Franz Boas, l’anthropologie allemande et son transfert aux États-Unis
p. 211-224
Texte intégral
1Au centre du présent ouvrage, il y a la question de l’héritage des frères Humboldt et de l’idée de diversité culturelle, qui fait l’objet de la psychologie des peuples, de l’ethnologie et de l’anthropologie dans le Berlin des années 1860 à 1890. Ces trente années constituent le nœud d’une évolution qui commence à l’époque des frères Humboldt et, se poursuivant au-delà des années 1890, conduit jusqu’aux générations du début du xxe siècle. Ce laps de temps se constitue en fondement de la recherche anthropologique en Allemagne.
2Comme tous les phénomènes sociaux s’inscrivant dans une tradition, la science ne peut être comprise que dans un continuum d’expériences et d’exigences humaines spécifiques. Elle est liée à une époque, et on ne peut se la représenter en dehors d’une évolution. Elle a aussi un enracinement spatial et ne peut exister sans fonctions qui interagissent. Diachronie et synchronie forment ainsi un système de coordonnées où se laissent situer l’évolution et les fonctions de l’activité scientifique. L’histoire et la fonction des sciences dépendent, dans les pays les plus significatifs à cet égard, de traditions intellectuelles différentes, qui acceptent les innovations de façon non moins distincte. Ces traditions intellectuelles ont suscité depuis la fin du xixe siècle bien des développements dans les sciences humaines avec des diversifications de style de pensée dans les principaux pays d’Europe occidentale et orientale ou d’Amérique du Nord. L’unité de l’anthropologie, née de la théologie et d’abord supportée par la philosophie, s’en trouva dissoute à mesure qu’augmentaient les connaissances empiriques. Les disciplines qui devaient marquer le xxe siècle naquirent alors1.
3De cette évolution résulta aussi, dans une phase tardive, l’ethnologie comme science autonome. Auparavant elle n’était dans les universités qu’une adjonction à d’autres disciplines, en particulier à la géographie, à l’histoire et à l’anthropologie physique, et les ethnologues se formaient dans d’autres domaines, surtout en médecine, en droit et en sciences naturelles. Grâce à des contributions décisives à l’autonomie empirique et conceptuelle de la discipline, celle-ci put, à mesure que ses représentants acquéraient des positions universitaires, aboutir à un contenu d’enseignement. Participèrent à la fondation de l’ethnologie2 des personnalités aussi différentes que le juriste et historien de l’Antiquité Johann Jakob Bachofen, le juriste Lewis Henry Morgan, le médecin Adolf Bastian, le sociologue Emile Durkheim et le spécialiste de géographie physique Franz Boas.
4Je me concentre ici sur la formation, l’œuvre, le développement et le rayonnement de Franz Boas. Il a été formé en Allemagne, y a passé une thèse de physique, a fait des recherches de terrain en géographie et a obtenu une habilitation sur la base de ces travaux. Tant qu’il vivait en Allemagne, Franz Boas ne connut pas de succès particulier. Durant la période entre sa première thèse et son habilitation, il fut de plus en plus confronté à des difficultés, notamment à l’antisémitisme politique agressif qui se développait à l’époque. Après de longues hésitations, il alla finalement aux États-Unis. Là-bas, après des débuts difficiles et des tentatives répétées, il s’imposa et devint un savant capable de déterminer les orientations et de marquer le progrès de l’ethnologie. Ce qu’il a enseigné, découvert et réalisé dans sa nouvelle patrie se situe dans la tradition scientifique allemande, essentiellement celle des frères Humboldt.
5Renonçant aux démonstrations empiriques et à l’exhaustivité bibliographique, je me contenterai ici de dessiner des évolutions et de réunir des points de détail en un puzzle d’indices. Les principales questions auxquelles celui-ci tente de répondre sont les suivantes : Qu’est-ce qui constitue la compréhension de la science et de sa discipline propre à Franz Boas ? D’où vient son succès aux États-Unis : de son extraordinaire compétence ou du côté rétrograde de la discipline ethnologique aux États-Unis ? Peut-on le considérer comme héritier des frères Humboldt ? Sur qui et sur quoi a-t-il eu de l’influence avec cet héritage ? Qu’a-t-il transformé, une fois établi aux États-Unis, dans les disciplines anthropologiques qui étaient les siennes ? S’agit-il d’un transfert vers les États-Unis d’une tradition allemande de recherche scientifique ?
JALONS ET PERSPECTIVES DE L’ANTHROPOLOGIE ALLEMANDE
6L’anthropologie de langue allemande à l’époque moderne s’intègre dans une évolution européenne qui a marqué aussi les États-Unis. Ce qu’a produit l’individualisme allemand n’eut pas les mêmes effets sur le plan intellectuel et social que le rationalisme français et l’empirisme anglais. Ce n’est que Franz Boas et ses successeurs aux États-Unis qui purent largement l’émanciper de tous de ses liens avec la société allemande et des blocages que ces derniers impliquaient.
