L’Université Goubkine : réservoir de cadres pour le secteur pétrolier et gazier
p. 171-213
Texte intégral
Introduction
« Недра не подведут, если не подведут люди»
(Иван Губкин)
[On ne peut compter sur les richesses des sous-sols que si l’on peut compter sur les gens qui les exploitent]
(propos attribués à Ivan Goubkine)
1« Elle a une belle vie », « elle regorge de ressources accordées par de généreux sponsors, les compagnies russes du pétrole et du gaz », « elle ne forme que les enfants des "barons" énergétiques » – l’Université du pétrole et du gaz de Goubkine2 est sans doute parmi les plus jalousés des établissements d’enseignement supérieur (EES) russes.
2L’origine de ces jalousies s’explique facilement : grâce à la flambée des prix du pétrole et du gaz (excepté la parenthèse de la crise économique et financière de 2009), le secteur d’extraction, de traitement et de commercialisation des produits pétroliers et gaziers est considéré comme très lucratif. Les hydrocarbures représentent environ 25 % du PIB russe, 48 % du budget fédéral3 et 66– 69 % des exportations du pays4. Le monopole gazier Gazprom totalise à lui seul plus de 80 % d’extraction du gaz russe et 100 % de son exportation5. Dans ces conditions, il est évident que le « complexe énergétique » est structurant pour l’économie du pays.
3L’Université Goubkine se positionne comme le pilier du secteur en matière de formation des cadres : elle formule sa mission comme la « reproduction élargie des ressources intellectuelles pour le complexe pétrolier et gazier russe » et souhaite « être la locomotive du progrès scientifique et technique de la production dans le secteur, facteur primordial du développement durable du pays… »6. Le poids du secteur dans l’économie du pays lui permet d’attirer l’attention des autorités publiques et des entreprises pétrolières et gazières.
4L’université compte les présidents des plus grandes d’entre elles dans son conseil de tutelle7 : Alexeï Miller, Vagit Alekpërov, Sergueï Bogdantchikov, Semën Vaïnshtokh, Mikhaïl Goutzeriev, etc. Il est présidé par le président du Conseil d’administration de Lukoil, Valéry Graïffer, un ancien diplômé de Goubkine (1952). Une « Fondation pour le soutien de la formation pétrolière et gazière » a été mise en place par ce conseil de tutelle, auquel Gazprom, Lukoil, Surgutneftegas, TNK, Rosneft’, Slavneft’, Sibneft’, Ritek, Transneft’ et d’autres apportent leur contribution financière8. Ainsi, l’Université est directement liée aux entreprises des hydrocarbures russes par l’intermédiaire de ces deux structures, tandis que la plupart des universités russes se plaignent de l’absence d’intérêt des compagnies pour l’enseignement supérieur (ES).
5La question centrale de cette étude est la capacité de Goubkine à répondre aux besoins en cadres qualifiés pour les années à venir d’un secteur stratégique pour la Russie. L’un des éléments de réponse porte sur la proximité de cette université avec les entreprises pétrolières et gazières et les conséquences de cette proximité, rare pour les universités russes, sur la qualité de ses diplômés. Permet-elle d’offrir une qualité radicalement différente, d’augmenter les dépenses par étudiant, d’obtenir une indépendance vis-à-vis du financement public ? Faciliterait-elle les conditions financières et autres du fonctionnement de l’université ? A priori, cela ne semble pas être le cas.
Le besoin en cadres du secteur pétrolier et gazier
Attractivité du secteur
6Les compagnies pétrolières et gazières emploient des centaines de milliers de personnes (par exemple, Gazprom compte 376 300 salariés et Lukoil 150 000), offrent des salaires attractifs (nous y reviendrons) et ouvrent des perspectives de carrières et des avantages sociaux significatifs (formations, assurance médicale, abonnements à des clubs de sports, etc.). Un sondage de Centre WCIOM (1 600 personnes interrogées en juin 2009) révèle qu’un Russe sur trois souhaiterait travailler chez Gazprom et un sur quatre chez Rosneft’ (voir l’encadré 1). La popularité de ces compagnies ne cesse d’augmenter : en 2007, 25 % des personnes interrogées souhaitaient travailler pour Gazprom et 14 % pour Rosneft’.
Encadré 1 : Dans quelle compagnie russe voudriez-vous travailler ? (trois réponses possibles).
Compagnie | 2007 | 2009 |
Gazprom | 25 | 33 |
Rosneft’ | 14 | 23 |
Sberbank | 15 | 19 |
Chemins de fer russes (RZhD) | 9 | 14 |
Lukoil | 12 | 14 |
Systèmes énergétiques unis | 8 | 9 |
Vnechtorgbank | 6 | 6 |
Norilsk Nickel | 4 | 6 |
Aeroflot | 5 | 6 |
Beeline (Vympelcom) (téléphonie) | 2 | 4 |
7Les différents classements contribuent certainement à l’image d’un milieu favorable à la réussite professionnelle et aux revenus élevés : sept des dix premières compagnies russes, par leurs bénéfices nets, appartiennent au secteur du pétrole et du gaz (voir encadré 2) ; les dirigeants des sociétés pétrolières et gazières figurent en bonne place dans la liste des top-managers russes9 ; on en trouve certains dans le classement des personnes les plus riches du pays10.
Encadré 2. Le Top-10 des sociétés russes par le montant des bénéfices annuels nets, 2009.
Compagnie | Bénéfices nets en 2009, en milliards de roubles | |
1 | Gazprom | 779,585 |
2 | Lukoil | 222,411 |
3 | Rosneft’ | 206,644 |
4 | TNK-BP International | 157,759 |
5 | Chemins de fer russes | 150,001 |
6 | Transneft’ | 120,407 |
7 | Surgutneftegaz | 113,874 |
8 | Norilski Nickel | 82,480 |
9 | Tatneft’ | 55,532 |
10 | Megafon | 45,289 |
8Plusieurs hauts responsables politiques font partie des conseils d’administration des grandes entreprises pétrolières et gazières. Ainsi, dans le gouvernement de Vladimir Poutine (2008-2012), Viktor Zoubkov, premier vice-Premier ministre, était le président du conseil d’administration de Gazprom11 ; Elvira Nabioullina, ministre du développement économique, était membre du conseil d’administration de Gazprom ; Igor Setchine, vice-Premier ministre, était le président du conseil d’administration de Rosneft’ ; Sergueï Chmatko, ministre de l’Énergie était président du conseil d’administration de Transneft’12. Gazprom est perçu comme un « projet personnel » de Vladimir Poutine, qui pendant sa présidence l’a surveillé de près, en nommant des personnes de son entourage aux postes clés13. La proximité de ce secteur avec les milieux politiques contribue à son prestige, ainsi qu’à la perception de sa stabilité (« too big to fail »). En effet, pendant la crise économique et financière commencée en 2008, l’État russe a, d’une part, directement aidé ces entreprises (Rosneft’ aurait touché une aide financière de 4,6 milliards de dollars par l’intermédiaire des banques publiques), et, de l’autre, il a réduit les impôts sur ces entreprises (pour un montant de 6 milliards de dollars) pour préserver la rentabilité de ce secteur clé14. Cela aurait permis d’éviter des renvois massifs et des baisses de salaires significatives (seuls les bonus ont été réduits ou supprimés). Les licenciements ont essentiellement concerné le personnel administratif et le marché s’est rapidement rétabli.
Pénurie de jeunes cadres
9Cependant, l’attractivité de ce secteur ne date que des années 2000 et il n’est pas épargné par la pénurie des cadres, notamment jeunes. Le « manque de cadres qualifiés » est, d’ailleurs, le premier risque évoqué par les chefs d’entreprises russes au Forum de Davos en 2011 pour la deuxième année consécutive15. Le problème de « reproduction stable des cadres hautement qualifiés » est aussi cité à plusieurs reprises dans la « Stratégie énergétique de la Russie jusqu’en 2030 »16. Selon certains experts, la moyenne d’âge dans le secteur atteint 50 ans et la moitié de son personnel sera à la retraite dans 10 ans. Par exemple, Oleg Favorski, académicien de l’Académie des sciences de Russie et membre du Conseil scientifique et technique de Gazprom, signale un manque critique et le vieillissement des cadres du secteur17. Konstantin Simonov, directeur général de la Fondation de la sécurité énergétique nationale, a résumé les problèmes en ces termes :
« Aujourd’hui, on observe un vieillissement rapide des cadres du secteur pétrolier et gazier. On constate par ailleurs une perte d’intérêt pour les formations techniques ; le niveau des enseignants et des formations chute, ce qui crée un problème de renouvellement des effectifs18. »
10La création de la revue « TEK. Cadres » à Goubkine (Complexe énergétique. Cadres) en janvier 2009 à l’Université Goubkine est le reflet de cette préoccupation dans le secteur19.
11Outre la crise démographique qui concerne avant tout les jeunes et la population active, d’autres facteurs rendent la situation de l’emploi dans ce secteur tendue. En premier lieu, dans les années 1990, l’extraction pétrolière et gazière diminuait, les sociétés recrutaient peu et cela détournait les jeunes de ce secteur peu prometteur. Cette situation a eu des répercussions directes sur les universités « de profil ». L’ancien recteur de Goubkine (1993-2008), A. Vladimirov, décrit dans l’un de ses articles l’état déplorable de la chaire « Équipements pour le traitement du pétrole et du gaz » après son élection à sa direction en 1992. La chaire existait de jure, mais de facto, elle ne recrutait plus d’étudiants depuis quatre ans, l’école doctorale était fermée, aucune recherche n’était conduite et les professeurs cherchaient des emplois ailleurs20. La situation dans le secteur a radicalement changé dans les années 2000 : ainsi, entre 2006 et 2007, le personnel de Lukoil a augmenté de 2 800 personnes, tandis que, Gazprom recrute désormais plus de 1 500 jeunes spécialistes par an, selon son directeur de gestion du personnel Boris Kouzmin21. Cependant, le secteur connaît toujours un déficit des cadres d’âge moyen avec une expérience de 10-15 ans dû au manque de recrutement dans les années 1990.
12En deuxième lieu, la chute du prestige du métier d’ingénieur dans les années 1990 a détourné les jeunes, ce que reflètent les sondages de l’époque et la difficulté de recruter des candidats de qualité dans la plupart des universités techniques. Le concours y a chuté à 0,7 personne par place22. Selon les sondages, les jeunes sortant des écoles privilégiaient les métiers d’économiste, de juriste ou de gestionnaire23.
13Aujourd’hui, la demande pour les ingénieurs est forte sur le marché du travail et l’État essaye de réorienter les demandes en proposant plus de places gratuites dans les établissements techniques et en réduisant leur nombre pour les sciences humaines et sociales, l’économie et le droit24. Cependant, le nombre de diplômés de ces derniers ne cesse de croître. En 2009, la répartition de jeunes diplômés par grands groupes de métiers a été la suivante :
- 374 900 diplômés en économie et en gestion ;
- 178 300 en sciences humaines ;
- 123 300 en enseignement et pédagogie ;
- 25 600 en métallurgie, constructions mécaniques et traitement des métaux ;
- 24 300 en énergie et en énergie électrique ;
- 13 300 en exploration et exploitation des ressources naturelles25.
