Chapitre VII. Les mutations urbaines : remodelage interne et expansion périphérique
p. 143-169
Texte intégral
«Ἐξω από τη λεγομένη “Χρυσή Πύλη” του Βαρδαρίου, μας λέν ότι υπήρχε μια Αμπάρα με λιμνάζοντα νερά, εστία νοσογόνων μολύνσεων για το άστυ. Και απἀυτή κατόπι την Αμπάρα, πήρε τὄνομα της η γνωστή κακόϕημος συνοικία, πού διατήρησε τον ιδιόμορϕο χαρακτήρα της μέχρις εσχάτων, που μέγα μέρος της κατεδαϕίστηκε, για την ανέγερση του νέου σιδηροδρομικού σταθμού.
Πόσες εξελίξεις ϕέρνει ο χρόνος ! Ὀταν μπορούμε και τις παρακολουθούμε πειθόμαστε, ότι και η πόλη είναι κάτι ζωντανό. Μονάχα που ο χρόνος της ζωής ενός άστεως, ποικίλλει και δεν συμπίπτει με το χρόνο της ατομικής ζωής. Το άτομο απλώς διδάσκεται, απὄ, τι μπορεί να πληροϕορηθεί σχετικά με την πόλη, της οποίας θαυμάζει το πανόραμα. »
« À l’extérieur de la “Porte d’Or” du Vardar existait, paraît-il, un marais aux eaux stagnantes, foyer de maladies et d’infections pour la ville. De ce marais tira son nom le célèbre quartier mal famé, qui conserva son apparence spécifique jusqu’à la fin, lorsqu’une grande partie en fut détruite pour l’édification de la nouvelle gare de chemin de fer.
Combien de changements apporte le temps ! Lorsque nous pouvons les suivre, nous sommes persuadés que la ville est un être vivant. Seulement, le temps de la vie d’une ville varie, et ne coïncide pas avec le temps de la vie individuelle. L’individu apprend simplement ce qu’il peut connaître sur la ville dont il admire le panorama1. »
1De même que le rattachement de Salonique a impliqué un renouvellement complet de sa population, l’instauration d’un nouvel ordre politique et social devait modifier profondément la structure urbaine héritée de l’Empire ottoman. L’appropriation territoriale a entraîné la nécessité de donner un nouveau visage à la ville, traduction d’une rupture avec l’époque antérieure. L’européanisation de façade et balbutiante des Tanzimat n’avait en rien modifié le caractère profond de la cité. Les étroites ruelles, les demeures traditionnelles aux charpentes boisées et les rues mal pavées étaient l’héritage d’une époque révolue. L’abattage des minarets ne fut pas une mesure suffisante.
2Toute l’organisation interne de la ville était gérée par la division spatiale intercommunautaire. La diversité des quartiers n’avait d’égale que la variété de ses habitants. Le départ des composantes hétérogènes de la population, et l’imposition progressive d’une homogénéité helléno-orthodoxe, ont libéré la cité de ses anciens cloisonnements, pour la soumettre à d’autres formes de ségrégation spatiale.
3L’incendie de 1917 est sans conteste l’événement primordial qui a déclenché la restructuration. Survenu cinq ans à peine après la Libération, il fournit au nouvel État une occasion inespérée d’imprimer son cachet. Son ampleur n’est pas directement impliquée dans le bouleversement ultérieur du paysage urbain. Avec la reconstruction, d’autres choix urbanistiques se sont imposés, qui ont durablement orienté le devenir de la métropole moderne.
Mixité intercommunautaire et ségrégation spatiale
4La littérature de la fin du xixe et du début du xxe siècle, baignée de nationalismes fervents, rend toute étude spécifique des rapports intercommunautaires délicate. Juifs, Grecs, Turcs, Francs, sont traités à part dans les descriptions, selon leurs us et coutumes, leurs particularités vestimentaires, leurs modes de vie et lieux de rencontre. D’autre part, les statistiques sont prétexte à des jugements de valeur, spéculations dont le seul objectif est de justifier l’appartenance légitime de la ville à telle ou telle sphère d’influence culturelle.
5Cette tendance à segmenter le tissu social en ensembles homogènes, et pour ainsi dire clos, se retrouve dans les multiples publications contemporaines. Il serait vain de citer la longue liste des monographies appliquées aux multiples groupes ethniques et confessionnels de Salonique. Les ouvrages scientifiques n’échappent pas à ce penchant : on examine tour à tour la « Séfarade des Balkans », « Selanik musulmane et deunmè », « les Grecs de Thessaloniki », « Soloun, ville slave », la « petite communauté arménienne » et les « Occidentaux de la place »2. Sans réelle transition, le sort des « Turcs », « Juifs », « Bagiatides », « Bulgares », « étrangers », « Roumains » et « Arméniens » sera traité successivement3. Même si le caractère cosmopolite de la capitale macédonienne est ainsi mis en valeur, ce type de taxinomie tend à promouvoir l’idée d’une juxtaposition d’éléments séparés, et préfère la marqueterie au paysage humain imbriqué.
« Les différents groupes qui font de la ville [d’Alexandrie] une véritable mosaïque conservent leurs coutumes et leurs particularismes même s’il existe entre eux des liens étroits que renforce la vie quotidienne. Car tous ces groupes, confessionnels ou nationaux, vivent ensemble, souvent dans les mêmes rues et parfois dans les mêmes immeubles. Aux solidarités d’origine se superpose donc un voisinage quotidien. Dans l’ancien hara (quartier juif), vivent des Grecs, des Italiens et des Syriens. Quant aux Juifs, ils sont d’origines multiples4 ».
6Cette réflexion sur la vie sociale alexandrine pourrait parfaitement s’appliquer à Salonique. La mixité est manifeste. Elle dépasse les clivages politiques et culturels. Même si « ce qui peut apparaître comme des solidarités de classe disparaît en période de crise derrière les solidarités ethnico-religieuses5 », le côtoiement permanent de personnes diverses sur un territoire réduit implique que les échanges priment sur les divisions. La montée en force des nationalismes a fragilisé un ordre social où les animosités entre Musulmans, Orthodoxes et Israélites ont toujours été de rigueur, et trouvaient régulièrement prétexte à manifestation. La remise en cause de cette organisation sociale ne passe pas nécessairement par l’affirmation d’une primauté numérique ou historique, et par un encouragement au chauvinisme – ces deux éléments définissent toute propagande nationaliste. Elle nécessite plutôt une intervention directe sur l’agencement spatial interne de la ville. La manipulation statistique sert de prétexte à une action directe.
7Un ouvrage descriptif fondamental, paru en 1983, a profondément marqué toutes les études géographiques et historiques réalisées depuis sur la capitale macédonienne6. La vaste étude de V. Dimitriadis a comblé un vide historiographique majeur. Si les périodes byzantines et vénitiennes ont été l’objet de toutes les attentions et de tous les chantiers de recherche, le passé ottoman de Salonique demeurait quelque peu négligé. Tandis que les anciens textes traitaient l’organisation et la répartition de l’espace dans la ville ottomane en termes lacunaires ou approximatifs, l’auteur a apporté une précision salvatrice à un flou généralisé. Sa délimitation des quartiers grecs, turcs, juifs et des marchés est devenue une référence incontournable. Les services cadastraux de la mairie utilisent aujourd’hui ses fines descriptions dans leurs travaux d’aménagement.