7Si l’on considère les grandes lignes de développement de l’anthropologie, on peut essentiellement distinguer avec Wilhelm Mühlmann (1948) trois phases principales de constitution empirique à l’époque moderne : a) la situation et l’incidence de l’anthropologie à l’époque des découvertes, b) l’établissement de la discipline et le développement jusqu’à l’époque moderne et c) la naissance et l’institutionnalisation de disciplines singulières à l’époque moderne3. La première phase, qui initie l’histoire de la discipline par des récits de voyage et des réflexions philosophiques, est pour l’essentiel un moment des traditions anglaise et française. Ce qui s’est passé dans ce cadre a influé sur la situation allemande, notamment sur Kant, Herder et les Forster et a marqué les phases suivantes. De la sorte s’est constituée la contribution allemande, notamment grâce à Guillaume et Alexandre de Humboldt, à leurs successeurs et aux représentants de l’école romantique et historique. Avec les deux dernières phases, on aborde en général, et tout particulièrement dans l’espace germanophone, une histoire qui va de réflexions exclusivement ou principalement philosophiques jusqu’à l’analyse de la réalité empirique humaine, en passant par une étude de la situation spécifique de l’homme. Au milieu, il y a des phases mêlées d’approche croissante de la réalité humaine, qui s’est de plus en plus scindée en deux dimensions scientifiquement distinctes.
8Cette scission atteignait ses premiers sommets à l’époque où Franz Boas entamait ses recherches dans différents secteurs scientifiques. Deux de ses premiers articles montrent combien il orientait sa conception de la science vers cette division et opposait la recherche physique à la recherche historique. La première perspective vise à comprendre les phénomènes empiriques comme l’exemplification de lois, la seconde en revanche vise à appréhender et à considérer les phénomènes empiriques dans leur particularité. Dans la distinction établie par Franz Boas se cristallise l’influence d’une tradition scientifique dans laquelle, depuis la seconde moitié du xviiie siècle, on oppose des sciences de la nature, c’est-à-dire des sciences obéissant à des lois, et des sciences historiques ou sciences de l’esprit4. C’est le fil rouge ancré dans la société qui, dans la recherche et dans l’administration qui la prend en charge, traverse toute la tradition allemande et contraste en particulier avec les traditions française et britannique.
9La distinction de plus en plus nécessaire et empiriquement éprouvée entre les deux modes d’approche de la recherche et de la réalité se résume au début et au milieu du xixe siècle dans l’œuvre des frères Humboldt. La recherche de Guillaume de Humboldt incarnait les sciences de l’esprit et les sciences historiques, la recherche de son frère Alexandre représentait les sciences naturelles fondées sur des lois. Tous deux se révélèrent comme les représentants les plus marquants de la tradition scientifique individualiste.
10Leur individualisme est pour l’essentiel l’expression de leur situation sociale qui permettait et exigeait qu’ils se retirent entièrement sur eux-mêmes. Guillaume de Humboldt était un érudit autonome et, tout à fait indépendamment de cela, un administrateur au service de la Prusse qui, pendant l’exercice de cette activité et plus encore par la suite, pouvait faire ce qu’il voulait. Alexandre de Humboldt aussi était un savant indépendant, financièrement autonome comme le montrent ses longs voyages à l’étranger, et il pouvait de même faire ce qu’il voulait. Si Guillaume de Humboldt posa les orientations de plusieurs disciplines des sciences humaines, principalement la linguistique, la recherche historique et la psychologie des peuples, Alexandre de Humboldt était sans nul doute le principal représentant à son époque des sciences de la nature. Ses recherches se concentrèrent sur des voyages d’exploration, sur la géographie et l’histoire naturelle. Grâce à ses réalisations, il eut une grande influence sur ses contemporains et sur les générations ultérieures, comme par exemple sur Charles Darwin.
11La préhistoire et l’arrière-plan de la recherche représentée par les frères Humboldt est le débat allemand avec les Lumières françaises. Ce débat fut préparé au xviiie siècle principalement par Johann Georg Hamann, Immanuel Kant, Johann Gottfried Herder, Moses Mendelssohn, Gotthold Ephraim Lessing et Christian Wolff. Au fond, c’est par eux que s’est constituée l’opposition allemande aux Lumières, qui a complètement rejeté les lois universelles postulées par les Lumières. Avec la philosophie idéaliste et individualiste du xviiie et du début du xixe siècle s’étaient constituées des lignes générales de compréhension de la réalité et de la science qui se distinguaient nettement des traditions intellectuelles française et britannique. L’effort des générations suivantes pour approcher une réalité empirique qui s’imposait de plus en plus au xixe siècle était marqué par cette tradition de pensée, et devait adhérer à ce que ses lignes générales autorisaient ou exigeaient.
12Le début de cette transformation que rien ne pouvait arrêter fut engagé principalement par Guillaume et Alexandre de Humboldt, qui s’efforçaient de traduire empiriquement ce qui, étant donné les lignes directrices de leur tradition intellectuelle, leur apparaissait comme des objets d’investigations importants dans leur propre environnement vital, dans d’autres sociétés et dans le contexte universel5. La transformation qui s’ensuivit apparut sur le moment, et plus tard, encore comme un problème de génération. Ce que Guillaume de Humboldt postulait à propos de l’implication des différences de sexe dans une théorie générale de la culture suscitait un rejet de la part de Kant. Il s’engagea sur de nouvelles voies en caractérisant le monde du xviiie siècle et en dressant le plan d’une anthropologie comparée qui associait l’idéal herdérien d’humanité avec son propre idéal de la Bildung. Comme Herder, il voyait l’essence de l’humanité ancrée dans l’individualité de l’homme et dans les variations correspondantes du caractère national.
13Du point de vue de la méthode, Guillaume de Humboldt a intégré avec sa conception comparative des traits fondamentaux des recherches aussi bien historiques et philosophiques que scientifiques. Dans le cadre de sa tradition intellectuelle, il voulait d’une part aborder l’immanence et la transcendance de ses objets d’analyse, et d’autre part développer des principes philosophiques généraux qui devaient situer la recherche au-delà des vagues allusions de Herder et des spéculations abstraites de Kant sur une base empirique solide.
