La communication politique : construction d’un modèle
p. 45-62
Note de l’auteur
Ce texte a été publié pour la première fois dans son intégralité dans Hermès no 4, « Le nouvel espace public », 1989, p. 27-42. Il a été réactualisé par l’auteur en mars 2017 et réédité. La version originale est disponible sur : <https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-hermesla-revue-1989-1.htm>.
Texte intégral
1Pas de politique sans communication. Contrairement au stéréotype dominant, la communication politique n’est pas la dégradation de la politique, mais simplement la condition de son exercice. La politique, c’est parler et agir. Et expliquer. A fortiori en démocratie où tout se joue devant l’opinion publique, avec beaucoup d’informations et de médias.
Éléments de définition
2Autant la démocratie de masse, le suffrage universel, les sondages et même la télévision ont finalement réussi à acquérir leurs lettres de noblesse, autant la communication politique continue de susciter des réserves. Elle a « mauvaise presse » car elle condense tout ce que l’on peut reprocher à la politique moderne.
3La communication politique représente pourtant un changement aussi important dans l’ordre de la politique que les médias de masse l’ont été dans celui de l’information, et les sondages dans celui de l’opinion publique. La communication politique traduit l’importance des échanges dans la politique, non pas au sens d’une disparition de l’affrontement, mais au sens celui-ci se fait maintenant sur le mode communicationnel, c’est-à- dire finalement en reconnaissant « l’autre ». L’émergence de la communication politique comme concept est l’aboutissement du processus de démocratisation et de communication qui a commencé il y a deux siècles, avec pour conséquence l’élargissement de l’espace public.
4La communication politique n’est donc pas une dégradation de la politique, mais au contraire la condition du fonctionnement de notre espace public élargi. En permettant l’interaction entre l’information, la politique et la communication, elle se révèle être un concept fondamental. Elle ne conduit pas à supprimer la politique ou à la subordonner à la communication, mais au contraire, à la rendre possible dans la démocratie de masse.
5Je définis la communication politique comme « l’espace où s’échangent les discours contradictoires des trois protagonistes qui ont la légitimité de s’exprimer publiquement sur la politique : les acteurs politiques, les journalistes et l’opinion publique, au travers notamment des sondages ».
6Elle est un lieu d’affrontement des discours qui portent sur la politique et dont l’enjeu est la maîtrise de l’interprétation politique de la situation. Cette définition insiste sur l’idée d’interaction, de discours contradictoires tenus par des acteurs qui n’ont ni le même statut ni la même légitimité.
Cette définition présente cinq avantages
71. Élargir la perspective traditionnelle. La plupart des travaux étudient l’influence des médias ou des sondages, ou des hommes politiques, parfois les relations deux à deux, mais très rarement les relations entre les trois. Ici, au contraire l’interaction constituée par la circulation simultanée des discours des hommes politiques, des sondages et des médias est d’emblée l’objet de la définition. Les trois discours font système dans la réalité, au sens où ils se répondent, mais aussi parce qu’ils représentent les trois légitimités de la démocratie : la politique, l’information, la communication. C’est leur interaction qui est constitutive de la communication politique. Elle ne comprend qu’un nombre limité d’acteurs, ceux qui ont légitimité à s’exprimer, et est consubstantielle à une logique d’interaction. C’est aussi en ce sens qu’elle est différente de ce que l’on appelle le débat politique, qui réunit le discours des hommes politiques au sens strict. En outre, dans l’idée de communication politique, il y a aussi celle du heurt entre plusieurs légitimités et la sanction que représente l’élection. Cette double contrainte lui donne un statut différent de celui du débat politique.
82. Souligner l’originalité de la communication politique : la prise en compte des trois dimensions contradictoires et complémentaires de la démocratie de masse qui sont la politique, l’information et la communication.
9La démocratie de masse est en effet inséparable de trois caractéristiques. L’élargissement du poids de la politique avec le nombre croissant de problèmes traités au plan politique et par le nombre également croissant d’acteurs impliqués dans le suffrage universel égalitaire. L’existence de médias de masse pour informer le grand nombre grâce notamment à la radio, la télévision et Internet. La nécessité de connaître l’état de l’opinion publique dans ses revendications et ses réactions à l’action des hommes politiques. L’originalité et l’intérêt de la communication politique sont d’être ce lieu d’expression et d’affrontement des légitimités constitutives et contradictoires de la démocratie de masse.
