes accomplies dans le cadre d’une stratégie à long terme. Par exemple, la promesse ou la réciprocité peuvent représenter des tactiques coopératives, dans le cadre d’une stratégie globale de coopération ou collaboration. D’autres stratégies de négociation consisteront en l’accommodation ou le compromis.
60Malgré l’asymétrie des pouvoirs et le refus réitéré de partager les eaux de l’Euphrate, la Turquie s’engage, en 1987, à garantir un débit de 500 m3/seconde à la frontière syrienne. Cette clause sera réitérée lors du communiqué de presse commun de 1993. Entre les deux, le processus de négociation aura connu une grave crise, lors de la coupure totale des flots par la Turquie pendant un mois en 1990. Comment expliquer cette évolution et quels en sont les facteurs d’influence ? L’analyse identifiera cinq stratégies d’emboîtement (linkage), déployées par la Syrie au cours des années, afin d’amener la Turquie à conclure cet accord. Le tableau 5.2 établit le poids respectif de chacune de ces stratégies. Ce poids est évalué en fonction de l’effectivité de cette stratégie sur l’amélioration de la position de pouvoir de la Syrie.
61La carte la plus importante de la Syrie résidera dans le soutien au groupe séparatiste kurde, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en liant, de facto, ce soutien à la garantie d’un approvisionnement par la Turquie d’un volume minimum sur les eaux de l’Euphrate. Cette stratégie d’emboîtement, entre les enjeux hydrauliques et les enjeux de sécurité intérieure de la Turquie, s’étendra de 1984 à 1998. Cette année-là, la détérioration radicale des relations entre les deux pays se résoudra par la conclusion du traité de coopération sécuritaire d’Adana, l’expulsion du leader kurde Öcalan de Syrie et sa capture par les autorités turques en 1999.
62Une deuxième carte sera utilisée, dès la rupture du processus de négociation en 1993, en s’intensifiant au fur et à mesure de l’affaiblissement de la première carte. En effet, la Syrie en appellera aux instances internationales, afin de bloquer les investissements en faveur du GAP. Elle trouvera en cela un allié naturel auprès des organisations non gouvernementales, impliquées pour raisons environnementales et humanitaires dans la campagne internationale contre le financement des barrages turcs.
63En troisième position, et jusqu’au point de rupture de 2000, la Syrie établit un lien avec le processus de négociation entre Israël et les pays voisins arabes. Elle fait miroiter une possibilité de résolution de la question épineuse du partage des eaux du Jourdain et la restitution conséquente du Golan, par une garantie finale sur les eaux de l’Euphrate. Enfin, l’irrédentisme représentera un dernier mécanisme de marchandage puisque la Syrie refusera de négocier la gestion des eaux communes de l’Oronte, en réitérant sa revendication historique sur le Sandjak d’Alexandrette, devenu province turque depuis sa cession par la France en 1939.
64Du côté turc, on peut relever deux stratégies d’impact sur les alternatives de la Syrie : d’une part, elle opère une alliance stratégique avec Israël, pour influer sur les options sécuritaires de la Syrie ; d’autre part, la Turquie fait preuve d’une mobilisation de ses ressources économiques et politiques qui lui est supérieure. En effet, la carte de l’emboîtement de la Syrie avec le processus de paix au Moyen-Orient sera contre-balancée par le rapprochement sécuritaire entre la Turquie et Israël qui culminera en 1996. Quant au facteur temps, on considèrera qu’il est du côté de la Turquie, qui n’est pas pressée de conclure un accord de répartition générale des eaux avant la fin du GAP. En revanche, le manque de financement international finira par peser sur la réalisation finale du projet et rendra la Turquie plus impatiente de trouver des capitaux – donc un arrangement global sur les eaux de l’Euphrate. Toutefois, la chute imminente du régime de Saddam Hussein, et les bouleversements sécuritaires qui s’ensuivent pour les voisins turc et syrien, précipitera le rapprochement entre les deux anciens rivaux. En 2002, la Syrie et la Turquie concluent un nouvel accord hydraulique. L’emboîtement entre les enjeux de sécurité et les problématiques hydrauliques se confirmera une fois de plus.
65On peut considérer que l’État plus puissant (la Turquie) est entré dans la négociation avec l’idée que ses intérêts seraient mieux servis par une action décidée en commun, que par l’action unilatérale. La réalisation du GAP lui permettra de renouer avec une dimension de son identité qui avait été effacée par des années de kémalisme. Certes, la réalisation technologique lui permettra d’accéder pleinement à ce monde occidental dont elle revendique l’appartenance. Mais en se vouant à un rôle de grenier à blé et à eau pour la région du Moyen-Orient, peut-être lui sera-t-il possible de recouvrer une participation et une affiliation active au monde musulman170. Au fur et à mesure de la progression des travaux lancés en 1980, son alternative à l’accord négocié lui apparaît plus attractive, soit un statu quo moins coûteux qu’une répartition des eaux qu’elle peut exploiter de façon unilatérale, sans contrainte de partage. On peut envisager la négociation qui s’est déroulée, jusqu’à la rupture de 1993, comme un processus de nature instrumentale dans lequel l’État en amont adoptait une négociation d’évitement171, en décidant de négocier afin d’éviter l’accord. Une continuité de cette stratégie est l’évitement adopté par la Turquie, entre 1993 et 2001, dans le cadre d’une stratégie qui s’appuie sur le temps172. En effet, le coût en termes de paramètres de réputation173 serait moins important du fait de sa réorientation vers l’Asie centrale qui concentre, dès 1991, ses intérêts économiques et stratégiques. Les alternatives de la Turquie ont donc changé avec le temps, et elle axera ses efforts sur la résolution de son problème sécuritaire intérieur. Quant aux alternatives de la Syrie et de l’Irak, elles ne sont pas préférables à un accord négocié sur les eaux communes. En effet, le développement des travaux en amont suscite une insécurité hydraulique et alimentaire, issue de la rupture d’un approvisionnement stable et de bonne qualité. Ainsi, une autre source du pouvoir de la Turquie réside-t-elle dans l’impatience de la Syrie de conclure un accord, de même que dans son intérêt porté à la poursuite de la négociation et le maintien d’une relation. On peut relever, à ce sujet, l’insistance des pays en aval sur l’importance de leurs relations de « bon voisinage » avec le voisin turc174.
66Il importe, à présent, d’évaluer les stratégies adoptées par la Syrie dans son interaction avec la Turquie sur les eaux de l’Euphrate et du Tigre.