14Plusieurs EES ont ouvert des filières pétrolières et gazières très prisées. En effet, l’UMO pour la formation pétrolière et gazière, association des EES sectoriels, dirigé par Goubkine (signe de la centralité de cet établissement pour le secteur) comptait 24 établissements en 2003 ; elle en compte 38 aujourd’hui (voir la liste dans l’annexe). Tous sont publics (les universités privées offrent rarement des formations techniques en Russie26). Le nombre de diplômés en exploration et production des ressources naturelles est ainsi en augmentation constante depuis 2004 (tableau 1).
15Il faut y ajouter 8 200 diplômés (données 2009) formés pour le secteur par l’enseignement professionnel non-tertiaire27. Pour plusieurs experts, le problème aujourd’hui est moins la quantité que la qualité des diplômés.
16Selon Oleg Favorski, seule la moitié de ces diplômés travaillera réellement dans le secteur28. Pour lui, la carrière dans le secteur ne peut se faire que loin de la capitale, sur des sites éloignés dans des conditions climatiques difficiles29. Or, il s’agit d’un facteur dissuasif, notamment pour les personnes originaires de Moscou et les jeunes femmes (qui représentent la moitié des effectifs étudiants à Goubkine). En effet, la pénurie des cadres touche inégalement le secteur : les métiers up-stream sont les plus frappés (exploration, forage) et le manque le plus cruel est observé au niveau des ouvriers et du personnel intermédiaire et non pas chez les managers.
17Le manque de cadres qualifiés se traduit par un turn-over élevé au sein d’un secteur où les « chasseurs de tête » sont actifs. Les firmes étrangères qui travaillent en Russie et recrutent sur le marché russe semblent très attractives pour le personnel russe et représentent une concurrence sérieuse pour les compagnies nationales. La période de crise a quelque peu fidélisé le personnel, inquiet de changer de compagnie ou de poste dans un contexte instable.
Le positionnement de Goubkine
Légitimité historique et reconnaissance par l’État
18En 1920, à l’initiative du professeur Ivan Goubkine30, une chaire pétrolière a été ouverte auprès de l’Académie des mines de Moscou31. En 1924, les premiers diplômés, géologues pétroliers, sortent de ses murs. Par la suite, d’autres chaires ont été ouvertes : exploration, forage, exploitation des gisements, chimie et technologies pétrolières, ainsi qu’une faculté (en 1929) pétrolière avec plusieurs départements (géologie, exploration, production, traitement).
19Le développement rapide de l’industrie pétrolière explique la création de l’Institut pétrolier de Moscou en 1930 sur la base de cette faculté pétrolière de l’Académie des mines, qui porte depuis le nom de Goubkine. Plusieurs académiciens et scientifiques éminents figurent parmi ses 85 000 diplômés. Leurs recherches ont donné naissance aux technologies soviétiques d’exploration, d’extraction, de transport et de traitement des hydrocarbures. Forte d’une histoire de plus de 80 ans, l’Université se positionne aujourd’hui comme le principal « fournisseur » de jeunes cadres aux compagnies pétrolières et gazières. Son centre de recherches est particulièrement actif et ambitieux. En 2000, à l’occasion du 70e anniversaire de l’Université, le président Vladimir Poutine déclarait :
« Votre université est un centre incontournable de la recherche nationale, un véritable forgeron de cadres pour les branches pétrolières et gazières. En sept décennies, une communauté d’éminents scientifiques et professeurs a été formée ici… Par le nombre de recherches scientifiques menées, l’Université occupe l’une des premières places en Russie, car tous les ans, des dizaines de travaux scientifiques sont préparés dans ses murs et des découvertes uniques sont faites32. »
20Au-delà du secteur pétrolier et gazier, l’Université fait partie des établissements leaders participant activement aux réformes de l’ES menées par le gouvernement russe. En 2007, Goubkine a obtenu un financement dans le cadre du projet national Éducation (parmi 57 lauréats) pour développer des « programmes innovants ». En 2010, elle a décroché le titre d’« Université nationale de recherche » (l’une des 29 universités choisies)33. Ce label signifie la reconnaissance des mérites de l’établissement par le gouvernement, tout en marquant les domaines prioritaires pour le développement du pays. Ces deux appels d’offres ont rapporté des sommes importantes au budget universitaire : 400 millions de roubles (10 millions d’euros) dans le cadre du premier et 1,8 milliard de roubles (45 millions d’euros) pour une période de cinq ans dans le cadre du deuxième. Sur le plan de la reconnaissance internationale, l’Université a obtenu en mars 2007 le certificat international « TŰV Nort CERT », qui atteste de sa conformité aux standards de qualité ISO 9001.
21L’Université est composée aujourd’hui de plusieurs facultés : géologie et géophysique du pétrole et du gaz (créée en 1930), exploitation des gisements pétroliers et gaziers (1930) ; économie et gestion (1930) ; conception, construction et exploitation des systèmes de transport par pipelines (1984) ; ingénieurs mécaniciens (1943) ; technologies chimiques et environnement (1930) ; systèmes automatiques et informatiques (1962) ; faculté juridique (1998). D’autres facultés transversales existent par niveau ou par type d’études : faculté des formations au niveau des masters (1999) ; faculté des études du soir (1956) ; préparation à l’entrée à l’Université (1990) ; sciences humaines (1993) ; perfectionnement de la qualification des enseignants (1968) ; sciences naturelles (2002) ; formations postuniversitaires (2001) qui regroupent les écoles doctorales. Enfin, il existe un centre de formation et de recherche pour les cadres et spécialistes du secteur pétrolier et gazier (1987).
Place dans les classements
22Si les classements sont toujours à aborder prudemment, en recouper plusieurs s’avère un exercice utile qui permet de se rendre compte au moins du prestige et de la réputation de l’établissement si ce n’est de la qualité des formations offertes. L’Université Goubkine est absente des classements universitaires internationaux les plus connus, comme ceux de Shanghai et du Times Higher Education (THE-QS). En revanche, elle est relativement bien cotée dans les classements nationaux, un argument non négligeable pour les candidats potentiels dans un contexte de crise démographique.
23Ainsi, en 2002, l’Université a fait partie du Top-5 dans le classement de l’association des EES techniques russes. En 2005 (dernière année de l’existence de ce classement officiel), elle a occupé la troisième place, après l’Université Bauman et l’Université technique de Saint-Pétersbourg, parmi les EES techniques du ministère de l’Éducation et de la Recherche (MER). En 2008, on la trouvait à la 12e position sur 61 pour la réussite professionnelle (premier salaire et avancement de carrière) des diplômés des EES de Moscou34. La même année, Goubkine figure parmi les premiers dans le classement de l’association « Delovaya Rossia » qui évalue la demande sur le marché pour les diplômés35. En 2009, l’université se classe 360e dans le nouveau Global Universities Ranking, établi par l’agence russe ReitOR36.
24L’analyse des parcours universitaires des représentants de l’élite russe, menée par l’agence ReitOR, prouve que Goubkine contribue à la formation des élites économiques, politiques et académiques russes, sans jouer cependant les premiers rôles. Elle contribue, notamment, moins à la formation des élites politiques ou académiques que des élites économiques. Selon l’étude de ReitOR (mai 2010) sur la formation des élites politiques, sur 1 278 responsables de niveau fédéral et régional des trois branches du pouvoir, six personnes (soit 0,49 %) sont diplômées de Goubkine, dont l’ancien maire de Moscou Youri Loujkov37. Dans le classement par le nombre de diplômés parmi les recteurs et les académiciens (juillet 2009), Goubkine occupe la 36e place parmi 318 établissements avec quatre diplômés (0,36 %)38. En revanche, elle fait partie des dix premières universités russes (sur 237 étudiées) qui ont formé le plus de représentants de l’élite économique39. La plupart des managers dans la pétrochimie sont des « anciens » de Goubkine. De toute évidence, sur le marché national, il s’agit d’un EES connu qui bénéficie d’une solide réputation auprès des étudiants potentiels et dont les diplômés sont bien cotés sur le marché du travail. L’Université a aussi contribué à la formation de quelques personnalités étrangères éminentes, comme le recteur de l’Université pétrolière de la Chine, de hauts responsables de la compagnie pétrolière nationale hongroise ou de la Corporation pétrolière nationale chinoise (CNPC).
Auto perception et regard sur la concurrence
25Selon le recteur Viktor Martynov, ancien diplômé de Goubkine40, l’université est de facto leader « hors concours » dans le système de formation pétrolière et gazière, mais aussi de R&D. Il s’agit d’un « pilier du secteur » conçu spécifiquement pour ses besoins et dont le rôle est central pour satisfaire ses besoins en cadres hautement qualifiés (otraslevoj VUZ). Outre la légitimité historique et les places honorables dans les classements, il s’agit du « seul EES russe entièrement consacré au secteur depuis l’origine et qui englobe l’ensemble de la chaîne technologique de la production pétrolière et gazière, du forage à la transformation en produit fini en passant par le transport »41.
26Trois autres universités sont souvent citées comme des partenaires « sérieux » : l’Université (d’État) du pétrole et du gaz de Tioumen (fondé en 1963), l’Université (d’État) technique de pétrole d’Oufa au Bashkortostan (1948) et l’Université (d’État) technique d’Oukhta dans la République des Komis (1967)42. Goubkine a contribué à la création de certains instituts et universités publics ou instituts de recherche (entièrement indépendants d’elle) : l’université pétrolière à Oufa, l’université technique à Oukhta, l’Institut pétrolier à Almétievsk (république du Tatarstan), l’Institut d’études des problèmes du pétrole et du gaz de l’Académie des sciences de Russie (RAN). Celle d’Oufa a, par exemple, été organisée sur la base d’une succursale de Goubkine après son évacuation vers l’Est en 1941 au début de la Seconde Guerre mondiale. Si ces universités sont considérées comme des partenaires, elles sont aussi des concurrentes pour les candidats des régions.
27D’autres établissements formant aux métiers du pétrole et du gaz sont ouvertement ou discrètement critiqués pour leur origine récente, leur faible connexion avec le secteur des hydrocarbures, l’insuffisance de la base matérielle et de la qualification des enseignants qui font douter de la qualité de leurs formations. Par exemple, nous avons souvent entendu des allusions à la précédente appartenance de l’Université de Mourmansk au ministère de la Pêche et de l’Université d’Arkhangelsk au ministère des Ressources forestières. Cependant, les deux ont ouvert des Instituts du pétrole et du gaz dans les années 2000.
