Les libertés économiques
p. 287-298
Texte intégral
1Le lien entre président de la Ve République et libertés économiques ne relève pas de l’évidence. Il n’existe pas vraiment de textes ou de jurisprudence permettant de les relier directement, et la question a été très peu étudiée. De fait, si tous les présidents de la Ve République se sont intéressés à la politique économique et sont régulièrement intervenus dans ce domaine, il est plus rare que la question des libertés économiques ait été en tant que telle abordée par ces derniers, qu’ils s’en soient saisis pour impulser des mesures de promotion de ces libertés.
2L’étude de ce lien n’est pas facilitée par le fait que les libertés économiques découlent d’une superposition de règles, forgées par des juridictions qui en ont développé des approches distinctes1. La protection constitutionnelle des libertés économiques est la plus récente, et sans doute la plus délicate à appréhender, comme en témoignent des interrogations récurrentes sur le contenu des libertés protégées par le Conseil constitutionnel dans la sphère économique2. Affirmée à partir de 1982 à propos des nationalisations, qui étaient au cœur du programme électoral de François Mitterrand, cette protection englobait initialement le droit de propriété, ainsi que la liberté d’entreprendre, qui « comprend non seulement la liberté d’accéder à une profession ou à une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité »3, voire de cesser cette activité4. La liberté contractuelle a été affirmée plus tardivement5. Et si le Conseil constitutionnel a refusé de consacrer la libre concurrence en tant que telle, il tend de plus en plus à promouvoir des considérations liées à cette liberté, à travers le principe d’égalité ou la liberté d’entreprendre6. Quant au principe de liberté du commerce et de l’industrie, forgé par le Conseil d’État depuis le début du xxe siècle, ses contours ne sont pas non plus aisés à tracer7. Son articulation avec les libertés consacrées par le Conseil constitutionnel ne cesse de soulever des interrogations, renouvelées avec la question prioritaire de constitutionnalité8. La protection européenne des libertés économiques est plus étoffée, et souvent plus exigeante. Depuis l’origine de la construction communautaire, les libertés de circulation participent de la liberté d’entreprendre, aujourd’hui consacrée par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Et si la Cour de justice a clairement affirmé que les règles de concurrence ne constituent pas une fin en soi9, elle n’en considère pas moins que ces règles conditionnent également l’effectivité de la liberté d’entreprendre. À cela vient s’ajouter le droit au respect des biens issu du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’Homme, dont la Cour européenne des droits de l’Homme a tiré des implications sans cesse plus variées.
3Si l’étendue de ces libertés varie selon juridictions qui les protègent, elles ont en commun d’être rarement définies positivement, et plus souvent identifiées à l’occasion d’atteintes qui leur sont portées, notamment par l’intervention de la puissance publique. Les libertés économiques apparaissent à cet égard comme des libertés qui impliquent principalement le respect de la sphère d’autonomie des acteurs de la vie économique, et donc une certaine abstention de la puissance publique. Ces diverses libertés peuvent être envisagées non seulement comme une forme parmi d’autres de la liberté, qui se manifeste dans la sphère économique10, mais aussi comme des libertés qui tendent à protéger et promouvoir un système économique donné, et qui sont alors associées à des degrés divers à l’économie de marché. Cette connotation peut en faire un thème qui divise, à manier avec précaution par le président de la République. Si l’article 5 de la Constitution en fait le gardien de la Constitution, et donc des libertés, les présidents de la Ve République ont plutôt eu tendance à se présenter en garants de la cohésion sociale ou en défenseurs de la souveraineté économique qu’en gardiens de libertés économiques impliquant une certaine abstention de l’État.
