Chapitre XXII. Géoarchéologie des ports antiques méditerranéens en contexte deltaïque
Approches méthodologiques illustrées à partir de trois exemples des deltas du Nil (Égypte) et du Tibre (Italie)
p. 291-300
Remerciements
ANR GEZIRA no BLAN08-1_ 308860, ANR POLTEVERE no JSHS3-002 01, Austrian Archaeological Institute of Cairo, Cealex USR 3134, Université d’Alexandrie, IFAO, Surintendance archéologique d’Ostia, Ecole Française de Rome, British School at Rome. Nous remercions D. Laisney (CNRS MOM) de son aide pour les figures.
Texte intégral
Introduction
1En géoarchéologie, un port antique se définit et s’étudie par son contenant et son contenu (Fig. 1). Le contenant correspond aux structures portuaires : les môles et les quais. Le contenu est constitué d’un volume de sédiments accumulés au fond du bassin et d’un volume d’eau (lorsque le bassin est en fonction). L’encaissant se compose soit d’un substrat géologique dur, le port est alors taillé dans la roche, comme les cothons attribués aux Phéniciens, soit de sédiments meubles lorsque le port est creusé dans des sables ou de la vase. Dans d’autres cas, lorsque la profondeur naturelle le permet, les structures reposent directement sur le sous-sol. C’est le cas des ports construits en domaine offshore, comme pour les môles enveloppants de Claude (au ier s. apr. J.-C., delta du Tibre). Bien souvent, les ports ont une origine mixte : la partie intérieure est creusée dans un encaissant meuble (le port de Trajan du iie s. apr. J.-C., delta du Tibre) tandis que la partie extérieure est conquise sur la mer, comme l’avant-port de Claude. Aujourd’hui, l’étude d’un site portuaire est rendue difficile par la présence de la nappe phréatique. Le recours aux pompes est insuffisant pour dégager des coupes stratigraphiques profondes. L’édification de parois moulées constitue la technique d’investigation idéale mais leur mise en place reste coûteuse. L’utilisation d’un carottier permet d’obtenir des stratigraphies complètes de qualité satisfaisante (Goiran et Morhange, 2003). En général, les bassins portuaires contiennent des sédiments vaseux de teinte foncée, caractéristiques d’un milieu protégé : ce sont des faciès liméniques. Les marqueurs paléoenvironnementaux y sont bien conservés (faunes, pollens, charbons, macro-restes, graines…) et les datations au radiocarbone sont fiables car elles peuvent être réalisées sur plusieurs supports. L’étude d’un port antique passe par 1) la mise en évidence de trois unités stratigraphiques (faciès sédimentaires), le préportuaire, le portuaire ou liménique (du grec limenos, port) et le postportuaire, et 2) l’étude des contacts entre ces unités. La question du niveau marin biologique et des bio-indicateurs est abordée alors que ce schéma d’évolution théorique est illustré par trois études de cas : Alexandrie en contexte maritime (Égypte), le Portus en contexte fluvio-marin (Ostie, Rome) et Avaris en contexte fluvio-deltaïque (Égypte).
Éléments de terminologie et approche méthodologique
Terminologie des faciès sédimentaires
2Les trois unités stratigraphiques reconnues sont décrites sur la base des faciès sédimentaires (Fig. 1) :
- À la base, l’étude de l’unité préliménique (ou préportuaire) permet de caractériser le type d’environnement antérieur au port. Deux cas peuvent apparaître lorsque le soubassement est constitué de sédiments meubles : 1) la partie sommitale de cette unité est manquante, ce qui permet de supposer des opérations de creusement pour la mise en place du bassin ; 2) il existe un continuum stratigraphique entre les unités préliménique et liménique. Cela indique alors que le bassin était suffisamment profond pour les navires. Si les archives sédimentaires préliméniques sont préservées, il devient possible d’étudier la chronologie de l’occupation du sol, souvent par le biais de la géochimie du plomb et des pollens, et de caractériser le paysage antérieur au port (lagune, méandre, etc.).