28Selon le Président du Conseil d’administration de Lukoil Valeryn Graïffer, « le marché est inondé de diplômés faiblement préparés, car certaines universités, notamment dans les régions, ont ouvert des filières pétrolières et gazières payantes sans avoir des enseignants qualifiés et avec une faible base d’équipement43 ». Selon nos interlocuteurs de Goubkine, il s’agirait d’un « phénomène de mode » qui répond à l’intérêt de la population pour le secteur, et non aux intérêts réels de ce dernier. L’un de nos interlocuteurs à Goubkine renchérit :
« Chaque gouverneur de la région estime que s’il y a un bout de pipeline qui passe sur son territoire, il faut ouvrir une filière pour former le personnel afin de s’en occuper, mais, en réalité, la demande est vite satisfaite et la filière produit des spécialistes dont la région n’a plus besoin44. »
29Le même point de vue a été ouvertement exprimé dans la presse par le recteur Viktor Martynov :
« La notion de formation pétrolière et gazière est diluée. Chaque gouverneur (…) souhaite créer de telles formations au mieux dans l’université polytechnique de sa région quand ce n’est pas dans n’importe quelle autre université. La position du gouverneur est claire : il lui faut une raison valable pour demander de l’aide financière aux compagnies pétrolières et gazières. […] C’est peut-être bien pour une région précise, mais pas tellement pour la communauté sectorielle et l’industrie du pétrole et du gaz45. »
30Dans ces conditions d’« offre diluée », Goubkine cherche à se distinguer par deux avantages comparatifs. Le premier concerne la panoplie des formations proposées : si les « autres filières et établissements ne forment qu’à deux ou trois "métiers" du secteur pétro-gazier », Goubkine est le seul à former à l’ensemble de la chaîne technologique46. Le deuxième accent est mis sur la formation des spécialistes et de managers sectoriels de haut niveau capables d’innover, ainsi que des chercheurs au niveau des masters et de l’école doctorale. Le directeur du personnel de Gazprom, Boris Kouzmin, explique dans une interview que Gazprom a des accords pour la formation des cadres avec une cinquantaine d’EES russes, mais cite Goubkine comme un élément central du dispositif47.
À l’encontre de certaines tendances
31Goubkine semble avoir partiellement échappé à certaines tendances propres à l’époque de la transition des années 1990, qui ont contribué à la dégradation de la qualité des formations en Russie. En premier lieu, l’université propose relativement peu de cours du soir ou par correspondance. Si, dans le pays, en moyenne 55 % des étudiants font leurs études par correspondance ou le soir, à Goubkine, sur 2004 diplômés en 2010, les trois quarts (1 586) ont fait des études du jour à plein-temps et moins d’un quart (418) des études du soir et par correspondance48. Pour ces derniers, il s’agit essentiellement d’une formation supérieure complémentaire. L’université n’offre pas de formation à distance. La direction de l’Université estime que le « secteur est stratégique, les équipements sont sophistiqués et la responsabilité est grande ». La complexité du secteur est souvent comparée à Goubkine avec les technologies spatiales ou d’armement49. Par conséquent, les formations du soir et par correspondance ne peuvent offrir une qualité suffisante de formation50.
32Deuxièmement, Goubkine a ouvert étonnamment peu de succursales. Pendant longtemps, il n’y en avait qu’une seule à Orenbourg, dont l’ouverture à l’époque soviétique (1984) a été conditionnée par la découverte d’un gisement gazier dans la région. La succursale d’Orenbourg compte 1 279 étudiants (dont 557 suivent une deuxième formation supérieure). Les deux succursales étrangères sont récentes : celle de Tachkent en Ouzbékistan (385 étudiants) a été ouverte en 2007 et celle d’Achkhabad au Turkménistan (75 étudiants) en 2008. Il s’agit de projets organisés à la demande des plus hautes autorités politiques de ces pays avec l’implication personnelle de Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev et fonctionnant sur la base des accords intergouvernementaux. Les deux n’en sont encore qu’à leurs débuts et n’ont pas pour l’instant de promotions de diplômés.
33Troisièmement, Goubkine n’a pas ouvert de filières et de facultés ne correspondant pas à son profil (neprofil’nye facultety) pour répondre à une demande solvable. Selon le recteur, la faculté des sciences humaines et sociales créée en 1993 « n’est pas diplômante », elle ne sert que les besoins des facultés principales. Celle de droit (créée en 1998) est spécialisée en droit pétrolier et gazier (notamment, le droit des pipelines)51.
34Quatrièmement, Goubkine a tenté de limiter le nombre d’étudiants payant leurs études (dits « étudiants commerciaux ») à 25 %52. Leur nombre a pourtant vite crû : par exemple, de 914 en 1999, il est passé à 2 134 en 2003 et à 2 700 en 2010. Le chiffre de 25 % a été révisé à la hausse et dépasse légèrement 30 % (à titre de comparaison, la moyenne du pays est de 55 % aujourd’hui). Par exemple, parmi les étudiants admis en première année en 2010, 912 l’ont été pour les « places budgétaires » et 419 pour les « places commerciales ». Les facultés qui comptent le plus d’« étudiants commerciaux » sont celles d’économie et de droit.
35Le coût des études à Goubkine n’est pas parmi les plus élevés de Moscou (voir tableau 2). Dans une étude de l’agence ReitOR en 2010, l’Université est la 28e sur 38 universités « à statut »53 avec des prix oscillant entre 95 740 et 135 230 roubles/an54 (ce qui représente 3 à 4 fois le salaire moyen à Moscou, voir l’encadré 3). Selon l’un de nos interlocuteurs, il y aurait une pression de la part des entreprises du secteur pour maintenir les prix accessibles, en échange d’une aide financière institutionnalisée. Nous ne disposons d’aucune autre confirmation de cette assertion. De manière étonnante, aucun des étudiants de Goubkine ne bénéficie de crédits bancaires pour payer ses études, même si Goubkine a fait partie du programme KREDO (mis à mal par la crise économique) parmi une vingtaine d’établissements d’élite de la capitale. Le « manque à gagner » dans le budget de l’université (à cause du faible nombre de places payantes, des tarifs d’études relativement peu élevés et du faible nombre d’étudiants ayant fait des emprunts bancaires pour leurs études) est compensé par le financement des entreprises du secteur.
36Deux caractéristiques qui distinguent Goubkine concernent le taux d’étudiants étrangers et la proportion de diplômés qui reste travailler dans le secteur. Selon le recteur, l’Université du secteur pétrolier et gazier ne peut être qu’internationale par définition, car « le business pétrolier et gazier est très internationalisé »55. Gazprom opère dans 60 pays et Lukoil dans 40. À Goubkine, 10-12 % d’étudiants sont étrangers. Cet indicateur est inférieur à celui de certaines universités mondiales (19 % pour Harvard, 21 % pour Stanford, 23 % pour l’Université de Columbia, 18 % pour Cambridge56). Cependant ce taux est exceptionnel pour la Russie, la moyenne y étant de 1,6 %57. Par ailleurs, le recteur affirme que l’Université étudie régulièrement les programmes des établissements leaders dans le monde pour mettre les siens au niveau58.
Tableau 2 : Prix des études à Goubkine, comparé à d’autres universités « à statut » en 2009.
Filière | Rang | Prix, en roubles/an (en euros) | Prix de référence (université la plus chère pour cette filière), en roubles/an |
Économie et gestion | 14 | 124 300 (3 031 €) | MGU : 220 000-320 000 |
Jurisprudence | 14-17 | 110 000 (2 683 €) | MGIMO : 250 000-290 000 |
Constructions mécaniques, équipements technologiques | 4 | 88 000 (2 146 €) | Académie Plekhanov : 180 000 |
TIC et électronique | 9 | 88 000 (2 146 €) | Université d’État de gestion : 150 000 |
Construction des appareils | 2 | 88 000 (2 146 €) | Bauman : 99 000-107 400 |
37Enfin, d’après les statistiques, plus de la moitié des diplômés du supérieur ne travaillent pas aux postes qui correspondent à la spécialisation reçue59. La situation semble différente à Goubkine. D’après les études de l’établissement, 70-80 % des diplômés travaillent dans les compagnies du secteur dont 5-7 % dans des sociétés étrangères (Schlumberger, Baker House, Shell, Deloitte). Selon le service d’aide à l’emploi des diplômés, en 2010, sur 1 441 diplômés (études à plein-temps), 420 ont décidé de poursuivre leur formation et 90 % des autres ont trouvé un emploi dans les entreprises pétrolières et gazières (127 à Gazprom et ses succursales, 20 à Lukoil, 19 à Transneft’, 16 à Rosneft’)60. Il s’agit d’une tendance durable (voir le tableau 3). En conséquence de la crise, le service de l’emploi de l’Université constate une certaine diminution de l’offre de postes à pourvoir, même si elle dépasse toujours le nombre d’étudiants « budgétaires » (dont l’État prend en charge les études). C’est avec fierté que les administrateurs de Goubkine parlent de leur établissement comme d’« otraslevoj VUZ », c’est-à-dire un établissement spécialisé pour servir les besoins d’une branche économique précise.
Activités et ressources de Goubkine
Candidat-étudiant-diplômé
38Selon le recteur de Goubkine, sur 70 millions d’actifs en Russie, le secteur pétrolier et gazier en emploie 1 million (1,5 %), aussi, « lorsqu’une si faible quantité de personnes provoque un effet économique aussi grand pour le pays, cela ne peut qu’influencer très positivement leurs salaires61 ». En effet, les rémunérations du secteur pétrolier et gazier sont extrêmement attractives. Selon des témoignages des anciens de Goubkine, au départ un diplômé peut compter sur 25 000-40 000 roubles (800-1 100 dollars). Ce ne sont pas les salaires les plus élevés pour un début de carrière : selon une étude du portail Super Job. ru (2010), un diplômé de la faculté de l’économie de la MGU obtient un premier salaire de 80 000 roubles (2 000 euros) et les diplômés en finances du MGIMO et de l’Académie financière 70 000 roubles (1 750 euros)62. Cependant, l’évolution est très rapide dans le secteur du pétrole et du gaz : trois ans plus tard, le salaire d’un diplômé s’élève à 70-100 000 roubles par mois (1 750-2 500 euros) et tous les employés du secteur ont droit à un bonus (qui peut varier entre un salaire mensuel pour les employés et un salaire annuel pour les cadres dirigeants). Les salaires dans le secteur dépassent la moyenne du pays tous secteurs confondus (voir l’encadré 3). Les rémunérations vertigineuses des dirigeants du secteur, publiés régulièrement par la revue Forbes (allant jusqu’à 6 millions de dollars pour un PDG), renforcent son image attractive63.
Encadré 3 : Salaire moyen par secteur en 2009, en roubles par mois
- 42 373 – finance
- 41 568 – extraction du gaz et du pétrole
- 17 009 – constructions mécaniques et équipements
- 13 293 – enseignement (20 214 – enseignement supérieur)
Autres points de comparaison, 2009
- 18 637 roubles/mois – salaire moyen tous secteurs confondues
- 33 358 roubles/mois – salaire moyen à Moscou
- 5 153 roubles/mois – minimum vital par habitant
- 8 700 roubles/mois – salaire minimum à Moscou
- 4 330 roubles/mois – salaire minimum tous les secteurs con fondus
Source : Rosstat.
39L’Université Goubkine n’éprouve aucune difficulté à recruter des candidats, même dans un contexte de déclin démographique. « Le pétrole et le gaz sont à la mode », plaisante un professeur à Goubkine. Avant l’introduction du test national de fin d’études secondaires (EGE)64, le concours d’entrée à Goubkine attirait cinq personnes par place budgétaire ; il est monté à 12 personnes (19,5 pour le siège à Moscou), les candidats pouvant désormais postuler à plusieurs universités. Selon le recteur, Goubkine ferait partie des dix universités les plus prisées à Moscou. Les candidats seraient de bon niveau : la moyenne des candidats obtenue à l’EGE est élevée65 et le taux des « médaillés » (élèves n’ayant que des notes excellentes à la sortie de l’école secondaire ou d’une école professionnelle technique) représente au moins un tiers des candidats (avec un taux exceptionnel de 43 % en 2008). L’existence de la chaire militaire est attirante pour les candidats masculins (en raison du sursis accordé), mais les filles sont aussi nombreuses et représentent la moitié du contingent.
