L’Université hébraïque et les puissances européennes dans l’entre-deux-guerres
p. 223-289
Texte intégral
« ... Passer au filtre de l’esprit juif le meilleur de la culture de nombreux peuples et de nombreuses langues »*
1À l’instar de l’historiographie du sionisme, l’Université hébraïque de Jérusalem a longtemps été définie isolément, comprise seulement à l’intérieur du mouvement sioniste. Institution phare du projet de Herzl (elle figure parmi les réalisations les plus utopiques de son roman Altneulan1), elle a en effet longtemps été entendue comme une réalisation propre au sionisme, devant lui permettre de former ses propres élites. C’est particulièrement le cas lorsqu’il devient de plus en plus difficile aux Juifs de faire des études en Europe, en raison d’un antisémitisme ouvert ou larvé. C’est encore plus le cas lorsqu’il s’agit de créer un pôle culturel dans une région appelée à devenir un foyer national, en accueillant des personnes rejetées par leur pays de résidence2. Mais comme le sionisme en général, dont on reconnaît plus volontiers désormais les facettes influencées par l’étranger3, l’Université hébraïque de Jérusalem subit des ascendances étrangères. C’est particulièrement le cas dans les débuts de l’institution : fragile centre de recherches installé sur une colline aride, elle ne naît pas de rien, mais est bien le fruit des expériences des Juifs diasporiques qui en sont à l’origine, en particulier des Juifs allemands. Il existe bien une identité de départ, inspirée d’un modèle antérieur, qui fait l’objet de la première partie de cette étude.
2Cette structure initiale ne peut toutefois se maintenir au fil des années. Le modèle qui inspire l’Université hébraïque n’est certes déjà pas complètement respecté dans un premier temps ; en outre, il subit des attaques une fois que l’établissement est effectivement institué. En dépit de son caractère particulier, lié à la destinée du Yichouv, s’insérant dans une Palestine mandataire à dominante britannique, l’Université hébraïque ne demeure pas isolée du contexte politique de la Palestine de cette époque. C’est clair en ce qui concerne les événements confrontant les Juifs et les Arabes, avec un campus placé à l’écart de la nouvelle ville et rendant particulièrement exposé le passage des étudiants. Mais elle s’inscrit toutefois dans une certaine continuité : celle d’établissements d’origines diverses, charitables, scolaires et scientifiques, mis en place dans la deuxième moitié du xixe siècle, qui servent de représentations des différentes puissances européennes ou font l’objet d’influences de leur part. Ainsi, l’université est aussi au centre d’intérêts internationaux : pôle culturel, centre de formation de la future élite sioniste, elle est intéressante pour des puissances étrangères dans la mesure où elle regroupe ceux qui exerceront des responsabilités dans une Palestine-foyer national juif en devenir. De ce fait, elle intéresse les pays qui depuis au moins la fin du xixe siècle sont soucieux d’agrandir leur influence dans ce qui est alors encore la Terre sainte. Comme dans une Palestine mandataire bouleversée les établissements religieux ne sont plus forcément les meilleurs biais de pénétration, il semble désormais possible à ces mêmes puissances d’envisager une adaptation aux nouvelles circonstances, avec utilisation de moyens plus modernes : où l’Université hébraïque semble ramenée à la dimension d’un simple outil politique.
Les origines et la mise en place de l’Université hébraïque
Les origines de l’université
3Il s’agit avant tout de définir brièvement l’institution. À cet égard, l’établissement d’enseignement supérieur, inauguré en 1925 et correspondant à un mouvement national original, n’est en aucun cas indépendant de toute tradition. La question des origines induit donc forcément le problème de l’identité de départ : où le judaïsme de la diaspora, en l’occurrence le judaïsme intellectuel et le sionisme, trouve-t-il les fondements de l’établissement qu’il imagine d’abord, et réalise concrètement ensuite ?
4Nous pouvons d’emblée laisser de côté la facette purement juive. Celle-ci semble d’ailleurs trouver rapidement ses limites. Il est en effet évident qu’une université, même spécifiquement qualifiée d’hébraïque, qui doit s’insérer dans une Palestine juive, ne peut être fondée sur le modèle des établissements classiques d’enseignement biblique ; sauf à devenir l’imitation d’un exemple qui ne peut satisfaire aux exigences de l’État des juifs dont rêvent Herzl et d’autres. Par ailleurs, la question des racines de l’Université hébraïque n’est pas forcément une affaire aisée. Car le judaïsme, au début du xxe siècle, est par essence le fruit d’une tradition millénaire, à laquelle s’ajoutent des apports des civilisations de diaspora. À la multiplicité des héritages s’ajoute une histoire de rejet, celui des Juifs par leurs pays d’origine.
5Dans le cas de l’Université hébraïque, le champ d’étude se limite principalement à l’Allemagne, berceau de l’élite intellectuelle juive4. On peut faire remonter les débats relatifs à l’Université hébraïque aux données nationalisantes du xviiie siècle. Avec d’autres auteurs5, on constate effectivement que l’un ou l’autre texte originel se rapproche étroitement des idées de certains mouvements politico-littéraires allemands de cette période, en particulier le Sturm und Drang. Les premiers documents portant sur l’idée d’une Université hébraïque, en particulier l’appel de juillet 1902 signé par Buber, Feiwell et Weizmann6, se servent du terme Kultur. L’université est considérée comme un élément qui doit donner une Kultur aux Juifs d’Europe ; une Kultur qui constitue à son tour un élément fondateur de nation7. Cette caractéristique est renforcée par le fait que le texte de juillet 1902 n’évoque pas spécifiquement l’implantation de l’institution en Palestine. La terre d’Israël sur laquelle portent de plus en plus les regards n’est en effet pas encore une condition sine qua non : les auteurs désirent contribuer à l’éveil ou au réveil national des Juifs, où qu’ils se trouvent, par le biais d’un établissement qui peut rester dans un premier temps un élément virtuel. En ce sens, la Kultur que doivent se donner les Juifs est un élément émancipateur, qui leur permettra de dépasser le stade médiocre des minorités et d’atteindre le rang supérieur d’une nation, à l’égal des autres. Au sens linguistique du terme, la Kultur leur permettra de dépasser le « jargon », le yiddish, pour s’épanouir dans une langue pure, qui ne soit pas un abâtardissement ou une assimilation de langues environnantes. L’université comme phénomène préalable ou accompagnant un réveil national est un schéma éprouvé ; c’est bien ce qui, à leurs yeux, peut sauver le judaïsme de la grande catastrophe qui menace, l’assimilation. Le projet de 1902 ne précise pas non plus expressément le modèle qui doit être adopté ; mais l’on devine aisément ce qui peut guider les trois coauteurs du document. En outre, s’ils indiquent les langues dans lesquelles l’appel doit être publié, ils n’apportent pas de précision sur la langue dans laquelle seront donnés les cours de la future université juive.
6Au-delà de ce non-dit, dans cette recherche d’identité, dans la création d’une nation et plus spécifiquement dans la réflexion relative à l’université, le modèle allemand s’impose d’emblée ; parce qu’il est le moule dont sortent les élites juives ; mais aussi parce qu’il constitue une valeur sûre : Humboldt et Fichte sont en quelque sorte les pères fondateurs, et le modèle qu’ils ont inspiré doit permettre aux Juifs de mieux se distinguer du milieu environnant et de contourner ses difficultés8. De fait, au moment où il leur est de plus en plus difficile d’accéder au système universitaire, en particulier en Allemagne, il leur faut créer une entité qui leur garantisse éducation et émancipation. Par la suite, le modèle qui se précise au fil des années est clairement celui de l’Allemagne, avec peaufinage du projet assez flou de Zions-Universität mentionné dans le roman de Herzl, Altneuland Israel.Ce programme, qui devient progressivement la préoccupation essentielle du maître d’œuvre du sionisme, Haïm Weizmann, se voit en effet donner des contours plus précis, et les descriptions qui en existent rappellent le modèle allemand, ou y font constamment référence.
7Comment cela s’explique-t-il ? En premier lieu, cette référence allemande vient de ce qu’avant la Première Guerre mondiale, le centre du sionisme est Berlin. Si Weizmann lui-même n’est pas allemand et ne vit pas en Allemagne, ses principaux collaborateurs, comme inspirateurs, ont été formés sur le modèle allemand. Ce qui est valable pour le projet sioniste dans l’absolu9 vaut particulièrement pour l’université.
8Cela apparaît par exemple lors des débats du onzième congrès sioniste de Vienne, en 1913, essentiellement consacrés à l’Université hébraïque. S’il paraît évident que c’est l’hébreu qui va devenir la langue d’enseignement de l’institution, il est cependant encore possible de donner leur chance à d’autres idiomes, dont l’allemand10. L’Allemagne et son modèle académique sont des exemples à suivre de plusieurs points de vue. Nous sommes tout d’abord en présence du schéma d’exportation et d’adoption du modèle universitaire allemand vérifié à l’échelle planétaire. Mais dans le cas spécifique des Juifs, outre l’affinité intellectuelle, avec le désir de reproduire l’Alma mater qui a abrité les penseurs du sionisme, il existe une confiance absolue en un modèle qui a fait ses preuves en matière de fonctionnement et de gestion11. Au début de la deuxième décennie du xxe siècle, les sionistes s’inspirent d’ailleurs d’une expérience contemporaine réussie qui ne peut que les encourager : une université allemande établie en Chine dont la langue d’enseignement est le chinois12. Modèle à suivre, cet établissement est aussi la possibilité de constater que les Allemands ne font pas partout ce qu’ils soutiennent au même moment en Palestine : la germanisation du système scolaire engagée par l’association juive allemande Hilfsverein der deutschen Juden, qui donne lieu, quelques mois plus tard, à la « guerre des langues13 ». Dans le projet exposé à Vienne, l’inspiration germanique se retrouve par exemple dans l’importance fondamentale donnée à la bibliothèque universitaire, élément indispensable à la recherche, en parallèle aux bibliothèques directement rattachées aux différentes facultés ; une organisation qui participe intégralement de la logique inhérente à la pensée académique allemande14.
9Enfin, de manière contradictoire, le projet d’université juive s’insère étroitement dans le cadre de l’action culturelle à l’étranger qui s’esquisse à ce moment en Allemagne et cherche une concrétisation du type d’un établissement d’enseignement supérieur en Turquie ottomane : si la Palestine n’est pas mentionnée expressément comme lieu d’implantation, il est cependant clair que les deux projets sont parallèles. Les buts en sont proches, voire semblables : la formation d’élites qui soient enfin indépendantes des puissances disposant déjà d’établissements d’enseignement supérieur dans la région (à savoir les États-Unis avec le Collège américain et la France avec l’Université Saint-Joseph de Beyrouth). On observe alors une collusion, ou pour le moins un accord tacite, entre Juifs allemands, sionistes ou pas, et Allemagne officielle. Si cette dernière et les sionistes sont alors divisés par l’affaire du Technion de Haïfa, à l’origine de la « guerre des langues », le projet d’université allemande mobilise un comité qui rassemble des personnes de toutes origines, dans un consensus qui peut étonner a posteriori15.
10La Première Guerre mondiale ne met pas à mal la perspective arrêtée en 1913, au contraire. On observe ainsi une stricte continuité entre les derniers textes officiels relatifs à l’université, avant le conflit16, et la pose de la première pierre de l’Université hébraïque, au mois de juillet 1918. On le sait, la guerre marque une avancée fondamentale de la cause sioniste, avec en particulier la déclaration Balfour. En parallèle, la priorité est alors de donner une apparence solide au mouvement sioniste : cela passe notamment par la lutte contre des ingérences extérieures propres à dénaturer la formation nationale juive en Palestine, ou par le choix du modèle qui la mettrait le moins à mal. Dans cette situation, si la « guerre des langues » a quelque peu écorné la validité du modèle allemand in petto, il apparaît que l’on ne peut en aucun cas accepter le principal modèle concurrent, à savoir le français. Cette constatation, qui participe de la lutte contre les revendications françaises sur la Terre sainte au sortir de la guerre, entre aussi dans le cadre d’un refus de l’universalisme français. Aux yeux des responsables du Yichouv, il faut mettre en place une mentalité sioniste, qui ne peut s’accommoder d’une gestion française de ce territoire : comme l’écrit Weizmann, les Français dans leur politique coloniale « ont toujours interféré dans les affaires des populations et essayé de leur imposer “l’esprit français”17. »
11Illustration du rejet de l’emprise française, l’université, dont on pose la première pierre le 25 juillet 1918, est bien une copie du modèle allemand. C’est d’abord une bibliothèque universitaire digne de ce nom, au service des chercheurs regroupés dans l’établissement18. C’est aussi la mise en place d’une institution pour la plus grande partie dévouée à la recherche, sur le modèle des séminaires liés aux facultés dans les universités allemandes. Le modèle est d’ailleurs suivi au dernier degré, puisque, dans un premier temps, cette recherche l’emporte absolument : aux yeux des créateurs de la nouvelle institution, ce n’est qu’à partir du moment où la structure sera fermement établie qu’il sera possible d’accueillir des étudiants19.
La mise en place de l’université
12Dans un premier temps, l’Université hébraïque de Jérusalem prend donc l’aspect d’un séminaire de recherches, plus que d’un établissement diffusant un savoir. C’est en cela que la nouvelle institution semble se distinguer de tout modèle élaboré dans des milieux de tradition non allemande. On peut une nouvelle fois souligner la contradiction apparente relevée plus haut : si c’est le rejet qui fonde l’Université hébraïque, les personnes qui en sont à l’origine s’alignent parfaitement sur le modèle dans lequel elles ont été formées. Cela s’affirme par excellence dans l’Institut d’études juives mis en place dans la première moitié des années 1920 : celui-ci fait rapidement passer l’université pour l’annexe d’une université allemande. Mais ceci se traduit bien plus clairement dans le recrutement des cadres de l’institution. À cet égard la fiction rattrape la réalité, sinon l’inverse. On pense ici à Manfred Herbst, le héros du roman Shira d’Agnon. Jeune universitaire de formation toute allemande, il est lié à des universitaires ayant reçu la même éducation. Sioniste de cœur, il franchit le pas et émigre en Palestine parce qu’il sait qu’il aura là un avenir professionnel : « [s]i des Juifs créent une université, sa langue sera l’allemand20 ». Une fois installé là, il demeure longtemps implanté dans sa langue natale, instrument incontournable de son activité académique : c’est celle dans laquelle il prépare ses cours.
13Dans le cadre de notre étude, il ne s’agit toutefois pas seulement de la langue utilisée ou dominante, fait significatif certes, mais en même temps superficiel. Plus en profondeur, l’Université hébraïque désormais établie prend une tournure allemande, au point qu’une certaine illusion peut s’installer : les habitudes sont allemandes, comme celle de la lecture de journaux ou de livres et de manuels souvent rédigés en allemand ; les coutumes sont allemandes (comme le souligne la création de corporations d’étudiants) ; l’imprégnation des esprits est allemande, au point que même les documents administratifs en hébreu sont émaillés d’expressions allemandes ; sans négliger le fait que si la correspondance officielle entre les membres de l’université se fait en hébreu, la communication officieuse est, elle, pour la plupart en allemand. Une situation qui met en parallèle deux systèmes « tellement étrangers l’un à l’autre21 » et qui n’appartient pas qu’à la fiction : la réalité historique en est très proche22. Au total, les universitaires juifs allemands « prétendent vivre encore dans un environnement allemand23 ».
14Ces données réelles ne signifient toutefois pas que le modèle allemand soit adopté de manière figée. Comme nous l’avons précisé plus haut, l’academia allemande sert d’exemple dans la mesure où elle s’insère dans le processus de formation d’une entité nationale. Le projet d’une Université hébraïque, existant jusque-là dans les cartons, devient progressivement réalité : c’est la pose de la première pierre, en juillet 1918, puis en avril 1925 l’inauguration. Suite à la déclaration Balfour, il est de plus en plus clair aux yeux des sionistes que la Palestine est le lieu du futur État des Juifs. Dans ce cadre, l’université a plus que jamais son rôle à jouer ; elle doit donc s’adapter à la nouvelle donne. Cette nécessaire évolution concerne évidemment la nature même de l’établissement : amené à être le lieu de formation des futures élites du pays, doit-il rester le pur centre de recherches limité aux élites que nous venons de définir ? Ou doit-il au contraire être étendu et accueillir plus d’étudiants, ce qui aurait pour conséquence une reconnaissance dans le monde universitaire planétaire, mais aussi, selon certains, un nivellement par le bas ? Cette réflexion fait partie des débats qui opposent, dans la deuxième moitié des années 1920 Weizmann et Einstein d’une part, Judah Magnes, le chancelier de l’université, de l’autre. Du point de vue de l’histoire interne de l’université mais aussi du sionisme, nous avons là une confrontation de fortes personnalités et d’ambitions, mais aussi de deux idées diamétralement opposées : Magnes étant pour sa part désireux de préserver sa propre indépendance et d’étendre les domaines d’activité de l’université ; tandis que, pour résumer, Weizmann et Einstein refusent un tel développement qu’ils considèrent comme l’acceptation de la modernisation et du déclin, et s’opposent à l’autonomie trop grande du chancelier qui dispose de ses propres réseaux, notamment américains, et a le tort de ne pas être universitaire.
15Concrètement, l’une des idées de Magnes est d’introduire à l’université l’enseignement des humanités, en particulier des langues étrangères. Idée simple et en apparence logique, elle constitue toutefois une véritable révolution par rapport à la focalisation sur les sciences exactes et les études juives qui avait plus tôt caractérisé l’institution. Selon Magnes, un tel développement fait partie de l’évolution naturelle de l’établissement, devant accorder aux étudiants un esprit de « liberté politique et intellectuelle24 », et conférer à l’université un esprit plus large, ouvert aux influences étrangères. Ce choix participe à son tour de l’idéologie pacifiste qui anime certains responsables de l’Université hébraïque : pour eux, enseigner et apprendre des langues vivantes, c’est aller dans le sens de l’universalisme, et, à l’échelle de la Palestine, permettre une meilleure cohabitation entre les communautés. Cette idée s’inscrit dans la droite ligne de la charte de l’université : permettre la réunion des étudiants de toute race, de toute confession. Elle fait enfin partie intégrante du débat qui oppose alors les tenants de l’enseignement exclusif d’une science juive pure et ceux d’une science générale.
16L’extension proposée par Magnes aboutit à la création d’une faculté des sciences humaines, en octobre 192825. Cette nouvelle entité, qui illustre l’ouverture plus grande de l’université au monde extérieur, est aussi ce qui mène à l’intervention de puissances étrangères dans la marche de l’institution. De fait, comme l’université est désireuse de prendre de l’ampleur, mais qu’elle n’a pas les moyens de ses ambitions, elle doit recourir à des appuis financiers extérieurs. Cette manière de faire est tout à fait classique pour une Université hébraïque depuis toujours dépendante d’apports externes. Mais cette fois ce ne sont pas seulement de généreux donateurs juifs qui sont concernés.
Les puissances étrangères et l’Université hébraïque
17Il est possible de repérer trois types d’interventions extérieures dans la période de formation et les premières années d’activité de l’Université hébraïque, entre 1920 et 1948, qui se traduisent par l’introduction de l’enseignement de langues étrangères : la collaboration (initiative et financement) entre Juifs et autorités du pays d’origine, c’est le cas de l’Allemagne ; un financement opéré seulement par les autorités du pays d’origine, dans les cas de l’Italie et de la France ; enfin une initiative et un financement uniquement dus aux Juifs du pays d’origine, dans le cas de la Grande-Bretagne.
L’Allemagne et l’université : une collaboration entre Juifs allemands et Allemagne officielle
18L’Allemagne n’est pas représentée en Palestine immédiatement après la Première Guerre mondiale : alliée de la Turquie au cours du conflit, elle est défaite et ferme son consulat général de Jérusalem en 1917. Si l’expulsion des nombreux Allemands de Palestine, à la suite de l’occupation britannique de la région, n’est que tardive, temporaire et relativement souple, il n’en reste pas moins que le début des années 1920 est marqué par un réel effacement de l’Allemagne. En outre, à partir de ce moment, le sionisme n’a plus son centre à Berlin. Par conséquent, l’entente politique entre sionistes et Allemagne officielle d’avant et en partie pendant la Première Guerre mondiale ne peut plus être de mise26.
19Pour remédier à cette situation défavorable, les autorités allemandes multiplient les initiatives. Comme nous l’avons vu, un courant majeur au sein de la communauté juive de Palestine est d’obédience germanique, et l’Allemagne en est consciente. La coopération entre les deux entités est institutionnalisée de différentes manières. C’est en premier lieu la création de comités promouvant des liens plus étroits entre l’Allemagne et la colonisation juive : le Deutsches Komitee zur Förderung der jüdischen Palästinasiedlung établi en 1918, comme réponse à la déclaration Balfour, et quelques années plus tard le Deutsches Komitee Pro Palästina zur Förderung der jüdischen Palästinasiedlung. Le lien entre l’Allemagne et le sionisme est une préoccupation fondamentale du ministère des Affaires étrangères de Berlin : de fait, certains de ses fonctionnaires font partie du Pro Palästina Komitee ; le sionisme est une notion qui apparaît régulièrement dans les documents diplomatiques allemands de cette époque ; et Weizmann est un hôte régulier et bienvenu à l’Auswärtiges Amt27. La préoccupation allemande est avant tout économique, comme le prouvent des documents datés de 192228 ; et les relations économiques demeurent effectivement l’aspect le plus important de l’activité allemande en Palestine tout au long de la période de Weimar.
