Épilogue : Quand le Midi pyrénéen devient la première région française lainière dans le cardé et le textile d’habillement, 1930-2000
p. 459-480
Texte intégral
1Dynamisé par la Première Guerre mondiale, renforcé par la croissance des années 1920, le Midi pyrénéen occupe, à la veille de la dépression des années 1930, la deuxième place dans l’industrie du cardé français. La crise et les débuts de la phase dépressive, ne remettent pas en cause cette tendance, ni ne modifient sensiblement les équilibres. Le Midi – avec le Bas-Languedoc devenu marginal – compte le plus grand nombre de métiers à tisser (4 500) par rapport aux anciens grands centres du cardé : Elbeuf-Louviers (2 950), Reims et le département de la Marne (2 500), Vienne (2 100) et Sedan (1 150). Comme en 1923, le Nord (23 000 métiers) et l’Alsace (6 625 métiers) demeurent devant le Midi, mais cela tient à l’importance de leur potentiel de peigné. Seul Roubaix-Tourcoing conserve un outillage supérieur dans le cardé, dans le tissage comme dans la filature. Dans ce dernier domaine, la conurbation, avec 155 872 broches, arrive encore devant le Midi qui, avec 139 000 broches, progresse cependant. Il devance Elbeuf-Louviers (122 812 broches), Sedan (80 480 broches), Vienne (72 680 broches), alors que les territoires où le peigné domine presque sans partage, comme l’ensemble formé par Fourmies, le Cambresis et la Picardie, n’ont que 16 800 broches et l’Alsace 16 0001.
2La Seconde Guerre mondiale marque un coup d’arrêt à la croissance du Midi2. Il a fallu répondre aux attentes conjointes des autorités allemandes et vichystes, dans une stratégie de survie3. Les ruptures dans les approvisionnements empêchent le maintien de l’activité dans le Tarn4. En Ariège, la récession s’installe aussi : les effectifs ouvriers du Pays d’Olmes passent de 3 000 en 1939 à 2 000 en 19455.
3La paix retrouvée, le Midi pyrénéen reprend sa progression dans l’industrie du cardé plus rapidement que toutes les autres régions et son tissage se renforce de même. En 1950, elle est la première région de filature cardée par son outillage et sa production et la seconde dans la fabrication de tissus d’habillement, cardés et peignés confondus. Elle reste, pourtant, presque totalement fidèle à la filature et au tissage cardé jusqu’aux années 1960.
4Cela ne l’empêche pas de poursuivre sa progression jusqu’au milieu des années 1980, alors que toute la branche est en crise à partir de 1973. Cela tient à la capacité des entreprises à adapter leur offre aux mutations des marchés de consommation. Cela dépend aussi d’une approche mesurée des mutations techniques suivie de réformes lourdes et indispensables de l’appareil de production dans les années 1970. Enfin, la concentration géographique d’entreprises dépendantes les unes des autres, dans le cadre d’un territoire industriel régi par leurs interrelations, paraît occuper une place déterminante dans l’explication du développement économique de la région.
Mutations des marchés de consommation et les fluctuations de l’offre
Croissance du Midi, récession ailleurs
5Durant les cinquante dernières années du xxe siècle, l’industrie de la laine a connu une croissance modérée, jalonnée par des crises violentes en 1951-1952, 1958-1959, 1964-1965, 1967, 19736. Globalement, la tendance a été marquée par un développement de l’offre jusqu’en 1973 puis par une décrue irrégulière après la crise qui débute cette année-là.
6Cette évolution conjoncturelle n’est pas sans effet dans la montée en puissance du Midi pyrénéen par rapport à toutes les autres régions françaises de la laine. Dans les années qui suivent le second conflit mondial, la région est devenue la première dans la production du cardé en filature et en tissage et fait jeu égal avec presque toutes les grandes régions françaises du cardé réunies : la Normandie (Elbeuf et Louviers), les Ardennes (Sedan), la Champagne (Reims) et la Picardie. Elle est devant Nord-Pas-de-Calais pour le cardé et même devant Vienne. En 1950, Midi-Pyrénées7 produit environ 17 millions de mètres de tissus, tous cardés. Cela représente environ 16 % de la production nationale des tissus d’habillement. Le Pays d’Olmes est au même niveau que les centres tarnais8.
