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L’UNSCOP et l’internationalisation de Jérusalem en 1947

Un plan pour préserver l’hégémonie occidentale en Palestine ?

p. 435-486


Texte intégral

1Le 18 février 1947, les Britanniques annoncent leur intention d’abandonner le Mandat et de porter la question devant les Nations Unies. Cependant, six semaines s’écoulent avant que, le 2 avril, le ministre des Affaires étrangères Bevin envoie une lettre officielle transmettant la question à Trygve Lie, alors Secrétaire général des Nations Unies1. Dans l’intervalle, officieusement et dans les coulisses, Américains, Anglais, Soviétiques, et Trygve Lie lui-même débattent les différentes options ; les Américains faisant peser de tout leur poids en faveur d’une session spéciale de l’Assemblée générale, dont la tâche doit être de nommer un comité spécial devant rendre compte devant la session ordinaire, en septembre suivant2. Au même moment, les Britanniques informent les Américains de leur retrait imminent de la guerre civile qui fait rage en Grèce, et Lord Mountbatten est envoyé pour négocier l’évacuation de l’Inde. L’Empire n’a plus les moyens de maintenir ses positions et les Américains ripostent en proclamant la doctrine Truman le 12 mars, dont le sens est qu’ils sont disposés à combler les lacunes créées par les retraits britanniques. La course à la suprématie mondiale qui prend place dans l’après Seconde Guerre mondiale s’intensifie.

2La session spéciale de l’Assemblée générale consacrée à la Palestine se réunit le 28 avril. Ses débats et décisions semblent refléter les ententes établies au cours des semaines précédentes. Le 15 mai, pliant face à la pression américaine, l’Assemblée s’accorde à exclure les Grandes puissances (dont l’URSS) du comité spécial, et se basant sur une première liste américaine de sept membres elle désigne onze États membres, chacun devant nommer un représentant et un suppléant. Sept d’entre eux (dont l’Iran et l’Uruguay) appartiennent plus ou moins au camp occidental, tandis que le régime guatémaltèque se situe à gauche. La Tchécoslovaquie est alors sous occupation soviétique, mais pas encore communiste ; alors que la Yougoslavie multiethnique de Tito est communiste, mais autonome et surtout fédéraliste. Les Arabes, pour leur part, ne sont représentés qu’indirectement par un musulman indien et un musulman iranien3. Un secrétariat fort de 57 personnes, incluant certains des plus hauts fonctionnaires et des meilleurs experts des Nations Unies, tous émanant de l’Ouest, assiste le comité non seulement d’un point de vue logistique, mais aussi dans la formulation de ses idées, dans l’élaboration de ses aide-mémoires et des chapitres de ses projets et de ses comptes rendus finaux, préparant même les questions devant être posées aux témoins au cours de la phase consacrée à l’étude du problème, initiant et participant à des réunions informelles avec des experts ainsi que des représentants et militants des diverses parties intéressées4.

3Après avoir effectué une tournée en Palestine et y avoir procédé à des audiences, en juin et juillet, le comité se rend à Beyrouth pour entendre les pays arabes et les Maronites et puis finalement à Genève à la fin de ce mois, où il dispose d’un mois pour rédiger son rapport et ses recommandations. Les parties formellement intéressées – les Britanniques, les Juifs et les Arabes – sont conviées à nommer des officiers de liaison, ce que font effectivement les deux premières, qui nourrissent le comité de témoignages, mémorandums et notes ; mais pas le haut comité arabe qui boycotte le comité. Dans les coulisses, tous y ajoutent leurs données – points de vue et propagande – et tous manœuvrent et font pression. L’Agence juive, représentant la communauté juive de Palestine, et le mouvement sioniste mondial mènent par l’intensité et la quantité de leurs interventions.

4Jérusalem n’est pas mentionnée dans la résolution de l’Assemblée du 15 mai, qui donne naissance et instructions à l’UNSCOP, c’est-à-dire de « 2. vérifier et enregistrer les faits, et [...] procéder à une enquête sur toutes les questions et tous les problèmes relatifs à la question palestinienne » ; puis « 5. [elle] tiendra soigneusement compte des intérêts religieux de l’islam, du judaïsme et de la chrétienté en Palestine » ; et enfin « 6. La commission spéciale préparera un rapport à l’Assemblée générale et soumettra les propositions [...] appropriées5 ». L’introduction de cette clause sur les « intérêts religieux » dans les instructions du comité fait l’objet de vifs débats : elle est d’abord formellement proposée et soutenue par la plupart des États latino-américains (mais l’Uruguay et le Guatemala, membres de l’UNSCOP s’y opposent), la France, et au final par les États-Unis ; tandis que, parmi ses pourfendeurs, on trouve les Soviétiques, la Pologne, la Tchécoslovaquie et l’Australie6. La correspondance diplomatique française révèle que les Français en sont à l’origine et qu’ils sont particulièrement actifs pour que soit insérée cette addition significative, tandis que les Américains et les Britanniques s’y opposent au départ, prétendant que les instructions générales donnent mandat à l’UNSCOP de traiter de tous les aspects de la question de Palestine, ce qui inclut tous les aspects religieux7. Mais quelle est l’intention des Français ? Quelles sont les significations possibles de ces « intérêts religieux », leur étendue et les solutions potentielles ? Où Jérusalem s’intègre-t-elle ?

5Bien avant l’UNSCOP, les intérêts religieux en Palestine sont au centre de la concurrence entre les Puissances. Depuis le xviie siècle, les diplomates européens rivalisent auprès de la Sublime Porte en vue d’obtenir des concessions en faveur de leurs protégés souvent aux dépens des uns et des autres8. La cohabitation des différentes Églises dans les principaux sanctuaires chrétiens est au centre des préoccupations. Par le biais d’un traité conclu dès 1740, les Ottomans concèdent aux représentants français la priorité sur tous leurs homologues, en préservant les droits des Latins. Mais ces derniers sont mis à mal par un édit du Sultan de 1757 donnant la primauté aux Grecs orthodoxes9. Un siècle plus tard, en 1852, un autre édit du Sultan ottoman confirme l’arrangement de 1757, ce qui donne naissance au statu quo. L’arrangement, lui-même reconnu internationalement par le traité de Berlin de 187810, porte sur cinq sanctuaires chrétiens partagés. Un arrangement similaire s’applique de facto à deux autres sanctuaires chrétiens et à deux Lieux saints revendiqués par les Juifs et les musulmans, ce qui est plus tard reconnu par les Britanniques11. De plus, la concurrence entre puissances et confessions s’illustre par l’établissement par centaines d’institutions religieuses, caritatives et scolaires, jouissant de la protection européenne, sinon de l’extra-territorialité12. Trouvant ses origines en 1740, le titre de la France comme protecteur officiel des intérêts catholiques dans l’Empire ottoman et comme représentant du Saint-Siège auprès de la Sublime Porte est également reconnu par le traité de Berlin de 187813. Ainsi, la présence et l’influence coloniales françaises en Palestine incluent des privilèges contractuels qui vont bien au-delà de la protection des Lieux saints en soi. Dans le traité franco-turc de Mytilène, en 1901, suivi par les accords franco-turcs de 1913, les Ottomans reconnaissent toutes les écoles françaises, ou celles protégées par la France, ainsi que toutes les « églises, chapelles, hôpitaux, dispensaires, orphelinats, asiles et autres établissements français ». De plus, ces établissements sont exemptés de toute taxe, et se voient attribuer le droit de construire, d’agrandir et de réparer ces bâtiments, en dépit du droit musulman14.

6Ainsi, les privilèges que les puissances européennes obtiennent des Ottomans concernent de nombreux endroits, établissements et propriétés, bien au-delà des quelques Lieux saints concernés par le statu quo : en plus des Lieux saints des trois religions, incluant les diverses confessions chrétiennes, on trouve de nombreux établissements sociaux, religieux et éducatifs de chaque confession, la plupart protégés par les puissances impériales rivales. On peut en estimer le nombre en centaines, en général instrumentalisés au titre de postes avancés coloniaux15.

7Au moment où la question du statu quo est ravivée, au cours de la conférence de Paris de 1919, se fait jour l’exigence d’une enquête internationale portant sur le sujet des Lieux saints16. En effet, les Britanniques se voient contraints d’inclure un article 14 dans la charte du Mandat, stipulant la création d’une « commission spéciale [...] à l’effet d’étudier, définir et régler tous droits et réclamations concernant les Lieux saints, ainsi que les différentes communautés religieuses en Palestine », dont la composition et les fonctions doivent être définies par la Société des Nations. Cependant, La Grande-Bretagne qui n’en veut pas, le Vatican et les Puissances chrétiennes ne peuvent s’entendre sur sa composition, et en 1924 un décret royal britannique accorde au Haut-Commissaire de Palestine l’autorité suprême en ce qui concerne les Lieux saints, l’exemptant de tout contrôle judiciaire17. En outre, l’article 13 de la charte du Mandat est destiné à « sauvegarder les droits existants » concernant les Lieux saints, les édifices, et sites religieux et le libre exercice du culte, non seulement des chrétiens, comme par le passé, mais de toutes les confessions, protégeant expressément l’immunité des sanctuaires musulmans. L’article 15 garantit « à tous la plus complète liberté de conscience ainsi que le libre exercice de toutes les formes de culte » de même que celle de « conserver leurs écoles ». L’article 16 étend la protection et la non-ingérence aux « institutions religieuses ou charitables de toutes confessions en Palestine18 ». Telle est la situation que découvre l’UNSCOP au moment de commencer ses investigations.

À Jérusalem : l’enquête

8Les Britanniques sont les premiers à soumettre des documents au comité concernant les Lieux saints et intérêts religieux, puisque sont à leur disposition les trois volumes du Survey of Palestine qu’ils ont soumis en 1946 au comité anglo-américain. Un chapitre spécifique y est dédié aux Lieux saints chrétiens19. Dans le volume III, les Britanniques ajoutent une liste des Lieux saints les plus importants, mais seulement pour la chrétienté20. La plupart d’entre eux sont des églises liées et construites sur des Lieux saints. Les autres institutions religieuses ne sont pas incluses. Mais le document comprend également d’autres édifices religieux, à l’instar du monastère de Mar Saba, afin de présenter l’exemple de tels grands bâtiments – mi-monastère, mi-église.

9Pour l’UNSCOP, le gouvernement de Palestine prépare spécialement un supplément, avec des mises à jour. Là, les Britanniques se réfèrent déjà explicitement à l’instruction de l’Assemblée générale visant à « tenir soigneusement compte des intérêts religieux21 ». Il s’agit ici à nouveau d’une liste de Lieux saints et sanctuaires qui semble avoir été établie hâtivement : il s’agit donc probablement d’une interprétation britannique des « intérêts religieux », mais incomplète, puisqu’elle ne détaille pas toutes les institutions religieuses ou quasi-religieuses de toutes les religions et confessions jouissant des privilèges concrets. Une telle liste existait-elle ?

10S’étant peu de temps auparavant retirés de leur territoire mandataire syrien, les Français ne disposent d’aucun point d’appui politique ou économique substantiel en Palestine. On ne doit donc pas s’étonner s’ils sont très soucieux de défendre leurs positions culturelles – les établissements placés sous leur protection – contre tout changement pouvant affecter leur statut en vue de la fin inévitable du Mandat. Ils sont probablement inquiets du caractère ultranationaliste que les futurs États arabes et juifs pourraient revêtir dans le cas où la partition deviendrait une option réaliste, ce qui constituerait un danger pour les intérêts français22. À la fin de juin 1947, immédiatement après l’arrivée du comité en Palestine, le consul général de France à Jérusalem, René Neuville, présente à son président un mémorandum réclamant la préservation des privilèges accordés par les traités de Mytilène et les accords de 1913, et le Mandat britannique par tout régime futur de la Palestine23. Ce document comprend deux listes, classées de façon différente. La première qui est chronologique et géographique contient 71 établissements, tous subventionnés par l’État français ; la seconde qui est classée par fonction, contient 77 établissements, la plupart étant des institutions caritatives telles que des écoles, des orphelinats, des hôpitaux et des cliniques, des séminaires et sept couvents sans caractère proprement charitable24. Géographiquement, 23 des 77 institutions sont considérées par Neuville comme établies à Jérusalem, et 36 se situent dans le territoire du futur corpus separatum. Alors que certaines sont attachées à un Lieu saint, aucune ne peut être définie strictement comme un tel Lieu saint, sans parler des écoles juives de l’Alliance israélite universelle, de la chaire de civilisation française de l’Université hébraïque ou du Centre de culture française. Le maintien des privilèges dont jouissent ces établissements est justifié dans le mémorandum par l’article 13 de la charte du Mandat, sans jamais se référer, ni mentionner les « intérêts religieux », expression dont la France a soutenu vigoureusement l’inclusion dans le mandat de l’UNSCOP. De fait, celui-ci souligne les bénéfices humanitaires inhérents aux établissements catholiques qui s’appliquent aux Palestiniens de toute confession, à l’instar de la cohabitation de chrétiens, de Juifs et de musulmans dans le cadre du pensionnat de Saint-Joseph à Jérusalem. Ainsi, Neuville, avec l’aval de ses supérieurs à Paris25, suit deux lignes d’argumentation, quelque peu contradictoires : l’une juridique, qui légitime les privilèges accordés à ces établissements comme extension de ceux accordés aux communautés religieuses de Palestine depuis les accords avec les Ottomans ; l’autre humanitaire, soulignant le profit que tous peuvent en tirer, à la suite de la stratégie française visant à développer les intérêts culturels non religieux dans la Palestine mandataire, depuis les années 193026. Toute mention de quelconques intérêts coloniaux est exclue. Cette liste est totalement différente de celle des Britanniques, et son message est que ce dont les Français ont besoin va bien au-delà du petit nombre de Lieux saints compris dans le statu quo, consacré à nouveau au cours du Mandat britannique27.

11Les Français ne sont pas isolés dans leur crainte d’un avenir incertain qui se préfigure après l’administration britannique relativement libérale. Le 3 juillet, le Patriarcat grec orthodoxe soumet une liste de 112 « Lieux saints » – probablement toutes les églises et tous les monastères orthodoxes de Palestine. On y mentionne aussi le fait que cette Église dispose d’écoles dans de nombreuses communautés, d’un hôpital, d’une clinique, d’une œuvre d’assistance, que les pèlerins (et les réfugiés) sont hébergés dans des hospices et des monastères, et qu’elle dispose de propriétés pratiquement partout, dont les revenus assurent l’entretien de tout ce qui précède28.

12Plus tard, le 15 juillet, les Arméniens transmettent au président la liste de leurs « intérêts religieux29 », qui inclut une liste de quelque dix propriétés, quelque trente Lieux saints fréquentés par leurs pèlerins, et mettent en avant de manière détaillée leur participation à quatre des Lieux saints compris dans le statu quo, la destruction de plusieurs de leurs églises et monastères, et de quelque quatre importants Lieux saints qui ont été leurs, « et qui sont passés en d’autres mains au cours des périodes de persécution30 ». Ils mentionnent également leurs « écoles et jardins d’enfants » paroissiaux comptant 1 500 élèves31. Après avoir longuement décrit la non moins longue histoire de leur présence en Palestine, ils exigent également la garde de leurs Lieux saints « qui pourront être ensuite révélés. Après leur découverte et authentification32 ».

