Les métropoles secondaires indiennes dans la mondialisation
p. 265-279
Texte intégral
1Alors que les processus de mondialisation atteignent l’Inde avec la même force que les autres pays asiatiques, les plus grandes villes du pays, les mégapoles d’environ vingt millions d’habitants que sont Mumbai ou Delhi, ou encore les gigantesques cités comme Bangalore ou Hyderabad, dépassant les sept millions d’habitants, sont désormais présentées comme des lieux dynamiques, tandis que sont abandonnées les visions pessimistes sur le futur de l’Inde urbaine (Shaw, 2007). Quelle est, face à la mondialisation, la situation des métropoles de niveau inférieur, de plus d’un million d’habitants et qui rassemblent jusqu’à cinq millions de personnes ? Ce chapitre s’efforce de répondre à cette question en construisant une géographie économique et urbaine de l’Inde dans laquelle la dynamique interne aux métropoles et leur insertion au sein de réseaux mondiaux et nationaux sont considérées comme participant de l’organisation d’un système urbain à l’échelle du territoire indien en son entier (Cadène, 2007).
Mondialisation, dynamique et hiérarchie urbaines en inde
2Depuis le début de la décennie 1990, soit depuis une vingtaine d’années, l’Inde a connu une véritable mutation (Rothermund, 2008). La politique économique suivie depuis l’Indépendance donnait la priorité à une stratégie de substitution aux importations sévèrement encadrée par l’État. Elle cède la place à des réformes libérales desserrant le contrôle exercé sur les entreprises par une administration tatillonne (Boillot, 2006). Le pays s’ouvre aux produits et aux investissements étrangers, tandis que les exportations sont favorisées. Les joint-ventures entre compagnies nationales et étrangères se multiplient et des Zones économiques spéciales (ZES) sont créées, de plus en plus nombreuses. Plusieurs secteurs économiques dans lesquels l’Inde a des atouts sont en voie de modernisation, comme ceux de la production pharmaceutique ou de la joaillerie. Des secteurs nouveaux sont en plein essor, tout particulièrement dans les domaines de la création logicielle et des services informatiques.
3Dans le même temps, l’économie indienne abandonne les taux de croissance de 3 %, 3,5 % qu’elle connaît depuis l’Indépendance, trop faibles pour pouvoir engager le pays dans la voie du développement. La croissance économique oscille désormais entre 6 et 9 % selon les années. Avec une production industrielle connaissant une augmentation annuelle de près de 10 % et la multiplication des emplois, en particulier dans les villes, les personnes ayant les moyens de consommer des biens industrialisés sont de plus en plus nombreuses, constituant un ensemble de couches moyennes aux caractères sociaux complexes et aux revenus inégaux, toutes capables, cependant, de participer au processus d’ouverture économique et culturelle marquant le phénomène de mondialisation (Brosius, 2010).
4L’Inde se trouve désormais insérée au sein de réseaux mondiaux qui s’étendent, se multiplient, font entrer localités et territoires dans une compétition globale. Cette intégration à la mondialisation s’effectue en Inde comme en de nombreux pays avec une relative brutalité. Souhaitée par une part importante du patronat, encouragée par les instances internationales, elle se traduit par une réorganisation du tissu industriel, remettant en cause un certain nombre de secteurs, tout particulièrement les grandes entreprises d’industrie lourde ou du textile, largement soutenues par l’État. Par ailleurs, l’encadrement social s’affaiblit, renforçant les difficultés des plus pauvres qui, dans les villes, mais surtout dans les campagnes, ont de plus en plus de mal à faire face à la hausse de prix courants et aux restructurations du marché des emplois.