LES STRATÉGIES D’EMBOÎTEMENT DE LA SYRIE
67L’ajout d’enjeux et d’acteurs indirects fait certes partie du jeu de pouvoir des riverains en aval. Cette stratégie s’axe sur les intérêts de l’autre partie, notamment la sécurité des frontières et la sécurité sociétale. Nous y retrouvons une application du concept développé par Haas de l’effet d’emboîtement à but « tactique »175. Une première stratégie consistera à soutenir l’insurrection intérieure, en Turquie.
Les stratégies d’impact sur les alternatives sécuritaires de la Turquie : PKK et crises du processus
68Un pas dans ce sens est reflété par l’analyse de Güner. Celui-ci caractérise les relations Syrie/Turquie sous l’appellation de « guerre d’usure », en identifiant un lien entre l’eau et la problématique du « terrorisme »176. Selon lui, la divergence d’intérêts est à mettre dans le contexte du conflit territorial et des contentieux historiques. Le jeu qu’il développe repose sur l’hypothèse selon laquelle les parties ne coopèrent que lorsqu’elles y trouvent un intérêt, et cette interaction ou conflit entre États peut se reproduire dans le temps – d’où l’idée d’un jeu réitéré qui n’est pas à somme nulle, dans lequel pèsent les incertitudes futures177. Dans ce cas de figure, l’effet d’emboîtement est annulé par les concessions unilatérales établies par chaque acteur. Ces dernières sont estimées en fonction des coûts subis par le linkage, comparés avec les bénéfices de l’utilisation des eaux de l’Euphrate. Cette évaluation s’établit sur la base des attentes projetées dans le futur, et leurs impacts sur les interactions présentes, ainsi que l’estimation faite des coûts et bénéfices de l’autre178. Au-delà de la conclusion assez évidente, selon laquelle les acteurs préfèreront les concessions mutuelles à celles unilatérales, l’auteur note que la position de force entre les deux acteurs n’est pas aussi établie qu’il semble à première vue : la Turquie subit des coûts du fait d’un soutien syrien au séparatisme kurde (qu’il qualifie de terrorisme) mais elle est patiente quant au futur, tandis que la Syrie est impatiente d’obtenir un accord de partage, dont les bénéfices lui seraient supérieurs. Il « prédit » qu’une condition probable pour l’obtention d’un accord serait la fin de l’effet d’emboîtement. L’analyse suivante se démarquera de cette conclusion finale. Nous constaterons que la condition de cessation de l’effet d’emboîtement – préconisée par Güner – n’aura pas été suffisante pour susciter un accord de partage global. En revanche, l’effet d’emboîtement entre les enjeux hydrauliques et les enjeux sécuritaires aura suscité la conclusion d’un accord bilatéral entre la Syrie et la Turquie.
69À la verticale, nous trouvons des États en quête de sécurité et légitimation intérieure, et ce, face à la montée des pluralités ethniques. Nous avons pu relever que la régionalisation du problème kurde trouve une solution, aux yeux du gouvernement turc, dans le développement socioéconomique de l’Anatolie du Sud-Est. Prônant officiellement la recherche d’une sécurité sociétale179 dans ces régions, avec pour objectif proclamé le développement économique et hydraulique des zones kurdes rebelles, la Turquie a paradoxalement attisé les mécontentements locaux et extérieurs, après les transferts de milliers de Kurdes, en raison des travaux d’infrastructure hydraulique180. Elle créait, de la sorte, un conflit avec sa minorité kurde que l’on peut classer dans ce que Homer-Dixon qualifie de conflits de type « groupe-identité », suscités à l’intérieur du pays entre l’État central et ses minorités rebelles181 – et ce, en précisant bien que les ramifications du conflit entre l’État turc et sa minorité kurde dépassent un cadre purement environnemental. En définitive, la pression utilisée par la Syrie aura permis une entente sur la question de l’Euphrate, comme clause intégrée au Protocole de 1987 qui institue, outre les accords économiques et techniques, l’interdiction pour chaque partie de soutenir des groupes violents sur le territoire de l’autre182. Pour la première fois, la Syrie obtient une garantie minimale de répartition des eaux. Ainsi, l’effet d’emboîtement aura conduit la Turquie à faire des concessions, sans que le succès en soit total puisque l’accord ne débouchera pas sur une allocation qui tienne compte des besoins des trois parties. En outre, sur le principe de convergence d’intérêts avec les opposants internes de la Turquie, la Syrie et l’Irak seront accusés d’utiliser la carte du soutien aux divers mouvements séparatistes, tels l’ASALA (Armée secrète pour la libération de l’Arménie), les chypriotes grecs, mais surtout le Parti des travailleurs du Kurdistan ou PKK (Partiya Karkaren Kurdistan). Cette dernière carte de la Syrie représente un atout majeur dans le processus de marchandage183. D’inspiration marxiste-léniniste, le PKK fut fondé par Abdullah Öcalan à Ankara, en 1978, sur la base d’un projet nationaliste de lutte armée, avec pour objectif l’édification d’un État kurde indépendant entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Dès 1984, le Parti lance une révolte armée contre l’État turc, en réaction à la violente politique déployée contre les populations kurdes. Une première phase verra une répression de grande ampleur menée par le gouvernement, avec le déplacement de plus de 100 000 personnes et la destruction de près de 4 000 villages dans le Sud-Est du pays. Le leader kurde Öcalan trouvera refuge en Syrie pendant plus de quinze ans. Celle-ci sera du reste soupçonnée par la Turquie d’abriter les bases d’entraînement du PKK dans la plaine de la Bekaa au Liban184.
