Peut-on être un mythe et avoir une scène de ménage ? Étude en réception d’une planche de la BD « Martin Luther King »
p. 83-103
Note de l’éditeur
Inédit
Texte intégral
Comme tous les médias, la BD donne lieu à des enquêtes en réception. Il s’agit de mettre à jour les interprétations du lecteur qui ne sont pas forcément celles voulues par l’auteur, et qui ne correspondent que très rarement aux interprétations expertes des chercheurs. Poursuivant l’objectif de la collection qui est de démocratiser le savoir, de conduire le lecteur vers la pratique scientifique, le texte d’Éric Agbessi laisse une part importante à la méthodologie, à la cuisine du chercheur, mais, bien entendu, il donne aussi accès aux résultats, aux plats finis élaborés par le scientifique. La BD étant souvent accusée de construire des mythes (Superman, Astérix, etc.), c’est-à-dire des constructions symboliques qui relient les individus d’une même société en déformant quelque peu la réalité, l’auteur de cet article va chercher à savoir si la BD peut aussi permettre de déconstruire ce lien social* symbolique singulier. Pour ce faire, il a procédé à une enquête par questionnaire auprès de ses étudiants, dont il va maintenant nous rendre compte.
Éric Dacheux
1La bande dessinée est une industrie culturelle* qui façonne nos mythes (Alary et Corrado, 2007) : des personnages de fiction (Batman, Tintin, Naruto) deviennent des héros connus dans le monde entier. Mais la BD, comme le souligne la revue Hermès (Dacheux, 2009), est aussi un média et, à ce titre, reflète le lien social. Or, dans nos sociétés pluriculturelles, vivre ensemble ne va pas de soi, surtout lorsqu’on ne possède pas la même couleur de peau. En effet, nos travaux précédents (Agbessi, 2011) montrent que si la couleur noire est, dans le design industriel ou l’art contemporain, associée à des connotations valorisantes, elle reste, lorsqu’elle est inscrite sur les corps, associée aux dangers et à la transgression. Nos recherches consistent donc, à la croisée des études en civilisation et des sciences de l’information et de la communication, à saisir comment une dimension sensible (la couleur) affecte la communication entre citoyens d’un même pays qui n’ont visiblement pas la même origine ethnique. Ces travaux sont centrés sur les États-Unis et, plus précisément encore, sur une période clé, l’avènement des droits civiques pour tous, finalement adoptés en 1964. Dans cette reconnaissance des droits civiques, un homme joue un rôle important : Martin Luther King, Jr. Or, la vie de celui qui fut un leader charismatique est marquée par certains faits pouvant écorner son statut, notamment à travers son rapport aux femmes.
Martin Luther King : un mythe
2Le pasteur, bien que marié, avait un penchant pour la gent féminine. Confirmée au grand public par son compagnon de toutes les luttes, Ralph Abernathy (1989), la mention du trait de caractère du leader emblématique de la communauté noire a été froidement accueillie par les Américains en 1989. Dans son édition du 29 octobre1, le New York Times, par l’intermédiaire de Henry Hampton, figure emblématique de la télévision publique PBS2 et producteur de la remarquable série Eyes on the Prize sur l’histoire des droits civiques, écrivit : « C’est une triste ironie de dire que ces révélations seront assurément plus préjudiciables à monsieur Abernathy qu’à la mémoire de King ». La remarque de Hampton, déclinée de multiples façons dans les médias de l’époque, est révélatrice de la place occupée par Martin Luther King dans la mémoire collective américaine. On peut aller jusqu’à dire que le leader du mouvement pour les droits civiques répond à la définition que donne Éric Dacheux (2006) du mythe qui « […] résout des problèmes politiques sans les poser politiquement. Le mythe fige dans le temps en donnant une réponse rassurante, évidente, permanente. […] Le mythe contemporain vise à faire croire, à provoquer l’adhésion du public à la vision politique dominante. Le mythe est fruit de l’idéologie. Comme elle, il vise à maintenir la légitimité de l’ordre établi. Mais il s’agit moins de nier une partie du réel que de chercher, dans le réel, les promesses d’un monde à venir encore plus parfait que l’existant. Ainsi, en cherchant à rendre plus désirables les évolutions présentes, le mythe ouvre l’idéologie à l’avenir et facilite alors une certaine évolution sociale. »
3Cette définition s’inscrit dans le propos pour plusieurs raisons. Tout d’abord, Martin Luther King provoque l’adhésion du public par l’incarnation d’une universalité affichée définitivement lors de l’adoption de la législation de 1964, moment juridique marquant l’apothéose du mouvement mené par le pasteur baptiste. Sa présence dans tous les ouvrages d’histoire, les références incessantes qui sont faites de ses propos, participent à la légitimation de l’ordre établi, i.e. de l’égalité pour tous. I have a dream, discours prononcé sur les marches du Lincoln Memorial, le 28 août 1963, donne foi dans un avenir définitivement décliné d’un monde (américain) toujours plus parfait. La perspective politique esquissée par King demeure une espérance d’évolution sociale incarnée par les progrès socioéconomiques réalisés par la communauté noire.
