Présentation générale. Réflexion historique, culturelle et communicationnelle autour des cultures de l’information
p. 9-30
Texte intégral
1La question de la place et de la délimitation d’une culture commune a de tout temps préoccupé les acteurs du monde politique, social, associatif, voire économique. Dans ce questionnement permanent, l’école, dans son acception la plus large, s’est souvent posée comme garante de cette équité et du droit de chacun à accéder à cette culture pour tous. L’école primaire républicaine sous Jules Ferry s’est, par exemple, construite autour du principe de transmission d’une certaine culture, commune à tous les enfants de la nation. Cette culture, à visée républicaine, reposait sur une conception positiviste comtienne1, cherchant à atteindre le respect de l’ordre socialement et politiquement établi, tout en respectant la nation à travers un certain niveau de patriotisme. On mesure là le poids de l’argumentation culturelle, sa visée et son intention politiques.
2Très vite, deux acceptions du mot « culture » se distinguent :
- celle qui met l’accent sur des savoirs de référence, des contenus d’autorité, renvoyant à l’idée d’une culture générale, classique, discriminant des auteurs, des littératures et des gisements et accentuant de facto des éléments de connaissance ; l’accès à ces cultures savantes passe prioritairement par des formes d’instruction notamment portées par l’école et quelques autres structures de socialisation (associations périscolaires par exemple) ;
- celle qui renvoie à des manières de vivre, d’appréhender le monde, de considérer l’autre : on évoquera alors la culture populaire, la culture bourgeoise, judéo-chrétienne, etc. transmises par des modes d’éducation élargis, comme l’enseignement religieux, les pratiques sociales et culturelles, etc.
3La contribution coécrite avec Anne Cordier dans cet ouvrage interroge justement le lien et les distensions entre la culture générale, souvent évoquée dans les sphères sociales, professionnelles et scolaires et la culture de l’information*. Dans quelle mesure parlons-nous de la même chose et en quoi fondamentalement ces niveaux se distinguent-ils ?
Réinterroger la culture face à l’explosion informationnelle
4Cette ligne de partage fut relativement stable dans l’histoire des sociétés modernes, jusqu’à l’émergence massive et accélérée des technologies, des médias de masse et des industries culturelles*. Petit à petit, les discours et théories sur la culture attirèrent l’attention sur les phénomènes d’uniformisation et de massification en cours, s’organisant, notamment pour les pays les plus riches, autour de l’idée d’une culture commune contemporaine structurée par les supports mass-médiatiques et écrasée par les discours à caractère publicitaire et promotionnel, entraînant la dissolution des systèmes esthétiques et des discours traditionnels sur la culture (Adorno, 1970). Ainsi vit-on poindre l’émergence de cultures de la réussite économique, sociale, etc., la marchandisation des rapports humains, l’apologie de la consommation ou l’exposition de soi. Le monde scolaire, en France par exemple, tenta de s’organiser progressivement au début des années 1980, en militant pour une éducation aux médias*, essentiellement centrée sur l’analyse de la presse et de la télévision, et, plus récemment, depuis le milieu des années 1990, avec l’essor des technologies de l’Internet et du numérique.
5Après les analyses axées sur la massification et ses effets, vient celle d’un hypothétique « rétrécissement du savoir » (Klein, 2009). Cette autre approche du monde social de l’Internet et du numérique offre une place de choix à la question des apprentissages informationnels en jeu, notamment en mobilisant les approches cognitives de l’accès et de l’appropriation des savoirs. Ceci nous invite alors à considérer les divers outils de recherche et de récupération des contenus – en tête desquels l’industrie autour de Google – non plus comme des offres en perpétuelle croissance volumétrique donnant forcément accès à de nouveaux savoirs, mais comme une technologie de mise à disposition de contenus issus des industries culturelles et des internautes, risquant progressivement d’enfermer l’individu autour de domaines de savoirs liés à ses centres d’intérêt, ses goûts personnels, ses hobbies, ses seules pratiques professionnelles.
