Les institutions françaises en Palestine (1947-1949) : un facteur central dans l’établissement de la position de la France sur la question de la Terre Sainte
p. 407-434
Texte intégral
1Depuis la période des Croisades, la France possède en Terre Sainte, et plus particulièrement dans la région de Jérusalem, des dizaines d’institutions religieuses et culturelles. La position et l’influence de la France et de ces institutions dans la région se sont progressivement renforcées pendant la période du gouvernement ottoman, à la suite d’accords entre les gouvernements qui donnent à la France la position spéciale de protectrice des chrétiens et des Lieux saints chrétiens2. Outre la protection des chrétiens d’Orient, les Français reçoivent par le biais des Capitulations des droits particuliers pour les institutions de Palestine. Ces privilèges comprennent des exemptions de taxes et de droits de douane, ainsi qu’une autonomie des institutions religieuses et culturelles françaises. Ces dernières continuent de bénéficier de l’autonomie et de l’exemption de taxes et droits de douane pendant la période du mandat britannique, même si, à plusieurs reprises, Londres essaie d’agir là-contre3.
2Le lien historique profond de la France avec la Terre sainte et l’existence là d’institutions françaises sont en grande partie à l’origine des rapports négatifs que la France entretient avec l’entreprise de peuplement sioniste en Palestine. En effet, la France y voit clairement un danger pour son statut spécial là4. Cette appréciation négative provient aussi du fait de l’importance des intérêts français dans le monde arabe. Le Quai d’Orsay, institution dominante dans l’élaboration de la position de la France, manifeste une certaine hostilité à l’égard du sionisme parce qu’il y voit une menace pour la stabilité et la paix au Proche-Orient, mais aussi un danger pour la sauvegarde des intérêts français dans cette région5.
3Le Quai d’Orsay, traditionnellement pro arabe, se trouve alors confronté à un test sérieux en raison des changements qui affectent la carte mondiale des États et la politique intérieure française à la suite de la Seconde guerre mondiale. Les nouvelles circonstances historiques font qu’il existe un certain nombre d’éléments nouveaux à prendre en considération dans le cadre de la définition de l’intérêt national de la France de manière générale, et de l’intérêt de la France vis-à-vis de la question de Palestine en particulier. Les différents points de vue sont d’ailleurs fréquemment soulevés lors de discussions et de comptes rendus internes au Quai d’Orsay. Parmi les circonstances et les nouveaux acteurs, il s’agit principalement de souligner les développements suivants.
4La Shoah, qui a frappé de plein fouet le peuple juif, suscite des changements d’appréciation puisque l’on demande alors au Quai d’Orsay de s’y intéresser. La position du ministère des Affaires étrangères, jusque-là quasi unilatéralement pro arabe, n’est plus pertinente à la lumière des changements qui s’opèrent dans les relations entretenues par de nombreux Français avec la question de Palestine et du problème des réfugiés juifs. La catastrophe, la situation difficile des survivants provoquent une sympathie profonde dans les milieux politiques français, en particulier chez les socialistes, mais aussi dans l’opinion publique française en général6. Les actions clandestines perpétrées par les sionistes contre les Britanniques en Palestine suscitent en France une identification par association avec le combat des résistants français contre les Allemands. De plus, voir les Britanniques frappés à leur tour, eux qui viennent d’expulser définitivement les Français du Levant en mai 19457, donne naissance à une certaine satisfaction chez de nombreux Français. À l’instigation des dirigeants sionistes, et avec le soutien de différents groupements français, pour la plupart dans les cercles de la gauche et proches du ministère de l’Intérieur, la France devient la destination principale des acteurs de l’immigration secrète. Elle devient également le point de passage de milliers de réfugiés en route pour la Palestine. Provenant des territoires en leur temps occupés par les Allemands, ils passent désormais par les ports du sud de la France. Ces activités secrètes provoquent à leur tour de graves dissensions entre la France et la Grande Bretagne, le mécontentement des Arabes et des désaccords importants entre les ministères des Affaires étrangères et de l’Intérieur français ; ces déchirements connaissent leur point d’orgue au moment de l’affaire de l’Exodus8.
5De leur côté, les dirigeants sionistes commencent à courtiser la France de façon intensive afin d’obtenir son soutien politique. David Ben Gourion ou Moshe Shertok9 proposent à la France une collaboration basée sur des intérêts communs, comme le combat contre la Ligue arabe, la mise en place d’une domination chrétienne au Liban et l’affaiblissement de la position des Britanniques au Proche-Orient. Les leaders sionistes laissent aussi entendre qu’un État juif indépendant doit devenir un centre de culture francophone dans la région10.
6L’ébranlement du gouvernement français en Afrique du Nord, à cause du renforcement du mouvement national et des demandes d’indépendance des différents secteurs du Maghreb, fait peser des doutes quant au bien-fondé d’un soutien unilatéral français au monde arabe. En effet, le mouvement nationaliste en Afrique du Nord s’appuie sur la Ligue arabe, créée avec le soutien britannique en 1945, et dont le centre se trouve au Caire. Pour leur part, les États arabes se joignent naturellement à l’ardente propagande contre le gouvernement français en Afrique du Nord. Ce nouveau développement constitue un autre facteur pesant dans la balance des considérations du Quai d’Orsay et contribue à modeler sa position vis-à-vis de la Palestine. De plus en plus de ses agents sont d’avis qu’une victoire des Arabes dans le conflit qui les oppose là aux Juifs risque de créer un mouvement de contestation supplémentaire contre le gouvernement français en Afrique du Nord11. Différents représentants du Quai d’Orsay suggèrent alors en diverses occasions qu’une position plus équilibrée par rapport au sionisme permettrait à la France de gagner des avantages et de jouer un rôle de médiatrice dans le conflit12.
7La Guerre froide suscite de son côté la peur d’une mainmise soviétique sur une grande partie du monde. Elle a des conséquences internes en France, avec le renforcement du Parti communiste et du manque de stabilité politique, sociale et économique. La Guerre froide et la faiblesse du pays accroissent la dépendance de la France vis-à-vis de l’aide économique américaine incarnée par le Plan Marshall. Cette situation contraint la France à répondre aux pressions américaines sur la question de Palestine. Ainsi, Henri Bonnet, ambassadeur de France à Washington, met l’accent dans ses rapports sur cette dépendance de la France vis-à-vis de l’aide économique des États-Unis et conseille de répondre aux pressions du gouvernement et de suivre l’avis du public américain sur la question. Bonnet mentionne à l’envi les sympathies du public et du gouvernement américain vis-à-vis des demandes des sionistes visant notamment l’annulation des limitations à l’immigration en Palestine découlant du Livre blanc. Le diplomate met l’accent sur la puissance du lobby juif aux États-Unis et met en garde sur le fait que la continuation d’une politique unilatéralement pro-arabe de la part de la France peut pousser ce lobby à user de son influence pour faire entrave à l’aide économique américaine au bénéfice de la France. C’est pourquoi il conseille au Quai d’Orsay de voter en faveur du plan de partage en novembre 194713.
8Dans l’ensemble des raisons qui viennent d’être mentionnées, le sujet des institutions françaises devient un élément central pour déterminer la position du Quai d’Orsay par rapport à la question de Palestine. En effet, cette question devient un problème en soi, en particulier à partir du moment où le sujet de la Palestine accède au premier plan des discussions de l’ONU, à partir de février 194714. Dans la présente contribution, nous souhaitons de ce fait présenter l’influence des institutions françaises en tant qu’élément catalyseur de la politique de la France sur la question de Palestine, à partir du moment où elle est portée par les Britanniques devant les Nations Unies. À cet effet, nous nous intéresserons aux thèmes suivants : les institutions françaises et le plan de partage ; les institutions françaises et la question de l’internationalisation de Jérusalem ; les institutions françaises pendant la guerre d’Indépendance ; les institutions françaises et la reconnaissance de l’État d’Israël.
Les institutions françaises et le plan de partage
9En 1947, à la fin de l’époque du mandat britannique sur la Palestine, la France dispose d’environ soixante-dix institutions sur place, dont trente-six écoles accueillant plus de 8 000 élèves. À Jérusalem seule, la France possède quarante institutions culturelles et d’enseignement, des hôpitaux et autres institutions charitables. Il ne s’agit ici que des institutions catholiques françaises, sans parler des établissements juifs du type de ceux gérés par l’Alliance Israélite Universelle15.