- L’unité liménique (du grec limenos, port) correspond aux sédiments qui s’accumulent dans le bassin. Dans le cas d’un port protégé, l’unité se caractérise par des vases compactes, qualifiées de « plastiques », de teinte gris foncé à noirâtre. Ce faciès est typique de milieux calmes et confinés, presque anoxiques. Le taux de sédimentation moyen apparent (ou TSMA) est souvent rapide (~ 1 cm/a). Le TSMA correspond à la vitesse de sédimentation moyenne sans prendre en compte d’éventuels changements de rythmes, de hiatus ou de compaction. Dans le cas d’un port ouvert ou avant-port, l’unité s’organise en bancs de sables fins à moyens plus ou moins lités. Le TSMA y atteint des valeurs ~ 0,5 cm/a. Au sein de l’unité liménique, il n’est pas rare de mettre en évidence des lacunes sédimentaires qui peuvent correspondre à des curages (Marriner et al., 2010).
- L’unité métaliménique, située au dessus de l’unité liménique, se met en place après l’abandon du port. Selon les cas, la transition entre faciès (sables dunaires, alluvions…) peut être nette ou progressive. L’étude stratigraphique apporte ainsi des informations sur la nature et le rythme du déclin portuaire.
Terminologie des limites de séquences sédimentaires
3Quatre limites encadrent ces trois unités sédimentaires (Fig. 1). Leur repérage permet de mieux comprendre l’histoire du fonctionnement du bassin :
- La limite katoliménique souligne la fondation du port. Elle correspond au contact entre les unités préliménique et liménique. Elle se caractérise souvent par une variation brusque de faciès (changement de texture, de couleur…).
- La limite anoliménique correspond à la date d’abandon du port. Dans le cas d’un abandon progressif, cette limite apparaît comme une unité sédimentaire de transition entre liménique et métaliménique.
- La limite mésoliménique caractérise le fond du bassin portuaire (qualifiée de fond marin ou de fond de chenal). À la mise en fonction du bassin, les limites mésoliménique et katoliménique sont les mêmes. Avec l’accumulation progressive des sédiments, la limite mésoliménique suit l’accrétion du fond du port. À terme, cette dernière rejoint le niveau marin ou fluvial ; le bassin est alors définitivement comblé. Tant que le bassin est en fonction, la différence altimétrique entre le niveau marin et la limite mésoliménique donne la hauteur de la colonne d’eau (i.e., espace d’accommodation), qui peut être comparée aux tirants d’eau des navires (Boetto, 2010).
- Enfin, il faut repérer ou estimer le niveau marin ou fluvial. Différents types d’indicateurs sont utilisés : 1) Indicateurs biologiques : mesure du peuplement supérieur des faunes fixées sur les quais. La mesure du peuplement supérieur de ces organismes donne la position du niveau marin moyen relatif à une époque donnée. Le paragraphe suivant développe cet aspect. En contexte de faible marée la précision est d’ordre centimétrique. 2) Indicateurs morphologiques : les quais sont entaillés par des encoches d’érosion. La précision est d’ordre décimétrique. 3) Indicateurs archéologiques : bite d’amarrage, pavement du quai. La précision est d’ordre décimétrique à métrique. 4) Indicateur textuel : utilisation des nilomètres pour les anciennes hauteurs de crue.
L’apport de la faune dans l’étude d’un port antique
Macrofaune
4En s’appuyant sur une démarche actualiste d’étude des assemblages de malacofaune sessile et vagile, il est possible d’analyser les biocénoses affectant les milieux portuaires antiques et celles périphériques des structures portuaires (Fig. 2). Les biocénoses s’organisent en ceintures ou bandes étagées et caractérisent trois étages :
51) L’étage supralittoral, touché par les embruns, est peu révélateur en termes géoarchéologiques.
62) L’étage médiolittoral correspond au marnage (40 cm sur les sites d’Alexandrie et de Portus) et au jeu des vagues. Son sous-étage supérieur est seulement mouillé par les vagues. Son sous-étage inférieur est soit immergé (hautes eaux), soit mouillé par les vagues (basses eaux). Sa limite inférieure correspond au niveau à partir duquel les peuplements sont toujours immergés (Pérès, 1967). La macrofaune marine sessile (faunes fixées et foreurs) va coloniser les structures portuaires et y laisser des traces qui vont devenir d’utiles marqueurs en géoarchéologie (Pirazzoli et Thommerert, 1973 ; Morhange et al., 2001). Ainsi, le niveau marin moyen biologique correspond à la limite entre la biocénose médiolittorale et infralittorale (Laborel et Laborel-Deguen, 1994). Dans un bassin portuaire en mode calme, on observe un étagement resserré des faunes, et le niveau marin moyen biologique est ainsi mesuré avec une marge d’imprécision inférieure à un décimètre (± 5 à 10 cm). En revanche, sur un môle davantage exposé à la houle, l’étage médiolittoral se retrouve plus développé et surélevé par rapport au peuplement du bassin intérieur.