6Or, considérer la construction des savoirs et de la culture de l’information, en intégrant les enjeux cognitifs et communicationnels, vise à repérer la volonté constante de découvrir, d’accepter et de reconnaître l’Autre dans les situations d’échanges liés aux contextes de recherche et d’appropriation de l’information. Angèle Stalder et Éric Delamotte proposent dans cet ouvrage, une entrée puis une lecture microsociales, par l’intermédiaire du document technique, pour nous donner à voir puis à comprendre comment les cultures de l’information se mettent en œuvre dans des situations professionnelles.
7Se dessine ainsi, progressivement, une nouvelle voie qui revendique de considérer à l’échelle des sociétés les cultures de l’information en visant des enjeux de citoyenneté et de positionnement critique vis-à-vis des logiques dominantes économiques, politiques et consuméristes. Alexandre Serres montrera dans un chapitre de cet Essentiel, comment progressivement émerge, au sein des universités, une culture de l’information et autour de quelles dimensions elle se définit. L’auteur présente notamment six types de cultures de l’information, renforçant l’idée d’une diversité et pluralité de cultures en jeu.
8La question de l’émergence de cultures de l’information ne peut être décontextualisée des approches qui interrogent les fractures numériques (fractures tant au niveau des accès qu’au niveau des contenus en circulation), qui recensent une multiplicité de raisons qui nous amènent à de tels écarts : absence ou faiblesse des infrastructures d’accès à l’information de par le monde, incapacité économique des populations à accéder aux contenus pourtant disponibles sur les autoroutes de l’information*, centration sur des besoins vitaux et primaires au détriment des besoins informationnels, politique nationale des États soucieux de contrôler l’ensemble des contenus en circulation sur la Toile, etc. Cet ensemble de questions nous rappelle qu’interroger l’émergence et le renforcement des cultures de l’information, revient à poser une question foncièrement politique (Laulan et Lenoble-Bart, 2014), celle relative à l’accès, à la sélection, à l’analyse et à l’appropriation des informations et des connaissances, voire à la résistance à celles-ci.
Délimiter la culture de l’information
9Ainsi la culture de l’information ne peut se confondre avec l’usage ou l’appropriation, voire la maîtrise des technologies de l’information et de la communication. Claude Baltz (1998), par exemple, propose de dépasser les points de vue purement technologique et critique pour construire une véritable culture informationnelle* à partir des sciences de l’information et de la communication en actes ; ces actes consistant à s’appuyer sur un ensemble de connaissances, une vision de l’Autre, des postures et des façons d’agir. Il dessine ainsi un ensemble de nœuds théoriques pour comprendre la culture informationnelle, parmi lesquels on trouve la délocalisation, la médiation (cf. Liquète, 2010), le signe, l’hypertexte* et la forme. À partir de ces nœuds surgissent, dit-il, une vision du monde, une « bible informationnelle » et même un nouvel espace-temps. Le vocabulaire employé par Claude Baltz témoigne chez lui de la perception d’un véritable monde nouveau, voire d’un univers à l’horizon duquel le système de connaissance actuel n’est plus suffisant. Cette vision s’inscrit dans la perspective d’un changement social et culturel majeur, véritablement révolutionnaire, et qui modifierait notre propre perception du monde et notre système de sens.
10Autour de cette même dynamique de pensée, plus récemment, Milad Doueihi (2011) plaide pour l’émergence d’un véritable humanisme numérique, « résultat d’une convergence entre notre héritage culturel complexe et une technique devenue un lieu de sociabilité sans précédent ». L’information, traitée du point de vue de l’informatique à travers la compréhension des algorithmes* dans le traitement des données, ou les systèmes d’écriture et de codage*, interroge finalement le passage de l’information à la connaissance à travers l’arrivée du document numérique et des systèmes d’information complexes.