4Les liens potentiels entre prérogatives présidentielles et libertés économiques ne présentent pas vraiment de spécificité au regard d’autres libertés, et la lecture présidentialiste de la Constitution s’est vérifiée en matière économique comme dans d’autres domaines. Les prérogatives du Président lui permettent de faire prévaloir des choix touchant aux libertés économiques, ou de les faire valoir en période de cohabitation. Tel est notamment le cas de son pouvoir de nomination11, ou encore de la signature des ordonnances12. Le Président peut également intervenir à travers des discours, même si la thématique des libertés économiques y est restée plutôt rare. Les interactions peuvent jouer dans deux sens. Le Président peut s’ériger en protecteur des libertés économiques, mais aussi provoquer des mesures qui tendent à les restreindre, ce qui semble davantage avoir été le cas. Pour autant, on ne peut pas dire que le Président ait joué un rôle majeur dans l’évolution des libertés économiques sous la Cinquième République, d’autant plus que leurs relations sont restées essentiellement indirectes. L’on peut néanmoins observer des interactions entre Président et libertés économiques, parfois très importantes. L’idée d’une protection constitutionnelle de ces libertés s’est ainsi affirmée à propos de réformes insufflées par le président de la République, en 1982. Toutefois la protection des libertés économiques s’est longtemps avérée peu contraignante pour les autorités centrales. L’on assiste depuis une quinzaine d’années à un renforcement de cette protection, qui n’est pas sans conséquences sur la relation entre président de la République et libertés économiques : à des interactions limitées (I) ont succédé des relations ambiguës (II).
I. Des interactions limitées
5Les rapports entre Président et libertés économiques sont longtemps restés distants, dans le droit comme dans les préoccupations du Président. C’est à propos de réformes portées par le Président que l’on a assisté, à partir de 1982, à l’affirmation d’une protection constitutionnelle des libertés économiques, en même temps qu’à sa relativisation.
A) Des rapports distants
6Les libertés économiques consacrées aux débuts de la Ve République étaient peu contraignantes pour le législateur comme pour l’exécutif, et par conséquent pour le Président. Cela a longtemps été le cas des règles communautaires, dont les potentialités se sont déployées progressivement et qui n’entraient pas encore en interaction avec des réformes promues par le Président. La législation française comportait quant à elle de nombreuses dispositions organisant l’exercice des activités économiques, mais assez peu portant sur des libertés économiques. Les règles internes de concurrence, dont l’application relevait du ministre de l’Économie, étaient essentiellement conçues comme une police de l’économie, et non comme une source de droits pour les opérateurs13. Quant à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le Conseil d’État a développé une double dimension14, elle contraignait essentiellement les collectivités territoriales, plus rarement le pouvoir exécutif.
7En outre, les libertés économiques n’ont émergé que tardivement dans les préoccupations du Président. L’on peut à cet égard observer une certaine continuité entre de Gaulle et Pompidou. Dans une économie très encadrée, la planification apparaissait comme un instrument privilégié du pilotage de l’économie, valorisé par le Président. Le recours massif aux aides publiques pour le soutien de certains secteurs était souvent mis en avant comme une volonté du Président, souvent enclin à mener une politique industrielle ambitieuse, comme l’ont illustré de vastes fusions pilotées depuis l’Élysée sous Pompidou15. Les libertés économiques n’apparaissaient pas comme une limite à de telles politiques, ni comme une préoccupation du Président. Il arrivait certes à ce dernier de promouvoir des libertés dans la sphère économique, mais sans remettre en question l’encadrement public de l’économie. Cette promotion n’eut au demeurant qu’un impact limité sur les libertés économiques. Malgré son attachement au thème de la participation, notamment la participation des Français aux décisions les concernant en matière économique, de Gaulle n’avait pu obtenir en 1958 que l’instauration d’un Conseil économique et social aux compétences consultatives. Il démissionna après l’échec de son projet de représentation des forces économiques et sociales au Sénat lors référendum du 27 avril 1969. Sous Pompidou, l’invocation de libertés économiques n’est pas sans ambiguïté, comme l’illustre la loi-cadre d’orientation du commerce et de l’artisanat, dite « loi Royer » du 27 décembre 1973, dont l’article 1er dispose que « la liberté et la volonté d’entreprendre sont les fondements des activités commerciales et artisanales », et qui opère en réalité un encadrement poussé de la de la grande distribution afin de protéger les petits commerces.