40Au total, l’Université compte aujourd’hui 10 231 étudiants (les succursales et toutes formes d’études confondues) dont 7 275 qui suivent des études à plein-temps à Moscou. Les contrats tripartites avec les entreprises représentent 23 % toutes filières confondues, mais ce taux varie selon les facultés : s’ils sont 17,9 % en géologie et géophysique du pétrole et du gaz, leur nombre s’établit à 32,5 % pour la filière de conception, de construction et d’exploitation des pipelines en montrant ainsi les domaines qui intéressent particulièrement les entreprises66. Cependant, selon le président Vladimirov, cette pratique n’est pas suffisamment utilisée et devrait être élargie, car elle permet d’éviter les problèmes avec les difficultés liées aux stages, le choix des sujets de mémoires et, bien évidemment, l’emploi67.
41Pour la répartition par origine géographique, 30 % des étudiants viennent de Moscou et de la région de la capitale et 70 % des régions russes (ce dernier chiffre a augmenté depuis l’introduction de l’EGE ce qui occasionne un manque cruel de places au foyer de Goubkine). En ce qui concerne les origines sociales des étudiants, l’ancien recteur Albert Vladimirov, pointe dans l’un de ses articles la « stratification des revenus » des étudiants entre les « enfants de millionnaires » et les « orphelins »68. Il mentionne également les « dynasties des travailleurs du pétrole et du gaz ». Certains interlocuteurs à Goubkine nous faisaient aussi observer que le secteur du pétrole et du gaz est une « affaire de dynasties »69. Dans une interview filmée sur son blog, le recteur Martynov explique que pour évaluer la qualité d’une université, il faut regarder où les enfants du recteur, des vice-recteurs et des enseignants font leurs études : selon lui, la majorité des enfants – dont les siens – font leurs études à Goubkine. Toutefois, aucune étude ne permet d’étayer cette observation et il est difficile d’évaluer la part de la « facilité d’entrée » grâce à la connaissance du milieu par l’intermédiaire des parents, qui pèse sur le choix de l’université.
42Les étudiants de Goubkine semblent appartenir dans leur majorité à des milieux favorisés : 46 % des étudiants estiment que la situation financière de leurs parents est « bonne » et 42 % « satisfaisante » contre 10 % qui la jugent « insatisfaisante »70. Les étudiants sont plus satisfaits de leur condition financière que leurs enseignants (ce que nous examinerons plus loin). Une étude interne prouve qu’en 2008 un tiers des étudiants (32 %) disposait d’un revenu mensuel de plus de 5 000 roubles ; un autre tiers (32 %) – de 3 000 à 5 000 et le dernier tiers – moins de 3 000 roubles (le minimum vital pour étudiants pour la même année à Moscou). Il est à noter qu’une partie des étudiants n’inclut dans les revenus que leur argent de poche, et ne tiennent pas compte des dépenses de leurs parents pour l’alimentation, le logement, etc. Ces chiffres prouvent néanmoins la mixité sociale des étudiants de Goubkine et demandent à réviser le mythe sur les « enfants des barons pétroliers ». Les bourses varient entre 1 100 (bourse minimum) et 2 900 roubles par mois (bourse Goubkine) pour les meilleurs étudiants, soit entre 30 et 80 dollars.
43À la sortie, les « diplômes rouges » (mention « excellent ») représentent 16,5 %, mais ces données masquent des disparités : 23 % pour la faculté de droit et 3 % seulement pour la faculté de conception et d’exploitation de transport par pipelines. Les études dans les filières techniques sont difficiles et le taux de renvoi est élevé. En 2009-2010, 506 étudiants faisant des études à plein-temps ont été renvoyés (les cinq années confondues, donc sur 7 300 personnes). Le plus grand nombre de renvois et d’abandons intervient durant les deux premières années. Comme le prouve le tableau 4, les catégories « les plus fragiles » (qui ont le plus de mal à suivre les études) sont les « tseleviki » (ceux qui ont signé des contrats tripartites université-étudiant-entreprise), les « commerciaux » (ceux qui paient les études) et, enfin, les étudiants étrangers. Pour ces derniers, il s’agit certainement d’une faible intégration et de l’insuffisance de la préparation linguistique pour suivre des cours techniques en langue russe.
44Plus de deux tiers des étudiants ont une vision positive de leurs perspectives professionnelles : 57 % pensent trouver un travail correspondant à la formation reçue et encore 11 % ont déjà commencé un travail correspondant à leur profil pendant le cursus. Seulement 7 % des personnes interrogées émettent des doutes sur leur futur poste dans le secteur. Plus de la moitié sont satisfaits d’avoir choisi leur formation. Cependant, le taux « d’insatisfaits » est aussi élevé : 9 % auraient choisi la même filière, mais dans une autre université ; 14 % auraient choisi une autre filière dans la même université et encore 16 % aurait complètement changé d’université et de filière. Il est inquiétant de constater que le nombre de « déçus » est plus élevé vers la fin des études. Les auteurs de cette étude interne attirent l’attention sur la qualité de l’enseignement des disciplines techniques, dont le nombre augmente vers les dernières années d’études.
« Gisement virtuel »
45Selon un professeur de Goubkine, un EES russe n’est pas capable d’évaluer la qualité des formations dispensées : le plus souvent, les recteurs égrènent avec fierté la liste des diplômés qui ont eu des carrières brillantes, en omettant de dire qu’il y a au moins 30 % de « produits défectueux ». La société russe dépenserait de l’argent d’une manière peu rationnelle. Selon lui, Goubkine en constitue un exemple flagrant ; la demande pour cette université serait « artificiellement gonflée » par les salaires proposés par le secteur. On formerait aujourd’hui au moins cinq fois plus de spécialistes qu’il n’en serait nécessaire71.
46Les critiques que nous avons entendues sur la qualité et l’organisation des cursus à Goubkine sont proches de ce que nous avons pu recueillir lors de nos études sur d’autres universités russes. Le plus souvent, les employeurs reprochent aux diplômés leur manque de connaissances pratiques. Ainsi, selon le Président de Lukoil, Vagit Alekpërov (en 2006), « la réalité d’aujourd’hui, ce sont les diplômés qui ne sont pas capables de mettre en pratique leurs connaissances »72. La situation n’a pas évolué radicalement depuis, malgré la distribution d’un label de prestige à des universités d’élite, obtenu aussi par Goubkine.
47La deuxième critique fréquente concerne l’étroitesse des profils et le manque d’approche pluridisciplinaire et transversale. Selon une étude de l’Institut d’économie mondiale et de relations internationales sur la modernisation de l’économie russe, le manque de transversalité et l’« étroitesse des profils est la raison de la faible concurrence des diplômés russes » en général. Il s’explique par le fait que l’ES russe continue à correspondre à la structure de l’économie soviétique en offrant des spécialisations trop pointues : elle en compte plus de 600 contre environ 80 adoptées dans d’autres pays73.
48Au total, un étudiant de Goubkine a une quarantaine de matières à étudier, une dizaine de mémoires à rédiger et plusieurs stages à accomplir. Cependant, cet ensemble d’éléments manquerait d’unité et de cohérence. « L’organisation traditionnelle des cours de formation d’ingénieurs par discipline limite l’intégration des cours interdisciplinaires et l’orientation vers l’activité réelle et conduit à la fragmentation de la formation… La mosaïque disparate des connaissances acquises ne devient pas automatiquement une formation d’ingénieur systématisée », précise V. Sheinbaum, professeur et directeur de l’Institut des problèmes des cadres du secteur pétrolier et gazier à Goubkine. Ainsi, un an avant la soutenance du diplôme, les étudiants n’auraient qu’une vague idée de la nature du travail d’ingénieur74. Il estime que les programmes de formation apprennent aux futurs ingénieurs à travailler en solitaire, en ignorant les principes et les modes d’organisation du travail d’ingénieur dans la vie réelle. Le même avis est partagé par Valéry Graïffer, président du Conseil de tutelle de Goubkine, ainsi que par l’ancien recteur de Goubkine, Albert Vladimirov75.
49Le système de « gisement virtuel » (financé grâce au projet national Éducation en 2006) est censé pallier ce manque de transdisciplinarité et de mise en pratique des connaissances théoriques. Il s’agit d’un logiciel complexe et puissant, reliant 25 postes, qui imite en 3D et en temps réel les conditions de travail en équipe des spécialistes de différents profils (géologues, foreurs, mécaniciens, économistes, écologistes)76. Proche de la réalité, cet entraînement met l’accent sur l’analyse des situations ordinaires et extraordinaires qui peuvent survenir sur un gisement, le processus collectif de prise de décision et l’observation de ses conséquences quasiment en instantané. Il permet, par exemple, d’appréhender toute sorte de situation arrivant pendant le forage (telle une inondation) et de faire participer différents spécialistes à la prise de décision en équipe et à la gestion du problème77. Les différents scenarii peuvent être étudiés (estimation des stocks, indicateurs économiques et techniques de l’exploitation du gisement, choix entre différents modes d’exploitation). Un autre système de même type, « raffinerie virtuelle », se met en place avec la participation du pétrolier TNK-BP. D’autres sont envisagés (gestion d’un entrepôt pétrolier et gazier virtuel, gazoduc et oléoduc virtuels).
50En clair, Goubkine manifeste une réelle ambition de sortir du schéma traditionnel d’organisation des cours. Cependant, ce mode de fonctionnement interdisciplinaire n’est pas celui auquel le système russe est habitué. Selon certains témoignages, il n’est pas facile d’intégrer ces cours « virtuels » au programme, à cause d’une série de problèmes administratifs (composition des groupes d’étudiants interdisciplinaires et emploi du temps partagé entre les étudiants de différentes filières78). Pour souligner qu’il s’agit d’une approche tout à fait exceptionnelle pour le système (et aussi valoriser cette expérience), cette formation est sanctionnée par un certificat spécifique sur la formation professionnelle supplémentaire qui donne à l’étudiant des avantages pour entrer au master ou à l’école doctorale. Pour l’instant, cet équipement sert aux étudiants des masters, de l’école doctorale et du MBA (qui existe depuis 2006). Fière de son « know-how », l’université propose de généraliser ce type de formation à d’autres universités russes.
Cadres enseignants
51Le corps enseignant (780 emplois à plein temps) de Goubkine compte environ 300 docteurs ès sciences et environ 500 candidats ès sciences. Parmi eux, il y a 5 académiciens et 32 lauréats de différents prix présidentiels et gouvernementaux dans le domaine de la science et de la technologie. Selon le recteur, le principal problème de son établissement est le manque de jeunes cadres enseignants. Cette difficulté concerne tous les établissements d’ES russe, mais atteint son paroxysme à Goubkine, qui affiche une différence de salaire flagrante avec le secteur, pour lequel il forme des diplômés (encadré 3). Rappelons que le salaire moyen dans le secteur des hydrocarbures est de 41 600 roubles par mois, tandis qu’il plafonne à 24 500 pour un directeur de chaire à Goubkine, à 15 000 pour un professeur et à 7 000 pour un chargé de cours. Pour résumer, le salaire de départ d’un diplômé dans le secteur est supérieur à celui d’un enseignant de Goubkine en fin de carrière.