Information literacy* versus culture de l’information
11Quelles que soient les zones géographiques considérées, la sphère scolaire et universitaire s’est foncièrement mobilisée autour de ce thème. Ainsi, force est de constater que de nombreux programmes ont été expérimentés puis appliqués, dans les écoles, et surtout dans les universités, avec des objectifs foncièrement variés. Dans les documents officiels australiens ou américains, il s’agissait surtout de changer les méthodes d’enseignement ; au Canada, puis en Europe, l’enjeu énoncé était avant tout de répondre à un besoin économique d’adaptation de la main d’œuvre aux évolutions techniques et professionnelles, tout en cherchant à rapprocher les logiques scolaires et universitaires de celles liées à l’employabilité. Par conséquent, les universités ont ainsi mis en place et décliné des projets de recherche2, des curricula* et des certifications, avec au bout du compte, une réussite extrêmement variable.
12Ainsi les sociétés à économie forte se sont rapidement partagées entre celles qui préconisaient plutôt le soutien à l’émergence de cultures de l’information fortes, d’autres au développement de l’information literacy. Les Anglo-Saxons utilisent le terme « culture » dans le sens anthropologique de pratique partagée, comme le fait Henry Jenkins (2013) quand il revendique la convergence culturelle, entre la culture académique traditionnelle et celle autour de l’information et des médias. La literacy, au contraire, désigne ce qui se construit de façon dynamique dans un processus d’apprentissage, pas nécessairement sous une forme scolaire classique (une classe, un enseignant, une discipline, une évaluation) mais le plus souvent dans un cadre académique néanmoins. Le terme culture, en France, semble bien plus flou, puisqu’il désigne à la fois ce qui existe à travers des pratiques ou des représentations sociales, mais aussi ce qui se construit au sein de l’école (sorte d’agencement de cultures : la culture humaniste, scientifique, de l’information, etc.) et le but à atteindre, à savoir la « Culture avec un grand C », visant l’élévation du statut de l’homme dans une société ainsi que les conditions de sa propre liberté3. Le premier texte de cet ouvrage, d’Anne Lehmans, propose une synthèse visant à délimiter le champ des cultures de l’information, par le biais d’une mise en perspective historique et comparatiste entre l’Europe, la France et le monde anglo-saxon et nord-américain.
13Force est de constater que ce sont bien deux conceptions qui se font face entre l’information literacy nord-américaine et la culture de l’information européenne : alors que les uns visent des objectifs liés à l’amélioration de compétences, les autres cherchent à atteindre un seuil de connaissance ; les objets de l’activité éducative visent des formes d’utilité (utility) alors que d’autres cherchent à identifier ce qui est vrai (véracité) ; enfin, priorité est donnée dans un cas à la mobilisation de moyens centrés sur une éducation intégrée à l’ensemble des apprentissages quand, dans l’autre, on privilégie et revendique des enseignements de l’information systématiques et de manière formelle.
14Dès lors, ce sont deux conceptions qui se font face, l’une centrée chez les Anglo-saxons davantage sur l’utilitarisme et une conception instrumentale des savoirs au service de l’économie et de la société, alors que chez les Européens en général, et les Français en particulier, la conception nettement plus élargie vise essentiellement une éducation au service de l’émancipation des hommes et d’une forme de liberté de pensée. Les perspectives anthropologiques et philosophiques sont radicalement différentes : d’un côté, un homme situé dans un réseau communautaire imbriqué et interactif, se prenant en charge et autonome face aux connaissances ; de l’autre, un individu en situation de formation, en écoles ou en université, s’appuyant sur des démarches de recherche, d’évaluation et d’appropriation de l’information. Pour Yolande Maury (2013), par exemple, la culture de l’information s’oppose à l’information literacy dans le sens qu’elle désigne « tout ce que doit savoir une personne pour vivre dans un monde d’information », dans les dimensions sociales et culturelles, tandis que le terme anglo-saxon serait principalement opératoire et ne désignerait qu’un ensemble de compétences fonctionnelles.