14Avec son anthropologie, Guillaume de Humboldt voulait appréhender les régularités de la culture et de la société dans leurs nombreuses variétés. Toutefois, il ne suivait pas la méthode déductive des sciences naturelles, mais voulait fonder par voie historique inductive toutes ses propositions et tous ses raisonnements sur des données factuelles. De la sorte, il exerça une influence notable sur l’historiographie et la psychologie des peuples du xixe siècle et marqua également par ce biais l’œuvre de Franz Boas.
15Au-delà de son anthropologie, Guillaume de Humboldt a posé des jalons dans l’exploration comparée des langues indo-européennes. Les principes qu’il poursuit dans l’étude des langues correspondent, sur tous les points essentiels, à ce qu’il a cherché à atteindre avec son plan d’une anthropologie empirique comparée. Au premier plan de ses intérêts, il y avait aussi le fondement empirique des langues et un accès à la réalité perceptible, libre de spéculations introspectives. Outre les langues indoeuropéennes, Guillaume de Humboldt a étudié l’hébreu, le basque et les langues indiennes, pour autant que des données empiriques aient été à sa disposition. Puis il a découvert le Kawi, une langue écrite traditionnelle de Java, et il l’a analysée elle-aussi en suivant ses principes linguistiques dans de vastes comparaisons synchroniques avec d’autres langues d’Indonésie, d’Asie du Sud-Est et de Polynésie. Dans la linguistique contemporaine, telle qu’il la rencontrait notamment dans le Mithridate de Johann Christoph Adelung, il avait constaté de graves lacunes empiriques et formelles. Pour les dépasser, il développa une conception analytique qui devait appréhender les caractéristiques structurales et les relations synchroniques des langues. En même temps, il exige que chaque langue soit examinée selon sa propre cohésion interne. De la sorte, il anticipa de cent ans sur les fondements de la linguistique structurale. Aussi pionnière que soit la perspective synchronique de Humboldt pour la linguistique, qui est ainsi devenue au xxe siècle la discipline anthropologique la plus efficace, les linguistes allemands n’en refusèrent pas moins d’accepter ses idées. Pour eux, il s’agissait de reconstruire de façon diachronique les langues indo-européennes et donc pour l’essentiel d’une question historique. Franz Bopp, par exemple, appréciait beaucoup la perspective de Humboldt, mais n’utilisa sa recherche sur le Kawi que pour analyser des formes linguistiques primitives.
16Guillaume de Humboldt rencontra d’abord un plus grand succès en psychologie des peuples qu’en linguistique. La psychologie des peuples est fondée sur la supposition selon laquelle, en apprenant une langue, on s’approprie la vision du monde qu’elle renferme. Cette perspective s’est développée dans les recherches d’Heymann Steinthal et de Moritz Lazarus. Steinthal avait en outre pris à son compte la conception humboldtienne de la recherche linguistique et a ainsi donné à ses recherches sur la psychologie des peuples une dimension fortement linguistique.
17Les investigations scientifiques d’Alexandre de Humboldt furent largement déterminées par la même tradition intellectuelle allemande. Compétent et expérimenté, en particulier en géologie, en minéralogie, en météorologie, en anatomie, en botanique et en chimie, il s’occupait avant tout de l’exploration du nouveau monde et de la publication des connaissances qu’il y avait acquises en matière d’histoire naturelle. Il exerça une influence directe sur la géographie de Carl Ritter, importante pour Boas, et sur l’anthropogéographie de Friedrich Ratzel. Ce que Guillaume de Humboldt réalisa en linguistique et dans les sciences de la culture, son frère Alexandre le fit dans les sciences naturelles6. De même que Guillaume essaya de prouver de manière empirique l’unité de la langue et de la culture en examinant leur diversité, Alexandre explora la diversité de la nature et voulut atteindre son principe d’unité. Sa cosmographie, ainsi fondée, se distingue du point de vue de la conception et des méthodes du positivisme dominant, par exemple de celui d’Auguste Comte et de John Stuart Mill. Alexandre de Humboldt voulait, comme il le démontre dans son Kosmos, non seulement réduire les phénomènes empiriques essentiels de la nature à un petit nombre de règles abstraites, mais encore reconstruire les régularités et les processus naturels, pour autant qu’ils puissent être appréhendés de façon inductive. Sa méthode dans le domaine de l’histoire naturelle se révèle comme le pendant orienté vers la nature de la méthode historico-herméneutique employée par son frère Guillaume dans le domaine de la culture, de l’histoire et de la langue.
LES DÉBUTS DE FRANZ BOAS
18Né le 9 juillet 1858 à Minden en Westphalie, Franz Boas grandit dans une atmosphère très ouverte qui le marqua durablement. Ses ancêtres, membres de familles juives de notables, avaient obtenu une certaine reconnaissance sociale. Son père Meyer Boas était un riche marchand de textile. Sa mère Sophie, née Meyer, incarnait un cercle qui, notamment à travers l’ami de la famille Abraham Jacobi, avait été influencé par les réformes sociales et l’élan intellectuel de la révolution de 1848-1851. Par leurs biens, leurs intérêts et leurs ambitions, les parents appartenaient à une classe moyenne caractérisée par son ouverture d’esprit et avide de prestige. À cela s’ajoutait une vigilance intellectuellement stimulante, marquée, jusque dans l’assimilation bourgeoise, par la foi juive. Par sa position politique libérale, sa mère donna à cette atmosphère un poids particulier. L’évolution de Boas7 s’opère à une époque d’intégration sociale et politique progressive du judaïsme allemand qui abandonnait des traits essentiels de son orthodoxie religieuse, conservée auparavant dans les conditions du ghetto, et obtint ainsi pour sa religion le statut social des confessions chrétiennes. La culture, c’est-à-dire la formation personnelle, devint pour les Juifs aussi l’étalon de leur existence de citoyens. Ainsi s’accomplit sur le plan social, Minden en est un exemple, ce qui était depuis longtemps atteint sur le plan économique.