70À diverses reprises, la Turquie et la Syrie ont frôlé le conflit ouvert : 1990, 1993, 1996 et 1998, à la suite des accusations de la Turquie d’un soutien continu au PKK. Ces crises offrent l’opportunité d’un déploiement des ressources militaires de la Turquie à la frontière commune, avec des menaces de recours à la guerre. La crise de 1990 éclate, lors du remplissage du barrage d’Atatürk, « la Turquie n’ayant laissé qu’un filet d’eau au pays d’aval185 », avec en sus, des rationnements et coupures d’électricité. L’analyse des procès-verbaux des négociateurs syriens révèle qu’à l’occasion de la 15e session, ceux-ci recommandent alors de faire pression sur la Turquie au travers de la Ligue arabe et de l’Europe, afin de « bénéficier de l’impact ressenti par la coupure de janvier-février 1990186 ». Cette stratégie sera effective puisque la crise sera suivie du Protocole de sécurité (17 avril 1992) entre Damas et Ankara, dans le cadre duquel sera réaffirmé le quota de 500 m3/seconde, de même que la volonté commune de lutte contre le terrorisme. Une clause mentionne les activités illégales du PKK (article 8). La crise marque un pic en juin 1993, lorsque la Syrie est soumise à une baisse radicale du débit de l’Euphrate. Son soutien au PKK en est alors renouvelé187. Dès 1995-1996, le lancement de la construction du barrage de Bireçik suscite une série de plaintes officielles, de la part de la Syrie et de l’Irak. Face au soutien intensif de la Syrie à la rébellion kurde, la position de la Turquie se durcira progressivement, jusqu’à la grave crise d’octobre 1998. La Turquie rejette alors le lien avec le dossier de l’eau, en refusant catégoriquement les négociations sur les ressources hydrauliques188. Les risques d’un conflit régional s’intensifient. À la suite d’une mobilisation militaire de la Turquie, la Syrie accepte de signer, le 20 octobre 1998, le traité de sécurité d’Adana, dans lequel elle s’engage à refuser l’entrée de son territoire à Öcalan, à ne pas rendre les camps du PKK « opérationnels » et « ne pas permettre d’activités sur son territoire qui ont pour objectif de menacer la sécurité et la stabilité de la Turquie189 ». À la différence des traités de sécurité précédents de 1987, 1992 et 1993, la Syrie reconnaît, pour la première fois, la nature « terroriste » de l’organisation du PKK, et elle accepte l’instauration de mécanismes communs et transparents de supervision190. En réponse aux injonctions turques, la Syrie avait décidé d’expulser de son territoire le leader kurde, qui sera capturé par les autorités turques en février 1999 et condamné à une peine de prison à vie191. Le « problème kurde », qui entachait les relations mutuelles, est résolu. En juin 1999, le PKK annonce sa renonciation à la lutte armée192 – renommé KAKEK, il mettra fin au cessez-le-feu en 2003. La fin de cet effet d’emboîtement ouvrira une période de détente dans le processus bilatéral. En conclusion, cette carte stratégique de la Syrie aura été importante à l’amélioration de sa position de pouvoir. En effet, elle a permis le lien entre les enjeux sécuritaires de la Turquie et la sécurité hydraulique de la Syrie. Pourtant, la stratégie ne sera plus opérationnelle avec le temps, puisque la Turquie refuse clairement, dès 1993, de lier les deux dossiers. Aussi la Syrie aura-t-elle recours à une autre stratégie d’importance, qui consistera à bloquer les alternatives de financement de la Turquie.
La Syrie et le financement international du GAP
71La Syrie va aussi œuvrer sur les alternatives extérieures de la Turquie, en faisant appel à la communauté internationale afin qu’elle ne finance plus les projets hydrauliques turcs. Le chapitre III a étudié le débat international sur le projet controversé du barrage d’Ilisu, ainsi que la mobilisation des organisations non gouvernementales autour des conséquences négatives du projet en termes d’environnement, de déplacement massif de populations et de destruction des vestiges archéologiques. De même, la Syrie entreprend activement d’écrire aux gouvernements européens qui offrent des garanties de financement à leurs entreprises impliquées dans le barrage d’Ilisu. En septembre 1999, une lettre est adressée, entre autres, au gouvernement suisse, dont les crédits à l’exportation garantissent les investissements des compagnies suisses en Turquie. La Syrie y évoque le « barrage qui affecte les droits et les intérêts de la Syrie et de l’Irak193 ».
72Ce riverain bénéficiera du succès de la mobilisation contre le barrage d’Ilisu, puisque le gouvernement britannique, ainsi que de grands groupes industriels britanniques, italiens et suisses, se retireront du projet de barrage en 2001-2002. La frilosité de la communauté internationale à investir dans le GAP se trouve confortée, en 2000, avec la publication du fameux rapport de la Commission mondiale des barrages (CMB). Ce rapport renforce d’autant plus la position de la Syrie qu’il condamne la politique des grands barrages. Les controverses qui ont entouré sa publication, notamment la résistance des pays constructeurs tels la Turquie, mérite que l’on y porte une attention particulière, comme variable de contrainte supplémentaire sur les options à disposition de la Turquie.
73La Commission mondiale des barrages a été créée conjointement par la Banque mondiale et l’Union mondiale pour la nature (UICN). Elle avait pour tâche l’évaluation de l’impact des grands barrages et l’élaboration des règles de conduite pour l’encadrement de la construction des futurs projets. Les critères requis sont sociaux (déplacement des populations), environnementaux, économiques et politiques, notamment en termes d’impacts en aval. En novembre 2000, la Commission produit un rapport qui établit, entre autres, la nécessité de promouvoir cinq valeurs principales (équité, viabilité, efficience, prise de décisions participative et responsabilité) dans la prise de décisions sur les barrages, ainsi que sept priorités stratégiques, dont celui de gestion des cours d’eau sur une base de paix, de développement et de sécurité194. On y retrouve les dimensions de partage équitable, d’intégration de toutes les dimensions pertinentes à l’eau et la recherche d’une sécurité à tous les niveaux. Perçu par ses détracteurs comme établissant des standards obligatoires, ce rapport a suscité maintes controverses, plus particulièrement auprès des pays constructeurs de grands barrages et des représentants de l’industrie privée195. La Turquie s’opposera fermement aux recommandations du rapport de la Commission mondiale des barrages, qui établit les inconvénients majeurs des grands barrages dans le monde (dont 1 % se trouvent sur son territoire) en recommandant, entre autres, de tenir compte des communautés affectées en aval196.
74Il est rapidement établi qu’il ne s’agit pas d’instruments à portée obligatoire mais de lignes directrices générales, en vue d’un développement soutenable et participatif. Sous la pression des partenaires extérieurs, le débat a abouti à la prise en compte de ces critères par la Banque mondiale, sans engagement concret, si ce n’est la mention faite à la référence que représentera le rapport de la CMB dans son processus décisionnel197. Quant aux règles d’intervention, quatre standards opérationnels concernent les projets de développement hydraulique : les standards relatifs aux projets portant sur les cours d’eau internationaux, l’étude d’impact environnemental, les populations indigènes et les déplacements involontaires de populations. Ces instruments s’articulent autour du devoir de coopération entre riverains (obligation de notification aux autres riverains par l’État emprunteur) et de l’obligation de ne pas causer de dommages appréciables aux États voisins, sans mettre en avant le principe de l’utilisation équitable, ni la nécessité d’un consentement préalable198. Cette approche vivement critiquée n’a pas empêché le financement par la Banque de projets qui font l’objet de protestations par les autres États concernés, tant que ceux-ci ne subissent pas des dommages appréciables199. L’analyse a démontré que la Banque mondiale avait procédé au financement du GAP à hauteur de 120 millions de dollars (chapitre III). Les sources du GAP révèlent que ces financements ont bien été destinés au barrage de Karakaya – contrairement aux affirmations qui soulignent le refus de la Banque mondiale de financer ce projet, du fait de l’impact négatif sur les riverains en aval200. C’est ainsi que la Syrie orientera sa stratégie vers les organismes internationaux de prêts, en insistant sur la nécessité de consultation préalable des autres riverains du bassin. Ainsi, diverses lettres ont-elles été envoyées par le gouvernement syrien à la Banque mondiale, en protestation contre l’octroi par la Banque de divers prêts au gouvernement turc pour les projets du GAP.