13Celui qui est probablement le dernier à présenter une liste est le Custode de Terre sainte, qui, à la suite de son mémorandum écrit et à la fin de l’audience de son représentant devant l’UNSCOP, le 15 juillet, est prié de soumettre une liste complète des sanctuaires chrétiens : « Les Lieux saints chrétiens » réclamés comme étant « sous la juridiction exclusive de la Custodie », « sanctuaires non placés sous la juridiction exclusive de la Custodie », et « les autres sanctuaires ». Au départ, le représentant du Custode n’est pas favorable à inclure cette troisième catégorie, mais l’accepte en définitive, puisqu’il apparaît clairement que les membres de l’UNSCOP sont soucieux d’obtenir une liste complète qui fasse autorité, une fois qu’ils ont reçu toutes les autres listes33. Non sans un certain cynisme, la déposition et la liste de la Custodie sont décrites par Neuville comme « non sans exagérer quelque peu l’étendue de ses droits séculaires34 ». Cependant, la liste soumise le 19 juillet ne répond pas aux attentes35. De fait, le Custode, dans sa lettre d’accompagnement, la décrit comme étant « une liste quelque peu exhaustive des Lieux saints chers à la chrétienté ». Mais elle n’inclut que 62 « Lieux saints chrétiens » revendiqués comme étant placés « sous juridiction exclusive de la Custodie » (pp. 2-5), et 33 « sanctuaires non placés sous juridiction exclusive de la Custodie » (pp. 5-6). Manquent « les autres sanctuaires ».

14Les intérêts religieux compris dans les listes susmentionnées, plus de 300 institutions au total, vont non seulement au-delà des neuf Lieux saints couverts par le statu quo, mais aussi au-delà de toute définition crédible de ce qu’est un Lieu saint. Ces inventaires incluent les établissements religieux de toutes sortes, caritatifs, éducatifs et sociaux, de même que, dans la liste française, quelques établissements qui ne peuvent être affiliés à quelque religion que ce soit.

15En dépit des différentes manières de les présenter, le message compris dans ces listes est clair. Il existe un problème d’établissements étrangers, « intérêts religieux », comme le formulent les Français lors de la session spéciale de l’Assemblée générale. Celui-ci est bien plus large que le statu quo qui ne concerne que neuf Lieux saints, ou même les Lieux saints non inclus dans ce statu quo. Du point de vue des chrétiens, dit le représentant de la Custodie36, et les Anglicans et les Écossais insisteront à leur tour sur le fait qu’ils ne parlent que des « chrétiens occidentaux », il est impossible que l’autorité sur les établissements religieux que la Grande-Bretagne a eue dans le cadre du Mandat soit maintenant transmise aux Juifs ou aux Arabes, ou aux deux. Toute solution politique doit garantir la préservation des privilèges assurés par le Mandat à la suite des Ottomans, et ce devrait être une condition sine qua non à toute solution politique.

16Mais quelles sont ces solutions acceptables pour les chefs religieux ? Seuls deux d’entre eux s’aventurent sur ce terrain miné. Au courant de juin, Stewart, l’évêque de l’Église d’Angleterre à Jérusalem, et Clark-Kerr, représentant presbytérien de l’Église d’Écosse à Jérusalem, expédient un mémorandum qui ne comprend aucune liste, mais dans lequel ils soulignent que les Lieux saints chrétiens sont répandus dans tout le pays, et donc (selon la position de principe de toutes les confessions chrétiennes) que « dans les faits, pour les chrétiens, tout le pays est sacré ». De plus, alors que les chrétiens représentent moins de 10 % de la population de Palestine, ils sont « 700 millions de par le monde, pour lesquels cette terre est sacrée ». De ce fait, la solution (qu’il revient à l’UNSCOP de recommander) doit supposer la coopération des trois religions. Ils écrivent qu’une solution politique est essentiellement religieuse, et que la partition est un pis-aller qui ne fonctionnera pas37. Il s’agit là du début d’un dialogue avec l’UNSCOP et peut-être aussi avec les autres confessions. Les deux prélats présentent oralement leurs vues le 11 juillet38, et ils vont un peu plus loin, lorsqu’ils répondent à Sandstrom, le président de l’UNSCOP, déclarant soutenir un État unitaire, au sein duquel les chrétiens doivent revêtir une importante charge dans le gouvernement afin de « préserver la justice » envers les minorités – chrétiennes comme non-chrétiennes. Sandström souhaite obtenir une définition plus précise de leur solution politico-religieuse, et l’évêque anglican signale que son « modérateur » écossais aurait une réponse39. Celui-ci envoie à Sandström le jour suivant trente exemplaires de la lettre qu’il a adressée un an plus tôt aux directeurs du Times et du Scotsman40. Il y suggère que le gouvernement britannique restitue le Mandat aux Nations Unies, et que celles-ci fassent de la Palestine une « réserve » internationale sacrée de nature religieuse, au nom des trois religions monothéistes. Un comité de douze personnes gouvernera le pays, six nommées par les Nations Unies, et six « issues des communautés religieuses du pays », chacune d’entre elles organisée en une « agence » autonome et élisant deux membres de ce comité pour une durée de trois ans. Il semble que Stewart agrée à cette solution politico-religieuse, et Neuville considère que le geste de l’Anglican et de l’Écossais est « audacieux et significatif », qu’aucun autre responsable religieux n’a osé accomplir. Non moins importante est sa dernière réponse lors de l’audition du jour précédent, déclarant que si le judaïsme (mondial) et l’islam sont « représentés de manière appropriée » dans le gouvernement de Palestine, alors le christianisme doit aussi « être représenté équitablement41 ». Nous verrons si la forme concrète de gouvernement et les principes qui le régissent vont jouer un rôle un mois plus tard.

17La deuxième solution politico-religieuse est proposée par le révérend Simon Bonaventure, représentant le Custode de Terre sainte, le responsable franciscain en charge des propriétés catholiques en Palestine42. Il suggère que, pour le moins, Jérusalem, incluant Bethléem, soit une enclave de la chrétienté bien délimitée (dans son mémorandum comme dans sa présentation orale il ne parle que des Lieux saints chrétiens), et que tous les autres Lieux saints « isolés » soient placés sous la juridiction d’une commission43. Cela signifie, comme il le reconnaît lui-même, que l’« enclave », aussi bien que les autres Lieux saints bénéficieraient de droits extraterritoriaux, les derniers protégés par la juridiction de la commission. Comme dans le cas des Français et de tous les autres, la crainte qui motive la Custodie est que l’histoire ne se « répète en ce qui concerne les sanctuaires chrétiens dans le cadre d’un gouvernement non-chrétien44 ». Dans ce cas, les chrétiens – comme il le reconnaît explicitement – auront besoin d’une sorte de réintroduction du système du protectorat, qui préservait les privilèges des Lieux saints chrétiens au temps des Ottomans. Cependant, à la place de la France comme protectrice, on aurait une commission de « pays occidentaux45 ».

18Neuville, dans son analyse rétrospective relative à cette étape de l’œuvre de l’UNSCOP, parle une nouvelle fois ironiquement du mémorandum et de l’audition de Bonaventure, mais des membres de l’UNSCOP l’interrogent très sérieusement sur les détails, tentant de comprendre de nouveau ses raisons visant à la résurrection du protectorat, et ensuite le côté pratique de la Commission, spécialement l’aspect relatif aux propriétés des différentes sortes de sanctuaires : quelles en sont les origines, et quelle est leur autorité, puisque la Commission proposée va devoir se substituer à cette autorité antérieure. Il s’agit là de la dernière audition orale sur ces sujets, et de la dernière liste reçue par l’UNSCOP, et l’on peut se demander enfin si le Custode reflète la position du Vatican, et pas seulement de l’ordre franciscain46.

La position du Vatican

19Y a-t-il une position du Saint Siège à ce moment ? En principe, le Vatican considère comme sacrée l’intégralité de la Palestine. De ce fait, sa position est que la Palestine ne doit être soumise ni à un régime juif, ni à un régime arabe, mais administrée par les chrétiens47. Finalement, les Anglais lui convenaient, parce qu’ils maintenaient les privilèges obtenus des Ottomans. Pendant la Première Guerre mondiale, le Vatican favorise un « territoire des Lieux saints », s’étendant sur la Palestine centrale de Hébron au lac de Tibériade, et qui soit administré par toutes les puissances chrétiennes – celles de l’Entente, les Puissances centrales et les neutres48. Quand le mandat britannique est instauré, le Vatican, comme on l’a vu, est l’un des éléments empêchant la réalisation de l’article 14, et la constitution de la commission spéciale internationale « à l’effet d’étudier, définir et régler tous droits et réclamations concernant les lieux saints, ainsi que les différentes communautés religieuses en Palestine », puisque sa composition ne peut accorder la primauté aux catholiques, et donc leur accorder une chance d’améliorer leur position aux Lieux saints49. Mais après la Seconde Guerre mondiale, quand la perspective s’ouvre d’un régime non chrétien, le Vatican favorise une Palestine placée sous la protection des Nations Unies. Néanmoins, face au danger d’une intrusion soviétique, il semble que le Vatican hésite. Mais, au début de 1947, juste avant que la question de Palestine ne soit portée devant l’ONU, envisageant cette possibilité et craignant un partage de la Palestine entre Juifs et Arabes, le Vatican semble réviser sa position, tel que cela est indiqué par le cardinal américain Spellman, lorsqu’il écrit à un diplomate américain du State Department, en janvier 1947 :

Si, cependant, la partition devait être imposée, on ne doit pas rater l’occasion de prescrire un régime, attentivement conçu et détaillé, de garanties et de sauvegardes pour les Lieux saints et les minorités chrétiennes, les deux sous la supervision d’organes appropriés des Nations Unies50...

20C’est là grosso modo la position exprimée par le Custode, qui ajoute, à la façon des anglicans et presbytériens, une emphase spéciale relative au contrôle de « pays occidentaux », qui permette de répondre à sa crainte de voir les Nations Unies devenir le moyen d’une implication soviétique ; et il ne fait pas de doute selon nous qu’une telle similitude est le signe d’une consultation, voire d’une coordination. En somme, les confessions chrétiennes s’empressent d’apparaître devant l’UNSCOP. Et selon Neuville beaucoup de choses ont lieu dans les coulisses : certains des membres du comité communiquant avec les responsables des confessions et des institutions religieuses, et leur rendant visite51.

La position des sionistes

21L’Agence juive essaye d’éviter une confrontation à Jérusalem. Celle-ci et d’autres responsables juifs sont extrêmement actifs pour transmettre leur message principal, leur « conditio sine qua non » concernant la souveraineté juive. Pour cela, il est significatif qu’à Jérusalem ni les porte-parole ni les responsables de l’Agence juive, et des sionistes en général, ni Weizmann, ne traitent de la question des Lieux saints ou de Jérusalem dans leur documentation écrite ou au cours de leurs auditions52. En effet, l’attitude du courant majoritaire, laïque, au sein du mouvement sioniste en ce qui concerne Jérusalem a toujours été ambiguë, pour le moins. Dès 1896, Herzl comprend la problématique d’une Jérusalem juive pour le Vatican, et le christianisme en général, et dès 1896 il est disposé à accorder à la vieille ville un statut extraterritorial au sein d’un futur État juif, de même qu’aux autres Lieux saints ; en 1902 il est disposé à céder le sud du pays, Jérusalem incluse53. Depuis, et tout au long du Mandat britannique, la direction sioniste, malgré des débats internes, n’a pas œuvré pour renforcer le quartier juif de la vieille ville : au cours du Mandat la population juive là, en grande majorité ultra-orthodoxe et non sioniste qui y vit, chute de 15 000 à 2 00054. Il en va différemment de la nouvelle Jérusalem. Malgré, pour des raisons diverses, sa priorité secondaire pour les dirigeants du mouvement sioniste, elle ne peut pas être cédée facilement, puisqu’elle comprend une proportion importante de la population juive de Palestine (un cinquième en 1937, un sixième en 1947) ; et ce qui n’est moins important, le siège de l’Agence juive, du Fonds national juif, de la seule université juive de Palestine, construite expressément pour servir à la « renaissance de la culture hébraïque » laïque. Ainsi, en 1937-1938, quand les Anglais proposent une Jérusalem britannique dans le cadre d’un projet de partition, l’Agence juive propose une partition de la ville entre l’Empire britannique et l’État juif : ce dernier doit céder la vieille ville, avec le mur des Lamentations et le mont du Temple, ainsi que tous les « Lieux saints », et sa périphérie méridionale et orientale arabe, au pouvoir britannique, tandis que la majeure partie de la nouvelle Jérusalem juive, l’Université hébraïque incluse, reviendrait à l’État juif, reliée à lui par un corridor territorial55. Et même, en fin 1946, et au début de 1947, quand les Britanniques font un dernier effort pour trouver une solution acceptable et renégocient avec les Arabes et les Juifs, les sionistes proposent informellement qu’une enclave constituée par la Jérusalem juive fasse partie de l’État juif56. Pour une grande partie des leaders sionistes, la nouvelle ville avec ses quartiers modernes et ses centres nationaux, fait partie du futur. Pour eux, elle peut représenter le retour à Sion, évitant en même temps le conflit avec le christianisme et l’islam en cédant toute demande de contrôle des Lieux saints. La vieille ville ultra-orthodoxe symbolisant le passé57.

22En 1947, il semble que, consciente de la contradiction possible entre un État juif, qui inclurait tous les quartiers juifs de Jérusalem, et les inventaires français et chrétiens, l’Agence juive tente de retarder la confrontation. Le 4 juillet, lorsque Ben Gourion analyse face à l’UNSCOP le premier plan de partition de 1937, qui propose qu’un grand Jérusalem, incluant tous les nouveaux quartiers juifs, demeure britannique, il mentionne avec une grande précaution la distinction qu’effectue à ce moment l’Agence juive entre d’une part les Lieux saints et la nouvelle Jérusalem juive :

Tout le monde admet que les Lieux saints doivent être internationalement préservés et que la vieille ville requiert un régime spécial. Mais il existe de très graves objections quant à l’exclusion de la Jérusalem juive du reste de l’État juif.