19Franz était le second et dernier fils vivant (un autre fils mourut l’année de sa naissance) et le troisième des cinq enfants du couple Meyer et Sophie Boas. Jusqu’à six ans, il fréquenta une école Fröbel à la fondation de laquelle sa mère avait participé. Comme il s’en souvenait encore l’âge venu, il développa une relation étroite à la nature et à l’environnement dès le jardin d’enfants, puis lors de séjours de cure dans des régions sensées favoriser la santé. Son intérêt pour les peuples étrangers et les pays lointains, surtout l’Afrique, l’Amérique et l’Arctique, fut éveillé par l’école et la lecture. Le Robinson Crusoé de Daniel Defoe lui avait laissé la plus profonde impression. Les contes des frères Grimm eurent aussi une grande influence sur sa sensibilité romantique.
20De l’école communale au lycée de Minden, ses centres d’intérêt passèrent de la flore à la faune. Il lut alors les écrits d’Alexandre de Humboldt et désira atteindre par l’étude le fondement même des choses. Au lycée, il apprit le grec, le latin et le français. En cultivant la littérature et l’histoire, il associait les ambitions scolaires à un engagement personnel. Dans sa formation et dans son acculturation au-delà du cercle familial, Boas fut ainsi marqué par le modèle alors dominant en Europe du lycée prussien, incarnation inchangée depuis 1815 de l’idéal de culture humaniste fondé principalement par Guillaume de Humboldt. Cet idéal recouvrit et intégra aussi la représentation juive du monde propre à sa famille. Si son caractère et sa personnalité furent d’abord difficiles à cerner, cela tenait à l’individualisme extrêmement instable que produit de façon générale l’idéal de la Bildung. C’est cette instabilité qui laissa ouverts les buts professionnels de Boas et le poussa en avant. Quittant le lycée de Minden en 1876, Boas disait dans son curriculum vitae conserver de sa jeunesse dans la maison familiale le souvenir d’une époque particulièrement heureuse.
21Son intérêt pour l’histoire culturelle des peuples8, en partie dû à la lecture de Johann Gottfried Herder, fut d’abord en retrait quand, à partir de 1877, il étudia à l’université de Heidelberg la chimie expérimentale mais aussi la géométrie analytique et les mathématiques. Ses goûts le conduisaient aussi dans les cours d’esthétique. Puis il choisit, non pas la physiologie qu’il préférait et qui prenait trop de temps, mais la physique, et décida de partir à Bonn après un seul semestre. Là, il s’inscrivit en chimie mais s’occupa principalement de physique mathématique. En outre, il suivit des séminaires dans des matières qui l’avaient déjà enthousiasmé comme lycéen : en botanique, en microscopie botanique, en géologie, en astronomie, et, au lieu de la zoologie, en anatomie comparée. Ses étroites relations avec le géographe Theobald Fischer qui l’initia à la géographie de l’Amérique et de l’Australie, à la recherche polaire et à ses conditions et possibilités particulières furent déterminantes pour lui. Comme les laboratoires de Bonn n’étaient pas à la hauteur de ses attentes, Boas préféra toutefois en 1879 quitter cette ville et, après que son projet d’étudier à Berlin chez Hermann Helmholtz ne put se réaliser pour des raisons privées, il se décida pour Kiel. Il y travailla dans les laboratoires de l’institut de physique, étudia les mathématiques, la biologie et la géographie, cette dernière discipline chez son ami Fischer, qui entre-temps enseignait à Kiel. En 1881, donc à 23 ans, il passa sa thèse à l’institut de physique de l’Université de Kiel avec un travail sur la couleur de l’eau. Très insatisfait du résultat de sa thèse, il se détourna de la physique et, sous l’influence du néo-kantien Benno Erdmann, se tourna de nouveau vers la psychophysique. Erdmann, inspiré par les travaux de ses mentors berlinois, le physicien et physiologiste Helmholtz, le linguiste et philosophe Heymann Steinthal, cofondateur de la psychologie des peuples, partait de l’idée que la perception sensible est une partie de la théorie de la connaissance et que la psychologie ne peut donc pas être séparée de la philosophie. Pour Boas, la confrontation avec ces nouveaux domaines du savoir ne fut toutefois qu’un nouvel intermède. Il abandonna ses recherches en physique et se tourna vers la géographie, s’occupant d’abord surtout d’isothermes.
22À côté de ses études, Boas profita largement de la vie étudiante. Toujours se manifestait son besoin d’intégration et de reconnaissance. Le piano était son activité de loisir préférée. À Bonn, dans la corporation Alemannia, il participa à des réunions bien arrosées, se battit au sabre et en retira les typiques cicatrices au visage. Pour une entorse au droit commise à Heidelberg, il dut passer quatre jours dans la prison des étudiants de Bonn. Entre-temps se formait la résistance à l’intégration sociale des Juifs. Adolf Stoecker, Wilhelm Marr, Heinrich von Treistchke et consorts exprimaient un antisémitisme agressif. La famille de Franz Boas en fut inquiète pour son fils, qui désormais se battait aussi, de façon bien dangereuse, contre des étudiants antisémites.