« I should like to join my voice to that of the Secretary General of the Arab League expressing my belief that the loans referred to […] are not consistent with the Bank rules and policy201. »
75Les instances de la Banque mondiale auraient donné leur « assurance [au gouvernement syrien] que la Banque ne financera[it] que les projets qui correspondent à sa politique », en souhaitant « voir le différend entre la Turquie et la Syrie résolu pour leur bénéfice mutuel », et en exprimant leur volonté d’« aider la Turquie et la Syrie en fonction de leurs priorités et leurs politique202 ».
76La Syrie décide donc d’œuvrer directement sur les alternatives à disposition de la Turquie, en bénéficiant indirectement de la mobilisation internationale dans ce sens. Dans les deux cas, sa position de pouvoir en est consolidée. On constate que le recours à cette stratégie débute en 1999, à la suite de l’échec final de la carte kurde en 1998. Outre les enjeux sécuritaires régionaux, l’amorce de dialogue entre la Syrie et la Turquie (2000-2001) se situe dans ce contexte. Le financement du GAP n’est aujourd’hui réalisé qu’à 43 % et les retards de réalisation sont aussi dus à l’impossibilité de bénéficier d’un financement international. Ainsi, l’intérêt de la Turquie sera-t-il de développer des relations de coopération avec les pays voisins, afin d’encourager les investissements internationaux. Les deux riverains auront recours à deux autres stratégies, qui influeront sur les options à disposition de l’autre.
LES STRATÉGIES DE LINKAGE COMMUNES AUX DEUX RIVERAINS
Le lien entre le partage des eaux de l’Euphrate et les eaux du Jourdain
77Les alternatives hydrauliques de la Syrie – le Jourdain et le Yarmouk – ont d’abord été affaiblies par l’accord entre Israël et la Jordanie sur la répartition des eaux du Jourdain (1994). Depuis, les discussions communes ont ravivé le projet du fameux barrage commun (Al-Wahdah) sur le Yarmouk – barrage dont la construction avait été empêchée, dès les années 1960, par les bombardements d’Israël qui se considérait exclu de cette répartition203. Le processus d’encerclement se poursuit lors de la conclusion d’un partenariat stratégique entre la Turquie et Israël. De fait, les liens entre la Turquie et Israël se profilent dès 1991 et se renforcent rapidement avec la signature d’un mémorandum de coopération (1993) et un accord de coopération et de formation militaire (1996)204. Cette collaboration prévoit un encadrement militaire, une défense coordonnée, une coopération industrielle et des échanges commerciaux accrus. D’un point de vue turc, le consensus atteint entre Damas et Bagdad, malgré des relations historiques inamicales, apparaît comme une stratégie des Arabes pour forcer le voisin turc au compromis205. L’emboîtement avec les facteurs hydrauliques s’opère de facto, puisque cette coopération s’accompagne d’investissements israéliens dans divers projets d’irrigation du GAP206. En mars 2004, un traité de vingt ans engage la Turquie et Israël dans le cadre du fameux projet de Manavgat. Des années de discussion avaient vu l’émergence d’un plan d’importations de ces eaux, depuis la côte méditerranéenne turque d’Anatolie, par bateaux citernes et sacs de plastic « medusa », vers la Jordanie et Israël207. Ce dernier, qui a signé pour un achat de 50 millions de m3, avait longtemps été réticent à saisir cette opportunité, du fait de l’abondance récente des dernières pluies, des risques de dépendance à l’égard d’un autre pays, mais aussi par souci de préserver son pouvoir de négociation dans l’éventualité de pourparlers autour du Jourdain.
78Par ailleurs, la Turquie aurait posé comme condition qu’un accord de paix entre Israël et les pays du Moyen-Orient soit signé avant la vente d’eau208. Cette stratégie de linkage, établie par la Turquie, se révèle à la lecture du document officiel sur le problème de l’Euphrate209. Alors qu’il s’agit là de donner sa vision des enjeux sur l’Euphrate, elle fait clairement référence à une crise hydraulique en Israël, laquelle serait suscitée par la renonciation aux territoires occupés en 1967. Cette imbrication est étayée par les propos de l’un des négociateurs irakiens aux sessions tripartites sur l’Euphrate. En coulisse, la Turquie aurait proposé officieusement à la Syrie de recevoir des quantités additionnelles d’eaux en provenance de l’Euphrate, si elle renonçait aux eaux du Jourdain. La volonté affichée était de lier implicitement la question de l’Euphrate au dossier épineux de l’occupation du Golan. La Syrie aurait opposé un refus net d’associer les deux problématiques, d’autant qu’il n’était pas tenu compte de la part de l’Irak210. D’ailleurs, il est possible de situer le rapprochement entre la Syrie et l’Irak, et leur politique conjointe de protestation envers la Turquie dès les années 1990, dans la perspective de cette alliance contractée entre la Turquie et Israël. Cette « menace », portée par l’alliance Turquie/Israël à la sécurité nationale syrienne, est mentionnée par une publication syrienne sur l’enjeu du barrage d’Ilisu211. Il est intéressant de noter que certaines sources estiment que cet emboîtement entre la problématique de l’Euphrate et le processus de négociation dans le bassin du Jourdain aurait aussi été opéré par la Syrie. Cette dernière aurait fait savoir, dans le cadre des négociations de paix avec Israël, qu’elle envisagerait un alignement de ses revendications sur les eaux du lac de Tibériade (Jourdain), si Israël restituait le Golan212. Il s’agirait d’une manœuvre visant à orienter la pression des États-Unis et Israël sur la Turquie.
Eaux de l’Oronte et Sandjak d’Alexandrette/province de Hatay
79L’irrédentisme, comme mécanique de marchandage, relève aussi de l’effet d’emboîtement. Les rivalités anciennes, sur l’Oronte, se trouvent ravivées par l’entreprise du GAP. Ces enjeux apparaissent d’ailleurs comme partie prenante de toute publication officielle de la Turquie sur l’Euphrate et le Tigre213. La reconnaissance des droits de la Turquie sur l’Oronte impliquerait non seulement la reconnaissance de la souveraineté de la Turquie sur le territoire revendiqué par la Syrie, mais offrirait un précédent pour une reconnaissance d’un droit de riverain pour Israël sur le Jourdain et le Yarmouk, à la suite de son occupation du Golan en 1967. La réponse de la Syrie restera négative. Ce point de vue est étayé dans les publications ministérielles sur la sécurité hydraulique du pays, lesquelles notent que l’affaire du Sandjak relève d’une « cause patriotique sans compromis possible » et que le lien entre le partage des eaux et cet enjeu est clairement récusé214. La contre-stratégie de la Syrie sera de bloquer les alternatives de la Turquie sur l’Oronte, en signant un accord d’exploitation exclusive avec le Liban215.