8L’objectif de Dimitriadis est d’offrir une image évolutive de l’occupation de l’espace urbain par les communautés ethno-confessionnelles constitutives de la population, et d’établir un état des lieux à différentes époques de la Turcocratie. Il s’attache, dans un premier temps, à localiser et à décrire les quartiers de la ville avec ses habitants, pour en venir en second lieu aux édifices urbains et à leur devenir.
9Les sources principales utilisées par l’auteur sont regroupées à Salonique, au siège des Archives de Macédoine. Les registres d’imposition de 1906 (ϕορολογικά κατάστιχα), où sont référencés avec une particulière attention toutes les rues de la ville, par quartier, maison par maison, ont été systématiquement dépouillés. Les cahiers judiciaires (τεϕτέρια ιεροδικαστικά), les cahiers cadastraux (κτηματολογικά τεϕτέρια) et les livres des biens vakouf (βακουϕικά βιβλία) sont venus les compléter. Pour le début de la période, il a fallu recourir aux documents conservés par le monastère des Vlatades, à une description de la ville en 1478, ainsi qu’à un cahier du recensement de la population, effectué au début du xvie siècle et publié à Sofia. L’énorme travail de traduction doit être particulièrement souligné, avec son résultat indirect : un dictionnaire d’équivalence toponymique grec-turc placé en fin de volume, comprenant les rues, boulevards et emplacements divers de la cité.
10Cette énumération des sources citées étaie l’hypothèse centrale, et cependant sous-jacente, du livre : les changements survenus à l’issue du premier siècle d’« occupation » ottomane, à partir de l’installation des réfugiés juifs d’Espagne et d’Europe centrale (fin xve-début xvie siècle), se sont perpétués jusqu’à la fin de la Turcocratie, tant au niveau du partage de l’espace urbain entre les communautés musulmanes, chrétiennes et juives, qu’à celui du rapport numérique entre les représentants de ces mêmes communautés. Ainsi, la description de la ville, établie au début du xxe siècle, est quasiment valable trois siècles plus tôt, à quelques détails près.
11Pendant toute la durée du xve siècle, la population de Salonique reste faible ; Turcs et Grecs vivent ensemble, indifféremment mélangés dans tout l’espace urbain. L’arrivée massive des Juifs suscite un renouvellement de la dynamique démographique. À ce bouleversement social et spatial devait encore s’ajouter le désastre de l’incendie de 1620, qui détruisit la presque totalité de Salonique, et de l’épidémie de peste, qui s’abattit la même année : les habitants Turcs, Juifs et Grecs fuient à nouveau hors des murs, dans un processus maintes fois renouvelé par la suite. La ville dans laquelle ils s’installent à leur retour présente une physionomie différente de l’ancienne. En effet, le nom de la plupart des quartiers chrétiens change, et les Turcs s’installent progressivement dans la partie haute de la ville, le Baïr, laissant aux Chrétiens et aux Juifs la partie basse et insalubre, connue sous le nom de Kambos.
12Ces caractéristiques générales allaient rester pratiquement inchangées jusqu’au début du xxe siècle. Tandis que la concentration des Turcs dans Ano Poli se renforce, le périmètre occupé par les Juifs tend à s’élargir à partir du port, pour atteindre le seuil de la via Egnatia. Seuls les quartiers grecs sont dispersés : les églises orthodoxes restent ouvertes aussi bien à la porte occidentale du Vardar qu’à celle orientale de Kalamaria, autour du monastère des Vlatades dans le Baïr, ou du naos de Agia Theodora, au cœur du domaine habité par les Israélites. Aux douze quartiers grecs s’ajoutent quarante-trois turcs et seize juifs. Le déséquilibre entre la répartition numérique des communautés et leur distribution spatiale est flagrant. Les différences de densité entre Ano et Kato Poli sont plus prononcées. Maîtres de la place, les Turcs ont cantonné les giaours dans l’espace exigu situé en dessous de l’Egnatia.
13L’importance des centres cultuels est primordiale pour juger du dynamisme de tel ou tel quartier. C’est la raison pour laquelle l’auteur s’attache ensuite au devenir des églises, mosquées, tekke, monastères, synagogues et écoles, ainsi qu’aux fontaines et cimetières. Chacun de ces lieux est identifié et décrit avec la plus grande précision. La tâche est ardue, tant les incendies ont été nombreux, les changements de noms systématiques et la détérioration des monuments considérable au cours des siècles.
14Tout au long du livre, l’élément descriptif l’emporte sur l’approche explicative. Les longues énumérations des quartiers, rue par rue, maison par maison, fournissent une image vivante de la cité au début du siècle. La rue Egnatia s’anime sous nos yeux : les établissements Allatini alternent avec les boutiques, pharmacies et fours turcs, les cafés, tavernes et autres hôtels grecs, démontrant à quel point cette avenue pouvait être à la fois une ligne de partage et un point de rencontre des différentes communautés.
15Le pendant négatif de ce type d’analyse est d’éluder le rapport social quotidien entre des gens de religion, langue et coutumes diverses. Si les quartiers sont classés en 1906 en « grecs, turcs, juifs et marchés », les espaces mixtes sont mentionnés, mais ne sont pas pris en compte en tant que tels, ni représentés sur la carte de synthèse. Chaque communauté est traitée indépendamment des autres, leurs rapports mutuels ignorés. Certes, les sources les plus prolixes concernent la population musulmane. Il est regrettable que, selon l’expression de l’auteur, les Juifs aient « évité » l’administration ottomane : bien que majoritaires au sein de la population depuis le début du xvie siècle, leur cas est relativement peu abordé. De même, les minorités bulgare, arménienne, dönme, valaque ou tzigane ne sont mentionnées qu’occasionnellement.
16Quoi qu’il en soit, cet ouvrage constitue une base de données essentielle pour qui s’intéresse à l’histoire des villes impériales ottomanes. Au moment où la ville turque disparaît sous les immeubles modernes, la cité cosmopolite du début du siècle – que l’incendie de 1917, la spéculation foncière effrénée et le développement urbain de ces dernières années ne sont pas seuls à vouloir effacer – est reconstruite pas à pas. Ainsi décrite, Salonique paraît totalement différente de son état actuel. On perd ses repères dans un espace où les noms ont changé, les rues ont disparu, les maisons ont été remplacées et bien des monuments détruits.
17Mon propos n’est pas de revenir sur le travail qui incombe aux historiens spécialisés, mais de remettre en question le sacro-saint clivage ethno-confessionnel qui, pour être vrai sur le plan culturel ou institutionnel, s’est heurté à un modèle intégrateur d’organisation spatiale. À travers la nécessité du côtoiement quotidien des personnes, ne serait-ce que pour des impératifs fonctionnels, le Territoire s’est imposé comme un agent d’intégration particulièrement efficace, propice à la mixité des rapports sociaux. Répliquant à la séparation juridique des communautés autogérées, il introduit l’exigence du vivre-ensemble. Malgré la tendance au regroupement des habitations de chaque groupe ethno-confessionnel autour des lieux de culte, le système du millet n’a pas de strict équivalent spatial : aucun quartier n’est exclusivement aux mains d’une communauté donnée. Même diffuse, la présence foncière des Juifs et des Grecs dans la ville haute a été constante. Les Turcs possédaient forcément leurs échoppes dans la ville basse. Les rayas pouvaient obtenir la concession de biens vakouf, les propriétés Israélites se rangeaient à proximité immédiate des mosquées ou des églises.