7En conclusion, pour obtenir le niveau marin biologique sur un quai antique il faut : 1) mesurer le peuplement supérieur des faunes fixées, 2) préciser l’espèce ou le genre observé (balanes, vermets, huîtres), 3) mentionner leur exposition (mode battu ou mode calme) et 4) réaliser un prélèvement de ces organismes pour une datation au radiocarbone. Enfin, une comparaison avec le niveau marin biologique observé dans le port actuel ou sur le littoral s’avère fondamentale afin de calculer la vitesse de la variation relative du niveau marin. Les deltas s’enfoncent sous leur propre poids, les sites portuaires sont donc soumis à la subsidence comme au Portus. Dans certains cas s’ajoutent des affaissements brutaux comme à Alexandrie. L’utilisation du mot « relatif » permet de travailler uniquement sur la différence de hauteur entre le niveau marin antique et l’actuel et ce, sans prendre en compte les facteurs explicatifs complexes du phénomène (isostasie, eustasie…)
83) L’étage infralittoral, immergé en permanence et dont la limite inférieure correspond à la profondeur de pénétration de la lumière, apporte aussi des informations sur les paléoenvironnements et peut rendre compte de l’impact de la construction des structures portuaires sur leur biotope. Pour ces faunes, il est possible d’esquisser une zonation (Pérès et Picard, 1964 ; Pérès, 1967). La biocénose des sables vaseux superficiels en mode calme (SVMC) s’apparente au faciès liménique. On la rencontre le plus souvent à moins de 4,5 m (parfois jusqu’à 10 m) de profondeur dans des zones protégées par une barrière naturelle (mattes de posidonies) ou artificielle (digue, môle). C’est la biocénose typique des bassins portuaires calmes. Elle est souvent associée à la biocénose lagunaire euryhaline et eurytherme (LEE) qui se rencontre dans les zones d’embouchures et à proximité des étangs littoraux et des lagunes. Les peuplements de cette biocénose évoluent dans des milieux de sables et de vases. La biocénose des sables fins de hauts niveaux (SFHN) constitue la « basse plage » et s’étend du haut de l’étage infralittoral jusqu’à environ 2,5-3 m de profondeur. La biocénose des sables fins bien calibrés (SFBC) s’observe entre 2-2,5 m et 20-25 m de profondeur ; elle s’apparente à de grandes plages de sables fins immergées. La biocénose des sables grossiers (et des fins graviers) sous l’influence des courants de fond (SGCF) se développe dans un environnement à fort hydrodynamisme. Les courants permettent le développement de cette biocénose que l’on retrouve aussi dans les chenaux « d’intermattes » de posidonies.
9La construction d’un bassin portuaire antique provoque selon les cas : 1) la disparition de la biocénose LEE lorsque le port s’implante dans une lagune ou un marécage, 2) la disparition de la biocénose des SFHN lorsque le port est construit en zone offshore, 3) l’apparition soudaine et massive de la biocénose SVMC, 4) l’apparition d’une bioaccumulation de coquilles d’espèces se développant sur substrat dur et traduisant la présence de môles et 5) un renforcement des courants sur la face externe marine des structures portuaires provoquant un développement de la biocénose SFBC et une érosion des mattes de posidonies (Bellan-Santini, 1994).
10À ceci s’ajoutent les informations apportées par les communautés d’eau douce pouvant parfois être rencontrées dans les prélèvements. Dans le cas des cours d’eau, les faunes se répartissent surtout en fonction de la vitesse du courant, de la granulométrie du substrat, de la quantité de lumière incidente, de la transparence des eaux et de l’enrichissement en nutriments.