10Les trois composantes de la communication politique ne sont pas apparues simultanément. La politique et l’information se sont d’abord développées à partir du xviiie siècle, puis il y a eu la bataille pour le suffrage universel et, enfin, l’arrivée plus récente du concept d’opinion publique, puis des sondages.
11Pourquoi rapprocher communication et opinion publique ? Parce qu’il n’y a pas de démocratie de masse sans prise en compte de l’opinion publique, inséparable d’un processus communicationnel, tant dans sa constitution que dans son expression. En effet, l’opinion publique n’existe pas en soi, mais résulte d’un mouvement permanent de construction/déconstruction, lié à la manière dont certains thèmes émergent ou non dans le domaine social et politique et sont l’objet d’un intérêt politique. Par ailleurs l’opinion publique n’existe aujourd’hui qu’à travers les sondages qui en sont le porte-voix et qui lui assurent sa publicité dans l’espace public. Historiquement, ce sont donc les logiques de l’opinion publique et de la communication qui sont les plus récentes, mais aujourd’hui les trois caractéristiques sont inséparables.
12La différence entre la légitimité de la politique, liée à l’élection et celle de l’information, liée à une valeur indispensable au système démocratique, est claire pour tout le monde. Par contre la différence de légitimité entre médias et sondages requiert une précision, tant chacun a parfois tendance à considérer information et communication comme quasiment synonymes. La légitimité de l’information repose sur le droit à l’information et à la critique, qui est indépendant des techniques de communication, même si celles-ci ont eu progressivement une échelle de diffusion de plus en plus vaste. Les techniques ne sont qu’un moyen. Le droit à l’information est premier, même si aujourd’hui la communication technique lui assure un écho sans commune mesure avec ce à quoi pensaient les pères fondateurs de la démocratie américaine et même française.
13Par contre, pour l’opinion publique, la communication est une valeur essentielle. C’est en cela que la communication politique assure la cohabitation entre ces trois logiques dont chacune constitue une partie de la légitimité démocratique. Les intellectuels peuvent faire partie de la communication politique car ils ont autorité à s’exprimer publiquement. Par contre, les experts, techniciens, technocrates qui jouent un rôle décisif dans l’administration, le fonctionnement de l’État et donc dans la politique ne font pas explicitement partie, au départ, de la communication politique. Non que leur intervention ne soit pas politique, mais parce qu’ils n’ont pas vocation a priori à s’exprimer publiquement, comme ils veulent quand ils veulent sur les dossiers politiques. Ce statut de « partenaire silencieux » est de moins en vrai car au travers des décisions, notes, rapports semi-publics et réseaux, ils influencent directement le discours des acteurs politiques. Les journalistes et les hommes politiques ont naturellement leur place dans l’espace public. La formule « rendre public » exprime bien la dimension de publicité au sens strict qui accompagne la référence à l’espace public. Celui-ci est un espace ouvert où s’expriment tous ceux qui s’autorisent à parler publiquement, donc à assurer une certaine publicité et médiation à leur discours. Ce sont d’ailleurs les contraintes liées à la démocratie de masse qui ont obligé à délimiter cet espace plus restreint de la communication politique. L’espace public, lui, est plus large, ouvert par principe à tous ceux qui s’y expriment et dépasse donc largement le champ de la communication politique. Il n’est pas sanctionné par l’élection.
14Les techniciens, les technocrates et les experts, s’expriment dans l’espace public comme d’ailleurs les intellectuels et de plus en plus, les citoyens par le biais des réseaux socionumériques. Si presque tout le monde peut s’exprimer dans l’espace public, la communication politique est un espace symbolique plus restreint, limité à la question du pouvoir.
153. Rappeler que tous les discours politiques du moment ne sont pas dans la communication politique. Seuls y figurent ceux qui font l’objet de conflits et de polémiques. La communication politique est l’espace où s’affrontent les politiques contradictoires du moment, ce qui signifie que son contenu varie dans le temps. Chacun constate que les thèmes du chômage, de l’éducation, de l’immigration, de l’écologie, de l’indépendance nationale, de la régionalisation… n’occupent pas la même place au fil des années. Le contenu contradictoire de ce qui s’échange a deux sens : celui des oppositions politiques, qui peuvent changer dans le temps ; celui du discours qui varie lui-même en fonction des thèmes conflictuels.
