Science et débat médiatique
p. 35-36
Texte intégral
1Les médias audiovisuels fonctionnent de façon différente par rapport à la presse écrite. Il existe à la radio une distinction entre les journalistes et les animateurs-programmateurs, et cette distinction joue énormément sur le traitement d’une controverse ou d’un sujet. À France Inter, les journalistes scientifiques représentent 3 % de la rédaction, travaillent sur leur sujet depuis des années et fabriquent pour l’essentiel des formats extrêmement courts. Ils ont accumulé une très forte expertise et leur soutien est donc demandé pour organiser des débats.
2Les animateurs-producteurs travaillent sur des émissions plus longues que les journaux, qui durent de dix à trente minutes. Les débats ne durent jamais moins de trente minutes et peuvent atteindre une durée de deux heures. Ces professionnels sont souvent remplacés compte tenu des évolutions de grille, de sorte qu’à peu près n’importe qui peut parler de n’importe quoi. Il leur est difficile de maîtriser un sujet, de bien choisir les intervenants et de décrypter les débats. S’ils ne pèsent pas le même poids qu’un journaliste économique ou judiciaire, les journalistes scientifiques interviennent pour influer sur ces débats et expliquer, parfois, que les questions de science ne peuvent pas être réglées en deux interventions de trois minutes.
« Il existe à la radio une distinction entre les journalistes et les animateurs-programmateurs, et cette distinction joue énormément sur le traitement d’une controverse ou d’un sujet. »
3Il est souvent difficile d’avoir une incidence sur les propos des animateurs, qui apparaissent comme des journalistes car ils s’attaquent régulièrement à des questions de fond, non en s’appuyant sur des publications scientifiques, mais à l’occasion de la parution d’un livre. Il s’agit alors pour le monde de l’édition de faire parler du livre. En 2009 et 2010, il apparaît donc que le débat médiatique a été marqué par les publications des auteurs climatosceptiques déjà cités. Leurs propos sont depuis devenus beaucoup plus discrets en l’absence de publication d’ouvrages destinés au grand public. Mais ces livres sont défendus avec un certain brio par leurs auteurs, et ceux-ci font partie des intervenants nommés « les bons clients » dans le jargon journalistique. Ce phénomène touche d’autant plus les médias audiovisuels que les émissions se déroulent généralement en direct et qu’il faut être efficace et rapide. L’auditeur retiendra un message simple et bref. La vulgarisation porte donc les travers de la simplification.
« L’auditeur retiendra un message simple et bref. La vulgarisation porte donc les travers de la simplification. »
4Malgré ces tendances, les journalistes scientifiques de l’audiovisuel sont dans l’ensemble peu à peu parvenus à mettre en garde les directeurs de rédaction contre la sur-médiatisation de certains acteurs non légitimes. Pour autant, il reste de très larges espaces maîtrisés par les producteurs, qui sont indépendants, dans lesquels ils pèsent peu. Cela laisse circuler auprès des auditeurs des messages brouillés. Il reste que les rédactions progressent et comprennent petit à petit que les questions scientifiques sont complexes, ce qui n’était pas le cas dans les années 2000 : il était alors impossible de traiter des réelles controverses.
Auteur
Journaliste à Radio France depuis 1987. Diplômée de l’École supérieure de journalisme, elle a été reporter à France Info puis France Inter jusqu’en 1992. Elle a travaillé durant trois ans à Haïti, en tant que journaliste indépendante, pour des médias écrits ou audiovisuels avant de gagner Hanoi. Pendant trois ans, elle y a encadré et formé une équipe de cinq journalistes travaillant pour le journal en français de La Voix du Vietnam, radio publique nationale. Depuis son retour en France, elle couvre l’actualité scientifique et est désormais est chef du service Reportages de France Inter. Sophie Bécherel a été présidente de l’AJSPI, l’Association des Journalistes scientifiques de la presse d’information.
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