Ostracofaune
11La micropaléontologie est utilisée comme méthode d’investigation en archéologie principalement à travers des groupes comme les foraminifères benthiques, et plus encore les ostracodes dont il sera question ici. Il s’agit de petits crustacés vivant dans tous les milieux où l’eau est présente. Leur carapace bivalve, composée de calcite magnésienne, se fossilise très facilement. Leur ubiquité, leur petite taille (≤ 1 mm), leur diversité avec des espèces variant qualitativement et quantitativement en fonction des paramètres physico-chimiques, biologiques et trophiques du milieu, en font d’excellents traceurs des variations de ces paramètres. Leur utilisation dans des séquences sédimentaires historiques apparaît donc comme un élément précieux pour caractériser l’anthropisation des milieux physiques, en particulier dans les zones côtières où des ports ont été construits en modifiant l’environnement naturel. La taille réduite des ostracodes permet d’obtenir une validation statistique comparable à celle des pollens. L’étude de nombreux échantillons prélevés dans les milieux actuels ainsi que celle de plusieurs dizaines de carottes prélevées sur les sites archéologiques a permis d’établir des faunes typiques de différents biotopes. Selon leurs caractéristiques quantitatives et qualitatives, les ostracodes fournissent six types d’informations : 1) le nombre d’individus renseigne sur la trophie du milieu et sur l’hydrodynamisme ; 2) la diversité des espèces est caractéristique de la stabilité chimique du milieu (salinité, stabilité ionique). Ainsi, dans des eaux douces ou marines, la diversité est maximum alors qu’elle chute drastiquement dans des eaux euryhalines (dans la proportion de 30 à 2). Des eaux saumâtres stables montrent une diminution des genres ; 3) la composition des communautés d’espèces est fonction de la salinité puis des paramètres de la masse d’eau (profondeur, apports d’eau douce…) ; 4) la taille des faunes est une indication de transport et de tri : une faune composée à la fois d’adultes et de juvéniles d’une espèce donnée est très probablement « en place » ; 5) l’analyse des isotopes stables (O et C) dans les milieux laguno-côtiers permet de préciser le rapport précipitation-évaporation. L’analyse des mélanges observés apporte donc beaucoup d’informations en fonction de la connaissance des faunes in situ.
L’apport de la granulométrie
12En contexte géoarchéologique, la taille et le tri des particules sédimentaires apportent des informations sur les processus de transport et de dépôt, aussi bien pour des milieux marins, fluviaux ou deltaïques. Après un traitement en microgranulométrie laser, des indices statistiques sont utilisés (Trask, 1932 ; Folk et Ward, 1957 ; Folk, 1966) sur l’ensemble de la stratigraphie afin de reconstituer l’évolution paléoenvironnementale. L’unité préliménique se compose souvent de sédiments qualifiés de naturels où l’influence anthropique est minime. Le milieu est généralement « ouvert » et parcouru par des courants, d’où des histogrammes unimodaux, un diamètre médian relativement grossier et un bon tri. Lors de la séquence portuaire, l’histogramme granulométrique, plurimodal (hétérométrie), est généralement dû à un enrichissement en fines lié à la protection artificielle. Enfin, l’unité métaliménique (ou post-portuaire) s’apparente à un retour des dynamiques naturelles : les histogrammes sont à nouveau unimodaux et le tri redevient bon, voire très bon dans certains cas, grâce aux actions éoliennes.
Le cas du port maritime d’Alexandrie (marge occidentale du delta du Nil, Égypte)
13Alexandrie, fondée au ive s. av. J.-C, se dote de deux bassins portuaires de part et d’autre de l’Heptastade, chaussée reliant l’île de Pharos à la ville (Fig. 3). Un troisième bassin est signalé dans le port occidental sous le nom de Kibotos.
14Dans le port oriental d’Alexandrie (le Magnus Portus), la phase pré-liménique correspond à une baie marine qui se remblaie de sédiments fins de couleur blanchâtre datés entre le xie et le ixe s. av. J.-C. Cet environnement calme mais ouvert vers la mer (ostracofaune laguno-marine) est lié à la morphogenèse d’un tombolo formant un obstacle et à la présence de deux caps et de récifs qui diminuent la force des courants. L’Heptastade est édifié sur la partie sommitale de ce tombolo (Goiran, 2001). Dans la baie orientale, le faciès liménique correspond à un faciès vaseux, riche en gypse et en faune (SVMC) de milieu confiné. Cette unité portuaire homogène montre un TSMA élevé (1 cm/a ; Stanley et Bernasconi, 2006). Les bassins portuaires du pourtour de la baie orientale d’Alexandrie ont une profondeur de l’ordre de-8 m sous le niveau marin antique. Ce dernier est positionné (pour la baie orientale) vers-6,5 m sous le niveau marin actuel (Goddio et al., 1998 ; Goiran, 2001). À la fin de la période byzantine, la profondeur maximum de certains bassins n’était plus que de 2 à 3 m. L’unité post-liménique se compose de sédiments très grossiers, emballant des branches de corail et des débris coquilliers. Elle s’apparente à un épisode de tempête particulièrement violent ou à un événement de type tsunami survenu entre le viiie et le xie s. apr. J.-C.