8L’élection de Valéry Giscard d’Estaing marquera à cet égard un véritable tournant. Le Président reste assez présent dans la conduite de la politique économique, mais à travers des choix qui se traduisent par un certain désengagement de l’État : libération progressive des prix, stratégie de « redéploiement industriel », renforcement du droit des pratiques anti-concurrentielles et instauration d’un contrôle des concentrations avec la loi du 19 juillet 197716... Ces réformes importantes tendent à renforcer les libertés économiques, mais elles sont finalement assez peu mises en avant par le Président, conscient qu’elles vont plutôt à rebours de l’opinion dominante17. Valéry Giscard d’Estaing s’emparera par la suite du registre des libertés économiques, non pas pour valoriser son action réformatrice, mais plutôt face à la menace d’une victoire de la gauche aux élections législatives. L’hypothèse d’une cohabitation se profile, en même temps que des interrogations sur la constitutionnalité du « programme commun » de 1972 prévoyant des nationalisations, accompagnées de réflexions doctrinales sur le rôle de protecteur des libertés que pourrait alors jouer le président de la République18. Interrogé à ce propos, Valéry Giscard d’Estaing répond d’abord de manière évasive qu’il appliquerait alors la Constitution, et serait « le garant des institutions et le protecteur des libertés des Français » (conférence du 17 janvier 77). Son discours se précise en 1981, lors de la campagne pour les élections présidentielles, où il s’érige plus nettement en défenseur des libertés économiques. Il affirme ainsi, dans son discours de Meudon 1er avril 1981, que « le thème des libertés, la cause des libertés sont maintenant sans équivoque de notre côté » ; « Partout dans le monde où la liberté économique recule, la liberté tout court recule aussi ». De fait, ces questions se poseront après l’alternance de 1982, mais dans une configuration inverse : la question devient alors de savoir si et dans quelle mesure les libertés économiques devaient être protégées face à des réformes impulsées par le président de la République.
B) Des interactions contenues
9C’est à propos des lois de nationalisations de 1982, élément phare du programme électoral de François Mitterrand, que l’on a assisté à l’émergence d’une protection constitutionnelle des libertés économiques, en même temps qu’à une nette relativisation de cette protection. Dans ses décisions des 16 janvier et 11 février 198219, le Conseil constitutionnel a conféré une portée normative au droit de propriété, dont la protection a tenu à la compétence du législateur pour la fixation des règles concernant les nationalisations, ainsi qu’à l’exigence d’une juste et préalable indemnité. Le Conseil constitutionnel n’en a pas moins marqué son refus d’empiéter sur les choix essentiels de politique économique du législateur, en affirmant que son contrôle de la nécessité des nationalisations se limitait à l’erreur manifeste d’appréciation, et en admettant que champ de la propriété privée des moyens de production soit fortement réduit, dès lors qu’il n’était pas restreint « au point de méconnaître les dispositions de la déclaration de 1789 ». Le dispositif d’indemnisation finalement validé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 février 1982 n’était pas en outre à l’abri de toute critique20. C’est une conception très nuancée de la protection du droit de propriété qui ressort ainsi des décisions de 1982, ce que tendra à confirmer la jurisprudence ultérieure. Plus mesurée encore est la consécration en 1982 de la liberté d’entreprendre, comme ne pouvant s’exercer que dans le cadre d’une réglementation instituée par la loi, seules « les restrictions arbitraires ou abusives » étant interdites. Cette formulation laissait augurer d’une portée largement théorique, ce qu’a longtemps confirmé la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cette liberté systématiquement invoquée n’a quasiment jamais fondé de censures pendant une vingtaine d’années21.
10Début le début des années 2000, le renforcement de la protection des libertés économique en droit interne et européen a conduit à des interactions plus fréquentes avec les interventions du président de la République. Il apparaît alors plus nettement que lecture présidentialiste de la Constitution et libertés économiques ne font pas forcément bon ménage.
II. Des relations ambiguës
11Depuis une quinzaine d’années, le renforcement des libertés économiques constitue une évolution à laquelle le président de la République n’a contribué que faiblement, et qui semble davantage subie que promue par ce dernier.