23Il s’agit là d’une référence très vague, qui évite de mentionner qu’en 1937-1938 l’Agence juive avait proposé la partition de Jérusalem entre l’État juif et l’Empire britannique, sans que la moindre partie ne fasse partie de la Transjordanie, partenaire arabe préféré des Britanniques58. Mais le 8 juillet, après que Weizmann eut explicitement fait campagne en faveur de la partition au cours de son audition, et que Sandström eut déjà confidentiellement donné des instructions à son suppléant, Mohn, ainsi qu’à Ralph Bunche, membre du secrétariat, dans le but d’élaborer un plan de partition pratique, Sandström ne permet plus à Ben Gourion de contourner l’affaire. Dans l’après-midi, après son témoignage écrit et oral, le président le met au défi et lui demande directement s’il pense que l’affaire des Lieux saints « nécessite des arrangements spéciaux pour Jérusalem ». Ben Gourion ne peut alors éviter la question. Il répond en indiquant que doivent exister des garanties internationales pour la liberté et le caractère sacré de tous les Lieux saints de Palestine ; mais lorsque Sandström mentionne comme possibilité la mise en place d’une tutelle pour Jérusalem, Ben Gourion rejette vivement cette option, indiquant que « les Lieux saints ne sont que quelques endroits dans Jérusalem. Ils ne sont pas tout Jérusalem ». Cette position est semblable à la suggestion sioniste de 1937 de ne céder à l’administration britannique que la vieille ville, sa périphérie est et Bethléem. Mais elle entre pleinement en contradiction avec tous les mémorandums et les listes reçus par l’UNSCOP. Le consul général de France, par exemple, réagit immédiatement en indiquant à l’Agence juive que ni les Français ni les autres membres catholiques de l’UNSCOP ne peuvent accepter la réponse du leader sioniste ; tandis qu’une omission récente de l’Agence quant à des garanties à donner à propos d’un contrôle français absolu sur les établissements qui en dépendent dans le cas de l’avènement d’un État juif ne peut que conduire à la perte de tout soutien international en sa faveur59. Il semble que l’Agence juive tente rapidement de rectifier cette impression, et le 13 juillet La Croix publie une déclaration positive et bien différente de Maurice Fisher, « le représentant du département politique de l’Agence juive à Paris » qui « a donné à la France des assurances touchant le maintien de ces droits et privilèges en Palestine60 ».

La position britannique

24Les Britanniques peuvent prêter assistance à l’UNSCOP afin qu’elle saisisse mieux le sens de toutes ces questions, mais ce qu’ils fournissent dans le « supplément » au Survey of Palestine est assez minimaliste : « les intérêts religieux » ne sont que les « Lieux saints » appartenant à l’inventaire compris dans le statu quo, et les autres établissements liés à des « lieux sacro-saints aux trois religions ». Cependant, l’UNSCOP reçoit tous les documents britanniques officiels et publics qui concernent Jérusalem comme possible enclave dans le cadre d’un partage. Ainsi, lorsque les Britanniques considèrent la partition en 1937, la Commission royale propose qu’une grande Jérusalem, de même que Nazareth, demeure sous contrôle anglais. L’argumentation est largement chrétienne dans le cadre de ce rapport, mais les frontières de cette zone sont moins fonction de considérations religieuses que stratégiques, ce qui est repris et expliqué en détails dans le rapport complémentaire de 1938, un an plus tard61. De plus le Study of Partition est déjà transmis confidentiellement au président de l’UNSCOP dès le début de juillet, afin d’aider son équipe, constituée par Mohn et Bunche, à préparer le plan de partition62. Aucun doute ne subsiste donc. En cas de partition de la Palestine, les Britanniques souhaitaient garder une grande Jérusalem comme colonie de l’Empire.

À Genève, l’UNSCOP élabore son plan

25À Genève, à partir de la fin juillet, l’UNSCOP doit élaborer sa position relative aux solutions à apporter à la question de Palestine, et préparer son compte rendu à l’Assemblée générale. Selon son programme de travail, la question de Jérusalem ne doit être débattue qu’après que soit prise la décision relative à la destinée du pays63. Cependant, d’après le rapport de l’UNSCOP, et les recherches actuelles, cette décision de recommander à l’Assemblée générale le plan de « partition avec union économique » n’est prise par une majorité de sept contre trois et une abstention que lors de la 47e session, le 27 août ; cependant, il se trouve que ce « plan » contient déjà un chapitre entier consacré à Jérusalem64. De manière évidente, des discussions relatives à Jérusalem ont lieu avant le 27 août, et soit l’UNSCOP chamboule son ordre du jour, soit celui-ci est modifié, soit la décision relative à la partition est prise antérieurement. Des notes relatives à une session informelle du 15 août, prises par Bunche, révèlent que Sandström procède à un tour de table dans lequel chaque membre exprime son opinion quant à la « solution finale », selon la désignation couramment en usage à ce moment65. Sept s’expriment en faveur de la partition, même s’ils diffèrent sur la manière et l’ampleur de la coopération économique entre les deux États, l’un reste indécis et trois optent pour une fédération. Ce sont là précisément les résultats du vote formel qui a lieu le 27 août. Bunche résume les positions dans un document de synthèse d’une page non daté, mais probablement du 18 août ; et Jérusalem n’y est pas mentionnée66.

26C’est alors que l’engrenage se met à tourner. Le président commissionne immédiatement Bunche pour qu’il esquisse un plan détaillé, ce que celui-ci parvient à réaliser la nuit suivante67. Il prend la précaution de l’intituler « esquisse » (outline), mais il s’agit en fait d’un document constitutif très structuré qui devient le jour suivant, le 16 août, le document de travail sur la base duquel une sous-commission de l’UNSCOP élabore le plan final quelques jours plus tard. Le nom complet en est « esquisse d’un plan d’une confédération possible », puisque « confédération » est le terme constitutionnel fréquemment utilisé par les membres de la commission lorsqu’ils débattent d’une union économique entre les deux futurs États. Mais, surprise, l’« esquisse » comprend désormais un chapitre relativement détaillé relatif à une Jérusalem internationale, puisque Bunche suggère une structure confédérale : « un État juif, un État arabe, et la zone autonome de Jérusalem68. » Sandstrom, qui a initié cette « esquisse », l’avalise immédiatement le lendemain, au cours de la rencontre informelle suivante, mettant en avant les aspects concernant Jérusalem. Son suppléant, Paul Mohn, montre quelques plans à la commission, probablement d’origine britannique, qui incorporent celui d’une grande Jérusalem69.

Cinq projets territoriaux de Jérusalem

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Carte établie par Yair-Assaf Shapira du Jérusalem Institute par Israel Studies (JIIS) et par l’auteur.

27Néanmoins, au cours des deux journées suivantes, les débats prenant place au sein de séances plénières informelles sont dans l’impasse, puisque les partisans de la partition se divisent en deux camps, et il ne se trouve pas de majorité en faveur du projet Bunche-Sandström : les délégués du Guatemala, de l’Uruguay et de la Tchécoslovaquie adoptent des positions pro-sionistes, demandant l’atténuation de la coopération économique obligatoire, et l’attribution d’un territoire suffisamment grand en faveur de l’État juif, répondant aux pressions sionistes70 ; les autres partisans de la partition – les délégués du Pérou, du Canada, le Suédois Sandstrom, le Néerlandais, ainsi que l’Australien indécis, appuient le plan Bunche-Sandström ; mais, sans les pro-sionistes, ils ne sont suffisamment nombreux pour l’emporter. Dans cette impasse, la commission se sépare en quatre sous-comités, constitués le 20 août. Deux d’entre eux sont chargés de trier les divergences au sein du camp pro-partition – à propos des frontières et de l’ampleur des structures confédératives et en conséquence de la coopération économique. Dans le troisième, les trois membres opposés à la partition élaborent le plan fédéral71. À propos de Jérusalem, la tactique est différente, et un quatrième, qui comprend tous les suppléants (y compris les fédéralistes) est dédié aux Lieux saints et à Jérusalem, à la suite d’une protestation des pro-sionistes contre le fait qu’un chapitre relatif à Jérusalem soit inclus dans l’esquisse de Bunche-Sandström sans avoir fait l’objet de débats ou de décision préalables en accord avec l’agenda original72.

28Ce dernier sous-comité entame son travail par les Lieux saints du pays comme un tout, et en l’occurrence l’unanimité est trouvée, avec accord explicite sur une ampleur et une définition raisonnables des « intérêts religieux », auxquels il doit être fait référence en adoptant les principes du Mandat. Le cadre conceptuel se fonde sur le contexte historique, et il est établi par le biais d’un mémorandum du secrétariat, préparé par un expert du secrétariat, le Français Henri Vigier73. Dans son article 1, celui-ci cite les instructions de la session spéciale de l’Assemblée générale : « tenir soigneusement compte des intérêts religieux de l’islam, du judaïsme et de la chrétienté en Palestine. » À l’article 2 (dont la tonalité est éminemment chrétienne), il interprète ces termes en écrivant qu’il s’agit « non seulement des intérêts religieux des diverses communautés palestiniennes, mais aussi des intérêts de trois religions qui ont des millions de fidèles dans le monde entier. La Palestine est pour eux une “Terre sainteî : elle est liée à l’origine et à l’histoire de leur foi ; elle renferme des sites et des sanctuaires particulièrement vénérés, auxquels sont souvent associés ou rattachés des établissements religieux, de charité ou d’enseignement que les communautés intéressées veulent maintenir. » Cette classification couvre toutes les institutions étrangères incluses dans les différents articles de la charte du Mandat et jouissant de privilèges : l’article 13 parle de « Lieux saints, d’édifices religieux et de sites », les institutions « éducatives » sont mentionnées séparément à l’article 15, tandis que l’expression « institutions religieuses et caritatives » reprend les termes de l’article 16. Il s’agit donc ici d’une définition très large des « intérêts religieux » des trois religions, qui s’aligne sur la logique des discussions ayant pris place à Jérusalem, et spécialement de presque toutes les catégories établies par Neuville dans ses deux listes et dans son mémorandum. C’est ce que reconnaît la correspondance diplomatique française74.

29Ce document de Vigier est repris verbatim dans le rapport final, parce que reconnu unanimement comme point de départ des recommandations relatives aux « intérêts religieux75 », et sa définition sert de base au sous-comité et plus tard à l’UNSCOP en ce qui concerne les sites à protéger. Les suppléants insistent dans leur rapport sur leur désir de suivre le Mandat, même textuellement, afin d’assurer la préservation de tout ce que celui-ci a explicitement et implicitement promis, notamment les exemptions fiscales soustraites aux Ottomans et conservées par les Britanniques76. Et en effet ils reprennent l’article 13 de la charte du Mandat – « Lieux saints, édifices religieux et sites » – puisqu’il est suffisamment élastique pour comprendre la plupart des établissements, (incluant la majorité de la liste française) et il s’agit du seul article qui fasse référence au maintien des anciens privilèges (ottomans)77.

30Cependant, une telle définition élargie des « intérêts religieux » des « millions de fidèles dans le monde entier » doit encore se traduire par des mesures pratiques, et nécessite une autorité suffisante pour en assurer le contrôle et la protection (ce sur quoi le représentant du Custode a insisté un mois plus tôt). Les Britanniques disposent de tels pouvoirs, de jure en tant que mandataire de la Société des Nations, et de facto en tant que puissance en place. Mais quelle va être cette autorité dans le cas d’une solution de partition ou de fédération ? Normalement, les autorités gouvernementales politiques des nouvelles entités sont supposées revêtir une telle autorité, et dans le cas d’une solution fédérale portant sur toute la Palestine, avec Jérusalem comme capitale, l’autorité de la fédération doit même inclure les Lieux saints stricto sensu, ceux énoncés en 1852 aux termes du statu quo,et confirmés en tant que tels par les Britanniques, en 193078. De fait, l’article 13 dans le document de Vigier stipule que les privilèges doivent être préservés par des obligations intégrées à la constitution (ou constitutions) du nouvel ou des nouveaux États79. Ceci est accepté par tout le monde, mais à partir de là les voies divergent. Pour les opposants à la partition, qui optent pour une fédération de la Palestine avec Jérusalem pour capitale, l’article 13 de Vigier suffit et est approprié. Vigier, néanmoins, probablement instruit par Sandström (à l’instar de Bunche quelques jours plus tôt), édicte également un article 14 : il y use d’un langage fort afin de justifier la zone autonome que Bunche a proposée quelques jours plus tôt, qu’il désigne comme corpus separatum (et c’est probablement la première apparition de ce terme !), arguant que seule l’internationalisation de Jérusalem en un tout peut empêcher des désordres aux Lieux saints, et préserver la paix religieuse80. Les fédéralistes rejettent cette proposition, et l’article est supprimé du texte, incorporé dans le rapport final de l’UNSCOP, probablement pour assurer un certain accord unanime sur les « intérêts religieux ». Mais les cinq suppléants des membres qui ont accepté le « projet » de Bunche la reçoivent favorablement. Et même, ils vont reprendre son raisonnement dans leur argumentation en faveur d’une Jérusalem internationale81.

31Vigier s’arrête là, ne liant pas une Jérusalem internationalisée à une autorité politique à même d’assurer les privilèges des « Lieux saints, édifices religieux et sites » dans le pays entier. En revanche, dans le compte rendu du sous-comité, les cinq, de même que le suppléant tchécoslovaque, établissent partiellement ce lien, en recommandant qu’une « autorité nommée par les Nations Unies succède au Haut-Commissaire britannique comme arbitre dans le cas de disputes entre les communautés à propos de droits acquis », et que le « Projet de stipulations à insérer dans une constitution » des États successeurs précise par un article explicite que cette autorité spécifique, nommée par les Nations Unies, soit « l’autorité de la zone spéciale de Jérusalem82 ». Le représentant uruguayen réserve l’opinion de sa délégation jusqu’à l’adoption de la solution générale83 ; et son homologue guatémaltèque, qui en principe s’oppose au concept d’une Terre sainte et ne concède que l’existence de Lieux saints isolés, préfère une commission des Nations Unies qui supervise tous les Lieux saints à travers le pays, à l’inclusion de Jérusalem84. Pour ces deux personnes, ce principe s’avère négociable, afin d’obtenir de meilleures conditions pour l’État juif85.

32La délégation indienne, pour sa part, s’oppose fermement à la réintroduction d’une autorité externe en Palestine. Le suppléant indien déclare accepter en effet l’article 2 de Vigier et admet que les « intérêts religieux » sont les « intérêts religieux de millions de fidèles des trois croyances répartis de par le monde ». Mais il refuse à ces « millions » « toute participation dans le processus en cours en Palestine ». La seule forme d’inspection internationale qu’il est disposé à accepter consiste en l’insertion d’articles appropriés dans les constitutions des deux États86 qui constitueraient une condition nécessaire à leur reconnaissance par l’Assemblée générale des Nations Unies, et qui ne pourraient être modifiés qu’avec le consentement de celle-ci87. Plus tard, le contrôle au jour le jour des intérêts des trois religions majeures serait aux mains des tribunaux civils de l’État fédéral ou, comme le préfère le suppléant iranien, relèverait de l’autorité de sa Cour suprême88. Puisque les Britanniques ont donné un pouvoir exclusif sur les Lieux saints au « Haut-Commissaire89 », en évitant tout contrôle judiciaire, il est possible que l’Indien et l’Iranien se voient déjà faire une concession, en excluant le pouvoir exécutif de l’autorité de l’État fédéral. Quoi qu’il en soit, l’Iranien semble avoir une opinion moins ferme, puisqu’il envisage ouvertement la partition adoptée par la majorité de manière informelle quelques jours plus tôt, prévoyant dans ce cas que la juridiction sur les Lieux saints dans le pays serait du ressort de l’autorité internationale90. La délégation yougoslave, la troisième voix fédéraliste, était contre « une zone spéciale » et le rapport du sous-comité, remettant à plus tard l’avis de sa délégation91.