23Centrant de plus en plus ses recherches sur les relations entre l’homme et son environnement, Boas se rendit en 1882 à Berlin pour préparer une expédition qui devait lui permettre de mener des recherches empiriques chez les Esquimaux, un de ses rêves de jeunesse. Il entra en contact avec Johann Wilhelm Reiss, président de la Société de géographie de Berlin, fut introduit dans la Société berlinoise d’anthropologie, d’ethnologie et de préhistoire, fit la connaissance d’Adolf Bastian et de Rudolf Virchow et acquit des méthodes de travail en météorologie, en astronomie, en techniques du magnétisme, en cartographie, en topographie et en anthropométrie, indispensables à la réalisation d’une première expédition. À la même époque il fit la connaissance dans le Harz de Marie Krackowizer, qui, venue en visite de New York, y séjournait en compagnie de sa mère, de sa sœur et d’un oncle médecin, le docteur Jacobi. Il tomba amoureux de Marie et leurs liens se resserrèrent peu de temps après à Stuttgart. En pensant à la terre de Baffin il avait fait imprimer un drapeau allemand avec le nom de Marie, en qui il voyait la sainte patronne de son expédition, plaçant leur amour sous le signe de la puissance magique de Brunhilde.
24En 1883, Boas partit sur le navire Germania vers la terre de Baffin, soutenu financièrement par sa famille, l’oncle de Marie et des avances du journal Berliner Tagblatt pour une série d’articles relatant ses aventures. Sur l’île, il fit des recherches en géographie, en cartographie, en météorologie, en démographie (y compris en démographie des migrations) et en ethnographie, et il mesura les marées. De 1883 à 1885 il fit paraître trente-quatre publications, complétées les années suivantes, sur ses expériences et ses recherches, certaines d’entre elles en langue anglaise. Ici comme ailleurs l’intensité du travail de Boas et son aptitude à s’identifier avec son objet et avec les hommes se révélèrent déterminantes pour les résultats de ses recherches. Au contact des Esquimaux, lui-même et son compagnon Weike pratiquèrent des formes primitives d’observation participative. Ce fut son premier pas, pour ainsi dire une initiation, en matière d’ethnologie. Avec l’endurance qui lui était propre, il sut fournir les rudes efforts qu’imposait le séjour dans l’Arctique.
FRANZ BOAS ENTRE L’ALLEMAGNE ET LES ÉTATS-UNIS
25Après avoir terminé ses recherches sur l’Île de Baffin9, Boas séjourna de l’été 1884 à mars 1885 aux États-Unis, pour des vacances au bord du lac George, pour des visites familiales à New York et pour des raisons professionnelles à New York et à Washington. Il voulait publier aux États-Unis les résultats de ses recherches de terrain et était de plus en plus convaincu que son avenir était dans ce pays. D’abord il n’y éprouva pourtant que des déceptions et retourna en Allemagne. Il se sentait toutefois attiré par l’Amérique et repoussé par son propre pays. Pour cela il avait, en dehors de ses mauvaises expériences, des raisons politiques. Il appréciait la liberté aux États-Unis et cherchait à prendre de la distance par rapport aux contraintes qui régnaient dans sa patrie. Il observait le déclin du libéralisme allemand, entraîné par la politique de Bismarck, et était frappé par ses conséquences déjà sérieuses sur la tradition judéo-allemande. À Hambourg, il participa à un congrès de géographes et y parla de l’expédition sur l’Île de Baffin, dont il avait publié les résultats. À Berlin, il voulait obtenir l’habilitation, ce qu’il imposa en 1886 après quelques tiraillements et contre l’avis de Kiepert, professeur ordinaire de géographie à l’Université de la même ville. Dans la commission d’habilitation, il y avait notamment Wilhelm Dilthey, Theodor Mommsen et Hermann von Helmholtz. Son statut de Privatdozent l’obligeait à enseigner à l’Université sans être payé ni engagé.
26Animé par ses goûts, par le hasard et par l’occasion, le géographe Boas, qui attachait à cette discipline des intérêts de toute façon éclectiques, se transforma en ethnologue. Il travaillait à l’époque à une monographie pour le bureau d’ethnologie américaine de Washington et fut à partir de 1885 employé pour un temps sous la direction d’Adolf Bastian au Musée ethnologique de Berlin. Il y entra en contact avec les indiens Bella Coola de Colombie britannique que le collectionneur et voyageur J. Adrian Jacobsen et son frère avaient fait venir à Berlin. À cela s’ajoutèrent d’étroits contacts avec les frères Aurel et Arthur Krause, qui avaient fait des recherches auprès des Tlingits de la côte Nord-Ouest.
27Le voyage suivant qu’il entreprit en Amérique était marqué par son scepticisme concernant l’avenir de l’Allemagne et par l’espoir qu’il plaçait dans les États-Unis. Il prit part à un congrès interdisciplinaire à Buffalo, y rencontra des ethnologues de premier plan et décida d’entamer un voyage d’exploration et de constitution de collection sur la côte Nord-Ouest. Il en rapporta des résultats qui donnèrent lieu à plusieurs publications et des objets ethnographiques qu’il vendit, remboursant ainsi l’argent emprunté pour le voyage. Au Musée d’histoire naturelle de New York, il n’obtint pas le poste qu’il espérait.