A) Une promotion mesurée
12Le renforcement progressif des libertés économiques découle principalement d’évolutions jurisprudentielles auxquelles le Président est largement étranger. Il pourrait également résulter de réformes procédurales soutenues par le Président, mais qui ne sont pas propres aux libertés économiques, telles que l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité sous la présidence de Nicolas Sarkozy22. La promotion des libertés économiques est en outre demeurée limitée dans les discours présidentiels, où elles n’apparaissent pas comme un thème très porteur. Jacques Chirac avait proclamé haut et fort, en tant que Premier ministre, le « rétablissement des libertés économiques », à travers les privatisations, la liberté des changes, du crédit, des prix, le renforcement des règles concurrence23. Après son élection à la présidence, ces thématiques se sont faites beaucoup plus discrètes dans ses discours, davantage axés sur la lutte contre chômage et la fracture sociale. De même, la thématique des libertés économiques est restée plutôt effacée dans les discours de Nicolas Sarkozy durant son mandat présidentiel, y compris lorsqu’il s’agissait de présenter des réformes susceptibles de conforter ces libertés. Ainsi, il a davantage mis en avant les dispositions de la loi de modernisation de l’économie de 2008 visant à renforcer le pouvoir d’achat, à travers un encadrement de la grande distribution, que celles renforçant l’indépendance de la régulation de la concurrence, à travers l’Autorité de la concurrence (dont le collège reste toutefois nommé par le président de la République...). L’un comme l’autre ont été plus enclins à afficher une volonté de renforcer la démocratie économique, à travers des réformes dont l’impact est demeuré limité, et qui n’altèrent en rien la capacité des pouvoirs publics à orienter l’économie. Conformément à une promesse électorale, Jacques Chirac a fait procéder à une révision de l’article 11 de la Constitution élargissant notamment le champ du référendum au domaine économique et social. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a instauré la possibilité de saisir par voie de pétition le Conseil économique, social et environnemental24.
B) Des relations tendues
13Le renforcement progressif de la protection des libertés économiques les a rendues plus contraignantes pour le président de la République. Il en a résulté des difficultés ponctuelles d’articulation avec des objectifs interventionnistes les Présidents successifs ont eu tendance à s’ériger en défenseurs. La tension a surtout été perceptible au regard des règles européennes de libre circulation ou de concurrence. Régulièrement affichée, la volonté de lutter contre les délocalisations s’est par exemple heurtée en 2010 à un rappel à l’ordre de la Commission européenne, après que Nicolas Sarkozy ait déclaré que les véhicules Renault vendus en France devaient y être produits, alors que la Commission venait d’autoriser des aides à l’industrie automobile française à condition qu’elles ne soient pas liées à l’absence de délocalisation25. De même, le « patriotisme économique » affiché par les Présidents successifs, leur volonté d’éviter des prises de contrôles étrangères dans des secteurs stratégiques, ou au moins d’exercer un droit de regard sur ces opérations, ne se concilie pas aisément avec la libre circulation des capitaux. On l’a vu lors de l’adoption du décret sur le contrôle des investissements étrangers dans des secteurs jugés stratégiques26, peu de temps après que François Hollande ait déclaré, à propos du rachat de la branche énergie d’Alstom par General Electric, que « l’État a forcément son mot à dire »27. Dix années auparavant, le sauvetage d’Alstom, soutenu à l’époque par Jacques Chirac, avait illustré la contrainte du droit des aides d’État. Les autorités françaises avaient dû renoncer à une recapitalisation d’urgence refusée par la Commission, pour se rabattre sur des mesures plus coûteuses28. Par ailleurs, la question s’est posée de savoir si le droit au respect des biens issu de la CEDH représenterait une contrainte en cas de nationalisation. Il ne s’y opposerait pas dans son principe, mais impliquerait une juste indemnisation, sans doute entourée de davantage de garanties qu’en 1982. L’interrogation a ressurgi en 2013, lorsque le ministre du redressement productif a menacé de nationaliser les installations détenues par ArcelorMittal à Florange. L’hypothèse a été envisagée, avec moins d’enthousiasme, par François Hollande, avant qu’il n’y renonce. Au-delà du coût d’une telle opération, ce choix traduit une réticence à recourir à un procédé qui heurte, certes légalement, mais très frontalement les libertés économiques.
14Sans doute la jurisprudence européenne a-t-elle contribué à ce que le Conseil constitutionnel, tout en conservant sa conception propre des libertés économiques, s’achemine vers un renforcement de leur protection. Cette protection reste très mesurée29, mais elle a progressé. En témoignent des censures ou des réserves de constitutionnalité plus fréquentes sur le fondement de la liberté d’entreprendre30, davantage susceptibles de toucher des réformes portées par le président de la République. Tel a été le cas de la censure partielle de la loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange », qui trouve son origine dans une promesse électorale de François Hollande « d’empêcher les licenciements boursiers »31. De même, la liberté contractuelle a fondé quelques censures à propos de réformes soutenues ou portées par le Président32. Bien que le Conseil constitutionnel ait refusé de consacrer la liberté de la concurrence, l’idée de libre concurrence a progressé dans sa jurisprudence, à travers la mise en œuvre du principe d’égalité, ainsi que des libertés contractuelles et d’entreprendre33. Là encore, des censures ont pu concerner des réformes portées par le Président34.