10L’annonce par les Britanniques, en février 1947, de leur intention de transmettre aux Nations Unies le traitement de la question de la Palestine et ainsi la perspective de la fin du mandat britannique provoquent au Quai d’Orsay un mélange d’espoir et de craintes. Les agents du ministère espèrent d’un côté que le vide qui doit se créer au départ des Anglais permette à la France de retrouver son statut spécial dans la région. D’un autre côté, ils redoutent que les circonstances nouvelles ne s’accompagnent au contraire d’une atteinte aux droits de leurs institutions. En raison de l’importance des liens entre ces institutions et la France, des employés du Quai d’Orsay commencent à mettre en place une activité diplomatique intense afin de s’assurer que soient reconduits par le régime qui succédera aux Britanniques les droits des institutions. Ainsi, la délégation française à l’ONU souligne devant la Commission spéciale de l’ONU (UNSCOP)16, créée en avril 1947, l’importance des relations de la France avec ses institutions en Terre Sainte. Elle va même jusqu’à assurer que ce lien avec la Terre Sainte a eu une influence importante sur l’histoire nationale de la France17.
11Notons d’emblée que, en dépit de l’importance que les Français apportent à la conservation des droits de leurs institutions, ils ne préoccupent pas de la même façon des institutions de l’AIU. Dans un document interne, émanant apparemment du Consulat général de France à Jérusalem, le rédacteur insiste sur le fait que les institutions de l’Alliance en Palestine ne bénéficient pas de l’immunité puisqu’elles ne figurent pas dans les accords passés en leur temps avec la Turquie. De plus, il laisse entendre que la question des institutions de l’AIU n’est pas aussi importante aux yeux des Français que celle des institutions catholiques18.
12Les Français justifient leur demande auprès de la commission de l’ONU – visant à la prolongation des privilèges particuliers des institutions françaises – au nom de la contribution philanthropique spécifique de ces institutions au niveau de vie et au développement intellectuel et matériel des populations de la région19. En effet, lorsqu’elle s’adresse à des cercles externes, la France met en relief le côté désintéressé de ces institutions ; alors que dans des documents internes, on insiste sur leur importance, dans la mesure où elles permettent à la France d’exercer une influence réelle sur la région.
13La « cheville ouvrière » dans le combat français visant à conserver le statut des institutions françaises en Palestine est René Neuville, le Consul général de France à Jérusalem depuis 1946, diplomate et archéologue chevronné20. Neuville considère, en effet, que les institutions françaises représentent les principaux intérêts de la France en Palestine. Dans un télégramme envoyé en avril 1947 au ministère des Affaires étrangères, il souligne ainsi que « dans un pays où nous n’avons que des intérêts économiques insignifiants et des intérêts politiques très secondaires, mais dans lequel une longue tradition nous a légué de très importants atouts culturels, la création d’un État juif indépendant ne nous laisserait que la consolation de payer quelques subventions »21. Dans un document d’août 1948, dans lequel Neuville relate une rencontre avec le médiateur de l’ONU, le Comte suédois Folke Bernadotte, le Consul général de France met l’accent auprès du ministère des Affaires étrangères français sur les nombreux intérêts que la France possède grâce à ces institutions. Neuville s’exprime en des termes évidents d’intérêt politique. Il pense que les nouvelles circonstances créent pour la France une occasion de retrouver sa position de protectrice des Lieux Saints, dans la mesure où les différentes rivalités ont cessé d’exister en ce domaine. D’après lui, la Grande-Bretagne, bien qu’elle ait expulsé la France quelque 25 années plus tôt, a pour dorénavant d’autres préoccupations. Il assure de plus que le Vatican doit pour sa part faire preuve d’indifférence vis-à-vis de ce sujet, et que l’Espagne et l’Italie, volontairement ou non, se tiennent éloignées de cette scène. Il conclut enfin en indiquant que les Arabes chrétiens pressentent déjà qu’ils vont être délaissés par les puissances chrétiennes. En conséquence, il voit là l’occasion pour la France de les soutenir, et donc de renouveler l’influence française dans la région22.
14Au départ, Neuville s’oppose à la création d’un État juif, car selon lui, il doit mettre en péril l’existence des institutions françaises. Il présente les raisons de son opposition en donnant des arguments non dénués d’un certain anti-judaïsme. Il met tout d’abord en garde quant au fait que l’État juif qui peut être créé risque d’être un État fanatique, nationaliste et xénophobe qui s’oppose aux institutions non-juives. Il accompagne son opposition d’une description peu flatteuse du Juif : « Tant qu’il se sent faible ou isolé, le juif – dont vingt siècles de persécutions ont modelé la nature psychique, ne laisse rien paraître de ces sentiments [chauvinisme, fanatisme – T.H.], il est tolérant, démocrate, humain. Mais dès qu’il se sent le maître, ou en passe de le devenir, il laisse présager de manière non équivoque l’avenir que les non-israélites auraient dans un État juif indépendant23. » De fait, selon les sombres prévisions de Neuville, les habitants arabes d’un État juif deviendraient les ouvriers et les esclaves, et les couches supérieures intellectuelles et économiques parmi cette population disparaîtraient en raison de l’action des Juifs à leur encontre. Le résultat, du point de vue de Neuville, doit être que les institutions françaises perdront alors leur principale clientèle. Par ailleurs, Neuville s’oppose tout autant à la création d’un État arabe homogène et indépendant, voyant aussi qu’une tendance xénophobe dans un tel pays doit affecter les institutions françaises. Il dessine ainsi un tableau sombre, dans lequel seuls les Arabes catholiques restent fidèles à ces institutions, et ceci à la condition que la majorité musulmane, qui n’apprécie guère la France, leur permette d’exister. Le Consul général conclut de tout cela que la France doit obligatoirement s’opposer à la création des États aussi bien juif qu’arabe, afin de protéger l’existence des institutions françaises, bases de l’influence de la France dans la région. En guise de substitution, il préconise la création d’un régime sous tutelle internationale, qui garantisse la sécurité des Lieux Saints24.
15En août 1947, le rapport de la commission de l’UNSCOP est publié. Il comprend le rapport de la minorité, préconisant la création d’un État fédéral en Palestine, et celui de la majorité, promouvant pour sa part la création de deux États indépendants, l’un juif et l’autre arabe. Le rapport majoritaire favorise par ailleurs la création d’une zone internationale autour de Jérusalem. Le 11 octobre 1947, les États-Unis annoncent leur intention de soutenir le rapport majoritaire ; et le 13 octobre, l’URSS fait de même. À l’approche du vote décisif qui doit avoir lieu lors de l’Assemblée générale de l’ONU, une intense dispute interne se réveille en France quant à sa position dans la région et aux actions qu’il lui faut entreprendre saisir pour la conserver, ainsi qu’à propos des différentes considérations et pressions opposées. D’un côté, on note les pressions et les considérations arabes en vue d’un vote défavorable, ou tout au moins une abstention ; de l’autre, d’autres considérations penchent en faveur du partage25.
16Un mois environ avant le vote à l’ONU du 27 novembre 1947, Neuville envoie un rapport à son ministre dans lequel il annonce avoir changé d’avis concernant la création de deux États indépendants en Palestine. Il est en effet passé directement d’une opposition farouche au plan de partage à une recommandation formelle de voter en sa faveur. Il explique son revirement de la façon suivante : le plan majoritaire convient aux principaux intérêts de la France, liés à la conservation des privilèges des institutions françaises et à la sécurité des Lieux Saints chrétiens26. Il élabore plus avant sa nouvelle opinion dans un nouveau rapport en date du 10 novembre. Il y souligne que l’élément le plus important dans le plan de partage est l’assurance que la zone autour de Jérusalem et Bethléem soit internationale. Il ajoute que cette zone est en effet vitale pour l’existence des institutions françaises, et partant pour le statut de la France en Palestine. Il s’oppose enfin résolument à ce que ces institutions soient placées sous un gouvernement juif, qu’il perçoit, comme nous l’avons vu, comme un État potentiellement fanatique qui doit mettre à mal ces établissements. Il poursuit en indiquant qu’un tel État n’accepterait pas un tel coup porté à sa souveraineté – à savoir l’octroi de privilèges particuliers aux institutions françaises. À son avis, seule la création d’une zone internationale séparée à Jérusalem et dans les environs (le corpus separatum) doit permettre de conserver les intérêts particuliers de la France dans la région. Au total, ces considérations rendent judicieux un vote de la France en faveur du plan de partage, malgré ses défauts27.
17Il ressort de tout cela que bien que Neuville eût certainement préféré que toute la Palestine soit placée sous contrôle international, il est désormais prêt au compromis envisageant la création d’une zone internationalisée à Jérusalem et dans sa région seulement. C’est pourquoi il conseille en définitive de soutenir le plan de l’UNSCOP, qui comprend justement la création d’une zone internationale de cette nature. Neuville pense en effet que celle-ci assurerait la sécurité des institutions françaises et des Lieux Saints de la chrétienté. De plus, il faut souligner que Neuville a également compris que la demande de la France visant à conserver les privilèges de ses institutions pourrait pâtir de l’atteinte qu’elle doit constituer à la souveraineté d’un futur État juif.