5Pour une large part de la population, l’amélioration du niveau de vie est cependant manifeste, tout particulièrement en certaines régions et en certains lieux. Un vaste territoire est en développement rapide au nord-ouest du pays. Dans sa partie septentrionale, il est axé sur la grande région urbaine de Delhi (carte 9.1), la capitale de l’Union indienne, mégapole de presque vingt millions d’habitants en pleine croissance, qui peut être considérée comme une ville mondiale et constitue un relais essentiel des processus de mondialisation en Inde. Il inclut les États du Punjab et de l’Haryana, et la partie occidentale de l’Uttar Pradesh, plaines riches sur les plans aussi bien agricole qu’industriel, mais aussi le nord de l’État du Rajasthan. En son centre, se trouve le sud de l’État du Rajasthan, l’ouest du Madya-Pradesh et le nord du Gujarat, combinant développement de l’industrie, de l’artisanat et du tourisme. Ahmedabad, la capitale du Gujarat, avec près de sept millions d’habitants, est au cœur de cet ensemble. Dans la partie méridionale, ce vaste territoire en développement a pour axe la région de Mumbai. Première ville du pays sur le plan économique, Mumbai est également une ville mondiale, relais essentiel des réseaux globaux dans le pays. Elle abrite au début de la décennie 2010 environ vingt millions d’habitants et concentre, dans certains secteurs, environ 70 %, voire 80 % des activités de l’ensemble du pays. La région dont elle est le centre inclut la partie occidentale du Maharashtra, l’État le plus riche de l’Inde, et s’étend le long de la côte de la mer d’Oman, intégrant la partie sud de l’État du Gujarat. Intégrant les deux plus grandes villes du pays, et une troisième, majeure, cet ensemble territorial, s’étendant sur près de 2 000 kilomètres du nord au sud et sur trois ou quatre cents kilomètres d’ouest en est, apparaît comme une mégalopole en devenir, capable d’attirer la majeure partie des projets et des investissements du pays et dont l’évolution déterminera l’avenir du pays en son entier.
6Avec deux grandes villes très puissantes, Chennai et Bangalore, comptant plus de huit millions d’habitants, le sud du pays connaît également une dynamique de croissance très rapide qui concerne aussi les villes moins importantes et les campagnes. Les autres parties du pays ne bénéficient pas du même développement. Au centre-ouest, Hyderabad, qui dépasse les sept millions d’habitants, connaît un fort dynamisme. Plus au nord, sur la baie du Bengale, Kolkata connaît également un développement depuis une quinzaine d’années. Troisième ville du pays avec environ quatorze millions d’habitants, la dynamique nouvelle de l’ancienne capitale coloniale britannique contraste avec la stagnation des territoires au cœur desquels elle est située, qu’il s’agisse de la partie est de la plaine indo-gangétique, des collines du centre-est ou des États montagneux situés à l’extrême nord-est du pays. Quant à la chaîne himalayenne, le niveau de développement des petites villes et villages qui la peuplent reste très bas.

Carte 9.1 : Les métropoles indiennes de second niveau en 2010.
7Au-delà de ces sept agglomérations majeures du pays, qui jouent des rôles différents, mais sont toutes en développement rapide, bénéficiant de leur intégration au sein des réseaux de la mondialisation, un ensemble de métropoles secondaires participe également à cette dynamique qui les lie avec des lieux et des territoires situés à l’extérieur du pays. Cette situation leur permet de participer dans le même temps au processus de construction d’une économie nationale, dans ce pays grand comme six fois la France et où les divisions du territoire dues à l’organisation coloniale sont encore perceptibles soixante ans après l’Indépendance. À partir d’une étude conduite en 2008 par un institut de recherche de Delhi très reconnu (Shukla and Purushothaman, 2008), de travaux spécifiques portant sur des villes particulières1, ou encore de recherches conduites en Inde par l’auteur au cours des dernières années, il apparaît que plusieurs métropoles de niveau inférieur se trouvent profondément bouleversées par la mondialisation, à l’instar des villes situées au sommet du système urbain indien. On peut ainsi compter au moins quatorze métropoles à un second niveau d’intégration dans la mondialisation (carte 9.1). Celles-ci, grandes d’un à quatre millions d’habitants, bien insérées dans leur région, présentent, dans certains de leurs quartiers, des activités, des infrastructures indiquant leur participation à une dynamique développée à l’échelle mondiale ; plus encore que les principales agglomérations du pays, ces villes s’adaptent aux contextes régionaux et locaux qui sont les leurs. Toutes parviennent à tisser des relations directes avec l’étranger dans des secteurs particuliers grâce au développement d’activités productrices spécifiques, répondant aux normes du marché international. Un projet de ville peut être également identifié, bien que, dans ces métropoles, il ne soit pas toujours aussi explicite que dans les agglomérations de plus grande taille. Ce projet de ville unit une fraction des bourgeoisies locales à un ensemble de couches moyennes et se trouve manifestement accepté par une majorité des populations qui, peu ou prou, bénéficie de la dynamique de croissance ainsi engendrée.
