Introduction
p. 13-22
Texte intégral
1C’est lors de la guerre en Afghanistan en 2001 que l’opinion publique mondiale a découvert, ébahie, l’existence d’une chaîne transnationale d’information arabe, Al-Jazeera. Deux ans plus tard, sur le terrain irakien cette fois, elle se familiarisa avec d’autres networks arabes tels que Abou-Dhabi TV, Al-’Arabiya ou LBC-Al-Hayat. Pourtant les chaînes panarabes ne sont pas nées hier : elles apparaissent au cours des années 1990, peu après la guerre du Golfe. L’espace médiatique arabe s’est alors transformé de façon radicale pour mettre en compétition une pluralité d’acteurs : télévisions hertziennes ou satellitaires, nationales, panarabes ou étrangères, publiques ou privées, généralistes ou thématiques, qui se sont multipliées de manière exponentielle et en un temps record. Une lutte d’influence est en cours pour capter l’audience arabophone : à côté des chaînes arabes, une chaîne américaine arabophone, financé par le Congrès, Al-Hurra (« La Libre ») a été lancée en 2004. La France veut proposer une alternative : elle projette le lancement prochain de la chaîne française d’information internationale.
2C’est à en oublier les débats qui ont présidé à la mise en place d’un satellite panarabe dans les années 1970, discours teintés du tiers-mondisme né aux heures glorieuses des revendications des pays du Sud pour la mise en place d’un nouvel ordre mondial de l’information et de la communication (NOMIC). Ces derniers réclamaient alors un rééquilibrage des moyens d’information et de communication et, au nom de la souveraineté nationale, s’opposaient à la vulgate américaine de la libre circulation de l’information, ou du free flow of information. Mais le free flow of information n’est plus un credo idéologique, si tant est qu’il l’ait jamais été. C’est une réalité qui s’est imposée comme seul modèle opératoire dans le domaine de la communication.
3L’exploitation accrue des satellites a permis la libre circulation des flux télévisuels dans les pays arabes. La télévision ne saurait plus tenir lieu de porte-voix des dirigeants politiques. Les discours quant à la responsabilité de la télévision face à la consolidation des États-nations, la cohésion nationale, la défense de la culture nationale ou le développement social comme seules justifications à l’exclusivité des États sur les télévisions nationales ne tiennent plus. En effet, les téléspectateurs pour la première fois ont la possibilité de censurer ces adresses en les « zappant » pour des messages exogènes. La dilution des territoires nationaux de réception, envahis par une multiplicité de flux et par des antennes paraboliques pour les recevoir, vient fragiliser les États-nations1.
4La fragilisation de l’emprise des États arabes sur l’espace médiatique national, et partant sur l’espace public, les oblige désormais à donner un contenu à leurs allocutions. Se pourrait-il que la transnationalisation des flux télévisuels précipite le processus démocratique ? La réponse n’est pas si évidente qu’il y paraît.
UN MÊME VOCABLE POUR DEUX MÉDIAS
5Mac Luhan a construit un paradigme tout à fait pertinent à l’épreuve des télévisions arabes, « le message, c’est le médium2 ». La télévision d’hier et celle d’aujourd’hui, même si elles sont désignées par le même vocable, se distinguent à plusieurs égards. L’une est hertzienne et a une diffusion circonscrite à un territoire national, l’autre est satellitaire et ses émissions peuvent être reçues sur un territoire incomparablement plus vaste. Les stations émettrices de l’une sont ancrées dans le territoire de diffusion, celles de l’autre peuvent être implantées n’importe où sur la planète et ses activités peuvent pareillement s’établir en plusieurs lieux ; multi-localisation et effacement des frontières nationales donnent un contenu à l’idée de réseau de structures et d’acteurs dans le secteur audiovisuel. Pour finir, les acteurs et les logiques en œuvre dans la télévision hertzienne la différencient encore de la télévision satellitaire. Il s’ensuit que le message télévisuel n’est pas le même selon qu’il s’agisse de la télévision hertzienne propre aux États-nations ou des télévisions transfrontières qui s’épanouissent en fédérant les publics les plus composites. Le récepteur saoudien, marocain ou libyen ne s’attend pas à trouver le même type de message sur sa télévision nationale et sur les chaînes satellitaires.