18Les rapports et les conseils contradictoires de Neuville ont pour résultat d’augmenter encore la confusion dans les cercles du ministère français des Affaires étrangères en ce qui concerne la question de la Palestine. Neuville, par exemple, place en effet les considérations concernant les institutions françaises comme principale priorité par rapport à la considération « arabe ». Ses calculs concernant la position des institutions françaises dans la région et l’importance de l’internationalisation de Jérusalem et des Lieux Saints ont semble-t-il un certain poids dans les réflexions qui mènent au vote français en faveur du partage. Nous n’avons certes pas trouvé de document exprimant de façon claire le lien entre les remarques de Neuville et le vote de la France à l’ONU du 29 novembre 1947. Cependant, la politique suivie par la France en ce qui concerne la question des institutions en Palestine et celle de l’internationalité de Jérusalem, selon toute vraisemblance – étant donné ce qui se produit ultérieurement – indique que ces considérations occupent une place importante et centrale et modèlent effectivement la politique de la France.
Les institutions françaises et la question de l’internationalité de Jérusalem
19Les conseils que Neuville adresse au Quai d’Orsay sont formulés de façon très claire et clament qu’il est nécessaire pour la France que soit créée une zone internationale dans la région de Jérusalem et de Bethléem28. Comme il l’écrit, « Il me paraît difficilement contestable que nous ayons tout intérêt à l’instauration sur la région des Lieux Saints proprement dits (Jérusalem, Bethléem), où sont concentrés la plus grande partie de nos intérêts matériels et moraux, d’un régime aussi strictement international que possible. »
20Au nom de l’importance que la France portait aux intérêts liés à ses institutions, elle décide donc de s’impliquer et de prendre des initiatives discrètes à l’ONU afin de s’assurer de la création de cette zone internationale29. Au cours des discussions tenues aux Nations Unies concernant cette question, la France joue un rôle central et exerce une grande influence sur le modelage de la constitution de Jérusalem. La France est par ailleurs très active pour trouver une solution aux problèmes de sécurité à Jérusalem30. Ultérieurement, les Français affirment que l’existence des institutions françaises donne une légitimation à l’exigence d’une internationalisation de Jérusalem. Ce point de vue est très clairement illustré par un document datant de la fin de l’année 1949. Dans cette note, le vice-Consul de Jérusalem, Jean Deciry, s’élève contre l’intention des Bénédictins français de fermer leur séminaire syro-catholique de Jérusalem. Deciry y assure que l’influence des bénédictins sur leurs élèves a jusque-là été d’une telle qu’elle a permis à la France d’illustrer son statut de protectrice de la religion catholique en Orient, comme elle a permis à la langue française de pénétrer et au français d’être utilisé en tant qu’outil de propagande pour la France. Deciry indique encore que la fermeture du séminaire, si elle devait se produire, pourrait passer pour la preuve que le rôle spirituel de la Ville Sainte n’a plus importance pour la France, et qu’elle peut tout aussi bien implanter ses institutions dans d’autres endroits. Deciry est à l’inverse d’avis que la France ne peut plus protéger le principe de l’internationalité de Jérusalem à moins de prouver qu’elle y a des intérêts directs et liés à l’existence des institutions religieuses dans la ville31.
21La conception reflétée ici est que les institutions françaises servent et doivent continuer à servir de base pour asseoir l’influence française et qu’elles peuvent assurément donner une légitimation à la demande de la France pour l’internationalisation de Jérusalem.
Les institutions françaises pendant la première guerre israéloarabe
22Avec la création de l’État d’Israël, les institutions françaises sont directement impliquées dans le conflit qui oppose immédiatement ensuite Israël à ses voisins. Des institutions comme Notre-Dame de France, le Couvent des Sœurs de Marie Réparatrice, l’hôpital français Saint Louis32 sont situées sur des zones stratégiques et de fait, sont prises au milieu des échanges de feu entre les deux camps. Le bâtiment du Consulat général de France à Jérusalem est lui-même régulièrement pris entre deux feux et souffre des tirs de l’armée jordanienne. De nombreuses institutions françaises, en particulier à Jérusalem et dans la région, sont régulièrement occupées par les Arabes ou par les Juifs, et enregistrent à cette occasion d’importants dommages33.
23Le lien historique profond des Français avec leurs institutions et les Lieux Saints de la chrétienté – en plus des espoirs politiques qui en découlent – conduit à un combat diplomatique intense pour leur sauvegarde. Neuville en prend la direction. Il envoie ainsi de nombreuses lettres de protestation aux autorités israéliennes et de nombreuses plaintes au ministère des Affaires étrangères à Paris. Il dénonce vivement tous les dommages subis, exige que l’armée israélienne libère immédiatement les institutions françaises et qu’Israël paie des compensations à la France. Peu après le début des combats, suite à ses rapports sur les dégâts enregistrés par les institutions françaises, la France commence à envoyer des courriers aux gouvernements de Jordanie et d’Israël, dans lesquels elle se plaint que ses institutions soient transformées en otages entre les mains des Juifs et des Arabes. De plus, le gouvernement français souligne qu’il « ne saurait tolérer plus longtemps que se poursuive l’anéantissement d’une œuvre de civilisation plus que millénaire. » Enfin, la France avertit que si ses demandes demeurent lettres mortes, cela doit avoir des conséquences négatives sur les relations qu’elle entretient avec les pays destinataires de ses requêtes. Elle ajoute que dans son traitement futur de la question de Palestine, elle va prendre en compte les réactions des deux côtés face à ses exigences concernant les institutions françaises34. Dans un nouvel échange avec la Jordanie, la France demande à cette dernière de faire en sorte que la Légion arabe cesse ses tirs sur les établissements en question. La France se tourne même vers la Grande-Bretagne, lui demandant d’influer dans ce sens sur la Jordanie, son alliée35.
24Gabriel Bonneau, le directeur du département Afrique-Levant au Quai d’Orsay, s’adresse à son tour le 25 mai 1948 à Maurice Fisher, représentant d’Israël à Paris, afin qu’il transmette à son gouvernement la demande expresse de la France concernant l’évacuation de ses institutions par les troupes de l’État hébreu. Il ajoute qu’une demande du même type a été adressée aux Arabes, et que l’attitude des deux parties vis-à-vis des institutions françaises et leur volonté de les épargner des combats aura une influence certaine sur l’évolution de l’opinion publique française à leur égard36. Le même jour, Jacques Charreyron, le représentant français à Tel Aviv, interroge le ministre israélien des Affaires étrangères, Moshe Shertok, sur le respect des privilèges des institutions françaises. Ce à quoi le ministre lui répond être « soucieux et quelque peu débordé, soit par le travail, soit par les événements. Il m’a dit prendre bonne note de ma protestation, qui, il l’espérait, n’affecterait en rien les relations entre les deux États. Il m’a assuré qu’il s’efforcerait dès ce soir de communiquer avec Jérusalem et donnerait des instructions pour que soient respectées nos institutions. Mais, m’a-t-il dit, nous ne pouvons pas éviter la bataille et devons défendre la ville pierre par pierre. »
25Bien qu’il soit conscient de la difficulté de la situation, Charreyron, au cours de la même conversation, demande qu’Israël évacue l’hôpital français de Jérusalem dans lequel, au même moment, a lieu une bataille pour chaque pièce. Dans le rapport qu’il envoie au ministère des Affaires étrangères, il met l’accent sur le peu d’espoir qu’il a que les demandes françaises soient en effet respectées. Il réserve en outre une certaine dose de critiques à l’encontre de l’armée israélienne :
« Comme je terminais mon entretien en disant à mon interlocuteur que je venais d’apprendre que l’on se battait dans l’hôpital français pour chaque pièce et que je demandais que des ordres soient immédiatement donnés pour l’évacuation de notre établissement, Monsieur Shertok n’a pu que me répondre par un geste d’impuissance ; et je crois bien que c’est le mot impuissance qui s’applique aux hommes d’État d’Israël [...] au milieu des alertes et bombardements quotidiens de Tel Aviv, comment peuvent-ils donner des directives à une agence juive de Jérusalem dont ils sont à peu près coupés. Et lorsqu’il s’agit de donner des ordres à une armée à peine sortie de la clandestinité ou plutôt à des bandes armées... »37
26L’État d’Israël, qui vient juste de voir le jour, se trouve en effet placé devant un délicat dilemme. D’un côté, il doit assurer la préservation des institutions françaises qui se trouvent placées à des endroits stratégiquement clé, voire vitaux pour la protection de la ville juive ; de l’autre, certains leaders sont semble-t-il conscients que la question des institutions françaises est liée à la reconnaissance d’Israël par la France et à l’acceptation d’Israël au sein des Nations Unies, mais aussi à l’image dans le monde de tout ce qui est lié aux Lieux Saints et au combat pour éviter l’internationalisation de la Jérusalem juive38.Le ministère israélien des Affaires étrangères est en effet naturellement au fait de la sensibilité de ce sujet pour les relations entre la France et Israël. Il tente alors d’aller dans le sens des Français et d’apaiser les esprits. Ce sujet est par exemple abordé lors de la réunion du gouvernement provisoire du 30 mai 1948. À la suite de l’appel du gouvernement français à Israël, Shertok fait connaître son point de vue, à savoir qu’il faut répondre favorablement à la demande d’évacuer les institutions françaises, mais uniquement si ces positions ne constituent pas une nécessité militaire vitale ; et également à la condition que les Arabes s’engagent à faire de même. De plus, il est d’avis qu’il faut mener à ce sujet des pourparlers directs avec le Consul général de France39.