8Dans ce processus, la taille constitue un facteur important et ces quatorze métropoles secondaires sont, par leur poids démographique, parmi les plus grandes, à la suite des sept villes qui dominent le réseau urbain indien (Cadène, 2007). Une spécialisation des économies dans quelques activités apparaît également comme un facteur déterminant. Un autre facteur, essentiel pour trois d’entre elles, Pune, Surat, Jaipur, réside dans la proximité de Delhi ou de Mumbai, deux des plus grandes agglomérations du pays. Pour ces trois métropoles, qui sont aussi parmi les plus peuplées de cet ensemble (leur population respective est estimée vers 2010 à 4 750 000, 4 075 000 et 3 175 000 habitants), ainsi que pour quatre autres, Indore et Vadodara (environ 1 950 000 habitants chacune), puis Ludhiana et Agra (environ 1 800 000 habitants), leur situation au sein de la mégalopole indienne en émergence explique largement leur intégration aux processus de mondialisation. Quatre autres encore, Kanpur (3 575 000 hab.), Lucknow (2 875 000 hab.), Nagpur (2 775 000 hab.), Bhopal (1 870 000 hab.), bien que périphériques à la mégalopole, s’intègrent à cette dynamique. Toutefois, elles n’en sont pas aussi profondément transformées que les villes évoquées précédemment. Il est aussi possible d’inclure dans ce groupe Coimbatore (1 870 000 hab.), située bien plus au sud, à proximité de Bangalore, et dont le développement participe d’un processus similaire lié à sa localisation. Deux autres villes enfin, Kochi (1 690 000 hab.) et Visakapatnam (1 650 000 hab.), bien qu’éloignées des territoires en développement du pays, apparaissent pleinement intégrées dans les processus de mondialisation grâce à leur situation sur le littoral et à leurs activités portuaires.
Investissements d’état et infrastructures
9Si la taille et la situation de ces villes apparaissent comme des facteurs intrinsèques de leur dynamique, le positionnement de ces villes au sein des réseaux constitués par les grandes infrastructures nationales de transport est aussi un point fondamental de leur développement. La politique d’aménagement de l’État se révèle donc essentielle pour comprendre la dynamique du réseau urbain indien au début du xxie siècle. À l’exception de Kochi, située sur l’étroite bande littorale du Kerala, d’Indore et de Bhopal au centre du pays, les autres villes prises en compte dans cette étude sont toutes localisées le long des axes autoroutiers construits au cours de la décennie 2000 et qui ont apporté une amélioration considérable dans les transports. En Inde comme dans la plupart des pays, la route est désormais privilégiée par les politiques publiques. De plus, les projets visant à améliorer les communications interurbaines s’accompagnent de grands travaux d’infrastructures à la périphérie ou à l’intérieur des villes, larges pénétrantes, rocades, qui améliorent considérablement l’interconnexion des divers réseaux routiers. La route devient ainsi une concurrente redoutable du rail, pourtant omniprésent en Inde. Le réseau ferroviaire, réputé pour son ancienneté et sa densité, dessert d’ailleurs la totalité de ces villes, sans toutefois offrir la même efficacité que la route. Les investissements dans le transport ferroviaire n’ont pas été assez importants pour remédier à la lenteur des trains, ni pour résoudre les problèmes d’interconnexion entre les différents réseaux hérités de la colonisation. Si les chemins de fer n’apparaissent pas à même à répondre aux enjeux de la période, leur présence et leur relative efficacité contribuent certainement à l’intégration à la mondialisation des villes situées à périphérie de la dynamique mégalopolitaine que sont Lucknow, Kanpur, Bhopal et Nagpur.