15Il ne faudrait pas toutefois surestimer ces évolutions. Dans la plupart des cas, la protection constitutionnelle des libertés économiques n’a rendu nécessaires que des adaptations ponctuelles, sans pour autant faire obstacle aux réformes emblématiques portées par le Président. La « loi Florange » finalement validée par le Conseil constitutionnel contribue ainsi assez nettement à un mouvement d’« effritement des droits de l’associé »35. En revanche, le principe d’égalité demeure beaucoup plus contraignant que les libertés économiques, particulièrement en matière fiscale36. De même, les règles européennes touchant aux libertés économiques semblent plus pesantes pour le Président. Elles sont régulièrement apparues comme une contrainte dans le discours de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande37. Lors de la négociation du Traité de Lisbonne en juin 2007, Nicolas Sarkozy a ainsi exigé et obtenu la suppression de la mention de la « concurrence libre et non faussée » parmi les objectifs de l’Union, ce qui n’a pas eu de conséquences juridiques, mais un impact symbolique important38. Cette attitude n’est pas univoque, et les vertus de la libre concurrence ou de la liberté d’entreprendre peuvent aussi bien être mises en avant par le Président39. Ces fluctuations du discours traduisent une attitude ambivalente. Le Président semble ainsi partagé entre reconnaissance de la nécessité de principe des libertés économiques et agacement lorsque ces libertés limitent sa capacité à impulser des politiques volontaristes. Au-delà des différences de sensibilité des Présidents successifs, leur propension à intervenir très directement dans l’économie n’a pu qu’être favorisée par la lecture présidentialiste de la Constitution.
Notes de bas de page
1 Sur ces libertés, voir notamment S. Braconnier, Droit public de l’économie, PUF, Thémis, 2015, p. 14 ; S. Nicinski, Droit public des affaires, Montchrestien, 2014, no 49 ; Les libertés économiques, G. Drago et M. Lombard (dir.), éd. Panthéon Assas, 1998.
2 Voir par ex. A.-S. Mescheriakoff, « La décision 2014-692 DC et la liberté d’entreprendre », RJEP no 723, octobre 2014, comm. 39.
3 Cons, const., déc. 30 nov. 2012, no 2012-285 QPC, M. Christian S.
4 Cons, const., déc. 27 mars 2014, no 2014-692 DC.
5 Cons, const., déc. 19 décembre 2000, no 2000-437 DC.
6 G. Eckert, « Quelle place pour la libre concurrence ? », RJEP no 718, avril 2014, comm. 18.
7 J.-P. Kovar, « Où en est la liberté du commerce et de l’industrie ? », Dr. adm., 2007, étude 18.
8 G. Eckert, op. cit.
9 CJCE, 25 octobre 197, Metro SB-Groβmärkte aff. 26-76.
10 Voir en ce sens M.-L. Dussart, Constitution et économie, Dalloz, 2015, no 163 et 259.
11 Qui concerne notamment la direction des plus importantes entreprises publiques, ou encore des autorités de régulation telles que l’Autorité de la concurrence.
12 Illustré par le refus de François Mitterrand de signer certaines ordonnances en période de cohabitation, notamment celles prévoyant des privatisations ou portant sur l’aménagement du temps de travail en 1986.
13 L’instauration du Conseil de la concurrence en 1986 marquera à cet égard une rupture (voir C. Lucas de Leyssac et G. Parléani, Droit du marché, PUF, Thémis, 2002, p. 388).
14 Son « respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public » (CE, 23 mai 2012, RATP).
15 P. Gauchon, M. Husson, « Un siècle de politique économique », http://www.universalis.fr/encyclopedie/france-le-territoire-et-les-hommes-un-siecle-depolitique-economique.
16 J.-C. Asselain, « La conduite de la politique économique », in Les années Giscard. La politique économique. 1974-1981, S. Berstein, J.-C. Casanova, J.-F. Sirinelli (dir.), op. cit., p. 2.
17 Ibid.
18 B. Cubertafond, « Le président de la République, protecteur des libertés », Revue de droit prospectif, 1979, no 7, p. 69.