20Moritz Sobernheim, le responsable de la section des Affaires juives de l’Auswärtiges Amt29, se doit également de préserver ou de rétablir la présence allemande en Palestine. Il s’agit alors de maintenir le lien avec la communauté juive de cette région, ce en quoi le commerce allemand peut être d’une grande aide. C’est pour cela qu’il lui importe particulièrement de soutenir les colons allemands, les Templer, et leurs activités agricole30. L’Allemagne devient alors le partenaire le plus important de la Palestine : c’est ce dont Sobernheim peut se rendre compte avec satisfaction lors d’un voyage sur place en mars-avril 192531. Cette situation n’est pas seulement due aux résultats des colons ou des marchands allemands. L’Allemagne jouit d’une position économique importante en Palestine parce qu’une part croissante des habitants de cette région sont habitués à utiliser des produits allemands. La présence commerciale allemande est érigée au rang de tradition, ce qui ne peut que croître avec l’agrandissement de la population juive32. Il en demeure de même en ce qui concerne la langue allemande, ce que décrivent les documents diplomatiques du début des années 1920. C’est pour cela que les diplomates allemands voient dans le sionisme une bonne chance de renforcer la place de l’Allemagne en Palestine33.
21La section des Affaires juives de l’Auswärtiges Amt tient naturellement à encourager cette tendance. Toute preuve d’une influence ou d’une présence allemande et son renforcement est bienvenue et mise en avant. On peut par exemple citer le discours d’Albert Einstein à l’école Lemel, en février 1923 ; un discours prononcé en allemand, ce qui est souligné avec fierté par le consul de Jérusalem34, comme par les fonctionnaires du ministère35 : pour ces personnes, un tel discours est une réalisation concrète de l’utopie germanophone comprise dans Altneuland, qu’il faut renforcer36.
22L’Université hébraïque est naturellement à resituer dans cet effort. Le modèle allemand qui l’inspire est perçu avec satisfaction par l’Allemagne. Cela vaut pour la période antérieure à la Première Guerre mondiale ; c’est bien plus encore le cas au moment de la mise en place et de l’extension de l’institution. Celle-ci est alors clairement considérée comme un instrument potentiel d’influence : la structure, les buts de l’établissement présentent des aspects clairement germaniques, impression à son tour confirmée par la composition essentiellement allemande du corps enseignant37.
23En l’occurrence, la République de Weimar s’inscrit dans le droit-fil de l’Allemagne de Guillaume II. En effet, le projet allemand de 1912-1913 d’une université à installer en Turquie, évoqué plus haut, trouve sa continuation dans l’Université hébraïque, entreprise que l’Allemagne officielle a accompagnée depuis les débuts, ne serait-ce que par sa bienveillance. Aux yeux du nouveau gouvernement allemand, également soucieux de rayonnement international, il s’agit donc de jouer de l’inertie résidant dans ce que l’établissement reste bel et bien marqué par l’influence allemande. Pour ces différentes raisons, l’on assiste à un regain de l’investissement allemand dans l’Université hébraïque. L’enjeu est de taille, puisqu’il est clair que la puissance qui imprégnera majoritairement la nouvelle institution sera celle qui in fine emportera les faveurs des futures élites.
24C’est précisément pour cette raison que l’entretien des racines allemandes de l’Université hébraïque par l’Allemagne de Weimar est une affaire précoce. Il s’intègre dans la nouvelle action culturelle à l’étranger élaborée par l’Auswärtiges Amt à la suite de la défaite allemande. Celle-ci fait partie des mesures prises pour relever l’Allemagne et rehausser son prestige. La culture devient alors incarnation et sens donné à la réforme, elle doit être ce qui permettra à l’Allemagne de dépasser son isolement, de reconquérir le terrain perdu lors de la défaite militaire38. Ce souci est notamment le fait de Carl Heinrich Becker39 ; il incarne une focalisation des multiples centres d’intérêt de cet homme politique et théoricien fondateur de l’Allemagne de Weimar : réforme universitaire, formulation d’une politique culturelle unifiée en Allemagne, orientalisme et patriotisme. Autant d’éléments qui trouvent en l’Université hébraïque un champ d’expansion tout naturel. Le programme visant à la consolidation des racines allemandes de l’université est très tôt mis en route par le ministère des Affaires étrangères de Berlin, plusieurs années même avant le rétablissement d’une représentation allemande officielle en Palestine40. Cette politique est constante tout au long des années 1920 : elle débute par des aides ponctuelles, effectuées sur le territoire allemand, à l’instigation de la section des Affaires culturelles du ministère41 ; elle passe ensuite par une aide systématique centralisée par le responsable de la section des Affaires juives de la Wilhelmstrasse, Moritz Sobernheim : envoi régulier de livres et de périodiques. En outre, à chaque fois que l’université désire acheter du nouveau matériel, le consul général d’Allemagne à Jérusalem insiste auprès de ses supérieurs sur les louanges exprimées par les administrateurs de l’institution envers la qualité des produits allemand42. Par ailleurs, le représentant de l’Allemagne à Jérusalem peut presque se sentir chez lui lorsque l’université est inaugurée, en avril 1925. À cette occasion, l’Allemagne est même doublement représentée : aux côtés du consul Kapp, Sobernheim est présent comme représentant d’associations scientifiques allemandes43. Bientôt, toutefois, l’Allemagne considère que son influence est insuffisante : l’Auswärtiges Amt souhaite une implication plus grande et intervient même dans le cas de la fondation de nouvelles unités d’enseignement44. Cette contribution, qui s’accompagne toujours de livraisons gratuites de matériel pédagogique, est acceptée bien volontiers par l’Université hébraïque45.
25Le renforcement de l’action allemande se fait en trois étapes. Le gouvernement allemand appuie d’abord tout souhait de l’université relatif à l’envoi de livres ou de périodiques46. Il encourage également la coopération entre bibliothèques et contribue à la création et au développement d’un centre d’archives du Proche-Orient, avec la participation du consul général d’Allemagne à sa présidence.
26Par ailleurs, l’Allemagne n’est pas seulement active par ses fonctionnaires sur place, mais également par sa communauté juive. Dans ce cadre est créée une Association allemande d’encouragement à l’Université hébraïque (Deutscher Verband zur Förderung der Universität Jerusalem), organisme existant en parallèle à la Société des Amis de la bibliothèque universitaire (Gesellschaft der Freunde der Universitätsbibliothek47) : elle mène une action de propagande à travers toute l’Allemagne afin de mobiliser les communautés juives en faveur de l’Université hébraïque. En l’occurrence, un résultat est à mettre particulièrement en évidence : c’est la contribution de la communauté juive de Berlin qui, en avril 1929, accorde à l’université la somme de 15 000 Reichsmark pour fonder une nouvelle chaire, au départ sans déterminer la matière dont elle sera en charge. Les négociations à cet égard durent plus d’un an pour aboutir à la création d’une chaire de botanique générale48. L’explication principale de la longueur de ces négociations réside dans le fait que l’université, en tant qu’institution indépendante, accepte volontiers les fonds lui parvenant de l’extérieur, mais souhaite décider elle-même de leur attribution, en l’occurrence la matière qui devrait être enseignée49. À cela s’ajoute que la communauté de Berlin, forte de son rôle de généreuse donatrice, veut imposer la nomination d’un professeur allemand. À son avis, il ne s’agit pas là seulement d’une revendication naturelle, mais aussi d’une possibilité de mettre fin au prétendu caractère anglais de l’institution. Vient s’ajouter à ces divergences la personnalité du candidat pressenti par la communauté juive de Berlin : Hans Kohn50, qui vient juste de quitter la Palestine pour cause de mésentente avec les responsables sionistes. Ce long débat est enfin marqué par la question de la langue : dans quelle langue le titulaire de la nouvelle chaire doit-il enseigner ? Comme la langue d’enseignement à l’Université hébraïque est l’hébreu, il s’avère difficile de trouver un professeur allemand qui le maîtrise et soit prêt à partir travailler en Palestine. Dans ces conditions, la communauté de Berlin songe à un enseignement en allemand, accompagné éventuellement d’une traduction.
27La question de la langue est l’un des points les plus importants dans la relation entre l’Université hébraïque et l’Allemagne. De fait, ce problème est intimement lié à la quête d’une identité par l’université, recherche à placer en parallèle à celle du Yichouv lui-même. Mais l’institution n’est pas seulement le lieu de formation d’une identité nationale51 : elle est en première ligne une institution académique, qui ne doit traiter que d’affaires universitaires et enregistre alors une croissance rapide.
28La troisième composante de l’action allemande dirigée vers l’université recoupe la question de l’introduction de langues étrangères. Comme nous l’avons vu, la faculté des sciences humaines est inaugurée en octobre 1928. Au départ, l’enseignement de langues étrangères au sein de cette nouvelle unité ne réside que dans quelques cours de littérature médiévale. Un universitaire d’origine allemande, le Dr. Pflaum, est nommé maître de conférences de cette faculté qui reste dans un premier temps plutôt modeste. Ce début limité s’accompagne d’un débat sur la place que les langues étrangères doivent occuper dans l’institution. Le chancelier de l’université, Judah Magnes, ardent partisan du renforcement de cet enseignement, y voit un moyen de donner aux étudiants un esprit de « liberté politique et intellectuelle52 ». Selon lui, cet esprit doit aussi bénéficier à l’université elle-même : par l’enseignement de langues étrangères, il doit être possible d’entrer en contact avec des partenaires financièrement solides. Jusque-là, l’université est en effet dépendante de ses donateurs traditionnels, à savoir des associations d’Amis plus ou moins généreuses. Mais il lui est de plus en plus nécessaire de trouver de nouveaux partenaires. Cette quête peut à son tour rencontrer l’intérêt de gouvernements étrangers qui favorisent pour leur part des contacts avec les futures élites de la région.
29De manière toute logique, l’allemand est la première langue étrangère enseignée à l’université. En effet, comme nous l’avons mentionné plus haut, de nombreux professeurs et étudiants viennent d’Allemagne et sont ainsi à la base de l’imprégnation allemande de Jérusalem, illustrée fort pertinemment par Agnon. L’introduction de la langue allemande à l’Université hébraïque n’est toutefois pas seulement une affaire purement pédagogique, mais le résultat d’une stratégie propre à l’Auswärtiges Amt.
30Qui contribue à son aboutissement ? Au sein de l’université interviennent trois personnes de l’administration ou du domaine scientifique. Judah Magnes doit être mentionné en premier lieu. chancelier de l’université, il désire élargir son horizon en accord avec sa propre idéologie pacifiste et ouverte au monde. Dans la sphère purement académique, on trouve Hiram Pflaum (Peri), maître de conférences en littérature médiévale, jusque-là le spécialiste des langues étrangères, mais médiévales, à l’Université hébraïque, qui doit prendre en charge l’enseignement d’allemand. Le rôle principal est cependant joué par Adolf (Abraham) Fraenkel, mathématicien allemand connu53. Son recrutement à l’Université hébraïque, à la fin des années 1920, est le résultat d’un processus de longue durée. Fraenkel est un Juif allemand qui s’intéresse depuis longtemps à la Palestine. Au cours de la Première Guerre mondiale, il tente de servir sur le front de Palestine. Il établit très tôt un contact avec l’Organisation sioniste54. Son intérêt pour l’Université hébraïque y est directement lié : en 1918, il rédige un article sur l’institution pour la revue de Martin Buber Der Jude55. En 1926, il séjourne quelques mois en Palestine.
31Son recrutement à l’Université hébraïque est le résultat de l’intérêt combiné germano-sioniste décrit plus haut. En 1929, il est contacté par le chancelier de l’université, Judah Magnes, ce qui est vivement salué par l’Auswärtiges Amt. De fait, une présence allemande supplémentaire au sein de l’Université hébraïque est perçue par Berlin comme un atout important. L’Auswärtiges Amt considère alors que ce serait une erreur de ne pas laisser partir Fraenkel pour la Palestine, lui qui serait là un excellent agent d’influence. Des preuves suffisantes de ses bonnes dispositions envers l’Allemagne existent. Dans l’article qu’il publie en 1918, il mentionne ainsi l’enseignement des langues modernes à l’Université hébraïque, allemand compris ; il y est aussi très conscient de l’absence de littérature spécialisée en hébreu, ce qui concerne en particulier les sciences naturelles : pour cela il faut utiliser à l’Université hébraïque des ouvrages allemands, pratique d’ailleurs tout à fait courante à cette époque au Technion (ou Technikum)de Haïfa. L’allemand n’est toutefois pas seulement un moyen de communiquer avec les gens ou de dispenser un savoir aux étudiants. C’est aussi une possibilité de dépasser les rivalités au sein de l’université. Dans ces conditions, Fraenkel est très rapidement sollicité par l’Allemagne pour contribuer à la pérennisation des habitudes allemandes parmi l’intelligentsia de Palestine56. Cette tâche doit notamment se traduire par la lutte contre l’américanisation menaçante de l’université, prétendument incarnée par Magnes, dont on met alors en avant la qualité de Juif new-yorkais57.
32Dans ces conditions, tout est fait pour rendre possible le départ immédiat de Fraenkel ; et ce même s’il vient d’être nommé professeur de mathématiques à l’université de Kiel58. Divers ministères du Reich ou des Länder sont consultés parce qu’il est souhaitable, dans l’« intérêt politico-culturel » allemand, d’avoir Fraenkel comme représentant universitaire allemand à Jérusalem. Finalement, grâce à un congé de deux ans, il est autorisé à quitter l’Allemagne, et il arrive à Jérusalem à l’automne 1929. L’Auswärtiges Amt souligne alors que l’université est la grande gagnante dans l’affaire, puisque Fraenkel est la personne compétente pour occuper la chaire de mathématiques59. Il n’en reste pas moins que dans l’esprit des diplomates de Berlin le rôle principal de Fraenkel doit être celui d’un intermédiaire entre l’Allemagne et l’université. Dans les faits, le recrutement de Fraenkel à l’Université hébraïque est considéré comme une étape supplémentaire dans la germanisation de l’institution. Fraenkel est certes juif et sioniste ; mais il est aussi un Allemand, qui dirige alors un Institut qui porte le nom d’un autre mathématicien d’origine allemande, Albert Einstein.
33Les commanditaires et interlocuteurs de Fraenkel du côté allemand proviennent de plusieurs horizons. Tout d’abord, en tant que professeur allemand, Fraenkel dépend du ministère prussien de l’Éducation. Son interlocuteur principal est là Carl Heinrich Becker, dont nous avons déjà mentionné le nom. Becker est à présent la personne habilitée à décider si Fraenkel peut partir pour la Palestine : orientaliste, Becker est convaincu de l’importance de la Palestine pour la politique allemande, et comme membre du Pro Palästina Komitee il manifeste de manière continue son intérêt pour la région. Par ailleurs, en tant qu’Allemand d’outre-mer, Fraenkel dépend de l’Auswärtiges Amt.Àla Wilhelmstraße, son principal interlocuteur est Moritz Sobernheim, responsable de la section des Affaires juives, lui aussi naturellement membre depuis le départ du Pro Palästina Komitee. Moritz Sobernheim, avec lequel Fraenkel correspond depuis le début des années 1920, est désormais l’un des plus ardents partisans d’une progression de la place de l’Allemagne au sein de l’Université hébraïque. À Jérusalem même, c’est le consul général de l’époque, Erich Nord, lui aussi membre du Pro Palästina Komitee, qui est l’interlocuteur de Fraenkel.
34Comme le montrent les archives, immédiatement après son arrivée à Jérusalem, Fraenkel émet le vœu d’enseigner dans sa propre langue, à savoir l’allemand. Il parle certes déjà l’hébreu, mais il a alors besoin d’un assistant qui traduise les termes mathématiques spécifiques60. Fraenkel va plus loin et propose même un enseignement en allemand « sur les relations entre le judaïsme et les mathématiques61 ». Par ailleurs, il évoque rapidement un éventuel enseignement d’allemand : la question fait l’objet de ses premières lettres au consul Nord62, soulignant le risque de pertes pour l’influence allemande en Palestine, particulièrement menacée par les rivalités étrangères (à savoir française et anglaise). Selon lui, l’Auswärtiges Amt doit prendre conscience de ce risque et envisager le financement de cours d’allemand ou même de la création d’une chaire d’allemand à l’université.
35Le fait que Fraenkel effectue cette proposition est remarquable. Non pas parce qu’il est probable qu’il va avoir de grandes difficultés à trouver des moyens financiers dans une Allemagne devant au même moment surmonter une très grave crise économique ; mais parce que cette proposition n’entre pas du tout dans le cadre de ses idées antérieures. En effet, sioniste convaincu, qui connaît l’hébreu depuis longtemps et soutient absolument la renaissance juive en Palestine, c’est justement lui qui souhaite préserver l’esprit culturel allemand au Proche-Orient, en particulier au sein de la population juive. Par ailleurs, Fraenkel semble alors souhaiter une solution rapide, notamment parce qu’au même moment est discutée l’éventualité d’une chaire d’anglais : selon lui l’Allemagne ne doit donc pas rater cette occasion de démontrer à la puissance mandataire britannique ce qu’elle est en mesure de réaliser pour l’Université hébraïque.
36Même si elle nécessite d’importants moyens financiers, la proposition de Fraenkel est reçue avec bienveillance par les diplomates allemands. L’Auswärtiges Amt n’est toutefois pas en mesure de procéder seul au financement de l’opération et d’autres donateurs doivent encore être trouvés. Le consul Nord pense alors à une collaboration avec les Juifs allemands63. Selon lui, leur participation est tout à fait envisageable, dans la mesure où lors de la discussion sur le financement d’un nouveau poste académique par la communauté juive de Berlin, en avril 1929, il a été question de la « création d’une chaire de langue et littérature allemandes à l’Université hébraïque64 ». Parmi les organisations judéo-allemandes, l’une d’entre elles se soucie particulièrement du bien-être des Juifs et de la diffusion de la langue allemande : le Hilfsverein der deutschen Juden65. Quelques personnalités déjà mentionnées sont en contact étroit avec cette association, comme Moritz Sobernheim, qui est membre de son Comité central. De plus, une participation du Hilfsverein est pratiquement certaine, dans la mesure où un tel enseignement d’allemand à l’Université hébraïque constituerait pour lui une sorte de revanche : la « guerre des langues » mentionnée plus haut se termine, on s’en souvient, par une défaite du Hilfsverein, qui doit se résigner à une victoire des sionistes et ainsi de l’hébreu comme langue d’enseignement dans ses établissements de Palestine66.
37Des négociations entre l’Auswärtiges Amt et le Hilfsverein sont engagées, et l’association se montre en effet tout à fait prête à soutenir financièrement le projet. Après accord entre ces deux parties et l’université, un enseignement d’allemand est introduit dans cette institution. Pour l’Allemagne, cela constitue une victoire à plusieurs égards : l’allemand devient la première langue moderne à être enseignée là ; et la langue allemande, comme l’Allemagne, s’impose à une institution qui jusque-là n’avait presque exclusivement pris en compte que les sciences naturelles. De plus, l’allemand est enseigné avant l’anglais, preuve de ce qu’il est possible de lutter efficacement contre la prétendue américanisation de l’université. C’est donc là une étape importante, avant un autre événement favorable à l’Allemagne : l’entrée de David Werner Senator dans l’administration de l’université, lui qui « de manière certaine [doit] devenir un pilier important de la culture allemande en Palestine67 ». Last but not least c’est également un succès, dans la mesure où l’Allemagne a pu trouver des fonds malgré sa difficile situation économique ; de fait, les fonctionnaires allemands compétents savent qu’il vaut la peine de faire montre de sens de sacrifice : il en va dans cette question d’une affaire de prestige, liée à la diffusion de la culture et à la préservation de la présence allemandes en Palestine68. Par là en effet, l’avenir de la position de l’Allemagne est assuré puisque les écoliers et étudiants juifs de Palestine vont continuer à apprendre et à parler l’allemand69. C’est Hiram Pflaum, universitaire d’origine allemande, qui est chargé de l’enseignement ; il parvient à mobiliser quarante étudiants pour ses cours d’allemand (sur un total de deux cents étudiants à l’université à ce moment).
38Cette victoire allemande doit toutefois être quelque peu nuancée. De fait, étant donné qu’il n’est pas possible de créer à ce moment une chaire d’anglais70, une chaire d’allemand n’est pas pensable non plus. L’Allemagne doit se contenter de simples cours facultatifs, puisque l’université ne dispose pas encore à ce moment d’une structure bien établie destinée à l’enseignement des langues71 ; et ce même si les cours en question en constituent justement les débuts72. En revanche, l’enseignement d’allemand connaît une extension à d’autres écoles de Palestine.
39L’intérêt allemand pour l’Université hébraïque et ainsi pour le renforcement de sa position en Palestine ne se dément pas par la suite. Avant l’arrivée à échéance de sa deuxième année de congé, Fraenkel souligne la nécessité de solidifier les acquis et de défaire les dernières oppositions au sein de l’Université hébraïque73. Avant tout, il songe à demander aux autorités prussiennes, après son retour en Allemagne, l’autorisation de poursuivre ses activités à Jérusalem et d’y demeurer cette fois74. L’Auswärtiges Amt comme le ministère prussien de l’Éducation s’efforcent de répondre à ses souhaits, qui correspondent aux leurs puisque favorisent l’influence allemande en Palestine75. Le successeur du consul Nord, Heinrich Wolff, est celui qui donne à Fraenkel la possibilité de revenir à Jérusalem. À son avis, le professeur est décidément la garantie d’une politique victorieuse en Palestine76.