L’incendie de 1917 : imposition d’un nouvel ordonnancement social et territorial
18Malgré les multiples améliorations urbanistiques apportées dans la seconde moitié du xixe siècle, la destruction des remparts maritimes et l’élargissement des principales artères de communication, Salonique reste particulièrement vulnérable aux incendies. L’absence de plan d’alignement, l’inadaptation des réseaux d’adduction d’eau, un service de pompiers inorganisé, l’enchevêtrement des rues, la densité des habitations, l’utilisation du bois comme matériau de base dans la construction des logements traditionnels – tandis que la pierre était uniquement réservée aux monuments, aux édifices publics ou religieux –, sont autant de facteurs favorables à la propagation des flammes.
19L’incendie de 1917 s’inscrit dans une longue lignée de catastrophes, dont la plus récente ne fut pas la moindre. En 1890, vingt hectares de la ville basse situés au sud de Agia Sophia et à l’est de Agia Theodora partirent en fumée. Ces énormes dégâts ont affecté essentiellement des quartiers juifs. Le plan de reconstruction fait apparaître un tracé qui contraste fortement avec les anciennes ruelles « introverties », en cul-de-sac. Des carrés urbains à angles droits remplacent les îlots irréguliers traditionnels. Si les choix s’orientent vers une européanisation urbanistique, l’expropriation nécessaire aux mesures de réfection n’affecte que les espaces publics (boulevards, places). L’ouverture de voies de communication élargies n’entraîne pas une baisse de la densité de l’occupation, car les immeubles qui voient le jour sont nettement plus élevés que les vieilles demeures. Malgré les différences, le nouveau bâti est relié à l’ancien harmonieusement. Cette intégration passe par la réintroduction des impasses et ruelles aveugles au cœur de quelques lotissements. Le mode de reconstruction, novateur en cette fin de xixe siècle, prolonge l’ordre social antérieur, sans en remettre en cause les clivages et les structures internes : malgré quelques délocalisations de foyers juifs à l’extérieur des remparts, les Israélites conservent leur prééminence sur les quartiers rénovés. Ils sont indirectement bénéficiaires des opérations. En quoi l’incendie de 1917 diffère-t-il de son prédécesseur ?
20A. Yerolympou a élaboré une étude très documentée sur cet événement clé du développement urbain7. Le grand incendie de 1917 s’étale sur une période de 32 heures. Déclaré à 15 h 30 l’après-midi du 5 août au nord-ouest de la ville, il poursuit sa progression vers le sud-est, pour venir mourir sur la mer le 6 août à 23 h 30, réduisant en cendres au passage 120 hectares et 9 500 bâtiments (soit les deux tiers du nombre total des constructions). Sans faire aucune victime, il crée presque instantanément 70 000 sans-abri, dont la plupart, une nouvelle fois, sont juifs. La catastrophe est gigantesque pour la ville, qui vient à peine d’entrer dans le giron hellénique, et qui sert de base aux armées alliées sur le front d’Orient. Aux affres de la guerre viennent s’ajouter ceux imposés par le sinistre. Une nouvelle terminologie est mise en place : la zone reconstruite s’appellera ta neoktista (τα νεόκτιστα) ; le secteur incendié sera to pyrikafsto (το πυρίκαυστο), ou ta kamena (τα καμένα).
21Déjà fortement ébranlée par la transition de tutelle politique, soumise à toutes sortes de mutations démographiques, Salonique vit cet événement dans une confusion généralisée. La métropole devient grecque dans un véritable chaos humain et urbain. Le prodigieux désordre provoqué par la présence de près de 200 000 soldats étrangers, le départ d’une partie de la communauté turque, l’échange gréco-bulgare, l’arrivée de réfugiés des quatre coins des Balkans et du Caucase, la création spontanée de nouveaux quartiers à la périphérie pour abriter les Juifs sinistrés par l’incendie, est difficile à imaginer. Avant que le processus de reconstruction et de redistribution des nouvelles propriétés ne soit achevé à la fin des années 1920, la cité sera vidée de ses derniers occupants musulmans et devra faire face au flux massif des réfugiés d’Asie Mineure. La genèse de la ville moderne commence par une apocalypse.
22L’ampleur des dégâts est loin d’être la différence fondamentale entre les incendies de 1890 et de 1917. Sous des aspects communs, le mode de reconstruction est diamétralement opposé. Les autorités athéniennes saisissent l’occasion pour imposer un nouvel ordre social et territorial à la capitale macédonienne. Une expropriation générale de la zone incendiée est décidée. La vente des nouveaux lopins se fera progressivement aux enchères publiques, les anciens propriétaires bénéficiant d’un droit de préemption. Les raisons invoquées par le gouvernement, et par E. Venizelos en personne, sont multiples : dangereusement insalubre, la cité doit subir une rénovation de fond pour autoriser le développement tant souhaité des activités économiques. « À Salonique, la crise arbitraire de la propriété individuelle fait des ravages. Un petit terrain empêche l’utilisation d’un terrain beaucoup plus grand qui se trouve plus à l’intérieur dans le pâté de maisons, et ainsi de suite8 ». Le désir d’imposer un sceau grec à cette ville marquée par un passé ottoman, par la prééminence économique des Juifs, et par la multiplicité des centres de pouvoir se couple à l’ambition de sceller l’intervention étatique au paysage urbain : « Une nouvelle déclaration forte de la présence hellénique sur une ville balkanique pluri-ethnique, active, et peut-être “infidèle”9 ».
23Le plan élaboré par l’architecte français Ernest Hébrard ne se limite pas seulement à la zone incendiée. Il embrasse la totalité de l’agglomération, y compris ses extensions périphériques, et prévoit une population double de celle présente à l’époque. La globalité de l’approche architecturale et fonctionnelle reflète une volonté de rénovation complète. Le projet ne sera en fait strictement appliqué qu’au centre-ville sinistré et servira de plan indicateur, ou prévisionnel, pour les banlieues. Ano Poli est conservée, ainsi que les bazars centraux ; les monuments, bâtiments publics et religieux sont détachés de leur environnement pour être isolés ; l’infrastructure urbaine doit être modernisée (électricité, eau, égouts, extension du port et de la gare) ; Kato Poli cumulera les fonctions administratives et économiques ; les espaces libres, places, jardins et parcs sont multipliés, et l’organisation spatiale ethno-confessionnelle doit disparaître. L’aspect oriental de la ville s’efface au profit d’une architecture internationale qui mêle les influences germanique (plan d’utilisation des sols), anglaise (jardins et cités ouvrières), française (boulevards, influence de l’École des beaux-arts) et américaine (parcs, CBD). Telles sont les principales mesures de planification.
24La vente aux enchères des parcelles reconstruites inaugure une forme d’occupation de l’espace où les anciennes solidarités de voisinage, articulées autour des lieux de culte, cèdent le pas devant une hiérarchisation socio-économique. La plus-value apportée par l’opération, l’augmentation très importante du prix du sol, l’éradication totale de toute trace des anciens quartiers, ont favorisé la mise en place de nouvelles structures, où le revenu des habitants prime sur l’appartenance communautaire. La transformation de la ville passe par une révolution du marché foncier.
25Il est paradoxal de constater que les résistances à ces changements, pilotés par Athènes, n’ont jamais bénéficié d’un seuil d’organisation suffisant pour pouvoir prétendre à une quelconque efficacité. Les pressions ont été fortes sur les responsables de l’Équipe cadastrale10 et sur les membres de la Commission du plan de Salonique11. Des 4 000 parcelles initiales, seules 1 200 demeurent à la fin de l’intervention. Malgré leur droit de préemption, les Juifs, principales victimes des dégâts, sont évincés de leurs quartiers historiques. Les synagogues et lieux publics centraux de la communauté ont été détruits. Probablement désorganisés et affaiblis, les Israélites n’expriment que faiblement leur mécontentement. Des trente-quatre anciennes synagogues, seules trois sont rétablies dans le périmètre sinistré.