33Néanmoins, dans le rapport final de l’UNSCOP, on s’aperçoit que ces fédéralistes, y compris l’Indien à cheval sur ses principes, adoptent la suggestion du Guatemala relative à une « commission des Nations Unies ». Il s’agit là clairement d’une concession face aux inquiétudes chrétiennes, puisque leur plan assure que «... préserver et protéger les Lieux saints et les édifices religieux, ou sites », leur octroyant donc un statut quasi extraterritorial, et de même que préparer une liste de tels sites, qui était du ressort du pouvoir mandataire, est désormais du ressort d’un « organisme international permanent » créé par les Nations Unies. Cet organisme comprendrait trois représentants de l’ONU et un de « chacune des religions reconnues intéressées à la question, la décision sur ce point étant prise par les Nations Unies »92. Il s’agit presque d’une référence directe à la commission proposée par la Custodie, mais reprise par les fédéralistes cette suggestion fait long feu puisqu’elle tente d’éviter l’enclave de Jérusalem93.

34Les cinq vont bien plus loin que la Custodie en rejetant la solution des deux autorités. Une seule autorité internationale étendant ses pouvoirs au-delà de Jérusalem à tous les « Lieux saints, édifices religieux et sites » serait plus appropriée. Stricto sensu, ni Bunche, ni Vigier ne parlent d’une telle instrumentalisation de l’internationalisation de Jérusalem afin d’assurer l’extraterritorialité de tous les autres « intérêts religieux » du pays définis par l’article 2 du document de Vigier. Mais c’est la réponse politique des cinq à l’instruction de l’Assemblée générale spéciale, de « tenir soigneusement compte des intérêts religieux... »

Quelle Jérusalem ?

35À quoi ressemblerait cette Jérusalem ? Dans l’annexe 3 du rapport des suppléants, les cinq soumettent leurs « recommandations relatives à la zone spéciale de Jérusalem », divisées en « arguments » (I) et « plan » (II et III)94. Une comparaison textuelle montre que les cinq empruntent des expressions à l’article 14 de Vigier – l’article qui a été supprimé du rapport final de l’UNSCOP. Il apporte un argument minimaliste pour séparer Jérusalem de la nouvelle ou des nouvelles entités politiques : il rappelle qu’il existe une longue histoire de querelles religieuses à Jérusalem et Bethléem, en « lien avec la préservation du Statu quo » ; pour cela, « dans l’intérêt de la concorde religieuse [...] la zone de Jérusalem doit former [...] un corpus separatum [souligné dans l’original] dans lequel le gouvernement ne serait ni juif, ni arabe95 ». Les cinq, dans le dernier paragraphe de leurs arguments, lorsqu’ils reprennent son expression de « corpus separatum » et presque verbatim sa phrase de conclusion, prônent sa mise en place effective. Ils font même allusion implicitement au statu quo en ne mentionnant pas là « les édifices et sites religieux », n’indiquant que les « revendications liées aux Lieux saints chrétiens, juifs ou musulmans qui ont plus que d’autres donné lieu à des controverses incessantes, des troubles fréquents et des frictions internationales à l’occasion96. » Il existe deux autres arguments, qui justifient à leur tour une « zone spéciale » dans le cadre de la partition envisagée et qui s’opposent avec vivacité à toute division de Jérusalem :

  1. Jérusalem est une unité et s’est développée comme un tout, avec ses services et administrations municipales en pleine croissance [ »] ;
  2. C’est une métropole religieuse [...] pour trois croyances [...] [elle] ne peut être divisée entre une partie juive, une partie arabe et une partie chrétienne. Les sanctuaires des trois religions se côtoient ; certains sont sacrés pour deux croyances. L’histoire – religieuse comme politique – s’oppose à la division de Jérusalem97.

36Le fait de savoir si le concept de l’« unité » municipale se développant organiquement pendant des siècles, ou de la « métropole religieuse » correspond à la réalité, et si les deux se surimposent est probablement hors-sujet98. Les deux, et, avec l’argument du maintien de la paix, les trois éléments constituent certainement une Jérusalem imaginée, mais ambitieuse. En eux-mêmes, ils ne dessinent toutefois pas un plan concret de Jérusalem (ne serait-ce que son ampleur territoriale). Néanmoins, une analyse de leurs recommandations, qui suit directement leurs arguments, montre qu’ils relèvent six aspects desquels dépendent la forme et le contenu de leur « Jérusalem imaginée » :

  1. la nature de l’entité politique que doit ou ne doit pas être le corpus separatum ;
  2. la source de l’autorité administrant l’entité de Jérusalem ;
  3. le régime politique de l’entité ;
  4. son ampleur géographique ;
  5. la résidence à Jérusalem, et la citoyenneté par rapport à une autre entité politique de Palestine ;
  6. les liens de Jérusalem avec les autres entités de Palestine.

37Afin d’esquisser le plan de ce corpus separatum international, les cinq peuvent s’inspirer de la grande variété de matériaux qui ont été recueillis à leur profit lors de leur enquête à Jérusalem, ainsi que de quelques documents très importants plus ou moins secrets, préparés plus tard, ou mis à leur disposition lorsqu’ils se réunissent. Le premier d’entre eux « Palestine : a Study of Partition » déjà mentionné, a été mis à la disposition de Sandström au début du mois de juillet, et est diffusé le 11 août aux autres membres. Ils disposent également d’un long mémorandum du 12 août préparé par le membre canadien de la commission, le juge Rand, qui détaille les éléments constitutifs de la partition, y compris Jérusalem99. Le projet de Bunche, du 16 août, est extrêmement important parce que Sandström et quelques autres membres l’adoptent sinon comme plan définitif, du moins comme schéma conducteur. Vient ensuite probablement le mémorandum non daté de Vigier, qui procure le contexte conceptuel religieux, mais aucun aperçu des contours du corpus separatum qu’il propose. Et enfin, au tout dernier moment, le 18 août, le jour où le sous-comité est mis en place, un document britannique jusqu’alors secret parvient sur les bureaux de Sandström, probablement de Mohn et de Bunche, peut-être aussi de quelques autres100. Il s’agit d’une version amendée de 59 pages d’un mémorandum préparé en 1944, par Harold MacMichael, alors Haut-Commissaire britannique en Palestine adressé au ministre des Colonies. Celui-ci voulait démontrer la faisabilité d’une partition de la Palestine au « Comité de cabinet » nommé en 1943 afin d’élaborer des projets pour l’avenir de la Palestine après la Deuxième Guerre mondiale, dans le cadre global d’une fédération du Croissant fertile placée sous domination britannique. Jérusalem y est le seul territoire pensé pour être directement gouverné par les Britanniques, et cela en tant qu’État. Le document est soumis par l’officier de liaison britannique à Sandstrom, après que les traces du contexte impérialiste de 1944 en eurent été supprimées par les fonctionnaires gouvernementaux britanniques des ministères des Colonies et des Affaires étrangères. Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur les raisons de ce geste étrange de la part des Britanniques. Dans tous les cas, le document original de MacMichael, ainsi que sa version corrigée de 1947, recommande fortement la partition de la Palestine, ainsi qu’une grande Jérusalem britannique ou internationalisé, avec des structures détaillées. Sandström, ses proches et ses collègues ont donc toutes les raisons de penser qu’officieusement les Britanniques soutiennent ces positions.

L’entité politique : un État ? Une zone ? Une ville ? Un territoire ?

38Il existe deux options majeures en ce qui concerne le statut politique d’une Jérusalem internationalisée. Celle-ci peut être soit un État, à l’instar des deux États prévus, ou bien recevoir un statut inférieur – une « ville », un « territoire » ou une « zone » – impliquant un degré moindre d’indépendance. Les plans britanniques de partition des années 1930 envisagent que Jérusalem devienne un État dans le cas d’une partition, de même que plus tard pendant les années 1940. Le document de MacMichael est un bon exemple. Rand est de la même opinion, et suggère même que Jérusalem, comme les deux autres États, devienne membre des Nations Unies101. Toutefois, l’État proposé aussi bien par les Britanniques que par Rand serait placé intégralement sous contrôle extérieur. MacMichael parle de la Grande-Bretagne ou des Nations Unies. Rand ajoute les États-Unis, puisque selon lui la puissance tutélaire reviendrait au pouvoir externe assurant la viabilité économique des trois États102. La deuxième option est formulée pour la première fois de manière écrite dans l’esquisse de Bunche, initiée et avalisée par Sandstrom. Elle suggère une confédération tripartite constituée par « la zone autonome de Jérusalem » et deux « États indépendants » ; dans ces conditions, seuls les deux « États indépendants » deviendraient membres des Nations Unies103.

39Lors de la séance informelle du 16 août, au moment où est discuté le projet, Sandström soutient ce texte (comme on l’a vu) et présente son chapitre sur Jérusalem104 et, dans la session informelle du 18 il est fait mention d’« autres » qui le soutiennent, probablement de ceux qui font ultérieurement partie des cinq105. Au sein du sous-comité sur Jérusalem, cinq suppléants, vraisemblablement de ces « autres », proposent « une zone spéciale », et parlent dans leur « recommandations » (annexe III du rapport des suppléants) d’un « territoire libre de Jérusalem » (« Free territory of Jerusalem »). Les deux termes sont synonymes de la « zone autonome » définie par Bunche. Ce choix est le résultat d’une combinaison entre le postulat politique des cinq réunis dans le sous-comité, déjà présent auparavant dans le projet de Bunche, et la théorie contemporaine des structures étatiques et interétatiques. L’objectif politique est de faire de Jérusalem une dépendance permanente de l’ONU, et la théorie politique et légale recquiert l’indépendance comme condition sine qua non au statut d’État. C’est une des emphases d’un mémorandum spécial sur les formes et associations étatiques et interétatiques soumis par le secrétariat le 17 août, qui analyse ces options106. Le fait qu’un tel mémorandum soit commissionné par des membres de l’UNSCOP, certainement par Sandstrom, peut-être aussi par le secrétariat, et le fait qu’il soit soumis à ce moment précis du travail de l’UNSCOP ne peuvent que signifier que les cinq, ou même les huit qui favorisent la partition, et le secrétariat, ont besoin d’une boussole qui les aide à choisir une solution politique appropriée pour les nouvelles entités de Palestine, qui soit acceptable par l’Assemblée générale.

40Il semble qu’après la Seconde Guerre mondiale, un territoire peuplé, qui serait tout à la fois une dépendance et une réalisation étatique, soit (pour le moins en théorie) contradictoire. Le statut de Jérusalem, dépendrait donc des autres aspects de l’entité politique : d’abord et avant tout, de la question de la source de l’autorité.

La source de l’autorité : le Conseil de sécurité ? Le Conseil de tutelle ?

41Selon le plan de Bunche, aussi bien que les recommandations des cinq, le vote de l’Assemblée générale relatif au « projet » de partition, de la coopération économique, et de Jérusalem ne serait que la source initiale des nouvelles autorités de la Palestine. Mais, par la suite, l’entité de Jérusalem serait établie pratiquement par le Conseil de tutelle des Nations Unies, qui serait en charge de la préparation de ses structures constitutionnelles et enverrait ses représentants à l’organe gouvernemental de Jérusalem ; dans ce cas, le Conseil demeurerait de façon permanente la source de l’autorité pour Jérusalem107. Bunche semble avoir été le premier à suggérer que le Conseil de tutelle endosse un rôle important dans la « solution finale » de la question de Palestine et dans les structures de Jérusalem. Dans le cas de Jérusalem, Bunche suggère que non seulement le Conseil de tutelle soit représenté de manière permanente et prenne part à son instance gouvernante, mais que celle-ci soit directement responsable devant le conseil de tutelle – à savoir qu’il soit la source permanente d’autorité de Jérusalem108.

42Il y a là un grave problème. Selon la charte de l’ONU, le rôle du Conseil de tutelle est de gérer et de superviser le système des tutelles, qui est le successeur légal du système des mandats de la Société des Nations, mais toutes les tutelles devraient développer leurs organes à la « capacité à s’administrer eux-mêmes ou [à] l’indépendance » ; tandis que Bunche et les cinq prônent une Jérusalem sous tutelle permanente !

43Cette agence des Nations Unies, disposant de son propre chapitre dans la charte, et prévue par les planificateurs de l’ONU pour traiter des territoires ne pouvant encore être indépendants, est mise en place pour la première fois par l’Assemblée générale cinq mois plus tôt, et doit rendre compte à l’Assemblée. À ce moment, six accords ont déjà été préparés pour le Conseil de tutelle, selon sa procédure anticipée : un État souverain devenant le « tuteur » d’un territoire. Bunche est très impliqué dans la conception de ce système, comme dans le projet du chapitre XII de la charte qui le concerne. En tant que fonctionnaire du Département d’État, il fait partie de la délégation américaine à la conférence de San Francisco. Il est sans doute le rédacteur principal du dit chapitre de la charte de l’ONU sur le système des tutelles ; et lorsqu’il quitte le Département d’État, à l’été 1946, il devient le directeur de Division des tutelles au sein du secrétariat de l’ONU, et est de ce fait également impliqué dans la préparation des six accords. Il doit donc être parfaitement conscient que le fait de soumettre Jérusalem directement au Conseil de tutelle pose problème. En effet, cette décision entre quasiment en contradiction avec l’esprit, le principe et l’objectif du régime de tutelle qui, d’après l’article 76b de la charte, est par essence dynamisme et changement : développement dans tous les domaines, afin de justifier le pouvoir de s’administrer eux-mêmes ou l’indépendance109. C’est probablement pour cette raison que cet article n’est pas mentionné par Bunche qui ne fonde ce rattachement que sur l’article 81 de la charte : celui-ci affirme que l’« autorité chargée de l’administration », peut être constituée par un ou plusieurs États ou par l’ONU elle-même. Mais en cela la contradiction ne disparaît pas puisque d’après l’article 81 seuls les moyens changent, non le but.

44Les cinq dans leurs recommandations avalisent la proposition de Bunche relative à la source de l’autorité de Jérusalem, et de ce fait l’incluent dans le texte du rapport de l’UNSCOP110et même dans la résolution 181 (II) du 29 novembre. Mais l’on peut percevoir un changement de terminologie qui montre que la contradiction est présente dans les esprits : tandis que les cinq et le rapport final de l’UNSCOP recommandent explicitement que Jérusalem devienne une tutelle dans le cadre du « système », dans la résolution 181 (II), le Conseil de tutelle est juste « l’autorité administrative agissant au nom de l’ONU »,ce qui signifie que Jérusalem ne doit pas être une tutelle en tant que telle, mais seulement être administrée par le Conseil de tutelle, sans faire partie du système de tutelle, et donc sans que formellement elle doive avancer vers une croissante indépendance. Il s’agit ici d’un tour de force en termes de manipulation lexicale, puisqu’il n’est prévu aucune différence pratique entre les deux formes de soumission à l’administration des tutelles et au Conseil de tutelle.