10La modernisation des aéroports et l’amélioration de leur accessibilité au sein des agglomérations participent également des grands travaux de la période et sont un facteur non négligeable de l’intégration de ces métropoles secondaires dans les réseaux de la mondialisation. Ces aéroports, réalisés dans le cadre de partenariat avec le secteur privé, bénéficient de la politique de libéralisation des transports aériens mise en œuvre au milieu de la décennie 1990 et offrent aux passagers des vols nationaux un environnement aéroportuaire répondant aux normes internationales. Toutes les métropoles secondaires indiennes ici considérées ont ainsi leur aéroport civil, utilisant parfois la même piste qu’un aéroport militaire. Ceux dont le trafic intérieur est le plus important sont Jaipur et Kochi, qui desservent en 2009 plus de onze destinations à l’intérieur du pays. Ceux de Pune et d’Indore en desservent dix. Ceux de Lucknow et de Nagpur en desservent huit, ceux de Coimbatore sept, de Bhopal et de Visakhapatnam six. Les autres villes ont un trafic plus réduit, limité aux plus grands centres urbains du pays. L’importance du trafic aérien est évidemment liée au dynamisme des villes, mais dépend aussi largement de leur localisation dans le pays ou, encore, de facteurs locaux. Jaipur, par exemple, doit largement sa place à l’importance du tourisme dans l’économie de la ville, certains des lieux avec lesquels elle possède des connexions aériennes, comme Goa ou Udaipur, étant également des hauts lieux touristiques en Inde. Kochi doit le rang de son aéroport à son rôle de hub régional pour les travailleurs indiens émigrés dans les pays arabes du Golfe. Lucknow, qui possède un poids important au sein de la plaine indo-gangétique, semble jouer un rôle identique dans sa région. Il est aussi vrai que Lucknow n’est distante de Kanpur que de 70 km et que son aéroport peut servir aux deux métropoles.
11Les autorisations accordées au cours des années 2000 pour la réalisation de vols internationaux à partir de certaines de ces métropoles semblent avant tout liées à leur diaspora, dont le rôle, bien évidemment, dans l’intégration de ces villes à la mondialisation, n’est pas négligeable. Kochi est de très loin la ville possédant le plus grand nombre de relations avec des villes étrangères, soit quatorze cités arabes du Golfe, ainsi que Singapour. Lucknow vient ensuite avec cinq directions vers le Golfe, Jaipur trois, Nagpur deux. Coimbatore ne bénéficie que d’un seul vol vers une cité du Golfe et d’un vers Singapour. Pune, outre un vol à destination de Dubai, est la seule de ces métropoles à avoir une relation avec une ville occidentale, Francfort, relais vers d’autres villes européennes ou vers les États-Unis, dans lesquelles vivent de nombreux ressortissants indiens. Ces vols internationaux n’apparaissent donc pas liés au transport de biens exportés.
12Les exportations à partir des métropoles de second niveau, et bien sûr également les importations, sont majoritairement effectuées à partir des ports. Douze ports, gérés par le Shipping Ministry de Delhi, sont considérés comme des ports majeurs et peuvent être utilisés à cet effet. N’ayant pas encore la même importance, plusieurs ports créés à l’initiative du secteur privé sont en plein développement, à l’exemple de Mundra ou de Pipavav au Gujarat. Les capacités de ces infrastructures portuaires ne suffisent toutefois pas aux besoins du pays et leurs performances restent très en deçà des normes internationales. Les expertises réalisées montrent par ailleurs que les ports indiens ne sont pas engagés dans une concurrence qui pourrait stimuler leur développement. Ils tendent en effet à être spécialisés dans une ou deux activités seulement. Jawaharla Nehru Port, par exemple, concentre plus de la moitié du trafic de conteneurs du pays, tandis que Paradip rassemble près de trente pour cent du trafic du charbon. D’ambitieux programmes d’agrandissement et modernisation sont toutefois en cours. Ils permettront d’accroître les volumes transbordés, d’élargir la gamme des activités de chacun des ports et d’apporter une solution au problème d’engorgement qui oblige souvent les bateaux à des attentes de plus d’une semaine, provoquant des surcoûts très importants, auxquels s’ajoutent d’ailleurs les surcoûts liés à la lenteur des transports routiers et surtout ferroviaires qui relient les ports aux agglomérations de l’intérieur. En dépit des investissements récents, l’inefficacité des infrastructures portuaires et des voies de communication semble influencer grandement le développement des villes, tout particulièrement des métropoles qui intéressent ce travail. En effet, s’ils ne remettent pas en cause la dynamique de mondialisation, qui est en partie liée au processus de développement interne de ce vaste pays, ces lenteurs et ces coûts semblent favoriser la spécialisation des activités au sein de chacune des agglomérations. Il s’agit moins de distance que de qualité des connexions. Les efforts mis sur la modernisation des infrastructures font apparaître qu’aujourd’hui Ludhiana au Punjab, ou Jaipur au Sud-Rajasthan, ne sont pas forcément plus mal placées face aux ports de Mumbai et à ceux du Gujarat que des villes du centre du pays moins distantes de ces ports, comme Bhopal ou Nagpur. Il apparaît toutefois que les difficultés générales dans les transports semblent favoriser, dans les villes éloignées, le développement de productions à destination nationale, qui peuvent être transportées par le rail sans souffrir de la lenteur des trajets.
