Le mandat de Nicolas Sarkozy
p. 41-50
Texte intégral
1Mon témoignage s’ouvrira pas trois remarques. La première c’est que, semble-t-il, le choix même du titre de ce colloque : « Le Président de la Ve République et les libertés », traduit une interprétation très catégorique, très tranchée de la pratique constitutionnelle. Après tout, on aurait pu trouver d’autres titres : « La Ve république et les libertés », « Les gouvernements de la Ve République et les libertés »... Or le choix du titre illustre le sentiment que, quelle que soit la lettre de la Constitution, du moins lorsque le président de la République appartient à la même famille politique que celle qui est majoritaire à l’Assemblée nationale, c’est lui qui, de fait, dirige l’action gouvernementale.
2Il y a effectivement chez le président de la République, compte tenu de son mode d’élection, et au-delà même des caractères des uns et des autres, le sentiment qu’il a le devoir de faire ce qu’il a annoncé au peuple qui l’a élu et aussi le devoir de lui apporter les réponses qu’il attend ; le sentiment même que c’est à lui personnellement que le peuple demande ou va demander des comptes. C’est tellement dans la nature des choses, qu’on le voit bien, le président de la République actuel, qui a déclaré son intention avant qu’il ne soit élu et au début de son mandat, de prendre de la distance par rapport à l’action gouvernementale, aujourd’hui la dirige pleinement et peut être même, à en croire la presse, de façon plus directe encore que son prédécesseur.
3Ma deuxième remarque porte sur le terme de « libertés », qui, me semble-t-il, est à la fois vaste et réducteur. Vaste, car nous avons la chance de vivre dans un pays où les libertés sont nombreuses et réelles. Beaucoup d’entre elles ont donné lieu d’ailleurs à de véritables monuments juridiques qui constituent l’armature de nos valeurs les plus fondamentales : la liberté d’aller et venir (cela va de soi mais cela n’a pas été toujours le cas et ce n’est pas le cas dans tous les pays), la liberté d’entreprendre, la liberté d’association, de manifestation, de grève, de religion, d’expression, la liberté de la presse.
4Réducteur, car la liberté est souvent la conséquence d’un ensemble de droits individuels et collectifs. Elle est plus ou moins grande, plus ou moins réelle en fonction des moyens qui sont mis à son service. Il est clair qu’il n’y a pas de liberté de la presse s’il n’y a pas pour la presse de moyen de se développer, voire même dans les temps les plus difficiles, de survivre, si elle n’a pas les moyens de sa diversité.
5Il n’y a pas non plus de liberté de l’enseignement, si les différents ordres d’enseignement ne sont pas également ou presque également soutenus par la puissance publique. Et d’ailleurs, je pense que pour la plupart de nos concitoyens, les droits et les libertés sont deux concepts qui sont très proches tant les droits viennent au soutien des libertés.
6La troisième remarque, d’ordre pratique, porte sur le fait qu’il est assez rare que l’exécutif aborde le problème des libertés en tant que tel. L’exécutif a d’abord le souci d’adapter le pays à son temps, à un monde qui change vite, il a le souci de protéger les Français, de leur donner le maximum de chances de réussite et c’est ainsi que lorsqu’il crée le statut d’auto-entrepreneur, le gouvernement et la majorité qui le soutient, évidemment favorisent la liberté d’entreprendre, mais n’ont pas ce souci premier. Ce n’est pas le souci premier, ce n’est pas le souci initial. Le souci initial, c’est de créer de l’activité. Si le gouvernement favorise le développement de la concurrence, c’est d’abord pour baisser les prix. Dans ces textes que nous venons de rappeler, la préoccupation de la liberté est très secondaire. Elle vient, dirait-on, par surcroît. L’action que conduit l’exécutif peut toucher et touche même souvent à la question des libertés, mais ce n’est que rarement l’objectif principal.