15Les finalités pour les uns seraient de proposer des modèles visant une capacité axée sur l’« adaptation » (aux environnements techniques, informationnels, réticulaires…) alors que pour les autres, la visée serait plutôt centrée autour de la constitution d’une pensée et d’une réflexion critique des situations informationnelles. Olivier Le Deuff, de son côté, explique que les représentations de la culture de l’information sont extrêmement floues, même parmi les professionnels de la documentation et de l’information. Il souligne que la culture de l’information a une dimension citoyenne que l’information literacy n’a pas, d’une part, et qu’elle est culture des hypomnemata (sous-mémoires) parce qu’elle « repose sur une transmission rendue possible par l’objet technique » (Le Deuff, 2009, p. 45), d’autre part. Reprenant certains écrits de Bernard Stiegler (2008), qui donne une définition très classique de la culture comme « capacité d’hériter collectivement de nos ancêtres » pour laquelle la technique est une condition de transmission, il propose de tenir compte des héritages de la documentation pour définir un ensemble de notions qui feront l’objet d’une transmission et qui vont permettre aux formés de prendre le contrôle d’eux-mêmes et de leur attention.
16Ainsi, à l’heure où de nombreux chercheurs issus des sciences de l’information, de la communication, de la cognition, de l’informatique, de la sociologie des usages, etc. questionnent les cultures de l’information, force est de constater que le champ des publications se diversifie et se structure de par le monde. Joumana Boustany nous montre, dans les pages qui suivent, une évolution progressive de la question, et souligne par la même occasion, des acceptions extrêmement diverses de cette thématique.
Les cultures de l’information face à l’essor technologique
17Les cultures de l’information proposent de sortir de l’aveuglement de la maîtrise des outils technologiques, tant leur relation avec eux est forte. Dans le présent ouvrage, le texte de Bruno Ollivier et Françoise Thibault évoque l’émergence de cultures de l’information dans nos sociétés contemporaines ; les auteurs mettent en perspective les développements techniques avec l’essor des politiques nationales et des recherches consistant à repérer les enjeux réels et les éventuelles modifications en termes d’usages et de construction des savoirs.
18Cette relation « technologie et culture de l’information » fut interrogée, dès les années 1950, par Gilbert Simondon (2012) qui considérait alors la technique comme un objet opératoire à penser avec l’homme et non pas contre lui. Dans la même lignée, face à l’émergence des cybercultures, Pierre Lévy (1997) ne voit pas non plus dans l’essor des techniques et des réseaux une cause d’aliénation des hommes, mais plutôt un outil de leur libération. Ainsi, la relation entre culture et technique place l’information au cœur des interrogations contemporaines et lui donne une valeur nouvelle en l’articulant notamment avec la question de la construction, de l’organisation et du classement des connaissances (Liquète et Kovacs, 2013).
19Cependant, une lecture par la rupture se déploya durant les années 1970-1990, notamment avec les futurologues comme Alvin Toffler (1974) ou plus récemment Joël de Rosnay (1995). Ce dernier en fut un éminent représentant : dès 1995, il annonçait un changement profond de paradigme économique, ainsi que le passage de la société industrielle à la société informationnelle, de l’intelligence « élective » à l’intelligence collective, dans un nouvel écosystème où les rapports entre travail, loisir, culture, temps et espace seraient bouleversés, et où l’homme modifierait progressivement son intelligence en intégrant des collectifs humains par le biais des technologies et des réseaux d’information.
20La force de l’approche écologique4 de l’information et des technologies fut progressivement de tenter de caractériser des comportements et des postures durables, mettant en lien l’activité des individus (Engeström, 1987) avec l’évolution de leur contexte technique. Cette durabilité ne repose pas seulement sur la seule maîtrise des systèmes d’information ou des usages. Elle est vue comme un processus holistique5 qui comprend les dimensions techniques, cognitives, émotionnelles, sociales, pensées comme cycliques et non linéaires et permettant la construction du sens à partir de l’information. Dès 2003, Dominique Wolton nous alerte sur le fait qu’il n’y aurait pas d’information universelle, parce qu’elle est toujours et systématiquement liée à des valeurs et à des intérêts, et située dans des aires culturelles qui ne lui donnent pas la même signification. Ce postulat, décisif, nous engage dès lors à considérer la culture de l’information non pas autour d’un principe hégémonique et singulier, mais bien autour de la diversité et de la multiplicité des situations et des formes d’appropriation en jeu. D’où le fait dans le présent ouvrage, d’avoir choisi des secteurs d’activités et une forme plurielle au titre en évoquant les « Cultures de l’information ».