13Les difficultés liées aux infrastructures devraient néanmoins se réduire dans les années prochaines. Les ports se sont en effet engagés dans des politiques d’investissements, en combinaison avec le secteur privé, visant à diversifier leurs opérations. Le transbordement des conteneurs devrait tout particulièrement se développer et devenir une activité importante dans la plupart des grands ports. L’augmentation du nombre de ports et leur modernisation devraient, dans un futur proche, renforcer les capacités de ces métropoles de second niveau à s’ouvrir sur l’étranger.
14Ce phénomène d’affaiblissement des inégalités territoriales s’est déjà produit dans le domaine des télécommunications. L’archaïsme des systèmes de télécommunication en Inde jusqu’au milieu des années 1960 privilégia le développement des plus grandes métropoles. Aujourd’hui, si les inégalités au sein du territoire indien persistent face à la répartition des connexions téléphoniques par habitant et si l’Internet n’est important que dans les grands centres urbains, il s’agit avant tout de différentiel de richesse. La possibilité de connexion existe presque partout, du moins pour les villes, ce qui offre les conditions d’une normalisation dans le fonctionnement des entreprises et des institutions dans l’ensemble du territoire. L’évolution technique dans les télécommunications a également modifié l’organisation des transports. Il est possible désormais de réserver des billets pour les trains et les avions dans les métropoles secondaires avec rapidité et facilité, par agence, téléphone ou même Internet, là où de longues files d’attente étaient auparavant l’habitude et les résultats aléatoires.
15Si d’importants investissements dans les infrastructures de communications et même de télécommunications restent néanmoins à effectuer, la situation des métropoles secondaires semble s’être améliorée sur ce plan au cours de la décennie 2000. Ces villes semblent désormais à même de conduire des stratégies visant à accentuer leur intégration au sein des réseaux internationaux et nationaux qui parcourent aujourd’hui le pays.
Les marqueurs de la mondialisation dans les métropoles secondaires indiennes
16Le développement économique de ces métropoles secondaires s’inscrit dans le territoire urbain par des éléments architecturaux et urbanistiques nouveaux, qui apparaissent comme symboliques du développement de ce phénomène. La verticalisation du bâti dans certains quartiers de ces villes est certainement l’indicateur le plus visible du changement en cours.
17Des bâtiments élevés ont, en effet, été construits dans ces métropoles secondaires, afin d’abriter des administrations, des bureaux de grandes compagnies, des hôtels. Il ne s’agit pas de tours aussi hautes que celles des plus grandes villes du pays, mais ces bâtiments apparaissent cependant en rupture avec le bâti existant. Certains immeubles nouveaux ne se distinguent d’ailleurs pas par leur taille, mais par leur architecture, qui veut exprimer l’appartenance de la ville et du pouvoir qui s’y trouve à la dernière modernité, utilisant largement le béton et le verre. Ce ne sont pas tant les administrations qu’abritent ces bâtiments, que les sièges des grandes entreprises ou des sociétés de services supérieurs. En effet, seules trois de ces métropoles possèdent le statut de capitale d’État, qui n’apparaît guère jouer un rôle dans le processus de mondialisation. Parmi elles, Jaipur est d’ailleurs la seule à offrir à ses administrations un urbanisme majestueux, la capitale du Rajasthan s’efforçant manifestement de renouer avec son passé prestigieux de cité royale, apparaissant entrer en cela dans une sorte de compétition avec Delhi, siège de l’ancien empire. Lucknow, capitale de l’Uttar-Pradesh, et Bhopal, capitale du Madya-Pradesh, ont également un passé royal, mais n’ont pas construit des administrations modernes monumentales.