Notes de bas de page
1 Caflisch, 1997, p. 784.
2 Interview par l’auteur de A. A. Masri (directeur des Eaux internationales, ancien membre de la délégation syrienne aux négociations tripartites), Damas, 28 novembre 1999.
3 Interview par l’auteur de M. Daoud (ancien membre de la délégation syrienne aux négociations tripartites), Damas, 28 novembre 1999.
4 Farah (ancien chef de la délégation syrienne au Comité tripartite), 1994, p. 28.
5 République arabe syrienne, 1re session bilatérale Syrie/Irak du 24 septembre au 9 octobre 1962 ; 2e session bilatérale Syrie/Irak de juillet 1963 ; 3e session bilatérale du 26 mai au 2 juin 1966 ; 4e session bilatérale Syrie/Irak du 26 janvier au 9 février 1967 ; 5e session bilatérale Syrie/Irak du 12 avril au 7 mai 1967 ; 6e session bilatérale du 1er au 26 novembre 1967 ; 7e session bilatérale du 6 au 22 avril 1971 ; 8e session bilatérale du 27 décembre 1971 au 3 janvier 1972 ; 9e session bilatérale de mars 1972 ; 10e session bilatérale du 19 mai au 5 juin 1974 ; 11e session bilatérale Syrie/Irak du 16 au 20 juillet 1974 ; 12e session bilatérale du 18 au 21 novembre 1974.
6 1re session bilatérale Syrie/Irak du 24 septembre au 9 octobre 1962.
7 Ibid.
8 6e session bilatérale du 1er au 26 novembre 1967.
9 8e session bilatérale Syrie/Irak du 27 décembre 1971 au 3 janvier 1972 ; 5e session bilatérale Syrie/Irak du 12 avril au 7 mai 1967.
10 Farah, 1994, p. 20.
11 6e session bilatérale Syrie/Irak du 1er au 26 novembre 1967.
12 7e session bilatérale Syrie/Irak du 6 au 22 avril 1971.
13 Rencontre entre l’ambassadeur d’Irak et le ministre syrien du Barrage de l’Euphrate. Cette position de l’Irak sera présentée comme un « point de vue personnel sans rapport avec les négociations ». Ibid.
14 9e session bilatérale Syrie/Irak de mars 1972.
15 1re session bilatérale Syrie/Turquie du 16 au 22 janvier 1962 ; 2e session bilatérale Syrie/Turquie du 3 au 16 septembre 1964 ; 3e session bilatérale Syrie/Turquie du 19 au 29 janvier 1969 ; 4e session bilatérale Syrie/Turquie du 14 au 24 juin 1971.
16 1re session bilatérale Syrie/Turquie du 16 au 22 janvier 1962.
17 2e session bilatérale Syrie/Turquie du 3 au 16 septembre 1964.
18 4e session bilatérale Syrie/Turquie du 14 au 24 juin 1971.
19 Ibid.
20 Commentaires inclus dans les procès-verbaux de la 4e session bilatérale Syrie/Turquie du 14 au 24 juin 1971.
21 1re session trilatérale du 9 au 10 avril 1972 ; 2e session trilatérale 26 août au 7 septembre 1972 ; 3e session trilatérale du 1er au 27 novembre 1972 ; 4e session trilatérale du 9 septembre au 6 octobre 1973 ; 5e session trilatérale du 1er au 17 avril 1974.
22 1re session trilatérale du 9 au 10 avril 1972.
23 2e session trilatérale 26 août au 7 septembre 1972.
24 3e session trilatérale du 1er au 27 novembre 1972 ; 4e session trilatérale du 9 septembre au 6 octobre 1973.
25 4e session trilatérale Syrie/Irak/Turquie du 9 septembre au 6 octobre 1973.
26 Interview par l’auteur de Zouheir Farah, membre de la délégation syrienne en négociation avec l’Irak en 1974 (Damas, 20 novembre 1995).
27 5e session trilatérale du 1er au 17 avril 1974.
28 Ibid.
29 10e session bilatérale Syrie/Irak du 19 mai au 5 juin 1974.
30 Les membres du Conseil de direction de la Révolution. 11e session bilatérale Syrie/Irak du 16 au 20 juillet 1974.
31 Ibid.
32 12e session bilatérale du 18 au 21 novembre 1974. Le texte des négociations ne précise pas le volume négocié dans cet accord mais on peut déduire du contenu des discussions que l’Irak compte sur 450 m3/seconde pendant l’année.
33 Interview de Zouheir Farah, membre de la délégation syrienne en négociation avec l’Irak en 1974 (Damas, le 20 novembre 1995).
34 Article 5 du Protocole du Comité mixte Irak/Turquie pour la Coopération économique et technique, 25 décembre 1980.
35 1re session du Comité technique à Ankara du 17 au 27 mai 1982 (Turquie, Irak) ; 2e session du Comité technique à Bagdad du 29 novembre au 2 janvier 1982 (Turquie, Irak).
36 3e session du Comité technique tripartite à Ankara du 26 au 28 septembre 1983 (Turquie, Irak, Syrie) ; Farah, 1994, p. 23.
37 10e session trilatérale, Bagdad, 5-10 janvier 1988.
38 Ibid., p. 6.
39 4e session tripartite, Bagdad, 11 au 24 juin 1984.
40 7e session tripartite, Bagdad, 25 au 30 janvier 1986.
41 Ibid.
42 8e session tripartite, Damas, 23 au 30 janvier 1986.
43 10e session tripartite, Bagdad, 5-10 janvier 1988, p. 7.
44 République arabe syrienne, Protocole de 1987 sur les questions relatives à la coopération économique entre la République arabe syrienne et la République de Turquie, ministère des Affaires étrangères, Damas, 17 juillet 1987, § 6, p. 2.
45 Protocole de 1987, § 7, p. 2.
46 10e session tripartite, Bagdad, 5-10 janvier 1988, p. 8.
47 12e session tripartite, Ankara, 13 au 20 mars 1989, p. 7.
48 14e session tripartite, Damas, 29 novembre au 1er décembre 1989, p. 3.