6Dans les faits, le manichéisme d’un tel schéma demeure inopportun, il donne à penser que les télévisions d’État sont menacées par les télévisions transnationales et commerciales. Il n’en est rien : les États placent leurs chaînes de télévision sur satellite, les chaînes hertziennes subissent une mutation et finissent par ressembler à leurs homonymes privées, et d’ailleurs les chaînes satellitaires privées ne sont-elles pas directement ou indirectement affiliées à un État ?
7L’objet de cet ouvrage est précisément de saisir les modalités de l’avènement d’un système télévisuel arabe, d’en identifier les acteurs afin d’en discerner les conséquences au niveau des États-nations.
HYPOTHÈSES SUR LES IMPLICATIONS DU NOUVEL ORDRE RÉGIONAL DE LA COMMUNICATION
8La recomposition de l’espace médiatique régional fragilise les États en ce sens qu’elle entraîne un renouvellement du rapport entre l’État et la société civile dans les pays arabes. En effet, la marge de liberté des États s’est trouvée diminuée par l’anéantissement du découpage des aires de diffusion et par l’introduction inopinée sur leurs territoires de messages exogènes compréhensibles par le plus grand public. La dialectique des rapports entre les niveaux international et national de la communication est aussi orchestrée par les États arabes qui font montre de résistance quand ils ne sont pas particulièrement actifs mais, en dernière instance, les chaînes transnationales s’imposent et viennent fragiliser la suprématie des États sur les territoires nationaux de réception. Elles contraignent les pouvoirs exécutifs à redéfinir leur monopole sur la télévision pour le protéger. Plus important : comme la télévision est aux niveaux structurel et politique organiquement liée au mode d’exercice du pouvoir, les États doivent aussi réviser leur manière de gouverner. Ce qui apparaît dans le cas égyptien, c’est que l’acteur étatique tient à ne pas abandonner sa mainmise sur le secteur télévisuel, et qu’il fera tout pour en tenir les rênes… y compris libéraliser ce secteur et répondre à l’attente des téléspectateurs-citoyens. Les attentes sociales ne sont pas inédites, elles sont simplement plus visibles. Plus manifestes, elles n’autorisent ni l’occultation, ni la censure par les autorités officielles. Force fait loi, le téléspectateur apparaît dans toute sa maturité : il a la capacité de comparer sa télévision avec celles des autres, de relativiser et de compléter les informations que sa télévision diffuse, de confronter les normes sociétales diffusées par la télévision d’État avec celles des autres télévisions, plus proches des siennes parfois. Surtout, avec les nouveaux moyens de communication, les acteurs sociaux disposent d’une gamme élargie de moyens performants pour faire pression sur le monopole de l’État sur la télévision.
9Le cas égyptien est particulier et les analyses qui s’y réfèrent ne sont pas toujours applicables aux autres pays arabes. Il permet cependant d’entrevoir les implications que sous-tend l’intégration d’une télévision arabe dans un espace élargi et ainsi de dégager des invariants dans l’interaction nation-région dans le domaine télévisuel. Pour ce faire, nous avons opté pour une démarche progressive : les acteurs en présence dans le système télévisuel arabe sont traités avec une profondeur historique. Un des éléments de cet ensemble a été saisi, il s’agit de la télévision égyptienne examinée dans une démarche essentiellement historique et descriptive, dans un premier temps, afin de saisir plus finement les modalités et les conséquences multiples de sa participation au processus de recomposition de l’espace médiatique régional.