27En accord avec cette position, Walter Eytan, le directeur général du ministère des Affaires étrangères, et Haïm Berman, le secrétaire du département politique de l’Agence juive (à partir de juillet 1948 secrétaire général du ministère des Affaires étrangères) reçoivent, le 1er juillet 1948, une procuration du gouvernement pour diriger des pourparlers, avec le Consul de France, sur la destinée des institutions françaises occupées par l’armée israélienne40. Les premières tentatives israéliennes visant à une entente avec le Consul de France ne sont guère favorables, puisqu’elles provoquent une réaction très vive de sa part. Lors de la rencontre du 5 juillet 1948 avec Eytan et Berman, Neuville les met en effet en garde sur le fait qu’il n’est prêt à aucun compromis sur cette question. Il demande de façon comminatoire que l’on évacue immédiatement et intégralement les institutions françaises, en particulier l’hôpital et le couvent des Sœurs de Marie Réparatrice. Les délégués israéliens tentent pour leur part d’arriver à une formule de compromis, évoquant une évacuation aussitôt que la situation le permettrait. Ils expliquent à Neuville à l’appui de leur demande que le commandant de la Hagana41 assure que ces établissements représentent des endroits clés pour la défense de la Jérusalem juive, et que leur évacuation permettrait aux Arabes d’entrer dans la ville ; en foi de quoi, responsable de la vie de 90 000 Juifs dans la ville, le commandant ne peut guère répondre favorablement aux exigences de Neuville. Selon le rapport israélien, le Consul de France répond de façon très caustique. Il leur indique ainsi que la seule chose qui l’intéresse, ce sont les droits de la République française et non pas les vies des Juifs de la ville. Il va même, selon ce document, jusqu’à accuser les Juifs de se conduire d’une façon proche de celle de Hitler et des Allemands pendant la Deuxième guerre mondiale. Enfin, il avertit que tant qu’Israël ne changera pas sa position, la France ne reconnaîtra pas le pays.
28Walter Eytan met cette façon de s’exprimer sur le compte de l’état de nervosité et de tension du Consul, sans doute dû aux bombardements qui viennent d’affecter en partie le bâtiment du Consulat général de France à Jérusalem. Le diplomate israélien estime même que le Consul souffre d’une sorte de syndrome de persécution. Il est en effet persuadé que les bombardements du Consulat ont été prémédités par les Britanniques (un commandant britannique se trouvant alors à la tête de la Légion arabe). Eytan termine son rapport en déclarant qu’à son avis il n’est pas possible d’avoir une conversation raisonnable avec un homme dans l’état de Neuville. Outre ce rapport détaillé, Eytan expédie à Shertok un télégramme portant sur la rencontre, dans lequel il souligne que le ton employé par le Consul « était agressif jusqu’à l’injure ».42
29Les interlocuteurs de Neuville ne comprennent manifestement pas à quel point le Consul général de France est préoccupé du sort des institutions françaises en Palestine ; ils mettent en effet son attitude au compte de sa seule peur pour sa sécurité personnelle. Notons à cet égard que Dov Yossef, officier de liaison du gouvernement israélien auprès des délégués des Nations Unies en poste à Jérusalem et de la commission de conciliation du Conseil de sécurité, proclamant de lui-même entretenir de bonnes relations d’amitié avec Neuville, explique l’attitude de ce dernier d’une façon fort différente : « Neuville était un catholique très fervent et il avait un avis très tranché sur le rôle supérieur de la France comme défenseur de la foi catholique en Terre Sainte [...] Il se voyait comme choisi par la Providence pour tenir le rôle du sauveur de l’Église Sainte dans la ville Sainte »43.
30Parmi les propositions faites par Neuville, on trouve celle de transmettre la responsabilité de leur surveillance aux soins de la Croix Rouge et de nommer un officier de liaison israélien qui soit chargé du problème. De plus, Neuville propose de placer des officiers français dans les institutions en question, une fois évacuées par les deux parties ; Neuville étant en effet certain que les Arabes n’oseront pas pénétrer dans des institutions gardées par des officiers français. Les délégués israéliens, s’ils font montre pour leur part de nombreuses réticences face à ces propositions, acceptent malgré tout de les transmettre auprès de leurs supérieurs hiérarchiques44.
31À la fin du même mois, Maurice Fisher, de Paris, envoie un rapport selon lequel le Quai d’Orsay repousserait la proposition de Neuville relative à l’envoi d’officiers français dans les institutions de Jérusalem, préférant s’en tenir à sa position de protestation officielle, sans demander une évacuation immédiate des institutions45. Dans ce sens, un mois plus tard, en juillet 1948, Charreyron s’adresse une nouvelle fois au ministère des Affaires étrangères israélien en lui demandant de faire évacuer les institutions françaises. Dans sa lettre, Charreyron explique à Shertok que de leur côté les Jordaniens ont jugé opportun de quitter les institutions46. Le ministre, dans sa réponse, lui rappelle que les institutions françaises n’ont été occupées que parce qu’il n’y avait pas d’autre choix, à la suite d’offensives menées par les Arabes contre la population juive. Il ajoute que, malheureusement pour elles, ces institutions se trouvent en des endroits stratégiques et sont donc vitales pour la défense juive. Leur évacuation risque donc d’exposer la population juive à de grands dangers. Shertok donne ensuite l’exemple du bâtiment de Notre-Dame de France, dont l’occupation par ses troupes empêche effectivement les Arabes d’entrer dans le cœur de la ville juive. Il déclare aussi ne pas avoir confiance dans les déclarations des Arabes qui ont promis de ne pas s’emparer de ces institutions une fois qu’elles auront été évacuées par les Israéliens. Il termine son propos par la promesse solennelle que toutes les institutions françaises seront évacuées dès que la situation sécuritaire le permettra. Il apporte enfin l’assurance que tout gouvernement, y compris le français, aurait adopté la même politique s’il s’était trouvé dans la même situation que le cabinet israélien47.
32Les plaintes fréquentes que Neuville et les représentants français en Israël envoient au ministère des Affaires étrangères français – concernant les atteintes israéliennes visant les institutions françaises – remportent pour leur part en France des échos très importants. Même ceux que l’on peut considérer jusque-là comme des amis d’Israël ou qui se présentent comme tels, conseillent que l’on se préoccupe de ce problème. Abba Eban, le représentant d’Israël à l’ONU, rapporte ainsi qu’Alexandre Parodi, son homologue français, l’invite à une rencontre en juillet 1948, au cours de laquelle il souligne le fait que le non règlement de ce problème porte atteinte aux bonnes relations entre les deux pays. Parodi ajoute qu’à son avis les raisons stratégiques qui ont poussé à occuper les institutions françaises ne peuvent justifier les dégâts causés aux relations entre la France et Israël48. Plus tard, au cours du conflit, dans la guerre, lorsque les forces armées israéliennes n’évacuent toujours pas les institutions françaises alors que la situation militaire s’améliore, à leur profit, le mécontentement français va grandissant et les paroles des représentants français en Israël deviennent de plus en plus dures, et leur ton de plus en plus amer. Ainsi, Charreyron rencontre Gershon Hirsch (Avner), du ministère israélien des Affaires étrangères, le 6 novembre 1948, afin de se plaindre de brutalités et de harcèlement de l’armée juive vis-à-vis des chrétiens de Jaffa. Charreyron, dont les précédents rapports sont pourtant plutôt favorables à Israël, termine sur un ton très amer. Il affirme ainsi qu’après chaque victoire juive les droits des chrétiens sont de plus en plus touchés et qu’il devient de plus en plus difficile de protéger les intérêts des institutions françaises49. Il rapporte cependant qu’il existe entre Israël et la France des attentes communes et des liens culturels profonds, mais émet en même temps des doutes quant à la volonté d’Israël d’honorer les privilèges des établissements en question. Charreyron affirme encore que l’État juif doit faire un effort pour reconnaître aussi rapidement que possible les droits de ces institutions, puisque ce n’est qu’à cette condition que le pays sera finalement reconnu par la France. Il déclare enfin que d’un point de vue pratique, cela doit être accompagné de difficultés et de nombreux problèmes, en particulier du fait de la nature d’Israël, selon lui « un jeune État souverain, ambitieux et ultra-nationaliste », et, malgré ses dires, un « État religieux »50.