4Comment rendre sa part d’humanité à ce mythe ? Ce qui intéresse Ho Che Anderson, artiste canadien qui a consacré dix ans de sa vie à réaliser trois tomes d’une biographie non autorisée de Martin Luther King, ce n’est « ni le demi-dieu parmi les mortels créé par les médias […] ni le surhomme auteur du discours sur le rêve, mais l’homme […] ». Du coup, lors de leur sortie chez Fantagraphics (1993-2002) ces trois tomes au style tourmenté et abrupt, ont fait scandale. Pourtant, le jeune homme âgé de 24 ans en 1993 (année de parution du premier tome) s’est nourri de ce qui a construit le mythe. Pendant six mois, nous rapporte le New York Times3, ce garçon au talent fou a visionné Eyes on the Prize, lu Voices of Freedom4 (Hampton et Fayer, 1990) encore et encore pour se lancer dans cette biographie non autorisée. Le choix du jeune dessinateur pour mener à bien ce projet ne laisse pas de surprendre. D’après le critique d’art canadien Murray Whyte qui rédige l’article du New York Times mentionné ci-dessus, c’est pour sa sensibilité de métis afro-canadien qu’Anderson est choisi. Gary Groth, éditeur de Fantagraphics, l’a engagé non seulement pour son talent mais aussi pour sa capacité à traduire un vécu commun avec King, par négritude interposée. Une sorte de discrimination positive comme celle instaurée par la loi sur les droits civiques de 1964 !
5Pourquoi s’intéresser à cette bande dessinée ? Pour deux raisons au moins. Tout d’abord, c’est un travail essentiellement en noir et blanc qui, paradoxalement, efface les frontières entre les hommes blancs et les hommes noirs. Est-ce là l’apanage du métissage de son auteur ? Ce n’est pas la couleur du trait qui définit la couleur du personnage, mais le lecteur, qui, en fonction du contexte et des paroles échangées, doit restituer la couleur du visage de celui qui parle. Parti pris graphique qui complexifie la lecture mais souligne également la commune appartenance au genre humain. Deuxième point, qui sera central dans ce travail, la BD a souvent été, comme le montre brillamment Strömberg (2010), un média renforçant les stéréotypes* négatifs sur les Noirs. Du coup, quel impact peut avoir ce média sur une figure reconnue par tous, ce que Lilian Thuram (2010) nomme une « étoile noire » ? Une planche mettant en lumière la vie privée peu exemplaire de Martin Luther King peut-elle écorner le mythe du défenseur des droits civiques ? Telle est la question que nous nous posons dans ce texte.
Cadre théorique et méthodologique5
6La communication est un processus trop complexe et trop précieux pour être dompté par l’homme : elle se heurte toujours à l’interprétation. Comment rendre compte de cette interprétation ? Les sciences de la communication proposent « des études en réception », c’est-à-dire l’analyse des messages interprétés par les récepteurs. Plutôt que de supposer des masses passives, incapables de remettre en cause le message transmis par les médias, il s’agit d’enquêter sur la manière dont les personnes construisent leur propre interprétation des médias.