7Au début des années 1960, la puissance de Midi-Pyrénées s’accroît toujours. Seule Vienne tient encore tête aux centres du Tarn et de l’Ariège ; mais les terribles crises de 1964-1965 et de 1967 marginalisent la capitale du textile lainier de Rhône-Alpes9. Pendant ce temps, Midi-Pyrénées poursuit sa croissance jusqu’à la crise : en une décennie – entre 1964 et 1973 –, la région double sa production de textile d’habillement et égale Nord-Pas-de-Calais avec environ 40 000 tonnes de production annuelle. Les deux régions assurent alors environ les trois-quarts de la production nationale10. En 1973, Midi-Pyrénées réalise 36,8 % de la production nationale des tissus d’habillement : le Pays d’Olmes ariégeois 25,4 % (26,5 millions de mètres) et le Tarn 11,4 % (11,9 millions de mètres)11.
8La décennie dépressive confirme les tendances observées précédemment : Nord-Pas-de-Calais recule fortement alors que les autres régions poursuivent leur déclin. Midi-Pyrénées, en revanche, conserve ses positions, grâce à la bonne tenue du cardé et au fort développement du tissage des tissus peignés de gamme moyenne. Au total, entre 1973 et 1985, elle est seule à offrir l’image d’une région de la laine en croissance.
Allègement et simplification de la garde-robe, progrès des vêtements de sport et de loisir, montée des tissus techniques
9La résistance au déclin en Midi-Pyrénées, voire sa croissance, tiennent à sa forte capacité d’adaptation aux nouvelles conditions de la demande. Cette dernière a considérablement évolué au cours des cinquante dernières années du xxe siècle. Elle est d’abord marquée par une diminution de la part des dépenses d’habillement dans la consommation des Français : de 16,15 % en 1949, elle chute à 8,11 % en 1975 puis à 6,93 % en 197912. Les causes de la mutation tiennent à l’allègement et à la simplification de la garde-robe caractérisée par la décrue des articles lourds – comme le manteau ou le tailleur –, à la disparition du « vêtement du dimanche », aux progrès des vêtements de sport et de loisir et au déclin marqué de la demande des administrations (Armée, SNCF, RATP, etc.)13. L’industrie lainière a été particulièrement sensible à cette évolution défavorable, en particulier le cycle cardé. Les fibres courtes de la laine cardée se prêtent peu à la fabrication de fils fins ; la filature peignée intègre mieux les fibres artificielles et synthétiques, fournissant du fil aussi bien pour l’habillement que pour la bonneterie ; le tissage doit s’adapter aux conséquences des progrès du prêt-à-porter et au développement de la bonneterie ; enfin, le cardé a été soumis à la dure concurrence internationale, en particulier de l’Italie14.
10Midi-Pyrénées n’ignore pas les mutations qui affectent l’ensemble de l’industrie lainière, mais le développement d’avantages comparatifs endogènes lui permet de croître fortement, au moins jusqu’en 1984. C’est d’abord son adaptation aux nouvelles donnes du marché qui fait sa force. Ainsi, le Pays d’Olmes connaît une croissance remarquable dans les années 1960 et au début des années 1970 grâce à l’adoption du tissage peigné, d’abord chez Roudière à Lavelanet15. C’est ensuite la montée des tissus techniques, en particulier pour l’automobile, essentiellement chez Michel Thierry à Laroque-d’Olmes qui entraîne la poursuite de la croissance du territoire, à partir du milieu des années 198016. À la fin du siècle, Michel Thierry est devenu le premier fournisseur européen de l’industrie automobile avec 25 à 30 % du marché. En 1999, son chiffre d’affaires atteint 917 millions de francs17. Quant aux industries tarnaises, elles ciblent le haut de gamme dans le textile d’habillement et investissent dans le développement de la bonneterie cardée – notamment dans la région de Castres. L’autre force des territoires de la laine de Midi-Pyrénées tient à la conservation d’un véritable savoir-faire, dans leur capacité de réponse aux attentes du marché et de la mode jusqu’aux années 1980. Cela se manifeste par une supériorité dans l’anticipation des tendances à venir et par une forte réactivité dans la réalisation de petites séries dans les gammes moyennes comme dans le demi-luxe et le luxe haute couture.
11Cela n’a pas pour autant protégé ces entreprises après 1985, lorsque débute une nouvelle période de difficultés. Alors que l’on a beaucoup focalisé sur la concurrence étrangère comme principal facteur explicatif de l’évolution de la conjoncture, il faut avancer d’autres causes comme les effets de la baisse du nombre de donneurs d’ordres dans la limitation de la créativité des entreprises ou bien les conséquences de l’amélioration de la mécanisation qui finit par réduire la diversité et la production de petites séries. Dans ce dernier cas, l’accroissement de la productivité n’est pas seul en cause. L’unification des marchés favorise aussi la production des grandes séries, accroît la puissance des grands groupes qui remportent de gros contrats – Michel Thierry SA, Carreman Michel Thierry –, alors que les tisseurs de taille moyenne ne progressent pas, comme les PMI du Castrais18. Cette évolution du marché renforce le processus de concentration et donc les effets pervers de la diminution du nombre de donneurs d’ordres.