33Un autre document, non signé, envoyé au ministère français des Affaires étrangères en décembre 1948, décrit la situation déplorable de certaines institutions religieuses qui ont été placées sous contrôle israélien. Le rédacteur évoque ainsi le manque de nourriture et de médicaments, ainsi que des complots et des outrages de la part de la partie juive. Il reconnaît certes que le gouvernement israélien a donné des ordres afin que les droits des différentes communautés religieuses soient honorés ; mais il ajoute que ces instructions n’ont pas toujours été respectées sur le terrain et que dans les cercles dirigeants israéliens, on s’est comporté avec une certaine indifférence vis-à-vis de ce problème. De l’avis de l’auteur de ce document, il est désormais temps que le gouvernement français prenne en main la défense des chrétiens en terre d’Israël. Il termine en faisant remarquer que l’Israël souverain rend la vie plus difficile aux consuls français qui y sont en poste51.
34La question des institutions françaises en Israël est pour sa part également traitée par les journaux français, en particulier par la presse catholique. L’Aube, La Croix,ou L’Époque critiquent ainsi durement Israël pour avoir porté atteinte à ces établissements. Ils présentent à leur tour la position historique de la France et le fait qu’elle ne protège pas seulement les droits de ses institutions, mais aussi de manière générale ceux des chrétiens. Cette presse présente l’affaire comme une action d’Israël dirigée contre les chrétiens, et non pas comme le résultat d’une contrainte imposée par la guerre52.
35Dans ces circonstances difficiles, le ministère israélien des Affaires étrangères manifeste au bout du compte sa volonté de compenser la France en donnant de l’argent pour la réparation des dommages causés aux institutions françaises et ce, même avant la conclusion d’un accord final. Yéhouda Golan, du ministère des Affaires étrangères, non sans amertume, écrit à ce propos que Neuville a donné pour instruction aux institutions religieuses de ne pas accepter cet argent pris sur le budget du ministère des Affaires religieuses afin de réparer les bâtiments endommagés. Golan rapporte toutefois que seules les religieuses de l’hospice de Saint-Vincent de Paul ont suivi les indications du Consul53. Pour sa part, le gouvernement israélien tente de répondre aussi rapidement que possible aux plaintes des religieux : il donne ainsi de fermes instructions à l’armée en ce qui concerne la conservation des biens de l’Église54. Walter Eytan demande de lutter contre les vols commis par des soldats dans les institutions françaises aux mains de l’armée israélienne. Il l’écrit par exemple dans une lettre destinée au chef du département des opérations de l’armée, en avril 1949, en relation avec des actions honteuses ayant pris place dans l’établissement de Notre-Dame de France55.
36Confrontés à des plaintes acerbes, les Israéliens rétorquent qu’ils font tout leur possible pour que les droits et la sécurité des institutions françaises soient sauvegardés. Pour cette raison, ils manifestent leur mécontentement face au manque de compréhension dont la France fait à leur avis preuve vis-à-vis des besoins sécuritaires d’Israël, qui doit en l’occurrence lutter pour son existence. Ils sont ainsi furieux envers les comptes rendus envoyés par le Consul général de France, jugés par eux inexacts, un diplomate qui à cette occasion fait montre d’une rancune ouverte à leur égard ; leur vindicte se dirige aussi à l’encontre de ce qui leur semble être de l’ingratitude de la part des religieux qui occupent ces institutions. C’est le cas, par exemple, du rapport de Neuville faisant référence aux plaintes de la Mère supérieure de l’hospice de Saint-Vincent de Paul, où celle-ci demande, entre autres choses, qu’on remette à sa disposition les entrepôts de la route de Mamila qui appartiennent à son établissement. Selon la version israélienne, la religieuse n’est pas prête à faire preuve de compréhension et à admettre que les entrepôts ont été occupés afin d’éviter que des coups de feu ne soient tirés depuis la Vieille ville sur les soldats israéliens jusque-là contraints de passer par un chemin de contournement. Dans ce rapport, on se plaint également de ce que les religieux français n’apprécient pas les égards particuliers que leur réservent les autorités militaires. On précise encore que les religieux se sont plaints et ont émis des demandes en argent à propos d’une multitude de détails, même les plus infimes, et qu’ils ont exprimé toutes sortes de demandes excessives ; et ce alors même que les Israéliens essaient eu même moment de répondre à leurs besoins et leur offrent une aide financière généreuse56. Par ailleurs, les Israéliens font remarquer que les plaintes émanant des représentants français, et en particulier de Neuville, ne correspondent pas toujours à la réalité. Par exemple, ils s’empressent de démentir certains dires de Neuville qui accusent ouvertement Israël ; ils soulignent à cet égard que celui-ci est d’ailleurs immédiatement revenu sur ses plaintes, concernant en l’occurrence des accusations d’expulsion engagée à l’encontre des religieuses du couvent des Sœurs de Sion à Ein Kerem57. Dans un autre cas, Israël réagit à une lettre de Félix Vanthier, le vice-Consul de France à Tel Aviv, datant d’août 1948, relative à la destruction du couvent de Marie Réparatrice à Jérusalem. Dans sa réponse, le ministre des Affaires étrangères israélien réplique que la destruction a été l’œuvre des Arabes, qui l’ont d’ailleurs eux-mêmes reconnue58. Dans ces conditions, les représentants israéliens à Paris préparent un document général contenant une liste de tous les dommages perpétrés par les Arabes à l’encontre des institutions catholiques. Le but de ce document est clairement de prouver que les Israéliens n’ont occupé les institutions chrétiennes qu’en l’absence d’alternative, afin de défendre les populations juives contre les tirs d’artillerie effectués à partir des institutions religieuses chrétiennes59.
37Avec l’amélioration de la situation militaire et le durcissement des demandes de la France liant la reconnaissance d’Israël à l’évacuation des institutions françaises, au paiement de compensations pour les destructions et au maintien des privilèges spéciaux réservés à ces institutions, le sujet de l’évacuation de ces établissements devient toutefois plus concret.
La question de la reconnaissance d’Israël par la France
38Le 15 mai 1948, avec le départ définitif des Britanniques de Palestine, l’État d’Israël est proclamé et un gouvernement provisoire mis en place, avec à sa tête David Ben Gourion. Les deux grandes puissances, États-Unis et URSS, annoncent immédiatement reconnaître de facto la nouvelle entité, et elles sont suivies en cela par d’autres États. Immédiatement après l’annonce de cette proclamation, les États arabes pénètrent sur le territoire du nouvel État, dans l’intention déclarée de le détruire60.
39Au vu des développements qui viennent d’être décrits, la France se trouve confrontée au besoin de redéfinir sa position sur la question de Terre Sainte. Elle doit principalement prendre la décision de reconnaître, ou non, l’État d’Israël. Ce n’est certes pas un problème facile pour les responsables, en particulier pour les agents du ministère français des Affaires étrangères, soumis à des pressions venues de différentes directions : d’un côté celle de l’opinion publique, de l’Assemblée nationale et de la presse, souhaitant généralement une reconnaissance immédiate d’Israël ; et de l’autre, les pressions émanant des États Arabes et des diplomates français en poste au Proche Orient qui ne souhaitent pas que la France effectue cette reconnaissance61.