15En réalisant une comparaison avec le port occidental d’Alexandrie (le port d’Eunostos), on observe des différences de faciès sédimentaires et donc d’exposition ou d’aménagement. Avant l’implantation du port, la baie est davantage ouverte sur la mer et reçoit des sables (unité préliménique). L’unité liménique se compose uniquement de sables fins (SFBC et SFHN). Cette composition sédimentaire peut expliquer le choix des ingénieurs de l’époque pour l’implantation, au sein du port d’Eunostos, d’un véritable port protégé : le Kibotos. Ce dernier n’a jamais été localisé avec précision. Cependant, un carottage semble avoir été réalisé dans ce bassin intérieur (ou à proximité immédiate). En effet, une séquence de vases gris foncé apparaît entre le iie et le ier s. av. J.-C. (période hellénistique) et se termine entre le iiie et ive s. apr. J.-C. Ce milieu protégé (SVMC) a une profondeur d’environ 4 m sous le niveau marin relatif (de la baie occidentale) antique. Ce milieu protégé montre un TSMA (0,5 cm/a) deux fois plus faible que dans le bassin oriental, ce qui suggère soit des apports sédimentaires moindres soit des curages plus fréquents. Comparons maintenant le complexe portuaire d’Alexandrie à celui de Portus.
Le cas du port fluvio-maritime de Portus (Ostia, delta du Tibre)
16Le Portus se compose de deux ports coalescents (Fig. 4). Le premier, le port de Claude, a été fondé au ier s. apr. J.-C. Son vaste bassin (~ 200 ha) a été sujet aux tempêtes voire à un ensablement. Claude dote alors son port d’une darsena (i.e., un bassin très protégé). Un second port, de forme hexagonale, est ensuite construit au iie s. apr. J.-C. sous le règne de Trajan. Les carottages réalisés dans les bassins révèlent des archives sédimentaires qui confirment certains éléments mais en infirment d’autres.
17Les carottages mettent en évidence que le bassin de Claude ne se remplit pas de vases mais de sables gris clair (SFBC). Le bassin de Claude correspond donc à un avant-port et non pas à un port protégé. Dans sa partie centrale, le bassin de Claude atteint une profondeur d’environ 7,5 m sous le niveau marin antique. Les datations radiocarbone montrent un TSMA relativement faible (0,5-0-7 cm/a). En revanche, les carottages réalisés dans le chenal d’accès et à l’entrée de l’hexagone révèlent une stratigraphie argilo-limoneuse gris foncé homogène, typique d’un environnement calme et protégé (SVMC). D’ouest en est, la profondeur du chenal diminue : on passe d’une profondeur de-8 m et-7,5 m à une profondeur de-7 m et-6,5 m à l’entrée de l’hexagone. Le TSMA est de l’ordre de 1,5 cm/a, soit deux fois supérieur à celui mesuré dans l’avant-port de Claude. La construction d’un second bassin, plus à l’intérieur des terres, par les ingénieurs de Trajan est donc davantage liée à un problème de conception du premier bassin, trop ouvert aux influences marines du large (tempêtes, houles…). L’étude du comblement de la darsena met en évidence deux faciès. Dans la partie inférieure se développe une unité sableuse marine (SFBC) typique du faciès liménique sableux de port ouvert d’une profondeur de 6 m. La seconde unité se compose de vases typiques d’un faciès liménique vaseux (SVMC), contemporain (ou légèrement postérieur) au fonctionnement du port de Claude. Ce constat permet de qualifier la darsena d’un véritable bassin portuaire stricto sensu mais de faible profondeur : n’excédant pas 3 m sous le niveau marin antique. Enfin, le canal di collegamento entre le Portus et la fossa traiana (riche en ostracofaune d’eau douce) possède quant à lui une profondeur de 5,5 m sous le niveau marin antique (Salomon et al., 2012). Pour la première fois, une carte bathymétrique du Portus a été réalisée (Fig. 2) en compilant l’ensemble des données des différents carottages (Arnoldus-Huyzendveld, 2005 ; Bellotti et al., 2007 ; Giraudi et al., 2009 ; Goiran et al., 2010 ; Keay et Paroli, 2011 ; Morelli, 2011). L’unité préliménique correspond à un milieu fluvio-deltaïque (alternances de passées sablo-limoneuses et limoneuses stériles de couleur gris jaunâtre). Cette unité, datée du viiie et xe s. av. J.-C., est tronquée par la séquence portuaire (unité liménique). Lors des opérations de creusement, les ingénieurs ont détruit la partie supérieure des archives pré-liméniques en donnant au port une profondeur moyenne de 7 m sous le zéro marin antique.