164. Revaloriser la politique par rapport à la communication. Ou plutôt, montrer que les deux sont aujourd’hui intrinsèquement liées, tout en conservant des différences radicales. La communication n’a pas « mangé » la politique car c’est plutôt la politique qui se joue aujourd’hui sur un mode communicationnel. Pourquoi la communication est-elle devenue en un demi-siècle un des problèmes essentiels ? Parce qu’elle est une conséquence de la démocratisation en ce sens que le suffrage universel et l’élévation du niveau de vie et d’éducation obligent à la prise en compte des aspirations d’un nombre croissant de citoyens. Il n’est donc plus possible de gouverner sans « rétroviseur », c’est-à- dire en ignorant ce que souhaite l’opinion publique, et les sondages sont les rétroviseurs de l’opinion publique. La communication est donc indispensable au fonctionnement de la démocratie de masse dans le sens « descendant », du pouvoir politique vers l’électorat via les médias, et « ascendant », de l’opinion publique aux hommes politiques, via les sondages et de plus en plus via Internet et les réseaux.
17Il y a donc deux causes différentes à la place plus grande accordée à la communication. D’une part, la croissance du rôle des médias, liée au modèle démocratique et aux nécessités de fonctionnement de la société de masse. D’autre part, l’apparition d’une communication avec l’opinion publique par l’intermédiaire des sondages, des événements et des réseaux. C’est d’ailleurs cette croissance du rôle de la communication qui aboutit à une disjonction : d’un côté une logique de l’information qui est fondamentalement celle de la presse ; d’un autre côté une logique de la communication liée à l’opinion publique, aux événements, aux sondages et aux réseaux.
185. Montrer que le public n’est pas absent de cette interaction. La communication politique n’est pas seulement l’échange des discours de « la classe politique et médiatique », mais on y trouve également une présence réelle des autres acteurs et de l’opinion publique par le biais des sondages et des réseaux. Certes, le public et le corps électoral ne sont pas équivalents à l’opinion publique et chacun fait la différence entre les trois, tant d’un point de vue pratique que théorique, mais il est admis que l’opinion publique est une figure temporaire et imparfaite du corps électoral.
19Les sondages sont « représentatifs » de l’opinion publique et elle-même est en partie représentative des comportements électoraux. C’est cette double hypothèse liée à notre philosophie politique centrée sur le choix individuel qui permet de prendre en compte le point de vue du public. Ceci dit, l’opinion publique ne se réduit pas aux sondages. Il existe une tradition de travaux expliquant les limites de cette réduction. La méthode psycho-sociologique des sondages ne suffit pas à rendre compte de la dynamique de l’opinion publique. Et surtout, personne ne comprend réellement les processus lents, souvent peu visibles, du mouvement de construction et déconstruction « des » opinions publiques. Je montre ailleurs la nécessité théorique de maintenir une différence de nature entre sondages et opinion publique2. La hiérarchie des sujets au sein des sondages ne reflète pas toujours celle au sein de l’opinion publique, car le fonctionnement de celle-ci est plus complexe que celui des sondages, finalement behavioristes. C’est pour cela d’ailleurs que le nombre des études qualitatives augmente pour compléter les sondages. En un mot, l’opinion publique est une réalité fort complexe, non réductible aux sondages, même si aujourd’hui, ceux-ci sont omniprésents… Les événements bouleversent souvent les hiérarchies, et les réseaux sociaux accentuent une autre logique : celle, croissante, de l’expression.
20La communication politique apparaît comme la scène sur laquelle s’échangent les arguments, les pensées, les passions, à partir desquels les électeurs font leur choix. Elle est simultanément une instance de régulation, quand les élections donnent régulièrement la victoire à certains, et elle relance souvent d’autres débats dont quelques-uns seront constitutifs de la communication politique suivante. Ce processus indispensable à l’espace politique contemporain, permet que se confrontent : l’idéologie et l’action pour les hommes politiques ; l’information pour les journalistes ; la communication pour l’opinion publique, les sondages et les réseaux. Ces trois logiques sont en tension permanente car chacune détient une partie de la légitimité politique démocratique et peut donc prétendre interpréter la « réalité » du moment en excluant l’autre.