40Comme cela a déjà été le cas dans l’affaire du plan de partition, les considérations liées aux institutions françaises de Palestine prennent une place importante dans les hésitations de la France sur le choix du moment de la reconnaissance du nouvel État. Ainsi, quand les Français présentent aux Israéliens leurs demandes d’évacuation des établissements, à la suite des combats menés à Jérusalem, ils laissent entendre que, de façon générale, leurs relations avec le nouvel État vont être déterminées, entre autres, en fonction de la manière dont les Israéliens vont se conduire vis-à-vis de ces institutions. Dans un rapport du 28 août 1948, écrit par Yéhouda Golan, du ministère des Affaires religieuses et adressé à pour Walter Eytan, l’auteur rapporte ainsi que Neuville a expressément souligné que la reconnaissance d’Israël par la France dépend de la façon dont vont être garantis les privilèges des institutions françaises62. De la même manière, dans les journaux israéliens, on fait parfois état de d’informations suivant lesquelles la reconnaissance d’Israël par la France dépend effectivement des droits des institutions françaises en Israël. Par exemple, le 27 août 1948, Charreyron rend compte d’un article dans ce sens publié par le quotidien HaBoker. Et à la fin de son télégramme, le représentant français à Jérusalem s’interroge sur la véracité de ce qui n’est pour lui qu’une rumeur63. Nous n’avons pas trouvé la réponse que le ministère français des Affaires étrangères a envoyée à Charreyron à ce propos. Mais en septembre 1948, soit un mois plus tard, la France transmet à Israël, par l’intermédiaire de Claude de Boissanger, le représentant français au sein de la commission de conciliation, le message selon lequel la reconnaissance est liée aux moyens mis en place par Israël pour assurer les privilèges des institutions françaises64. Soulignons une nouvelle fois que, parmi tous les représentants français en Israël, l’homme qui combat le plus afin que la reconnaissance de l’État dépende du traitement de ces établissements, est le Consul général de France à Jérusalem, René Neuville. Dans le cadre de cette lutte en faveur de ce qu’il considère comme le principal intérêt de la France en Palestine, celui-ci va parfois jusqu’à se contredire lui-même, sinon démentir des messages émanant de ses collègues. Ainsi, en décembre 1948, Vanthier mentionne que ce qui retarde la reconnaissance, c’est la nécessité de prendre en considération les Arabes d’Afrique du Nord. Cependant, Neuville assure au même face à Yéhouda Golan que le Maghreb ne sert que de prétexte à la France. Il précise que certes cette justification a été avancée au moment de la discussion sur le partage, et que malgré tout, la France s’est prononcée en faveur de ce plan, sans d’ailleurs que cela ne provoque de difficultés en Afrique du Nord. Neuville assure au contraire que seul un accord sur le sujet de Jérusalem et des institutions françaises peut amener à la reconnaissance d’Israël par la France65.
41Le 19 janvier 1949, le service de presse du ministère français des Affaires étrangères publie une information selon laquelle la France s’apprête à reconnaître Israël. Il est précisé à ce moment que la France lie cette reconnaissance au résultat des discussions de conciliation qui sont sur le point de s’ouvrir à Rhodes, d’une part, et d’autre part aux décisions prises par le gouvernement israélien concernant la destiné des institutions françaises en Palestine et ses engagements à l’égard des Lieux Saints66. Cette question du lien entre la reconnaissance d’Israël par la France et les obligations d’Israël concernant les institutions françaises suscite, semble-t-il, la perplexité du côté du gouvernement israélien : il dément pour sa part que de telles discussions ont eu lieu. Cependant, dans les faits, les Français obtiennent une réussite certaine en l’occurrence sur ce point. Israël s’engage en effet à évacuer les institutions françaises occupées par l’armée israélienne, à les dédommager pour les dégâts matériels qui leur ont été causés, ainsi qu’à ouvrir des pourparlers avec le gouvernement français sur le statut de ces institutions, étant bien entendu que ce statut ne pourra être inférieur à celui des établissements similaires relevant d’autres États67. Dans les faits, cet arrangement sur les institutions françaises n’est pas un accord établi de façon officielle par les deux États. Il s’agit d’une entente de principe obtenue à la suite d’un échange de lettres entre Maurice Fisher, le représentant israélien à Paris, et Jean Chauvel, le secrétaire général du ministère français des Affaires étrangères. Il est prévu dans cette correspondance que les détails de l’accord doivent encore être précisés lors de pourparlers ultérieurs entre les deux gouvernements68.
42La volonté d’Israël d’aller en direction des vœux de la France en ce qui concerne les institutions françaises a en grande partie déterminé le calendrier de la décision de la France quant à sa propre reconnaissance de l’État juif. Il est également probable qu’il s’est agi, de la part de la France, d’une tentative de produire un avantage politique par un acte à propos duquel la décision a été prise plus tôt, en tenant compte de ce qu’il était important pour Israël que la France le reconnaisse. Quoi qu’il en soit, le 24 janvier 1949, la France reconnaît Israël de facto, après que ce dernier se fut engagé sur plusieurs points concernant les institutions françaises : Israël s’engage ainsi à évacuer toutes les institutions françaises occupées par Tsahal ; à verser des dédommagements pour les dégâts matériels causés par son armée ; à entamer des pourparlers avec le gouvernement français, avec pour base l’engagement de ne pas affecter les privilèges dévolus aux institutions françaises. Israël enfin répond favorablement aux demandes de la France, permettant à ses institutions de continuer à bénéficier d’une exonération de taxes et de droits de douane, tout comme de l’exemption du contrôle extérieur du ministère israélien de l’Éducation. En l’occurrence, on assure également à la France que l’enseignement de l’hébreu ne sera pas obligatoire dans ses établissements, et que l’on n’empêchera pas les élèves juifs d’y étudier. Cet accord ne touche que les établissements français chrétiens ; concernant les établissements de l’AIU, il est convenu que les écoles élémentaires doivent passer sous le contrôle d’Israël, alors que les lycées continueront d’être gérés par l’Alliance. De plus, l’organisation juive française continuerait de faire partie, conjointement avec l’administration israélienne, de la direction de l’école Mikveh Israël69.
43Malgré l’accord signé au sujet des institutions françaises, dans les faits, la mésentente entre la France et Israël à ce sujet n’est pas terminée. Par exemple, quelques mois plus tard, en mai 1949, Neuville envoie encore un rapport au ministre des Affaires étrangères français sur le fait que l’établissement de Notre-Dame de France est toujours occupé par les forces israéliennes. Neuville revient sur l’importance stratégique du lieu, tout en ajoutant que depuis que l’accord a été signé, un cessez-le-feu a été obtenu avec la Jordanie et qu’il n’y a plus aucune raison pour les Israéliens de maintenir leurs forces à cet endroit. Neuville accuse de plus les soldats israéliens d’outrages et d’avoir pillé et détruit ce qui pouvait encore l’être. Il souligne qu’on est arrivé à un accord seulement à la suite d’une initiative de Moshe Dayan, alors commandant de la région de Jérusalem, en vue d’une évacuation partielle des lieux ; mais il précise aussi que cet accord n’a pas été suffisant dans la mesure où il avait lui-même réclamé une évacuation complète. C’est pour cette raison qu’il s’élève contre la publicité faite autour de cet accord par le gouvernement israélien : non sans cynisme, il fait remarquer qu’en effet le gouvernement israélien sait tirer profit de ses propres gestes en en faisant une grande publicité70.
44Le désaccord au sujet des institutions françaises se poursuit après l’accord de janvier 1949. Émile Najar, du ministère israélien des Affaires étrangères, critique ainsi avec véhémence la correspondance concernant les institutions françaises et ce, trois ans après leur signature. Najar assure que, plus que régler les choses, cet accord créé de nouvelles et nombreuses possibilités d’incompréhension, dans la mesure où la France et Israël n’ont justement pas défini de façon précise les privilèges des institutions françaises, ce qui va être plus tard à la source de nouveaux désaccords71.
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45En conclusion, comme a voulu le montrer notre contribution, le sujet des institutions françaises en Terre Sainte a joué un rôle central dans l’affermissement de la position de la France sur la question de Palestine. Au Quai d’Orsay et au sein du gouvernement français, il n’existe pas de divergence quant à l’importance de ces institutions pour la France. Celle-ci provient de ce que la France considère qu’il s’agit là d’un moyen de consolider sa position et de retrouver son influence dans la région. C’est vrai aussi de l’opinion publique qui se montre très préoccupée par la destinée de ces établissements. Il semble donc que l’on ait un consensus général en France concernant l’importance de ces institutions et la nécessité de les défendre. Le mélange entre ces aspirations et des intérêts politiques avec la forte sensibilité du lien historique donne naissance à des motivations puissantes et influence grandement la position et la politique de la France autour de la question de Palestine.
46Partant, les frictions entre la France et Israël autour de la question des institutions françaises détériorent les relations entre les deux pays dans les premières années qui ont suivi la création de l’État d’Israël.
Notes de bas de page
1 Cet article se base sur notre thèse de doctorat « La France, le Yishouv juif en Eretz Israel et le judaïsme français 1945-1949 », sous la direction du Prof. Shimon Schwarzfuchs, Université de Bar Ilan, 1995 (en hébreu). Cette recherche est parue en hébreu aux éditions du ministère de la Défense ; elle a fait l’objet d’une traduction française : Entre Paris et Jérusalem : La France, le sionisme et la création de l’État d’Israël 1945-1949, Paris, Honoré Champion, 2003.
2 Sur la France et les lieux Saints, voir Bernardin Collin, Les lieux Saints, Paris, PUF, 1962. Dès 1740, un accord a été signé entre le gouvernement ottoman et la France, conférant à cette dernière le droit de protéger tous les chrétiens latins ainsi que leurs institutions. Petit à petit, ce privilège a été élargi pour englober, en plus des catholiques, d’autres chrétiens orientaux.