Les effets des mutations techniques sur l’évolution de l’industrie lainière
12Le contexte global de faible croissance de l’industrie lainière entre 1945 et 1973, croisée à la diminution du cardé, tant en filature qu’en textile d’habillement, fait que les entreprises ont dû évoluer en abaissant les coûts et en innovant dans le choix des matières premières. Les recherches sur les matières et leurs mélanges ont permis de proposer de nouveaux produits moins chers et adaptés à une consommation large, leur production bénéficiant des améliorations parallèles de la productivité. Cette mutation, nécessaire au développement jusqu’à la crise, s’avèrera indispensable après 1973, la survie même de la branche étant en jeu19.
La question des matières premières : de la fibre animale au synthétique
13Au xixe siècle, le Tarn, comme l’Ariège, avaient réagi très vite dans la recherche de nouvelles matières. Le prix de la laine était tel qu’il grevait de plus en plus le coût final des draperies dans un contexte de diminution tendancielle du prix des produits finis. Comme à Vienne, les industriels s’étaient alors tournés vers les déchets et les sous-produits de la laine, en particulier pour leurs productions destinées aux marchés populaires20. Les premiers à être employés en grand nombre ont été tissés à base d’effilochés de laine. Des entreprises spécialisées ont vu le jour pour préparer ces matières. En outre, la recherche des produits divers, aux touchers variés, a conduit à des mélanges avec d’autres produits : ainsi à la laine vierge, aux effilochés, aux blousses, et aux divers déchets de laine, on a associé divers poils, du coton, dont les déchets et les effilochés, et d’autres textiles.
14Dans l’entre-deux-guerres, les fibres artificielles se sont fortement développées21. Au début des années 1960, elles dépassent la laine vierge dans la consommation des matières premières de la filature cardée. Aussi, dès cette période, son utilisation ne cesse de diminuer du fait de la concurrence des fibres synthétiques dont l’importance est considérable dans la constitution de la matière première. Dans la filature peignée, elle prend même le pas sur la laine vierge. Dans la filature cardée, la laine vierge conserve une importance capitale et, associée à ses sous-produits et déchets divers, reste, en revanche, toujours majoritaire.
15Midi-Pyrénées qui avait adopté les effilochés précocement et en grand nombre, fit de même avec les fibres artificielles et synthétiques. Dans la décennie qui a suivi le second conflit mondial, il n’y a guère que Rhône-Alpes pour développer plus rapidement leur emploi. Il est vrai que ces nouvelles fibres ont d’abord été pensées comme des substituts à la soie. Rhône-Alpes arrive en tête dans leur emploi. Midi-Pyrénées se situe immédiatement après avec Nord-Pas-de-Calais, loin devant toutes les autres régions lainières. Toutefois, le recours à la laine vierge et à ses sous-produits, les blousses en particulier, reste important et se développe même dans les années 1970 en raison d’un cycle favorable au textile d’habillement cardé. La diversité des produits employés dans la filature permet des mélanges complexes et variés dans lesquels les entreprises de Midi-Pyrénées sont passées maître.
La croissance de la productivité
16La mutation observable dans la consommation des matières premières tient donc autant à la conception de produits nouveaux qu’à l’objectif d’abaissement des coûts. La mécanisation, elle, porte d’abord sur la recherche des gains de productivité.
17Cela ressort bien de l’analyse des investissements en outillage et matériel de la branche laine. La structure montre des divergences régionales et sectorielles fortement marquées. Nord-Pas-de-Calais est la région qui pratique les plus gros investissements ; mais cela concerne essentiellement la mise à niveau du peignage et de la filature peignée dont la région est leader mondial. Partout ailleurs, les investissements sont bien moindres. On isole toutefois deux ensembles : l’un formé par Midi-Pyrénées seule, l’autre par toutes les grandes régions françaises de l’industrie lainière. Le fait que Midi-Pyrénées se distingue tient, jusqu’aux années 1970, à l’achat des premiers métiers à tisser automatiques et surtout à l’équipement en métiers continus dans la filature cardée. Les investissements s’effectuent, toutefois, à un rythme comparable à celui du reste de la France. La première moitié des années 1970 marque un changement car la montée en puissance de l’achat de continus et surtout la poussée de l’équipement en métiers à tisser sans navettes entraînent une accélération sensible du niveau des investissements. Passé le ralentissement dû à la crise de 1973 et aux années dépressives qui suivent, l’équipement en matériel ultramoderne pour le tissage se poursuit, provoquant un effort d’investissement sans équivalent dans l’histoire de l’industrie textile régionale.