26Les réactions se multiplient lors des premières ventes aux enchères. Les réclamations visent la diminution de la surface des lopins et l’augmentation de leur nombre, la restitution des bâtiments qui n’ont pas brûlé à leurs anciens propriétaires, et le déblocage de fonds d’emprunt pour permettre aux particuliers de reconstruire. Les achats effectués par de riches particuliers non-Saloniciens, et par les établissements bancaires athéniens, sont particulièrement décriés.
27En dépit des faits, l’idée que le plan de reconstruction a été entravé par une opposition irréductible de puissants intérêts communautaires ou de classes est ancrée dans l’opinion grecque comme la cause principale de l’inachèvement du projet initial. Concrètement, la Catastrophe d’Asie Mineure a largement perturbé le processus de redistribution des terres et a réorienté les priorités de l’État : certains bâtiments publics ne seront jamais construits, faute de moyens. La crise économique renvoie les grandioses projets architecturaux au rang d’utopies.
28Si les élégantes façades des immeubles élaborés par Hébrard flattent aujourd’hui encore le regard, quatre-vingts années de détériorations, d’agressions atmosphériques, de soubresauts sismiques, ont passablement abîmé les structures. L’heure est à la réfection de bâtisses qui appartiennent désormais au patrimoine culturel de la ville. Le bétonnage intempestif a entre-temps détruit une grande partie de l’ouvrage originel, dont l’esthétique attrayante contraste avec l’urbanisme contemporain.
29Outre les édifices, l’arsenal législatif, mis en place pour accomplir la reconstruction, a perduré. L’ordonnance royale du 8 mai 1920 « sur l’application du nouveau plan de Salonique » annonce tous les Règlements généraux de construction12 ultérieurs : elle instaure pour la première fois le principe des permis de construire avec étude architecturale préalable, inaugure les « systèmes de construction »13 (hauteur autorisée des bâtiments, distances entre les édifices), fixe l’implantation des entreprises industrielles à l’ouest de la porte du Vardar. Ces mesures débouchent quelques mois plus tard sur l’élaboration et le vote de la loi fondamentale de 1923 « sur les plans des villes...14 », puis sur la rédaction de la loi de 1929 « sur la propriété horizontale15 », qui institue le système de l’antiparochi16. Les bases de l’urbanisme moderne sont jetées.
Évolution et restructuration du tissu urbain des années 1910 aux années 1990
30L’indigence des plans disponibles de la capitale macédonienne perturbe toute étude diachronique de son expansion au xxe siècle. Si quelques documents cartographiques retracent les étapes de démolition des murailles et les premières formes de l’expansion périphérique, les sources se tarissent à partir des années 1930. Les institutions helléniques sont rarement capables d’investir dans ces représentations de l’espace, et les moyens développés dans ce sens sont généralement médiocres. Il est aberrant de ne pouvoir accéder à un plan actualisé de la métropole dans les bureaux d’urbanisme, qui prétendent pourtant gérer et orienter l’avenir de la cité. Comment traiter un malade si l’on ne connaît même pas les principes élémentaires de l’anato-mie ? Élaborer une carte actuelle et précise de l’agglomération est ainsi apparu comme une nécessité impérieuse, préliminaire à l’approche scientifique.
Le défi de la représentation cartographique
31Les obstacles à la production cartographique sont nombreux. Dans un souci de précision, mon choix s’est rapidement orienté vers l’élaboration d’un plan de l’agglomération à l’échelle des îlots urbains. En l’absence de carte de l’espace construit, les plans d’alignement de la ville17, disponibles en une dizaine de planches auprès des bureaux du ministère de l’Aménagement à Salonique, ont paru être les supports les plus fiables. Les rymotomika présentent l’avantage de se référer aux modifications d’alignement, et sont donc susceptibles de fournir des informations intéressantes sur la transformation progressive du tissu urbain. Hélas, la conformité du plan avec le bâti réel laisse parfois à désirer.
32Un double handicap complique la recherche : certains quartiers préfigurent le tracé des voies de communication, sans que les travaux n’aient été en aucune façon effectués; d’autres, au contraire, pâtissent d’un retard d’intégration, bien que leur édification remonte à plusieurs années. De plus, les espaces périurbains proches, déjà en partie colonisés, sont globalement ignorés (planche 21 grand format). Afin d’éviter cet obstacle, les cartes initialement numérisées ont dû être systématiquement complétées à partir des photographies aériennes, exécutées en 1990 par le Service géographique de l’armée18. L’investissement temporel et la quantité de travail ont pris immédiatement d’énormes proportions : la numérisation a porté sur approximativement dix mille entités graphiques (polygones et lignes).
33Salonique bénéficie d’un statut d’exception en Grèce du nord. Elle échappe à la classification d’« espaces frontaliers » pour lesquels, à l’heure du satellite, toute diffusion de cartes ou photographies réalisées par les services de l’armée est prohibée. Comme les problèmes n’arrivent jamais seuls, les photographies aériennes sont soumises à un « nettoyage » préalable, les secteurs pouvant présenter un intérêt stratégique étant systématiquement effacés des documents. Outre les implantations militaires et paramilitaires de Pavlou Mela, Karatasou, Strebenioti, Ziaka, Papakyriazi et Megalou Alexandrou au nord, de Kodra et Dalipi au sud de l’agglomération, la censure porte également sur les principales zones industrielles (Diavata, delta du Dendropotamos, sud de Kalamaria). Cette oblitération dépasse la ponctualité, lorsque s’y ajoutent le secteur central de l’université et de la foire internationale, la totalité de la zone portuaire et aéroportuaire. Dans ces conditions, l’analyse des « trous », gracieusement laissés en blanc par les autorités, peut être considérée comme une participation des militaires au tracas de l’élaboration d’un plan fonctionnel. Assurément, ces éléments résument l’intérêt stratégique que représente Salonique aux yeux des agents de la défense nationale hellénique.
34Malgré les inconvénients énoncés, la couverture aérienne de l’agglomération est d’une exceptionnelle continuité chronologique. Les premières photographies ont été prises par l’armée d’Orient au cours de la Première Guerre mondiale, avant et après l’incendie de 1917. Tous mes efforts pour accéder aux archives photographiques françaises ont été vains. Aucun service parisien de l’armée de terre et de l’air ne paraît posséder les plaques de verre originales, ou ne veut en autoriser l’accès. Pourtant, quelques reproductions, compulsées en Grèce, ont démontré l’intérêt des documents.
35Le ministère de l’Aménagement dispose d’une série de clichés aériens datés de 1930. Malgré leur médiocre qualité, ils dispensent des informations cruciales sur l’entre-deux-guerres. La série suivante, au 1/ 42 000, datée de 1945, qui émane de l’armée britannique, est de très bonne qualité, à l’instar des collections grecques ultérieures de 1960 (1/ 30 000) et de 1978 (1/ 15 000). La base photographique couvre quasiment l’ensemble du siècle, de 1915 à 1990, à raison d’une prise de vue en moyenne tous les quinze ans. Cet outil est particulièrement adapté à l’observation de la croissance et des transformations de la métropole. Une cartographie diachro-nique précise de l’évolution du tissu urbain salonicien a pu ainsi être réalisée (planche 22 grand format).