3 Sur le statut des institutions françaises pendant la période du Mandat, voir archives du ministère français des Affaires étrangères, Paris (par la suite : MAE), série Nations-Unies (par la suite : NUOI) 40, Le Conseiller de l’Ambassade chargé du Consulat général de France à Jérusalem, au Premier ministre et ministre des Affaires étrangères Paul Reynaud, 6.5.1940, n° 48 ; ibid. NUOI 210, Neuville au secrétaire général du gouvernement mandataire, 20 novembre 1947, n° 190, sur l’atteinte du gouvernement mandataire au droit de gens de religion français d’être exonérés de droits de visa ; ibid. NUOI 218, Neuville au ministre des Affaires étrangères, 10 décembre 1947, n° 1183 ; archives d’État d’Israël (par la suite : ISA), archives du ministère des Affaires étrangères, 172/9, rapport du ministère des Affaires étrangères israélien, 27 janvier 1949.
4 Catherine Nicault, La France et le sionisme 1897-1948, Paris, Calmann-Lévy, 1992, pp. 28-29.
5 MAE, Secrétariat des Conférences, 21 avril 1945.
6 Sur les rapports entre les socialistes et les réfugiés juifs et l’immigration illégale, voir Idit Zartal, « Le lien socialiste : les socialistes français et le parti socialiste – leur rapport avec le sionisme à la veille de la création de l’État », in Yahadout Zmanenou, 5, pp. 192-193 (en hébreu). Sur les journaux et l’opinion publique, voir David Lazar, L’opinion française et la naissance de l’État d’Israël 1945-1949, Paris, Calmann-Lévy, 1972 ; Jacques Dalloz, La création de l’État d’Israël, Paris, La Documentation française, 1993.
7 Archives Nationales, Paris (par la suite : AN, Paris), FIA-3347, Rapports des renseignements français de la Sûreté Nationale sur la question de Palestine, 24 juillet 1946.
8 Idit Zertal, L’or des juifs, Sifryat Ofakim, Am Oved, 1996 (en hébreu) ; Tsilla Hershco, La France, le Yishouv juif en Eretz Israël..., pp. 37-53 ; AN, Paris, F7/15589 (Renseignements généraux), juin 1950 (dossier entièrement consacré au sujet de l’immigration des réfugiés juifs en Palestine).
9 Moshe Shertok prend le nom de Sharett au mois d’août 1948.
10 MAE, NUOI 40, Rapport sur les discours de Shertok, 4 septembre 1945, Archives de l’armée israélienne 139/83/19, Journal de Ben Gourion, 15 mai 1945.
11 MAE, NUOI 211, Neuville à Bidault, 4 avril 1948, n° 302.
12 MAE, NUOI 211, Parodi, 5 mai 1948 ; AN, Paris, 457AP2, Parodi, 6 mars 1947, n° 570.
13 MAE, NUOI 210, Bonnet au ministre des Affaires étrangères, 25 novembre 1947, n° 3601-3606 ; Ibid. Bonnet au ministre des Affaires étrangères, 25 novembre 1947, n° 3613 ; Ibid. Bonnet au ministre des Affaires étrangères, 26 novembre 1947, n° 3623-3624.
14 Sur l’activité politique concernant la question de Palestine, sur les efforts visant à arriver à une solution, et sur l’enveniment du conflit jusqu’à la décision des Britanniques de porter le problème de Palestine devant les Nations Unies, voir Michael J. Cohen, Palestine and the Great Powers, 1945-1948, Princeton, Princeton University Press, 1982.
15 MAE, NUOI 218, La délégation française à l’ONU, 22 novembre 1947 ; Ibid. Neuville au ministre des Affaires étrangères, 10 décembre 1947, n° 1183 ; MAE, N.U.I.O. 210, Secrétariat de la commission au secrétariat général, 10 février 1948 ; ISA, 170/11 I, ministère des Affaires étrangères, Les lieux Saints en Israël.
16 United Nations Special Committee on Palestine. Voir aussi la contribution de Dan Bitan dans le présent volume (NdE).
17 MAE, NUOI 210, Neuville, 20 juin 1947, n° 362-365 : Neuville y explique qu’il a fait passer à la commission une liste de toutes les institutions françaises ; NUOI 218, La délégation française à l’ONU, 22 novembre 1947 ; Ibid., Neuville, 10 décembre 1947, n° 1183.
18 MAE, NUOI 218, La délégation française à l’ONU ; MAE, NUOI 210, du secrétariat de la commission au ministre des Affaires étrangères, 10 février 1948.
19 Ibid., NUOI 218, La délégation française à l’ONU, 22 novembre 1947.
20 René Neuville a déjà été en fonction au Consulat général de France à Jérusalem de 1928 à 1937. Voir à ce propos Dominique Trimbur, « Heurs et malheurs d’un Consul de France à Jérusalem, Amédée Outray, 1938-1941, Bulletin du Centre de Recherche de Jérusalem, n° 2, pp. 53-75, 1988 [à propos de Neuville et de son caractère généralement représentatif de l’attitude des diplomates français à l’égard de la question de Terre Sainte, voir également, du même : « Les acteurs de la politique palestinienne de la France, 1901-1948 », in Michel Abitbol (dir.), France in the Middle East – Past, Present, and Future, Jérusalem, Magnes Press, 2004, pp. 55-97 ; et du même « Les Français et les communautés nationales de Palestine au temps du mandat britannique », in Peter Sluglett, Nadine Méouchy (dir.), The British and French Mandates in Comparative Perspectives, Leiden, Brill, 2004, pp. 269-301, NdE].
21 MAE, NUOI 210, Neuville au ministre des Affaires étrangères, 12 avril 1947, n° 364.
22 Ibid., NUOI 212, Neuville, 11 août 1948, n° 1141-1143.
23 Ibid., Neuville au ministre des Affaires étrangères, 12 avril 1947, n° 364.
24 Ibid.
25 Tsilla Hershco, op. cit., pp. 54-74.
26 MAE, NUOI 210, Neuville au ministre des Affaires étrangères, 30 octobre 1947, n° 1075.
27 Ibid., Neuville au ministre des Affaires étrangères, 10 novembre 1947, n° 732-733.
28 Ibid., NUOI 210, Secrétariat de commission au ministre des Affaires étrangères, 10 février 1948.
29 Ibid., 210, Secrétariat de commission, 25 février 1948.
30 Tsilla Hershco, op. cit., pp. 99-143.
31 MAE, NUOI 225, Deciry, Vice-Consul de Jérusalem au ministre des Affaires étrangères, 17 octobre 1949, n° 578.
32 Établissements tenus par des religieux et religieuses français, situés aux abords immédiats du coin nord-ouest de la muraille de Jérusalem, à ce moment à la ligne de front entre les parties juive/israélienne et arabes : Notre-Dame de France sera endommagé, le couvent de Marie Réparatrice effectivement détruit lors des combats (NdE).
33 ISA, 2413/11. Le P. Pascal Saint Jean, Supérieur de Notre-Dame de France, 19 mai 1948. Le P. Pascal Saint Jean, dans son rapport, décrit comment les Arabes ont occupé son établissement le 14 mai 1948, immédiatement après le départ des Britanniques. Il indique que les Arabes ont saccagé l’endroit, qui est ensuite passé de main en main, jusqu’à ce qu’il soit définitivement conquis par les Israéliens le 19 mai 1948. Ibid., Eitan Weberman à Sharett, 26 mai 1948 : l’auteur du document précise que les dommages causés aux institutions françaises sont nombreux, qu’ils ont été causés principalement par les Arabes, mais en partie aussi par les Juifs. Il conseille de laisser entendre au Consul général qu’après leur victoire, les Israéliens vont se mettre d’accord avec les Français sur la réparation des méfaits : une précision qui indique, outre la foi en la victoire, la perception nette par les agents du ministère israéliens des Affaires étrangères de la nécessité d’une compensation.
34 MAE, NUOI 225, Chauvel, 23 mai 1948 (Jean Chauvel est alors secrétaire général du Quai d’Orsay). ISA, 170/11, 24 mai 1948, Télégramme du ministère des Affaires étrangères à la délégation française aux Nations Unies.
35 MAE, NUOI 217, Neuville à Dumarçay, 23 mai 1948, n° 123 (Jacques Dumarçay est le représentant français en) ; Ibid., Chauvel, 26 mai 1948, n° 2247-2248 ; Ibid., Dumarçay, 24 mai 1948, n° 109-110 ; Ibid., Dumarçay, 28 mai 1948, n° 124-126.
36 Ibid., Bonneau, 25 mai 1948.
37 Ibid., Charreyron, 25 mai 1948 ; n° 162-165. À propos des autres demandes de la France quant à l’évacuation de ses institutions, voir ibid., direction de l’Afrique et du Levant aux Consulats de Tel Aviv et de Jérusalem, 27 mai 1948. ISA, 2413/11, Shiloah (Reuven Shiloah, du ministère des Affaires étrangères) à Eitan Weizioni (probablement Shaltiel), 30 mai 1948, et ibid., Berman Loslani (Reuven Shiloah), 30 mai 1948. Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, 1, mai 1948 – septembre 1948, Charreyron à Shertok, 29 mai 1948, document n° 11, pp. 99-100 (en hébreu).