18Les bâtiments symbolisant la mondialisation dans les métropoles secondaires abritent donc avant tout des sièges de sociétés. Pune et Vadodara sont celles qui concentrent le plus grand nombre de sièges sociaux, environ 150 chacune, souvent dans l’industrie mécanique et l’informatique pour la première, dans les activités dérivées des hydrocarbures, la métallurgie et les engrais pour la seconde. La concentration de sièges sociaux dans ces deux villes du Gujarat s’explique par leur localisation, ces deux villes étant proches de grands centres industriels et bénéficiant du dynamisme des groupes d’entrepreneurs qu’elles abritent : Pune n’est pas très éloignée de Mumbai, la capitale économique du pays ; Vadodara est proche d’Ahmedabad, grande ville où l’industrie est très ancienne. Six de ces métropoles bénéficient de l’implantation de quelques dizaines de sièges sociaux seulement, généralement dans les activités réputées en Inde : Surat dans la taille des diamants et les activités liées aux hydrocarbures ; Jaipur dans le travail des pierres précieuses et l’informatique, Ludhiana dans l’industrie mécanique et la bonneterie, Kochi dans les activités portuaires, la construction navale, le commerce du textile, de l’or et des épices, Kanpur dans l’industrie des textiles et du cuir, Nagpur dans les industries textiles et mécaniques. Le nombre de sièges sociaux dans les autres métropoles n’est pas très élevé. Seules, Pune, Vadodara et Kochi accueillent des entreprises étrangères, Pune et Vadodara bénéficiant de leur situation entre Ahmedabad et Mumbai, et Kochi de la présence de son port, très ancien.
19Les efforts dans les métropoles secondaires indiennes pour attirer les investisseurs, étrangers ou nationaux, sont importants et s’inscrivent dans l’espace urbain. Un certain nombre de ZES fonctionnent déjà dans plusieurs métropoles secondaires2. Les entreprises exportatrices y bénéficient d’avantages importants, les services aux entreprises sont intégrés dans le projet dès l’origine et ces zones sont souvent spécialisées dans certaines activités. Pune est la métropole secondaire qui en possède le plus avec neuf en activité et vingt-sept en projet. Dans les autres villes de la même catégorie, le nombre de ZES n’est guère important. Trois seulement ont des zones spécialisées dans l’exportation : Jaipur qui envoie une large part de ses bijoux et de son artisanat à l’étranger ; Kochi et Visakapatnam du fait de leurs activités portuaires. Ces dernières ont évidemment plusieurs lieux de stockage de conteneurs, mais toutes les autres villes en ont un ou deux, à l’exception de Luknow, confirmée à nouveau dans son rôle de centre pour l’administration et les services.
20La construction de nouveaux terminaux d’aéroports apparaît comme une opération indispensable pour apporter à ces villes un statut de localités ouvertes sur le monde. Lieux emblématiques de la mondialisation, ils sont par ailleurs de plus en plus utilisés à mesure que se développent les transports aériens dans le pays. Ils créent également de nouvelles centralités au sein des agglomérations en entraînant l’implantation de zones d’activités dans leur proximité.
21La multiplication, dans l’ensemble de ces villes, de nouveaux lieux de consommation apparaît également comme un trait majeur de leur intégration à la mondialisation. Ces lieux répondent en effet, pour l’essentiel, à un mode de vie caractéristique des couches moyennes, de plus en plus nombreuses au sein des sociétés, et qui marquent le fonctionnement de l’ensemble des villes de quelque importance dans le monde.
22Les premiers lieux où s’observent ces nouveaux modes de vie et de consommation sont les malls, vastes centres de chalandise rassemblant un grand nombre de boutiques sur plusieurs étages, dans un décor d’escaliers roulants et de galeries surplombant de vastes halls. L’inspiration est nord-américaine, mais l’usage de ces lieux, non seulement en Inde, mais partout en Asie, apparaît comme une réinterprétation des anciens bazars, qu’ils semblent adapter à l’existence des couches moyennes d’aujourd’hui. La plupart des malls construits dans ces villes secondaires sont bien moins vastes et luxueux que ceux des plus grandes métropoles indiennes. Il s’agit généralement de bâtiments de deux, trois ou quatre étages ouvrant sur une galerie accessible par un escalier mécanique, lequel, avec souvent un hall d’entrée vitré, apporte une touche de modernité. Ces centres commerciaux de type nouveau ne proposent que quelques dizaines de boutiques, mais la présentation et les produits s’écartent, pour un grand nombre d’entre eux, de ceux que l’on peut trouver dans les bazars anciens. Il est généralement possible d’y trouver des produits occidentaux, ainsi que les franchises internationales qu’apprécient aujourd’hui les familles de couches moyennes : produits électroniques, musiques et films, restaurations, vêtements et même mobiliers.