Une analyse en réception différente des autres
7Cette tradition de recherche considère le public comme actif : même quand il est installé dans un fauteuil devant sa télé, le spectateur s’expose à telle émission et pas à telle autre, il retient tel élément et pas tel autre, il est satisfait ou non de ce qu’il voit : « Les publics récepteurs jouent un rôle déterminant dans le travail de décodage des messages qui leur sont proposés […] » (Méadel, 2009, p. 16). Cependant, d’un point de vue théorique, si notre enquête s’inscrit délibérément dans la tradition des études en réception, elle propose également un renouvellement des problématiques « bédéphiliques » posées par Éric Maigret et Matteo Stefanelli (2012). Ce renouvellement se marque de deux manières :
- Notre enquête ne se centre pas sur une problématique de résistance d’un public dominé. Pendant longtemps, on a réduit la question de la réception des médias populaires à celle de la résistance des classes dominées, à leur capacité à critiquer le sens imposé. L’un des moyens de dépasser cette question de la « résistance » du récepteur pour comprendre les phénomènes simultanés de compréhension créative et d’appropriation sensible du message est d’étudier la réception des BD politiques hors contexte. Il ne s’agit pas, dans cette enquête, de comprendre comment des Afro-Américains interprètent cette planche à l’époque d’Obama. Il s’agit de comprendre comment un public d’étudiants clermontois, non directement concernés par les ségrégations raciales américaines, va interpréter une scène de la vie quotidienne écornant la représentation positive d’une célébrité ayant agi pour l’égalité des droits.
- Notre enquête ne porte pas sur la question de la légitimité du média BD, mais sur la manière dont elle peut légitimer ou non un homme politique mythifié. Ce travail ne vise pas, en effet, à confirmer ou à infirmer les propos d’Éric Maigret (1994) sur la reconnaissance en demi-teinte de la BD, mais plutôt sur la capacité du média BD à construire et déconstruire la légitimité politique de personnages historiques reconnus pour leurs actions publiques mais méconnus quant à leurs actions privées.
Précisions méthodologiques
8Cette étude en réception porte donc sur la lecture d’une planche, celle de la page 30 du deuxième tome de la BD de Ho Che Anderson. Cette planche de sept cases représente une scène de discussion entre un personnage qui apparaît comme étant Martin Luther King et sa femme, Coretta Scott King. Montrant les deux personnages, la première case est un plan américain6 qui tient toute la largeur de la page. Le reste de celle-ci est découpé en deux fois trois cases, un champ-contrechamp où l’on voit alternativement le leader des droits civiques et sa femme en gros plan. En lisant les bulles du dialogue, on comprend que l’épouse reproche à son mari son absence au sein de sa famille et une éventuelle infidélité. L’époux volage finit par se draper dans un silence méprisant (avant dernière case de la planche) et la dernière case représente sa femme tête basse, s’excusant.
9Cette planche fut distribuée, sans aucune autre indication, accompagnée d’une liste de questions. Le questionnaire fut soumis aux étudiants de master communication stratégie internationale et interculturalité ainsi qu’à des étudiants de LEA (Langues étrangères appliquées). À chaque fois, la procédure était identique : distribution de la BD et du questionnaire en début de cours ; récupération des documents après quinze minutes. Les données ont été analysées sous Sphinx7 par des étudiants de licence information et communication dans le cadre d’un cours d’introduction aux techniques d’enquête.
10Comme toute méthodologie, celle que nous venons d’exposer n’est pas sans inconvénients (par exemple, les réponses sont des réactions à chaud). Il n’est donc pas possible de percevoir les effets à long terme, de rendre compte de l’important travail de sélection et de reconstruction de la mémoire. Malgré ces imperfections, cette enquête a le mérite de poser les bases d’un travail scientifique qui dans le cadre d’une « interdisciplinarité focalisée » (Charaudeau, 2010), développe, à la croisée des études en civilisation et des recherches en communication, une approche de la BD comme lieu de lecture de la dimension sensible des communications interculturelles. Il ne s’agit pas là du résultat parfait d’une recherche aboutie, mais de l’exploration fragile d’un territoire en friche.
Résultats de l’enquête
11Le questionnaire distribué aux étudiants était composé de sept questions déclinées en trois parties. La première, intitulée « Introduction sur le thème de la bande dessinée », visait à savoir si les étudiants interrogés étaient des habitués de cet art. La deuxième partie titrée « Martin Luther King, Jr. » était composée de trois questions dont la seconde avait pour but de déterminer si les personnes interrogées avaient déjà lu la bande dessinée de Ho Che Anderson. Les deux autres étaient posées pour vérifier si les personnes interrogées connaissaient Martin Luther King. La troisième partie de l’enquête s’intitulait « Lecture de la planche ». Les trois dernières questions visaient, d’une part, à faire la description de la planche (vérifier la compréhension de la scène) et d’autre part, à déterminer si cette scène de ménage avait fait changer la vision que les sondés avaient du pasteur américain. Nous allons présenter les résultats de ce travail en deux temps : l’interprétation de la planche puis l’impact de celle-ci sur l’image du leader des droits civiques.