52Dans ces conditions, on ne s’étonne pas que la moyenne d’âge à Goubkine soit de 57-59 ans et que le « travail de rajeunissement avance péniblement », de l’aveu même du recteur79. Selon les études internes, 42 % des enseignants touchent des retraites en même temps que des salaires, et plus de 60 % des enseignants travaillent à l’Université depuis plus de 20 ans80. Certains titulaires de chaire ont 80 ans. En 2009, le président Vladimirov écrivait que dans certaines chaires de l’université la situation était critique : en l’absence de la génération de 35 à 50 ans, une rupture des générations s’est creusée entre les enseignants de 65 ans et plus et une petite part des jeunes de 23 à 27 ans81. Le recteur se plaint de l’absence de politique au niveau de l’État pour retenir les meilleurs diplômés dans son établissement. Selon un vice-recteur, « il n’y a pas une réunion où la question ne serait pas soulevée »82. Augmenter la part de jeunes enseignants est un objectif qui figure dans le programme de développement.
53La tendance propre à toutes les universités russes au cumul de plusieurs activités par les enseignants se confirme à Goubkine : 46 % des sondés ont des activités supplémentaires rémunérées au sein de l’établissement (cours préparatoires à l’entrée à l’université, cours de formation continue pour les adultes, etc.) et 40 % disposent de suppléments de revenus à l’extérieur de l’établissement. Plusieurs professeurs reconnaissent avoir des postes dans des compagnies pétrolières et gazières russes et étrangères. Le turnover à l’université est élevé. Le pourcentage des enseignants qui arrivent dans ces conditions à faire de la recherche est de 42 %.
54Cette situation trouve un reflet indirect dans l’évaluation des professeurs par les étudiants83. La moitié d’entre eux (51 %) estiment que leurs professeurs travaillent « honnêtement, mais sans enthousiasme particulier » et encore 17 % trouvent qu’ils font « le minimum nécessaire et évitent le travail supplémentaire », contre 25 % qui estiment que leurs enseignants travaillent avec enthousiasme. Plus de 50 % des étudiants caractérisent de « paternaliste » le type de rapports existant entre professeurs et étudiants. Les critiques sur les méthodes obsolètes d’enseignement sont en général fréquentes dans les universités russes : à Goubkine, 32 % des étudiants signalent que les professeurs font leurs cours sans se détacher d’un texte préparé à l’avance, 47 % estiment que le cours est transformé en une « dictée continue » et encore 32 % que les cours contiennent beaucoup de « hors sujet » et sont peu informatifs. Enfin, pour 66 %, l’exposé du contenu est ennuyeux ou difficilement compréhensible. Il est à préciser que les plus critiqués sont les enseignants en sciences humaines et non ceux des disciplines techniques.
Recherche et Développement
55L’Université compte en son sein une trentaine d’instituts, de centres et de laboratoires de recherches dans les domaines liés à l’exploitation des gisements pétroliers et gaziers et des pipelines (par exemple, l’Institut des technologies de forage, l’Institut de sécurité et des risques des productions pétrolière et gazière, etc.). Selon le vice-recteur chargé des recherches, l’université mène deux tiers de recherches appliquées et un tiers de recherches fondamentales. L’université détient 150 brevets. Le volet R&D représente une cinquième des recettes de l’établissement (soit 500 millions de roubles par an). L’un des vice-recteurs s’attend à l’aboutissement du projet de coopération en négociation avec Petróleo Brasileiro (Petrobras, Brésil) sur des explorations géologiques à grande profondeur, dont le montant, selon lui, pourrait dépasser le budget annuel de l’Université.
56Des coopérations existent avec les instituts de branche (VNIIGAZ, PROMGAZ, VNIINEFT) et des instituts de recherche de l’Académie des sciences de Russie spécialisés (Institut d’études des problèmes du pétrole et du gaz, Institut de la chimie organique, etc.) à travers, notamment, des « chaires externalisées » de Goubkine dans ces instituts (bazovye kafedry) ou des laboratoires de ces instituts créés à l’université. Il existe un Technoparc (une dizaine d’entreprises, chacune comptant entre quatre et cinq personnes, essentiellement enseignants et collaborateurs de l’université), créé en 1992 pour favoriser l’innovation et valoriser/commercialiser les résultats des recherches. De l’aveu de l’un des vice-recteurs, ses résultats ne sont pas très concluants84.
57Les chaires et les instituts participent à des appels d’offres du ministère de tutelle, des fondations russes85 et des compagnies pétrolières et gazières. Parmi ces dernières, Gazprom est de loin le premier commanditaire. Selon un professeur de Goubkine, certaines chaires spécialisées « vivent grâce aux commandes des entreprises » (géologie des gisements, exploitation des gisements pétroliers, exploration du pétrole et du gaz), tandis que d’autres « vivotent » sans pouvoir signer de contrats intéressants (technologies des constructions mécaniques, systèmes automatisés de gestion…). Le système de péréquation entre les facultés et les chaires est quasi-inexistant. Le programme de développement prévoit des mesures de « stimulation matérielle et morale » pour accentuer la compétition entre les chaires.
58Les enseignants publient environ 500 publications par an86. Il existe un système de primes pour favoriser ces « publiants », notamment dans les revues de la liste officielle de la Haute commission d’attestation (VAK, organe fédéral responsable de l’attribution des titres et grades scientifiques en Russie).
59Goubkine organise une douzaine de conférences nationales et internationales par an et édite quatre revues spécialisées (Pétrole, gaz et business ; Gestion de la qualité dans les compagnies pétrolières et gazières ; Chimie et technologies des carburants et des huiles ; TEK. Cadres). Objet de fierté et signe de reconnaissance internationale, en 2010, Goubkine a été l’organisateur du Congrès annuel de la Fédération européenne de la corrosion à Moscou. Quelques contrats internationaux ont été signés avec la Bulgarie, Cuba, le Vietnam et la Norvège.
60L’école doctorale compte 500 doctorants et 15 conseils de soutenance de thèse. Plusieurs de nos interlocuteurs ont avoué la difficulté de recruter à l’école doctorale, la bourse d’un doctorant étant de 1 500 roubles par mois (les rares bourses présidentielles et gouvernementales se chiffrent à 3 600 roubles par mois). Le recteur reconnaît l’inefficacité de l’école doctorale : 25-27 % des thèses sont soutenues par rapport au nombre d’inscrits, ce qui correspond, par ailleurs, à la moyenne du pays87. L’université teste des mesures de stimulation matérielle : les directeurs de thèse seront payés 50 000 roubles (1 250 euros) par thèse de candidats ès science soutenue et 100 000 (2 500 euros) par thèse de doctorat88. En revanche, peu de financements sont prévus pour les doctorants.
Coopérations internationales
61Élément évoqué plus haut, l’Université se distingue par un taux relativement élevé d’étudiants étrangers : en 2010, Goubkine compte environ 1 400 étudiants venant de 62 pays (850 à Moscou et 550 dans les succursales). Les plus nombreux sont originaires des pays de la CEI (Kazakhstan qui est à lui seul à l’origine d’un tiers des étudiants étrangers, Biélorussie, Ouzbékistan, Ukraine, Turkménistan, Tadjikistan, Azerbaïdjan) et d’Asie (Chine, Vietnam, Birmanie, Mongolie). Nous avons déjà parlé des succursales à Tachkent et à Achkhabad où les formations sont dispensées avec la participation des enseignants de Goubkine. Il y a aussi des étudiants de pays comme l’Irak ou le Nigéria (32 et 43 respectivement en 2007). Les pays de l’UE comme la France, l’Autriche, l’Espagne étaient chacun représentés par un étudiant en 2007. Au total, depuis le début de son existence, Goubkine a formé plus de 5 000 spécialistes pour 114 pays.
62Toutefois, cette internationalisation est « unilatérale ». Paradoxalement, les étudiants, les doctorants et les enseignants de Goubkine réalisent très peu de stages à l’étranger (une vingtaine par an). Il n’y a pas de dispositifs cohérents de financements de stage. On nous a cité l’exemple d’un doctorant qui a dû s’endetter à titre personnel pour effectuer un stage à l’étranger. Il n’y a pas de programmes en langues étrangères et une dizaine d’enseignants seulement parlent anglais. Il semble que les cours d’anglais soient devenus obligatoires pour les enseignants depuis 2011.
63Goubkine rejoint aussi les autres à l’égard des critères de processus de Bologne : parmi les diplômés 2010, on compte 386 bacheliers (19,3 %), autant de masters et 1 221 spécialistes (61 %)89. Cependant, la part des masters augmente légèrement d’une année à l’autre (variation de +5 % entre 2009 et 2010) et celle des spécialistes diminue (-3,5 % sur la même période). Cela reflète la politique du gouvernement dans le cadre du processus de Bologne et la tendance à élargir le spectre des programmes au niveau du master, sur lesquels les universités sont aujourd’hui évaluées. Le recteur assure qu’il n’y aura plus de recrutement pour les formations de spécialistes, qui seront donc entièrement remplacés par les parcours bakalavr-master, même si initialement les dirigeants de l’Université s’y étaient opposés en affirmant qu’on ne pouvait pas former un bon spécialiste en matière technique en quatre ans90. Un autre critère de Bologne, les annexes descriptives aux diplômes en anglais (Diploma Supplement) ne sont délivrées qu’aux étudiants étrangers.
64Sur une cinquantaine de programmes de niveau de master, trois sont internationaux : ils forment une vingtaine de personnes par an. Deux doubles masters ont été créés en 1997 avec l’Institut français du pétrole, « Reservoir Geoscience and Engineering » et « Économie et Management de l’industrie pétrolière et gazière ». Depuis leur ouverture, 125 masters ont été formés. Le double master « Offshore Field Development Technology » créé avec l’Université de Stavanger (Norvège) est le dernier né (2010) : il offre une formation de deux ans en anglais centré sur les gisements arctiques (coût : 990 000 roubles ou 22 000 euros).
65L’Université a développé des coopérations avec les établissements de formation étrangers dans le même secteur : l’ académie pétrolière de Bakou en Azerbaïdjan, l’Institut du pétrole et du gaz à Atyraou au Kazakhstan, l’Université polytechnique de Cracovie en Pologne, l’Université pétrolière de Chine, l’Université de Zigen et l’Académie des mines de Freiberg en Allemagne, l’Université hollandaise de Groningen, la Texas A&M University aux États-Unis, etc. Goubkine a contribué à la création de certains établissements, comme l’Université du pétrole et du gaz d’Ivano-Frankovsk en Ukraine et de l’Institut national du pétrole et du gaz à Boumerdès en Algérie. Elle fait partie de la conférence des recteurs et présidents des universités de l’Europe, de l’association des universités européennes (EUA), ainsi que des associations professionnelles (Fédération de corrosion, International Well Control Forum, International Association of Drilling Contractors, SPE, EAGE, AAPG, SEG).