40Quelle est à présent la signification de cette entrée de l’Allemagne à l’Université hébraïque ? Pour l’institution elle-même, l’introduction d’un enseignement de langue étrangère est sans aucun doute un progrès car elle désire étendre le nombre des matières enseignées en son sein. Ce n’est que par là qu’il lui est possible d’atteindre le rang d’une véritable université – avec une faculté des sciences humaines en pleine expansion. Elle doit aussi s’adapter à de nouvelles circonstances et abandonner son statut de pur centre de recherches. De plus, l’introduction de l’enseignement d’une langue étrangère est un signal vers l’extérieur : l’université ne peut plus se maintenir comme une entité totalement isolée, elle est de plus en plus liée à son environnement, proche ou lointain.
41Pour l’Allemagne, il s’agit bien d’une nouvelle politique en matière d’action culturelle à l’étranger. La diffusion de la culture et de la langue allemandes est alors un moyen reconnu d’exercer une certaine influence au niveau international. En Palestine, c’est aussi la possibilité de reconquérir des positions perdues. Au cours des années 1920 pour l’Allemagne, c’est certes l’aspect commercial qui est le plus important. Mais comme l’Allemagne ne peut se permettre un cheminement politique à part et doit appuyer la politique anglaise en Palestine77, il lui faut trouver des alternatives pour atteindre des buts précis. La proposition de Fraenkel visant à enseigner l’allemand à l’Université hébraïque s’insère donc parfaitement dans la ligne adoptée par le ministère allemand des Affaires étrangères, et cela pour deux raisons : d’une part elle ressortit à l’action culturelle à l’étranger, d’autre part elle offre la possibilité de conserver et de renforcer les contacts avec la population juive de Palestine. Ces deux aspects se retrouvent dans les deux divisions de l’Auswärtiges Amt en charge de l’affaire : c’est la section des Affaires juives qui est compétente pour l’idée et la conduite à bien du projet, c’est celle des Affaires culturelles qui en assure le financement78.
42L’aspect peut-être le plus intéressant de ce projet réside dans l’intérêt contemporain et convergent de l’Allemagne officielle et de la communauté juive allemande. De fait, que signifie un tel engagement judéo-allemand en faveur de la langue et de la culture allemandes ? Le consul Nord écrit en 1932 que l’introduction de l’enseignement de l’allemand à l’Université hébraïque n’est rien d’autre que « la première brèche dans le mur chauvin du sionisme79 ». La possibilité de mettre en place de tels cours de langue est en effet interprétée comme un symbole de la crise que le Yichouv connaît à ce moment : la population juive de Palestine a certes tenté d’atteindre une certaine indépendance et de construire sa propre identité, en vain. L’Auswärtiges Amt voit dans la réussite de l’opération la preuve qu’un chauvinisme juif n’est en rien une solution pour la destinée politique du judaïsme palestinien80. Ces idées s’alignent parfaitement sur celles des Juifs antisionistes d’Allemagne. L’Auswärtiges Amt est alors parfaitement au fait des dissensions au sein de la communauté juive du Reich et prêt à les utiliser à son propre profit81. De fait, la majorité des Juifs allemands sont alors opposés au souhait du Yichouv de constituer un foyer national qui soit le seul représentant du judaïsme mondial. La question linguistique est une composante importante de ce conflit. C’est ainsi que nombre de Juifs allemands qui font le voyage de Palestine refusent tout monopole de l’hébreu. Ce débat illustre à son tour le problème fondamental du sionisme, mais aussi la quête d’identité des Juifs allemands : jusqu’à quel point sont-ils des Allemands ? Quelles relations entretiennent-ils avec le Yichouv82 ?
43Ces opinions apparaissent dans les articles du Verband nationaldeutscher Juden, qui considèrent la « fuite hors de la germanité » comme un danger pour le judaïsme allemand83. Celui-ci est souligné par les plus ardents adversaires du sionisme en Allemagne, les membres du Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens. Cette association va même jusqu’à condamner la création du Pro Palästina Komitee. À ses yeux, les Juifs « ne [sont] pas des Allemands parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement84 ». Pour cela, le développement de la communauté juive de Palestine et la création de l’Université hébraïque sont selon elle un non-sens nationaliste85. C’est particulièrement le cas de la « prétendue université » qui exige de ses professeurs qu’ils écrivent et publient des livres en hébreu : quelle est la valeur de telles œuvres si presque personne ne peut les lir86 ? Dans cette mesure les cercles antisionistes parmi le judaïsme allemand ne peuvent que saluer l’introduction de langues étrangères, en particulier de l’allemand, à l’Université hébraïqu87. À leurs yeux, ce n’est pas seulement un bon moyen de critiquer le sionisme ou une affaire participant seulement de l’action culturelle à l’étranger. C’est aussi une affaire politique interne, puisque cela permet de démontrer aux Allemands que les Juifs de ce pays sont d’aussi « bons » Allemands qu’eux88.
44Pour leur part, les Juifs allemands qui sont moins antisionistes considèrent l’enseignement de l’allemand à l’Université hébraïque comme une possibilité de combiner leurs revendications. Ils sont certes bienveillants à l’égard d’une Palestine juive, mais ils ne peuvent en aucun cas tolérer une Palestine monopoliste et isolée. Cette position est représentée par le Hilfsverein, désireux de voir se réaliser une Palestine forte mais tolérante, en mesure d’accepter toutes les influences étrangères pour son propre profit. Cela peut se faire par la poursuite du soutien allemand au développement de la Palestine, en accord avec la politique officielle de la République de Weimar89. C’est pour cela que le Hilfsverein saisit cette occasion de se prononcer en faveur de l’idée d’un enseignement d’allemand à l’Université hébraïque90. Une telle attitude est la meilleure pour combiner harmonieusement la loyauté allemande et la solidarité juive91.
45Cette attitude ne rencontre évidemment pas seulement l’approbation au sein du judaïsme allemand. Le souhait de préserver une présence allemande non seulement en Palestine mais aussi dans les cœurs juifs est totalement rejeté par d’autres. C’est ainsi que le responsable sioniste Kurt Blumenfeld pense qu’un Juif allemand est un Juif qui est seulement allemand par hasard92. Cette logique le conduit à considérer la question linguistique à l’Université hébraïque comme de peu d’importance : cette université est hébraïque, et rien d’autre ; elle offre une occasion unique d’édifier une science juive authentique, à la différence d’autres expériences ratées menées jusque-là93. C’est pour cela qu’il ne peut que dénoncer avec virulence les tentatives d’affecter l’identité hébraïque de l’université et sa contribution à la formation d’une conscience nationale en Palestine. Selon Blumenfeld, qui a radicalement évolué depuis ses prises de position du temps de la Première Guerre mondiale94, l’Université hébraïque n’est pas une université à l’allemande qui doit attirer l’intérêt allemand. Bien au contraire, il dénonce les « instincts assimilationnistes » des Juifs allemands pour prendre sous sa protection la fragile identité de l’université95. Au total, il s’agit de contrer avec la dernière vigueur ces attaques puisqu’il s’agit ni plus ni moins de la survie de l’expérience96.
46Le conflit au sein du judaïsme allemand est partiellement stoppé par l’arrivée au pouvoir de Hitler ; mais la collaboration entre l’Allemagne et l’Université hébraïque ne s’arrête pas avec le 30 janvier 1933. L’enseignement, financé par des fonds allemands, se poursuit effectivement. Ceci n’est pas forcément étonnant, dans la mesure où les affectations budgétaires ont été fixées auparavant : des fonds sont encore à disposition et sont utilisés aux fins prévues. De plus, l’Allemagne a tout intérêt à ce que sa langue continue d’être enseignée et pratiquée par les Juifs, en parallèle aux relations qui existent pendant quelques années entre nazis et sionistes97. C’est ainsi que se poursuit la coopération entre l’Allemagne nazie et le Hilfsverein, au profit de l’Allemagne national-socialiste et de l’université.
47Cependant, cette collaboration est par trop problématique pour pouvoir durer et c’est l’université qui saisit la première occasion d’y mettre un terme. Elle est aidée par la proposition relative au financement de l’enseignement de sa propre langue effectuée en 1933 par un autre pays : l’Italie fasciste. La proposition est acceptée en 1934 par l’université, et le Dr. Pflaum, jusque-là en charge de l’enseignement de l’allemand, devient professeur d’italien. Du fait de cette nouvelle responsabilité, il ne peut plus travailler en faveur de l’Allemagne ; ce qui devient l’argument officiel présenté par l’université pour expliquer qu’elle n’est plus en mesure d’assurer l’enseignement d’allemand98.
48La Palestine juive reste toutefois encore longtemps imprégnée par l’esprit allemand. À l’Université hébraïque, la victoire de Hitler renforce même cette tonalité, puisque après janvier 1933 l’institution accueille de plus en plus de scientifiques juifs allemands expulsés des universités du Reich99. À travers ces multiples arrivés, la ville devient de plus en plus une cité baignée de culture allemande100. Il ne s’agit toutefois plus de la même Allemagne, de la même culture : les nouveaux immigrants sont certes des personnes qui parlent allemand, mais plus grand-chose ne les lie à leur ancienne mère patrie. Dans les faits, à l’opposé de la défiance française persistant à l’égard de ces savants allemands101, l’Allemagne officielle doit comprendre progressivement que la Palestine et en particulier l’Université hébraïque sont désormais pour elle des positions perdues102.
49Dans cette situation, Fraenkel rompt également tous ses liens avec sa patrie d’origine. Grâce à un arrangement permis par le gouvernement allemand, en 1933, il peut bénéficier d’une retraite de la part du ministère prussien de l’Éducation. Mais rapidement il ne lui est plus possible de percevoir cette pension. C’est pour cela que lui est accordé le statut de réfugié, avec dès lors la possibilité de recevoir son argent par le biais des dispositions de l’accord Ha’avara conclu entre l’Allemagne nazie et le Yichouv. C’est là son dernier lien avec l’Allemagne, qui s’arrête en 1936. Fraenkel, ancien intermédiaire entre Berlin et l’Université hébraïque, devient alors un Juif méprisé, comme tous les autres. Ce décalage va grandissant, et en 1939, devenu recteur de l’université, il peut constater que l’Allemagne, auparavant pays des philosophes et des poètes est devenue le pays des barbares103. L’idylle judéo-allemande au sein de l’université est définitivement terminée.
Assistance financière de la part de gouvernements seuls
Le cas de l’Italie
50Dans le cas de l’Allemagne, qui valait la peine d’être longuement parcouru pour son caractère évident et complexe à la fois, au-delà de la portée du geste de l’Auswärtiges Amt en faveur de l’Université hébraïque, il ne s’agit somme toute que d’une contribution au financement de cours facultatifs, en collaboration avec une organisation juive. Les interventions d’autres pays sont plus conséquentes, dans la mesure où elles relèvent seulement de l’action gouvernementale. C’est ainsi que les nouvelles responsabilités attribuées à Pflaum, qui l’obligent très opportunément à renoncer à enseigner l’allemand, résultent d’une nouvelle offre étrangère, provenant de Rome.
51À première vue, il peut paraître étonnant que l’Italie de Mussolini fasse preuve d’un quelconque intérêt pour l’Université hébraïque. Dans les faits toutefois, Rome, en parallèle à l’établissement du mandat britannique en Palestine, est à la recherche d’une meilleure position au Moyen-Orient. L’Italie est depuis des décennies la grande rivale de la France dans le domaine catholique ; à ce titre, elle tente d’imposer ses vues après la prise de la Palestine104. Ces efforts lui permettent d’obtenir quelque résultat : c’est en particulier l’abaissement de la place de la France en Terre sainte, dans une coopération plus ou moins ouverte avec le Vatican, et une tentative d’italianisation à outrance des grandes institutions catholiques de Palestine105. Mais ces acquis ne peuvent contenter une politique progressivement proprement coloniale qui regarde en particulier du côté de la Méditerranée orientale. C’est ce qui explique ses deux facettes : d’une part un activisme auprès des Arabes de Palestine ; mais d’autre part et surtout un rapprochement avec les sionistes.
52Cette dernière option trouve son illustration dès la Première Guerre mondiale et ses lendemains, lorsque l’officier juif de la marine italienne Levi-Bianchini parcourt l’Orient en faveur de la cause italienne106. Elle est reprise au début des années 1920 : elle se traduit notamment par le passage de Weizmann à Rome, où il est reçu par les autorités italiennes. À Jérusalem, elle reçoit un appui en 1927 lors de la nomination d’un consul général lui-même très intéressé par les affaires sionistes, Orazio Pedrazzi : celui-ci, ancien député et responsable de la revue coloniale L’Italie et le monde, a déjà fait connaître ses idées en publiant en 1925 un ouvrage sur la question des relations entre l’Italie et le Levant107. Sa présence à Jérusalem l’amène à constater que les sionistes ne sont plus des instruments aux mains des Britanniques et qu’il est bien possible de profiter de cet instrument au pouvoir grandissant : « Un phénomène complètement différent de celui que l’on avait il y a trois ou quatre ans. Il a perdu le caractère mythique qui en faisait un instrument dangereux aux mains de l’impérialisme britannique et un pôle magnétique désagrégateur dirigé vers les Juifs assimilés des pays occidentaux [...] un mouvement avec lequel il n’est possible de maintenir sans crainte aucune les relations les plus cordiales, et partant un marché pour nos exportations, une zone d’influence pour notre culture, un environnement largement propre à assimiler notre civilisation108. »
53Par la suite, l’Italie tente effectivement d’établir un lien politique avec le sionisme. Celui-ci a à ses yeux une importance fondamentale pour s’imposer sur la scène politique de la Méditerranée orientale : Pedrazzi n’est pas le seul à le penser, et ses idées sont reprises par Raffaele Guariglia, responsable des affaires moyen-orientales au ministère des Affaires étrangères ; tandis que l’Italie, à l’instar des autres pays européens, se dote d’un comité pro-Palestine109.
54Pour sa part, l’Italie devient importante pour les sionistes eux-mêmes : il s’agit d’abord d’obtenir l’appui de Mussolini au mandat britannique, condition sine qua non de la réalisation des idées sionistes : c’est l’objet des premières entrevues romaines de Weizmann. Enfin, aux yeux des sionistes, les fascistes italiens doivent être en mesure d’atténuer les ardeurs antisémites de l’Allemagne110.
55Les rapports culturels de l’Italie avec le monde juif entrent dans ce cadre. C’est ainsi que l’on assiste de la part de Rome à une tentative de pénétration du judaïsme sépharade du pourtour méditerranéen : celui-ci est, par sa composition, une clientèle proche de la communauté italienne. Pedrazzi, dans son ouvrage de 1925, souligne la nécessité de contrebalancer l’influence française qui s’exerce traditionnellement en Méditerranée par le biais de l’Alliance israélite universelle111. Reprenant cette idée une fois à Jérusalem, l’Italie officielle le suit et concrétise l’opération sous la forme d’un séminaire rabbinique : créé à Rhodes en 1928, île devenue italienne en 1912, sa vocation, à l’instar d’autres expériences éprouvées, est de disséminer dans le bassin méditerranéen des chefs de communauté favorables à l’Italie112.
56Dans le Proche-Orient du début des années 1930, toutes les chances sont donc offertes à une présence italienne plus importante : c’est le moment pour Mussolini de reprendre ses contacts avec les sionistes, qui avaient décliné du fait du rapprochement entre le gouvernement fasciste et l’Église catholique nécessité par l’accord du Latran, en 1929. Répondant à une initiative sioniste, destinée à obtenir une intervention de Rome en faveur des Juifs d’Allemagne, Mussolini demande au Yichouv d’adopter une attitude anti-anglaise en contrepartie de toute aide de sa part : pour les amadouer il encourage l’immigration juive en Palestine et va même jusqu’à promettre l’établissement d’un État juif au cours de la dernière entrevue qu’il a avec Weizmann en 1934113. Dans la même logique, l’Italie établit pendant quelques années des liens étroits avec les Révisionnistes, instruments volontiers anglophobes.
L’offre d’un enseignement d’italien à l’Université hébraïque
57En Palestine même, Rome doit néanmoins faire preuve de plus de réalisme, option raisonnable prônée par son ministère des Affaires étrangères114. Concrètement, on profite du refroidissement des relations entre l’Allemagne et le sionisme, suite à la prise de pouvoir par Hitler, entre l’Angleterre et les sionistes, et en l’occurrence surtout de l’ouverture progressive de l’Université hébraïque aux nations européennes. Pour les fascistes italiens, imitant en cela les Allemands, c’est bien là la possibilité de jouer d’une certaine influence sur les futures élites de la Palestine ; ce serait saper la prédominance culturelle de l’Angleterre et s’immiscer dans un domaine où, pour le moment, la France est totalement absente. Enfin, ce serait passer à une étape de collaboration active, jusque-là Rome s’étant contentée d’observer de loin l’Université hébraïque : certes l’Italie est représentée lors de l’inauguration, en avril 1925, mais cela ne va pas plus loin115.
58Désormais, l’Italie s’intéresse à une diffusion plus grande de l’enseignement de sa langue dans les écoles juives de Palestine116. D’où la proposition concrète d’un tel enseignement au sein de l’université. Celle-ci entre certes dans la logique précédente ; avec toutefois une distinction puisque, comme la France quelques années plus tard, l’université de Jérusalem représente une facette du judaïsme peu familière à l’Italie, la population ashkénaze. Nous avons donc là une réorientation qui peut être due aux multiples déceptions enregistrées par Rome dans sa politique jusque-là surtout dirigée vers les sépharades117. Notons encore que, à la différence de l’Allemagne un peu plus tôt, l’idée ne semble venir que du pouvoir romain. Certes les Juifs italiens s’intéressent de près aux développements de Palestine, ce qui apparaît par exemple dans leur périodique Israel, où sont régulièrement enregistrés les débuts et les progrès de l’Université hébraïque118 ; mais ils ne contribuent pas à la proposition de l’établissement d’un enseignement d’italien119 ; une attitude qui s’explique peut-être par l’animosité démontrée par le régime fasciste envers le sionisme en Italie, au contraire de sa bienveillance envers le sionisme sur le plan politique international120.
59L’enseignement d’italien fait l’objet de réflexions internes au judaïsme dès le début 1932121. L’offre italienne pour sa part est officialisée par le consul de Angelis un an plus tard. Lors des pourparlers, qui ont lieu au cours de l’été 1933, les responsables de l’université rejettent toutefois l’idée d’une chaire d’italien proprement dite. Pour eux en effet, un trop petit nombre d’étudiants s’intéresse à l’italien en soi : il faut donc étendre le champ d’études aux langues romanes en général122. Par ailleurs, un tel poste ne peut être envisagé alors que l’anglais n’est pas encore enseigné dans leur établissement ; où l’italien souffre du même blocage que l’allemand quelques années plus tôt. Malgré ou en fonction de ces réticences, l’affaire aboutit néanmoins, puisqu’elle répond aux préoccupations de développement de l’université123, et parce que le gouvernement italien s’engage à financer à 100 % l’enseignement de l’italien124.
60Le 5 novembre 1933, Judah Magnes peut donc annoncer la création à l’Université hébraïque d’une « chaire de langues romanes modernes, avec intérêt particulier pour l’italien125 ». Dans cette formulation se retrouve l’état d’esprit des responsables académiques : satisfaction devant l’intérêt témoigné par l’Italie, mais en même temps méfiance à l’égard du gouvernement de Rome, puisque celui-ci a des intentions confinant à une certaine hégémonie. Dans le même temps, cette appellation permet de montrer aux autres puissances que Rome agit, alors que Londres et Paris n’ont pas encore consenti d’efforts particuliers en direction de l’Université hébraïque. Dans les faits, cette dernière peut donc imposer ses volontés au gouvernement italien : c’est certes lui qui apporte les fonds, mais la nouvelle chaire, outre le fait qu’elle n’aborde l’italien qu’en parallèle aux autres langues romanes (enseignées dans leur stade ancien), se concentre sur la connaissance des communautés juives des pays concernés : Pflaum, qui en prend la responsabilité (avec Haïm Vardi pour la langue italienne proprement dite), enseigne l’histoire des Juifs dans les pays romans, et non la culture de ces pays. De plus, cette chaire n’est mise en place qu’à titre expérimental126. Cette tentative s’avère toutefois viable ; le financement d’une chaire d’université par un gouvernement étranger ne fait donc plus défaut. Il permet la promotion de Pflaum un an plus tard, qui peut ainsi poursuivre ses activités. Tandis que Rome peut se vanter de ce que l’italien est « l’unique langue européenne moderne figurant au programme universitaire127 ».