10Plus concrètement, les télévisions arabes pénètrent l’Égypte et, parallèlement, le rayonnement de la télévision égyptienne dépasse très largement le territoire national. Inévitablement, étant donné l’interrelation de ces deux niveaux, une analyse croisée a été adoptée en arrière-plan, qui met en relief l’interaction entre espace national et espace régional ou même international.
11Le concept de système central dans cette étude et qui est, nous l’espérons, défini par l’ensemble de cet ouvrage, traduit l’autonomie relative de l’ensemble des télévisions arabes et l’interdépendance des différents opérateurs3. Il permet ainsi d’évaluer leur jeu sur la scène régionale. L’étude met en effet l’accent sur les émetteurs, acteurs dont nous avons dressé une typologie : les acteurs transnationaux et les acteurs nationaux, publics et privés. Les acteurs transnationaux sont ici des acteurs privés, ils agissent sur la scène médiatique internationale en échappant, au moins en apparence, à l’emprise des États4. Grâce aux satellites, ils mettent en place des télévisions commerciales depuis les pays qui acceptent de les recevoir.
12Néanmoins, la fin des territoires médiatiques brouille l’identification des opérateurs et le repérage des territoires de réception. Pour permettre une lecture analytique du système télévisuel arabe, nous avons donc distingué deux catégories de territoires : le territoire de diffusion et les territoires de réception. Le territoire de diffusion, celui des diffuseurs, s’apparente davantage à un réseau de pôles interactifs, en ceci il est global5. La globalisation appliquée à ces réseaux fluides et mouvants n’est pas une invention scientifique. On trouvera son origine dans la notion anglo-saxonne de globalization qui apparaît de facto « sous les auspices de la géo-économie » et « sous la gouverne du pragmatisme marchand »6. C’est un phénomène qui fait son apparition dans le paysage télévisuel arabe dans les années 1990 pour donner naissance précisément au système télévisuel arabe. Les territoires de réception sont les zones de couverture des chaînes arabes et à travers elles les récepteurs arabophones. Une communauté linguistique concentrée dans la région arabe et éparpillée à travers le monde par le fait des mouvements de diaspora et d’émigration. Sur la base de cet ancrage géographique, ce territoire est mondial.
13Les territoires de réception conditionnent le succès ou l’échec des chaînes arabes par l’intermédiation des annonceurs et poussent différents opérateurs à faire de lourds investissements pour se lancer dans la course à l’innovation technologique. S’ensuit une nouvelle économie télévisuelle, transnationale et libérale. À travers l’étude du système télévisuel arabe, il apparaît que les théories développementalistes ont été subrepticement écartées au profit de principes libéraux, de façon d’autant plus violente que cette transition s’opère sourdement, par le fait des actions plus que par celui des discours. Les discours idéologico-politiques des États arabes qui puisaient dans le registre du développement social et de la défense d’une identité nationale cohabitent désormais avec une logique marchande suscitée par les dynamiques en cours dans le système télévisuel arabe, auquel l’État égyptien, pour ne prendre que cet exemple, participe de façon tout à fait remarquable.
14La relation de cause à effet entre la libéralisation économique du pays et celle du champ télévisuel méritait une réflexion critique. La privatisation partielle du champ télévisuel étant imminente, nous avons construit un modèle analytique permettant de comprendre la restructuration de ce champ. Deux paramètres ont été pris en considération : l’origine des capitaux et la nature des acteurs qui investissaient le champ. À partir du jeu de ces deux variables, se posait la question de la connexion entre la télévision et l’État et en dernière instance de l’ouverture de la télévision à d’autres voix que les voix officielles (ou autorisées), à d’autres normes que les normes officielles.