66Les compagnies étrangères ne sont pas en reste. Goubkine a signé des contrats avec BP, ConocoPhillips, Schlumberger, Baker Hughes, Halliburton, Total et Gaz de France, Statoil, Wintershall, etc. Ces compagnies ont octroyé des bourses et des possibilités de stages aux étudiants et enseignants, soutiennent financièrement l’organisation des conférences scientifiques et l’achat d’équipements. La compagnie BP a aidé à financer le programme d’innovation de l’Université à hauteur de 2,5 millions de dollars. Grâce au soutien de Total, des cours magistraux ont été donnés aux masters de l’Université par l’association Total Professeurs Associés (TPA).
Condition financière et participation des entreprises
67En 2010, le budget de l’Université s’élevait à 2,5 milliards de roubles (62,5 millions d’euros). Dans la structure des recettes, les dotations du budget fédéral représentent un tiers (850 millions de roubles ou 21 millions d’euros). Un autre tiers (33,5 %) provient des services éducatifs payants (étudiants qui paient leurs études et entreprises), 15,4 % de la R & D (450 millions de roubles dont 150 proviennent des appels d’offres des ministères, agences et fondations publiques91), 7,2 % de l’activité entrepreneuriale et 15 % (200-300 millions de roubles) d’aides directes des entreprises. Notons qu’en comparaison avec d’autres universités, Goubkine est moins dépendant du budget public (sa part représente 30 % contre, par exemple, 57 % pour le MISiS ou 72 % pour l’Université Bauman).
68Nous l’avons constaté plus haut, Goubkine a eu relativement peu recours à des stratégies comme la création de succursales, de places payantes, de « facultés d’appel » ou à la diversification des types d’études. Ces stratégies ont été adoptées par plusieurs EES russes en vue d’élargir et d’enrichir leur offre de formations pour attirer des familles solvables et parer ainsi aux faiblesses du financement public dans les années de transition. Celle de Goubkine semble plutôt avoir consisté à diversifier ses financements d’origine privée.
69Le soutien des entreprises a pris des formes différentes : stages pour les étudiants, stages et formations pour les enseignants, achats d’équipements, entretien de l’immeuble, travaux, équipement des salles de conférences et laboratoires. La liste des entreprises qui acceptent les étudiants de Goubkine en stage comprend plus de 1 000 noms. RITEK a financé l’équipement d’une salle de conférence moderne et Lukoil des classes d’ordinateurs pour la chaire de la géologie du pétrole et du gaz. Le Conseil des tuteurs octroie 35 bourses pour les jeunes enseignants. Pour donner un autre exemple, en 2007, 607 millions de roubles ont été dépensés pour les travaux d’entretien et d’amélioration dont 497 millions (82 %) venaient des entreprises sponsors92.
70En 2006-2007, chaque université lauréate de l’appel d’offres « Programme innovant » devait compléter le financement public avec des « fonds propres » à la hauteur de 20 %. Pour certaines universités (par exemple, celle de Perm), ce supplément a été apporté par les autorités régionales. Pour Goubkine, ils ont été apportés par les entreprises du secteur à la hauteur de 120 millions de roubles (soit 3 millions d’euros).
71Le système de formation des adultes joue aussi un grand rôle pour consolider les liens entre Goubkine et les entreprises du secteur. L’Université dispose d’un Centre de perfectionnement pour toutes les filières de formation liées au domaine pétrolier et gazier qui offre des formations longues (1 000 heures) et courtes (de 36 à 108 heures). Au total, 6 000 personnes par an passent par ce Centre dont plus de la moitié (entre 55 et 60 %) viennent de Gazprom et de ses succursales. Ce Centre est une source de revenus supplémentaires importantes tant pour l’Université que pour les enseignants à titre individuel. Un MBA « Management dans le secteur du pétrole et du gaz » a été créé en 2006 (1 000 heures de formation en 2 ans), qui a formé une soixantaine de cadres et employés de Gazprom, Lukoil, TNK-BP, Rosneft’etc. (son prix est de 450 000 roubles ou 10 000 euros pour la formation).
Stratégie de développement 2010-2019 et perspectives
72Après avoir obtenu le statut d’université de recherche en 2010, Goubkine a élaboré son programme de développement pour 2010-201993. L’accent est mis sur trois priorités : 1) efficacité énergétique dans l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures et économie de l’énergie ; 2) élargissement de la base de ressources, exploration et exploitation des gisements offshore, des gisements en accès difficile, etc. ; 3) sécurité écologique et industrielle de la production pétrolière et gazière. Les axes d’action sont identiques à ceux choisis par d’autres « universités à label » : développement de l’infrastructure, développement de la R & D et la commercialisation de ses résultats, amélioration de la qualité des enseignements, développement des coopérations internationales, etc.
73On aura remarqué l’absence notable d’« énergies nouvelles » (appelées aussi alternatives, vertes ou renouvelables) parmi les priorités, même si Goubkine a une chaire qui leur est dédiée94. Dans plusieurs entretiens, le président et le recteur de Goubkine ont expliqué que le pétrole et le gaz ont des décennies de beaux jours devant eux et ne sont pas remplaçables dans un avenir proche95. Malgré le cap officiellement mis sur la diversification de l’économie russe, il est difficilement imaginable que dans les années à venir le gouvernement se détourne du secteur des matières premières, cette « poule aux œufs d’or », pour reprendre l’expression de Vladimir Poutine96. Dmitri Medvedev, dans un discours en février 2010 à Omsk, confirme que même si l’objectif clé est la modernisation du pays, le développement du complexe énergétique reste la priorité, car « la prospérité économique de l’État dépend de la stabilité de ce secteur » et demande, notamment, la création de nouvelles raffineries97. On peut supposer avec certitude qu’à court et moyen termes, le pétrole et le gaz resteront le secteur clé pour la Russie. Dans ce contexte, Goubkine conservera un rôle central en tant qu’établissement au croisement des ressources stratégiques russes : pétrole, gaz et ressources humaines.
74Dans le tableau 5 figurent les principaux indicateurs de développement de l’Université Goubkine entre 2010 et 2019. Les indicateurs choisis semblent trop complexes pour être réellement opérationnels. Par exemple, l’indicateur « nombre de personnes admises à l’école doctorale pour les filières prioritaires venant de l’extérieur, calculé par chercheur-enseignant » implique un triple ratio à comprendre avant de juger de cette performance : ratio filières prioritaires/toutes les filières, ratio doctorants venant de l’extérieur/tous les doctorants, rapporté, enfin, au corps d’enseignants. Un autre indicateur, « part des étudiants suivant des formations définies comme prioritaires dans le nombre total des étudiants » pose également problème : on ne sait pas s’il est question des formations supérieures initiales ou continues. L’indicateur de la « part des d’étudiants embauchés dans leur secteur de spécialisation dans le nombre total d’étudiants » dépend, lui, davantage de la situation économique dans le pays et de l’évolution du secteur que de la seule qualité des formations.
75Il est difficile de comparer ce programme avec ceux d’autres universités, les indicateurs choisis n’étant pas tout à fait les mêmes98. Une autre université technique, celle des alliages et de l’acier – MISiS que nous avons étudié précédemment, a, par exemple, choisi comme indicateurs : nombre d’étudiants, de programmes en langues étrangères, de professeurs d’autres EES ayant suivi un stage de perfectionnement à MISiS, salaires des professeurs, part des enseignants qui mènent la R&D, etc.99. Le nombre d’étudiants au niveau master-doctorat devrait certainement figurer parmi les indicateurs déterminants : il est considéré comme l’un des indicateurs de base pour une « World Class University »100. Ce chiffre est de 59 % à Harvard, de 64 % à Stanford, de 35 % à Cambridge et de 20 % à Goubkine. Dans plusieurs de ses écrits, Albert Vladimirov a insisté sur l’importance de formation des masters et des doctorants, capables d’innovation, comme signe distinctif d’une université nationale de recherche101. Il fixait dans ces articles un objectif de 45-50 % de masters et doctorats vers 2020, ainsi que 20 programmes en langues étrangères. Ces indicateurs n’ont pas été repris dans le programme.
76Comme pour les autres universités nationales de recherche (UNR), l’État octroie, on l’a dit, 1,8 milliard de roubles (45 millions d’euros) sur cinq ans, répartis de la manière suivante : 400 millions pour 2010, 450 en 2011 et en 2012, 200 en 2013 et 300 en 2014 (voir tableau 6). L’Université complète ce financement avec ses « fonds propres » qui – comme pour le « Programme d’innovation » – viendront d’une manière prévisible des compagnies pétrolières et gazières (entre 40 et 90 millions par an, au total 660 millions de roubles, soit 16,5 millions d’euros). À partir de 2015, l’Université ne devra financer son programme de développement qu’avec des « fonds propres » (60 millions de roubles par an, soit 1,5 million d’euros).
77Sur les cinq premières années, le plus gros poste de dépenses est consacré au développement de la R&D, ce qui correspond à la stratégie du gouvernement de suivre la tendance mondiale et de promouvoir la recherche dans les universités102. Le deuxième poste concerne l’achat d’équipements pour les centres de formation et de recherche. Comme pour les autres UNR, se pose la question de la faisabilité pour atteindre ces objectifs et de suffisance des financements, notamment après 2014.
Conclusion : peut-on compter sur les entreprises ?
78Indiscutablement, Goubkine occupe une position centrale dans la formation des diplômés pour le secteur du pétrole et du gaz en Russie : l’Université est au « cœur de la communauté corporative pétrolière et gazière », selon l’expression du recteur103. À ce titre, elle bénéficie d’un soutien appuyé des plus grandes entreprises russes. Cependant, force est de constater que ce soutien n’a pas permis un développement exceptionnel qui aujourd’hui distinguerait radicalement cette université des autres EES russes. Seul le système de « gisement virtuel » est à signaler. Facteur de comparaison important, les dépenses annuelles par étudiant à Goubkine sont d’environ de 250 000 roubles (8 300 dollars) en 2010. Ce chiffre est comparable à la moyenne du pays qui est d’environ 6 000 dollars en 2008 (dernières données disponibles de l’OCDE). Il reste modeste comparé à la moyenne des pays de l’OCDE qui est de 13 000 dollars ou celle des États-Unis qui est de 27 000 dollars (avec des cas comme Harvard où ces dépenses culminent à 106 041 dollars par étudiant et par an)104. Le niveau de financement semble permettre un fonctionnement correct au niveau national, mais ne suffit certainement ni à changer d’une manière radicale la qualité des enseignements, ni à être compétitif au niveau global. Or, tels sont les objectifs fixés par le programme de développement stratégique.
79Comme la majorité des EES russes, Goubkine relève du MER (et non pas du ministère sectoriel). À ce titre, elle est dépendante de la réglementation et des indicateurs imposés par le ministère. Le recteur souhaiterait, par exemple, que son établissement puisse bénéficier d’une plus grande liberté académique, de plus de financements publics de base, d’une aide du ministère pour les questions sociales (logement, assurance médicale des étudiants), d’une grille de salaires pour les enseignants pour rendre les carrières attractives. Nous avons pu entendre à Goubkine des regrets que l’Université ne relève pas du ministère de l’Énergie. « Le secteur pétrolier et gazier est divisé, aucune structure n’unit les entreprises et ne coordonne les questions de formation des cadres pour le secteur » (comme le ferait Rosatom pour MIFI, Université nationale nucléaire)105. L’idée est avancée en 2011 – très discrètement – de créer un « Conseil du complexe énergétique pour le développement des ressources intellectuelles » sous la direction d’Igor Setchine, à l’époque premier vice-Premier ministre, chargé du secteur énergétique au sein du gouvernement russe.