45Le fait le plus significatif, et cela vaut pour Bunche comme pour les cinq et la majorité de l’UNSCOP, et en novembre pour la majorité au sein de l’Assemblée générale, est que le Conseil de tutelle est préféré à toute autre source d’autorité. La ville aurait pu être soumise directement à l’Assemblée générale, et certainement au Conseil de sécurité, non seulement parce ces alternatives auraient eu une raison d’être en l’occurrence, mais aussi parce que c’est la solution dans une affaire similaire qui est à l’ordre du jour en 1946 et 1947 : celle de la division de la région julienne et du statut de Trieste comme entité séparée du reste de cette zone partagée. En effet, dans le cadre de l’accord de paix signé entre les Alliés et l’Italie, le 15 février 1947, devant entrer en vigueur le 15 septembre suivant – donc peu de temps après la remise du rapport de l’UNSCOP – Trieste, une partie du territoire disputé entre la Yougoslavie et l’Italie et un point de focalisation de la lutte Est-Ouest, doit devenir le « territoire libre de Trieste » – donc séparé et de l’Italie et de la Yougoslavie, sorte de corpus separatum – administré par un gouverneur nommé par le Conseil de sécurité, et jouissant du droit de dessaisir le gouvernement local en cas d’urgence : une soumission permanente à l’ONU. L’évolution de la Guerre froide en empêche toutefois l’entrée en vigueur – entre février et septembre les Puissances ne parvenant même pas à s’entendre sur le choix d’un gouverneur – jusqu’à ce qu’au bout du compte, en 1954, le « territoire libre » soit à son tour partagé entre les deux États. Mais à la fin d’août 1947 un succès demeure encore possible. Pour cette raison, il est vraisemblable de considérer le « territoire libre de Trieste » comme un modèle pour le statut de Jérusalem. On trouve dans les papiers de Bunche les articles de l’accord de paix relatifs à Trieste111, Bunche y fait allusion quand il parle dans son « Outline » de la « zone autonome de Jérusalem », utilisant un synonyme de la formule originale « territoire libre de Trieste », Et les cinq se réfèrent directement au « territoire libre de Trieste », lorsque dans leurs recommandations ils usent douze fois de l’expression « territoire libre de Jérusalem112 » ; de même lorsqu’ils utilisent un autre synonyme et proposent dans leurs arguments que Jérusalem devienne une « zone spéciale ». En l’occurrence, nous soutenons que, dans ce contexte, « libre », « autonome », et « spécial » d’une part, et « zone » et « territoire » d’autre part sont des expressions ou des termes synonymes.

46Bunche et les cinq rejettent néanmoins le modèle de Trieste et lui préfèrent le Conseil de tutelle. Pourquoi ? Nous suggérons d’en chercher la cause dans les débuts de la Guerre froide. En ce qui concerne la région julienne et Trieste, de même que pour l’Allemagne et Berlin, l’Ouest n’a d’autres alternatives que de négocier directement et de chercher le compromis avec les Soviétiques, puisqu’il s’agit de territoires libérés de l’emprise nazie. Le « territoire libre de Trieste » doit donc être placé sous l’égide du Conseil de sécurité, où les Soviétiques disposent d’un droit de veto, et les Américains doivent le concéder jusqu’à nouvel ordre. Mais partout où l’Ouest peut le faire il empêche la pénétration soviétique. Pour empêcher les Soviétiques de faire partie de l’UNSCOP, les Américains avaient souhaité ne pas y être représentés de façon formelle. Dans les faits, ils le sont à la fois, par le biais des cinq, tous délégués de pays occidentaux et dont certains (Suède, Pays-Bas, Canada), sont déjà à l’été 1947 directement impliqués dans l’effort d’endiguement du communisme, et plus directement probablement par Bunche, haut fonctionnaire du secrétariat d’État américain jusqu’au printemps de 1946, et dès lors directeur de la division de tutelle de l’ONU113 ; de plus, tous les experts, les consultants, jusqu’à l’assistanat technique du secrétariat de l’UNSCOP, sont occidentaux. Bunche le premier (peut-être aussi pour des raisons personnelles), et plus tard les cinq, choisissent de subordonner Jérusalem à une agence de l’ONU dépourvue de droit de veto, où les Soviétiques et leurs alliés sont largement dépassés en nombre, et par conséquent la majorité occidentale peut opérer assez librement. Dans ces conditions, désigner le Conseil de tutelle comme source permanente d’autorité pour Jérusalem est une manière d’obtenir que la Ville sainte soit hors de portée soviétique.

L’exercice de l’autorité : comité ou gouverneur ?

47Nonobstant la soumission de Jérusalem aux Nations Unies, les cinq doivent aussi mettre en place un régime et un mécanisme d’autorité qui instaurent un équilibre entre leur intention de placer Jérusalem sous le contrôle du Conseil de tutelle de l’ONU de façon permanente, et donc de l’Ouest chrétien, et les slogans postérieurs à la Deuxième Guerre mondiale qui en appellent à la démocratisation universelle, sinon à la décolonisation. Dans les différentes propositions et perspectives considérées par les suppléants, on ne peut discerner que deux approches relatives au régime de la Jérusalem internationalisée, les deux accordant un rôle et une autorité décisifs aux représentants de l’ONU, mais selon des modalités très différentes.

Un comité international ?

48La première proposition, avancée dans le mémorandum de Rand du 12 août et reprise dans le projet de Bunche du 16, recommande un organe trilatéral, que Bunche désigne sous l’appellation de « Comité international ». Il suggère un comité de neuf membres, incluant trois Arabes et trois Juifs, nommés respectivement par l’État arabe et l’État juif, et trois chrétiens non-juifs et non-arabes désignés pour six ans par le Conseil de tutelle. Rand, qui propose quatre jours plus tôt la même composition pour l’organe gouvernemental, ne met pas en avant le Conseil de tutelle, suggérant seulement en termes très généraux que l’ONU soit l’autorité désignant ces trois chrétiens. Rand ne se penche pas sur la question des pouvoirs et des fonctions. Mais selon Bunche, ceux-ci doivent être définis dans le cadre de l’accord de tutelle établi par le Conseil de tutelle114. Cependant, les deux spécifient que les décisions prises par ce corps de neuf membres doivent être adoptées à la majorité simple, afin « d’éviter une impasse », comme l’indique Rand. Cela ne peut que signifier que, aussi longtemps que les Juifs et les Arabes sont en conflit, les trois chrétiens représentant le Conseil de tutelle disposeront du vote prépondérant et du dernier mot. Bunche suggère le même mécanisme, tout en ne s’étendant pas sur ses mérites. De plus, au cours des débats relatifs au projet, dans les dernières rencontres informelles de l’UNSCOP le 18 août, et avant sa division en sous-comités, des membres parmi les cinq vont au-delà de Bunche et de Rand en suggérant que dans le Comité international on intègre trois représentants issus des principales communautés religieuses locales de Jérusalem, et deux représentants du Conseil de tutelle115.Si cela avait été réalisé, cela aurait même accru le nombre de chrétiens jusqu’à cinq (sur onze), peut-être jusqu’à six, puisque l’État arabe aurait pu pour sa part nommer un chrétien comme l’un de ses représentants. Ce faisant, les chrétiens de diverses confessions auraient disposé d’une majorité absolue au sein du Comité international, et donc pas seulement du vote décisif. Par ailleurs, Bunche suggère que « l’administration effective [de Jérusalem] soit assumée, dans la plus large mesure possible, par des habitants de la Zone116 ». Mais il ne précise pas comment procéder. Le vrai pouvoir, semble-t-il, doit rester aux mains du Comité international, les représentants chrétiens du Conseil de tutelle de l’ONU préservant les clés des décisions et des procédures de décision.

Un gouvernement par un gouverneur ?

49La deuxième option consiste à placer Jérusalem sous l’autorité d’un gouverneur, désigné par la source de l’autorité. Il s’agit là soit du modèle de Trieste, soit du système colonial britannique qu’ils viennent de voir en action au cours de la phase palestinienne de l’UNSCOP, et qui en plus est présenté en détails à certains d’entre eux le 18 août, dans le document MacMichael, comprenant un projet détaillé de gouvernement, et même une constitution117. Outre un Haut-Commissaire doté de pouvoirs étendus, MacMichael propose deux organes faibles constitués de « locaux » : le premier, un corps législatif partiellement représentatif composé de résidents de la ville118 ; le second, un conseil de cinq ministres, devant être désigné par le Haut-Commissaire au sein des membres de l’assemblée législative élue. Non seulement le Haut-Commissaire peut dissoudre cette assemblée, et démettre le conseil qu’il a nommé, mais il peut aussi outrepasser ces deux organes dans pratiquement tous les domaines ; il dispose également du privilège de nommer à discrétion deux membres de l’assemblée dans l’objectif explicite d’en disposer en tant que ministres dès qu’il ressent le besoin de s’assurer que le conseil des ministres est et demeure son bras armé. Un gouverneur est l’option que les Alliés favorisent à propos de Trieste ; sa désignation semble en faire une pierre d’achoppement pour l’entrée en vigueur de l’accord de paix avec l’Italie, mais avec le Conseil de tutelle comme source d’autorité, on peut envisager que les difficultés d’un accord Est-Ouest peuvent être surmontées.

50En effet, les cinq reprennent cette idée d’un Haut-Commissaire doté de pouvoirs étendus, mais usent de l’appellation de « gouverneur » choisie pour Trieste, avec le Conseil de tutelle comme source d’autorité le désignant, suggérant par là que le gouverneur lui-même va incarner la source d’autorité : « Il sera responsable de la conduite de l’administration dans le « territoire libre », dans une mesure définie par l’accord de tutelle119. »

51À ce moment, probablement afin de contrebalancer, ou pour le moins de donner l’impression de vouloir contrebalancer le gouverneur en apparence omnipotent, les cinq proposent également une assemblée constituante de trente membres, devant elle-même élire « des organes, des instances et des offices qui gouverneraient et administreraient le Territoire » – en charge des domaines « exécutif, législatif et judiciaire120 ». Cette assemblée constituante serait élue « sur la base du suffrage universel et égal, et au scrutin secret121 », mais avec trois listes séparées : les résidents arabes et juifs de Jérusalem doivent élire respectivement douze représentants (40 % pour chaque communauté), tandis que les résidents chrétiens non-arabes de Jérusalem doivent en élire six (20 %)122. Selon le principe du suffrage égal, les listes doivent être proportionnelles, et donc si la Jérusalem des cinq a une population de 200 000 personnes, allouer 20 % à une liste suppose qu’elle représente quelque 40 000 résidents, ce qui est bien plus que les véritables effectifs des chrétiens non-arabes dans Jérusalem, même en y ajoutant Bethléem123. Cela n’aurait pas pu constituer une compensation pour la non-inclusion des confessions locales chrétiennes, telle que suggérée comme un ajout ou un amendement au projet de Bunche quelques jours plus tôt ; proposition qui s’efface progressivement avec l’avènement de l’idée de gouverneur. Par contre, les chrétiens étrangers, en très grande majorité occidentaux, disposeraient une nouvelle fois d’un vote prépondérant, et feraient office de mécanisme supplémentaire pour maintenir un contrôle extérieur, occidental et chrétien.

52Cependant, quelques jours plus tard, les rédacteurs du rapport final de l’UNSCOP, Sandström y jouant probablement un rôle majeur, abandonnent toute idée d’Assemblée constituante, laissant le Conseil de tutelle décider de la participation des résidents locaux au gouvernement124. Le gouverneur doit donc disposer de l’autorité suprême à Jérusalem, incluant le pouvoir de restaurer l’ordre en cas d’obstructions par l’un ou l’autre élément parmi les populations locales, et cela par le biais d’une « Police des Lieux saints » composée de recrues étrangères à la Palestine, qui ne soient ni arabes, ni juives125.

53Les cinq tout comme Bunche, font semblant de s’intéresser au principe démocratique du « gouvernement par le peuple », mais assurent ensuite le contrôle séant au gouverneur. Comme ils le déclarent, celui-ci ne doit être ni arabe ni juif, et élu par le Conseil de tutelle, donc très probablement un chrétien occidental, ce qui est expressément leur but. Le modèle britannique, combiné au système altéré de la tutelle, leur procure un outil constitutionnel approprié. Ainsi ils écartent le complexe et encombrant comité international, qui, en accordant une participation aux Juifs et aux Arabes, aurait très probablement conduit à des frictions, voire des conflits permanents, au sein du comité induisant ainsi la nécessité constante de faire usage du vote prépondérant. Un gouverneur désigné par une majorité claire et simple au profit de l’Ouest chrétien, c’était là une option plus simple.

L’étendue territoriale de la Jérusalem internationale

54Les fédéralistes d’après leur logique n’ont pas besoin de se référer à la question territoriale, puisque Jérusalem comme capitale de l’État fédéral de Palestine, même avec une municipalité divisée entre une zone juive et une zone arabe doit être une prérogative interne des autorités fédérales et non du ressort des Nations Unies126. Mais pour les autres, opter pour la partition du pays et pour une Jérusalem internationale, nécessite une délimitation territoriale. Bunche ne traite pas cet aspect dans son projet, probablement parce qu’il s’agit du « domaine réservé » de Mohn, qui en effet présente une variété de cartes aux membres du comité.

55Une tutelle permanente de l’ONU sur une « zone autonome » ou un « territoire libre », avec un gouverneur doté d’une autorité et de pouvoirs semblables à ceux du mandataire britannique, à l’exception de sa police et son armée, exercés sur des centaines d’« intérêts religieux » individuels en Palestine entière, chrétiens pour la plupart, cela peut théoriquement fonctionner pour un très petit territoire, à l’instar de la vieille ville, ayant le soutien des sionistes, avec peut-être quelques Lieux saints et terrains de plus au-delà des remparts. Cela pourrait aussi être une sorte de troisième État, aussi grand que la Jérusalem imaginée par les Britanniques en 1937-1938, ou en 1943-1944, touchant la mer Méditerranée en passant à travers les États juif et arabe. En passant, les cinq peuvent examiner les limites municipales (britanniques) du moment, ou le « territoire de planification » (« planning territory ») municipal des Britanniques, ainsi que toutes les autres variations et possibilités, que Mohn connaît bien, et qu’il a déjà présenté à tous les membres de la commission127. On y trouve également les propositions de l’Agence juive visant à partager Jérusalem, qui sont soumises en 1938 afin d’amender les plans britanniques de partition de 1937-1938128. Elles réapparaissent à présent. Dans un bref mémorandum de trois pages, transmis officiellement par l’Agence Juive aux membres et au secrétariat le 19 août, lorsque le sous-comité des suppléants se réunit, tous les arguments sont exposés ainsi que les demandes territoriales, et il en est fait largement usage dans le cadre du lobbying sioniste, comme par les membres pro-sionistes dans les débats du sous-comité129.