Une planche qui n’a pas posé de problème majeur de compréhension
1220 % des étudiants ayant répondu à ce questionnaire déclarent « ne pas être du tout » amateurs de BD, tandis que 2 % seulement se déclarent être des « amateurs avertis ». Autrement dit, la grande majorité du public interrogé est composée de lecteurs occasionnels de BD. Par conséquent, on aurait pu s’attendre, compte tenu du style graphique de l’auteur8 qui s’oppose à la BD francophone ou au manga*, à une compréhension difficile de la planche proposée. Il n’en a rien été. À la question « Décrivez brièvement la planche », 82 % ont décrit un dialogue conflictuel, parfois en nommant directement la cause du conflit : « C’est une dispute entre Martin Luther King et sa femme. Elle l’accuse de l’avoir trompée » (questionnaire no 21). Le plus souvent en restant allusif sur l’origine du problème : « Elle montre la vie privée et les problèmes de ce couple (une partie des problèmes) » (questionnaire no 30). On notera tout de même, pour nuancer ce propos de compréhension globale de la planche, un taux assez élevé de non-réponse (5 %), tandis que 13 % des répondants ont fait – la question était ouverte – des remarques d’ordre esthétique portant sur la noirceur de la page ou l’absence de décors. En conclusion, même si les choix graphiques de l’auteur ont eu un impact sur la compréhension de la planche, ils n’ont pas, pour la très grande majorité des étudiants, perturbé la compréhension globale de la page. Cependant, on peut noter la difficulté à exprimer directement le motif de la dispute qui apparaît pourtant de manière assez brutale dans l’avant-dernière réplique de sa femme « À qui tu crois parler ? Je suis ta femme, pas une de tes putains ! » Cette difficulté est-elle d’ordre graphique ou – déjà ! – le signe d’un refus de voir le mythe remis en cause ?
Un mythe à peine égratigné, voire renforcé
13Toutes les personnes interrogées disent connaître Martin Luther King, on pourrait donc formuler l’hypothèse qu’il fait partie du panthéon occidental des grands hommes. Une analyse qui n’est pas confortée dès lors qu’on rentre dans les détails des réponses. À la question : « Définissez-le en quelques mots clefs », on s’aperçoit que certains éléments sont méconnus en France. Par exemple, l’instauration d’un jour férié aux USA, n’est jamais citée. Des personnes ont écrit que King avait été Président des États-Unis (deux réponses) ou avait combattu l’apartheid en Afrique du Sud (une réponse). Pour le reste, l’essentiel de ce que cet homme représente est perçu. Par exemple, l’expression « défenseur de la communauté noire » est citée 88 fois, le mot « ségrégation » est mentionné 77 fois. Le discours I have a dream revient dans 66 questionnaires, le terme « pacifisme » est repris 42 fois, etc. Ce qui est frappant, c’est que les éléments se référant à son combat politique sont bien plus mis en avant que des caractéristiques plus personnelles : le prix Nobel reçu en 1964 n’est cité que 5 fois, tandis que le terme « pasteur » est cité 30 fois, soit par 16 % des répondants. Martin Luther King semble, ainsi, pour les personnes interrogées, plus le héros mythique incarnant un combat juste qu’un homme militant pour une cause qui le concerne directement. Moins d’un quart des répondants précise, par exemple, qu’il est noir. La lecture de la scène de ménage va-t-elle salir l’image de ce mythe ?
14Quantitativement, la réponse est négative puisque 62 % des personnes interrogées disent ne pas avoir changé d’avis (cf. graphique). Un résultat qui semble logique : comment une lecture rapide d’une seule planche – qui plus est réalisée par un auteur inconnu dans un style difficile d’accès – pourrait-elle remettre en question une légende qui se développe depuis plus d’un demi-siècle ? A contrario, le fait que 36 % des personnes disent avoir changé d’avis paraît surprenant. Cependant, une analyse plus détaillée des réponses vient, en partie, nuancer cette surprise. En effet, 45 des 66 personnes déclarant avoir modifié leur point de vue, ne changent pas, en réalité, d’opinion sur Martin Luther King9. Simplement, elles ont « découvert l’homme derrière le personnage » (questionnaire no 63).
La lecture que vous faites de cette planche change-t-elle votre définition de Martin Luther King ?