LA RECHERCHE
15Ce travail est le résultat d’une thèse de doctorat soutenue en 2000, qui s’avéra, en France, être un travail pionnier sur l’espace télévisuel arabe. Les analyses de cette étude ont été confirmées par les faits. Sa mise à jour nous a néanmoins permis d’incorporer les derniers développements même si, à un niveau plus fondamental, nos analyses conservent toute leur validité et toute leur actualité. Nous avions effectué une enquête auprès des leaders de partis de l’opposition en Égypte en 1997. Des élections législatives en 2000 et la possibilité faite aux acteurs privés de créer une chaîne de télévision nous ont par ailleurs conduit à reconduire une seconde enquête auprès des acteurs de l’opposition.
16Des conférences, les festivals annuels des télévisions arabes au Caire et des conférences à l’université du Caire nous ont permis d’assister à des communications et de recueillir des documents de natures diverses. Le Adham Center for Television Journalism dirigé par Addallah Schleifer à l’université américaine du Caire est sans conteste l’un des centres d’études les plus actifs sur les médias arabes transfrontières. De nombreux spécialistes arabes et américains participent à accumuler les études sur cette question à tel point qu’aujourd’hui l’essentiel des productions sur la globalisation des médias audiovisuels arabes est répertorié dans ce département, et souvent ces travaux émanent de chercheurs de ce centre. Sa publication semestrielle, Transnational Broadcasting Studies, accessible sur Internet, est incontournable7. Les chercheurs anglo-saxons sont en effet très intéressés par les chaînes satellitaires arabes comme en témoignent les nombreux travaux publiés depuis la fin des années 19908.
17La faculté de mass-communication de l’université du Caire où nous avons eu la chance d’être inscrite durant les deux premières années de notre séjour est également un passage obligé. Ici, comme à l’université américaine, nous avions accès à divers travaux d’universitaires égyptiens. Dans ces deux centres se recrutent les professionnels de la télévision égyptienne. À la différence de l’université américaine, la faculté de mass-communication entretient des liens étroits avec l’ambassade de France à travers divers programmes d’échange et de coopération. Les chercheurs égyptiens en sciences de l’information et de la communication émanent très fréquemment de l’université du Caire à l’instar de Mona El-Hadidy, Enshira, El-Shal ou Nagla El-Emary.
18La littérature sur les médias dans les pays du Proche et du Moyen-Orient est davantage arabe et anglo-saxonne que française, même s’il existe quelques exceptions notables tel l’ouvrage Mondialisation et Nouveaux Médias dans l’espace arabe dirigé par Franck Mermier et publié en 20039. Pour la région maghrébine on trouvera un ouvrage synthétique sur les télévisions sous la signature de Belkacem Mostefaoui10. L’Institut de presse et des sciences de l’information à Tunis a édité L’Information au Maghreb11. On pourra d’ailleurs trouver de nombreux articles sur les médias au Maghreb émanant de chercheurs d’Afrique du Nord dans les revues spécialisées françaises.
19En ce qui concerne les études marketing dans les pays arabes, elles sont essentiellement prises en charge par le Pan Arab Research Center (PARC) sis à Doubaï où beaucoup, chercheurs et professionnels, puisent leurs informations ; précisons toutefois que depuis une période récente les instituts de sondage se multiplient dans les pays arabes. Pour ce qui est des échanges de programmes, les études les plus récentes sont déjà assez anciennes, il s’agit des travaux réalisés sous les auspices de l’Unesco sous les signatures de Tapio Varis, de Ridha Najar et de Hamid Mowlana12. Il est à craindre que la multiplication des canaux de diffusion complique fort ce travail de repérage.