21Yves Jeanneret (2007), ne conçoit pas de son côté que les technologies de l’information à elles seules aient provoqué un changement révolutionnaire, sans toutefois rejeter l’idée d’un lien entre technique et culture. L’idéologie du changement est portée par les industries des médias, nous rappelle-t-il, et l’usage des objets techniques, dans ses effets culturels, ne peut être séparé de l’analyse de leurs conditions de production. Comme Jack Goody (1979), Jeanneret considère que l’analyse des systèmes d’écriture sous-tend toutes les innovations culturelles, alors que les dispositifs* techniques ne traitent que d’objets et pas d’informations au sens de perception partagée du monde. Il ne nie pas cependant l’existence d’effets culturels majeurs dans l’usage des technologies de l’information qu’il situe aux niveaux topologique, pragmatique, documentaire et éditorial. Dans la lignée de ce présent ouvrage, Yves Jeanneret propose donc un recentrage de la réflexion sur la question culturelle plus que sur l’objet technique. Le primat donné à la culture sur les techniques est ici partagé par Monica Mallowan, qui, dans sa contribution, évoque un dépassement du concept actuel pour celui de « transculture de l’information » ou de « translittéracie* informationnelle6 ». Selon elle, il devient nécessaire d’adopter à terme une posture multiculturelle* vis-à-vis de l’information et plus largement des technologies d’accès.
L’apport de la revue Hermès à cette thématique
22Même si la revue Hermès n’a pas à proprement parler consacré un numéro entier aux cultures de l’information, la question des pratiques culturelles, notamment celles dédiées au numérique et au réseau Internet a traversé un ensemble de titres, depuis la fin des années 1990. Dans le numéro 25 (1999), Le dispositif entre usage et concept, se dessinait une première matrice susceptible de nous aider à délimiter le périmètre technique et réticulaire des « nouveaux usages » informationnels. Y était ainsi abordée la question des objets quotidiens7, point d’ancrage selon nous pour comprendre les cultures en action, alors que d’autres contributeurs montraient la force et l’impact de la télévision8 ou des campus virtuels9 nécessitant de considérer l’émergence de nouvelles formes d’usages.
23Ainsi, le développement de nouvelles industries des connaissances et des cultures numériques a révélé également la nécessité de construire progressivement un positionnement analytique, critique et compréhensif. Dans cet esprit, le numéro 39 de la revue Hermès, Critique de la raison numérique (2004), nous proposait de repositionner le système des croyances autour du numérique et des réseaux, et énonçait l’apparition d’une idéologie autour du numérique nécessitant alors d’analyser pragmatiquement l’usage et de sérier les obstacles en matière d’apprentissage10.
24S’intéresser aux cultures de l’information revient également à prendre en considération les écarts d’accès à cette culture et les diversités éventuelles, notamment face à la globalisation des réseaux d’information et au poids des pays aux économies les plus fortes. Les notions de fracture numérique et d’émergence de nouvelles économies ont notamment été traitées dans le numéro 45, Fractures dans la société de la connaissance (2006). Dans cette dynamique, le numéro 50, Communiquer. Innover. Réseaux, dispositifs, territoires (2008), met l’accent sur une forme de culture de l’information, autour du web participatif11 et sur l’apparition des phénomènes de multi-activités et de zapping des activités au travail12. Ces questionnements seront poursuivis la même année avec certaines contributions du numéro 51, L’épreuve de la diversité culturelle, notamment autour des phénomènes de nomadisme connecté et la capacité progressive des individus à apprendre à vivre ensemble à distance13.
25Pour finir, depuis 2009, Hermès, nous semble-t-il, ouvre un nouveau champ de questionnements qui est celui de la posture citoyenne de résistance et de connaissance des réseaux et des technologies de diffusion des connaissances. Ainsi, le numéro 53, Traçabilité et réseaux, interroge-t-il notamment la question des croyances collectives et celle de la nécessité de connaître et comprendre la traçabilité via les réseaux d’information. Autour de ces logiques de résistance, la contribution d’Olivier Le Deuff14 dans le numéro 59, Ces réseaux numériques dits sociaux (2011), rappelle qu’il est souhaitable que se rapproche la logique éducative de celle des producteurs des réseaux socionumériques, en mettant au cœur de cette relation la formation des plus jeunes, et plus largement des citoyens.