49 Ibid., p. 4.
50 Ibid., p. 4-6 et 8.
51 Selon le membre de la délégation syrienne, Majid Daoud, les Syriens et les Irakiens ont pu prouver aux Turcs qu’il n’y avait pas de nécessité technique puisque la fermeture du conduit T3 aurait pu être compensée par l’ouverture des conduits T1 et T2. Communication personnelle, Damas, 17 novembre 1995.
52 15e session tripartite, Ankara, 7 au 12 mars 1990, p. 3.
53 Ibid., p. 4.
54 Ibid., p. 5.
55 Ibid., p. 6.
56 Réunion préliminaire bilatérale (19 au 21 octobre 1985), précédant la 7e session tripartite, Bagdad, 25 au 30 janvier 1986.
57 12e session tripartite, Ankara, 13 au 20 mars 1989, p. 8.
58 Ibid., p. 6 et annexe 5 au texte (Iraqi Point of View on the Third Item of the Agenda of the 12th Meeting) ; 13e session tripartite, Bagdad, 18 au 24 avril 1989, p. 16-17.
59 13e session tripartite, ibid., p. 23.
60 Procès-verbal commun entre la Syrie et l’Irak, établi à Bagdad le 17 avril 1989.
61 Commission du droit international (interventions de l’Irak, de la Syrie et de la Turquie), 1993, p. 173, 181 et 186.
62 Ambassade de Turquie (France), 1992, p. 10.
63 Cité in Chalaby et Majzoub, 1995, p. 211.
64 « La Turquie souhaite répéter que l’Euphrate et le Tigre sont transfrontaliers, en conséquence les revendications de la Syrie sont non seulement inapplicables mais aussi inacceptables », in Note verbale de la Turquie du 13 octobre 1993 en réponse à la plainte de la Syrie du 18 juillet 1993. Voir aussi Note verbale de la Turquie du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie à la Turquie du 2 décembre 1995 sur la construction du barrage de Birecik, p. 1.
65 Chalaby et Majzoub, 1995, p. 210.
66 Commission du droit international, 1980, p. 152.
67 Commission du droit international, 1993, p. 173.
68 République d’Irak, 1999, p. 56, 59 et 60.
69 Rifai (ancien ministre d’État aux Affaires étrangères, Syrie), 1998, p. 121.
70 Voir Société des Nations, Empire britannique, France, Italie, Japon, Grèce, etc., et Turquie. Traité de paix signé à Lausanne le 24 juillet 1923, 1924, p. 11-113.
71 Rifai, 1998, p. 122 ; République arabe syrienne (sans titre), 1999, p. 4-5. Kasm cite près de 10 traités qui concernent partiellement ou complètement les questions relatives à l’Euphrate, 1996, p. 15 ; République d’Irak, 1999, p. 43-46.
72 « Ne mentionnons pas le traité de 1920 entre la Turquie et la France car si nous entrions dans les méandres de l’histoire, nous aurions beaucoup à redire ». Cité par Kasm, 1996, p. 16.
73 Note verbale de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 4.
74 Note verbale de la Syrie, ibid., p. 1.
75 Inan, in Bagis, 1994, p. 235.
76 Note verbale de la Turquie du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 1.
77 « […] Maintes leçons similaires peuvent être tirées à partir des volumes d’eau de l’Oronte et de l’Euphrate qui coulent vers les pays en aval, ainsi que leur exploitation. La Syrie accuse la Turquie, le pays en amont, de réduire les volumes d’eau de l’Euphrate, tandis qu’en ce qui concerne l’Oronte, sur lequel la Syrie est en amont, elle en utilise la presque totalité des eaux et n’en relâche qu’un maigre volume vers le pays en aval, la Turquie » ; « À cet égard, les revendications de la Syrie sur les territoires turcs doivent être levées. La Syrie a longtemps refusé de reconnaître la nature transfrontalière de l’Oronte », Turkey Today, 1996.
78 République de Turquie, 1996, p. 8.
79 « The Embassy takes this opportunity to remind the Ministry that in the case of the Asi (Orontes) river which passes through the Turkish territory, Syria has not consulted Turkey but taken unilateral measures. » Note verbale de la Turquie du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 3.
80 1re session bilatérale Syrie/Turquie du 16 au 22 janvier 1962.
81 3e session bilatérale Syrie/Turquie du 19 au 29 janvier 1969.
82 Commentaires inclus à la 4e session bilatérale Syrie/Turquie du 14 au 24 juin 1971.
83 3e session tripartite, Ankara, 26 au 28 septembre 1983.
84 Dès la 5e session tripartite, Damas, 5 au 9 juin 1985.
85 Commission du droit international, 1993, p. 186.
86 « Demirel insista sur le fait que la Turquie ne partagerait en aucune manière ses eaux avec la Syrie et l’Irak, mais qu’Ankara pourrait envisager de coopérer avec ces pays en vue d’une exploitation rationnelle des ressources hydrauliques régionales », in République de Turquie, « Demirel in Abu Dhabi », Turkish Press Review, Summary of the Political and Economic News in the Turkish Press, 4 décembre 1997.
87 République de Turquie, Communiqué de presse sur le sommet de l’eau entre l’Irak, la Syrie et la Turquie, ministère des Affaires étrangères, 26-27 juin 1990, p. 6.
88 République de Turquie, The Criteria Which Would Satisfy Each of The Countries in Allocating Transboundary Waters, 2002.
89 Cette proposition sera régulièrement réitérée, mais elle apparaît pour la première fois lors de la 4e session tripartite, Bagdad, 11 au 14 juin 1984, puis lors de la 5e session tripartite, Damas, 5 au 8 novembre 1984, la 6e session tripartite, Ankara, 5 au 9 juin 1985, la 8e session, Damas, 23 au 30 juin 1986, et finalement soumise comme « Proposition modifiée » en annexe (4) de la 10e session, Bagdad, 5 au 10 janvier 1988.
90 « Turkey believes that an equitable, rational and optimum utilization of water resources can be achieved through a scientific study which will determine the true water needs of each country », selon les termes d’un porte-parole du ministre des Affaires étrangères turc cité in Turkey Today, janvier-février 1996.
91 1re session du Comité technique à Ankara du 17 au 27 mai 1982 (Turquie, Irak) ; 2e session du Comité technique à Bagdad du 29 novembre au 2 janvier 1982 (Turquie, Irak).
92 1re session du Comité technique, Ankara, 17 au 27 mai 1980 ; 10e session tripartite, Bagdad, 5 au 10 janvier 1988, p. 12 ; 13e session tripartite, Bagdad, 18 au 24 avril 1989.
93 Ibid.
94 10 e session tripartite, Bagdad, 5 au 10 janvier 1988, ibid., p. 15.