18Ces deux poussées successives des investissements en Midi-Pyrénées bouleversent la structure productive de la région : alors qu’elle était une des moins bien équipées en matériels modernes, elle dispose, au milieu des années 1980, du parc de machines les plus performantes.
19Dans la filature cardée – à la différence de la filature peignée –, les renvideurs dominent nettement dans toutes les régions d’industrie lainière jusqu’au début des années 1960. On observe toutefois que Rhône-Alpes s’illustre par un meilleur rapport renvideurs/continus devant le Nord-Pas-de-Calais, alors que Midi-Pyrénées a le plus mauvais rapport de toutes les grandes régions lainières. Cela démontre un décalage très significatif à l’échelle nationale dans l’adoption des innovations. Cette structure se confirme dans la décennie suivante où, dans un contexte globalement récessif, le niveau d’équipement au profit des continus s’accroît. Ils deviennent dominants en Rhône-Alpes et en Nord-Pas-de-Calais alors que Midi-Pyrénées conserve encore 76,7 % de broches de renvideurs en 1971. Au cours des années 1970, Midi-Pyrénées suit, enfin, la tendance générale, au point qu’en 1984, les broches de continus représentent 79 % du total, révélant un brutal changement de la structure productive.
20Un tel décalage dans l’innovation entre Midi-Pyrénées et toutes les autres grandes régions de laine cardée, s’observe aussi dans le tissage. À la fin des années 1950, le Tarn et l’Ariège possèdent le plus mauvais rapport entre métiers non automatiques et métiers automatiques. Alors que dans les années 1950, les métiers automatiques restaient majoritaires dans toutes les régions françaises, dans les années 1960, les plus importantes adoptent toutes le métier automatique, à l’exception de Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées. Vienne est en pleine crise et Midi-Pyrénées, bien qu’en croissance, reste la grande région du cardé où les métiers non automatiques sont employés dans la proportion la plus forte. La structure change brutalement dans la première moitié des années 1970, avec l’apparition du métier à tisser sans navettes. Nord-Pas-de-Calais est toujours en tête de l’innovation ; les autres grandes régions suivent, et cette fois, Midi-Pyrénées est la seconde. Mais sa structure productive reste duale car elle conserve, à côté des métiers ultramodernes, le plus grand nombre de métiers à tisser non automatiques. Loin de représenter un archaïsme de l’organisation productive, cela révèle la persistance d’un nombre important d’artisans façonniers dans le Tarn et l’Ariège. Dix ans plus tard, les façonniers ne se maintiennent plus que d’une manière marginale. Les métiers sans navettes dominent presque sans partage. Midi-Pyrénées a dorénavant le parc en machines à tisser le plus nombreux et le plus moderne. Jusqu’aux années 1990, elle est aussi la seule région française à continuer d’accroître son potentiel de tissage : au milieu des années 1980, elle possède déjà près de 1 200 métiers ; en 1994 elle en compte environ 2 000.
21La croissance des investissements liée, en grande partie, aux efforts de la modernisation de l’appareil de production, ont permis une augmentation sensible de la productivité. Mais la substitution des nouveaux outils et matériels s’est faite dans un contexte de faible croissance globale puis de récession de la production. Aussi les effectifs de la branche lainière ont-ils régressé dès la phase de faible augmentation pour s’effondrer ensuite du fait de la crise. Dans le tissage d’habillement, où la tendance est à la stagnation à partir des années 1950, les effectifs sont en chute en raison d’une croissance toujours plus forte des gains de productivité. Dans la filature cardée en constante perte de vitesse, la chute des effectifs est relativement moins marquée que dans la filature peignée ou dans le tissage, malgré les gains de productivité obtenus. Au-delà du paradoxe, il faut considérer les spécificités de cette opération qui nécessite une plus grande surveillance et un plus grand savoir-faire que dans le peigné et qui exige le maintien d’effectifs supérieurs à ceux nécessaires aux autres opérations. La situation est assez semblable et les explications de même nature pour les métiers de l’ennoblissement. Teinturiers et apprêteurs voient leurs effectifs baisser selon une pente sensiblement identique à celle de la filature cardée. Midi-Pyrénées qui a développé un fort secteur de l’ennoblissement et su conserver, dans un premier temps, une importante filature cardée, a connu une récession de la main-d’œuvre moins marquée que dans les autres grandes régions de production. Dans les années 1990, la poursuite de la rationalisation de la production, passant par l’achat d’équipements toujours plus modernes et automatisés ainsi que par l’externalisation de la filature, se sont cependant traduits par un effondrement des effectifs de l’industrie lainière dans le Tarn et l’Ariège.