38 ISA, 2540/3, sans nom d’auteur et sans date, document israélien comprenant la liste de toutes les institutions françaises à Jérusalem. En dehors de celles-ci, la France possède des institutions entre autres à Nazareth, Sephoris, Jaffa, Haïfa, Ramallah, St Jean d’Acre et Abou Gosh. Voir ibid., 179/5, I. Tzur (I. Tchernovitch) 5 septembre 1948. À propos du combat israélien pour éviter l’internationalisation de la Jérusalem juive, voir Tsilla Hershco, op. cit., pp. 242-264.
39 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, 1, mai 1948 – septembre 1948, Shertok à Ben Gourion, 31 mai 1948, document n° 122, pp. 107-108. ISA, 2413/11, ministre des Affaires étrangères au ministre de la Défense (Ben Gourion), 31 mai 1948, ibid., note 2, p. 107.
40 Ibid., note 3, page 10. ISA, 2413/11, Shertok à Eytan, 1er juin 1948.
41 Ils veulent sans doute parler de David Shaltiel, commandant du district de Jérusalem.
42 ISA, 2540/1, télégramme urgent, Eytan à Shertok, 5 juin 1948. Plus tard, en novembre 1948, Neuville se plaint auprès des Israéliens des bombes qui explosent à proximité du Consulat, causant des dégâts dans le bâtiment. Dov Moshel, le gouverneur militaire de la ville, démentit pour sa part toute implication ou responsabilité à l’égard de bombardements dans cette zone. Voir : ibid., Neuville à Bernard Yossef, 7 novembre 1948 ; Ibid., Bernard Yossef à Neuville, 11 novembre 1948.
43 Dov Bernard Yossef, Kiria Nehemana, Tel Aviv, Shoken, 1960, pp. 271-273.
44 ISA, 2540/1, Eytan sur sa rencontre avec Neuville, 5 juin 1948 ; Archives sionistes centrales, S25/6595, Walter Eytan, 5 juin 1948.
45 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, 1, Fisher à Shertok, 27 juin 1948, document n° 238, p. 230.
46 Ibid., note 1, p. 352. Charreyron se plaint aussi de perquisitions qui auraient eu lieu dans les bâtiments du Consulat de France à Haïfa, ainsi que dans le couvent de Notre Dame de Nazareth dans la même ville : ISA, 2540/3, protestations de Charreyron, 6 juillet 1948.
47 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, Shertok à Charreyron, 18 juillet 1948, document n° 344, pp. 352-353.
48 Ibid., 1, Abba Ebban à Fisher, 29 juillet 1948, documents n° 342, p. 428.
49 MAE, NUOI, 213, Charreyron, 6 novembre 1948, n° 523-526.
50 Ibid., Charreyron, 20 septembre 1948, n° 23.
51 Ibid., NUOI 225, 12 décembre 1948, rapport sur la situation des institutions religieuses qui se trouvent sous contrôle israélien.
52 L’époque, 17 juillet 1948 ; L’Aube, 18 septembre 1948 ; La Croix, 6 novembre 1948, 21/22 novembre 1948.
53 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, 1, conversation entre Fisher et Schuman, 15 août 1948, document n° 454, pp. 522.523. Robert Schuman est alors le ministre français des Affaires étrangères. Ibid., Fisher au département Afrique-Levant, 6 septembre 1948, remarque 2, p. 260 ; ISA, 2521/15, Fisher au département Afrique-Levant, 6 septembre 1948 ; ibid., Fisher à Gershon Hirsch, 23 janvier 1949 ; ibid., 2540/3, Golan à Gershon Hirsch, 10 février 1949.
54 Ibid., 170/111, Bernard (Dov) Yossef au Père Pascal St Jean, Supérieur de Notre-Dame de France, 6 septembre 1948.
55 Ibid., 2413/111, Walter Eytan au chef du département des opérations de l’armée, 7 avril 1949.
56 Ibid., 2413/11, Capitaine Brandt, 5 décembre 1948.
57 Ibid., 2540/3, Hirsch à Shertock, 25 juillet 1948 ; Ibid., Dov Yossef au Président de la Commission de la Trêve, 25 juillet 1948 ; Ibid., Fisher, 10 août 1948, 11 août 1948, 12 août 1948.
58 Ibid., 2540/3, Moshe Sharett, 3 août 1948 ; Ibid., 170/11, sans nom (sans doute Fisher), 10 août 1948.
59 Ibid., rapport sur les cas de dommages faits aux Eglises et aux institutions religieuses par les Arabes en mai 1948, 1er juin 1948. Ibid., extrait d’une chronique rédigée par un religieux de l’Institut Biblique Pontifical à Jérusalem, 30 mai 1948 : il décrit de quelle façon les Arabes ont transformé les institutions religieuses chrétiennes en base de tir contre les Juifs, comme la manière dont ils ont détruit des synagogues dans la Vieille ville : le religieux se demande si les Juifs se sont conduits de la même façon vis-à-vis des Arabes. Au vu de cette attitude, il considère que les Arabes ont perdu le droit de protester. Ibid., 172/15. Extrait de son journal du vendredi 18 juin 1948 : il rapporte les explosions de bombes arabes sur la ville juive et les nombreuses victimes qu’elles ont causées parmi les Juifs. Il décrit aussi la situation difficile dans laquelle se trouve la population civile à cause du blocus.
60 Sur la proclamation et ses circonstances, voir Michael J. Cohen, Palestine and the Great Powers, op. cit., pp. 379-390.
61 Sur la question de la reconnaissance de l’État d’Israël par la France, voir Tsilla Hershco, op. cit., pp. 86-98.
62 ISA, 2540/1 Golan à Eytan, 26 août 1948. Dans ce rapport, il est dit que Neuville a donné le nom d’Eytan comme celui de la personne qui a repoussé la mise en place de ces privilèges. Nous n’avons cependant trouvé aucune preuve de ce qu’il en est effectivement le responsable.
63 MAE, NUOI 217, Charreyron à Paris, 27 août 1948, n° 430-431.
64 MAE, NUOI 217, Directeur du département Afrique-Levant à Boissanger, 18 septembre 1948.
65 ISA, 2540/1, Golan à Hirsch, 21 décembre 1948 ; Ibid., services des renseignements. 29 décembre 1948, Rapport sur une tournée avec Vanthier sur le front, 21 décembre 1948.
66 MAE, NUOI 217, circulaire du ministère des Affaires étrangères, 19 janvier 1949, n° 12.
67 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, 2, octobre 1948 – avril 1949, note de l’éditeur, pp. 395-396. MAE, NUOI 217, circulaire de Chauvel, 26 janvier 1949, n° 10.
68 ISA, 1835/14, Fisher au ministre des Affaires étrangères français. 24 mars 1949. Ibid., Chauvel à Fisher, 31 janvier 1949.
69 Documents sur la politique étrangère de l’État d’Israël, octobre 1948 – avril 1949, conversation Herzog/Neuville. 9 décembre 1948, document n° 282 (à la fin du document, est inscrite la date du 24 janvier 1949, qui est la date exacte) ; ibid., note de l’éditeur, pp. 395-396. MAE, NUOI 217, circulaire de Chauvel, 26 janvier 1949, n° 10. Sur le statut des établissements de l’Alliance Israélite Universelle, voir André Chouraqui, L’Alliance Israélite Universelle et la Renaissance Juive Contemporaine, Paris, PUF, 1965, pp. 385-387.
70 MAE, NUOI 225, Neuville au ministre des Affaires étrangères, 3 mai 1949, n° 230.
71 ISA, 2521/15, Najar à Fisher, 15 septembre 1952. Émile Najar est le conseiller pour l’information à l’ambassade d’Israël à Paris. Sur les désaccords concernant cet accord, voir aussi ibid., 2540/9, 2540/10.
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De Balfour à Ben Gourion
Ce livre est cité par
- (2019) Les douze piliers d’Israël. DOI: 10.3917/perri.ayach.2019.01.0419
- (2013) Jérusalem 1900. DOI: 10.3917/arco.emire.2013.01.0233
- Ayache, Georges. (2019) Les douze piliers d’Israël. DOI: 10.3917/perri.ayach.2019.01.0051
- (2016) Jérusalem. DOI: 10.3917/flam.lemir.2016.01.0491
- Sanchez Summerer, Karène. Zananiri, Sary. (2021) European Cultural Diplomacy and Arab Christians in Palestine, 1918–1948. DOI: 10.1007/978-3-030-55540-5_1
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