28En 1887, Boas décida de tourner définitivement le dos à l’Allemagne et de s’installer aux États-Unis. La décision avait été difficile pour lui. Déterminants furent à ses yeux l’antisémitisme rencontré pendant ses études, les intrigues autour de son habilitation et la liberté politique aux États-Unis. Il s’était d’abord efforcé à plusieurs reprises d’obtenir un poste définitif en Allemagne, fût-ce comme conservateur de musée, du Musée ethnologique de Berlin ou du Musée d’outre-mer de Brême, mais il considérait comme particulièrement réduites ses chances d’obtenir une chaire dans sa patrie.
L’ACTION DE BOAS AUX ÉTATS-UNIS
29Après que Franz Boas eut obtenu de la revue Science en 1887 un contrat de deux ans comme rédacteur, il épousa le 10 mars de la même année Marie Krackwizer et devint citoyen américain. L’année suivante, il résilia son contrat avec la revue Science et conduisit durant les années 1888, 1889, 1890 et 1891, à la demande de la British Association for the Advancement of Science, de vastes recherches de terrain chez les Nootkas, les Salish, les Kwakiutls et les Chinooks de la côte Nord-Ouest. En 1890, il accepta à la Clark University de Worcester dans le Massachusetts un premier poste de professeur d’anthropologie et agit avec l’engagement qui lui était propre sur divers plans en mettant en œuvre toute la palette de ses compétences disciplinaires. C’est sous sa direction que fut soutenue en 1892 dans cette université la première thèse américaine d’anthropologie. La même année, Boas quitta son poste dans cette université et devint maître-assistant d’anthropologie à la World Columbian Exposition de Chicago. En 1893, il entra en contact à Chicago avec George Hunt, son principal informateur lors de ses recherches de terrain sur la côte Nord-Ouest, et l’initia aux transcriptions d’enregistrements. En 1894, il obtint un contrat à durée limitée de conservateur au Field Museum de Chicago. La même année, il mena des études linguistiques et d’histoire culturelle à la demande de la British Association for the Advancement of Science, cette fois dans une région Nord-Ouest élargie, auprès des Salish de l’intérieur, des Tsetsauts, des Tshimshians et des Kwakiutls.
30Après avoir perdu son poste au Field Museum de Chicago en 1895, Boas était à la recherche d’un poste définitif. Comme il l’écrivait, une période difficile s’engageait. En 1896, Frédéric W. Putnam, le principal anthropologue américain, l’appela comme conservateur assistant d’ethnologie et de somatologie au American Museum of Natural History de New York. Simultanément il travaillait à la Columbia University comme chargé de cours d’anthropologie physique et lança en 1897 la Jesup Expedition dont il prit la direction. Financé par les sponsors de la Jesup Expedition, il mena en 1897 des recherches dans le Nord-Ouest selon l’amplitude qui lui convenait : il étudia les caractéristiques physiques des indiens de la Frazer River, des Haidas, des Tsimshians et des Chilcotins, les habitudes de vie et les croyances des Bella Coola, les représentations graphiques des Haidas. En 1899, il obtint à l’Université Columbia une chaire d’anthropologie pour deux ans qui fut transformée en emploi définitif et qu’il conserva – plus tard en tant qu’emeritus in residence – jusqu’à sa mort. En 1900 encore, il fit des recherches dans le cadre de la Jesup Expedition sur la côte Nord-Ouest : il écrivit une grammaire Kwakwala, examina les techniques de collection, de préparation et d’utilisation des plantes chez les Kwakiutls, il s’occupa d’esthétique indienne, examina les textes enregistrés, nota des histoires, fit des moulages de têtes, etc. En 1914, 1922, 1923, 1927, 1930 et 1931, il poursuivit des recherches dans la région. De son vivant encore, son ethnographie de la côte Nord-Ouest avait atteint le volume monumental de 10 000 pages10.
31En 1901, Boas devint d’abord conservateur du Museum of Natural History de New York, puis philologue honoraire du Bureau of American Ethnology. En 1915, il fit des recherches à Puerto Rico, de 1919 à 1921 au Nouveau Mexique. En 1917, il fonda le International Journal of American Linguistics. À côté des nombreuses charges honorifiques qu’il obtint, il devint en 1931 président de l’American Anthropological Association. Sa femme mourut en 1929, lui-même succomba à une attaque cardiaque le 21 décembre 1942, lors d’une réception en l’honneur de Paul Rivet qui avait fui les nazis.
32Pour l’ethnologie, le dernier tiers du xixe siècle, donc la période où Franz Boas est venu s’installer aux États-Unis, a été dominée par l’évolutionnisme historique, qui orientait sa compréhension de l’évolution sur les différences entre les peuples historiques. C’est dans l’espace germanophone que cet évolutionnisme était le moins marqué, un espace qui, comme nous l’avons montré, tendait de par sa tradition intellectuelle individualiste à un particularisme compris avant tout sur le plan historique.
33Boas était, nous l’avons montré, totalement façonné par cette tradition intellectuelle et ne pouvait se réclamer de l’évolutionnisme que du bout des lèvres et dans une crise existentielle11. Ses premiers écrits théoriques, The Study of Geography (1887) et The Aims of Ethnology (1888) le situent pleinement dans la tradition intellectuelle qui l’avait formé. Après de nombreuses études empiriques de détail totalement déterminées par cet héritage, il a attaqué avec The Limitations of the Comparative Method of Anthropology (1896) le credo évolutionniste. Avec cet article, présenté au congrès de l’American Anthropological Association de Buffalo, il ébranla l’édifice ethnologique de l’évolutionnisme historique, dominant aux États-Unis, et ouvrit ainsi la voie à une compréhension historique qui, en tant que historical particularism, détermina l’avenir de l’ethnologie américaine pour les vingt ou trente années suivantes. Boas représentait un pragmatisme empirique qui n’acceptait l’idée d’évolution que comme le but lointain de générations ultérieures.