80Les financements des entreprises pétrolières et gazières ont permis à l’Université de traverser des années de « vaches maigres » sans trop recourir à des stratégies palliatives (création de succursales, de filières, de places payantes, etc.), auxquelles d’autres universités ont eu massivement recours. Le recteur Martynov avoue que sans le soutien des entreprises du secteur la survie aurait été difficile106. Dans le même temps, il estime qu’il s’agit de financements servant des objectifs de court terme (entretien d’immeubles, achats d’équipements). Il manque toujours de fonds pour investir, par exemple, dans des stratégies durables (comme le personnel). Il y a une réflexion sur la création d’un fonds d’investissement (endowment) et la participation des entreprises du secteur (notamment en y apportant une partie de leurs actions).
81Cependant, il y a un doute sur l’intérêt des entreprises pour ce type de financement. Il existe une sorte de « répartition des tâches » entre l’État qui se charge de la formation supérieure initiale et les entreprises qui assurent la formation continue. Boris Kouzmin, directeur du personnel de Gazprom, trouve logique et justifiée cette répartition du travail, et attend de l’université qu’elle donne à un étudiant des connaissances de base qui seront peaufinées par la société qui l’aura embauché pour des besoins précis107. Evgeny Dod, PDG de RusHydro, a exprimé au forum de Davos en janvier 2011, une idée similaire : « Education should be state-supported, with additional corporate programmes aiming to develop the company’s own human resources108. »
82Les entreprises russes estiment que l’État doit se charger de la formation initiale des étudiants qu’ils acceptent d’améliorer par la suite. Le recteur de Goubkine résume bien leur position, en expliquant que les entreprises russes recherchent sur le marché de l’ES un « produit semi-fini » fourni par les universités109. Cela semble particulièrement vrai pour le secteur du pétrole et du gaz. Gazprom, par exemple, entretient un réseau impressionnant de formation continue. Selon le « Règlement sur le système de formation continue corporatif des managers et spécialistes de Gazprom », rien qu’en 2008, 155 000 personnes ont suivi des formations à travers un réseau d’une trentaine de centres de formation situés dans les régions à Moscou, à Saint-Pétersbourg, à Oukhta, Sourgout, Novy Urengoi, Volgograd, Kaliningrad, Orenbourg, Samara, etc.110. Ce système prévoit des formations postuniversitaires pour les jeunes diplômés dès leur arrivée dans l’entreprise. Il est clair que le même effort ne peut pas être consenti par l’entreprise à la formation supérieure initiale. D’où la source de déception des universités qui comme Goubkine considèrent les entreprises du secteur comme des partenaires stratégiques et s’attendent à ce qu’elles fassent sienne leur stratégie de développement jusqu’à 2019. Il est probable que ces attentes ne soient que partiellement satisfaites.
Annexe : Les principaux EES publics russes qui offrent des formations en matière de pétrole et de gaz (outre l’Université Goubkine).
Notes de bas de page
2 Appelée familièrement Kerosinka, « réchaud à pétrole ».
3 Toplivno-energetičeskij kompleks Rossii 2000-2007 [Le complexe des hydrocarbures de la Russie 2000-2007], Moscou, Institut de la stratégie énergétique/Centre d’analyse et d’édition Energiâ, 2008.
4 Cité dans B. Nemzov, V. Milov, Nezavissimyj ekspertnyj doklad Putin. Itogi. 10 let [Rapport des experts indépendants : Poutine. Le bilan de 10 ans], Moscou, Solidarnost’, 2010, <http://files.putin-itogi.ru/Putin-Itogi-10let.pdf>.
5 Les rapports annuels de Gazprom de différentes années sur le site de la compagnie <www.gazprom.ru> et Gazprom v cifrah 2005-2009 [Gazprom en chiffres 2005-2009], <http://gazprom.ru/f/posts/27/447975/reference-figures-2005-2009_1.pdf>.
6 Brochure de présentation de Goubkine sur son site, <www.gubkin.ru/general/missya.php>.
7 Créé en décembre 1991, le conseil des tuteurs a subsisté à la chute de l’URSS, survenue trois semaines après sa création.
8 Il est difficile de dire exactement quelle part représente cette contribution dans le budget de l’Université. Les aides directes en représentent 15 % (200-300 millions de roubles ou 5-7,5 millions d’euros), mais les entreprises contribuent par d’autres moyens (stages pour les étudiants, stages et formations pour les enseignants, achats d’équipements, entretien de l’immeuble, travaux, équipement des salles de conférences et laboratoires). Voir la partie sur la « Condition financière et participation des entreprises ».
9 Classement fait par le journal Kommersant et l’association Delovaya Rossia, publié dans Kommersant, no 176 (4476), 23 septembre 2010.
10 Par exemple, V. Alekpërov (président de Lukoil) ou M. Gutzeriev (Russneft).
11 Poste précédemment occupé par Dmitri Medvedev, actuel Premier ministre de la Russie.
12 Cette situation a entre-temps changé : le 30 mars 2011, à la réunion de la Commission pour la modernisation de l’économie russe, Dmitri Medvedev a demandé à ses ministres et vice-Premiers ministres de se retirer avant juillet des conseils d’administration des compagnies publiques pour les remplacer par des « administrateurs indépendants ».
13 B. Nemzov, V. Milov, Nezavissimyj ekspertnyj doklad Putin i Gazprom [Rapport d’experts indépendants, Poutine et Gazprom], Moscou, 2008, <www.milov.info/cp/wpcontent/uploads/2008/09/putin-i-gazprom.pdf>.
14 Idem.
15 Sondage PwC-2011 parmi 1201 PDG de 69 pays du monde pour le Forum de Davos, <www.kommersant.ru/doc.aspx?DocsID=1574002&NodesID=4>.
16 La Stratégie a été entérinée par le gouvernement russe le 13 novembre 2009, <www.atominfo.ru/files/strateg/strateg.htm>.
17 TEK. Cadres, no 1, juillet 2009, p. 65.
18 18 décembre 2008, <planetahr.ru>.
19 Selon le témoignage du recteur V. Martynov, « aucune autre segment de l’industrie russe ne dispose d’une telle édition », TEK. Cadres, no 1, juillet 2009.
20 A. Vladimirov, O kafedre [De la chaire], Moscou, Nedra, 2010, p. 7.
21 Interview publiée dans Učitel’skaâ gazeta, 22 février 2005.
22 N. Ivanova (réd.), Modernizaciâ rossijskoj èkonomiki : strukturnyj potencial [Modernisation de l’économie russe : potentiel structurel], Moscou, IMEMO RAN, 2010, p. 75.
23 Plusieurs sondages de différentes années (2004, 2005, 2009, 2010) du Centre Levada.
24 La formation d’ingénieur a été de nouveau au centre de la réunion de la Commission pour la modernisation et le développement technique de la Russie le 30 mars 2011. Le compte rendu est disponible sur le site <www.kremlin.ru/news/10777>.
25 Rosstat, Rossijskij statističeskij ežegodnik 2010 [Annuaire statistique de Russie 2010], Moscou, 2010, sélection des données du tableau 7.57, <www.gks.ru/bgd/regl/b10_13/Main.htm>.
26 Voir T. Kastouéva-Jean, « Les universités privées, "mal-aimées" de l’enseignement supérieur russe », dans cet ouvrage.
27 Obrazovanie v cifrah [Enseignement en chiffres], Moscou, MER/GUVShE/Rosstat, 2010.
28 TEK. Cadres, no 1, juillet 2009, p. 66.
29 Sur les problèmes de travail dit « par relais » sur des sites pétroliers et gaziers, voir le chapitre 5 dans A. Silin, H. Hajrullina, Upravlenie personalom v neftegazovoj kompanii [Gestion du personnel dans une compagnie pétrolière et gazière], Moscou, CentrLitNefteGaz, 2008.
30 Ivan Goubkine (1871-1939) – célèbre géologue, « père » de la géologie pétrolière soviétique, académicien, vice-président de l’Académie des sciences soviétique (1936-1939) et premier recteur de Goubkine.
31 Cette Académie a donné naissance à plusieurs autres établissements comme, par exemple, MISiS, l’Institut de l’acier et des alliages.
32 17 mai 2000, <http://2002.kremlin.ru/pressa/2000051701.html>.
33 Il est intéressant de noter que pour les deux appels d’offres, l’Université a été sélectionnée dans la deuxième « vague » et non pas la première. Nous n’avons pas obtenu d’explications valables sur ce fait.
34 Classement de l’agence ReitOR, juin 2008.
35 Classement WCIOM-Delovaya Rossiâ, juillet 2008, <http://wciom.ru/index.php?id=266&uid=10377>.
36 Classement de l’agence ReitOR, février 2009.
37 ReitOR, Rejtingi vusov po obrazovaniû predstavitelej èlity gosudarstvennogo upravleniâ Rossii 2010 [Classement des établissements d’enseignement supérieur d’après la formation des représentants des élites publiques russes 2010], Moscou, mai 2010, tabl. 5. Pour comparer avec le leader absolu : MGU a formé 80 personnes de cette liste, soit 6,51 %.
38 Classement de l’agence ReitOR, septembre 2009.
39 ReitOR, Rejtingi vusov po urovnû dostiženij vypusknikov – predstavitelej bizness èlity [Classement des établissements d’enseignement supérieur d’après la formation de représentants des élites économiques], juillet 2009. Il est établi sur la base de la liste de 1000 top-managers russes de l’Association des managers russes et du classement de 500 milliardaires russes de la revue Finance. Roman Abramovitch a, par exemple, suivi sa formation à Goubkine (sans avoir obtenu de diplôme).
40 Né en 1953, Viktor Martynov est ancien diplômé de l’Université Goubkine (spécialisation : ingénieur des mines-géophysicien). Candidat ès sciences géologiques et minéralogiques, docteur ès sciences économiques, membre effectif de l’Académie des sciences naturelles de la Russie (section pétrole et gaz), sa carrière au sein de l’Université a commencé par le poste de chercheur. Recteur depuis octobre 2008, il a signé plus d’une centaine d’articles et d’ouvrages et possède plusieurs titres scientifiques. Le recteur précédent, actuel président de l’Université, Albert Vladimirov, est aussi un ancien diplômé de l’établissement.
41 Entretien avec le recteur, Moscou, novembre 2010. Voir aussi l’interview avec le recteur dans Regiony Rossii [Les régions de la Russie], no 3-4 (47-48), mars-avril 2010.
42 Dans la liste actualisée des EES membres de l’UMO (association pédagogique et méthodique sectorielle des EES) ces trois universités viennent en premier suivies par les autres dans l’ordre alphabétique. La liste (mise à jour en février 2011) est reprise dans l’annexe.
43 TEK. Cadres, no 1, juillet 2009, p. 17.
44 Entretien avec un vice-recteur de Goubkine, Moscou, novembre 2010.
45 Interview de V. Martynov, « V neftegazovom obrazovanii – krizis pereproizvodstva » [La crise de surproduction dans le secteur de formation pétrolière et gazière], 28 août 2007, <http://oilgaseducation.ladogda.ru/>.