23Présents dans les centres anciens, mais aussi à leur périphérie immédiate, aussi bien que dans les périphéries récentes, les cliniques privées participent également de la période et proposent des services de santé d’une qualité jusqu’alors exceptionnelle dans les villes indiennes de cette taille. Bien que les médecins soient indiens, ces cliniques privées, produits de la vague de libéralisation économique, participent du processus de mondialisation par leur statut. Elles appartiennent d’ailleurs souvent à des groupes et revendiquent souvent une relation aux grands pays occidentaux : médecins ayant exercé en Occident, coopération avec des cliniques étrangères, implantation dans d’autres pays, matériels étrangers, intérieurs signés par des architectes de notoriété internationale, etc. Les cliniques dans les métropoles secondaires indiennes ne parviennent toutefois pas, contrairement à celles des plus grandes métropoles, à attirer des clients étrangers, participant d’un tourisme médical de plus en plus organisé en Inde.
24Occupant des espaces plus vastes à la périphérie des villes, les universités et autres institutions d’enseignement supérieur jouent également un rôle important dans l’intégration de ces villes à la dynamique mondiale. Plusieurs d’entre elles hébergent des institutions classées parmi les toutes premières du pays et qui bénéficient d’une réputation internationale. Si Kanpur possède le plus prestigieux des Indian Institute of Technology, Pune est de loin la ville universitaire la plus citée pour ses centres d’excellence dans les domaines de la médecine, des sciences, de la gestion, du commerce, du droit et de la communication. C’est aussi la ville qui attire le plus d’étudiants étrangers, actuellement au nombre de 10 000. Lucknow est souvent citée dans les domaines de la médecine, des sciences, de la gestion et du commerce. Indore n’est connue que pour son institut de gestion et Bhopal pour son institut de droit. Si des instituts prestigieux existent aussi dans des villes de moindre taille, héritages de la colonisation britannique ou volonté de décentralisation de l’État indépendant, les plus grandes métropoles restent dominantes, et seules en lice pour la mode, les arts et l’hôtellerie. Le développement des institutions d’éducation supérieure, tout particulièrement des universités qui ne bénéficient pas des financements de certains instituts, reste donc un défi pour la plupart de ces métropoles secondaires, à un moment où la formation des travailleurs est un enjeu fondamental dans un monde où les compétences sont de plus en plus disputées. En effet, les universités de ces villes, créées parfois dans les premières décennies du xxe siècle, telle celle de Lucknow en 1920, ne parviennent pas à offrir des formations de qualité, conformes aux standards internationaux – leur mise à niveau paraît être un enjeu important. La croissance rapide d’institutions privées, investissant surtout dans la médecine, le commerce et l’ingénierie, ne pallie pas le manque car elles ne sont que très rarement investies dans la recherche et n’offrent pas toujours, elles non plus, un bon niveau d’enseignement. La formation secondaire, essentielle à la présence et au développement de couches sociales qualifiées, pose moins de problèmes, tout particulièrement grâce à des institutions privées, souvent anciennes, présentes dans toutes ces villes.
25Des activités économiques intégrées à la dynamique mondiale ainsi que des services de niveau international sont nécessaires pour attirer et maintenir une main-d’œuvre hautement qualifiée dans ces métropoles secondaires. Il est aussi impératif de proposer des logements de qualité. Les tissus urbains anciens sont inadaptés à cette tâche et ce sont surtout dans les périphéries qu’ont été implantés des complexes résidentiels répondant à l’exigence des nouvelles couches moyennes, agents des dynamiques mondiales. De grands groupes intervenant dans le secteur du bâtiment construisent des ensembles de villas ou des immeubles collectifs dont les plans et la gestion sont inspirés du modèle des gated communities, modèle en usage aux États-Unis, et qui a trouvé ici un épanouissement particulier. Ces résidences sont en effet clôturées et leur accès est contrôlé par des entreprises de surveillance, lesquelles appartiennent parfois à de grands groupes de sécurité exerçant leurs activités tout autour du globe. Elles proposent à leurs habitants des services commerciaux ou de loisirs : épiceries, blanchisseries, piscines, salles de sport. Entourées d’espaces verts et de parkings, elles offrent un environnement calme, arboré et fonctionnel dans des agglomérations fortement densifiées, bruyantes et souvent congestionnées.