Processus de concentration et permanence de l’interrelation des entreprises
22Entre la fin du xixe siècle et les années 1950, le développement du Pays d’Olmes a reposé sur un émiettement important des entreprises dominé par un ensemble formé par des structures spécialisées. Le nombre des intégrés est toujours resté faible et l’évolution s’est réalisée par le glissement de quelques spécialisés vers la semi-intégration alors que la majorité se transformait en façonniers. Dans ce système, les petits trouvaient leur place comme donneurs d’ordres, avec les fabricants en chambre, ou comme façonniers, avec les artisans du tissage. Bien que le textile du Pays d’Olmes reste en croissance jusqu’au milieu des années 1980, une série de crises redoutables ont conduit le territoire industriel à de profondes réformes de structure et bouleversé l’organisation ancienne et les relations entre les entreprises.
La fin des artisans façonniers
23La première mutation d’envergure porte sur une quasi-disparition en une trentaine d’années des artisans façonniers du tissage. Dès les années 1950, leur nombre ne cesse de se réduire. Équipés presque uniquement de métiers à tisser non automatiques, ils diminuent au rythme de celui des métiers à la technologie la plus ancienne qui passent de 2 272 en 1958, à 1 082 en 1971, puis à 457 en 1976.
24Bien que donnant l’image d’une diminution très sensible des effectifs, Midi-Pyrénées offre aussi celle d’un résistible déclin de la structure artisanale. Alors que la branche lainière française entre dans une profonde crise à partir de 1974, on hésite à en parler pour le Pays d’Olmes. La disparition d’un certain nombre d’entreprises y est compensée par la croissance des grands groupes spécialisés dans des créneaux de production porteurs, au moins jusqu’en 1984.
25En effet, si Fonquernie, un des deux principaux intégrés de Laroque disparaît en 1980 et si Dumons, principale entreprise spécialisée dans le cardé d’habillement à Lavelanet, ferme ses portes en 1981, le nombre d’emplois s’accroît grâce à la montée en puissance de Roudière à Lavelanet et de Michel Thierry à Laroque. Car, avec l’adoption du tissage peigné chez Roudière, le Pays d’Olmes connaît une croissance remarquable entre les années 1960 et le début des années 1970. C’est ensuite le développement des tissus techniques, en particulier pour l’automobile – essentiellement chez Michel Thierry – qui permet au territoire industriel de poursuivre son expansion à partir du milieu des années 198022.
26Mais la réforme de structure se poursuit dans l’organisation des entreprises et les artisans façonniers du tissage disparaissent presque totalement : on ne trouve plus que 72 métiers non automatiques en 1984. Entre 1970 et la première moitié des années 1980, la structure des entreprises et la nature de leurs relations ont été profondément modifiées. Le nombre des petits façonniers est devenu marginal, les grands groupes ont accru leurs effectifs. La croissance du salariat a accompagné la diminution de l’artisanat.
Vers la fin des forfaitiers
27La crise, sensible à partir de 1985 environ en Pays d’Olmes, a accru le phénomène. Profitant de la production en grandes séries, les groupes accroissent leur puissance grâce à l’obtention de gros contrats, alors que les tisseurs de taille moyenne ne progressent pas. Cela a pour effet, dans un premier temps, de transformer les petits fabricants en sous-traitants des groupes. Cela représente une mutation sensible dans le mode de relation entre les entreprises.
28Jusqu’alors, le système reposait essentiellement sur une sous-traitance de spécialité, la sous-traitance de capacité restant limitée. Dans un second temps, l’évolution du marché renforce le processus de concentration et donc les effets pervers déjà soulignés de la diminution du nombre de donneurs d’ordres par disparition des fabricants forfaitiers. Au milieu des années 1980, le groupe Michel Thierry reprend diverses sociétés textiles et dispose de onze usines en Pays d’Olmes23. Le processus est le même du côté de Roudière qui s’agrandit par fusion ou absorption de sociétés locales, au point d’atteindre 2 500 salariés en 1987. Le Pays d’Olmes est alors dominé par trois grands groupes. En 1989, ils contrôlent 83 % des emplois : Roudière (1 650), Thierry (710) et SOTAP-Carol (230)24.