34En 1936, il accompagna dans plusieurs articles de fond l’évolution de l’ethnologie et il prit position, selon les exigences du moment, sur des questions actuelles de la recherche. Trois idées fondamentales traversent principalement ces publications : premièrement, l’ethnologie ne se comprend que comme une discipline historique, deuxièmement, la recherche ethnologique ne peut être guidée que par l’induction et troisièmement, la culture, son véritable objet, se comprend pour l’essentiel comme la reconstruction de la « vie mentale » (mental life) des peuples. Dans ces principes convergent la tradition intellectuelle de sa formation allemande, c’est-à-dire le particularisme caractéristique du xixe siècle d’orientation essentiellement historique tel que Guillaume de Humboldt le représentait, une psychologie des peuples orientée sur les configurations mentales et associant recherche sur la culture et recherche linguistique et ses propres exigences intellectuelles, orientées sur le modèle des sciences de la nature et selon lesquelles, sans méthode strictement empirique, aucun résultat sûr ne peut être obtenu.
35Les recherches qu’il publia en tant qu’universitaire bien établi clarifient la relation étroite entre la recherche portant sur la culture et celle portant sur la langue, impliquée par sa formation. Déterminants sont surtout The Mind of Primitive Man (1911) et Handbook of American Indian Languages (t. I, 1911 ; t. II, 1922 ; t. III, 1938 ; t. IV, 1941). À cela s’ajoutent nombre d’études de détail, en particulier dans le domaine ethnographique, linguistique, archéologique et physiologique.
36Par ses recherches, par la fondation d’organes de publication et par son enseignement en tant que professeur à l’université de Columbia, Boas a considérablement influencé l’ethnologie et la linguistique. Presque tous les grands ethnologues et linguistes des générations suivantes furent ses élèves ou subirent son ascendant. Les plus importants sont Ruth F. Benedict, Helen Codere, Cora Dubois, Melville J. Herskovits, Alfred L. Kroeber, Ruth Landes, Robert H. Lowie, Margaret Mead, Elsie Parsons, Paul Radin, Edward Sapir, Leslie Spier, Gene Weltfish. Il n’en est pas moins une figure controversée. D’un côté, on suit ses traces dans l’ethnologie jusqu’à l’époque actuelle. D’un autre côté, ses apports sont niés et rejetés. Alfred L. Kroeber, son premier doctorant, le désigne comme le plus grand ethnologue du monde. Marvin Harris voit en lui un des chercheurs les plus influents en sciences humaines. Leslie A. White rejette son influence et son œuvre. George P. Murdock va jusqu’à affirmer qu’il n’a même pas été un bon chercheur de terrain.
37L’ethnologie américaine est une discipline académique qui a exactement cent-cinquante ans d’âge. Elle commence avec la monographie consacrée par Lewis H. Morgan aux Iroquois (1851). Son évolution s’analyse en transformations fondamentales et paradigmatiques qui se sont jusqu’ici succédées selon un rythme de vingt à trente ans. Boas a assuré, nous l’avons montré, le passage de l’évolutionnisme à l’historisme. Toutes les recherches menées selon le paradigme de l’historisme ont été directement ou indirectement influencées par lui12.
38Le cultural relativism a été formulé dans son principe par Boas et représenté de façon paradigmatique par ses élèves. Cela vaut aussi pour les culture and personality studies. Les cross culture studies interculturelles sont nées, en revanche, comme réaction à lui-même et à son œuvre. La cognitive anthropology devait associer le système de la comparaison inter-culturelle avec la relativité de l’analyse particulière. La conception de la « vie mentale » (mental life) chez Boas reçut ainsi un statut analytique comme phénomène cognitif : culture is cognition.
39Boas passe à juste titre pour le père de l’anthropologie culturelle, selon le nom que l’ethnologie des États-Unis s’est donnée avec lui. La diversité de ses perspectives de recherche est fondée dans la recherche anthropologique transférée par lui aux États-Unis. Sans ses impulsions venues de la tradition allemande, aussi controversée et contradictoire que soit l’action de cette dernière, la recherche anthropologique américaine aurait connu une tout autre évolution. Cette hypothèse est aussi vraisemblable que l’hypothèse selon laquelle Franz Boas aurait disparu dans l’insignifiance s’il était resté en Allemagne, tout comme l’ethnologie allemande du xxe siècle est restée insignifiante. Il a démontré lui-même en 1911, les raisons immanentes de cette situation dans un compte rendu critique de La méthode en ethnologie de Fritz Graebner (1911), dans lequel il écrit que les ethnologues allemands pratiquent des recherches d’histoire culturelle sans imagination principalement parce qu’ils passent sous silence le « statut mental » (mental status) de la culture. Il était sensible aussi aux problèmes de l’Allemagne, qui, dépassant largement les limites disciplinaires, étaient ancrés dans la vie allemande elle-même et l’avaient amené à tirer les conséquences d’une accumulation de mauvaises expériences. Son affectivité décomplexée, donnant des impulsions décisives à sa conduite, était en contradiction criante avec la tradition académique allemande, dominée par de très anciennes contraintes autoritaires. L’antisémitisme politique agressif qui le poussa à émigrer était lui-même profondément enraciné dans ces contraintes.