26La multiplicité des usages semble également être considérée dès lors, pour appréhender les cultures de l’information, non seulement dans les sphères économiques, technologiques, scolaires, sociales, mais également dans les périmètres de l’intimité et du ludique (voir Hermès no 62, Les jeux vidéo, quand jouer, c’est communiquer, 2012). D’où notre volonté éditoriale, à travers cet ouvrage, de délimiter et caractériser les cultures de l’information en tant que « concept-problème » nous permettant d’interroger et de comprendre la complexité de nos usages et de nos représentations à l’égard de l’information et des technologies qui lui sont associées.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Notes de bas de page
1 L’approche positiviste d’Auguste Comte (1798-1857) vise à éliminer toute spéculation métaphysique abstraite, à établir des critères de la rationalité des savoirs et à identifier puis comprendre les lois qui régissent l’organisation sociale.
2 Voir par exemple, Erté « Culture informationnelle et curriculum documentaire », [En ligne]. Disponible sur : <http://geriico.recherche.univ-lille3.fr/erte_information/?/01/>
3 Ce flou terminologique propre à la langue française explique probablement une partie de malentendus entre littératie et culture.
4 Par exemple, selon James Jérôme Gibson, le sujet perçoit directement ce que l’environnement lui permet de faire. Il ne détecte donc pas l’information pour la traiter en fonction de ses propres représentations ; il la prélève simplement. Ainsi, l’information n’a pas besoin d’être codée pour avoir du sens pour le sujet observé et en situation.
5 En sciences humaines, l’approche holiste s’intéresse à la culture d’une société saisie dans sa totalité, comme un ensemble complexe, dynamique et cohérent, dont les éléments constitutifs sont en interrelation et doivent être étudiés comme tels. Elle considère que l’individu est, partiellement au moins, déterminé par le tout dont il fait partie.
6 Voir par exemple : <http://www.translit.fr/>
7 Tisseron, Serge, « Nos objets quotidiens », Hermès, no 25, 1999, p. 57-66.
8 Nel, Noël et Flageul, Alain, « Télévision : l’âge d’or des dispositifs (1969-1983) », ibid., p. 123-130.
9 Peraya, Daniel, « Médiation et médiatisation, le campus virtuel », ibid., p. 153-167.
10 Voir en particulier les articles de Charles Crook, « La formation en ligne mieux que l’enseignement classique… : un pari hasardeux », p. 69-76 ; Dominique Cotte, « Écrits de réseaux, écrits en strates : sens, technique, logique », p. 109-115 ; Luc Jaëcklé, « La temporalité des médias dans l’apprentissage », p. 143-150, Hermès, no 39, 2004.
11 Aguiton, Christophe et Cardon, Dominique, « Web participatif et innovation collective », Hermès, no 50, 2008, p. 77-82.
12 Licoppe, Christian, « Logiques d’innovation, multiactivité et zapping au travail », ibid., p. 171-178.
13 Prouxl, Serge, « Des nomades connectés, vivre ensemble à distance », Hermès, no 51, 2008, p. 155-160.
14 Le Deuff, Olivier, « Éducation et réseaux socionumériques : des environnements qui nécessitent une formation », Hermès, no 59, 2011, p. 67-74.
Auteur
Professeur en SIC à l’Université de Bordeaux, directeur adjoint de l’ESPE d’Aquitaine. Il est chercheur à l’IMS CNRS (UMR 5218), équipe Cognitique et Ingénierie Humaine. Il dirige l’axe 2 « Méthodologie et recueils des données » de l’ANR Translit sur les translittéracies informationnelles. Ses travaux de recherche portent sur les cultures de l’information et les littéracies informationnelles, l’accompagnement des connaissances en contextes professionnels et la durabilité des pratiques d’information et documentaires.
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