La bande dessinée et le lien social en Afrique
p. 105-111
Texte intégral
1Revue Hermès no 54, La bande dessinée : art reconnu, média méconnu, 20091
La bande dessinée participe à la création du lien social* en Afrique de deux manières au moins, à savoir la création des communautés artistiques et son utilisation en tant que média au service de la société.
Créer des communautés artistiques
Pour mieux promouvoir le neuvième art tant en Afrique qu’à l’étranger, certains bédéistes, bédéphiles ou « bédélogues » se sont regroupés dans des associations ayant comme objectif principal de faire connaître la BD africaine et initier les jeunes aux techniques et langage de la BD.
À Madagascar, on peut citer : l’association A-MI ou Artista Miray (les artistes associés) animée par Richard Rabesandratana, en collaboration avec des spécialistes de la narration graphique comme Richard Max, Roddy et Barry ; Abédéma (Association des bédéistes malgaches) créée en 1985 sous la direction d’Aimé Razafy et d’Alban Ramiandrisoa Ratsivalaka, après le festival de Nairobi ; Soimanga (petit passereau malgache dont le mâle porte un plumage à reflets bleus), une association créée en 1987 par Alban Ramiandrisoa Ratsivalaka, dont l’objectif est la promotion de la BD et de l’image. En 1993, la jeune génération a créé Mada-BD, une association de dessinateurs de bande dessinée de Madagascar dont l’objectif principal est la redynamisation de la BD malgache en déclin depuis 1990. En République démocratique du Congo (Congo-Kinshasa), l’Atelier de création, recherche et initiation à l’art (Acria) a été fondé en 1990 par Barly Baruti. Cette association a publié le magazine Afro BD et elle a organisé à partir de 1991 cinq éditions du Salon africain de la BD et de la lecture pour la jeunesse. La toute dernière association est BD Kin Label, créée en 2007. Celle-ci regroupe une dizaine de jeunes artistes autour d’Asimba Bathy2 et publie le magazine Kin Label3.
En Côte d’Ivoire, signalons l’existence de Tache d’encre. Créée le 11 décembre 1999, par Lassane Zohoré et Mendoza, Tache d’encre publie l’hebdomadaire Gbich ! Le journal d’humour et de BD qui frappe fort.
Au Cameroun, il y a eu le Mouvement d’auteurs camerounais de bande dessinée (MacBD), basé à Douala, et Coup d’crayon qui est un collectif des dessinateurs de presse du Cameroun. La dernière en date est Trait noir, association des illustrateurs et auteurs de bande dessinée. Elle a vu le jour en juin 2005 et publié le Bulletin de Trait Noir qui essaye de répondre aux questions que l’on se pose aujourd’hui sur la BD camerounaise.
À signaler également les associations créées dans d’autres pays : Bénin-Dessin (Bénin) et Association Farafin’c (Burkina Faso) dont l’objectif reste et demeure la promotion de la BD africaine.
Les bédéistes africains vivant en Europe se sont eux aussi regroupés au sein d’associations : Afrobulles, créée en 2002 par Alix Fuilu, a déjà organisé plusieurs manifestations, notamment Les rencontres de la BD africaine, et publie la revue Afro-Bulles. L’Afrique Dessinée a été créée en 2001 par des dessinateurs et des scénaristes sensibles aux réalités africaines. Il s’agit d’une plateforme internationale d’échanges pour les artistes (dessinateurs et scénaristes) dont les membres ont publié quelques albums, notamment : Une éternité à Tanger (2004) de Faustin Titi (Côte d’Ivoire), Imboa (2004) de Didier Randriamanantena (Madagascar), Rwanda 1994. Descente aux enfers (2005) de Pat Masioni (République démocratique du Congo).
Média au service de la société
En tant que langage, la BD africaine entretient un rapport avec les médias. D’abord, la presse écrite (quotidienne, hebdomadaire, magazine) est restée le lieu d’éclosion de la BD africaine. Beaucoup de dessinateurs y ont publié leurs premières planches et d’autres y ont commencé comme caricaturistes.