Notes de bas de page
1 Voir Hans Arens, Sprachwissenschaft : Der Gang ihrer Entwicklung von der Antike bis zur Gegenwart I, II, Fribourg-Munich, 1969 ; Manfred Buhr (éd.), Enzyklopädie zur bürgerlichen Philosophie im 19. und 20. Jahrhundert, Leipzig, 1988 ; Egon Friedell, Kulturgeschichte der Neuzeit, Munich, 1976 ; Id., Hans Joachim Störig, Kleine Weltgeschichte der Philosophie, Stuttgart, 1950.
2 Marvin Harris, The Rise of Anthropological Theory : A History of Theories of Culture, Londres, 1968 ; Robert H. Lowie, History of Ethnological Theory, New York, 1937 ; George W. Stocking Jr., Race, Culture and Evolution : Essays in the History of Anthropology, New York et al., 1968 ; Fred W. Voget, A History of Ethnology, New York et al., 1975.
3 Wilhelm Mühlmann, Geschichte der Anthropologie, Bonn, 1948 ; Gerhard Helbig, Geschichte der neueren Sprachwissenschaft, Leipzig, 1970 ; H. L. Ollig, Der Neukantianismus, Stuttgart, 1979 ; Heymann Steinthal, Die Sprachwissenschaft Wilhelm von Humboldts und die Hegelsche Philosophie, Berlin, 1848, fac simile, Hildesheim, 1971.
4 Voir L. N. Bulhof, Wilhelm Dilthey : A Hermeneutic Approach to the Study of History and Culture, The Hague, 1980 ; Waltraud Bumann, Die Sprachtheorie Heymann Steinthals, Meisenheim am Glan, 1965 ; Bernhard Gajek (éd.), Johann Georg Hamann : Acta des Internationalen Hamann-Colloquiums in Lüneburg 1976, Francfort-sur-le Main, 1979.
5 K. Müller-Vollmer, Humboldts Bildungspolitik und die Französische Revolution, in Diskursanalysen 2/63-81 ; K. Müller-Vollmer, Wilhelm von Humboldts Sprachwissenschaft : Ein kommentiertes Verzeichnis des sprachwissenschaftlichen Nachlasses, Munich, 1993 ; J. Steinmetzler, Die Anthropogeographie Friedrich Ratzels und ihre ideengeschichtlichen Wurzeln, Bonn, 1956.
6 Voir Hanno Beck (éd.), Alexander von Humboldt : Studienausgabe, 7 vol., Darmstadt, 1992 ; Georg Harig (éd.), Alexander von Humboldt, Leipzig, 1959 ; Volker Heeschen, Die Sprachphilosophie Wilhelm Humboldts, Bochum, 1972 ; Albert Leitzmann (éd.), Wilhelm von Humboldts Gesammelte Schriften. 17 vol., Berlin, 1903-1936.
7 Voir Matti Bunzl, From Historicism to Historical Particularism : Franz Boas and the Tradition of Nineteenth Century. German Anthropology and Linguistics, Stanford, 1993 ; Douglas Cole, Franz Boas : The Early Years, 1858-1906, Vancouver, 1999 ; Walter Goldschmidt (éd.), The Anthropology of Franz Boas : Essays on the Centennial of his Birth, San Francisco, 1959.
8 Voir Georg W. Stocking Jr. (éd.), “Volksgeist” as Method and Ethic : Essays on Boasian Ethnography and the German Anthropological Tradition, Madison/Wisc., 1996 ; G. Iggers, The German Conception of History, Middletown/Eng., 1968 ; F. Jaeger, J. Rüsen, Geschichte des Historismus, Munich, 1992 ; Joan Mark, Four Anthropologists : An American Science in the Early Years. Science History Publications, New York, 1980.
9 Franz Boas, Geographische Ergebnisse einer in den Jahren 1883 und 1884 ausgeführten Forschungsreise. Ergänzungsheft 80 zu Petermanns Mitteilungen, Gotha, 1885 ; Franz Boas, The Central Eskimo. Sixth Annual Report of the Bureau of American Ethnology, 1884-1885, Washington DC, 1888 ; Michael Dürr, Erich Kasten, Egon Renner (éd.), Franz Boas : Ethnologe-Anthropologe – Sprachwissenschaftler. Ein Wegbereiter der modernen Wissenschaft vom Menschen, Berlin, 1992.
10 Franz Boas, Race, Language and Culture, New York 1940 ; Ronald P. Rohner (éd.), The Ethnography of Franz Boas : Letters and Diaries of Franz Boas Written on the Northwest Coast from 1886 to 1931, Chicago et al. 1969 ; George W. Stocking Jr. (éd.), A Franz Boas Reader : The Shaping of American Anthropology, 1883-1911, Chicago, 1974.
11 Voir Egon Renner, « Franz Boas’Historismus und seine Rolle bei der Begründung der amerikanischen Ethnologie », in Michael Dürr, Erich Kasten, Egon Renner (éd.), Franz Boas : Ethnologe, Anthropologe, Sprachwissenschaftler, Berlin, 1992 ; Leslie A. White, The Ethnology and Ethnography of Franz Boas. Bulletin of the Texas Memorial Museum 6, Austin, 1963.
12 Voir Alfred L. Kroeber et al., Franz Boas, 1858-1942. Memoir Series of the American Anthropological Association 61, Menasha/Wisc., 1943 ; Egon Renner, Die Kognitive Anthropologie : Aufbau und Grundlagen eines ethnologisch-linguistischen Paradigmas. Forschungen zu Ethnologie und Sozialpsychologie 12, Berlin 1980 ; Egon Renner, Kognitive Anthropologie versus ethnologischer Historismus : Zur Situation der deutschen Ethnologie und ihrer Ausbrecher. Völkerkundliche Arbeitsgemeinschaft Heft 69, Nortorf, 1990.
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