20Notre présence pendant près de trois ans en Égypte de 1995 à 1998 nous a permis de nous familiariser avec la télévision égyptienne, dans le contexte national et régional dans lequel elle s’épanouissait. Il n’existait pas véritablement d’institut de sondage et de calcul d’audience accrédité en Égypte. Il était donc difficile de connaître le temps moyen que les Égyptiens passent devant leur télévision. Une chose est sûre, il ne faudra pas longtemps au simple voyageur pour s’apercevoir que la télévision est reine en Égypte. Est-il opportun de parler d’une « culture télévisuelle » ? Il est difficile de résister à la tentation culturaliste tant l’expression nous semble convenir à l’Égypte. La télévision est juchée dans les nombreux cafés populaires et autres lieux de convivialité, on la regarde avec assiduité ou alors on l’entend en sourdine en jouant au trictrac (backgammon), elle distrait l’épicier dans sa boutique et le client en attente. Elle touche une très large part de la société que l’on considère les populations aisées ou pauvres, éduquées ou analphabètes. Dans les quartiers cossus comme dans les quartiers pauvres, dans les villes comme dans les campagnes, les antennes paraboliques dénaturent le paysage. Qu’elle soit en couleur ou qu’elle fonctionne bon an, mal an, en noir et blanc, la télévision demeure le loisir le plus partagé en Égypte. Bref, elle fait partie du mobilier de première nécessité dans l’équipement des ménages. Le média télé est sans conteste une composante importante de la société égyptienne, même pour ceux qui s’en défendent. En témoignent leurs critiques d’avertis.
21Comment s’étonner d’un tel engouement ? Aucun pays arabe ne peut se vanter d’avoir un secteur audiovisuel aussi riche et productif, attractif et héritier d’une histoire aussi prestigieuse. Du cinéma à la musique, de la chanson aux feuilletons, l’industrie culturelle égyptienne a longtemps été la plus florissante. L’aura des artistes de la chanson, qui d’ailleurs ont tous joué dans des comédies musicales (régulièrement rediffusées à la télévision) tels que Mohammed Abdel Wahab, Umm Kalsûm « l’astre de l’Orient », Farid Al-Atrache, Leyla Mourad entre les années 1940 et 1960 et bien plus tard Abdel Halim Hafez13, le rayonnement du nationalisme arabe que le président Nasser a pu diffuser à travers la radio « La Voix des Arabes », l’extrême popularité des feuilletons égyptiens alimentent une mémoire collective, une culture largement relayée par les médias, autrement dit une « culture médiatique ».
22Le taux d’analphabétisme14 place la télévision parmi les principaux moyens d’information avec la radio et les échanges interpersonnels, eux-mêmes alimentés par les médias électroniques. C’est le média qui probablement touche le plus large public.
PRÉSENTATION DU PLAN
23Les pays arabes ont tenté de mettre en place un territoire de diffusion commun à travers notamment la construction du satellite Arabsat. Pour comprendre les motivations qui ont présidé à l’institution d’un tel outil, il est nécessaire de remonter aux théories développementalistes élaborées dans le contexte international des années 1960, époque où les notions de Nord et de Sud étaient chargées d’une teneur idéologique remarquable et où les pays arabes contestèrent l’échange inégal des flux d’information et le déséquilibre mondial des moyens de communication. Si on la considère avec cette profondeur historique, la nouvelle configuration du paysage télévisuel arabe apparaît avec toutes ses contradictions. Le temps court adopté pour analyser les dynamiques en cours dans le système télévisuel arabe et les acteurs en présence dans ce système nous permet de situer et de comprendre le sous-système télévisuel égyptien, espace plus restreint et composante du système télévisuel arabe.
24Le premier chapitre sera consacré à cette transition qui révèle que les idées ne servent à rien de plus qu’à valider des actions, et que les idéologies, finalement, se réduisent à des constructions humaines visant à légitimer les stratégies des acteurs qui les font naître dans le jeu des rapports de force. De façon analogue, chaque télévision arabe, et la télévision égyptienne en particulier, est traversée par des logiques qui varient au fil des années. Son histoire et son organisation rejoignent le schéma des télévisions des pays en développement. Mais la télévision égyptienne n’est pas n’importe laquelle des télévisions, elle se distingue très tôt des télévisions arabes par son dynamisme et par la popularité de ses productions, ses feuilletons notamment. Ces derniers s’exportent très bien et consacrent très tôt la naissance d’un véritable marché dans la région arabe. Nous verrons que pour pérenniser la centralité médiatique et culturelle dont se prévalent les gardiens de la télévision égyptienne, des actions multiples seront déployées dont la mise en chantier de projets colossaux et coûteux.