19 Cons, const., déc. 81-132 DC et 82-139 DC.
20 Voir M. Bazex, Y. Guyon, « L’extension du secteur public (1981-1982) », JCP G 1983. 3127.
21 Voir Les libertés économiques, G. Drago et M. Lombard (dir.), LGDJ 2003, p. 9 sq.
22 L’impact de cette réforme sur les libertés économiques reste toutefois encore limité (voir A. Sée, « La question prioritaire de constitutionnalité et les libertés économiques », RJEP no 718, avril 2014, étude 5).
23 Déclaration de politique générale de Jacques Chirac, Premier ministre, sur le bilan de l’action gouvernementale depuis mars 1986 et les objectifs du gouvernement, à l’Assemblée nationale le 7 avril 1987.
24 Voir à ce propos A. de Dieuleveult, « Le refus illégal du Conseil économique, social et environnemental d’examiner la première pétition citoyenne », AJDA 2014, p. 2076.
25 Voir P. Idoux et T. Rombauts, « Renault, EDF et autres : l’entreprise à participation publique au cœur de l’actualité », DA no 4, avril 2008, étude 10.
26 Décret no 2014-479 du 14 mai 2014, X. Delpech et E. Royer, « Investissements étrangers en France : la France réagit », Dalloz actualité, 19 mai 2014.
27 28 avril 2014, discours de clôture de la rencontre sur le thème « L’État se mobilise pour l’emploi ».
28 Négociées alors par Nicolas Sarkozy, ministre de l’Économie. Par la suite, il se présentera régulièrement comme le sauveteur d’Alstom face à la Commission (Voir par ex. Le Monde, 28 avril 2014).
29 A. Sée, « La question prioritaire de constitutionnalité et les libertés économiques », op. cit.
30 G. Drago, « Droit de propriété et liberté d’entreprendre dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : une relecture », CRDF no 9, 2011, p. 31.
31 Dans sa décision 2014-692 DC du 27 mars 2014, le Conseil constitutionnel a reconnu une atteinte inconstitutionnelle au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre, dans la mesure où celle loi limitait excessivement la possibilité de céder un établissement en cas d’offre de reprise sérieuse (Voir A.-S. Mescheriakoff, op. cit.).
32 Voir par ex. la décision no99-423 DC du 13 janvier 2000, Loi relative à la réduction négociée du temps de travail, cons. 42. À propos de la méconnaissance de la liberté contractuelle des partenaires sociaux, voir J-E. Schœttl, LPA, 19 janvier 2000 no 13, p. 6.
33 G. Eckert, « Quelle place pour la libre concurrence ? », op. cit.
34 Voir par exemple la décision du 13 juin 2013 censurant partiellement la loi généralisant la couverture complémentaire collective santé à l’ensemble des salariés, autre promesse électorale de François Hollande (inconstitutionnalité des « clauses de désignation » pouvant aboutir à la désignation d’un organisme unique en matière de couverture complémentaire collective des salariés).
35 Selon les termes de D. Schmidt, pour qui ces réformes marquent « l’emprise croissante du juge et de l’administration sur les droits fondamentaux de l’associé » (« L’effritement des droits de l’associé », Bulletin Joly Bourse, 01 octobre 2014, no 10, p. 461).
36 Comme l’illustre la censure des lois emblématiques portées par le Président, telles que l’annulation du projet de « taxe carbone » (décision no no 2009-599 DC), ou encore celle de « taxe à 75 % » (décision no 2012-662 DC).
37 Voir par exemple les interviews de F. Hollande et N. Sarkozy par la revue Concurrences, lors de la campagne présidentielle de 2012, dans laquelle F. Hollande pointe les inconvénients du droit des aides d’État : « Tel qu’il est aujourd’hui appliqué à Bruxelles, ce régime entrave la constitution de champions européens et fragilise le tissu industriel de notre continent » (« Élections présidentielles de 2012 : quelles politiques de concurrence pour la France et pour l’Europe ? », in « A quoi sert la concurrence ? », R. Amaro, M. Behar-Touchais, N. Charbit (dir.), no spécial, octobre 2014, p. 173).
38 N. Petit, « Traité de Lisbonne et politique de concurrence – Rupture ? », Revue de la faculté de Droit de l’Université de Liège, 2008.
39 Voir par exemple l’interview de N. Sarkozy par la revue Concurrences en 2012 (« Élections présidentielles de 2012 : quelles politiques de concurrence pour la France et pour l’Europe ? », op. cit.).
Auteur
Professeure de droit public à l’Université Paris Descartes Sorbonne Paris Cité, Centre Maurice Hauriou.
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