61Dans le même élan, l’Italie tente d’étendre ses champs d’activité en matière culturelle : à l’enseignement d’italien de l’Université hébraïque s’ajoute effectivement le développement d’un véritable réseau en Palestine, à destination exclusive du public juif. C’est ainsi qu’est notamment inauguré un centre de culture italienne : qualifié d’ailleurs dans les documents diplomatiques italiens de « centre de culture fasciste », il s’inscrit une fois de plus dans le cadre très concurrentiel des rivalités internationales en Palestine, avec désormais en parallèle une initiative semblable de la part de la France. Ces initiatives et ces réalités sont régulièrement répercutées par la communauté juive italienne, qui les met en valeur dans son hebdomadaire Israel : outre un enseignement d’italien dispensé au lycée Herzlyia, c’est un cercle de la culture italienne à Tel-Aviv128, avec une bibliothèque dont l’ouverture est l’occasion de souligner les bienfaits de l’Italie envers les Juifs129 et qui s’accompagne quelques mois plus tard de cours de langue et de littérature130 ; un ensemble qui est fièrement inventorié en 1934131.
Les difficultés de la chaire de langues romanes financée par l’Italie
62Malgré ces perspectives encourageantes, la chaire de langues romanes rencontre des difficultés au cours des premiers pas de son existence. Il s’agit d’abord de problèmes occasionnés par le contexte international, lorsque la guerre d’Éthiopie empêche les opérations de change entre l’Italie et le mandat palestinien (sans toutefois interruption de l’enseignement). La reprise des flux, en 1936, montre néanmoins que l’interruption des paiements italiens n’a pas de conséquence grave, au contraire : l’Italie poursuit ses versements et fournit des livres à la bibliothèque de l’université (avec même des ouvrages fascisants, voire fascistes132) ; des jumelages sont prévus avec des établissements italiens d’enseignement supérieurs133 ; tandis que l’on prévoit un engagement définitif de Vardi134. De ce fait, on peut se vanter à Rome qu’alors que Magnes avait appelé les autres nations à imiter l’exemple italien lors de la création de la chaire de langues romanes, « jusque-là, aucune autre » ne l’a fait135. Ces perspectives entraînent à plusieurs reprises l’évocation d’une collaboration approfondie entre l’Italie et l’université, la première étant d’ailleurs désireuse que sa contribution soit récompensée par un développement d’une étude spécifique de sa propre civilisation136 ; et de fait, à la fin décembre 1937, Vardi est définitivement engagé, avec désormais un nombre d’étudiants approchant la quarantaine, ce qui dénote de la réussite incontestable du programme et de perspectives prometteuses137.
63Par la suite des motifs concernant plus directement l’université entraînent la remise en question de la participation italienne. En 1933, lorsque Rome offre sa contribution, le fascisme n’a pas assimilé les idées antisémites ; et même il semble pouvoir freiner l’animosité allemande. Néanmoins, ces idées sont ensuite de plus en plus revendiquées par Mussolini, en particulier dans la logique du rapprochement avec l’Allemagne hitlérienne, en 1936 ; en matière de politique extérieure, cela se traduit par la nomination du comte Ciano, le gendre de Mussolini, à la tête du ministère des Affaires étrangères ; et à Jérusalem par l’arrivée d’un consul à l’avenant, Mazzolini. Aux yeux des sionistes, cette évolution est naturellement inquiétante ; car non seulement l’Italie se rapproche de l’Allemagne nazie, mais en plus elle s’oppose désormais à toute réalisation nationale juive en Palestine ; avec le corollaire de cette option, le soutien à la cause arabe. Dans ces circonstances, ce ne sont pas les gesticulations italiennes en direction des Juifs (l’idée de créer une section d’affaires juives au ministère des Affaires étrangères, celle de fédérer les Juifs sépharades du Levant ou de créer un séminaire rabbinique à Jérusalem sur le modèle de celui de Rhodes) qui peuvent atténuer cette tonalité générale. Néanmoins, ladite polarisation de la politique étrangère est d’abord ignorée à Jérusalem : Magnes exprime sa neutralité à l’égard de l’affaire d’Éthiopie et une mission de conciliation menée par Vardi (semble-t-il de son propre chef) échoue. Elle rencontre toutefois peu à peu les limites de la tolérance des responsables de l’université. Face à l’aggravation de la situation des Juifs en Italie, à l’initiative du président du conseil exécutif de l’université, Salman Schocken, une lettre est envoyée au consulat d’Italie à Jérusalem le 29 septembre 1938138 : puisque des mesures d’exclusion sont prises dans les universités italiennes contre les étudiants et professeurs juifs139, et après consultation du Département politique de l’Agence juive, l’Université hébraïque se doit dorénavant de refuser les subsides italiens. Cette décision est officiellement annoncée par Magnes le 9 novembre 1938 : dans un discours poignant140, il prend l’exemple de la longue histoire de la communauté juive de Bologne, cité universitaire par excellence, pour montrer à quel point la nouvelle politique antisémite italienne est une fracture par rapport à des siècles d’harmonie et à la bienveillance montrée jusque-là par les autorités fascistes envers les réfugiés juifs allemands, qu’elles accueillent sur leur territoire141. Malgré cette renonciation à la participation financière de Rome, l’enseignement d’italien est poursuivi : plus que d’un refus de l’italien, c’est l’instrumentalisation italienne par le biais d’un financement gouvernemental qui est alors définitivement rejetée. À Jérusalem comme à Rome, les autorités italiennes doivent prendre note de cette décision qu’elles ont elles-mêmes provoquée142.
Le cas de la France
64La fin du versement des subsides italiens ne signifie pas pour autant la fin de l’aide étrangère à l’université ; si l’on peut se permettre de renoncer désormais aux deniers de Rome, c’est aussi parce que, comme en 1933, un autre pays vient de manifester son intérêt. Le jour même où est annoncée la renonciation de l’université au financement italien, Judah Magnes rend publique la nomination d’Abraham Duff, détenteur de la chaire de civilisation française qui vient d’être créée143. Cette nouvelle chaire se rapproche des deux cas précédents : l’entrée du français à l’université fait partie de l’ouverture aux langues étrangères, elle doit permettre aux étudiants de partager avec d’autres institutions leur savoir fondamental. Par ailleurs, le français est considéré comme un élément de progrès et d’élévation, puisqu’il est la langue de la civilisation. Néanmoins, dans le cas de l’italien, son introduction à l’Université hébraïque est pensée comme un élément participant de la volonté italienne de renforcer sa position en Méditerranée orientale : l’université n’est qu’un tremplin, l’illustration du souci de remettre en cause le système politique palestinien. Dans le cas du français, il s’agit de la remise en cause de la culture inhérente à l’Université hébraïque. Les objectifs sont donc divergents : saper la puissance politique anglaise d’une part, miner le modèle culturel dominant de l’autre.
65Le « tout allemand » qui semble pendant longtemps s’imposer, sur la forme comme sur le fond, au sein de l’Université hébraïque, n’est en effet pas sans déclencher certaines discussions au sein du judaïsme mondial. Car à l’élargissement de la perspective politique du mouvement, qui découle de l’installation à Londres des instances sionistes après la Première Guerre mondiale, correspond plus que jamais la nécessité de prendre en compte les opinions de toutes les parties du judaïsme dans la construction en cours. C’est ce qui se passe dans les réunions préalables à l’établissement de nouveaux instituts, lorsque s’affrontent des conceptions totalement différentes. Au modèle allemand, dominant, s’opposent d’autres idées, en particulier françaises. L’affaire est gérée tant bien que mal, pour aboutir à la création de facultés copiées encore et toujours majoritairement sur l’Allemagne, nous l’avons vu.
66À travers ces débats apparaît la difficulté de donner naissance à une identité juive unifiée, qui serait ici incarnée dans une vie scientifique juive. Il s’agit en effet de faire s’entendre des personnalités fortes mais aussi de créer un tout à partir de nombreuses traditions, où chacune affirme sa propre validité, voire sa supériorité. L’attachement de chacun à son propre modèle aboutit à des confrontations, et même des haines, qui révèlent un patrimoine directement issu des affrontements militaires de 1914-1918 et font de grands dommages. Dans cette situation, il apparaît qu’il n’est pas si simple de faire voyager l’intelligence et de laisser de côté ce qui peut être incompatible avec d’autres traditions, pour fonder une nouvelle entité dégagée des pesanteurs de l’assimilation. Une illustration éloquente de ces confrontations d’idées est la discussion préalable à la fondation de l’Institut d’études juives, en 1923-1924, où des universitaires et intellectuels juifs français s’opposent à l’idée toute allemande de faire de cet institut un foyer de spéculation lié à l’université144.
67Ces débats sont à la base de l’image que se font de l’université les pays rivaux de l’Allemagne, image qui confine par moment à l’obsession. C’est le cas de la France, pour laquelle l’Université hébraïque est évidemment un corps allemand. Aux yeux de Paris, cette dominante est due au courant majeur du sionisme, allemand depuis le départ. Cette influence germanique est perçue dès les débuts145 ; une impression durable chez les observateurs français puisque les cadres du sionisme sont des Juifs allemands, et « les Juifs allemands sont surtout des intellectuels146 ». Le fait est là, et les diplomates français semblent jouer sur les mots : s’il est décidé, lors du congrès sioniste de La Haye, en 1907, que l’hébreu va devenir la langue officielle du sionisme, ils indiquent que « l’allemand restera longtemps encore la langue officielle des sionistes147 ».
68L’Université hébraïque est l’incarnation par excellence de cette réalité. En elle, la France voit s’élever une institution nouvelle et puissante, sur laquelle elle ne peut exercer aucun contrôle, elle dont les établissements d’enseignement assurent la toute puissance culturelle en Palestine. Elle qui se méfie de la poussée allemande en Orient, notamment du point de vue des écoles, elle dénonce dès le départ le caractère allemand de ce qui n’est alors qu’un projet d’université juive148. Si la France fait bonne figure lors de la pose de sa première pierre149, elle n’en poursuit pas moins sa fixation sur l’image allemande que présente la nouvelle institution. Celle-ci est de plus étrangère à la France par son aspect essentiellement juif, Paris étant habitué à des écoles chrétiennes ou juives qui lui sont soumises et diffusent l’esprit français150. Bien plus, cette réalité pose problème aux représentants français en Palestine, puisqu’ils se complaisent à remarquer que sous des dehors juifs, l’Université hébraïque demeure une manifestation criante de la germanité : par sa structure, par les origines de ses enseignants, par les livres que contient sa bibliothèque, par les instruments de ses laboratoires, ou même par son architecture151.
69Cette réalité suscite aussi la méfiance des Juifs français, plus ancrés dans un judaïsme orthodoxe que leurs coreligionnaires d’outre-Rhin, qui ne peuvent accepter l’installation à Jérusalem d’une nouvelle académie pour la science du judaïsme, électron libre à l’allemande, institution pleinement scientifique échappant au contrôle de l’orthodoxie religieuse, établie prétendument dans un dessein purement culturel mais participant dans les faits totalement d’un esprit national. Pour poursuivre la comparaison effectuée au départ, il semble, aux yeux des Français, que l’on soit en présence d’une institution relevant de la Kultur, avec toutes ses composantes herdériennes, à laquelle les tenants de la civilisation qu’ils sont doivent s’opposer fermement. L’université comme moyen d’imposer, ou de susciter, un réveil national, est contrée par ceux qui veulent y voir seulement un outil pédagogique.
70Mais la France prend du temps à mettre en place un contre-feu qui agisse efficacement contre cette absolue germanité ; et à l’instar de l’anglais, le français tarde à être introduit dans les matières enseignées à l’université. Si l’établissement de Jérusalem évoque quelque temps la nécessité d’apprendre aux étudiants la langue de Molière, la partie française reste, elle, réticente.
71Cette attitude trouve son explication dans des éléments de nature différente. La crise économique peut expliquer l’absence de dispositions à ouvrir de nouvelles tranches de crédits ; mais l’Allemagne, bien plus malmenée que la France de ce point de vue n’hésite pas à s’engager justement à ce moment, nous l’avons vu. Il existe également des explications d’ordre culturel : l’Université hébraïque est encore décidément considérée par les Français comme un établissement judéo-allemand. D’où la réticence à financer une institution qui est étrangère, voire hostile, à la France. De plus, il existe en France, parmi les responsables des Affaires étrangères, un fonds antijuif, voire antisémite, mais surtout antisioniste. Ainsi les hommes du Quai d’Orsay considèrent avec méfiance la progression de la Palestine : qu’il s’agisse du personnel en charge des affaires moyennes-orientales qui craint pour le mandat français de Syrie et du Liban152 ; ou du conseiller pour les affaires religieuses, Louis Canet, plus attaché à une Terre sainte chrétienne qu’à une Palestine juive153.
72Cette méfiance française à l’égard du sionisme et ce désintérêt pour l’Université hébraïque sont partagés par les personnes qui a priori devraient leur être favorables : les écrivains juifs français sionistes s’intéressent à l’université, mais ne s’engagent pas véritablement154 ; tandis que les Juifs de France en général, qui demeurent encore très distants envers le sionisme155, ne manifestent aucun attachement particulier à cet établissement pourtant réputé non-sioniste. Néanmoins, avec le temps, les opinions juives françaises deviennent plus favorables à l’œuvre de Herzl, que ce soit en conséquence des persécutions nazies – et de la nécessité de trouver une solution à l’afflux des réfugiés juifs allemands en France –, ou de l’arrivée au pouvoir, avec le Front populaire, de personnes elles-mêmes bien disposées à l’égard du mouvement156.
73Cette évolution est très précisément perçue par les Juifs de Palestine, comme par les responsables de l’université. Elle est à son tour à l’origine de leur propre progression en direction de la France et du français. Le français moderne est évoqué à partir de 1933157 ; et les Amis français de l’université sont tenus informés de ce développement en parallèle à l’annonce de la contribution italienne. Mais un rapprochement avec la France paraît de toute manière inévitable, même aux plus réticents158. Une collaboration plus conséquente s’impose inéluctablement. Magnes est lui-même vivement intéressé par une avancée en direction de Paris : d’une part c’est pour lui la possibilité de montrer son aversion pour les sciences exactes ; d’autre part, il est lui-même vivement intéressé par la civilisation française : en Palestine, il est en contact avec le tout nouveau Centre de culture française et il prend des cours de français ; enfin c’est pour lui une possibilité de sortir définitivement l’université du carcan allemand. Il s’efforce alors de susciter l’intérêt de la capitale française. Son but est avant tout d’obtenir des fonds dont l’université devrait disposer librement.
74Une première idée de chaire de civilisation française date de juillet 1935159, mais ce n’est qu’à la fin de 1936 que les contacts s’intensifient. Ils sont établis avec des personnes très favorables à cette idée, comme le sénateur Justin Godart, cofondateur en 1925 de l’association France-Palestine160, ou même le futur président du Conseil Paul Reynaud, en sa qualité de membre du comité de Défense des droits des Israélites. L’université déploie néanmoins de grands efforts et explique aussi ses motivations à des personnes plus réticentes : c’est le cas de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Anatole de Monzie, favorable au sionisme, qui considère que le français est bien trop négligé en Palestine, en particulier par la population juive161. Cette prise de position entraîne Magnes et Hugo Bergmann, le recteur de l’université, à écrire au sénateur une très longue lettre qui répond point par point à ses reproches162. Cette missive, non dénuée de flatteries à l’adresse de la France, souligne par exemple les bons rapports qui existent entre l’université et le vice-consul de France à Jérusalem, l’archéologue de renom René Neuville. Mais elle se préoccupe surtout de dénoncer la sempiternelle accusation de collusion avec l’Allemagne. De fait, c’est ici qu’est révélé le projet jusqu’à présent tenu confidentiel : la création d’un département de français, qui pourrait exercer une influence bénéfique sur le reste de l’université.
75Cette lettre entraîne l’officialisation de l’affaire. Elle est transmise au consul général de France, Jacques d’Aumale163, puisque les circonstances paraissent excellentes à Magnes : Blum est encore au pouvoir, il doit voir là une occasion de concrétiser ses idées favorables à la fois au développement de la vie juive en Palestine et à la diffusion des valeurs françaises. Ces idées convergent avec celles du président de l’université, d’autant plus qu’un tel élément de conciliation ne pourrait pas être superflu dans une Palestine plongée dans la guérilla la plus violente depuis le printemps 1936. D’Aumale à son tour transmet le document au Service des œuvres françaises à l’étranger, la direction compétente du Quai d’Orsay, même s’il émet les réserves de circonstance : des fonds ne sont pas disponibles, et l’homme de la rue en France ne serait pas préparé à ce genre d’initiative164.
76Constatant cette conjoncture favorable, Magnes met à profit son séjour en Europe, en 1937, pour faire avancer ce programme. Une fois à Paris, il peut se rendre compte de l’intérêt réel que l’Université hébraïque rencontre désormais dans la communauté juive du pays. C’est en particulier le cas de l’un de ses responsables, le grand rabbin Maurice Liber, lui-même professeur d’histoire juive à l’École pratique des hautes études (Sorbonne). Celui-ci dépasse alors son antisionisme relatif pour appuyer une cause qui correspond à sa foi dans les valeurs de la République. Cet appui provient aussi des responsables de l’Alliance israélite universelle, dont l’antisionisme ne peut les empêcher de soutenir cette perspective prometteuse pour l’extension du français en Palestine. L’occasion paraît d’autant plus bienvenue qu’on assiste alors à la mise en place d’une stratégie concertée de diffusion du français : les écoles primaires sont du ressort de l’Alliance, un lycée français est au programme de la Mission laïque française, elle qui vient d’ouvrir un Centre de culture française déjà mentionné165. La chaire de civilisation française constitue bien le complément indispensable à cet appareil éducationnel sans comparaison dont pourrait disposer la France. D’autres personnalités juives françaises, rencontrées par Magnes à Paris, apportent non seulement un intérêt, mais en plus un soutien actif à son entreprise166. Cette faveur n’est pas sans surprendre Magnes et ses collaborateurs : ainsi Norman Bentwich, qui encore en mars 1937 avait dû se plaindre des réserves des Juifs français167, salue désormais ce développement prometteur, puisqu’il met un terme à des « années de tentatives infructueuses pour obtenir la coopération [...] du judaïsme français168 ».
77Cette ouverture s’explique par plusieurs raisons. Les Juifs de France ont enregistré une réorientation réelle, la Palestine étant devenue une sorte de garantie pour l’avenir, au cas où la montée de l’antisémitisme devait aussi gagner leur pays. Par ailleurs ils ne sont pas insensibles aux éloges que Magnes ne cesse de produire à l’égard de la France, ce qui ne peut que flatter leur ferveur de Juifs assimilés. Enfin, ils savent que le gouvernement français est très favorable à l’idée du président de l’université, donc qu’ils ne seront pas les seuls à prendre en charge l’aspect financier de cette opération.
78Effectivement le gouvernement français apporte pour sa part un soutien sans faille au projet de l’université. Magnes trouve pour cela une aide de grande importance en la personne de Jean Marx, qui est son principal interlocuteur lors de son passage en France. Juif lui-même, il est le chef du Service des œuvres françaises à l’étranger, directeur d’études à l’École pratique des hautes études, et au service d’un cabinet dirigé par Léon Blum. C’est au gouvernement de ce dernier que revient d’avancer un programme concret de négociations, soumis à Magnes dès la fin du mois d’avril 1937 :
- nomination d’un maître de conférence (mais pas d’un professeur) en langue et littérature françaises ;
- échange de professeurs entre les universités françaises et l’université de Jérusalem ;
- éventualité de la création d’autres chaires occupées par des professeurs français ;
- accord de bourses d’études françaises pour deux ou trois étudiants de l’Université hébraïque169.
79La négociation enregistre rapidement des progrès dans un sens très favorable à l’idée de Magnes. Paris s’engage ainsi à prendre en charge l’intégralité du financement de la chaire, soutien remarquable qui va bien au-delà des simples cours entrepris à l’initiative de l’Italie. De plus il met à la disposition de l’établissement la somme supplémentaire de 100 000 francs, destinée à l’acquisition de livres170.
80L’engagement de Paris est d’autant plus notable qu’il n’est pas temporaire. L’idée en est préservée même après la première éviction de Blum, le 22 juin 1937. Par ailleurs, la France reste ferme dans la proposition de deux candidats : un certain Lando, mais surtout « un jeune savant de la plus haute valeur M. le Docteur DUFF171 ».
81Pour souligner l’importance de cette proposition, Marx écrit à Magnes le 29 juillet 1937 : « Si l’Université hébraïque, à laquelle il appartient de statuer en dernier ressort, approuvait un projet de ce genre, il n’est pas douteux que non seulement le développement de la culture française en Palestine [...] en serait facilité, mais il est certain que les relations entre les universités françaises et l’Université hébraïque s’en trouveraient très fortement consolidées pour le plus grand bien de la France et la compréhension mutuelle des peuples. »
82Paris semble à ce point engagé dans cette affaire que Marx indique en outre que l’on verrait avec satisfaction l’ouverture du poste pour la « rentrée prochaine », soit au plus tard trois mois après cette lettre. Engouement réel de la part de la France donc, mais aussi ignorance de l’état d’esprit du personnel de l’université marquent cette prise de position.