25La libre circulation des flux télévisuels justifie les actions à la fois offensives et défensives de l’État égyptien dans le contexte de la régionalisation et de l’internationalisation des espaces médiatiques. Ces mouvements ne laissent pas indifférents un certain nombre d’acteurs sociaux égyptiens dont certains leaders politiques de l’opposition que nous avons interrogés. Ces derniers perçoivent comme une contradiction le fait que l’État tienne encore à contrôler la télévision nationale alors même que le monopole de diffusion ne fait plus sens. Un nouvel ordre régional de la communication sera observé de plus près dans le dernier chapitre ainsi que ses impacts dans l’espace social égyptien. La télévision peut-elle constituer un champ, ou ne serait-ce qu’une matrice analytique, à travers lequel il serait possible de s’interroger sur la mise en place de la démocratie en Égypte ?
Notes de bas de page
1 Badie B., La Fin des territoires, Paris, Fayard, 1995 ; voir aussi Badie B. et Smouts M.C., Le Retournement du monde, 2e éd., Paris, Presses de la FNSP et Dalloz, 1995 et Badie B., Un État sans souveraineté, les États entre ruse et responsabilité, Paris, Fayard, 1999.
2 Mac Luhan M., Pour comprendre les médias, Paris, Seuil, 1968 (titre original Understanding Media, New York, McGraw-Hill Book Company, 1964).
3 Lapierrre J. W., L’Analyse du système politique, Paris, PUF, 1972, voir surtout sa contribution sur le concept de système in Sfez L. (éd.), Dictionnaire critique de la communication, t.1, Paris, PUF, 1993.
4 Badie. B., « Le jeu triangulaire », in Birnbaum P. (éd.), Sociologie des nationalismes, Paris, PUF, 1997, p. 447-462.
5 Castells M., La Société en réseaux, Paris, Fayard, 1998.
6 Mattelart A., « La nouvelle idéologie globalitaire », in Cordellier S. (éd.), Mondialisation au-delà des mythes, Paris, La Découverte, coll. « Les dossiers de l’état du monde », 1997, p. 81-92.
7 <http://www.tbsjournal.com>.
8 Voir par exemble l’ouvrage de Naomi Sakr, Satellite Realms, Londres, IB Taurus, 2000.
9 Mermier F. (dir.), Mondialisation et Nouveaux Médias dans l’espace arabe, Paris, Maison de l’Orient et de la Méditerranée/Maisonneuve et Larose, 2003.
10 Mostefaoui B., La Télévision française au Maghreb. Structures, stratégies et enjeux, Paris, L’Harmattan, 1995.
11 Freund W.S., (éd.), L’Information au Maghreb, Tunis, Cérès Productions, 1992.
12 Najar R., « Dans les pays arabes », in Les Télévisions du Monde, Paris, Unesco, 1983, p. 320-326 ; Mowlana H., La Circulation internationale de l’information : analyse et bilan, Paris, Unesco, Études et documents d’information n° 99, 1985 ; Varis T., La Circulation internationale des émissions de télévision, Paris, Unesco, Études et documents d’information n° 100, 1985.
13 Thoraval Y., Regard sur le cinéma égyptien, Paris, L’Harmattan, 1998. Voir aussi Wassef M. (éd.), 100 ans de Cinéma, Paris, Institut du monde arabe et Éditions Plume, 1995 et Shafik V., Arab Cinema, History and Cultural Identity, Le Caire, American University of Cairo Press, 1998 (cet ouvrage comporte une bibliographie exhaustive).
14 Le taux d’analphabétisme était de 44,4 % en 2002, selon le bilan annuel de l’Unesco.
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