Morphologie urbaine au lendemain de l’annexion
36Depuis le début du siècle, la progression spatiale du bâti a ouvert deux fronts de colonisation, l’un septentrional et l’autre méridional. Acculée aux versants du Chortiatis, l’agglomération s’est divisée en deux renflements, où le centre-ville ancien sert de point de jonction et de nœud de communication obligé. Au fur et à mesure de l’extension, la contiguïté des quartiers et des constructions a laissé place à une région urbaine éclatée : le critère de proximité n’est plus prépondérant, et la différenciation fonctionnelle s’est fortement accrue. Quelles sont les étapes de cette révolution ?
37Lors de l’annexion de Salonique en 1912, la ville intra-muros avait déjà notablement changé. Comme dans la plupart des métropoles ottomanes, les réformes des Tanzimat avaient altéré le visage de la cité historique : percement, alignement et élargissement des principales artères de communication (boulevards Nikis et Ethnikis Amynis, rues Venizelou, Agiou Dimitriou, Egnatia), reconstruction et réaménagement des espaces portuaires, création des gares de chemin de fer, mesures favorables à la formation de nouveaux quartiers extra-muros, sans oublier la réédification du secteur détruit par l’incendie de 189019. À l’aube du xxe siècle, Salonique est partiellement sortie de son confinement, pour s’étendre au nord vers le cours inférieur du Dendropotamos, et au sud vers les plaines de Kalamaria. L’incendie de 1917 a largement profité au développement périphérique : malgré les installations provisoires du centre-ville, un grand nombre de sans-abri ont pris le chemin des campagnes proches. Les commerces se déplacent, au moins momentanément, vers les rues Vasilissis Olgas, Langada et Monastiriou.
38À l’encombrement du centre historique répondent, à l’extérieur, des terres beaucoup plus ouvertes. L’emprise foncière est lâche, et les espaces verts nombreux. Étendue le long du bord de mer, la principale route d’accès vers Kalamaria est le boulevard Vasilissis Olgas. Le deuxième axe, plus intérieur, se situe à l’emplacement de l’actuel boulevard Konstantinoupoleos, prolongé en amont jusqu’à la jonction de l’Egnatia et de la place Sindrivanis. Entre le centre-ville et les « campagnes » de Hamidiye, l’occupation du sol ne présente pas de continuité réelle. Les cimetières juif, turc et grec, ainsi que les nombreux terrains à usage militaire, imposent une discontinuité territoriale. Le seul quartier urbain réellement constitué s’étend de Vasilissis Olgas jusqu’à l’axe ébauché par Papaphi et Marathonos au nord, pour s’achever le long des rues Papaskevopoulou et Katsimidi.
39Au-delà de ce polygone, la dispersion est de règle. Les grandes villas bourgeoises se succèdent, coupées de champs et de plantations. Seul le bord de mer présente un alignement ininterrompu de constructions. Outre les riches demeures et les pavillons consulaires, quelques bâtisses d’utilité collective y ont également vu le jour : hôpitaux israélite, italien et russe, orphelinat grec. Les rares installations industrielles sont plus loin, en direction du Karabournaki : une briqueterie et les moulins Allatini. La zone est desservie par une ligne de tramway, qui a donné son nom au faubourg septentrional de l’actuelle Kalamaria, où se localisait le terminus : « Depo ».
40Les banlieues nord sont plus restreintes. Le quartier du Vardar, qui jouxte immédiatement les remparts, s’étend progressivement le long de la rue Monastiriou, et en direction de la gare du chemin de fer. L’aspect populeux, ouvrier et industriel de ce secteur en fait l’antithèse de Kalamaria. L’habitat aisé est remplacé par le village tzigane et les intendances de réfugiés. Pourtant, derrière les hangars et les nombreux ateliers, les «jardins » et lopins destinés aux cultures maraîchères prolifèrent.
41En somme, la vocation industrielle des secteurs marécageux du nord de la ville, et résidentielle des quartiers méridionaux, était déjà déterminée avant l’élaboration des projets de reconstruction de Hébrard. Cette dichotomie persistante a été partiellement gommée par l’installation des réfugiés et l’exode rural, qui ont submergé l’agglomération tout entière.
Le chantier urbain des années 1930
42Les photographies aériennes de 1930 couvrent la totalité de l’agglomération, y compris ses nouvelles extensions, et les quartiers périphériques de réfugiés. Contrairement à la cartographie imprécise, mal datée et approximative du début du siècle, ces clichés permettent une analyse fine de l’occupation du sol au cours de cette période cruciale de l’entre-deux-guerres.
43L’aspect de Kalamaria est sans commune mesure avec celui offert deux décennies plus tôt. Certes, des éléments subsistent : les arbres et futaies continuent à s’intercaler harmonieusement entre les maisons. Toutefois, les cultures qui accompagnaient les pavillons les plus excentrés, et qui faisaient le charme du quartier des campagnes, ont pratiquement disparu. Désormais, les parcelles agricoles ont cédé la place à des lotissements anarchiques. Zones nouvellement colonisées où buttes de terre, chemins poussiéreux, bâtisses en construction, baraquements provisoires, torrents non canalisés, côtoient les quelques terrains vagues, non encore happés par la frénésie du bâtiment.
44Bien que ces paysages s’étendent également au nord de l’agglomération, le Sud présente une transformation et des contrastes plus accusés. Les hameaux de Kato Toumba, Charilaou et Trochiodromikon voient ainsi spontanément le jour. Les installations sauvages sont la règle. Huit ans après la Catastrophe d’Asie Mineure, les logements définitifs sont encore peu nombreux, mais terrassiers et maçons s’activent. Une impression saisissante de gigantesque chantier émerge à la lecture des documents photographiques. Faute de place, les réfugiés sont établis prioritairement à l’extérieur de la ville, au cœur de zones inhabitées et souvent même insalubres. Tandis que Kato Toumba et Charilaou se situent aux portes de l’agglomération, le village d’Aretsou est à chercher quelques kilomètres plus loin, au-delà du Karabournaki. Les vieux Saloniciens se souviennent encore aujourd’hui de Kalamaria comme d’un vaste marécage, et les institutions chargées du bien-être sanitaire des immigrants doivent se battre contre les épidémies ; la lutte contre le paludisme demeure une nécessité.
45La parenté entre le paysage urbain de l’époque et la morphologie actuelle est loin d’être évidente. Les points de repères (artères de communication, principales installations, limites stables de grands lopins) sont bien difficiles à cerner dans ce chaos, cet entrelacs de maisons inachevées où la voirie est balbutiante. La trame urbaine de Kalamaria a subi de profondes modifications. L’ancien bord de mer sinueux, remplacé aujourd’hui par une grande artère rectiligne, apparaît dans son état originel sur les documents. Le secteur actuel de la foire internationale et de l’université, saccagé et ruiné au cours de la Seconde Guerre mondiale, n’est alors qu’une forêt de tombes, à laquelle sont venus s’accoler des baraquements militaires.
46Dans le centre-ville, la reconstruction, déjà bien entamée, n’est pas totalement achevée. Nombre de parcelles sont incomplètement rebâties. Le panorama est désormais marqué par une fracture tranchée. Les îlots épargnés par l’incendie se caractérisent par des bâtiments de taille réduite, une densité de constructions faible et des espaces verts intermittents, dans un lacis de ruelles étroites. C’est le cas de la ville haute, mais également des quartiers situés en dessous de Agiou Dimitriou : depuis Agia Sophia, à l’est, ou de Ladadika, à l’ouest, jusqu’à l’Eptapyrgio, aucune rupture morphologique ne vient troubler l’harmonie du spectacle. Le kastro20 lui-même n’est que très partiellement envahi par les habitations. Si les maisons de réfugiés sont rapidement venues densifier les pentes d’Ano Poli, plus en aval, elles ont mis davantage de temps à pénétrer l’enceinte de la citadelle.