21Pour les hommes politiques, la légitimité résulte de l’élection. La communication est surtout assimilée à une stratégie de conviction pour faire adhérer les autres politiques, les journalistes ou l’électorat. Elle fonctionne souvent de haut en bas. Pour les journalistes, au contraire, la légitimité est liée à l’information qui a un statut évidemment fragile, mais qui autorise à faire le récit des événements et à exercer un droit de critique. Ils observent et relatent la politique, ils sont les « face à face » des hommes politiques. Pour les sondages, « représentants » de l’opinion publique, la légitimité est d’ordre technique. L’objectif est de refléter au mieux une réalité qui n’a d’existence objective qu’au travers de leur construction. La politique constitue la principale cause de leur succès parce que chacun, au lieu de n’y voir qu’une photographie, y cherche une anticipation des comportements du corps électoral.
Rôles et fonctions
22Le rôle essentiel de la communication politique est d’éviter le renfermement du débat politique sur lui-même. En intégrant les thèmes de toute nature qui deviennent un enjeu politique et en facilitant ce processus permanent de sélection, hiérarchisation, élimination, elle apporte la souplesse nécessaire au système politique. Ce va-et-vient entre les thèmes qui entrent et ceux qui sortent se fait sans rationalité et de manière inévitablement arbitraire, dépendant en réalité des rapports de force.
23La communication politique assure trois fonctions. D’abord, elle contribue à identifier les problèmes nouveaux qui surgissent, les hommes politiques et les médias jouant ici un rôle essentiel. Ensuite, elle favorise leur intégration dans les débats politiques contemporains en leur assurant une sorte de légitimité. Le rôle des sondages et des hommes politiques est ici sensible. Enfin, elle facilite l’exclusion de thèmes qui ne sont plus l’objet de conflits ou sur lesquels un consensus temporaire existe. Là aussi, le rôle des médias est important par la place qu’ils accordent aux thèmes débattus sur la place publique.
24En période d’élection, les sondages jouent un rôle considérable puisque chacun essaie de savoir à l’avance ce que pourra être le résultat, ceux-ci étant pour le moment le seul instrument représentatif permettant une telle approximation. À chaque campagne, on constate cette prééminence des sondages, de plus en plus nombreux, et de plus en plus souvent commandés et publiés par les médias. Ils ont presque tendance à « devenir » l’agenda de la campagne, rendant plus difficile la nécessité pour les hommes politiques de préserver une autre logique d’analyse.
25En situation « normale », entre deux élections, la communication politique est surtout animée par les médias qui jouent au mieux leur rôle en faisant remonter les événements et les problèmes qui ne sont pas vus par le milieu politique. Ils assurent là une fonction de « veille démocratique » devenant en quelque sorte le cordon ombilical qui relie la classe politique, inévitablement refermée sur elle-même, au reste de la société. Certes, les hommes politiques sont des élus en contact permanent avec les circonscriptions, mais le jeu politique et l’exercice du pouvoir imposent souvent des règles différentes entre deux élections. Les médias, en informant, sont les principaux facteurs d’animation et de renouvellement d’une communication politique qui tend naturellement à se refermer sur elle-même. La concurrence entre médias provoque, hélas, souvent l’effet paradoxal d’une moindre représentation de la diversité de la société. La question est aujourd’hui de savoir si cette diversité est mieux assurée par la logique de l’expression sur les réseaux. Ce n’est pas certain… En situation de crise politique, intérieure ou extérieure, l’équilibre de la communication politique est encore différent, dominé par la prééminence des hommes politiques. L’urgence de la situation, l’importance de l’action et des décisions à prendre mettent l’homme politique au centre de la communication politique. Le rythme des événements et leur caractère inattendu diminue, momentanément, le rôle de l’opinion publique et l’intérêt des sondages, car la responsabilité des acteurs dans de telles situations est rarement d’agir en fonction de l’opinion publique. Si dans de telles situations les hommes politiques n’assurent pas cette maîtrise de la communication politique, le risque est que ce soit les médias qui le fassent… comme on le voit souvent en situation de crise.
La communication, le « moteur » de l’espace public
26L’existence de la communication politique, à la fois réalité empirique et concept fondamental d’analyse pour les démocraties dans les sociétés de masse présente cinq intérêts du point de vue de la théorie politique.