56Pour les sionistes et leurs partisans au sein de l’UNSCOP, l’étendue territoriale de Jérusalem est en effet un très important sujet de dispute. Depuis les plans de partition des années 1930, et jusqu’à 1967, le sionisme officiel réclame la division de la ville. En compensation de la possibilité d’annexer à l’État juif une enclave comprenant les nouveaux quartiers juifs dans et autour des limites municipales britanniques, avec leur population juive, ainsi que les nouvelles institutions sionistes nationales, les responsables sionistes laïques sont disposés à céder tout ce qui à Jérusalem peut être considéré comme sacré par les Juifs. Ce qui dicte probablement cette attitude c’est le besoin démographique donc tactique du moment d’inclure autant de Juifs que possible dans l’État juif, et ainsi d’assurer leur majorité dans un territoire aussi étendu que possible. Mais, ce qui rend envisageable une position si modérée, c’est la faible priorité idéologique que représente le placement direct sous souveraineté juive des Lieux saints juifs. C’est vrai en 1938, mais ce l’est aussi en 1947, comme l’atteste la réponse orale de Ben Gourion aux membres de l’UNSCOP, le 8 juillet (voir page...) :

Les Lieux saints ne sont pas tout Jérusalem [...] ils sont situés dans la vieille ville [...] de ce fait, afin de sauvegarder ces lieux, vous n’avez pas à inclure [dans un territoire internationalisé] tout Jérusalem, mais seulement les Lieux saints130.

57Les vues des suppléants pro-sionistes reflètent largement cette position sioniste : tout comme Ben Gourion, le suppléant guatémaltèque argue que Jérusalem en tant que ville et la Palestine en tant que pays peuvent être distingués des Lieux saints qui s’y trouvent ; il rejette l’idée de zone internationale, mais propose ce comité international sur les Lieux saints que les fédéralistes vont finalement accepter dans leur plan131. L’Uruguayen suit pour sa part strictement les indications de l’Agence juive : les Lieux saints ne sont pas toute la ville, mais seulement la vieille ville : il suggère que la « zone spéciale de Jérusalem » internationalisée soit restreinte à elle seule, et en vue de faire un compromis il y ajoute Gethsémani, le mont des Oliviers ainsi que Bethléem. Le reste doit être « politiquement réparti » suivant des critères ethniques – les parties juives de la ville revenant à l’État juif, et les parties arabes à l’État arabe132. Le suppléant tchécoslovaque présente grosso modo la position de compromis de l’Agence juive, ajoutant à la zone spéciale proposée par l’Uruguayen « une bande étroite le long de la route jusqu’à Bethléem ». Reflétant le mémorandum de l’Agence juive, il souligne également l’importance démographique que représente pour l’État juif le sixième de la population juive de Palestine résidant à Jérusalem, ainsi que l’importance des institutions juives centrales établies dans la nouvelle ville. Cependant, et en contradiction avec la position sioniste, il pense que la capitale juive doit s’établir ailleurs133.

58Ainsi, la position pro-sioniste relative à Jérusalem opte pour une zone internationale du type du Vatican. Cela doit permettre à la Jérusalem juive, à l’inclusion de ses institutions nationales et universitaires, de remplir son rôle national central au sein de l’État juif (et pas nécessairement en tant que capitale) ; tandis que le contrôle sur les Lieux saints et tous les « intérêts religieux » seraient cédés à la tutelle internationale, majoritairement chrétienne, et occidentale.

59Mais les cinq ont leur propre vision, et c’est elle qui prévaut en fin de compte. En premier lieu, ils présentent le récit d’un développement historique organique de Jérusalem, à la fois urbain et religieux. Comme ils le disent, Jérusalem, doit être une zone spéciale134 puisqu’elle a été « une unité pendant des siècles, et s’est développée comme un tout, avec ses services et administrations municipales en pleine croissance ». Par conséquent, elle ne peut pas être « soudainement et artificiellement divisée entre deux entités politiques135 ». De plus, des motifs religieux empêchent de diviser Jérusalem, puisqu’elle n’est « pas seulement une ville [...] comme d’autres villes [...] C’est une métropole religieuse [...] pour trois croyances [...] [dont] les sanctuaires sont situés côte à côte ; certains sont sacrés pour deux croyances. L’histoire – religieuse comme politique – s’oppose à toute division de Jérusalem136 ». Ainsi les cinq tentent-ils de faire croire que le développement urbain de Jérusalem recouvre le territoire de la Jérusalem religieuse, que les deux entités sont indivisibles, et qu’en conséquence Jérusalem est une entité organique et indivisible, une combinaison des deux, une métropole.

60À première vue, il semble que les deux arguments soient contradictoires, puisque l’emplacement des Lieux saints de Bethléem et de Jérusalem, qui symbolisent au sens strict du terme celui de la Nativité et de la Passion du Christ, ne se confond certainement pas avec le plan de la nouvelle ville en développement, juive, musulmane ou chrétienne. Mais l’adoption par les cinq de la définition des « intérêts religieux » d’après les listes reçues à Jérusalem, l’article 13 du Mandat, ainsi que du deuxième article de Vigier, ouvre de vastes horizons de redéfinition de la ville religieuse à ce qui peut être recouvert par la notion de « métropole » religieuse mais aussi « municipale ». C’est la vision ou la métropole imaginée des cinq : le plan des institutions religieuses nouvellement établies dès le xixe siècle, peut s’étendre bien au-delà des limites britanniques de la municipalité, comprenant ainsi les villes et villages environnants avec toutes leurs terres – la vallée de la Croix, Ein Kerem, Saint-Jean dans le désert, et même Beit Jala et ses écoles chrétiennes à l’ouest de Bethléem. De manière significative, la liste des établissements protégés par la France figurant dans le mémorandum de Neuville aboutit à un plan similaire. Néanmoins Abou-Gosh n’y est pas inclus.

61Bien plus vaste que les limites municipales de cette époque, mais plus petit que la perspective britannique d’un État de Jérusalem dans les projets anglais de partition, le territoire de ce qui doit devenir le corpus separatum, d’après les cinq, recouvre quelque 182,5 km2 – avec une population de 205 000 personnes à ce moment, et une proportion plus ou moins égale d’Arabes et de Juifs137. Cela représente bien plus que la superficie de Paris. Les limites suivent les limitations municipales britanniques des villages et villes des environs de Jérusalem, respectant strictement les propriétés foncières. La frontière orientale représente de ce point de vue une exception, puisque les parcelles d’Abou-Dis sont morcelées afin d’éviter de pénétrer trop avant dans le désert et aussi de « leur donner une meilleure apparence138 ». Cependant cette frontière comprend l’intégralité du domaine bâti d’Abou-Dis et d’Al-Azariyya – qui est pour les chrétiens Béthanie – et s’enfonce bel et bien dans le désert de Judée vers la mer Morte. À l’Ouest, la délimitation adoptée étend le territoire de la ville aussi loin qu’Ein Karem, localité, village, comptant plus de 3 000 habitants, qui n’a de valeur religieuse même sacrée que pour les chrétiens, mais qui n’inclut aucun Lieu saint soumis au statu quo. Néanmoins, l’inclure dans la superficie accordée à Jérusalem signifie étendre les limites de la ville très au-delà du plus occidental nouveau quartier juif de Bait Vegan. Lors des débats à l’Assemblée générale, on va jusqu’à inclure les zones bâties constituées par les implantations juives de Motza à la suite d’une pression sioniste visant à éviter leur isolement au sein de l’État arabe. Au nord, les limites envisagées incluent Shou’afat, un village arabe dénué de toute connotation sacrée pour les chrétiens, et ce probablement pour des raisons de développement et de démographie. Au sud, sont inclus non seulement Bethléem, mais aussi Beit Sahour et Beit Jala, sans aucun doute du fait de leur valeur dans la géographie sacrée chrétienne et de leur contribution à l’équilibre démographique interarabe, d’une part, puisqu’ils comptent un pourcentage important d’Arabes chrétiens, et face à la population juive d’autre part.

62Ce faisant, les cinq réalisent trois objectifs liés à leurs deux cartes mentales : inclure un maximum de Lieux saints et d’institutions religieuses de la chrétienté dans et autour de Jérusalem ; créer un grand réservoir municipal en vue du développement futur de la métropole ; tout cela, en aboutissant à un équilibre démographique à l’intérieur de cet ensemble – par contraste avec la grande majorité juive au sein de la municipalité britannique de Jérusalem en 1947, et avec la majorité arabe dans le grand Jérusalem envisagé dans les projets britanniques de partition.

Le compromis démographique

63Même si les cinq arguent avec force contre la demande des pro-sionistes de diviser Jérusalem, ils ne peuvent pas être insensibles aux raisons démographiques qui fondent une telle requête. De fait, depuis la commission royale, tous ceux qui considèrent favorablement la partition sont conscients de la quasi-impossibilité de dessiner un État juif démographiquement viable dès sa création. Nombre des délibérations relatives aux délimitations au sein de et depuis la commission royale peuvent être expliquées par des considérations démographiques, et certaines idées ayant trait au transfert de la population arabe de l’État juif trouvent leurs origines dans ce dilemme. Le professeur Reginald Copeland, principal partisan et architecte de la partition au sein de la commission royale, suggère ainsi dès 1938 que les résidents juifs de la Jérusalem britannique puissent opter pour la citoyenneté parallèle dans l’État juif139. La même idée est longuement analysée dans le document de MacMichael en 1944, et reprise dans la version de 1947. Mais MacMichael suggère énergiquement que les résidents de Jérusalem qui n’opteraient « pas pour la nationalité de l’État de Jérusalem » devraient physiquement déménager de Jérusalem dans un délai d’un an puisque la résidence à Jérusalem et la citoyenneté dans un État national voisin conférerait à cet État des pouvoirs d’ingérence presque illimités en vertu de la protection de ses nationaux [...] Jérusalem ne serait plus qu’un glorieux cockpit140 (« a glorified cockpit »). L’« État de Jérusalem », compris dans la proposition de 1944, est envisagé dans les plans britanniques pour l’après-guerre comme la métropole d’un Moyen-Orient contrôlé par les Britanniques. Il semble donc utile d’éviter les doubles loyautés. L’UNSCOP est confrontée au même problème. En revanche, ni Rand, dans son mémorandum du 12 août, ni Bunche, dans son « Outline » du 16 août, n’en parlent et en l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas clair que les membres de l’UNSCOP étaient informés de l’idée de Copeland, ou d’idées proches. Toutefois, les cinq proposent « que tout résident enregistré du Territoire libre de Jérusalem, au moment où cet accord entre en vigueur, qu’il appartienne à la communauté arabe ou juive, dispose du droit de choisir la citoyenneté » de l’un des États « en accord avec la législation sur la citoyenneté » de l’État choisi. De plus, aux termes de la clause suivante, il est indiqué que les « résidents enregistrés du Territoire libre de Jérusalem qui seraient citoyens de tout autre État pourraient participer aux élections locales du Territoire libre mais [...] seraient assujettis à la juridiction de ce Territoire141 [...] ».

64Il nous semble qu’à ce moment précis, soit une semaine environ avant l’échéance fixée au 31 août pour la remise du rapport, alors qu’une crise marque le sous-comité relatif aux frontières et alors que plusieurs membres et l’Agence juive pratiquent la politique de la corde raide, tout comme, peut-être, Sandström, la question des résidents est un élément significatif du marchandage général. En tant que moyen d’ajouter dès sa naissance un grand nombre des 100 000 Juifs à l’étroite majorité juive du futur État juif sans toutefois pénaliser la présence juive à Jérusalem, il s’agit de bien plus que d’une politesse en direction de l’Agence juive. Quelques brouillons sans date, trouvés dans les papiers de Sandstrom, comme la préservation du principe dans le rapport de l’UNSCOP, ainsi que dans la résolution de partition malgré quelques modifications de pure forme, renforcent cette conclusion142.

Jérusalem dans deux projets de partition britanniques et dans le projet UNSCOP

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Carte établie par Yair-Assaf Shapira du Jerusalem Institute for Israel Studies (JIIS) et par l’auteur.

Un corpus separatum au sein d’une union économique : une contradiction ?

65Au moment où les cinq suppléants imaginent une métropole potentielle, placée sous le contrôle permanent du bloc démocratique occidental, qui reflète en même temps la chrétienté occidentale, ainsi qu’un véritable corpus separatum, strictement distinct des États juif et arabe, le sous-comité chargé des questions constitutionnelles, composé de quatre membres favorables à la partition et dirigé par Sandstrom, semble suivre une voie contradictoire. Suivant tous les projets de partition britanniques, le mémorandum de Rand, le projet de Bunche, des longs débats dans les sessions informelles, et des mémorandum du secrétariat, le sous-comité constitutionnel envisage une union économique pour la Palestine qui s’étendrait sur une série étonnamment multiple de domaines de coopération, passant par une union douanière, une monnaie unique, et même des infrastructures jointes, comme les transports et les projets d’irrigation. Même l’Union européenne d’aujourd’hui réalise à peine un tel degré de confédéralisme, en l’occurrence presqu’un fédéralisme. D’après tous ces documents, Jérusalem devrait évidemment faire partie de cette union économique, surtout une Jérusalem métropolitaine d’après la vision des cinq ; mais comment pourrait-elle être un corpus separatum en même temps que membre d’une telle union économique ayant des pouvoirs étendus dans ses trois composantes ? Y a-t-il ici une contradiction, due à une erreur de gestion ? Ou s’agit-il d’une contradiction intrinsèque ? Il nous semble qu’il s’agit bien d’un problème intrinsèque, et donc la solution ne peut être que partiale.

66Concrètement, les cinq, au sein du sous-comité des suppléants, doivent peser le projet de Bunche qui propose que Jérusalem ait trois représentants dans l’organe gouvernant de l’union économique (sa confédération), et que les deux États aient six représentants dans le « comité international » gérant Jérusalem. Ils choisissent de proposer que bien que Jérusalem soit un membre de l’union économique, son gouvernement soit exclusivement aux mains du Conseil de tutelle, sans représentation aucune des États arabe ou juif. De même ils ne mentionnent aucune participation de représentants de Jérusalem aux organes de l’union économique143. Cette question est laissée au sous-comité constitutionnel. Celui-ci est plus précis : Jérusalem ne sera pas membre de quelque institution que ce soit dont seraient aussi membres des représentants des États arabe ou juif, à l’inclusion des instances administrant l’union économique qui intégreraient Jérusalem comme membre. En revanche, ils suggèrent que Jérusalem perçoive un pourcentage fixe (5-10 %) des rentrées de l’union douanière. D’autres problèmes demeurent sans réponse, tels que la participation au processus de prise de décision quand, par exemple, seraient discutées d’importantes questions d’infrastructure, ou des questions monétaires. Ni les cinq, ni le rapport final de l’UNSCOP, ni la résolution du 29 novembre ne proposent une solution à ce dilemme.

67Quoi qu’il en soit, le sous-comité constitutionnel effectue un pas supplémentaire dans la direction de la séparation de Jérusalem des deux États successeurs, distinguant même les deux agences de contrôle des Nations Unies. Au contraire de la proposition de Bunche d’associer Jérusalem et les instances de l’union économique, ce que Bunche appelle confédération, au même Conseil de tutelle de l’ONU, le groupe de travail constitutionnel préfère dès ses premiers brouillons le Conseil économique et social (ECOSOC) au Conseil de tutelle144. Les deux sous-comités réduisent donc plus encore les possibilités pour les deux États successeurs de s’immiscer dans les affaires de Jérusalem, tandis que l’hégémonie occidentale demeurerait également intacte par le biais de l’ECOSOC ; lui qui, à l’instar du Conseil de tutelle, est à ce moment un pré carré de l’Ouest.