47La colonisation de la ville haute, malgré sa proximité, est donc très récente. L’agglomération s’est d’abord étendue vers les plaines septentrionale et méridionale, avant de monter à l’assaut des pentes abruptes du Chortiatis. Quelques bâtisses clairsemées se risquent à l’extérieur des remparts, en direction d’Agios Pavlos, tandis qu’ailleurs les versants restent nus. La conquête d’une partie de l’espace intra-muros est ainsi postérieure à celle des campagnes périphériques. Elle s’est effectuée dans un mouvement de retour, lorsque la contrainte des distances a commencé à peser plus lourdement que les inconvénients d’une pente accusée.
48Les transformations sont tout aussi importantes au nord. Seuls les hameaux de Neapoli et Ambelokipi sont pratiquement achevés. Les limites de la commune actuelle de Salonique correspondent grossièrement à la zone d’extension du bâti en 1930. Excentré, mal desservi, doté d’habitations précaires ou en cours d’érection, Neapoli n’est pas mieux loti que Kalamaria. Paradoxalement, au sud de Monastiriou, la pression foncière semble supérieure à celle du Karabournaki ou des alentours de Pylaia : les champs cultivés, au parcellaire serré, remplacent ici les friches et terres de pâture extensive. Les jardins maraîchers prennent rapidement le dessus sur les infrastructures portuaires. L’ancienne gare de chemin de fer, toujours en fonction à cette époque, marque la rupture entre les habitations et la zone industrialo-portuaire. L’axe de la rue Monastiriou est bordé de part et d’autre de logements. L’installation de la nouvelle ligne ferroviaire et l’édification d’une gare moderne dans les années 1960 ont entraîné la destruction d’une grande partie des quartiers ouvriers. Là s’étendait une multitude de petits ateliers industriels, qui avaient vu le jour à la fin du xixe siècle, lorsque l’incendie de 1890 avait contraint une partie de la communauté juive à trouver refuge à l’extérieur de la porte du Vardar.
49Hélas, les photographies se limitent à une ceinture géographique plus réduite que l’agglomération actuelle. Du Dendropotamos à Aretsou, elles révèlent peu l’intérieur des terres, laissant hors d’atteinte les villages de Pylaia et Sykies, mais surtout les hameaux de réfugiés d’Evosmos, Eleftherio-Kordelio et Efkarpia.
1945 : l’établissement des réfugiés s’achève
50La série de prises de vue effectuée en 1945, immédiatement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, est de grande qualité. Elle couvre la totalité de la région urbaine de Salonique. Malgré quinze années mouvementées sur le plan politique et militaire, et bien que sa population reste numériquement stable, la ville s’est manifestement étendue. L’établissement des réfugiés s’est inscrit, au cours de cette période, comme le moteur essentiel de toute la politique d’urbanisation : vingt-cinq ans auront été nécessaires pour assimiler le flux migratoire. De fait, l’ensemble du tissu urbain semble mieux organisé : les baraquements se font plus discrets, et les immenses zones de flou, inorganisées et en chantier, ont pratiquement disparu. Une voirie et des infrastructures ont pu être édifiées. De nouveaux lotissements sont venus compléter les installations antérieures. Vraisemblablement, l’essentiel de ces opérations a été réalisé durant la décennie qui précède la guerre.
51La plus forte poussée est enregistrée au sud de la ville. Les espaces vacants, qui faisaient tampon entre la banlieue bourgeoise du début du siècle et les récentes demeures, se comblent. Dorénavant, les maisons de Kouri, Katirli et Aretsou sont directement reliées à l’agglomération par l’adjonction des logements de Derkon et Karabournaki, complétés plus à l’est par l’ébauche de ceux de Kiphisia et Vyzandio. Kalamaria gagne ainsi par ses maisonnettes régulièrement agencées son statut rémanent de quartier de réfugiés ; à cent lieues de sa position actuelle, où les immeubles de haut standing font oublier les marécages et la précarité des logements initiaux. Raccordés à la ville, ou encore relativement excentrés, Ano Toumba, Kato Toumba et Triandria sont devenus des hameaux très consistants. Les axes de circulation principaux se sont multipliés : les rues Solonos, Delphon, Papaphi et Konitsis complètent les boulevards Vasilissis Olgas et Konstantinoupoleos.
52Dans le centre-ville, le paysage évolue peu. Quelques habitations ont été édifiées dans le kastro. Déjà profondément traumatisée par les ravages de l’incendie, la cité historique bénéficie d’une période de répit. En fait, une évolution est surtout notable aux pieds des murailles. D’Evangelistria à Saranda Ekklisies, en passant par Agios Pavlos, Kolokotroni, Nea Varna et Kallithea, de nouveaux quartiers ont surgi, souvent hétérogènes : à l’est, Evangelistria et Saranda Ekklisies sont des lotissements gouvernementaux régulièrement ordonnancés, tandis qu’à l’ouest, la progression est largement spontanée et anarchique. Une partie des réfugiés ont accédé à la propriété, sans recours à la tutelle étatique et au dispositif administratif normal.
53Le nord de l’agglomération a peu évolué. Evosmos, Kordelio, Polichni, Stavroupoli, Sykies et Nea Efkarpia sont toujours situés en rase campagne. Colonies rurales créées sous l’égide du ministère de l’Agriculture, leurs relations avec l’agglomération sont distantes. Quelques bâtiments industriels localisés le long de la route de Langada et, surtout, la zone portuaire sont là pour fournir des emplois complémentaires à une main-d’œuvre pléthorique. Tout le secteur septentrional est étroitement lié au port, aux divers ateliers ou aux usines qui s’y greffent. La rue Monastiriou est une ligne de rupture : elle oppose l’organisation linéaire du bâti, le long des artères de communication et des voies ferrées, à l’agencement concentrique des pôles résidentiels ouvriers. En deçà de la rue Giannitson, les jardins n’ont pas été entamés.
54Bien que sa population soit décimée par les déportations et l’occupation, Salonique ne sort pas en ruines de la Seconde Guerre mondiale. Elle vient à peine de panser les plaies de la Catastrophe d’Asie Mineure. L’établissement des réfugiés a mobilisé toutes les énergies locales et nationales pendant cinq lustres. De grandes opérations immobilières ont été réalisées, qui n’excluent pas les initiatives individuelles. Le front d’expansion est aussi bien intérieur qu’extérieur : si l’État se charge de créer les villages périphériques, les immigrés veillent à combler le mitage urbain hérité des années 1920.
1960 : les prémices d’un rééquilibrage spatial de l’agglomération
55La vague micrasiatique à peine assimilée, les migrants ruraux se pressent aux portes de la ville dès la fin de la guerre civile. L’exode rural entraîne une densification impressionnante de l’agglomération. Les espaces vacants et les jardins de Kalamaria disparaissent sous une marée de béton. L’extension spatiale est limitée autour du Karabournaki, en direction de Votsi et Kiphisia. Ano Toumba et Triandria sont phagocytés. Mais surtout, les autorités municipales entament avec l’aide de l’État la réalisation de grands projets d’équipement : sur les photographies de 1960, la nouvelle promenade de Kalamaria, où s’installera le Makedonia Palace, est en cours d’édification, à l’instar du grand stade Kaftanzoglou, entre Triandria et Tsaldari. Après avoir subi les destructions de l’armée allemande, l’ancien cimetière juif cède la place à l’université et à la foire internationale, permettant ainsi au tracé de l’Egnatia de se prolonger en amont jusqu’à Triandria. Au nord, une gare de chemin de fer moderne remplace l’ancienne. Située au-dessus de Monastiriou, elle est encore cernée par les vieilles bâtisses du Vardar. Enfin, la progression des constructions a entraîné la création d’une première ébauche de boulevard périphérique, la rue Karaoli-Dimitriou, qui relie Stavroupoli à Menemeni, en passant par Evosmos.