29Le rachat de Roudière par le groupe Chargeurs ne modifie pas le processus engagé depuis deux décennies environ ; il l’accroît au contraire. Société familiale à l’origine, l’entreprise André Roudière était passée sous le contrôle de Révillon en 1976 puis de la Compagnie financière de Matignon en 1983. En 1987, c’est le groupe dirigé par Jérôme Seydoux qui en prend le contrôle dans le souci de devenir un des tout premiers au monde dans le domaine du tissu peigné. Le groupe Chargeurs restructure la société Roudière en créant quatre sociétés indépendantes : Roudière SA, Avelana, Brantome, et FTL (Filature et teinture de Lavelanet). En 1992, il crée TCS (Tissage Central Sud) et ferme Brantome25.
L’ouverture sur l’extérieur : la fin du territoire ?
30Le processus de concentration s’accompagne d’une plus grande ouverture du territoire industriel sur l’extérieur. Ainsi, la concentration n’empêche pas la sous-traitance de continuer d’occuper une part très importante, puisqu’elle porte sur 45 % du tissage et 60 % de la filature chez Roudière et concerne aussi bien les sociétés du territoire industriel que celles des autres régions lainières. Le tissage n’est sous-traité que pour un tiers en Pays d’Olmes contre deux tiers ailleurs en France26.
31Le processus qui a débuté en France à la fin des années 1970 permet d’introduire de la flexibilité externe pour pallier les contradictions de l’intégration, tout en essayant d’en garder les avantages. Il se fonde sur le recours à la sous-traitance et aux marchés de produits à tous les stades de la transformation dans le cadre d’une véritable coopération entre les acteurs, ce qui est nouveau27.
32Cette évolution des entreprises intégrées à forte ouverture externe n’est pas sans effet sur la structure des entreprises au niveau local. La création par les sociétés dépendantes du groupe Chargeurs de leur propre réseau de sous-traitants aggrave, en effet, la régression du nombre de spécialisés. Alors que l’on comptait encore une soixantaine de fabricants dans les années 1970 dans le territoire industriel, à la fin du xxe siècle, un seul subsiste, Laffont. Les entreprises de préparation de la laine et les filatures sont aussi menacées par le développement d’un véritable réseau mondial. Ainsi, Chargeurs Wool, leader mondial dans son métier, spécialisé dans le top making qui consiste à concevoir les mélanges de qualités de laine les mieux adaptés aux besoins de ses clients filateurs et à les transformer en peignés de laine, délocalise massivement son activité28.
33Les grands groupes ne sont pas pour autant seuls responsables de la situation. Les forfaitiers eux-mêmes chargent à l’extérieur du territoire, en France et à l’étranger. Bien que réticents par le passé au recours à la sous-traitance, les fluctuations importantes d’activité ont conduit la plupart d’entre eux à limiter la capacité de production, ou encore à séparer la fonction commerciale et la fonction industrielle, favorisant parallèlement le développement de la sous-traitance. Les forfaitiers du Pays d’Olmes chargent alors leurs homologues comme des façonniers du Nord-Pas-de-Calais, voire des fabricants étrangers, de Prato en particulier29. En même temps, le territoire, qui a acquis un grand savoir-faire en matière d’ennoblissement, s’ouvre largement comme prestataire au niveau national. Ainsi SOTAP-Carol travaille majoritairement pour l’extérieur du Pays d’Olmes, les deux autres grands groupes intégrant au maximum l’ennoblissement devenu un enjeu clef d’innovation et de qualité. Cela n’empêche pas Avelana, bien qu’appartenant au groupe Chargeurs, d’intervenir comme entreprise façonnière pour d’autres grandes entreprises, occupant ainsi une place majeure au niveau national30.
34N’assiste-t-on pas alors à la disparition du territoire ? La recherche-développement, le recrutement des spécialistes, l’intégration de l’entreprise dans le tissu économique et social semblent pouvoir, en ce début du xxie siècle, se passer des « économie externes » car la codification des savoirs et la formalisation des relations provoquent le désencastrement31. Si le textile conserve indéniablement un avenir au sein de l’industrie française, il n’est pas sûr que cela soit dans le cadre de systèmes productifs localisés.
35Au tournant des xixe et xxe siècles, le Midi reste une zone secondaire de production textile. Son dynamisme est peu perceptible, compte tenu des difficultés rencontrées par Castres et Mazamet. On a pu voir que le début du xxe siècle représente une forte phase de développement, accentué par la Première Guerre mondiale. Le retour à la paix n’enraye pas la croissance dans le Midi pyrénéen, au contraire. Le fait marquant est la poursuite du processus au cours des années 1930 ; mais le défaut de sources statistiques rend difficile sa mise en lumière. Le second conflit mondial marque un coup d’arrêt mais la reprise est plus forte et plus rapide qu’ailleurs. Aussi, Le Pays d’Olmes et le Tarn se positionnent-ils en tête de la production française du cardé. Les crises des années 1950 et 1960 qui affectent profondément les territoires industriels accentuent le phénomène. Dans les années 1970, Midi-Pyrénées se hisse ainsi à la première place du tissage d’habillement de la laine, cardé et peigné confondus. Innovant dans les mélanges associant synthétique et laine, développant les gammes de tissus techniques, adoptant le peigné dans les étoffes destinées à la confection masculine, sachant se maintenir sur les marchés de niches dans les gammes moyennes comme dans le demi-luxe et le luxe haute couture, le Tarn et l’Ariège négocient avec profit la tendance à l’allègement et à la simplification de la garde-robe et au progrès des vêtements de sport et de loisir.