Le port fluvial fluvio-deltaique d’Avaris (delta du Nil, Égypte)
18La cité d’Avaris, située sur la paléo-branche Pélusiaque du Nil, laquelle s’est formée dès 4500 av. J.-C. (Sneh et al., 1986 ; Stanley et Warne, 1998), abritait le principal port des Hyksos (Bietak, 1975) qui régnèrent sur l’Égypte entre 1674 et 1548 av. J.-C. Deux milieux peuvent être différenciés (Fig. 3) : 1) le chenal principal, formant une boucle de méandre au nord-ouest du site, et 2) le milieu portuaire, composé du bassin au cœur de la cité et du court chenal le reliant à la branche Pélusiaque (Forstner-Müller, 2009 ; Tronchère et al., 2012).
19L’énergie de la branche tend à diminuer continuellement avec le temps. L’unité A (2830-1930 av. J.-C. ; les datations ont été obtenues par OSL) révèle une forte énergie (sables, graviers). Une première baisse de l’énergie est révélée par une augmentation de la fraction limono-argileuse (unité B). Une troisième unité aux dépôts encore plus fins (C), datée de 1590-970 av. J.-C., postérieure à l’occupation Hyksos, marque la fin de l’activité de la branche Pélusiaque à Avaris. Le taux de sédimentation apparent est de 30 cm/a. L’unité D est composée de dépôts fins de lit majeur. La connaissance des faciès fluviatiles naturels a constitué un élément indispensable à la discrimination des faciès portuaires décrits par la suite.
20Le préliménique se compose de trois unités : 1) le substrat pléistocène (unité A de la future zone portuaire), daté de 15200-12100 BP (Tronchère et al., 2012) et vestige d’une dépression naturelle creusée par la déflation éolienne et 2) une unité de nature fluviatile dans laquelle on peut distinguer deux étapes de sédimentation. La plus ancienne (B), sablo-limoneuse, marque le début de l’écoulement. L’unité suivante (C pour la carotte « port » et A dans le tronçon reliant la dépression au chenal principal), datée de 6740-5080 av. J.-C., présente une énergie plus élevée. L’accumulation dans ce chenal élargi commence avant celle du chenal principal, une asynchronie fréquente dans les systèmes anastomosés (Makaske 2001), et qui a pu être accentuée localement par l’importante largeur du chenal préliménique. 3) La troisième unité se caractérise par une texture limono-argileuse noirâtre, riche en matière organique et en débris végétaux qui se met en place vers 4220-2900 av. J.-C. (unité D dans le port lui-même, unité B dans le chenal d’accès). La faiblesse de l’énergie du chenal liée à la morphologie de la dépression crée une zone protégée favorable à une implantation portuaire.
21Le faciès liménique composé de vases noirâtres, correspond à l’unité E (de la carotte « Port » et B de la carotte « chenal d’accès »). L’unité est riche en tessons de céramique de la période Hyksos. La prospection géomagnétique montre une série d’entrepôts alignés et ouverts vers le bassin portuaire. Autrement dit, un milieu calme de type vaseux se met ici en place avant la fondation du port et guide l’implantation de ce dernier. L’épaisseur des dépôts liméniques atteste d’un entretien anthropique ayant empêché la déconnexion du chenal et assuré un tirant d’eau suffisant aux embarcations. Une datation au sommet de la séquence liménique du chenal d’accès confirme les observations archéologiques, et valide l’existence de cette voie d’accès au port durant son activité : 1890-1680 av. J.-C., ce qui est contemporain du règne Hyksos.
22Il n’y a pas à proprement parler d’unité métaliménique dans la zone portuaire elle-même, les dépôts vaseux étant encore affleurants actuellement. En revanche, dans le chenal d’accès, le faciès liménique est recouvert d’alluvions de crue, probablement originaires du chenal principal (unité C) puis remaniées par l’activité agricole moderne (unité D).