95 13e session tripartite, Bagdad, 18 au 24 avril 1989, p. 8.
96 Ibid., p. 10.
97 Ibid., p. 15.
98 République de Turquie, The Turkish National Policy for Utilizing the Waters of the Euphrates-Tigris Basin (The Three-Staged Plan), 2002.
99 12e session tripartite, Ankara, 13 au 20 mars 1989, p. 2.
100 10e session tripartite, Bagdad, 5 au 10 janvier 1988, p. 14.
101 République de Turquie, 1996, p. 7.
102 République de Turquie, What is Sustainable Development ?, 2002.
103 Pour démontrer cela, la Turquie brosse un inventaire de ses ressources hydrauliques, en situant son volume d’eau par habitant à un niveau bien inférieur (1 830 m3) que la norme établie de richesse hydraulique (8 à 10 000 m3/habitant), et en tentant de démontrer que le volume d’eau par habitant de l’Irak « est supérieur à celui de la Turquie » (2 110 m3), et que celui de la Syrie (1 420 m3) « n’est pas tellement inférieur à celui de la Turquie ». Ibid., p. 2-3.
104 République de Turquie, 1996, p. 1.
105 10e session tripartite, Bagdad, 5 au 10 janvier 1988, p. 4.
106 Ibid., p. 4.
107 Ibid., p. 5 et 10.
108 12e session tripartite, Ankara, 13 au 20 mars 1989, p. 5.
109 « Ce que la Turquie interprète comme “allocation des eaux”, telle qu’elle est confirmée par les récents développements du droit international, a toujours représenté, et représente toujours, non une distribution de l’eau entre les pays concernés mais une “allocation des utilisations de l’eau” sur une base équitable et raisonnable, en prenant en compte tous les facteurs et toutes les circonstances », in Note verbale de la Turquie du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 1.
110 République d’Irak, 1999, p. 62 et 39.
111 Ibid., p. 63 et 64.
112 Ibid., p. 67.
113 Commission du droit international, 1993, p. 159.
114 Ou prior use en anglais.
115 République d’Irak, 1999, p. 48-49.
116 Ibid., p. 66.
117 Commission du droit international, 1993, p. 173.
118 In Farah, 1994, p. 26 ; Kasm, 1996, p. 31-36.
119 République arabe syrienne, Note verbale du ministère d’État aux Affaires étrangères à l’Ambassade de Suisse à Damas, 1999, p. 7-8.
120 République de Turquie, 1996, p. 18.
121 Ibid., p. 17.
122 Kasm, 1996, p. 25-26.
123 Ibid., p. 27.
124 « […] Quelles eaux les pays peuvent-ils utiliser conjointement si ce n’est les eaux communes, comment est-il possible de répartir l’utilisation de ces eaux si cela n’implique part l’accès à une partie de ces eaux afin d’en faire usage ? », ibid., p. 18.
125 Farah, 1994, p. 28.
126 « The principle not to cause large-scale damage to neighbouring countries must not be understood to mean that one country has a duty to renounce its own needs to satisfy those of the neighbouring countries. » Ambassade de Turquie, 1992, p. 7.
127 Commission du droit international, 1993, p. 186.
128 Bilen, 1994, p. 107. De même, O. Bilen minimise la pollution des reflux de l’agriculture (ibid., 1994, p. 109).
129 République arabe syrienne, Note verbale du ministère d’État aux Affaires étrangères à l’Ambassade de suisse à Damas, 1999, p. 6.
130 Kasm, 1996, p. 41.
131 La Syrie cite cette expression du professeur Caflisch. République arabe syrienne, Note verbale du ministère d’État aux Affaires étrangères à l’Ambassade de Suisse à Damas, 1999, p. 8.
132 La Syrie affirme que le taux de salinité de ces eaux a déjà dépassé la norme admise de 800 mg/litre en atteignant les 1 800 mg/litre. Note verbale de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 5.
133 Commission du droit international, 1993, p. 159.
134 Note de plainte de l’Irak à la Turquie du 4 janvier 1996 au sujet du barrage de Birecik (en arabe, texte intégral), in Jamalo, 1996, p. 57 et 61.
135 « Pollution of the water that goes downstream can only be seen in later stages. The Syrian claims are irrelevant », selon le porte-parole du ministre des Affaires étrangères cité in Ertan, 1995.
136 Note verbale de la Turquie du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie du 2 décembre 1995, p. 2.
137 Note officielle de la Turquie du 25 janvier 1996 en réponse à la note de plainte de l’Irak du 4 janvier 1996 (traduite en arabe), in Jamalo, 1996, p. 65.
138 Note verbale de la Syrie du 2 décembre 1995 en réaction à la réponse de la Turquie du 13 octobre 1993 au sujet du barrage de Bireçik, p. 5.
139 République arabe syrienne, Note verbale du ministère d’État aux Affaires étrangères à l’Ambassade de Suisse à Damas, 1999, p. 1.
140 Ibid., p. 2.
141 République d’Irak, 1999, p. 68 ; Note de plainte de l’Irak à la Turquie du 4 janvier 1996 au sujet du barrage de Bireçik (en arabe), in Jamalo, 1996, p. 56.
142 Ibid., p. 4 et 6.
143 Ibid., p. 15-16.
144 Ibid., p. 12.
145 Ibid., p. 14.
146 Rifai, 1998, p. 124. Interview par l’auteur du ministre d’État syrien aux Affaires étrangères, M. Nasser Kaddour, Damas, 27 novembre 1999.
147 Dans sa Note verbale du 30 décembre 1995 en réponse à la plainte de la Syrie du 2 décembre 1995, la Turquie accusera celle-ci de ne pas être venue à la réunion de 1993.
148 Note de plainte de l’Irak à la Turquie du 4 janvier 1996 au sujet de la construction du barrage de Bireçik, in Jamalo, 1996, p. 69.
149 Interview de Naji Harraj (conseiller auprès de la mission d’Irak à l’ONU de Genève, ancien participant aux négociations trilatérales sur l’eau), Genève, 5 octobre 2001.
150 Communiqué commun à la suite de la visite du ministre des Affaires étrangères H. Cetin, Damas, 2 août 1992, p. 1.
151 Communiqué commun à la suite de la visite du Premier ministre S. Demirel, Damas, 19-20 janvier 1993, p. 1.
152 Session bilatérale Syrie/Turquie sur la question du partage des eaux de l’Euphrate, Rapport de la réunion d’Ankara, 23 mai 1993.
153 Ibid., p. 1.
154 Ibid., p. 2.
155 Lettre officielle de plainte de la Syrie à la Turquie au sujet du barrage d’Ilisu(1999) ; interview par l’auteur du ministre d’État syrien aux Affaires étrangères (N. Kaddour), Damas, 27 novembre, 1999.