36Alors que la crise frappe durement tous les grands centres, ceux de l’Ariège et du Tarn poursuivent leur croissance jusqu’au milieu des années 1980. La crise qui les affecte ensuite ne remet pas en cause leur existence mais les pousse à des fortes restructurations. Ces dernières sont d’abord centrées sur l’adaptation de l’offre dans l’habillement et les tissus techniques et sur une recherche accrue des gains de productivité qui passe par l’achat de matériels performants. Cela modifie en profondeur les pratiques traditionnelles qui jusqu’alors fondaient le développement sur l’adoption décalée des innovations mécaniques. Elle favorise l’accélération de la concentration industrielle par l’absorption des entreprises spécialisées et la disparition des artisans dans le tissage. La domination des grands groupes devient alors presque totale en Pays d’Olmes et, dans le Tarn, si les PME restent les plus nombreuses, elles subissent aussi les effets de domination des grandes entreprises ariégeoises. La force des territoires de la laine qui avait reposé sur la forte démographie les petites structures spécialisées et les artisans, s’en trouve menacée. Car les « économies externes » sont en diminution. Les grands donneurs d’ordres chargent de plus en plus à l’extérieur du territoire (en France et à l’étranger) et la grande entreprise d’ennoblissement travaille d’abord pour les entreprises du Nord de la France. Parallèlement les institutions sont de plus en plus présentes et jouent un rôle inconnu auparavant. Aussi, si l’on assiste bien à des phénomènes de désencastrement qui laissent penser à la disparition prochaine des territoires, l’implication des autorités de régulation procède bien d’un processus d’encastrement.
Notes de bas de page
1 P. Despature, L’industrie lainière. Son organisation productive nationale et internationale. Le Comité central de la laine. La Fédération lainière internationale, Paris-Abbeville, Imprimerie F. Paillart, 1935, p. 121.
2 Son histoire reste encore mal connue. Alors qu’ailleurs des historiens se sont intéressés aux « années noires » (Voir ce que nous en dit Jean-Claude Daumas dans l’introduction de : C. Chevandier et J.-C. Daumas (ed.), Travailler dans les entreprises sous l’Occupation, Actes du Ve colloque du GDR du CNRS « Les entreprises françaises sous l’Occupation », Dijon, 8 et 9 juin 2006, Besançon, 12 et 13 octobre 2006, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, p. 11-16), force est de constater l’absence d’études approfondies sur le sujet pour le Midi Pyrénéen.
3 O. Dard, J.-C. Daumas et F. Marcot (dir.), L’occupation, l’État français et les entreprises, Actes du colloque organisé par l’Université de Franche-Comté (Laboratoire des sciences historiques) et le Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon, Besançon, 24, 25 et 26 mars 1999, Paris, ADHE, 2000 ; D. Barjot et H. Rousso (ed.), Stratégies industrielles sous l’Occupation, numéro spécial de Histoire, Économie et Société, no 4, 1992.
4 A. Lévy, « D’une guerre à l’autre (1920-1945) », in R. Cazals (dir.), Histoire de Castres, Mazamet, la montagne, Toulouse, Privat, 1992, p. 266.
5 Les années 1920 et 1930 avaient représenté une phase de fort développement industriel. Les effectifs ouvriers étaient passés de 2 000 ouvriers en 1923 à 2 500 en 1929. La Dépression des années 1930 n’enrayait pas le développement puisque le nombre atteignait 3 000 en 1939, cf. M. Tanière, « La région industrielle de Lavelanet. Notes de géographie sociale », in Revue de géographie des Pyrénées et du Sud-Ouest, tome XXV, 1, 1954, p. 61.
6 Pour l’analyse des crises voir Comité central de la laine et de l’industrie lainière, Assemblée générale du Comité central de la laine et de l’industrie lainière, 19 juin 1974, Industrie lainière française, no spécial, juillet 1974, p. 7-16. Pour la période qui court de 1945 et 1960 on s’appuiera, en outre, sur E. Schmill, Évolution des structures de l’industrie lainière en France (1945-1960). Essai d’analyse économique d’une branche industrielle, Paris, Cujas, 1964, p. 36-43.