68Après d’ultimes corrections, le rapport final de l’UNSCOP et en l’occurrence également la résolution 181 (II) conserve cette séparation des pouvoirs et la non-représentation de Jérusalem au sein des instances de l’union économique. Il semble que tenir Jérusalem à l’écart des deux États est en effet plus important que sauvegarder ses intérêts économiques par sa participation et représentation aux organes de prise de décision de l’économie et des infrastructures de la Palestine comme un tout. On ne peut qu’estimer que les cinq qui se prononcent en faveur de la formule « partition et union économique », et l’imposent aux pro-sionistes, postulent que les deux États n’oseront pas mettre à mal une Jérusalem placée sous l’égide de l’ONU.

69Tous les membres du sous-comité des suppléants ont soutenu cette partie de leur rapport qui a pour but d’assurer le maintien des privilèges de tous les établissements religieux ou quasi-religieux de la Palestine, octroyés par les Ottomans et préservés par les Britanniques.

70Par contre, le plan des cinq n’a reçu que leur soutien, et même si les cinq constituaient une majorité proportionnelle dans le sous-comité, sans le soutien des pro-sionistes leur plan n’aurait pu faire partie des recommandations de la majorité de l’UNSCOP à l’assemblée générale.

71Néanmoins, dans le vote formel du comité concernant les recommandations à formuler à l’AG145 (47e session, le 27 août) – partition avec union économique ou fédération – les trois « sionistes » ont soutenu la Jérusalem des cinq. « L’internationalisation » de la cité de Jérusalem comme les cinq l’ont élaborée, sans la qualifier de corpus separatum, a été adoptée presque mot à mot par l’UNSCOP et incluse dans le « package deal » comprenant une partition politique, une superficie relativement grande pour assurer la viabilité et le potentiel économique d’absorber les immigrants (juifs), une large union de l’économie et des infrastructures (contrôlées par l’Ouest par le biais de l’ONU), et la métropole de Jérusalem gouvernée par l’Ouest chrétien (par le biais l’ECOSOC, conseil économique et social du conseil de tutelle). Les sionistes ainsi que leurs soutiens au sein du comité s’opposaient aux deux derniers composants du « paquet », mais ils ont été convaincus qu’ils n’avaient d’autre choix que les accepter pour obtenir un état juif et viable. Les détails du marchandage devraient être discutés ailleurs, mais Granados dans son livre, La naissance d’Israël de 1950, nous donne un premier aperçu en disant :

Je n’avais pas d’objection particulière à l’encontre d’une Jérusalem internationalisée, mais je savais que les cinq États qui la désiraient [...] avaient besoin d’une voix pour la majorité. Je décidais de voter avec l’opposition au sein du sous-comité, dans l’idée de soutenir (plus tard) une ville libre de Jérusalem en échange de concessions libérales majeures concernant les frontières146

72Cette description est postérieure aux événements, mais elle semble vraisemblable quant aux grandes lignes du marchandage.

***

73La cité internationalisée de Jérusalem est envisagée afin de répondre à deux sortes de préoccupations de la part des membres de l’UNSCOP.

74La première est constituée par la question du devenir, sous le règne futur des « infidèles » – Arabes à majorité musulmans et des Juifs –, des Lieux saints et des établissements religieux, en faveur desquels tout un ensemble de privilèges a été progressivement soutiré aux Ottomans, système généralement respecté par les Britanniques. À la suite du consensus au sein de la commission quant à la nécessaire fin du mandat britannique en Palestine, les chrétiens de l’UNSCOP tentent de revenir aux pratiques des puissances européennes du temps des Ottomans, forçant la main des futurs dirigeants du pays afin qu’ils garantissent ces privilèges. La deuxième préoccupation est la place de la Palestine dans la Guerre froide qui se dessine progressivement. Les Soviétiques faisant mine de chercher à prendre pied au Moyen-Orient, par leur attitude étonnamment pro-sioniste, les cinq et leurs alliés au sein du secrétariat, provenant de pays d’ores et déjà recrutés et impliqués dans la politique américaine d’endiguement, dénient aux Soviétiques toute possibilité d’obtenir quoi que ce soit dans la Palestine partagée. Les préoccupations occidentale et chrétienne se recouvrent donc.

75La réponse à ces préoccupations consiste à proposer la division de la Palestine non pas en deux, mais en trois entités politiques : un État arabe, un État juif, et une métropole religieuse et politique élargie, placée sous le contrôle de l’Occident chrétien, sous couvert de l’ONU. Le concept de zone spéciale faisant penser au Vatican, limité à la vieille ville de Jérusalem et à Bethléem, est rejeté, la Jérusalem internationalisée doit être bien plus étendue que la ville dans les limites municipales mandataires et comprendre environ 10 % de la population du pays. Son gouverneur doit être investi de l’autorité, comme le Haut-Commissaire britannique, sur les « Lieux saints, les édifices religieux et sites » (pour reprendre les termes de l’article 13 du Mandat) à travers la Palestine. À Jérusalem, il doit bénéficier de la pleine autorité, avec le soutien de sa police non-locale, et dans les deux États il doit disposer d’un large pouvoir de supervision et d’arbitrage en cas de conflits.

76En réponse aux préoccupations occidentales, on dénie à Jérusalem toute éventualité d’autonomie significative. La ville doit être soumise au gouverneur nommé par l’ONU, et, afin d’empêcher toute influence soviétique potentielle, l’organe de l’ONU en charge de nommer celui-ci, et auquel il doit rendre compte, n’est autre que le Conseil de tutelle contrôlé par l’Ouest, et non le Conseil de sécurité, où les Soviétiques disposent du droit de veto. Les cinq souhaitent que ce système soit permanent, et il est adopté comme tel par la majorité de l’UNSCOP ; et l’Assemblée générale l’avalise en définitive également malgré certains qui ont voulu l’amender. Le Conseil de tutelle dominé par l’Ouest doit donc être la source permanente d’autorité pour Jérusalem, et, afin de minimiser toute influence potentielle des États nationaux palestiniens arabe comme juif à Jérusalem, la ville n’est pas représentée dans les instances conjointes de l’union économique de Palestine, tout en en faisant partie.

77Les efforts des membres pro-sionistes de l’UNSCOP et des sionistes de l’Agence Juive n’ont pas vraiment réussi sur le terrain diplomatique (à la différence du terrain militaire où ils ont bel et bien réussi à empêcher l’internationalisation à l’issue de la guerre de 1948). Les cinq, et les experts du secrétariat les écoutent très poliment, mènent sans fléchir leur stratégie à terme. La seule concession faite aux sionistes est la possibilité pour les résidents de la ville d’opter pour la citoyenneté de l’un ou l’autre État palestinien, en préservant leur plein statut de résidents de Jérusalem. Ce compromis signifie un ajout potentiel de quelque 15 % à la population juive du futur État juif ; il peut avoir constitué une partie de la négociation entre les cinq et les trois membres pro-sionistes, dont la voix est indispensable pour que le projet devienne le plan de la majorité. Nonobstant une telle citoyenneté formelle, Jérusalem doit, aux yeux des cinq, demeurer un refuge préservé de l’Occident chrétien, voire une tête de pont durable.

Notes de bas de page

1 Michael Cohen, Palestine and the Great Powers 1945-8, Princeton, 1982, pp. 223, 260.

2 James Barros, Trygve Lie and the Cold War, Illinois, 1989, pp. 169-177.

3 Yehoshua Freundlich, De la Destruction à la Resurrection (hébreu), Jérusalem, 1994, pp. 94-95. Le parti indien du Congrès nomme un musulman comme membre, avec un hindou pour suppléant. Ils participent à l’UNSCOP au moment de la négociation sur la partition de l’Inde et alors que des émeutes ravagent leur pays.

4 Nations Unies, Documents officiels de la deuxième session de l’assemblée générale, Supplément n° 11, Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine, Rapport à l’assemblée générale (Lake Success, 1947), volume I, pp. 2-4, Liste des membres du secrétariat, Israel Archives (ISA), 93.03, 2270/1.

5 UNSCOP, Rapport, op. cit., pp. 2-3.

6 Bernard B. Glick, Latin America and the Palestine Problem, New York, 1958, pp. 53-54. Nations Unies, Documents officiels de la première session extraordinaire de l’Assemblée générale, Vol. III, Grandes commissions, procès-verbaux des séances, 28 avril 1947-13 mai 1947 : pp. 300-310.

7 Ministère des Affaires étrangères (MAE), Paris, boîte 217, tél. 823 à 825, de New York, 13.5.47.

8 Henry Laurens, La Question de Palestine,I, 1799-1922 : L’Invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999, pp. 59-61. Dominique Trimbur, « Religion et politique en Palestine : le cas de la France à Abou Gosh », pp. 271-283, 291-293, in Dominique Trimbur, Ran Aaronsohn (dir.), De Bonaparte à Balfour – La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799-1917, Paris, CNRS Éditions, 2001 ; W. Zander, Israel and the Holy Places of Christendom, Londres, 1971, pp. 43-50.

9 Ibid., p. 47.

10 Ibid. pp. 53-54.

11 L.G.A. Cust, The Status Quo in the Holy Places, Londres, 1929 (nouvelle édition, Jérusalem, 1980), p. 12 ; M. Eordegian, « British and Israeli maintenance of the Status Quo in the Holy Places of Christendom », International Journal of Middle East Studies, 35, 2003, pp. 307-328.

12 Laurens, L’Invention, op. cit., pp. 59-61, 75-78, Trimbur, « Abou Gosh », op. cit., p. 265, Paul. Mohn, « Jerusalem and the United Nations », International Conciliation, 464, octobre 1950, p. 428. Mohn était le suppléant du président de l’UNSCOP et son bras droit.

13 J. C. Hurewitz, Diplomacy in the Near and Middle East, A Documentary Record, 1535-1914. Vol. I, Princeton, 1956, The Treaty of Berlin, Article LXII, pp.190-191 ; Sergio Minerbi, The Vatican and Zionism : Conflict in the Holy Land, 1895-1925, New York, 1995, p. 24 ; Laurens, L’Invention, op. cit., pp. 83-84.

14 Bernardin Collin, Les Lieux saints, Paris, Presses Universitaires de France, 1948, Accords de Mytilène et accords subséquents, pp. 162-172.

15 Trimbur, « Abou Gosh », op. cit., pp. 265-292. Surtout pp. 269, 272, 275-6, 281, 287, 291-292.

16 Zander, op. cit., p. 62.

17 Minerbi, op. cit., pp. 31-34, 47-53, 60-62, 65-66, 71-74, 79-90 ; Eordegian, op. cit., p. 308.

18 Charte du Mandat, op. cit., articles 13, 14, 15.

19 Government of Palestine, Survey of Palestine, Jérusalem, mars 1946, vol. II, chapitre XXII, section 1.

20 Ibid., volume III, pp. 1357-1367.

21 Government of Palestine, Supplement to the Survey of Palestine, Jérusalem, juin 1947, pp. 120-130.

22 MAE, Paris, boîte 210, Bonnet à Bidault, Direction d’Afrique-Levant, 6 juin 1947, tél. 1257/L, en particulier p. 4 ; MAE, Nantes, Série D, n° 35, Neuvillle à Direction d’Afrique-Levant), 12 avril 47 pp. 2-3.

23 MAE, Paris, 210, Neuville à Direction d’Afrique-Levant, tél. 362-365, 20 juin 1947 ; MAE, Paris, 385, Direction d’Afrique-Levant à Neuville, 26 juin, 1947 : « Mémorandum relatif aux œuvres françaises en Terre sainte, présenté a la Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine », 15 pages. Nous remercions Dominique Trimbur de nous avoir procuré une copie de ce document déposé dans la correspondance entre le consulat général de France à Jérusalem et l’établissement français de Sainte-Anne, 5 juillet 1947.

24 Ibid, pp. 3-9.

25 MAE, Paris, 385, Direction d’Afrique-Levant à Neuville, 26 juin, 1947.

26 Dominique Trimbur, « L’ambition culturelle française en Palestine dans l’entre-deux-guerres », in Dominique Trimbur et al., Entre Rayonnement et réciprocité – Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 72. et du même, « La création de la chaire de civilisation française de l’Université hébraïque de Jérusalem, Revue de l’histoire de la Shoah – Le monde juif,n° 167, septembre-décembre 1999, pp. 168, 178.

27 Cependant, d’après Neuville, lui-même adresse au « Dr. Hoo, représentant personnel de M. Trygve Lie, [...] une note précisant ce qu’est un Lieu saint [...] et le régime du statu quo ». MAE, New York, R.P. ONU ; n° 49, Neuville à Direction d’Afrique-Levant, télégramme 926/L, 6 septembre 1947, p. 5 et cf. ibid., sa communication 451-454, 9 juillet 1947.

28 Archives de l’Organisation des Nations Unies (UNA), Institutions of the Greek Orthodox Patriarchate of Jerusalem in Palestine, 3 juillet 1947 pp. 1-6.

29 UNA, Guregh, Patriarche arménien de Jérusalem, au président de l’UNSCOP, 15 juillet 1947, pp. 1-14.

30 Ibid., p. 12.

31 Ibid., p. 13.

32 Ibid., p. 14.

33 ONU, Documents officiels de la deuxième session de l’Assemblée générale, supplément n° 11, Annexes, appendices et cartes du rapport de la Commission spéciale des Nations Unies pour la Palestine, à l’Assemblée générale, pp. 18-19 de la version anglaise. Paul. Mohn, Jerusalem, op. cit., p. 428. Mohn parle de l’impossibilité d’établir une telle liste parce « qu’aucune norme universelle n’existe pour sa définition : certains incluent chaque église ou monastère, des centaines de sanctuaires... »

34 Neuville, 6 septembre 1947, op. cit., p. 2.

35 UNA., Fr. Alberto Gori, Custode de Terre sainte, au Dr. Victor Hoo, représentant personnel du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies à la Commission spéciale, 19 juillet 1947.

36 UNSCOP, Annexes, op. cit., Déposition du Custode, pp. 18-19 de la version anglaise.

37 UNA, W. H. Stewart et A. Clark-Kerr, A Memorandum to the UNSCOP, Jérusalem, juin 1947, pp. 1-5. Voir aussi UNA, W. H. Stewart, A Memorandum to the Anglo-American Committee of Inquiry, mars 1946, pp. 1-10.

38 United Nations, Official Records of the Second Session of the General Assembly, supplement No. 11, UNSCOP, Report to the General Assembly, Vol. III, Annexe A : Oral evidence presented at Public Meetings, (Lake Success, 1947), pp. 135-138.

39 Ibid., p. 137.

40 UNA, Clark-Kerr, au président de l’UNSCOP, 12 juillet 1947.

41 UNSCOP, Rapport, Oral evidence, op. cit., p. 138.

42 UNSCOP, Annexes, op. cit., pp. 13-19 de la version anglaise.

43 Ibid., p. 15.

44 Ibid.

45 Ibid, pp. 15, 18.

46 MAE, Paris, boîte 385, Neuville à Afrique-Levant, télégramme 358, 19 juin 1947 : « ... le Patriarche latin et le Custode... qui avaient demandé au Saint Siège des instructions sur l’attitude qu’ils devraient avoir a l’égard de la Commission n’ont même pas reçu de réponse » ; et voir ibid., 6 septembre 1947, télégramme cité, p. 11, ou Neuville rapporte qu’« il n’y eut pas à ma connaissance une intervention directe [du Vatican] ».