156 D’après le négociateur syrien Majid Daoud (interview par l’auteur, Damas, 15 novembre 1995).
157 Riedel, 1996, p. 78.
158 Ibid.
159 Caflisch, 1997, p. 784.
160 Voir par exemple : Turan, 1993, p. 28 ; Bilen (directeur général adjoint de la DSI, Ankara, et ancien chef de la délégation turque aux négociations tripartites), 1994, p. 110-112.
161 Kibaroglu, 1998, p. 281-290. Cette approche est reprise, dans ses grandes lignes, dans une publication ultérieure, établie conjointement avec le directeur de l’administration du GAP ; Kibaroglu et Ünver, 2000, p. 311-330.
162 Scheumann, 1998, p. 128.
163 Bilen, 1994, p. 103-107.
164 Ibid., p. 96, 114 et 103.
165 République de Turquie, 1996, p. 7 ; Turan, 1993, p. 28.
166 Inan, in Bagis, 1994, p. 236 ; République de Turquie, 1996, p. 20.
167 Bilen, 1994, p. 108-110.
168 Ce concept relatif à l’analyse du processus a été développé par J. Sebenius et D. Lax sous l’appellation de value creation et value claiming (voir chapitre premier). Lax et Sebenius, 1986, p. 29-45.
169 Lax et Sebenius, 1986, p. 255, 273-274, 342-343.
170 Slim, 1993, p. 149-150.
171 Negotiation avoidance.
172 Avoidance strategy.
173 Lax et Sebenius, 1986, p. 244.
174 Interview par l’auteur du ministre syrien de l’Irrigation (A. Al-Madani), pour lequel « il n’y a aucun contentieux entre la Syrie et la Turquie qui entretiennent des relations de bon voisinage », Damas, 19 novembre 1995.
175 Haas, 1980, p. 372.
176 Güner, 1997, p. 105.
177 Ibid., p. 110. Pour d’autres, les conflits de l’eau au Moyen-Orient sont à somme nulle, puisque l’attribution de l’eau à l’un des acteurs implique la dépossession des autres. Voir Nachmani, 1997, p. 75.
178 Güner, 1997, p. 112-113.
179 Buzan, Waever et De Wilde, 1998, p. 169.
180 Middle East Report, 1996, p. 1.
181 Homer-Dixon, 1994, p. 36-38.
182 Hale, 2000, p. 174.
183 Sur les Kurdes de Turquie, voir Dorronsoro, 2000 ; Robins, 1993, p. 657-676. Sur la Turquie, le PKK et les relations et luttes inter-Kurdes avec les partis kurdes irakiens, voir Georgeon, 1991, p. 38-49.
184 Dorronsoro, 2000, p. 4 et 7.
185 Morris, 1990, p. 10.
186 Rapport interne de la délégation syrienne à la 15e session des négociations tripartites, Ankara, 7 au 12 mars 1990, p. 12.
187 Picard, 1993, p. 80.
188 Bell, 1997, p. 83 ; Güner, 1997, p. 109-110.
189 République de Turquie, « Procès-verbaux de l’Accord signé par la Turquie et la Syrie à Adana », 1998 (traduction non officielle).
190 Alantar, 2001, p. 146.
191 Kurkcu, 2002, p. 3.
192 Dorronsoro, 2000, p. 5. Cette concession de la base du PKK visait à soustraire le leader Öcalan de la sentence de peine de mort.
193 République arabe syrienne, Lettre du ministre d’État aux Affaires étrangères (N. Kaddour) au ministre suisse des Affaires étrangères, 25 septembre 1999.
194 Commission mondiale des barrages (CMB), 16 novembre 2001.
195 La Turquie, l’Inde et la Chine, ainsi que des associations internationales telles que l’International Commission on Large Dams (ICOLD), l’International Hydropower Association (IHA) et l’International Commission on Irrigation and Drainage (ICID). Voir McCully, décembre 2001. Pour un point de vue opposé, se référer à l’éditorial du quotidien indien, Rashtriya Sahara, 2001.
196 Le gouvernement turc qualifie le rapport de la CMB d’« approche négative » et « partielle », qui manque de « critères objectifs » ; elle fait part de ses « incertitudes et soupçons » quant à une certaine influence « dans le processus de préparation du rapport ». République de Turquie, Response to the Final Report of the WCD, 2000.
197 Banque mondiale, 2002.
198 La Banque doit s’être assurée que « le projet ne lèse pas les intérêts des autres riverains et le fait qu’ils n’ont pas donné leur consentement exprès n’a aucune incidence quant au fond ». Krishna, 1999, p. 38 et 42.
199 Ibid., p. 43.
200 Kolars, in Biswas, 1994, p. 62.
201 République arabe syrienne, Lettre du ministre d’État aux Affaires étrangères (N. Kaddour) à M. Wolfensohn, directeur de la Banque mondiale, 3 avril 1999.
202 Nous n’avons pas pu avoir une connaissance directe de cette lettre. Ces assurances sont citées dans la lettre officielle du gouvernement syrien (ibid., p. 1).
203 Voir chapitre II.
204 « Mémorandum sur l’Entente mutuelle et les critères de cooopération » du 14 novembre 1993 ; « Accord de coopération et d’éducation militaire » du 21 février 1996. Pour un éclairage sur les motivations turques, voir Bolukbasi, 1999, p. 21-35 ; Pamukcu, 2001.
205 Bolukbasi, 1999, p. 29.
206 République de Turquie, International Relations of GAP RDA, 2004.
207 Il s’agit de containers longs de 650 m et larges de 150 m qui peuvent contenir 1,75 million de m3. Les coûts sont estimés à 0,20 dollar par m3.
208 Nachmani, 1998, p. 84
209 République de Turquie, The Water Problem between Turkey, Syria and Iraq, 1996.
210 Communication à l’auteur du négociateur irakien Naji Harraj, 4 octobre 2001, Genève.
211 Lettre du gouvernement syrien à l’Ambassade turque à Damas sur la question du barrage d’Ilisu, 1999.
212 Williams, 2001, p. 28.
213 République de Turquie, La Problématique de l’eau au Moyen-Orient, 1996, p. 8.
214 Khaddam, 2000, p. 84.
215 Signé en août 1994, cet accord stipule que le Liban garde 80 Mm3 des eaux de l’Oronte, si le débit annuel est équivalent à 400 Mm3. En cas de débit inférieur, la quotepart du Liban est ajustée à la baisse. République arabe syrienne, Stratégie de travail au sein du ministère de l’Irrigation, 2001, p. 6.
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