83En effet, comment cette proposition est-elle reçue à l’université ? En apparence, c’est la surprise et l’enchantement qui répondent à l’offre française ; l’institution se réjouit du « grand accomplissement » de Magnes, qui a été capable de faire plus que « ce que nous étions capables de faire jusque-là172 ». La nouvelle en est même divulguée en Palestine, contre l’avis du gouvernement français. Mais l’université reste partagée. Dans ce contexte il faut s’interroger sur les motivations et l’origine de la diffusion des informations portant sur une affaire encore en pourparlers. Elle pourrait être due à une réaction dirigée contre l’entrée imminente du français dans un établissement toujours fortement marqué par l’esprit germanique. De plus, cette proposition de Paris met en cause l’indépendance de l’université, puisque la France arrive avec le financement et les candidats. Or l’institution reste attachée à sa conception initiale : elle reçoit les fonds étrangers, mais c’est elle qui sélectionne les candidats, choisis en accord avec le généreux donateur, comme cela a été le cas pour l’allemand et l’italien. Par ailleurs, le programme proposé par la France ne correspond pas à ce qui est pratiqué jusqu’alors : le caractère juif des enseignements disparaît ici au profit de la civilisation française. C’est bien cette dernière qui est au programme, et non le judaïsme dans la civilisation française.
84L’opposition à la proposition française est le fait de deux personnages principaux au sein de l’université : d’une part Hiram Pflaum, qui, sous prétexte de défendre l’autonomie de l’établissement, ne tient pas à abandonner sa place de spécialiste des langues européennes de l’université ; il va jusqu’à défendre cette cause même après la nomination de Duff. Alors qu’un autre Allemand, Richard Koebner, n’accepte pas le coup de force français. Cette résistance à l’avancée française prend plusieurs formes. D’abord les qualités des candidats proposés par les Français sont mises en cause. Il en va ainsi de la compétence linguistique, puisque tout enseignement doit se faire en hébreu (mais Duff se complaît à écrire à Jérusalem dans un hébreu impeccable : issu d’une famille juive roumaine très religieuse, il s’est déjà rendu en Palestine en 1924 comme membre d’une mission archéologique française ; à Paris, c’est le grand rabbin Maurice Liber qui est son professeur d’hébreu). Mais aussi de leur compétence scientifique : si le principal candidat, Abraham Duff, est très capable dans certains registres (il est spécialiste de Gobineau, d’Uriel da Costa et de Bernard de Clairvaux), il ne semble pas à même de satisfaire aux exigences de la matière qu’il devrait enseigner, la civilisation française. Pour essayer de convaincre Paris d’une renégociation de cet aspect de l’offre française, l’université propose la création d’un comité conjoint France-Palestine pour la nomination du titulaire. Cette procédure pourrait suivre le modèle du comité Montefiore mis en place en Grande-Bretagne pour la désignation d’un professeur d’anglais à Jérusalem ; mais on s’abstient bien alors de préciser que ledit comité existe déjà depuis trois ans, que l’idée même d’une chaire d’anglais existe depuis plus longtemps encore, et que l’anglais n’est toujours pas au programme des cours173.
85L’objection principale des personnes en question semble toutefois résider ailleurs, et relève d’un chiasme fondamental au sein même du judaïsme. Comme l’indique Bergmann dans une lettre adressée à Magnes à la fin d’août 1937 : « Il serait quelque peu bizarre si les deux enseignants du département de français s’avéraient être des Juifs roumains qui ne sont allés en France que pour leurs études et qui ont étudié d’autres matières que la langue et la littérature françaises. À mon sens, ce serait là un cas évident de “protection” [en français dans le texte] et de “bon pour l’Orient” [idem] qui, comme nous le savons tous, est très répandu en France174 ».
86Au-delà de l’objection scientifique, qui tendrait à prouver qu’un étranger à la France ne peut être compétent pour enseigner la civilisation française, il apparaît bien que le problème trouve son explication dans le rejet des Ostjuden : les universitaires juifs allemands sont peut-être pacifistes et progressistes, ils n’en restent pas moins très élitistes et se méfient de Juifs d’Europe de l’Est a priori plus pénétrés de religion qu’eux-mêmes ne le sont. Cet argument reste toutefois destiné aux seules notes internes à l’université. C’est donc la compétence scientifique qui passe au premier plan, d’où la demande par le Sénat d’une série de lettres de recommandation émises par des personnalités scientifiques de très haute réputation.
87À partir de ce moment la France fait tout pour imposer ses vues : le gouvernement tient absolument à placer Duff, et il est clairement aidé en cela par les responsables juifs de l’Hexagone. Il répond ainsi point par point aux questions de l’université, car il s’agit de réagir à ce qui est perçu comme la mise en cause d’un juste choix et comme une atteinte à l’honneur de la France. En l’occurrence Duff apparaît bien comme l’homme de la situation, qui bénéficie du soutien de personnalités internationalement reconnues, comme de l’homme de confiance de Magnes au sein de l’administration française, Jean Marx175. Enfin, le prestige français est d’autant plus blessé que le candidat avancé par l’université elle-même, le Dr. Pflaum, n’inspire aucune confiance au gouvernement de Paris.
88Finalement la France peut bénéficier de l’aide d’un allié de poids : Judah Magnes, qui, en accord avec ses conceptions initiales, tient à accélérer le processus. À la mi-octobre, il annonce ainsi au consul général de France à Jérusalem qu’il va évoquer le sujet lors de son traditionnel discours de rentré176. Et effectivement, le 20 octobre 1937, il déclare : « Non seulement l’Université hébraïque, mais le judaïsme entier a beaucoup à gagner d’un contact étroit avec l’esprit français. La clarté et la beauté de la langue et de la littérature, la noblesse et la logique de la pensée françaises, la sagesse des institutions sociales et culturelles de la France, la splendeur de l’art français, la passion de la France pour la liberté, l’égalité et la fraternité, sont d’une valeur essentielle et pour le judaïsme palestinien et pour celui de la diaspora. Il nous faut comprendre de plus en plus le pays de Pascal et de Voltaire, de Pasteur, de Henri Poincaré et de Bergson. Depuis plus de cent ans le judaïsme, et plus particulièrement la “science” du judaïsme subissent dans une très large mesure l’influence de l’esprit germanique. Nous devons renforcer à l’intérieur du judaïsme les influences de l’Occident, de la France, de l’Angleterre et de l’Amérique, l’esprit de la démocratie et du libéralisme177. »
89Cette prise de position résume le souci du président d’affirmer une nouvelle orientation pour l’institution qu’il dirige. Elle constitue en effet une condamnation de la Wissenschaft des Judentums qui marque tant l’université, et en même temps un véritable éloge de la France. Victoire française sur les valeurs germaniques178, elle doit aussi servir d’exemple à une Grande-Bretagne qui n’arrive pas à se décider179. Abraham Duff est nommé officiellement le 1er mars 1938, le temps de régler les derniers détails du contrat : engagement de la France à financer la chaire pendant un nombre minimum d’années, fourniture de livres destinés à la bibliothèque universitaire, création d’une bibliothèque du séminaire de français, nomination d’un professeur de langue française, mise en place du système des bourses. Par ailleurs il reste à régler la question de la répartition des cours entre Duff et le Dr. Pflaum.
Les premières années de la chaire de civilisation française
90S’il est clair que la générosité française est intéressée, cette fondation correspond à une révolution dans les esprits des deux parties, on le sent bien. Le 9 novembre 1938, lors de son discours de rentrée, Magnes peut annoncer l’arrivée de Duff comme titulaire de la chaire en question. Si l’enthousiasme est alors présent chez lui, son intervention est également marquée d’une certaine gravité. Il affirme ainsi : « En ces jours amers, la signification de cette chaire devient de plus en plus évidente pour le peuple d’Israël ici et partout ailleurs180. »
91Cette déclaration concerne en l’occurrence la renonciation au financement italien, constat de l’entrée de l’Italie dans la logique antisémite, évoquée précédemment ; mais elle préfigure étrangement les événements qui vont la suivre de quelques heures. La nuit du 9 au 10 novembre 1938 est passée à l’histoire sous le nom de « Nuit de Cristal ».
92Malgré ces circonstances ténébreuses, la chaire de civilisation française remplit rapidement ses promesses. Duff se met au travail, et bénéficie peu à peu de la confiance de ses pairs, ajoutée à celle du gouvernement français dans la tâche qui est la sienne, « assurer à la culture française [...] la place qui lui revient181 ». De son côté la France fournit les 100 000 francs promis pour la bibliothèque universitaire, auxquels s’ajoutent 20 000 francs pour la bibliothèque du séminaire de français. Duff est nommé pour trois ans, et les relations avec Paris sont assurées avec bienveillance par le nouveau consul de France à Jérusalem, Amédée Outrey : celui-ci, entre autres, préside le comité des bourses, tient l’université informée du passage en Palestine de savants français, honore l’établissement de sa visite et prépare celle d’Édouard Herriot, président de la Chambre des députés de Paris et de la Mission laïque française. 1939 voit la confirmation de l’installation du français : après que Pflaum eut été écarté du champ d’activité de Duff, on envisage de faire passer le français au rang de matière principale, soumise à l’examen de licence. En parallèle, des boursiers sont envoyés en France, comme convenu182. Bien plus, la situation de guerre ne semble pas être un obstacle au bon déroulement des cours de civilisation française. Le principal pour la France est d’affirmer une présence en Palestine, envers et contre tout, à l’instar de ce que fait l’Allemagne après le 30 janvier 1933. C’est ce qui transparaît de manière éloquente d’une missive d’Outrey adressée en octobre 1940 à son ministère, désormais installé à Vichy, dans laquelle il insiste pour que le financement français se poursuive alors qu’a lieu la rentrée universitaire : « Une réponse défavorable ou ambiguë de notre part ne pourrait qu’encourager la coalition d’intérêts ou de rancunes qui s’est formée contre les progrès de notre influence à l’université et qui réunit aujourd’hui aux nouveaux amis de l’Angleterre ceux des réfugiés allemands que dix ans de persécution officielle n’ont pas encore réussi à dégoûter des méthodes intellectuelles d’Outre-Rhin183. »
93Et effectivement le consul général obtient gain de cause184 : non seulement la France qui lui donne le feu vert est dans une situation dramatique, parce que militairement vaincue et accablée par des frais de guerre qui doivent lui faire négliger toute action culturelle à l’étranger ; mais surtout c’est cette même France qui édicte, précisément au même moment, une législation antisémite. Contre vents et marées le gouvernement de Vichy paraît donc avant tout préoccupé de rayonnement international, et ne se montre aucunement gêné par le destinataire des fonds185. L’antisémitisme officiel peut donc coexister avec une générosité pro-juive pleinement intéressée ; alors que Jean Marx, le directeur du Service des œuvres, est mis à la retraite, parce que juif, le 26 août 1940. Dans sa réponse favorable à la demande d’Outrey, Vichy indique même une échéance ambitieuse : le gouvernement français s’engage à financer la chaire de civilisation française après mars 1941. Comme par dérision de l’histoire, ce terme doit être mis en rapport avec le contrat signé par la Troisième République, en l’occurrence le Front populaire : mars 1941 c’est la fin de l’engagement de trois ans signé par le deuxième gouvernement Léon Blum186.
94Par ailleurs, et de manière contradictoire, la guerre est synonyme de renforcement du département de français. De ce point de vue très ironiquement, la tragédie des Juifs d’Europe constitue une chance inespérée. De faible recrutement au départ (on compte la première année cinq étudiants, contre quarante pour le cours d’allemand au début des années 1930 et le même chiffre pour l’italien en 1937), le département de français connaît un développement rapide avec l’arrivée des Juifs roumains. Ironie de l’histoire encore une fois, des personnes de même origine, voire de la même ville, occupent la chaire et les bancs des étudiants. À la fin de décembre 1941, ce sont trente-cinq élèves qui suivent les cours de civilisation française.
95Dans les faits toutefois, la chaire de civilisation française est réellement soumise aux difficultés de ce temps de guerre. Ainsi, contrairement à ce qu’envisage l’État français dans son engagement d’octobre 1940, il ne lui est pas possible de faire parvenir des flux continus vers la Palestine. Outrey doit alors trouver des solutions pour assurer le financement du poste universitaire, et pour pallier certains manques, l’université doit puiser dans ses propres caisses187. Par la suite, la chaire de civilisation française se trouve directement concernée par les confrontations militaires qui opposent, de mai à juillet 1941, les forces de Vichy, installées en Syrie-Liban, aux Anglais et aux gaullistes. Outrey, le Consul général, resté à Jérusalem pour assurer la continuité, ce dont bénéficie l’université comme nous venons de le voir, est expulsé par les Anglais à la fin de mai à titre de représailles contre l’autorisation accordée à des avions allemands d’emprunter les aéroports de Syrie. Après la défaite des troupes vichystes, il est remplacé par son ancien adjoint, Henri Zimmermann, qui devient délégué provisoire de la France libre en Palestine et en Transjordanie.
96De manière éloquente, ces changements n’entraînent pas de conséquence notable pour la chaire de civilisation française. Car les Français libres la considèrent comme une fondation française à part entière, convoitée par les autres puissances et qui doit être protégée à tout prix. C’est ainsi que le financement du poste universitaire est repris par de Gaulle, qui va même jusqu’à régler les dettes laissées par la France de Vichy pour montrer qu’au Levant la France est une et bien une188. Cette prise en considération de la chaire de civilisation française par les FFL est la conséquence de plusieurs facteurs. D’une part, Zimmermann ne fait que régler les affaires courantes et remplir les obligations de la France. D’autre part, et avant tout, la décision de reprendre le financement de la chaire de civilisation française dépend du commissaire à la Justice et à l’Instruction publique au Conseil national de la France libre : celui-ci n’est autre que René Cassin, juif lui-même, qui fait une tournée d’inspection au Moyen-Orient au début de 1942, et passe par Jérusalem et son université.
97Au travers de l’histoire de la création et des débuts de la chaire de civilisation française, on peut donc considérer que c’est une seule France qui est agissante. Pour sa part le personnel de l’Université hébraïque est pleinement conscient de cet état de fait : il entretient ainsi des relations avec chacun des représentants de la France à Jérusalem, quelque soit le régime qu’il incarne, pour le plus grand bien de la vie académique de l’établissement. On en veut pour preuve qu’au moment du départ de Zimmermann de Jérusalem, en août 1942, celui-ci est remercié pour les services qu’il a rendus « en particulier pour le développement du département de français, au cours de toutes les années de [son] séjour en Palestine189. » Zimmermann ne reçoit donc pas cette gratitude seulement en tant que délégué de la France libre, mais en tant qu’incarnation de la France qui a apporté son soutien à l’université tout au long de son séjour dans la Ville sainte. De fait, un élément apparaît clairement : la France, quelque soit son régime et ses options politiques, reste guidée par un impératif constant, maintenir en Palestine, comme ailleurs, une présence culturelle, celle-ci devant être la marque de la résistance aux vives attaques dont la France fait l’objet depuis l’installation du mandat britannique190.
98Si l’on compare l’implication de la France aux deux précédents cas, Paris, comme Berlin, est aidée par ses propres Juifs : c’est à eux en effet que revient l’initiative concrète de l’opération. Mais, comme dans le cas de l’Italie, le financement n’en provient que du gouvernement. À l’instar du cas allemand, l’université propose l’introduction de la langue à enseigner, en l’occurrence du français. Alors que, comme dans le cas italien, Paris développe ses propres idées en la matière. Mais encore, à la différence de l’Italie, qui doit accepter la création d’une chaire de langues romanes, avec seulement un souci particulier pour l’italien, la France, aidée de Judah Magnes, parvient à imposer sa conception et son candidat : Paris obtient la création d’une chaire de civilisation française et ne se voit pas imposer une chaire de judaïsme dans la civilisation française, ce qui est un pas important au-delà de la conception traditionnelle de l’institution ; elle qui est obligée à ce moment d’oublier le monopole juif. Une grande victoire donc pour l’esprit français que Weizmann dénonce violemment dès 1917 ; une grande victoire de Paris sur les sionistes nationaux mais surtout sur l’Angleterre.
Le financement de l’enseignement d’une langue étrangère par les Juifs seuls : Le cas de la Grande-Bretagne
99Cette constatation nous conduit maintenant à aborder le cas de la Grande-Bretagne et de l’anglais.
La question de l’enseignement de l’anglais à l’Université hébraïque
100Parmi les réalisations concrètes, nous avons eu jusqu’à présent l’Allemagne, l’Italie et la France. De manière surprenante, en dépit du statut de la Palestine, placée depuis 1922 sous mandat britannique et dont l’anglais est l’une des langues officielles, la langue de Shakespeare n’apparaît pas dans les cours de l’Université hébraïque avant une date très tardive. Dans les faits, comme le français, l’anglais s’affiche néanmoins très tôt dans les documents fondateurs de l’Université hébraïque : cette langue est considérée comme l’une des plus importantes, en tout cas « plus adaptée que l’hébreu ou l’arabe pour l’avancée de la civilisation191 » ; et « au vu du fait que la Grande-Bretagne est la puissance mandataire en Palestine, l’étude de l’anglais revêt une importance particulière192 ». Nous avons également vu qu’un projet d’instruction de l’anglais à l’Université hébraïque est l’élément d’impulsion qui conduit l’Allemagne à fonder un enseignement d’allemand là193, avec dénonciation de l’américanisation de l’institution ; de même que nous avons pu voir que le fait que l’anglais n’était pas encore enseigné au sein de l’université a été la raison pour refuser à l’Allemagne194 puis à l’Italie195 officielles la création de chaires qui soient réservées spécifiquement aux langues de Goethe et Dante respectivement.
101Dans ces circonstances, que faut-il faire ? En apparence, à la différence de ses homologues allemand, italien ou français, le gouvernement britannique n’est pas prêt à payer quoi que ce soit en faveur de l’Université hébraïque ; lui qui songe à un moment mettre en place une université anglaise en Palestine, avec une section hébraïque et l’autre arabe, une idée amenée à refaire surface à l’occasion, il fait preuve en général d’une négligence relative à l’égard d’efforts en propre concernant le système d’enseignement du mandat, dans les faits laissé à l’initiative des principales populations196 ; un moyen de pénétration linguistique suffisant lui paraissant constitué par le fait que l’anglais soit langue obligatoire du mandat, à égalité avec l’hébreu et l’arabe, et que les autres systèmes étrangers d’éducation, en particulier le réseau scolaire français, sont obligés de s’adapter à cette nouvelle donne.
102L’anglais et son enseignement figurent régulièrement à l’ordre du jour des discours inauguraux de Magnes, sans toutefois que cela soit suivi d’une réalisation197. Par conséquent, comme pour pallier la réserve du gouvernement de Londres, les Juifs anglais sont obligés de s’engager eux-mêmes. De premières consultations entre cette partie de la diaspora et l’Université hébraïque ont lieu dès la fin des années 1920. On insiste ainsi sur la nécessité de l’introduction de l’anglais, par exemple pour devancer les efforts officiels britanniques visant à la création d’une université anglaise en Palestine : dispenser un enseignement d’anglais, c’est couper l’herbe sous les pieds d’une institution qui doit forcément attirer les étudiants de la région, notamment juifs, qui risquent alors d’être tentés de poursuivre leurs études en Grande-Bretagne, pour le plus grand dommage de l’entreprise sioniste198. Des fonds sont certes à disposition, émanant de donateurs types de l’Université hébraïque199, et même l’étude de l’anglais doit, aux yeux de Magnes, pouvoir bénéficier à toutes les populations de la Palestine : les langues étrangères sont décidément perçues par lui comme un facteur de concorde200. Mais l’on est obligé de constater régulièrement, en la regrettant, l’absence de l’anglais : plus que d’une simple extension des champs d’activité de l’université, c’est d’un véritable besoin dont il est désormais fait mention201. Au point que l’on indique en juin 1933 qu’en ce qui concerne une institutionnalisation véritable de l’enseignement des langues étrangères, à savoir la mise en place de départements réels et non pas seulement de simples cours, « [il] est naturel que l’université veuille commencer par l’anglais, car l’étude de l’esprit anglais, qui s’est illustré par le biais de la littérature anglaise, de l’histoire anglaise, et des institutions politiques anglaises, ne peut qu’être importante pour les étudiants de l’Université hébraïque, particulièrement en considération du fait qu’ils vivent dans un pays grandement influencé par l’esprit anglais. Une connaissance de l’anglais est ainsi évidemment d’une valeur pratique ici comme ailleurs202. »
103Cette absence de l’anglais est notamment remarquée lorsque sont créés les enseignements des autres langues européennes dont il a été question : le 5 novembre 1933, dans son discours de rentrée, Magnes reprend la formule précédente en la rendant plus provocatrice : « N’est-il pas étrange que personne pour le moment n’a pensé qu’il valait la peine que l’université établisse une chaire d’anglais ? Il s’agit d’un territoire sous mandat anglais et il est nécessaire de comprendre l’esprit anglais et celui-ci s’est exprimé en littérature, histoire, dans des institutions politiques et sociales. Peut-être l’exemple de l’italien suffira à pousser d’autres à agir203. »
104Mais dans le même temps, le chancelier de l’université doit mettre en avant la principale explication à ce manque : l’absence de fonds204. Cet appel aboutit néanmoins à l’établissement, à la fin de 1934, d’un Comité Moses-Montefiore205. Son premier but est d’une part limité à l’université elle-même, puisqu’il s’agit de « nommer un professeur dont le devoir doit être d’interpréter l’esprit britannique et les institutions britanniques à l’adresse des étudiants de l’université juive ». Mais l’enseignement prévu a également une valeur plus importante, dans le contexte politique difficile de la région : on parle en effet à ce moment de la possibilité d’une « promotion d’une compréhension plus sympathique entre les éléments juif et britannique en Palestine ». À ce moment donc, le projet a définitivement pris corps, et il n’est plus simplement question d’un besoin ou d’un vœu pieu : des bonnes volontés et des fonds sont disponibles, le cadre et les buts de l’enseignement semblent fixés, il suffit donc de mener l’ensemble à concrétisation.