Sur 182 personnes, 113 personnes ont estimé que l’extrait de la bande dessinée-biographie de Ho Che Anderson n’a pas changé leur définition, leur vision de Martin Luther King.
15Ce n’est plus le mythe parfait que raconte la légende publique, mais un être humain qui a les problèmes de son genre : « On se rend compte que c’est un humain comme nous et donc qui a lui aussi des problèmes » (questionnaire no 92). Ce qui change par conséquent ce n’est pas l’opinion sur l’homme public, mais la prise de conscience qu’il est difficile de concilier vie privée et vie publique pour avoir « une vie normale » (questionnaire no 139). Si cette prise de conscience de la dimension humaine du mythe n’affecte pas l’opinion de la grande majorité, elle affecte tout de même une forte minorité (11 %). Mais cette influence n’est pas unidirectionnelle. Si certains ont été déstabilisés, pour deux étudiants en revanche, cette scène de ménage a renforcé la légende. Plus précisément, elle renforce le côté martyr de celui qui fut assassiné : « On voit ici le côté “privé” de la vie de Martin Luther King. Certes, il militait pour une cause à laquelle il a consacré sa vie, mais il en a énormément souffert, notamment dans sa vie privée » (questionnaire no 70). Cette perception positive du dialogue conflictuel n’est pas celle des 19 autres personnes. Pour ces dernières, l’irruption de la vie privée a écorné fortement la légende publique. Quelques exemples en témoignent :
- Il parle des enfants dans ses discours mais néglige les siens : « Dans son discours I have a dream, il cite ses enfants et veut leur offrir un monde meilleur. Dans cette planche, il apparaît comme distant et peu présent » (questionnaire no 45).
- Il se dit non violent mais se comporte de manière violente avec sa femme : « Il apparaît moins comme quelqu’un de non violent et pacifiste, on pourrait même aller jusqu’à penser qu’il bat sa femme » (questionnaire no 111).
- Il réclame le respect pour tous mais « Il ne respecte pas sa femme » (questionnaire no 91).
- Il invite publiquement au dialogue pacifiste, mais se montre agressif en privé : « Pas présent avec sa famille et peu “pacifiste” à ce moment-là » (questionnaire no 117).
16La mise en lumière d’une scène privée rejaillit ainsi sur la légende publique et peut donc, pour certains, inviter à critiquer le mythe.
La BD, construction et déconstruction des mythes
17Dans la veine de l’article de Umberto Eco intitulé « Le mythe de Superman » (1976), la plupart des analystes insistent sur le pouvoir de l’industrie culturelle du neuvième art à fabriquer nos mythes contemporains. Notre enquête, malgré ses limites, a montré que la BD pouvait aussi, pour certains, contribuer à les déconstruire. Cet art possède lui aussi un pouvoir de remise en cause de l’ordre établi, une dimension subversive écrit Pascal Robert dans ce présent ouvrage10. C’est pourquoi, dans une perspective dialogique (Morin, 2006), nous pensons que la BD participe autant à la construction qu’à la déconstruction de nos mythes contemporains. C’est un média qui nous donne accès à la fabrication de nos représentations du vivre ensemble dans nos démocraties pluri-culturelles.
Bibliographie
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Références bibliographiques
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Thuram, Lilian, Mes étoiles noires. De Lucy à Barack Obama, Paris, Philippe Rey, 2010.
Notes de bas de page
1 www.nytimes.com/1989/10/29/books/dr-king-s-best-friend.html
2 Public Broadcasting Service.
3 www.nytimes.com/2003/08/10/arts/art-architecture-king-s-life-in-pictures-of-every-kind.html
4 Cet ouvrage est le complément d’Eyes on the Prize.
5 Merci à Éric Dacheux pour son aide dans la rédaction de cette partie.
6 Cadrage des personnages à mi-cuisse.
7 Logiciel d’enquête et d’analyse de données.
8 Adoption du noir et blanc, dessin à la serpe à l’opposé de la ligne claire, pas de décors, présentation statique, etc.
9 . Analyse d’ailleurs confirmée par le fait que trois personnes ont à la fois entouré le oui (changement d’avis) et le non (changement d’opinion).
10 « La bande dessinée, entre paradoxes et subversion sémiotique », p. 167.
Auteur
Maître de conférences en anglais à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand où il dirige l’UFR LACC (Langues appliquées, commerce, communication). Il est spécialiste de civilisation américaine. Il est aussi membre du laboratoire Communication et solidarité (EA 4647).
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