27Elle est d’abord la preuve qu’il n’y a pas d’antagonisme structurel insurmontable entre les groupes sociaux. La communication politique implique l’échange, donc la reconnaissance de l’autre, c’est-à-dire de l’adversaire. La conception de la communication politique que je défends montre que non seulement l’espace public n’est pas détruit, mais que son fonctionnement, à l’échelle de la démocratie de masse, est inséparable de la valorisation de ce concept. Quant aux médias et aux sondages, ils n’ont pas non plus dénaturé l’espace public, tel qu’il fut pensé au xviiie siècle, ils permettent simplement son adaptation à cette nouvelle échelle de la « démocratie de masse ». La communication politique, sans être la seule, est probablement une des conditions les plus importantes du fonctionnement de l’espace public élargi. Mais cette conception n’est pas fréquente tant domine, au contraire, l’analyse critique qui voit dans la communication politique une dégradation de la démocratie et une logique de manipulation…
28La mise en valeur du rôle central de la communication politique présente un avantage complémentaire : déplacer l’éternelle question de la tyrannie des médias et des sondages. Ces derniers ne détruisent ni la politique, ni la communication politique, mais sont au contraire une de ses conditions structurelles de fonctionnement.
29Le second intérêt est de retrouver l’importance des acteurs derrière les discours. Les logiques contradictoires qui sont au cœur de la communication politique sont en réalité incarnées par des acteurs. D’ailleurs, cette revalorisation de leur rôle est parallèle à la revalorisation de la communication. Cela ne signifie pas que les acteurs « communiquent » mieux, mais que celle-ci permet de gérer pacifiquement les affrontements inhérents à la politique.
30Le troisième intérêt est de rappeler l’autonomie des trois logiques : la politique, l’information et la communication. Cette autonomie a une conséquence importante : souligner la séparation entre la logique de l’information des médias et celle de la communication, avec l’opinion publique. On a vu qu’historiquement les deux étaient liées, mais aujourd’hui, notamment à travers la croissance du secteur de l’information et de l’industrie des sondages, les différences de nature entre l’information des médias et la communication des sondages sont nécessaires à rappeler. Cette autonomisation de l’opinion publique par rapport à l’information est probablement un des changements les plus importants, consécutifs à la mise au jour du rôle essentiel joué par la communication politique. Rôle encore renforcé avec l’arrivée des réseaux qui donnent aussi une place croissante, et ambiguë, à l’opinion publique dans la politique. Expression, communication et information renforcent la nécessité de valoriser l’action politique.
31Le quatrième intérêt est de montrer que cette conception de la communication politique est dynamique. L’idéal est une certaine égalité de tension entre les trois logiques constitutives, mais cet équilibre est rare, ne serait-ce que parce que les trois logiques de discours n’obéissent pas au même rythme et que le contexte historique introduit sans cesse des facteurs de déséquilibre. C’est pourquoi la communication politique est un modèle d’analyse dynamique et constitue souvent un révélateur de l’état du système politique.
32Le cinquième intérêt est de montrer que si la communication joue un rôle essentiel dans nos démocraties, la politique domine toujours. La communication ne se substitue pas à la politique mais lui permet d’exister. On peut même avancer l’hypothèse que la reconnaissance du rôle de la communication politique est le signe d’une certaine maturité politique. Maturité au sens où sont acceptés, dans la gestion nécessairement contradictoire des intérêts, les deux paramètres complémentaires de la communication et de la politique. Mais force est de constater qu’aujourd’hui la marge de manœuvre des politiques, avec la pression de l’information, des sondages et des réseaux, est plus étroite, souvent trop étroite même, alors que la politique reste l’activité la plus difficile.
Notes de bas de page
2 Wolton, Dominique, « Les médias, maillons faibles de la communication politique », Hermès no 4, op. cit., p. 165-179. Disponible sur : <https://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/revue-hermes-la-revue-1989-1.htm>.
Auteur
Directeur de la revue Hermès (depuis 1988, 75 numéros) et de la collection « Les Essentiels d’Hermès » (depuis 2008, 40 volumes). Il a publié une trentaine d’ouvrages, traduits en plus de vingt langues. Parmi ses derniers ouvrages : La communication, les hommes et la politique (CNRS Éditions, 2015) et Communiquer c’est vivre, livre d’entretiens avec Arnaud Benedetti (Cherche-Midi, 2016).
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