105Mais encore une fois, il n’existe pas de souhait britannique officiel d’aider les Juifs anglais, une assistance qui, à l’instar de ce qui a lieu dans le cas français, aurait permis de surmonter la réticence traditionnelle de l’administration de l’université face à ce qui pourrait ressembler à une ingérence : de fait, dans le projet qu’ils élaborent, les Juifs anglais apparaissent avant tout comme des sujets de la Couronne désireux de mettre en place un véritable département dont l’anglais soit effectivement la langue d’enseignement ; à l’encontre de cette perception, l’université rejette la dénaturation d’étudiants formés pour devenir l’élite du futur foyer national et non pas des Palestiniens formés à la britannique. De ce fait, on trouve dans les archives de nombreuses lettres évoquant le sujet d’un enseignement de l’anglais au fil des années suivantes, avec la disposition des uns et des autres à donner l’impulsion de départ : à l’instar d’un Norman Bentwich qui se montre prêt à agir de la sorte206, ou d’un Salman Schocken qui ne peut qu’encourager et relancer les velléités des Juifs anglais207. Mais les conceptions restent par trop divergentes pour pouvoir aboutir : le débat porte alors sur le fond, pour les raisons mentionnées plus haut, mais avant tout sur la forme, puisque l’on s’oppose alors sur la langue qui doit être utilisée pour l’enseignement en question. Où l’on se souvient de la « guerre des langues », avec même à un moment le risque de voir la communauté de Grande-Bretagne retirer ses propositions et ses fonds208.
106Ce n’est qu’au début de 1937 que l’on atteint les premiers résultats des efforts judéo-anglais : c’est la désignation d’un enseignant, Mendilow. Mais, au contraire de ce qui se passe pour la France (avec des Juifs français qui observent l’affaire avec une certaine ironie209), cela n’entraîne pas la création d’un département complet : un intervenant, Jacob Isaacs, est à Jérusalem pour y donner des cours, mais seulement de manière temporaire210. Dans les années qui suivent, la situation apparaît de plus en plus absurde et troublante. De ce fait, en avril 1938, à la suite de l’arrangement conclu avec la France, David Senator, administrateur de l’université, exige une décision ferme de la part des Juifs anglais en vue de la nouvelle année universitaire : « Comme vous le savez, le gouvernement français a pris en charge une chaire de civilisation française et doté la Bibliothèque d’une grande collection d’ouvrages, en plus d’avoir fourni une bibliothèque pour le Département de français. Le gouvernement italien est en train de prendre en charge le poste de professeur d’italien. Ses cours concerneront bien sûr la civilisation et la culture italiennes. L’absence d’une représentation spécifique de la civilisation anglaise n’en est que plus remarquable211. »
107La chose est d’ailleurs rendue d’autant plus nécessaire que le contexte politique s’impose de plus en plus : les autorités britanniques de Palestine s’étonnent de la réticence de Londres, en particulier le représentant local du British Council de passage à l’université ; tandis que les administrateurs de l’université soulignent alors le déficit de représentation qu’elle suppose de la part d’un pays de civilisation comme la Grande-Bretagne, en particulier au regard du volontarisme dont fait preuve au même moment la France212. Malgré ces avertissements, aucun progrès tangible n’est accompli avant la guerre ; la situation est ainsi plus qu’étrange, lorsqu’en juillet 1942 une France libre sans le sou poursuit le financement de la chaire de civilisation française, alors qu’il n’existe toujours pas d’équivalent pour la partie anglaise213. Bien plus, les Français peuvent alors s’enorgueillir que le cas de la France soit montré en exemple aux visiteurs de l’université. Finalement, après ces nombreuses années de discussion214, une section britannique est créée à la fin de 1943, dotée d’une bibliothèque établie grâce au fonds livresque du British Council de Jérusalem215. La Grande-Bretagne qui prépare son départ de Palestine tient finalement à laisser une trace de son passage.
***
108Au total, quelle est la signification des interventions étrangères dans le cadre de l’Université hébraïque ? Prenant place au milieu d’une difficile quête d’identité de la part de l’institution, l’introduction de langues étrangères est un symbole d’amélioration. Après quelques années, l’université est désireuse d’étendre ses champs de recherche et d’enseignement. C’est seulement par le biais de cette ouverture qu’il lui est possible d’atteindre le rang d’une université au vrai sens du terme. Elle doit s’adapter aux nouvelles circonstances et abandonner son statut de pur centre de recherche. C’est pour cela qu’elle doit offrir plus de possibilités pour des étudiants en nombre croissant. L’introduction de langues étrangères est bien le signe de cette ouverture : l’université ne peut plus vivre comme une entité totalement indépendante et isolée ; elle doit établir de solides liens avec le monde extérieur. Les opposants à cette option, qui est principalement celle de Magnes, n’acceptent pas forcément avec aise ses mots audacieux prononcés à l’occasion de l’ouverture de la chaire de civilisation française216.
109Pour leur part, en finançant l’enseignement de langues étrangères à l’Université hébraïque, les puissances étrangères procèdent à une nouvelle politique, en utilisant pour cela des instruments traditionnels. Elles se doivent en effet d’engager de nouvelles initiatives, par exemple l’action culturelle à l’étranger. La diffusion des cultures nationales est alors perçue comme un moyen de pénétrer et d’influencer le reste du monde. En Palestine, c’est aussi un moyen de reconquérir des positions perdues. Puisque l’Allemagne, l’Italie et la France n’ont grosso modo d’autres choix que d’appuyer les autorités britanniques dans l’exercice de leur mandat, elles se servent d’autres moyens pour acquérir néanmoins quelques gains.
110La facette la plus intéressante de l’approche allemande réside dans les efforts combinés entre l’Allemagne officielle et sa communauté juive auxquels elle donne lieu. Ainsi, le consul Nord écrit en 1932 que l’introduction de l’allemand à l’Université hébraïque n’est rien d’autre qu’une brèche percée dans le mur chauvin du sionisme. De fait, la possibilité d’organiser de tels cours est perçue comme le résultat de la crise interne au Yichouv, néanmoins soucieux de se dégager des influences étrangères et de construire une identité qui lui soit propre. Mais aux yeux du ministère des Affaires étrangères allemand, le chauvinisme juif n’est pas une solution. Ce genre de constatation cadre exactement avec les conclusions des Juifs antisionistes d’Allemagne. On le voit, l’Auswärtiges Amt est totalement conscient des divergences existant parmi le judaïsme allemand et est prêt à les utiliser à son propre profit. Ce débat révèle alors tout le problème identitaire du sionisme, tout comme la quête d’identité des Juifs allemands. Alors que le Troisième Reich détruit définitivement cette construction d’intérêts convergents.
111Pour leur part, l’Italie et la France souhaitent emporter quelques positions et poursuivent leur rivalité traditionnelle, jusqu’alors seulement fondée sur l’instrumentalisation des institutions catholiques. La nouvelle option offerte par l’université est une réponse à l’évolution de la Palestine à cette époque : il n’est désormais plus possible de vivre avec la seule idée d’une Terre sainte chrétienne ; il est nécessaire de s’adapter et d’accepter, d’une certaine manière, la réalité d’une Palestine juive, majoritairement ashkénaze, de plus en plus importante. Pour ces deux pays, cette adaptation est une manière de conserver une certaine influence sur l’évolution de ce territoire, eux qui ont été dépassés par les Britanniques en 1917-1918 : comme il n’est pas possible d’exercer une influence directe sur cette aire géographique, une alternative est d’orienter les esprits de sa population et de préserver ou d’améliorer la position tenue par chacune des deux puissances au sein du judaïsme sépharade. Entreprise qui atteint ses limites avec la radicalisation du régime de Mussolini et des temps difficiles pour la France.
112On le voit, l’Allemagne, l’Italie et la France sont désireuses d’exercer une influence sur la population juive par le biais de ses futures élites. Alors que la Grande-Bretagne adopte au contraire une réserve officielle, même si en principe, de par la lettre du mandat, elle est en charge de la préparation du foyer national juif. Décidée dès la fin 1942, mais n’ayant lieu qu’en 1943, la création d’une chaire d’anglais est, aux yeux des Français, un moyen d’exclure définitivement l’influence française de la Terre sainte et du Levant217. Une décision si tardive ne prend pas seulement en compte l’accalmie relative de la situation en Palestine au cours de la guerre mondiale ; bien plus, elle exprime le souhait de préserver une influence là, une région dont la destinée doit être fixée peu de temps après. Mais même, bien qu’ardemment désirée tout au long de la période que nous venons de parcourir, elle se voit limitée dans le temps. Le rejet politique créé par les dernières années du Mandat ruine la perspective d’une prise d’influence durable : l’esprit anglais est alors vaincu, au profit de l’américain.
Notes de bas de page
1 Berlin-Vienne, 1904 (trad. française : Terre ancienne, terre nouvelle, nouvelle édition : Paris, Éditions de l’Éclat, 2004).
2 C’est notamment ce à quoi procède Norman Bentwich dans les années 1930 avec son comité d’accueil aux universitaires juifs allemands (voir Norman Bentwich, The Rescue and Achievements of Refugee Scholars – The Story of Displaced Scholars and Scientists, 1933-1952, La Haye, M. Nijhoff, 1953).
3 On pense ici par exemple aux influences de la colonisation allemande mises en avant par Zvi Shilony in Ideology and Settlement, The Jewish National Fund 1897-1914, Jérusalem, Magnes Press, 1998.
4 Voir notre article « Les racines allemandes de l’Université hébraïque », in Dominique Bourel et Gabriel Motzkin (dir.), Les voyages de l’intelligence – Passages des idées et des hommes – Europe, Palestine, Israël, « Mélanges » du CRFJ, vol. 4, Paris, CNRS Éditions, 2002, pp. 247-267.
5 Norman Bentwich, The Hebrew University of Jerusalem 1918-1960, Londres, Weidenfeld and Nicolson, 1961.
6 In Barnet Litvinoff, éd., The Letters and Papers of Chaim Weizmann, Papers, Vol. I, Series B, August 1898-July 1931, Jérusalem-Londres, Oxford University Press, 1983, 5, « Project for a Jewish University », Berlin, juillet 1902, article publié par le Jüdischer Verlag,p.13 sq.
7 Voir Alain Dieckhoff, L’invention d’une nation – Israël et la modernité politique, Paris, Gallimard, 1993, chap. 3, « Parler l’hébreu, dire la nation », pp. 123-153.
8 À propos de l’influence de Fichte sur l’idéologie des sionistes culturels, voir Manfred Voigts, “Wir sollen alle kleine Fichtes werden !”, Johann Gottlieb Fichte als Prophet der Kultur-Zionisten, Berlin, Philo, 2003.
9 C’est le cas par exemple du Keren Kayemet leIsrael (KKL, Fonds national juif), dont l’inspirateur est la colonisation allemande de la région de Posen (Shilony, op. cit.).
10 « A Jewish University in Jerusalem », Vienne, 8 septembre 1913, Discours de Weizmann lors du 11e congrès sioniste, in Barnet Litvinoff, éd., The Letters and Papers of Chaim Weizmann, Papers, Vol. I, op. cit.,p.101 sq.
11 Na’ama Sheffi, « Rejecting the Other’s Culture -Hebrew and German in Israel 1933-1965 », Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, XXVII, 1998, pp. 301-319.
12 Lewis Pyenson, Cultural Imperialism and Exact Sciences, German Expansion Overseas – 1900-1930, New York-Berne-Francfort, Peter Lang, 1985, chap. IV, « Exact Sciences and Imperialist Rivalries on the China Coast », pp. 253-262 ; Françoise Kreissler, L’action culturelle allemande en Chine – De la fin du xixe siècle à la Seconde Guerre Mondiale, Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 1989, chap. 5, « L’enseignement supérieur », en particulier pp. 139-178.
13 En ce qui concerne cette « guerre des langues », voir Yehuda Eloni, Zionismus in Deutschland – Von den Anfängen bis 1914, Gerlingen, Bleicher, 1987, chap. 9, « Die deutschen Zionisten und der “Sprachenstreit” », pp. 313-356, et Zeev W. Sadmon, Die Gründung des Technions in Haifa im Lichte deutscher Politik 1907-1920, Munich-New Providence-Londres-Paris, Saur, 1994.
14 Voir in Michel Espagne (dir.), L’École normale supérieure et l’Allemagne, Leipzig, Deutsch-Französische Kulturbibliothek, 1995, Michael Werner, « L’École normale : un séminaire à l’allemande ? », p. 77 sq., et Frédéric Barbier, « L’appropriation d’un modèle intellectuel : les normaliens, leurs livres et leur bibliothèque au xixe siècle », p. 89 sq.
15 On y trouve en effet des personnes aussi différentes que le sioniste David Trietsch ou le banquier Hjalmar Schacht (Eloni, op. cit.).
16 Le dernier, parmi ceux qui sont publiés dans les papiers de Weizmann, date du 24 mars 1914 (in Barnet Litvinoff, éd., The Letters and Papers of Chaim Weizmann, Papers, Vol. I, op. cit., 23, « The University’s Preliminary Structure », Francfort, 24 mars 1914, mémorandum pour Edmond de Rothschild, p. 113 sq.).
17 Ibid., 32, « The Alternatives for Palestine », Londres, 25 avril 1917, entretien avec Lord Cecil, p. 146 sq. (en français dans le texte).
18 Ibid., 46, « “Here the Wandering Soul Shall Find its Sanctuary” », Mont Scopus, 25 juillet 1918, discours de Weizmann pour la pose de la première pierre, p. 191 sq., et Gershom Scholem, Von Berlin nach Jerusalem -Jugenderinnerungen, Francfort, Jüdischer Verlag, 1994, p. 202 sq.
19 Les avis des historiens comme des contemporains sont toutefois divergents : s’il est convenu de considérer la recherche comme une particularité allemande, c’est justement la concentration sur ce domaine et la quasi-absence d’étudiants qui pousse certains opposants à cet établissement à le considérer comme une institution très éloignée de la pratique allemande (voir par exemple Alfred Wiener, Vorbericht über die Palästinareise, erstattet dem Vorstande des Centralvereins deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens in seiner Sitzung vom 27. Mai 1926, Berlin, Central-Verein Deutscher Staatsbürger Jüdischen Glaubens, 1926, p. 23).
20 Shmuel Y. Agnon, Shira, Syracuse, Syracuse University Press, 1989, p. 73.
21 Ibid., p. 220.
22 Voir par exemple les mémoires du professeur Abraham Fraenkel, Lebenskreise – Aus den Erinnerungen eines jüdischen Mathematikers, Stuttgart, DVA, 1967, chap. « Epilog ».
23 Agnon, op. cit., p. 119.
24 Judah Magnes, Addresses by the Chancellor of the Hebrew University, Jérusalem, s. n., 1936, p. 100.
25 Ibid.,p.66 sq.
26 À propos de cette entente pendant la guerre, voir Miriam Sambursky, Jochanan Ginat (Hg.), Kurt Blumenfeld, Im Kampf um den Zionismus – Briefe aus fünf Jahrzehnten, Stuttgart, DVA, 1976, introduction et lettre de Blumenfeld à Robert Lichtheim, Constantinople, 24 mars 1915, p. 43 sq. ; Sonderabdruck aus den Preußischen Jahrbüchern, herausgegeben von Hans Delbrück, Bd 161 (Heft 1), Der Zionismus -Eine Frage der deutschen Orientpolitik, von Kurt Blumenfeld, Berlin, G. Stilke, 1915.
27 Pour des comptes rendus de ces visites, voir Archives du ministère allemand des Affaires étrangères, Berlin (par la suite : PA/AA), Direction des Affaires politiques (par la suite : Abt. III), Affaires juives, Affaires politiques juives, 11.21-1.22, 78 658, note de la section des Affaires juives (III Jud. 366 21) au ministre des Affaires étrangères, 15 décembre 1921 ; Akten zur Deutschen Auswärtigen Politik 1918-1945, Serie A : 1918-1925, Bd XI (5. August bis 31. Dezember 1924), Göttingen, 1993, Nr. 260, 29 décembre 1924, Sionisme, 644, note du secrétaire d’État von Schubert ; et Barnet Litvinoff, éd., The Letters and Papers of Chaim Weizmann, Papers, Vol. I, Series B, August 1898-Juli 1931, Jérusalem-Londres, Oxford University Press, Nr. 102, « Campaigning on the Continent », Londres, 21 décembre 1927, compte rendu pour l’Exécutif sioniste, p. 525 sq.
28 PA/AA, Abt. III, Affaires juives, Affaires politiques juives, 1.22-12.22, 78 659, lettre de Jérusalem (représentant allemand au consulat espagnol, 228) à l’Auswärtiges Amt (par la suite : AA), 7 février 1922, Kapp.
29 Voir Francis R. Nicosia, « Jewish Affairs and German Foreign Policy during the Weimar Republic – Moritz Sobernheim and the Referat für jüdische Angelegenheiten », Leo Baeck Institute Year Book, XXXIII, 1988, pp. 261-283.
30 Comme l’explique Herbert Samuel, le Haut-Commissaire britannique, à Sobernheim, ces colons « sont [...] sans aucun doute ses meilleurs agriculteurs » (PA/AA, Abt. III, Papiers Sobernheim, Correspondance diverse 1921-28, 78 702, « Compte rendu de mon séjour à Londres au mois de juillet 1924 »).
31 Ibid., Rapports 1920-25, 78 714, « Compte rendu de mon voyage en Palestine en mars-avril 1925 ».
32 Ibid., « La signification de la Palestine pour l’économie allemande, 1925 » : « Les facteurs de réussite dans le commerce avec la Palestine sont particulièrement forts pour l’industrie et le commerce allemands. La plus grande partie des Juifs originaires [de l’Europe] de l’Est a une préférence particulière pour les machines et produits allemands. »
33 Ibid., Abteilung III, Abt. III, Affaires juives, Affaires politiques juives, 3.20-12.20, 78 656, lettre du consulat d’Allemagne à Amsterdam à l’AA, 5 août 1920, qui met en avant la forte présence allemande au congrès sioniste qui se tient dans cette ville.
34 Siegfried Grundmann, Einsteins Akte, Heidelberg-Berlin, Springer, 1997, p. 236.
35 PA/AA, Abt. III, Affaires juives, Affaires politiques juives, 1.22-12.22, 78 659, Compte rendu concernant l’ouverture de la faculté des sciences humaines de l’Université hébraïque de Jérusalem.
36 En ce qui concerne le contexte général de l’action culturelle allemande en Palestine, voir notre article « La politique culturelle extérieure de l’Allemagne, 1920-1939, Le cas de la Palestine », Francia xixe-xxe siècles (Institut Historique Allemand, Paris), 28/3, 2001, pp. 35-73.
37 Voir Archives de l’Université hébraïque, Jérusalem, Dossier Correspondance avec des organisations 1931, The Hebrew University of Jerusalem, document de présentation de l’université, avec indication du cursus des membres du corps enseignant, allemand à l’immense majorité. Pour une statistique, voir Lilo Stone, « German Zionists in Palestine before 1933 », Journal of Contemporary History, Vol. 32 (2), 1997, pp. 171-186 ; on se reportera aussi à Eva Telkes-Klein, L’Université hébraïque de Jérusalem à travers ses acteurs – La première génération de professeurs (1925-1948), Paris, Honoré Champion, 2004, en particulier p. 61 ; et de façon plus imagée au roman d’Amos Oz, Une histoire d’amour et de ténèbres, Paris, Gallimard, 2004.
38 À propos de l’isolement, notamment scientifique, de l’Allemagne après la Première Guerre mondiale, voir Notker Hammerstein, Die Deutsche Forschungsgemeinschaft in der Weimarer Republik und im Dritten Reich -Wissenschaftspolitik in Republik und Diktatur, Munich, C.H. Beck, 1999, p. 30. À propos de l’« enrôlement » d’Einstein par la République de Weimar pour la promouvoir de par le monde, voir Dieter Hoffmann, Robert Schulmann, Albert Einstein 1879-1955, Teetz, Hentrich und Hentrich, 2005.
39 Voir Guido Müller, Weltpolitische Bildung und akademische Reform – Carl Heinrich Beckers Wissenschafts-und Hochschulpolitik, 1908-1930, Cologne-Weimar-Vienne, Böhlau-Verlag, 1991.
40 Après la Première Guerre mondiale, les intérêts allemands en Palestine sont représentés par l’Espagne. À partir de 1920 un fonctionnaire allemand est présent à Jérusalem avec un bureau au consulat général de ce pays ; le consulat général d’Allemagne est restauré à partir de 1924.
41 Par exemple lorsqu’on veut aider à l’acquisition d’ouvrages allemands pour le fonds de la bibliothèque universitaire de Jérusalem (PA/AA, Direction des Affaires culturelles VIb, Enseignement supérieur, Les universités à Jérusalem 1917-22, 64 091).
42 Ibid., Les universités à Jérusalem 1923-26, 64 092, lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (401/24) à l’AA, 5 avril 1924, Kapp.