56Le port a amorcé sa transformation. De nouvelles jetées ont été créées. Les établissements industriels se sont multipliés du littoral vers Monastiriou, engloutissant les cultures maraîchères. La plus-value des terrains favorise cette évolution. Pour désengorger l’accès à la gare, les rues Langada et Monastiriou font l’objet de travaux d’élargissement.
57À la différence du Sud, la progression du bâti est ici massive. Elle prend une forme diffuse – c’est-à-dire plus spontanée – autour d’Evosmos, Kordelio, Menemeni, Stavroupoli et Polichni. L’anarchie des constructions est évidente. Si Kato Ilioupoli s’adapte à un parcellaire régulier, grâce à une opération immobilière gérée par les autorités, certains quartiers voient le jour dans un environnement rural vierge, dénué de toute infrastructure. C’est le cas de Dendropotamos, mais aussi des environs d’Evosmos et de Kordelio.
58Le déséquilibre nord/sud de l’agglomération, issu des Tanzimat, est donc en voie de résorption. Peu à peu, les villages de réfugiés sont rattachés par un glacis de plus en plus dense au reste de la métropole. La multiplication des grandes entreprises manufacturières a puissamment encouragé cette tendance. Bien que l’utilisation des documents aériens soit particulièrement délicate en ce domaine, étant donné l’étendue des secteurs « stratégiques » gommés par la censure, les investissements industriels gagnent Kordelio et l’axe routier de Konstantinoupoleos, qui prolonge la rue Langada. Les lotissements de réfugiés se transforment progressivement en cités ouvrières.
59La densification est de règle partout ailleurs. Le centre-ville, notamment, commence à subir les effets d’une seconde phase de transformations. L’ancienne ligne de partage – véritable frontière – entre la zone incendiée et les quartiers épargnés s’efface graduellement. Les premiers immeubles bétonnés viennent troubler la continuité des toits en brique traditionnels au-dessus de la place Vardaris, entre la Rotonde et Agiou Dimitriou. L’intérieur de l’acropole est désormais entièrement comblé. Au sud, le béton est surtout pesant sur la façade littorale. Les bâtisses du xixe siècle se fondent peu à peu dans un flot de constructions cubiques blanchâtres. Autour des remparts, la couronne d’habitations est devenue uniforme.
60L’explosion démographique justifie amplement la frénésie constructrice. Les deux minuscules communes de Agios Pavlos et Triandria, par exemple, sont apparues sur les registres des recensements en 1928 et en 1940. La première compte 957 habitants en 1928 (aucun réfugié), 3 993 en 1940, 5 650 en 1961 et 7 222 en 1991. Or, la surface bâtie maximale a été atteinte en 1960. La densification n’a pas empêché ce quartier d’acquérir un statut socio-économique privilégié. De même, Triandria est passée de 2 850 résidents en 1940, à 4 446 en 1961, puis 11 822 en 1991, tout en conservant depuis 1960 des limites administratives stables.
61Le paysage coutumier de bâtisses perpétuellement inachevées, hérissées de ferrailles et prêtes à recevoir un étage supplémentaire, est plus que le résultat d’une négligence urbanistique : c’est presque une nécessité. Chaque modification des critères de construction en hauteur est ainsi envisagée. À proximité du centre-ville, une exposition très favorable, et l’interdiction de bâtir dans le bois de Seïch-Sou, ont largement contribué à l’activation de ce processus. La pression foncière est si forte à Kalamaria que les places et les arbres ont été résorbés, pour être remplacés par des alignements ininterrompus d’immeubles.
62L’afflux massif des ruraux a contraint l’État à un laisser-aller général. Les ensembles immobiliers issus d’une politique volontariste sont exceptionnels. Les autorités se contentent après coup d’assurer la mise en place et le fonctionnement des infrastructures. À Evosmos, par exemple, les photographies aériennes témoignent que l’armature du tissu urbain se calque directement sur celle du parcellaire agricole précédent.
Jusqu’aux années 1980 : exode rural et croissance spontanée
63Au cours des années 1960-1970, le rythme de la croissance atteint son maximum. La densification du bâti progresse. L’ancien quartier de Kalamaria, désormais assimilé au cinquième arrondissement de la commune de Salonique, a achevé sa transformation. Du bord de mer à Malakopi, et de l’université à Exochi, les immeubles résidentiels monotones, bordés de trottoirs étroits, quadrillent le terrain. La pression foncière s’est énormément accrue. Chaque mètre carré est convoité. Lorsque l’expansion n’est pas le fait des particuliers, les aménageurs édifient de grandes tours. Le quartier de Malakopi est achevé en 1978, et celui de Konstantinoupoleos est en cours de construction. À l’extrémité méridionale de l’agglomération, le lotissement ouvrier de Phinika voit le jour. Ces quelques grandes opérations immobilières offrent des résultats inégaux. La cité de Phinika en particulier, et la rénovation du quartier d’Axios, plus au nord, ont marqué la ville d’un urbanisme de médiocre qualité, très rapidement dégradé.
64Parallèlement, les aménagements se poursuivent. À la fin des années 1970, la promenade de Kalamaria, prolongée jusqu’aux moulins Allatini, est terminée. Bouleversant la trame des axes de circulation, la Nea Egnatia est en cours de percement. Cette nouvelle artère, qui s’incruste dans un tissu urbain dense déjà constitué, a été réalisée à grands frais : suite aux expropriations, tous les riverains ont dû être indemnisés. Ainsi, le projet imaginé par Hébrard, et mis en chantier dès l’après-guerre, se concrétise tardivement. Cet axe permet de relier le nord et le sud de l’agglomération, et autorise un accès direct vers la Chalcidique. Au rang des grands travaux, la création du cimetière d’Anastaseos, au sud de Pylaia, répond à la saturation des anciennes nécropoles, désormais totalement enserrées par les bâtiments.
65Ano Poli est profondément affectée par la pression foncière et la déréglementation, qui provoquent le grignotage des demeures traditionnelles. Les maisonnettes des alentours de la Rotonde, de Agiou Dimitriou et de Vardaris sont repoussées au-delà de la rue Athinon, limite géographique bien précaire, tant est forte la poussée expansionniste du béton.
66Toutefois, dans la partie septentrionale de l’agglomération, où les migrants ruraux se sont procuré leurs premiers logements, les changements sont encore plus conséquents. En quelques années, la surface construite est démultipliée. Maisons et petits immeubles poussent à très grande vitesse, et donnent naissance aux quartiers de Ano Ilioupoli, Anthokipi, Paraschos, Rodochori. Les communes d’Evosmos, Polichni, Stavroupoli, Sykies et Menemeni explosent dans l’anarchie la plus complète, sans intervention urbanistique. La rue Karaoli-Dimitriou est devenue un axe de desserte ordinaire. Un nouveau périphérique a vu le jour, dit « périphérique intérieur », qui raccorde Stavroupoli (Konstantinoupoleos) à Menemeni, et qui trace la limite approximative d’extension de l’agglomération.