46 Entretiens à Goubkine, Moscou, novembre 2011.
47 Interview publiée dans Učitel’skaâ gazeta, 22 février 2005.
48 Itogi 2009/2010 uĉebnogo goda [Le bilan de l’année universitaire 2009/2010], Moscou, Université du pétrole et du gaz Goubkine, 2010.
49 Delovaâ Rossiâ, août 2010.
50 Entretien avec V. Martynov, Professionaly Rossii, no 1, 2011.
51 Entretien avec le recteur, Moscou, novembre 2010.
52 Il s’agit de la volonté de l’ancien recteur Albert Vladimirov, soutenue par le conseil scientifique, exprimée dans plusieurs de ses écrits et discours.
53 Universités ayant reçu les labels d’« universités nationales de recherche », d’« universités fédérales » et de « patrimoine national ».
54 Classement de l’agence ReitOR, juin 2010.
55 Entretien avec le recteur, Moscou, novembre 2010.
56 Cité dans J. Salmi, Le défi d’établir des universités de rang mondial, Banque mondiale, Washington DC, 2009 pour la version française.
57 Obrazovanie v cifrah [Enseignement en chiffres], Moscou, MER/GUVShE/Rosstat, 2010.
58 Entretien avec le recteur, Moscou, novembre 2010.
59 N. Ivanova (réd.), Modernizaciâ rossijskoj èkonomiki…, op. cit. [22], p. 74.
60 Itogi 2009/2010 učebnogo goda, op. cit. [48].
61 V. Martynov, « V neftegazovom obrazovanii – krizis pereproizvodstva », op. cit. [45].
62 L. Kallioma, « Den’gi ne glavnoe » [L’argent ne fait pas tout], Rossijskaâ business-gazeta, no 756 (23), 29 juin 2010.
63 « Zarplaty rukovoditelej 2010 » [Salaire des cadres dirigeants 2010], étude annuelle de Forbes en Russie, 17 décembre 2010.
64 L’entrée à l’Université ne se fait que sur les résultats de ce test depuis 2009.
65 D’après la moyenne obtenue à l’EGE par les candidats, Goubkine se classe à la 23e place parmi 476 établissements étudiés avec 77,7 points en moyenne. Pour comparer avec la moyenne des trois premiers de la liste : 86,7 pour le MFTI (Fiztekh), 85,8 pour l’Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), 82,8 pour le Haut collège d’économie (HCE). Classement établi conjointement par le HCE et RIA Novosti, 2010, <www.rian.ru/ratings_multimedia/20100902/271380235.html?id=273192736>.
66 Tableau 7 dans Itogi 2009/2010 učebnogo goda, op. cit. [48].
67 A. Vladimirov, O kafedre, op. cit. [20], p. 17.
68 A. Vladimirov, O vospitanii gubkinca [De l’éducation d’un étudiant de Goubkine], vyp. 3, Moscou, 2010, p. 5.
69 Voir aussi l’interview avec V. Martynov dans Ekonomika i TEK segodnâ, no 14, 2010.
70 Obratnaâ svâz’ : monitoring obrazovatel’nogo processa 2004-2008 [Le feedback : monitoring du processus éducatif 2004-2008], Moscou, éd. de l’Université Goubkine, 2008, (brochure mise à notre disposition par l’Université Goubkine).
71 Entretien avec un professeur à Goubkine, novembre 2010, Moscou.
72 Intervention de V. Alekpërov à l’Université de Tioumen, 16 mai 2006, <www.lukoil.ru/press.asp?div_id=2&id=874&year=2006>.
73 Cité dans N. Ivanova (réd.), Modernizaciâ rossijskoj èkonomiki…, op. cit. [22].
74 V.S. Šeinbaum, Metodologiâ ingenernoj deâtelnosti [Méthodologie de l’engineering], Moscou, Université du pétrole et du gaz Goubkine, 2007, 2e édition, p. 11,13-14.
75 V. Graïffer, Introduction pour le livre d’A. Vladimirov, Vysšee neftegazovoe obrazovanie. Innovacionnyj put’ razvitiâ [Enseignement supérieur pétrolier et gazier. Voie de développement par innovation], Moscou, éd. Nedra, 2009, p. 11, ainsi que le chapitre 1 de ce livre.
76 Il est appelé TsURM (Centre de gestion de l’élaboration d’un gisement), par analogie avec TsUP (Centre de gestion des vols) dans le spatial.
77 M. Agranovič, « Neft’ po Internetu » [Pétrole par Internet], Rossijskaâ Gazeta, no 4642, 18 avril 2008.
78 D. Marakov, P. Pâtibratov, « Realizaciâ meždisciplinarnogo processa obučeniâ v RGU nefti i gaza I.M. Gubkina » [Réalisation des processus de formation interdisciplinaire à l’Université Goubkine], TEK-Kadry, no 1, juillet 2009, p. 26-28.
79 Entretien avec le recteur de Goubkine, novembre 2010, Moscou.
80 Prepodavateli glazami studentov [Professeurs aux yeux des étudiants], Moscou, éd. Goubkine, 2010, version électronique mise à notre disposition par Goubkine.
81 A. Vladimirov, Ob upravlenii VUZom [De la gestion d’un EES], Moscou, éd. Goubkine, 2009.
82 Entretien avec un vice-recteur de Goubkine, novembre 2010, Moscou.
83 Prepodavateli glazami studentov, op. cit. [80].
84 Entretien à Moscou, novembre 2010. À titre d’anecdote, l’un des enseignants que nous avons interviewé ne soupçonnait même pas l’existence d’un Technoparc à Goubkine…
85 Par exemple, elle a gagné le subside de RFFI (Fondation russe pour la recherche fondamentale) sur l’exploitation des gisements off-shore dans l’Arctique.
86 L’université ne figure pas dans le classement des EES russes par le facteur H établi par l’agence ReitOR, juin 2009.
87 Obrazovanie v cifrah [Enseignement en chiffres], Moscou, MER/GU-VShE/Rosstat, 2010.
88 Entretien avec un vice-recteur de Goubkine, Moscou, novembre 2010.
89 Itogi 2009/2010 učebnogo goda, op. cit. [48].
90 A. Vladimirov, Bolonskij process i ego vliânie ne otečestvennuû systemu vysšego obrazovaniâ [Le processus de Bologne et son influence sur le système de l’enseignement supérieur national], Moscou, éd. Goubkine, 2009, p. 9.
91 Récemment, Goubkine a remporté un appel d’offres du MER : son projet de coopération avec une entreprise (ZAO Novomet-Perm) sera l’un des 78 projets financés par le Ministère en vue de renforcer la coopération entre les universités et le monde des affaires. Il s’agit de la création des technologies de pompage à grande profondeur dans les conditions difficiles.
92 Compte rendu annuel du recteur de l’Université A. Vladimirov devant le conseil scientifique, 22 mars 2007.
93 Programme de développement de l’Université Goubkine 2010-2019 (entériné par le gouvernement le 1er juillet 2010), <www.gubkin.ru/general/programma_niu/Programma_nui.pdf>.
94 Par exemple, le partenaire de Goubkine en France, l’Institut français du pétrole, a rajouté à son titre « IFP Energies nouvelles » en 2010.
95 En Russie, 1 % seulement de l’énergie consommée provient des sources alternatives. V. Poutine a fixé 4,5 % comme objectif à l’horizon 2020, 20 avril 2010, <www.energyland.info/news-show-tek-alternate-44398>.
96 Procès-verbal de la « ligne directe » avec le président Poutine, 18 décembre 2003, <http://archive.kremlin.ru/appears/2003/12/18/1323_type82634type146434_57398.shtml>.
97 « Medvedev : ot stabil’noi raboty TEK zavisit èkonomičeskoe blagopolučie gosudarstva » [Medvedev : de la stabilité du secteur des hydrocarbures dépend la prospérité de l’État], 12 février 2010, <www.vesti.ru/doc.html?id=341585>.
98 Le MER n’a pas mis en place des indicateurs communs pour la catégorie « universités nationales de recherche », ce qui conduit à des incohérences entre les programmes. Ainsi, la plupart des universités de recherche prévoient d’attirer des scientifiques russes expatriés à l’étranger, mais l’addition de leurs objectifs dépasse de loin le nombre total de chercheurs russes de la diaspora. I. Fedûkin, I. Frumin, « Rossijskie VUZy-flagmany » [Établissements d’enseignement supérieur russes d’élite], Pro et Contra, no 3, mai-juin 2010, p. 29.
99 Programme de création et de développement de MISiS 2009-2017, juillet 2009, <www.misis.ru/Portals/0/Press/Documents/progr_okon4at.doc>.
100 J. Salmi, Le défi d’établir des universités de rang mondial, op. cit. [56]. Dans l’annexe D de cet ouvrage, on trouve la liste des principales caractéristiques d’une université de rang mondial (nombre ou pourcentage de professeurs étrangers, ratio étudiants/professeurs, dépenses par étudiant, prix Nobel, salaire des professeurs, part des doctorants, part des professeurs qui mènent des recherches, qualité de l’équipe de managers).
101 Voir les articles d’A. Vladimirov dans Vyzovskij Vestnik, 12-30 juin 2010, no 12, ou Vysšee obrazovanie v Rossii, no 6, 2009.
102 Voir l’article d’I. Dejina, « Développement de la R&D dans les universités russes », Ifri, Russie.Nei.Visions, no 57, février 2011, <www.ifri.org/?page=detailcontribution&id=6457&id_provenance=97>.
103 Interview avec V. Martynov, Professionaly Rossii, no 1, 2011.
104 OCDE, Regards sur l’éducation 2010, OCDE, 2010, figure B1.2, p. 199.
105 Entretien avec un professeur à Goubkine, novembre 2010, Moscou.
106 Interview avec V. Martynov dans Ekonomika i TEK segodnâ, no 14, 2010.
107 Interview publiée dans Učitel’skaây gazeta, 22 février 2005.
108 [L’enseignement doit être financé par l’État et accompagné de programmes complémentaires de soutien des entreprises visant à développer leurs propres ressources humaines]. PWC, Growth Reimagined. Prospects in Emerging Markets drive CEO confidence, 14th Annual Global CEO Survey, 2011, p. 23.
109 V. Martynov, Argumenty Nedeli, 15 juillet 2010, <www.gubkin.ru/pressa_about_us/files/an4.pdf>.
110 Site sur le système de formation continue de Gazprom <www.snfpo.ru/>.
111 Il n’a pas toujours été possible de distinguer entre la date de création de l’établissement et de filière/faculté/institut spécialisé en matière de pétrole et de gaz, souvent beaucoup plus récente. Nous avons parfois précisé (U) pour la date de création de l’université et (I) pour l’institut correspondant. En l’absence de cette précision, il s’agit de la date de création de l’établissement.
Auteur
Tatiana Kastouéva-Jean est chercheuse au centre Russie/NEI de l’Institut Français des Relations Internationales (Ifri). Ses recherches portent sur l’enseignement supérieur, la R&D et le potentiel humain de la Russie. Manuscrit clos en juin 2011.
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