43 Ibid., lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (650/25) à l’AA, 6 avril 1925, Kapp.
44 Ibid., Compte rendu d’une réunion du Comité central de l’Institut d’études de l’université de Jérusalem ayant eu lieu à Londres (zu III O 1585), Sobernheim, 1er juillet 1925, Confidentiel. Nous avons ici un mélange inhabituel entre science et politique, dans la mesure où Sobernheim, fonctionnaire de l’AA, est alors représentant de l’Académie pour la science du judaïsme (Akademie für die Wissenschaft des Judentums). Voir aussi in Shaul Katz, Michael Heyd, éd., L’histoire de l’Université hébraïque de Jérusalem – Origines et débuts, Jérusalem, Magnes Press, 1997 (en hébreu), Daniel R. Schwartz, « Des séminaires rabbiniques à l’Institut d’études juives », pp. 457-475.
45 Ibid., Note de l’Abt. III (III O 2284) à l’Abt. VI (Affaires culturelles), 20 mai 1926, et Abt. III, Papiers Sobernheim, Correspondance diverse 1921-28, 78 702, lettre de la Bibliothèque nationale de Jérusalem à Sobernheim, 2 février 1927, Bergman.
46 Ibid., Affaires politiques juives, 1.28-12.28, 78 664, lettre du consulat général d’Allemagne à Jérusalem (Run 2/28) à l’AA, 8 octobre 1928, Adelmann.
47 Archives de l’Université hébraïque de Jérusalem, 49, Correspondance avec l’Allemagne 1925-1930, lettre du Deutscher Verband zur Förderung der Universität Jerusalem au Comité londonien de l’Université hébraïque, 31 décembre 1926, Sachar.
48 Ibid., 49/1, Correspondance avec l’Allemagne 1929-1930, lettre de l’Université hébraïque à la communauté juive de Berlin, 17 octobre 1930, Ben David, et lettre d’Ismar Elbogen, de la communauté juive de Berlin, 1er octobre 1930.
49 Ibid., lettre de la communauté juive de Berlin (Ia A 2.30) à Schlössinger (vice-chancelier de l’université), 3 juillet 1930.
50 Ibid., note de Schlössinger à Magnes, 17 juin 1930.
51 En ce qui concerne le souhait contraire des sionistes de mettre en place des institutions réellement nationales, avec l’hébreu comme langue de travail, voir Zvi Shilony, Ideology and Settlement, op. cit.,p.347 sq.
52 Judah Magnes, Addresses, op. cit., p. 100.
53 Voir Shaul Katz, « Berlin Roots – Zionist Incarnation : The Ethos of Pure Mathematics and the Beginning of the Einstein Institute of Mathematics at the Hebrew University of Jerusalem », Science in Context, 17 (2), 2004, pp. 199-234.
54 Fraenkel, op. cit.,p.130 sq.
55 Der Jude, 1918, Heft 8/9, « Praktisches zur Universitätsgründung in Jerusalem », p. 404 sq.
56 Université hébraïque de Jérusalem, Département des manuscrits, Papiers Fraenkel, boîte n° 3 université, « Epilog 1929-1933 », brouillon de la dernière partie de son autobiographie.
57 Archives d’État d’Israël, RG 67 (Archives du consulat général allemand de Jérusalem, par la suite : ISA, Group 67), 1378 Université hébraïque 1928-1939 (boîte P 525), lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (283/28) à Becker, 31 janvier 1928, Nord, et Université hébraïque de Jérusalem, Département des manuscrits, Papiers Fraenkel, boîte n° 6, 572 Lettres de Fraenkel, lettre de Fraenkel à Weizmann, 27 novembre 1932.
58 PA/AA, Abt. III, Papiers Sobernheim, Correspondance diverse 1921-28, 78 702, Note écrite, s. d. (1928), concernant la chaire de mathématiques de l’Université hébraïque.
59 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Fraenkel, I, lettre de l’AA à Magnes, 11 mars 1929, Sobernheim.
60 Au départ il propose également un enseignement des mathématiques en hébreu, en utilisant toutefois le vocabulaire spécialisé en allemand (ibid., lettre de Magnes à Fraenkel, 18 juillet 1928).
61 Ibid., lettre de Fraenkel, Kiel, à Magnes, 22 mai 1929.
62 ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 (boîte P 525), lettre de Fraenkel à Nord, 16 décembre 1929.
63 Ibid., lettre de Nord à Fraenkel, 27 décembre 1929.
64 Archives de l’Université hébraïque, 49, Correspondance avec l’Allemagne 1925-1930, lettre du Comité de Londres de l’Université hébraïque à la présidence de l’Union sioniste d’Allemagne, 26 mars 1929, Brodetsky.
65 Festschrift anlässlich der Feier des 25 jährigen Bestehens des Hilfsvereins der deutschen Juden, gegründet am 28. Mai 1901, Berlin, s. n, 1926, et PA/AA, Abt. III, Papiers Sobernheim, Questions actuelles 1932, 78 709, Note, s. d., liste des organisations juives allemandes.
66 Isaiah Friedman, « The Hilfsverein der deutschen Juden, the German Foreign Ministry and the Controversy with the Zionists, 1901-1918 », Leo Baeck Institute Year Book, XXIV, 1979, pp. 291-320.
67 ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 (boîte P 525), lettre de l’AA (III 0 1280) à Nord, 13 mars 1930, Sobernheim. Outre sa fonction à l’université, Senator dirige également le service financier de la nouvelle Agence juive (Stone, « German Zionists », p. 182).
68 L’Auswärtiges Amt adresse ses félicitations au consul Nord dès que les négociations approchent une issue favorable (ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 [boîte P 525], lettre de l’AA [III 0 5403] à Nord, 24 décembre 1930).
69 Ibid., lettre de Fraenkel au Hilfsverein, 11 janvier 1931, qui concerne l’enseignement d’allemand dans une école normale d’institutrice de Jérusalem : « c’est ainsi qu’un grand nombre de futures institutrices et mères apprennent l’allemand. »
70 Voir infra.
71 ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 (boîte P 525), lettre de Fraenkel à Sobernheim, 31 mars 1930, et Archives de l’Université hébraïque, Dossier langues européennes 264, lettre de Fraenkel à Magnes, 16 juillet 1930.
72 PA/AA, Abt. III, Affaires politiques juives, 1.29-12.30, 78 666, lettre de Nord à Sobernheim, 9 novembre 1930.
73 Ibid., 1.31-4.32, 78 667, lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (Kult 1/31) à l’AA, 12 janvier 1931, Nord.
74 ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 (boîte P 525), lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (Kult 9/31) à Sobernheim, 3 mars 1931, Nord.
75 PA/AA, Affaires politiques juives, 1.31-4.32, 78 667, lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (Kult 13/31) à l’AA, 9 avril 1931, Nord.
76 Les mérites de Fraenkel et sa reconnaissance par les autorités allemandes signifient d’ailleurs pour lui une possibilité de survie : lorsqu’il est à nouveau mis en congé, au cours de l’été 1933, il obtient une retraite du ministère prussien de l’Éducation qui lui permet de déménager en Palestine, lieu de ses rêves et surtout refuge face aux futures persécutions antisémites.
77 Une politique qui est particulièrement suivie après l’entrée de l’Allemagne à la Société des Nations, en 1926 (voir Francis R. Nicosia, « Weimar Germany and the Palestine Question », Leo Baeck Institute Year Book, XXIV, 1979, pp. 321-345).
78 PA/AA, Abt. III, Affaires politiques juives, 1.31-4.32, 78 667, lettre de Sobernheim à Nord, 28 mai 1931, brouillon, confidentiel.
79 ISA, Group 67, 1378 Université hébraïque 1928-1939 (boîte P 525), lettre de Nord à Prüfer (co-responsable de la Direction des Affaires politiques de l’Auswärtiges Amt), 11 décembre 1932.
80 PA/AA, Abt. III, Prof. Dr. Sobernheim III Divers. 1929-32, 78 715, lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (Kult 10/32) à l’AA, 10 mars 1932, Nord. En ce qui concerne la crise du Yichouv, voir Doron Niederland, « Leaving Germany -Emigration Patterns of Jews and Non-Jews during the Weimar Period », Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, XXVII, 1998, pp. 186-187.
81 Pour l’instrumentalisation des Juifs allemands par les autorités allemandes de l’époque, voir Donald M. McKale, Curt Prüfer : German Diplomat from the Kaiser to Hitler, Kent, Ohio, The Kent University Press, 1987, et Francis R. Nicosia, The Third Reich and the Palestine Question, Austin, Texas, University of Texas Press, 1985 (nouvelle édition : New Brunswick-Londres, Transaction Books, 2000).
82 Pour une description générale du débat au sein du judaïsme allemand, voir Moshe Zimmermann, Die deutschen Juden, 1914-1945, Munich, Oldenbourg, 1997, p. 106 sq.
83 Der nationaldeutsche Jude – Mitteilungsblatt des Verbandes nationaldeutscher Juden e.V., mai/juin 1926, n° 5/6, p. 3 : Alfred Peyser, « Die Flucht aus dem Deutschtum -eine deutsche Gefahr ».
84 Eugen Fuchs, 1913, cité par Reiner Bernstein, Zwischen Emanzipation und Antisemitismus – Die Publizistik der deutschen Juden am Beispiel der “C.V.-Zeitung”, Organ des Centralvereins deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens, 1924-1933, thèse de doctorat de l’Université libre de Berlin, 1969, p. 60.
85 Die Stellung des Centralvereins zu den innerjüdischen Fragen in den Jahren 1921-1926 – Eine Denkschrift für die Vereinsmitglieder von Rechtsanwalt Ludwig Foerder in Breslau, Breslau, Typ. Volkswacht-Buchdruck, 1927, p. 21 sq.
86 Wiener, Vorbericht, op. cit.,p.23.
87 Cette fraction de la communauté juive allemande est à son tour complètement rejetée par les sionistes, et Weizmann évite de rencontrer ses représentants lors de ses séjours en Allemagne (voir Litvinoff, The Letters and Papers of Chaim Weizmann, P. Ofer [éd.], Letters, Vol. XIII-Series A, mars 1926-juillet 1929, Jérusalem-Londres, Oxford University Press, 1978, n° 305, lettre de Weizmann, Londres, à Julius Simon, New York, janvier 1928, p. 336 sq.).
88 Voir Avraham Barkai, “Wehr Dich !”, Der Centralverein deutscher Staatsbürger jüdischen Glaubens (C.V.) 1893-1938, Munich, C.H. Beck, 2002.
89 PA/AA, Abt. III, Affaires politiques juives, 7.25-10.26, 78 662, Note écrite (zu III 0 2123), 8 mai 1926, Sobernheim, et ibid. 1.31-4.32, 78 667, lettre de l’AA (III 0 3142) au Hilfsverein, 14 septembre 1931, von Bülow.
90 Hilfsverein der deutschen Juden, Jahresbericht für 1929, Berlin, 1930, p. 60.
91 Ce qui est résumé en 1930 par un membre du Hilfsverein : « minutie allemande et cordialité juive ». Kundgebung für das Werk des Hilfsvereins der Deutschen Juden, in Berlin, Großer Festsaal von Kroll, 7. April 1930, Berlin, 1930, p. 8.
92 Kurt Blumenfeld, Erlebte Judenfrage – Ein Vierteljahrhundert deutscher Zionismus, Stuttgart, DVA, 1962, p. 115, et Sambursky, Ginat, Kurt Blumenfeld, op. cit.
93 Kurt Blumenfeld, Die Universität Jerusalem als jüdische Aufgabe, brochure de l’Association allemande des Amis de l’Université hébraïque (Arbeitskreis Deutschland der Hebräischen Universität Jerusalem), Berlin, s. d. (1934), p. 5, avec notamment une critique de la Wissenschaft des Judentums qui « n’a pas eu de résonance en Allemagne et tournait à vide ».
94 Voir supra.
95 Archives de l’Université hébraïque, 49, Correspondance avec l’Allemagne 1925-1930, lettre de l’Organisation sioniste allemande à l’Exécutif sioniste, 25 mars 1926, Kurt Blumenfeld.
96 Robert Lichtheim, “Kritische Reise durch Palästina” (Eine Antwort an Dr. Alfred Wiener, Syndikus des Zentralvereins), Berlin, Organisation sioniste allemande, s. d. (1927).
97 Voir Nicosia, The Third Reich, op. cit., et Yehouda Bauer, Juifs à vendre ?, Paris, Liana Levi, 1996.
98 À ce propos les fonctionnaires allemands savent pertinemment que cela n’est en fait qu’un prétexte : le Yichouv condamne absolument l’évolution politique de l’Allemagne et veut se défaire de tout lien avec elle (ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 [boîte P 525], lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem [Kult 30/33] à l’AA, 12 octobre 1933).
99 ISA, Group 67, 1378 Université hébraïque 1928-1939 (boîte P 525), lettre du consulat d’Allemagne à New York à l’AA, 24 mai 1934, Borchers, et voir Doron Niederland, « The Emigration of Jewish Academics and Professionals from Germany in the First Years of Nazi Rules », Leo Baeck Institute Year Book, XXXIII, 1988, pp. 285-300.
100 En 1935, ce sont soixante professeurs allemands qui se sont installés en Palestine (ISA, Group 67, 1378 Université hébraïque 1928-1939 [boîte P 525], Discours de Magnes à l’occasion des festivités pour le 10e anniversaire de l’Université hébraïque, 10 avril 1935). À ce titre, Agnon décrit Jérusalem comme le plus grand marché de livres rares allemands.
101 Archives du ministère des Affaires étrangères, Paris (par la suite : MAE, Paris), PAAP 130 – Papiers privés Outrey, 31, Correspondance de Jérusalem (Télégrammes), Télégramme du consulat de France à Jérusalem (132) au MAE, Vichy, 17 octobre 1940.
102 ISA, Group 67, 1355 Arts et science 1928-1939 (boîte 523), lettre du consulat d’Allemagne à Jérusalem (1513/39) à l’AA, 29 avril 1939, Döhle, avec des indications relatives aux bibliothèques juives de Jérusalem qui ne font plus partie de la clientèle allemande. Pour l’éclatement entre le judaïsme allemand et l’Allemagne, voir Na’ama Sheffi, « Rejecting the Other’s Culture... » (op. cit.). Dans cette situation l’Allemagne ne peut plus agir comme auparavant et est obligée de recourir à d’autres biais d’influence (voir Ralf Balke, « Die NSDAP in Palästina -Profil einer Auslandsorganisation », Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, XXVII, 1998, pp. 221-250, et Ernst Marcus, « The German Foreign Office and the Palestine Question in the Period 1933-1939 », Yad Vashem Studies on the European Catastrophe and Resistance, II, 1958, p. 179 sq.).
103 Université hébraïque, Jérusalem, Département des manuscrits, Papiers Fraenkel, boîte 3 université, lettre de Fraenkel à Outrey (consul général de France), 21 mai 1940.
104 Voir Sergio I. Minerbi, L’Italie et la Palestine 1914-1920, Paris, PUF, 1970.
105 Voir la contribution de Paolo Pieraccini dans le présent volume. Voir aussi le journal du Custode franciscain italien de Terre sainte à cette époque, Ferdinando Diotallevi, Diario di Terrasanta, 1918-1924, a cura di Daniela Fabrizio, Milan, Edizioni Biblioteca Francescana, 2002.
106 Sergio I. Minerbi, « L’azione diplomatica italiana nei confronti degli ebrei sefarditi durante e dopo la la guerra mondiale (1915-1929) », Rassegna mensile di Israel, VII-XII, 1981, p. 86 sq. ; idem, Angelo Levi-Bianchini e la sua opera nel Levante (1918-1920), Milan, 1967 ; et idem « Italian Economic Penetration in Palestine (1908-1919) », in Ma’oz, Moshe, Studies on Palestine during the Ottoman Period, Jérusalem, Magnes Press-Yad Ben Zvi, 1975, p. 466 sq.
107 Orazio Pedrazzi, Il Levante Mediterraneo e l’Italia, Milan, Alpes, 1925.
108 Lettre de Pedrazzi au MAE italien, 15 août 1927 (citée in Giampiero Carocci, La politica estera dell’Italia fascista 1925-1928, Bari, Editori Laterza, 1969, pp. 210-211).
109 Voir Renzo De Felice, Il Facismo e l’Oriente – Arabi, Ebrei e Indiani nella politica di Mussolini, Bologne, Il Mulino, 1988 ; et idem, Storia degli ebrei italiani sotto il fascismo, Turin, Einaudi, 1993 (en particulier le chapitre IV. Il sionismo e la politica estera fascista, p. 159 sq.).
110 Daniel Carpi, « Weizmann’s Political Activity in Italy from 1923 to 1934 », in Zionism, Studies in the History of the Zionist Movement, Tel Aviv, 1975, p. 193 sq.
111 Pedrazzi, Il Levante, op. cit., chap. IV. Il trampolino di una civiltà, p. 47 sq. Sur l’AIU, voir Elisabeth Antébi, Les Missionnaires juifs de la France, 1860-1939, Paris, Calmann-Lévy, 1999.
112 Voir Simonetta Della Seta, « Gli Ebrei del Mediterraneo nella strategia politica fascista sino a 1938 : il caso di Rodi », Storia Contemporanea, XII, 1986, pp. 997-1032.
113 Sergio I Minerbi, « Gli ultimi due incontri Weizmann-Mussolini (1933-34) », Storia Contemporanea, V, 1974, n° 3, p. 431 sq.
114 Documenti diplomatici italiani, 14., 16 luglio 1933-17 marzo 1934, Giampiero Carocci, éd., 1989, 520, Il cappo dell’ufficio III della direzione generale affari politici, Guarnaschelli, al Sottosegretario agli Esteri, Suvich, Dicembre 1933, p. 583 sq.
115 Voir Inauguration of the Hebrew University of Jerusalem – April 1st 1925, sd (1925), p. 55 ; encore le discours du consul d’Italie semble principalement destiné à atténuer les craintes sionistes quant à un prétendu antisémitisme d’État en Italie (voir Israel – organe de la communauté juive italienne – n° 16, 20 avril 1925, p. 2 : « Il discorso del Console d’Italia »).
116 Minerbi, « Gli ultimi due incontri... », op. cit., avec mention d’une rencontre De Angelis/Arlosoroff à ce propos, le 14 février 1933.
117 Pour le catalogue des différentes initiatives manquées, voir Minerbi, « L’azione diplomatica... », op. cit.
118 Voir Israel,n° 4, 31 janvier 1924, p. 2 : Information sur les fonds de la Bibliothèque nationale de Jérusalem ; n° 22, 5 juin 1924, p. 3 : « Recentissimi acquisiti della Biblioteca nazionale » ; n° 36, 11 septembre 1924, p. 1 : « All’Università di Gerusalemme » et p. 2 : « Per la Biblioteca universitaria e nazionale di Gerusalemme » ; n° 37, 18 septembre 1924, p. 1 : « Nuovi doni alla Biblioteca nazionale di Gerusalemme » ; n° 38, 25 septembre 1924, p. 2 : « L’istituto microbiologico dell’Università ebraica » et « I professori dell’Università ebraica di Gerusalemme » ; n° 49, 11 décembre 1924, p. 4 : « La biblioteca dell’Università di Gerusalemme » ; n° 14-15, 6 avril 1925, p. 1 : « La solenne inaugurazione dell’Università di Gerusalemme » et p. 5 : « L’Italia ebraica per l’Università di Gerusalemme » ; n° 16, 20 avril 1925, p. 1 : « I discorsi d’inaugurazione dell’Università di Gerusalemme » et p. 2 : « Il discorso del Console d’Italia »...
119 Pour le confirmer, sa création fait l’objet d’une mention dans Israel accompagné de paroles de remerciements à l’adresse du gouvernement de Rome (n° 8-9, 23-30 novembre 1933, p. 2 : « Una cattedra di lingue romanze e di italiano istituita all’Università di Gerusalemme per contributo del Governo Italiano ») : « nous ne voulons pas tarder à exprimer nos plus vifs compliments pour le noble acte du gouvernement italien, à qui n’échappe pas l’importance d’une pénétration culturelle sérieuse dans le nouvel Eretz Israël. »
120 Voir Corrado Vivanti, Gli Ebrei in Italia, II. Dall’emancipazione a oggi, Storia d’Italia, Annali 11**, Turin, Einaudi, 1997, Simonetta della Seta, Daniel Carpi : « Il movimento sionistico », p. 1323 sq. ; Robert S.Wistrich, Sergio Della Pergola, éd., Fascist Antisemitism and the Italian Jews, Jérusalem, Vidal Sassoon International Center for the Study of Antisemitism, Avraham Harman Institute of Contemporary Jewry, 1995.
121 Archives de l’Université hébraïque, Jérusalem, Dossier Langues européennes 2039, lettre d’Otto Warburg à Magnes, 13 février 1932.
122 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1933, lettre de l’Université hébraïque au consulat d’Italie, 25 juillet 1933, Ginzberg.
123 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Jérusalem, Papiers Magnes (P3), 1949 Correspondance diverse en relation avec l’université, spécialement la transition dans son administration, 1934-1936, Expansion de l’université, Liste établie à titre d’essai, état au 15 juin 1933 ; et archives de l’Université hébraïque, Jérusalem, Dossier Langues européennes 2274/1933, Étude sur la création d’une chaire de philologie romane à l’Université hébraïque adressée au chancelier, 11 juillet 1933, Pflaum.
124 Ibid., lettre du Consulat d’Italie à Jérusalem (1863) à Magnes, 2 septembre 1933, de Angelis.
125 Judah Magnes, Addresses, op. cit., The Opening of the University Term, 1933-1934.
126 Seulement neuf étudiants s’inscrivent la première année, mais les prévisions sont optimistes (archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274 /34, lettre de l’université hébraïque au consulat d’Italie, 5 juillet 1934).