7 Le terme employé ici, avant création de la région administrative, est emprunté à la désignation des régions lainières par le Comité central de la laine.
8 M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, Paris, M.-Th. Génin, 1956, reprint, Tarascon-sur-Ariège, Resonances, 1980, p. 936.
9 J. Caballero, La crise de l’industrie textile dans le département de l’Isère, Grenoble, Études du Centre Départemental de Documentation du Travail, 1968, p. 13-15.
10 Comité central de la laine et de l’industrie lainière, Assemblée générale du Comité central de la laine et de l’industrie lainière, 19 juin 1974, Industrie lainière française, no spécial, juillet 1974, p. 7.
11 Sources de la Fédération des industries textiles du Sud citées par F. Taulelle, Les territoires en difficultés face aux politiques régionales d’aménagement, Thèse de doctorat (NR) en géographie et aménagement, Université de Toulouse II-Le Mirail, 1996, p. 60.
12 Cela ne signifie pas effondrement de la production de tissus en laine.
13 Paragraphe rédigé à partir des travaux de Jean-Claude Daumas (J.-C. Daumas, L’amour du drap. Blin et Blin, 1827-1975. Histoire d’une entreprise lainière familiale, Besançon, Presses universitaires Franc-comtoises, 1999, p. 439-440 et J.-C. Daumas, « L’industrie lainière en France : un siècle de mutations (1870-1973) », in Matériaux pour l’histoire de notre temps, juillet-sept. 1997, no 47, p. 14-20).
14 Comité central de la laine et des fibres associées, Assemblée générale du Comité central de la laine et des fibres associées, 14 juin 1988, Industrie lainière française, no spécial, s. d., p. 27.
15 M. Battiau, Les industries textiles de la région Nord-Pas-de-Calais : étude d’une concentration géographique d’entreprises et sa remise en cause, Lille, ART Lille III, 1976, p. 644 ; F. Taulelle, Les territoires en difficultés face aux politiques régionales d’aménagement, op. cit., p. 59.
16 De 1,5 % par an, les taux de croissance se situent entre 3 et 5 % par an dans les années 1990, cf. Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, L’industrie française du textile, Paris, SESSI (Service des Études et des Statistiques industrielles), 2000, p. 3 (désormais : SESSI, L’industrie française du textile).
17 Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, Chiffres-clés de l’industrie textile/habillement 1999, 1999 (d’après les rapports annuels d’entreprises).
18 SESSI, L’industrie française du textile, op. cit,. p. 10.
19 « Textile, habillement, cuir. Perspectives sectorielles 2002-2004 », Les prévisions du Bipe, 1999.
20 J.-C. Daumas, Les territoires de la laine. Histoire de l’industrie lainière en France au xixe siècle, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2004, p. 33-35 et p. 139-141.
21 W. Rey, L’économie de la laine, Verviers, Vinche, 1943, p. 158 et p. 57 et sq.
22 SESSI, L’industrie française du textile, op. cit., p. 3.
23 M. Daynac, « Restructuration d’un groupe et reconversion d’un pôle industriel : le cas de Lavelanet », in C. Dupuy et J.-P. Gilly (dir.), L’industrie de Midi-Pyrénées : entre tradition et modernité, Toulouse, Presses de l’Université des sciences sociales de Toulouse, 1994, p. 172.
24 F. Taulelle, Les territoires en difficultés face aux politiques régionales d’aménagement, op. cit., p. 62.
25 M. Daynac, « Restructuration d’un groupe et reconversion d’un pôle industriel : le cas de Lavelanet », loc. cit., p. 170-173.
26 F. Taulelle, Les territoires en difficultés face aux politiques régionales d’aménagement, op. cit., p. 61-62.
27 J.-L. Syssau, La sous-traitance dans l’industrie lainière, Thèse de doctorat d’État es sciences de gestion de l’université de Lille I, 3 tomes, s. l., s. n., 1985, p. 1 375-1 377.
28 D’après les rapports présentés aux assemblées générales de Chargeurs Wool.
29 J.-L. Syssau, La sous-traitance dans l’industrie lainière, op. cit., p. 1387-1390 et p. 1404.
30 SESSI, L’industrie française du textile, op. cit. et Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, L’industrie française du textile. Les chiffres de l’industrie française, Paris, SESSI, 2004.
31 A. Mendez, « Les effets de la mondialisation sur l’organisation et la compétitivité des districts industriels », in Revue internationale sur le travail et la société, 3, octobre 2005, p. 756-786.
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