Ensuite, bien qu’ayant eu ses débuts dans les médias, la BD elle-même est à comprendre aussi comme média au service de la société. Elle remplit les trois fonctions traditionnelles des médias : informer, former et divertir ses lecteurs. Elle explique parfois aux lecteurs ce qui se passe dans leur société ; elle éduque en leur montrant ce qu’il ne faut pas faire ou les attitudes à adopter ; elle divertit, en tant que moyen ludique.
En Afrique, la BD est « un médium pour toutes les couches de la population, y compris pour celles qui n’ont pas la culture de la lecture ou qui n’ont pas la télé » (Africultures, 2000, p. 27). C’est ainsi que dès ses origines en Afrique, situées au début des années 1950, la BD était utilisée par les missionnaires comme média éducatif, comme moyen pour édifier, éveiller les vocations et évangéliser. En tant que média éducatif, elle a une portée pédagogique et elle utilise la vertu persuasive pour sensibiliser et vulgariser.
Ceci justifie le développement de la bande dessinée éducative ces dernières années en Afrique4. Elle est souvent financée par des organismes travaillant dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture ou des droits de l’homme, car ils sont conscients de l’importance que les jeunes attachent à la bande dessinée. Sans prétendre à l’exhaustivité, les thèmes suivants sont développés : la lutte contre le sida, l’excision ou la toxicomanie ; les personnages historiques ; l’immigration et les problèmes liés à l’environnement et à l’urbanisme.
Bibliographie
Références bibliographiques
Barlet, Olivier et Ngbwa Mintsa, Grégory, « La BD peut être un grand médium pour toutes les couches sociales », Africultures, no 32, novembre 2000, p. 26-30.
Kibangula, Trésor, « Bande dessinée Made in Kin », Jeune Afrique, no 2743, 4 au 10 août 2013, p. 78-79.
Masioni, Pat, Grenier, Cécile et Ralph, Rwanda 1994. Descente en enfer, Paris, Albin Michel, 2005.
Mbiye Lumbala, Hilaire, « La bande dessinée éducative en Afrique : un média au service de la société », Takam Tikou, dossier « La bande dessinée », mars 2011. En ligne sur : http://takamtikou.bnf.fr/dossiers/dossier-2011-la-bande-dessinee
Randriamanantena, Didier, Imboa, Sasso Marconi, Lai-momo, 2004.
Titi, Faustin, Une éternité à Tanger, Sasso Marconi, Lai-momo, 2004.
Notes de bas de page
1 Extrait actualisé de l’article « Comment la bande dessinée tisse du lien social en Afrique » paru p. 189-190.
2 C’est ici l’occasion de féliciter Asimba Bathy dont l’encadrement des jeunes commence à produire des résultats. C’est le cas par exemple de Fati Kabuika qui, sur un scénario de Christophe Ngalle Edimo, a dessiné pour les éditions Les enfants rouges La chiva colombiana.
3 Kin Label a gagné le 3e prix du meilleur fanzine au FIBDA 2011 et Amazone, version féminine de Kin Label créée en 2011, a obtenu la mention spéciale du jury. Amazone est un magazine animé essentiellement par les dessinatrices Judith Kaluaj, Charlène Makani, Abelle Bowala et Jussie Lamathd. Au sujet de Kin Label, voir Kibangula, 2013, p. 78-79.
4 Pour en savoir plus sur la BD éducative en Afrique, le lecteur peut lire Mbiye Lumbala, 2011.
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Bande dessinée et lien social
Ce livre est cité par
- Robert, Pascal. (2016) Bande dessinée et numérique. DOI: 10.4000/books.editionscnrs.20595
- (2016) Bande dessinée et numérique. DOI: 10.4000/books.editionscnrs.20649
- Robert, Pascal. (2018) La bande dessinée, une intelligence subversive. DOI: 10.4000/books.pressesenssib.9836
- Agbessi, Erics. Dacheux, Éric. (2023) La fabrique de la bande dessinée. DOI: 10.3917/herm.rober.2023.01.0083
- Higelin, Audrey. (2020) La prison comme topique dans la bande dessinée au XXIe siècle : questions d’intertextualité et de réflexivité. Recherches sémiotiques, 38. DOI: 10.7202/1070824ar
- Higelin, Audrey. (2020) La prison comme topique dans la bande dessinée au XXIe siècle : questions d’intertextualité et de réflexivité. Recherches sémiotiques, 38. DOI: 10.7202/1070824ar
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