26Radicalement nouvelle dans les villes de cette taille, cette économie résidentielle conduit à une modification des mobilités en élargissant les agglomérations et en faisant des voies d’accès aux villes des axes stratégiques pour leur développement. La construction de rocades et de pénétrantes dans ces agglomérations en extension rapide accompagne la construction de ces ensembles de logements pour les couches moyennes. Les automobiles qui se multiplient autorisent ce nouveau fonctionnement urbain, tout en conduisant à d’immenses embouteillages aux heures d’ouverture et de fermeture des bureaux.
27La création d’une offre hôtelière de bon niveau est d’ailleurs un phénomène non négligeable dans ces villes. Elle reste cependant le plus souvent limitée à des investissements destinés aux voyages d’hommes d’affaires et n’offre pas toujours les services que proposent les grands hôtels des plus grandes métropoles. Les villes touristiques font évidemment exception, Jaipur proposant même l’une des premières concentrations de palaces au monde, attirant des touristes très aisés grâce à un patrimoine exceptionnel.
Localisation et spécialisation économique : les transformations métropolitaines dans la mondialisation
28Dans les quatorze métropoles étudiées, de nombreux facteurs montrent que la mondialisation est bien au cœur des changements sociaux et économiques et des réorganisations territoriales. Davantage encore que dans les plus grandes villes, ce phénomène y répond cependant à une dynamique spécifiquement indienne. Dans un pays aussi vaste que l’Inde, peuplé de plus d’un milliard deux cents millions d’habitants en 2011, les processus de mondialisation participent et s’accompagnent de la construction d’une dynamique économie nationale, jusqu’alors limitée à de rares secteurs, et qui d’ailleurs ne parvient pas à réduire la pauvreté qui continue à toucher près d’un tiers de la population. Dans la production et les services, qui furent longtemps fermés aux investissements et produits étrangers, les activités répondant à la dynamique de mondialisation se développent davantage avec l’aide de capitaux nationaux qu’au travers d’investissements étrangers. L’introduction de modèles nouveaux, dans les formes de production, de commercialisation, de consommation, la mise aux normes internationales, l’augmentation de la productivité du travail et de la qualité des produits et des services participent d’un désenclavement régional de la société et de l’économie, autant que d’une ouverture au monde.
29La localisation des villes joue un rôle essentiel dans ces processus, celles-ci se situant pour l’essentiel au sein ou à la périphérie proche du vaste corridor de développement qui lie de plus en plus fortement les grandes régions économiques constituées autour des deux principales mégapoles indiennes que sont Delhi et Mumbai, dont la dynamique est elle-même liée à l’avancée de la mondialisation en Inde. Parmi les trois seules villes qui se trouvent également intégrées aux processus de mondialisation, mais sont éloignées de cet espace en développement rapide, l’une est située à proximité d’une des grandes villes du pays concentrant de nombreuses activités de hautes technologies, à savoir Bangalore, deux sont les seules métropoles secondaires indiennes localisées sur les littoraux, soit des cités portuaires dont le rôle dans les échanges internationaux du pays ne cesse de s’accroître. Dans cette dynamique globale, la taille des villes, mais aussi leurs caractères apportés par l’histoire, apparaissent des facteurs importants pour spécifier les modalités de la mondialisation et les éléments qui marquent leur intégration aux processus globaux. Ainsi, la force des spécialisations économiques, ainsi que la modernité des programmes résidentiels ou les activités de services, sont largement proportionnées au poids démographique des villes, tandis que le nombre des sièges sociaux d’entreprises, la force du secteur industriel ou encore la mise en place de relations aériennes avec l’étranger, sont, par exemple, largement liés aux héritages historiques, expliqués par des facteurs divers comme la présence dans certaines villes de puissantes communautés d’affaires ou l’existence de liens forts avec de larges diasporas. Il est remarquable par ailleurs que parmi ces métropoles secondaires mondialisées, les deux ports se distinguent du fait de leur activité.
30L’Inde, où coexiste une grande diversité de cultures, de langues, d’histoires politiques et de milieux économiques, apparaît toutefois, au travers de cette étude, comme une société encore en construction soixante ans après l’Indépendance. La mondialisation est certainement un moment décisif de cette dynamique, mettant en contact les localités et les territoires indiens avec le monde, mais aussi liant les différentes régions indiennes entre elles. Ces quatorze métropoles secondaires jouent un rôle essentiel dans cette dynamique. Elles sont les relais privilégiés des processus de l’intégration dans l’économie mondiale, mais aussi nationale, d’une large part du territoire indien.
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Notes de bas de page
Auteur
Professeur, géographe, Université Paris-Diderot, SEDET.
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