127 Oriente Moderno, Anno XIV, janvier-décembre 1934, n° 8, août 1934, p. 381 sq.
128 Israel,n° 22, 16 mars 1933, p. 1 ; Oriente Moderno, Anno XIII, janvier-décembre 1933, n° 4, avril 1933, p. 205.
129 Israel, n° 34, 22 juin 1933 : « L’Italie est l’un des rares pays où l’on ne trouve pas de trace d’antisémitisme : elle est restée fidèle à sa tradition de culture, de beauté et d’amour de la liberté. »
130 Oriente Moderno, Anno XIV, janvier-décembre 1934, n° 1, janvier 1934, pp. 30-31.
131 Israel,n° 7, 1er novembre 1934, p. 1 : « L’insegnamento dell’italiano nelle scuole ebraiche di Erez Israel » ; n° 13, 20 décembre 1934, p 4 : « La recente espansione italiana in Palestina ».
132 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1938 I, lettre du consulat d’Italie à Senator, 25 mai 1938, Mazzolini.
133 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1937 I, lettre de Bergmann au consul d’Italie, 28 janvier 1937.
134 Ibid., lettre de Senator à Mazzolini, 20 mai 1937.
135 Oriente Moderno,n° 9, septembre 1937, p. 468.
136 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1937 II, note de Senator avec compte rendu d’un entretien avec le consul d’Italie le 16 décembre 1937, en date du 19 décembre 1937.
137 Ibid., lettre de Senator à Mazzolini, 27 décembre 1937 : « Comme je l’indiquais lors de notre dernière conversation, nous sommes entièrement d’accord avec votre souhait selon lequel l’enseignement de la langue italienne doit aussi comprendre un certain enseignement de l’histoire de la culture et de la civilisation italiennes. Vous devez être sûr qu’une attention suffisante sera apportée à cela. » Par ailleurs, « [p]uis-je saisir cette occasion pour vous remercier, au nom de l’université et de la Bibliothèque, de la générosité de votre Gouvernement ? Nous sommes heureux de constater que vous aussi considérez le renouvellement de la subvention de votre Gouvernement et sa subvention à notre Bibliothèque comme le début d’une période de fructueuse coopération. »
138 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1938 II, lettre de S. Schocken au consul d’Italie à Jérusalem, 14 septembre 1938, projet.
139 Voir Angelo Ventura, « La persecuzione fascista contro gli ebrei nell’università italiana », Rivista Storica Italiana, CIX, F, I 1997, pp. 121-197.
140 Judah Magnes, In the Perplexity of the Times, Jérusalem, Université hébraïque, 1946, p. 9 sq.
141 Pour le contexte politique italien, voir Antonio Di Meo (dir.), Cultura ebraica e cultura scientifica in Italia, Rome, Editori riuniti, 1994 ; Michele Sarfatti, Mussolini contro gli ebrei. Cronaca dell’elaborazione delle leggi del 1938, Turin, Silvio Zamorani Editore, 1994 ; Marie-Anne Matard-Bonucci, L’Italie fasciste et la persécution des Juifs, Paris, Perrin, 2007.
142 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1938 II, lettre du consulat d’Italie (5336) à Magnes, 5 octobre 1938, di Thiene ; et Oriente Moderno,n° 12, décembre 1938, p. 628.
143 Judah Magnes, In the Perplexity of the Times, op. cit.
144 Archives de l’Alliance Israélite Universelle, Paris, Dossier Correspondance avec l’Université hébraïque 1922-1935 ; Barnet Litvinoff (gen. ed.), The Letters and Papers of Chaim Weizmann, P. Ofer, éd., Lettres, Vol. XII-Series A, August 1923-March 1926, Jérusalem-Londres, Oxford University Press, 1977, 178, lettre de Weizmann à Felix Warburg (New York), Londres, 25 juillet 1924, p. 235 sq. ; et PA/AA, Direction des affaires culturelles VIb, Enseignement supérieur, Les universités de Jérusalem 1923-26, 64 092, compte rendu d’une réunion du Comité central de l’Institut d’études de l’université de Jérusalem ayant eu lieu à Londres (zu III O 1585), Sobernheim, 1er juillet 1925, Confidentiel, et Abt. III, Affaires juives, Affaires politiques juives, 7.25-10.26, 78 662, note écrite (III G 2534), Sobernheim.
145 Comme l’indiquent les dossiers « Sionisme » du MAE, Paris, Correspondance politique et commerciale 1897-1918 (Nouvelle Série), 136, 137 et 138. Pour une analyse globale de l’attitude de la France à l’égard du sionisme, voir Catherine Nicault, La France et le sionisme -1897-1948 – Une rencontre manquée ?, Paris, Calmann-Lévy, 1992.
146 MAE, Paris, NS Turquie politique intérieure – Sionisme, 137 Palestine – sionisme, 1900-1907, lettre du consulat de France à Bâle (32) au MAE, 14 septembre 1903.
147 Ibid., lettre de l’ambassade de France à La Haye (63) au MAE, 24 août 1907.
148 Ibid., 135 Palestine 1913-1914, lettre du consulat de France à Jérusalem (42) au MAE, 17 mai 1913, Gueyraud.
149 Avec la participation du capitaine Coulondre, membre du Haut-Commissariat français en Palestine (voir Roger Lévy, Une université nouvelle, Paris, Ligue des amis du sionisme, 1919, appendices).
150 Voir Michel Abitbol, « Culture française et sionisme méditerranéen », Archives juives – Revue d’histoire des juifs de France,n° 30/2, 2e semestre 1997, pp. 22-37.
151 Archives du ministère des Affaires étrangères, Nantes (par la suite : MAE, Nantes), Correspondance de Jérusalem, B, 214 Université hébraïque, Dossier Correspondance générale, lettre du consulat de France à Jérusalem au MAE-Asie, 17 février 1926, Doire ; ou ibid., Dossier Inauguration de la Bibliothèque Nationale et Universitaire Hébraïque, 15 avril 1930, lettre du consulat de France à Jérusalem au MAE-Levant, 8 mai 1930, d’Aumale ; et encore ibid., 369 Palestine, lettre du consulat de France à Jérusalem (38/9/A) au MAE, 26 juillet 1933, Caumeau.
152 Samir Kassir, Farouk Mardam-Bey, Itinéraires de Paris à Jérusalem – La France et le conflit israélo-arabe, t. I 1917-1958, Washington, Institut d’études palestiniennes, 1992, chap. II, Le temps des mandats.
153 Pour le contexte général de l’appréciation française de la Palestine de cette époque, voir nos articles « Les Français et les communautés nationales de Palestine au temps du mandat britannique », in Peter Sluglett, Nadine Méouchy (dir.), The British and French Mandates in Comparative Perspectives/Les mandats français et anglais dans une perspective comparative, Leiden, Brill, 2004, pp. 269-301 ; « Les acteurs de la politique palestinienne de la France, 1901-1948 », in Michel Abitbol (dir.), France in the Middle East – Past, Present, and Future, Jérusalem, Magnes Press, 2004, pp. 55-97.
154 Catherine Fhima, « Les écrivains juifs français et le sionisme (1897-1930) », Archives juives – Revue d’histoire des Juifs de France,n° 30/2, 2e semestre 1997, pp. 49-70.
155 Michel Abitbol, Les deux terres promises – Les juifs de France et le sionisme, Paris, Olivier Orban, 1989.
156 Léon Blum lui-même fait partie des fondateurs du comité France-Palestine, au milieu des années 1920 ; voir Catherine Nicault, La France et le sionisme, op. cit., pp. 137-157 ; Michel Abitbol, « La France et le sionisme : aspects, historiques, culturels et idéologiques », in Michel Abitbol (dir.), France in the Middle East, op. cit., pp. 157-166.
157 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Jérusalem, Papiers Magnes (P3), 1949 Correspondance diverse en relation avec l’université, spécialement la transition dans son administration, 1934-1936, Expansion de l’université, Liste établie à titre d’essai, état au 15 juin 1933.
158 L’historien de l’université Richard Koebner estime en effet que son domaine ne peut se passer d’apports livresques en provenance de France, et que l’on doit dépasser le stade des offrandes symboliques (Archives de l’Université hébraïque, Correspondance avec les amis de l’université à Paris, 615/35, lettre de Koebner à Magnes, 12 novembre 1936).
159 Elle est suggérée par le responsable de l’association des Amis de l’université, le professeur Raoul Aghion (ibid., lettre d’Aghion à Magnes, 12 juillet 1935).
160 Voir Philippe Boukara, « Justin Godart et le sionisme. Autour de France-Palestine », in Annette Wieviorka (dir.), Justin Godart – Un homme dans son siècle (1871-1956), Paris, CNRS-Éditions, 2005, pp. 209-218.
161 Archives Sionistes Centrales, Jérusalem, Université hébraïque 1935-1942 (S25/6724), lettre de l’Université hébraïque à M. Shertok, 24 janvier 1937, Guinzburg, annexe : Lettre de Shneerson, 3 novembre 1936.
162 Archives de l’Université hébraïque, Correspondance avec les Amis de l’université à Paris, 615/35, lettre de Magnes et Bergmann à de Monzie, 1er décembre 1936.
163 Ibid., Correspondance avec la France, 613/1937, lettre de Magnes à d’Aumale, 14 mars 1937.
164 Ibid., Mémorandum d’entretien entre Magnes et d’Aumale, 26 mars 1937.
165 L’Univers israélite, 28 juin 1935, « L’Institut français de Jérusalem », G. Cohen. Cet effort en direction de la Palestine s’inscrit dans la volonté du Front populaire, en particulier de son ministre de l’Éducation nationale, Jean Zay, de relancer la diffusion du français à l’étranger (voir Pascal Ory, La Belle Illusion – Culture et politique sous le signe du Front populaire 1935-1938, Paris, Plon, 1994, pp. 524-526).
166 Henri Hauser, historien, spécialiste d’histoire économique ; Jacques Hadamard, professeur au Collège de France et beau-frère d’Alfred Dreyfus ; Paul Grunebaum-Ballin, conseiller d’État, personnage d’influence qui fait partie de l’entourage direct de Léon Blum ; Julien Cain, administrateur général de la Bibliothèque nationale ; Edmond Fleg, poète et romancier, depuis toujours proche de l’université ; et enfin un personnage incontournable, le baron Édouard de Rothschild, pourvoyeur habituel des œuvres juives en Palestine, qui propose rapidement la somme de 1 000 livres.
167 Archives de l’Université hébraïque, Correspondance avec la France, 613/1937, lettre de Norman Bentwich à Salman Schocken, 3 mars 1937.
168 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Papiers Magnes, 1945 Correspondance avec Max Schloessinger sur diverses affaires relatives à l’université, 1931-1944, lettre de Gluck à Magnes, 1er août 1937.
169 Archives de l’Université hébraïque, Correspondance avec la France, 613/1937, extrait d’une lettre de Magnes à Ginzberg, 23 avril 1937.
170 Ibid., lettre de d’Aumale à Magnes, 19 juin 1937.
171 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1937 I, lettre du MAE-SOFE, à Magnes, 29 juillet 1937, Marx.
172 Ibid., Correspondance avec la France, 613/1937, lettre de Ginzberg à Senator, 15 août 1937.
173 Voir infra.
174 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1937 I, lettre de Ginzberg à Magnes (Paris), 29 août 1937.
175 Maurice Liber souligne ainsi à l’adresse de Magnes que Marx n’est pas seulement responsable du Service des œuvres, mais aussi directeur d’études à l’École des hautes études (Archives de l’Université hébraïque, Dossier personnel Duff I, lettre de Liber à Magnes, 29 octobre 1937). C’est en partie ce point qui explique que Marx apporte aussi ardemment son soutien à l’ancien élève titulaire de cette même école qu’est Abraham Duff. Mais ce dernier semble aussi apporter des garanties d’un point de vue purement français : c’est ce qui ressort de la correspondance entre Marx et Alphonse Dupront, alors directeur de l’Institut français de hautes études à Bucarest, qui rapporte l’opposition des Juifs iassiotes, en particulier de Duff, à la culture germanique, en Roumanie comme en Palestine (voir André Godin, « La correspondance d’Alphonse Dupront et de Jean Marx [9 avril 1932-9 mars 1940] », Mélanges de l’École Française de Rome, Italie-Méditerranée, tome 107, 1995-I, pp. 207-411, lettres de Dupront à Marx, 21 août, 19 octobre et 5 décembre 1935 ; voir aussi du même auteur, Une passion roumaine, Histoire de l’Institut Français de Hautes Études en Roumanie [1924-1948], Paris, L’Harmattan, 1998, pp. 115-116).
176 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1937 II, lettre de Magnes à d’Aumale, 15 octobre 1937.
177 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Papiers Magnes, 2112 Notes et discours à l’occasion des cérémonies d’ouverture et de remise de diplômes, 1940-1947, discours du président de l’Université hébraïque, Dr. J. L. Magnes, début de l’année universitaire 1937/38, 20 octobre 1937.
178 C’est en tout comme cela que l’interprète le journal du Consistoire israélite de France -L’Univers Israélite, 5 novembre 1937, avec victoire de l’esprit de 1789 qui a conduit à l’émancipation et assimilation des Juifs de France.
179 Magnes passe en Grande-Bretagne au cours de l’été 1937, sans résultat probant quant à une installation définitive de l’anglais à l’Université hébraïque, voir infra.
180 Judah Magnes, In the Perplexity of the Times, op. cit.,p.9 sq.
181 MAE, Paris, PAAP 130, 29, Jérusalem Correspondance (dépêches), lettre du consulat de France à Jérusalem (24) au MAE, 4 juin 1938, Outrey.
182 Les deux premiers boursiers partent et reviennent sans problème, et un nouvel appel à candidatures est lancé au mois de novembre 1939. Deux nouveaux boursiers rejoignent effectivement la France au début de 1940, mais doivent passer en Angleterre au cours de l’été 1940, par suite de l’occupation allemande.
183 MAE, Paris, PAAP 130, 31, Jérusalem Correspondance (télégrammes) télégramme du consulat de France à Jérusalem (132) au MAE, Vichy, 17 octobre 1940.
184 Ibid., télégramme du Haut-commissariat français à Beyrouth (477) au consulat de France à Jérusalem, et (42) au MAE-Vichy, 22 octobre 1940.
185 Alors que ce rayon d’action international est considérablement en baisse, voir Catherine Nicault, « Que savaient les diplomates de Vichy ? », Les cahiers de la Shoah,n° 3, 1995-1996, Paris, Liana Levi, 1996, pp. 87-128.
186 À propos de la continuité dans la politique culturelle de la France du Front populaire à Vichy, voir Pascal Ory, « La politique culturelle de Vichy : ruptures et continuités », in Jean-Pierre Rioux (dir.), La Vie culturelle sous Vichy, Bruxelles, Complexe, 1990, pp. 225-237.
187 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Papiers Magnes, 1931, comptes rendus du recteur, 1939, 1944, 1947, et commentaire de Senator sur le rapport financier soumis au Conseil exécutif le 24 février 1942, en date 2 novembre 1942, confidentiel.
188 Archives de l’Université hébraïque, Dossier personnel Duff, I, lettre de la Délégation de la France Libre à Jérusalem à l’université hébraïque, 26 mai 1942, Zimmermann.
189 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1933, lettre de Senator à Zimmermann, 19 août 1942.
190 Voir notre article « L’ambition culturelle de la France en Palestine dans l’entre-deux-guerres », in Dominique Trimbur, e.a., Entre rayonnement et réciprocité – Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle, Paris, Presses Universitaires de la Sorbonne, 2002, pp. 41-72.
191 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 264, lettre de la Jewish Chronicle, Londres, à Magnes, 30 mai 1929, Leopold J. Greenberg.
192 Ibid., document intitulé « La place de l’anglais à l’Université hébraïque de Jérusalem », s. d. (1928).
193 ISA, Group 67, 1379 Enseignement d’allemand à l’Université hébraïque 1929-1934 (carton P 525), lettre de Fraenkel au consul Nord, 16 décembre 1929.
194 Ibid., lettre de Fraenkel à Sobernheim, 31 mars 1930.
195 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274 /34, Note sur les « Romance languages », s. d. (1934).
196 Voir Naomi Shepherd, Ploughing Sand – British Rule in Palestine 1917-1948, Londres, John Murray, 1999, chap. 4, Patching up Palestine : Health and Education, p. 126 sq. Voir aussi Tom Segev, One Palestine, complete – Jews and Arabs under the British Mandate, New York, Henry Holt and Company, 2000, p. 206.
197 Magnes, Addresses, op. cit., The Opening of the University Term, 1929-30, 18 novembre 1929, p. 100 ; The Second University Graduation, 22 décembre 1932, pp. 194-195.
198 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 264, lettre de l’université hébraïque à Joseph Cowen, Londres, 19 mai 1929, Judah Magnes.
199 En l’occurrence Israel Davis, président de la Jewish Chronicle.
200 Il écrit à ce propos : « Nous vivons ici dans un territoire placé sous mandat britannique et l’une des principales sources de trouble réside dans le fait que le Juif ne connaît pas l’esprit anglais et que l’Anglais lui-même ne connaît pas l’esprit juif. Sans aucun doute, le problème est le même en ce qui concerne l’Arabe ; et si l’on devait établir dans cette université un département d’anglais dans lequel la langue d’enseignement serait l’anglais, il n’y a aucune raison pour qu’ensemble des étudiants juifs et arabes ne bénéficient pas de l’instruction donnée là. » (ibid., lettre de Magnes à Chotznen, exécuteur testamentaire de Davis, 19 octobre 1930).
201 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2039, note intitulée « Le besoin d’une chaire d’anglais à l’Université hébraïque », 18 avril 1932.
202 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Papiers Magnes (P3), 1949, Correspondance diverse en relation avec l’université, spécialement la transition dans son administration, 1934-1936, Expansion de l’université, Liste établie à titre d’essai, état au 15 juin 1933.
203 Magnes, Addresses, op. cit., The Opening of the University Term, 1933-34, 5 novembre 1933, pp. 210-211.
204 Ibid., pp. 215-216.
205 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274 /34, lettre de la Zionist Federation of Great Britain and Ireland à l’Université hébraïque, 24 décembre 1934.
206 Ibid., lettre de N. Bentwich à Paul Goodman (Zionist Federation, Londres), 7 janvier 1935.
207 Ibid., lettre de S. Schocken à P. Goodman, 10 janvier 1936.
208 Ibid., lettre de P. Goodman à S. Schocken, 1er mars 1936.
209 L’Univers Israélite,n° 13, 26 novembre 1937, p. 203.
210 Ce que les Italiens remarquent à leur tour en le soulignant (Oriente Moderno,n° 12, décembre 1937, p. 621).
211 Archives de l’Université hébraïque, Dossier Langues européennes 2274/1938 I, lettre de Senator à Sir Philip Hartog (membre du comité anglais pour une chaire d’anglais), 24 avril 1938.
212 Ibid., lettre de Senator à Bakstansky, 18 octobre 1938.
213 Ibid., Dossier Langues européennes 2274/1933, lettre de Senator à Sir Philip Hartog, 24 juillet 1942.
214 Retranscrites en 1985 par Geoffrey Wigoder in The Crown of Wisdom -Sixty Years of the Hebrew University of Jerusalem (Jérusalem, sn, 1985), en particulier le chap. VII du 2e volume.
215 Archives centrales de l’histoire du peuple juif, Papiers Magnes (P3), 2109 Lettres et coupures de presse en réaction aux discours de rentrée universitaire de Magnes, 1937-1945, Le Journal d’Alexandrie et la Bourse égyptienne, 6 décembre 1943, « Les prophètes contre le “surhomme” Hitler ».
216 Voir supra, p. 276.
217 MAE, Paris, Guerre 1939-1945, Londres(-Alger), 423, Œuvres françaises, dossier général, août 1940-septembre 1943, lettre de la Délégation de la France libre à Jérusalem (61) au Comité français de libération nationale, Londres, 24 décembre 1942, du Chaylard.
Notes de fin
* Judah Magnes, discours de rentrée universitaire à l’Université hébraïque, le 20 octobre 1937.
Auteur
Dominique Trimbur est chercheur associé au Centre de recherche français de Jérusalem. Sa thèse sur les relations germano-israéliennes est parue en 2000 (De la Shoah à la réconciliation ? – La question des relations RFA/Israël [1949-1956], CNRS Éditions). Auteur de travaux sur les présences européennes en Palestine, il a co-dirigé De Bonaparte à Balfour – La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799-1917 (CNRS Éditions, 2001). En 2002, il a co-édité Entre Rayonnement et réciprocité – Contributions à l’histoire de la diplomatie culturelle (Publications de la Sorbonne) et publié Une École française à Jérusalem (Mémoire dominicaine, V, Éd. du Cerf).
En 2004 est paru sous sa direction Des Européens au Levant – Entre politique, science et religion (xixe – xxe siècles), Munich, Oldenbourg, 2004 (Pariser Historische Sstudien 53).
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De Balfour à Ben Gourion
Les puissances européennes et la Palestine, 1917-1948
Ran Aaronsohn et Dominique Trimbur (dir.)
2008
De Bonaparte à Balfour
La France, l’Europe occidentale et la Palestine, 1799-1917
Ran Aaronsohn et Dominique Trimbur (dir.)
2008