Conclusions
23Ces exemples d’implantations portuaires dans des milieux deltaïques contrastés montrent à la fois des similitudes et des différences dans les paléoenvironnements. Le schéma évolutif présenté en introduction continuera ainsi d’être précisé (Fig. 1). Il a le mérite de schématiser les principaux repères dans l’étude d’un complexe portuaire antique maritime ou fluvial.
24En contexte maritime, le bassin intérieur est souvent creusé dans l’encaissant holocène et un hiatus s’observe dans la sédimentation (Fig. 2). La limite katoliménique correspond alors à une lacune et ne peut pas être considérée comme la surface de fondation du port. La différence altimétrique entre le niveau marin et la limite katoliménique est optimale car en mode calme, l’étage médiolittoral correspond au marnage. Le colmatage, rapide (1 à 1,5 cm/a), amène à rechercher des phases de curage du bassin.
25Dans le cas de l’avant-port ou bassin off-shore, un continuum stratigraphique s’observe entre le pré-liménique et le liménique (Fig. 3). La limite katoliménique s’inscrit donc plus comme une rupture dans les modes de sédimentation que comme une lacune. Le TSMA des sables gris avoisine 0,5 cm/a. Ce taux plus lent que dans le bassin intérieur peut s’expliquer par le faible potentiel de compaction des sables, par un équilibre des budgets sédimentaires et/ou par des curages plus fréquents. Dans tous les cas, l’avant-port garde une profondeur conséquente. Enfin, l’avant-port se distingue à la fois par la présence d’encoches d’érosion marine et par une hausse altitudinale du peuplement médiolittoral.
26En contexte fluvial (Fig. 4), la colonne d’eau est sujette non pas au marnage mais à la variation de profondeur entre les basses eaux et le niveau de crue du fleuve, donnée parfois difficile à acquérir en contexte archéologique. La discrimination entre les dépôts portuaires, pauvres en bio-indicateurs, et les dépôts naturels est, de plus, complexifiée par le stade d’accrétion sédimentaire du fleuve et la présence avoisinante de la plaine alluviale, aux sédiments fins. Lorsque les chenaux sont actifs (énergie élevée), les dépôts grossiers (sables, graviers voire galets) du fleuve se distinguent nettement des sédiments fins du port protégé. En revanche, le ralentissement général de l’écoulement des chenaux conduit à une sédimentation fine comparable aux dépôts portuaires qui tend à uniformiser les faciès dans le lit majeur.
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Références
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Auteurs
Chargé de recherche, Unité Mixte de Recherche (UMR 5133) CNRS/Université Lyon 2 (ARCHÉORIENT – Environnements et Sociétés de l’Orient Ancien), Maison de l’Orient et CNRS/Université Paris 1 et Namur/INALCO/Ministère de la Culture et de la Communication, DRAC SRA de la Méditerranée, Lyon, France (jean-philippe.goiran@mom.fr).
Post-doctorant contractuel, Unité Mixte de Recherche (UMR 5133) CNRS/Université Lyon 2 (Archéorient – Environnements et Sociétés de l’Orient Ancien), Maison de l’Orient et de la Méditerranée, Lyon, France (herve.tronchere@mom.fr).
Docteur, Université Lumière (Lyon 2), Unité Mixte de Recherche (UMR 5600) CNRS/Université de Lyon (Environnement, Ville, Société – EVS), Bron, France (ferreol.salomon@laposte.net).
Professeur, Université Claude-Bernard (Lyon 1), Unité Mixte de Recherche (UMR 5276) CNRS/Université Lyon 1/ENS Lyon (Laboratoire de Géologie de Lyon. Terre, Planètes, Environnements – LGLTPE), Villeurbanne, France (abel.prieur@univ-lyon1.fr).
Chargé d’études, Archeodunum SA, Chaponnay, France (h.djerbi@archeodunum.fr).
Chargé de recherche, Unité Mixte de Recherche (UMR 5276) CNRS/Université Lyon 1/ENS Lyon (Laboratoire de Géologie de Lyon. Terre, Planètes, Environnements – LGLTPE), Villeurbanne, France (carbonel@free.fr).
Professeur, Université Louis-Pasteur (Strasbourg), Unité Mixte de Recherche (UMR 7362) CNRS/Université de Strasbourg (Laboratoire Image, Ville, Environnement – LIVE), Strasbourg, France (laurent.schmitt@unistra.fr).
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