47 Sylvio Ferrari, « The Holy See and the Postwar Palestine Issue : The Internationalization of Jerusalem and the Protection of the Holy Places », International Affairs, 60, 2, printemps 1984, pp. 262-263.

48 Minerbi, op. cit., p. 35.

49 Eordegian, op. cit., p. 308 et cf. note 7, pp. 322-323.

50 Cité par Ferrari, op. cit., p. 264.

51 Neuville, télégramme cité, 6 septembre 1947, pp. 2-3.

52 Moti Golani, Sion dans le sionisme – La politique sioniste sur la question de Jérusalem, 1937-1949, Tel-Aviv, 1992, p. 41 (en hébreu).

53 Amos Elon, Herzl, New York, 1975, pp. 278-279 et 394-396. Minerbi, op. cit., pp. 96-102, Yossi Katz, « Les positions de la Grande-Bretagne, de l’ONU et du leadership sioniste sur la partition de Jérusalem », in Yehoshuah Ben-Arieh (dir.), Jérusalem sous le mandat britannique – Interaction et hérédité, Jérusalem, 2003, p. 144 (en hébreu) ; Yossi Katz, « The Marginal Role of Jerusalem in Zionist Settlement Activity prior to the Founding of the State of Israel », Middle East Affairs, 34, 1998, pp. 121-122.

54 Katz, « Positions », op. cit., pp. 146-147 ; Ben-Arieh, « Jérusalem sous le Mandat britannique – Interaction et hérédité, », in Ben-Arieh (dir.), op. cit., p. 508.

55 Katz, op. cit., pp. 146-150 et Yossi Katz, Partner to Partition : the Jewish Agency’s Partition Plan in the Mandatory Era, Londres, 1998, pp. 71, 75, 80.

56 Moti Golani, « Zionism without Zion : The Jerusalem Question, 19471949 », Journal of Israeli Studies, 16, 1, printemps 1995, pp. 39-52 et Wasserstein, op. cit., pp. 124-125.

57 Golani, op. cit.

58 UNSCOP, Rapport, Oral evidence, op. cit., p. 13 (de la version anglaise).

59 Archives Sionistes Centrales (CZA), Jérusalem, S 25/5964, Eban à Shertok, 9 juillet 1947.

60 MAE, Paris, boîte 210, Direction Afrique-Levant, Note d’orientation concernant les intérêts français en Palestine, 24.10.1947.

61 Great Britain, Palestine Royal Commission, Londres, 1937, Cmd. 5479 XXII, paragraphes 10-11, pp. 381-382 ; Great Britain, Palestine Partition Commission, Report, Londres, 1938, pp. 34-38.

62 UNA, DAG 13/3.0.1, Boîte 1, Palestine : a Study of Partition CZA, Jérusalem, A366. Archive Lisicky. Cette étude comparative des projets de partition est préparée au ministère britannique des Colonies pour servir de base aux débats de l’Assemblée générale de l’ONU ; Sandström l’a reçue confidentiellement dans les tout premiers jours de juillet. PRO, CO, 537/2338, 1e partie, 7 juillet 1947, MacGillivray à Martin, et elle est finalement soumise au comité tout entier le 11 août, avec des cartes en annexes. PRO, CO, 537/2341, 11 août 1947 et 13 août, MacGillivray au secrétaire général, UNSCOP, Genève.

63 UNA, DAG-13/3.0.1, Boîte 1, UNSCOP, 43e session, 31 juillet 1947, pp. 3-4 ; Riksarkivet, Stockholm, Papiers Sandstrom, vol. 3 ; ibid., vol. 19, Memorandum on the future work program of the committee, pp. 1-2.

64 UNA DAG 13/3.0.0, Boîte 2, UNSCOP, 47e session, pp. 62-63. Freundlich, op. cit., p. 125 ; E. Ben Dror, « L’UNSCOP : Le commencement de l’intervention de l’ONU dans le conflit israélo-palestinien », Ramat Gan, 2002, thèse inédite, en hébreu, p. 274.

65 UNA DAG 13/3.0.1, Boîte 2, dossier : Drafts and reports on Palestine, Bunche, « Tenth informal meeting », 15 août 1947. Aucunes minutes en bonne et due forme n’ont été prises lors des nombreuses rencontres informelles de l’UNSCOP. Bunche a laissé des notes, tandis que l’Agence juive a obtenu des comptes rendus assez détaillés (ISA, 93.03. 2270/1).

66 Ibid., « Summary of views in informal discussions ». Hoo, le représentant personnel de Trygve Lie, mentionne cette date, UNA DAG 13/3.0.0, Boite 2, UNSCOP, 47e session, pp. 26-27.

67 UCLA Library, special collections, Ralph Bunche, collection 364, box 5, folder 2, journal, 16 août 1947. Cf. Brian Urquhart, Ralph Bunche : An American Life, New York, 1993, p. 148.

68 UNA, DAG 13/3.0.0, Boîte 1, « Outline of a possible confederation scheme », pp. 1, 3-4. Le terme de « confédération » est probablement introduit dans le vocabulaire de l’UNSCOP afin d’établir une distinction entre « fédération » et « partition avec coopération économique », voire « union » : d’après un document préparé par Stavropoulos, l’un des experts du secrétariat de l’UNSCOP, indique justement comme base pour ce débat, une « confédération n’est pas un État mais seulement un vinculum juris entre des États souverains », cf. UNA, DAG 13/3.0.1, Boite 1, « Questions of constitutional and international law relevant to the discussion », Part 1, 17 août 1947 (confidentiel), pp. 4-6.

69 UNA, DAG 13/3.0.1, Boîte 2, 11e session informelle, 16 août 1947, Discussion of confederation paper ; ISA, 93.03., 2270/1, Meeting of UNSCOP, 16 août 1947, p. 2.

70 Ibid., Meeting of UNSCOP, 19 août 1947.

71 Ibid., Meeting of UNSCOP, 18 août 1947 ; ibid., Meeting of UNSCOP, 19 août 1947.

72 Ibid., Meeting of UNSCOP, 18 juillet 1947.

73 Par le passé un haut fonctionnaire de la Société des Nations, et après la Deuxième Guerre mondiale haut fonctionnaire de l’ONU, rattaché au secrétariat de l’UNSCOP seulement à Genève. UNA, DAG 13/3.0.0, Boîte 12, Lie à Hoo 2 juillet 1947, cité par Ben Dror, op. cit., p. 264 note 53. Papiers Sandström, op. cit., vol. 19, Religious Interests and the Holy Places (Draft of Chapter III of the Report of the Committee prepared by the Secretariat), texte complet de 14 clauses, dont la dernière est rayé par Sandstrom, non daté et non signé ; mais classé Report Series No. 1, (par suite : Vigier, Religious Interests.), cf. les 13 premières clauses, ISA, 93.01, 2270/1, copie dactylographiée portant le nom de Vigier (p. 1), et UNSCOP, rapport, op. cit., pp. 39-41.

74 Neuville à Direction Afrique-Levant, 6 septembre 1947, p. 14, télégramme cité (note 28).

75 UNSCOP, Rapport, op. cit., pp. 39-41.

76 Papiers Sandström, op. cit., vol. 13, UNSCOP, Subcommittee four, « Report on Religious Interests and Holy Places », United Nations, 2nd General assembly, A/AC/13/SC.4/4, 25 août 1947, p. 2 (par la suite : sous-comité 4).

77 Ibid. pp. 2, 5.

78 Eordegian, op. cit., pp. 309-311.

79 UNSCOP, Rapport, op. cit., p. 41.

80 Vigier, Religious Interests, op. cit,p.6.

81 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, pp. 13-14.

82 Ibid., p. 5, article 5.

83 Ibid., p. 2, article 8.

84 Ibid.

85 Garcia Granados, The Birth of Israel, New York, 1951, p. 243.

86 Vigier, Religious Interests, op. cit, p. 13 ; Sous--comité 4, op. cit., annexe 2, « Positions of Delegations on the Question of the Administration of Jerusalem, Indian Delegation », p. 10.

87 Ibid., p. 1, article 6 ; et annexe I, « Draft for Stipulations to be inserted in a Constitution », IV, p. 6.

88 Ibid., p. 2, article 8.

89 Par le « Order in Council » de 1924, voir Collin, Documents, op. cit., pp. 237-238 ; cf. Eordegian, op. cit., p. 311.

90 Sous-comité 4, op. cit., p. 2, article 8.

91 Ibid., p. 4, articles 14, 15.

92 UNSCOP, Rapport, op. cit., p. 67.

93 UNSCOP, Rapport, op. cit., pp. 62-63.

94 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, p. 13.

95 Vigier, Religious Interests, op. cit., article 14. pp. 6-7.

96 Sous-comité 4, op. cit., p. 13.

97 Ibid.

98 Cf. Yehoshuah Ben-Arieh, Jerusalem in the 19th Century, Emergence of the New City, Jérusalem, 1986 ; du même, « Jérusalem sous Mandat britannique », in Ben-Arieh, op. cit., pp. 503-506 ; Ruth Kark, M. Oren-Nordheim, Jerusalem and its Surrounding : Neighborhoods and Villages 1800-1948, Jérusalem, 1995 (en hébreu).

99 Ruth Kark, M. Oren-Nordheim, Jerusalem and its Surrounding Neighborhoods and Villages 1800-1948, Jérusalem, 1995 (en hébreu).

100 UNA, DAG 13/3.0.1, Boîte 1, sans titre (par la suite : MacMichael).

101 MacMichael, op. cit., p. 2.

102 Rand, op. cit.

103 UNA, « Questions, of constitutional and international law », op. cit., pp. 1-7.

104 ISA, 93.03, 2270/1, Meeting of UNSCOP, 16 août 1947, p. 2.

105 ISA, 93.03, 2270/1, Meeting of UNSCOP, 18 août 1947.

106 UNA, « Questions of constitutional and international law », op. cit., p. 1.

107 Bunche, Outline, op. cit., IV, 2. p. 3.

108 Ibid., p. 4.

109 Charte des Nations Unies, article 76b : « ... les fins essentielles du régime de tutelle sont « b. favoriser le progrès politique, économique et social des populations des territoires sous tutelle ainsi que le développement de leur instruction ; favoriser également leur évolution progressive vers la capacité à s’administrer eux-mêmes ou l’indépendance, compte tenu des conditions particulières à chaque territoire et à ses populations, des aspirations librement exprimées des populations intéressées et des dispositions qui pourront être prévues dans chaque accord de tutelle... »

110 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, 1. p. 14 ; UNSCOP, rapport, op. cit., p. 30.

111 UNA, DAG 13/3.0. 1, Boîte 2, dossier « Religious interests, Holy Places and Jerusalem ».

112 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, pp. 14-17.

113 Urquhart, Bunche, op.cit., pp. 133-135.

114 Bunche, « Outline », op. cit., IV. 3., p. 4 ; Rand, op. cit.

115 ISA, 93.03, 2270/1, « meeting of UNSCOP », morning and afternoon sessions, 18 août 1947.

116 Bunche, « Outline », op. cit., IV, 4. p. 4.

117 MacMichael, op. cit., pp. 1-34.

118 Ibid., pp. 4, 8-9.

119 Sous-comité 4, op. cit., clause 13, p. 16.

120 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, clause 7, p. 15.

121 Ibid., clause 9, p. 15.

122 Ibid., clause 11, p. 16.

123 Mohn, « Jerusalem and the United Nations », op. cit., p. 450.

124 Ibid. C’est ce qui se dégage des corrections de sa main dans les brouillons gardés dans ses papiers. Papiers Sandström, op. cit., vol. 19, et du rapport final de la commission : UNSCOP, Rapport, op. cit., p. 63.

125 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, clause 18, p. 17 ; UNSCOP, Rapport, op. cit., p. 62, clauses 3. g) et 3. i).

126 UNSCOP, Rapport, op. cit., p. 67.

127 Bibliothèque de l’université d’Uppsala, Papiers Mohn.

128 Katz, Partner to Partition, op. cit., pp. 61-84 ; du même, « Zionism and Jerusalem – the Conflict of Priorities : Changes in Zionist settlement in the Jerusalem Vicinity, 1937-1948 », Israel Affairs,4,n° 4, été 1999, p. 133.

129 ISA, 93.01., 2270/12, Note on Jerusalem, août 1947 ; cf. ISA, 93.03, 2270/1, « Minute of a conversation between Mr. H. Vigier and Mr. A. Eban », 19.8.1947. et ibid., quelques autres rapports de l’équipe du lobby de l’Agence juive a Genève.

130 UNSCOP, Rapport, Vol. III, annexe A : Oral Evidence op. cit., p. 91. Dans le débat historiographique, le problème est de savoir s’il existait une position tactique reflétant le problème démographique du sionisme d’être une minorité en Palestine, ou une stratégie reflétant le manque d’importance comparative de la Jérusalem historique et religieuse dans le sionisme jusqu’en 1967. Je suggère qu’il s’agit d’une position tactique rendue possible par le manque d’importance relatif. L’accent est mis sur relatif. Moti Golani, « Aspirations/Espoirs et pragmatisme : La politique sioniste dans la question de Jérusalem, 1948-1967 », in Anita Shapira, 50 yrs..., pp. 267-296. Katz, op. cit., pp. 133-157 et le débat qui suit, pp. 158-168, ibid., Ben-Arieh, pp. 164-168.

131 Sous-comité 4, op. cit., pp. 2, 4. Dans son livre de 1949, le délégué guatémaltèque affirme que ses arguments sont exprimés pour des raisons tactiques, en vue d’un marchandage pour un État juif plus grand (Granados, op. cit., p. 243). Simic, le fédéraliste yougoslave, dans un mémorandum du 8 août, a le même argument laïque. Cf. UNA, DAG 13/3.0.1.

132 Sous-comité 4, op. cit., annexe 2, « Position of Delegations on the Question of the Administration of Jerusalem », p. 7.

133 Ibid., pp. 3-4, 8.

134 Ibid., annexe 3, I, p. 13.

135 Ibid.

136 Ibid.

137 Wasserstein, op. cit., p. 128.

138 Ibid.

139 Katz, « Les positions de la Grande-Bretagne, », op. cit., pp. 134-135.

140 MacMichael, op. cit. article XIII, p. 11, et son interprétation, p. 16.

141 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3, p. 15, recommandations 5, 6.

142 Papiers Sandström, op. cit., vol. 19.

143 Sous-comité 4, op. cit., annexe 3.

144 Papiers Sandström, op. cit., vol. 19, « Report of the working group on constitutional matters » (confidentiel), 23 août 1947, p. 6 et cf., UNA, DAG 13/3.0.1, Boite 1, dossier Memos of the Members of the Committee, Plan of Partition (Discussed by the Working Group on Constitutional Matters), pp. 8-9.

145 UNA DAG 13/3.0.0, Boîte 2, UNSCOP 47e session, pp. 62-63.

146 Granados, op. cit., p. 243.

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