67L’agencement du port a été entièrement revu. L’ajout d’une dernière jetée et d’un quai en eau profonde a considérablement augmenté sa capacité de transit. L’implantation de grandes entreprises industrielles à Nea Efkarpia, Menemeni, et Diavata crée de nombreux emplois très attractifs pour les nouveaux venus. La localisation des usines les plus récentes au-delà du Dendropotamos, d’Eleftherio-Kordelio et de Stavroupoli poursuit le rééquilibrage spatial de Salonique.
68Au sud de Monastiriou, les ateliers industriels se multiplient. Le seul quartier résidentiel de ce secteur, Dendropotamos, atteint pratiquement sa taille actuelle. Enfin, l’autoroute de liaison avec Athènes, dont le tracé passe par Menemeni, et débouche à l’arrière du port, est réalisée. Globalement, les voies de desserte extérieures s’améliorent et sortent progressivement la ville de son isolement. Toutefois, les quelques opérations immobilières d’envergure effectuées au sud de l’agglomération n’arrivent pas à masquer l’incapacité de l’État et des mairies à canaliser les flux.
69À l’issue de cette étude, le milieu du siècle apparaît comme une période charnière dans l’évolution de la morphologie urbaine de Salonique. Le second conflit mondial et la guerre civile ont établi une rupture dans le mode de croissance de la cité, aussi importante que celle qui a suivi l’annexion. Au dirigisme des années 1930 succède le laxisme administratif d’après guerre. Les lotissements standardisés de réfugiés cèdent le pas devant une urbanisation anarchique, où l’initiative individuelle est reine. L’agglomération se rééquilibre par une poussée septentrionale, qui vient compenser la prééminence historique de Kalamaria. Ce transfert de dynamique débouche sur des formes d’expansion radicalement différentes. Les structures industrielles, susceptibles de fournir leurs emplois aux immigrés ruraux, se multiplient. Malgré la poussée des immeubles, Kalamaria a su conserver ses attributs bourgeois. Le rôle central de la vieille ville s’en trouve renforcé.
70Sans aller jusqu’à la caricature, et malgré les quelques exemples cités précédemment, l’interventionnisme étatique a pris, au cours de la seconde partie du siècle, un caractère exceptionnel, ou marginal. Depuis 1950, les autorités se contentent tout au plus de réguler et de réglementer les initiatives privées, au risque de devoir opérer par la suite des projets de « rattrapage » coûteux. Depuis la Catastrophe d’Asie Mineure, les aménageurs n’ont jamais vraiment recouvré leur temps de retard sur cette réalité urbaine galopante.
71Les bouleversements démographiques et spatiaux ont profondément altéré le visage de Salonique au cours de ce siècle. Une population renouvelée et un tissu urbain neuf interdisent-ils pour autant tout rapprochement avec la métropole annexée en 1912 ? L’hellénisation de la cité s’est accompagnée d’une métamorphose complète, à laquelle seule Ano Poli semble avoir en partie échappé. A mesure que l’Antiquité refait surface au fil des découvertes archéologiques, la ville ottomane sombre dans l’oubli. L’exercice de comparaison photographique des paysages, à différentes époques, illustre parfaitement les changements. Les points de repères avec les vieilles cartes postales vendues aux soldats de l’armée d’Orient se raréfient pourtant : les immeubles obscurcissent souvent les perspectives ; les minarets du haut desquels les photographes aimaient installer leurs appareils sont tombés ; les principaux bâtiments publics ont été arasés et remplacés. L’entreprise est hasardeuse.
72Le retour de Salonique au territoire grec a-t-il été si parfait que la ville ottomane ressortît aujourd’hui uniquement aux investigations de l’historien ? Rien n’est moins sûr. De nos jours, Ano Poli attire les touristes parce qu’elle est entièrement dénaturée, à cause des dommages subis. Les Occidentaux qui y déambulent sont à cent lieues d’éprouver les sensations d’un promeneur franc de la fin du xixe siècle, même si quelques maisons macédoniennes ont échappé à la rénovation des dernières années, et rappellent vaguement un style de vie oublié. Dans ces quartiers, les enfants turcs n’hésitaient pas à jeter des pierres à la face des intrus chrétiens qui osaient s’aventurer sur leur domaine réservé. La ville haute est un espace musée. Les reliques de la cité ottomane ne sont pas visibles. Elles sont sous-jacentes.
Notes de bas de page
1 N. G. Ρentziki, Μητέρα Θεσσαλονίκη (Mère Salonique), Kedros, Athènes, 1987, p. 84.
2 G. Veinstein (sous la direction de), « Salonique 1850-1918... », op. cit.
3 K. Tomanas, Οι κάτοικοι της παλιάς Θεσσαλονίκης (Les Habitants de l'ancienne Salonique), Exandas, Athènes, 1992, 199 p.
4 R. Ilbert, « Une certaine citadinité », Alexandrie 1860-1960. Un modèle éphémère de convivialité : communautés et identité cosmopolite, revue Autrement, série Mémoires, 1992, p. 29.
5 Ibid., « L'exclusion du voisin : pouvoirs et relations intercommunautaires, 1870-1900 », ROMM, 46, p. 182.
6 V. Dimitriadis, Τοπογραϕία τῆς Θεσσαλονίκης κατὰ τήν ἐποχὴ τῆς Τουρκοκρατίας 1430-1912 (Topographie de Salonique à l'époque de la Turcocratie 1430-1912), Société d'études macédoniennes, Salonique, 1983, XXIV + 568 p.
7 A. Yerolympou, Η ανοικοδόμηση τηs Θεσσαλονίκηs μετά την πυρκαγιά του 1917 (La Reconstruction de Salonique après l'incendie de 1917), mairie de Salonique, Salonique, 1986, 248 p.
8 A. Papanastasiou cité par A. Yerolympou, H ανοικοδόμηση..., op. cit., p. 81.
9 A. Yerolympou, H ανοικοδόμηση..., op. cit., p. 83.
10 Κτηματική Ομάδα.
11 Επιτροπή Σχεδίου Θεσσαλονίκης.
12 GOK, Γενικός Οικοδομικός Κανονισμός.
13 Συστήματα δόμησης.
14 « Περί σχεδιών πόλεων... ».
15 « Η οριζόντια ιδιοκτησία ».
16 Échange immobilier entre un propriétaire foncier et un entrepreneur. Voir glossaire et note p. 193.
17 Ρυμοτομικά Σχέδια, ou plus simplement rymotomika.
18 ΓΥΣ, Γεωγραϕική ϒπηρεσία Στρατού.
19 Pour plus de détails, cf. A. Yerolympou, H ανοικοδόμηση..., op. cit., pp. 22-26, et M. Anastassiadou, « Réaménagement du cadre urbain et changement social dans l'Empire ottoman à l'âge des réformes. Le cas de Salonique 1830-1912 », thèse de doctorat, trois vols., Paris, 1995.
20 Littéralement, « château », autre nom donné à la citadelle (Eptapyrgio).
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Salonique au XXe siècle
Ce livre est cité par
- Santilli, Anthony. (2013) Penser et analyser le cosmopolitisme. Le cas des Italiens d’Alexandrie au XIXe siècle1. Mélanges de l'École française de Rome. Italie et Méditerranée. DOI: 10.4000/mefrim.1516
- Maria Gravari‑Barbas, . (2010) Culture et requalification de friches: le front pionnier de la conquête des marges urbaines. Méditerranée. DOI: 10.4000/mediterranee.4390
- Yerolympos, Alexandra. (2005) Formes spatiales d’expansion urbaine et le rôle des communautés non musulmanes à l’époque des Réformes.. Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée. DOI: 10.4000/remmm.2801
Salonique au XXe siècle
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