7Dans l’état de la France, où nous nous trouvons aujourd’hui, sans doute parce que précisément nous avons atteint un niveau sans doute globalement satisfaisant, il peut y toucher d’abord parce que des projets ont des conséquences, ou peuvent avoir des conséquences, négatives pour les libertés. Prenons les lois relatives au terrorisme qui ont été adoptées ces dernières années ou qui sont envisagées. À tout instant, on trouve en les rédigeant, et les parlementaires les trouvent en les discutant, des problèmes de libertés qui sont extrêmement sensibles. Si les services spécialisés ont davantage de latitude pour écouter les conversations, lire les messages ou encore géolocaliser des personnes à partir de leur smartphone, il y a bien sûr atteinte à la liberté et à la liberté de la correspondance. Il y a aussi atteinte à l’intimité, à la part de secret que l’on veut garder après tout. On peut avoir envie d’être quelque part sans vouloir que tout le monde le sache. Bien sûr, cela nécessite de la part de l’exécutif comme du parlement un encadrement très strict, très rigoureux, des possibilités qui sont données aux services.
8Le Conseil constitutionnel a du reste traité, souvent, de ces questions et a donné au législateur comme à l’exécutif un encadrement qui est précis et nous savons dans quel canal nous pouvons naviguer. Les gouvernements font adopter des législations relatives au renseignement.
9En substance, l’objectif c’est de permettre aux services de renseignement de pratiquer des mesures de surveillance qui normalement sont utilisées dans le cadre de procédures judiciaires et autorisées par l’autorité judiciaire.
10Comme praticien, ayant souvent travaillé au ministère de l’Intérieur, je souscris tout à fait à cet objectif. Et j’y souscris pour des raisons qui ne sont pas seulement d’efficacité d’ailleurs, mais aussi parce que notre pays, d’une certaine façon, se repose sur les services de renseignement sans les protéger. À la différence de ce qui se passe dans beaucoup d’autres pays, les services de renseignements sont encadrés par très peu de textes. D’une certaine façon, nous leur demandons de travailler à leurs risques et périls, ce qui ne me semble pas quelque chose de souhaitable.
11Comme citoyen, et même au regard des responsabilités que j’ai exercées connaissant bien ces services, je pense qu’il est tout à fait indispensable d’être très attentif à ces possibilités nouvelles. Il me semble hors de question qu’il n’y ait pas de procédure autorisant les investigations qui seront conduites ni de contrôle a posteriori, lequel pourrait être exercé par la délégation parlementaire qui a été créée il y a quelques années.
12Néanmoins, l’évolution de la technologie et celle de nos modes de vie qui l’accompagnent peuvent appeler parfois des initiatives législatives que les gens perçoivent aujourd’hui comme des lois de protections mais qui sont aussi des lois que l’on peut qualifier tout autant de libertés.
13Je pense à cet égard à la loi déjà ancienne sur la protection des données qui a donné naissance à la CNIL et à ses jurisprudences, mais je pense aussi à la future loi que je pense souhaitable sur tous les moyens modernes : sur la façon dont nous souhaitons être plus libres dans l'utilisation de nos téléphones et d’internet, là aussi je suis très trivial, très pratique.
14Sans même évoquer les affaires de ces derniers mois, qui ont défrayé la chronique, il est grave que je puisse recevoir un message commercial sur mon téléphone alors que je ne souhaite pas donner mon numéro à tout le monde. Lequel message commercial me conseillera d’acheter des chaussures parce que j’aurai été repéré flânant sur les boulevards à m’arrêter trois fois devant une vitrine de commerce de chaussure. Ce sont des pratiques que l’on constate dans la réalité d’aujourd’hui qui, il me semble, sont très inquiétantes et qui méritent que nous soyons très attentifs et que les juristes commencent à préparer des textes dans ce domaine. Des textes qui sans doute sont très difficiles à élaborer compte tenu de la réalité technologique et des évolutions prévisibles de cette technologie.
15J’en viens maintenant à égrener quelques souvenirs de libertés ou de droits, j’hésite toujours entre les deux termes, qui ont fait de mon point de vue l’objet d’améliorations durant les cinq années de la présidence de Nicolas Sarkozy.
16Je distinguerais à cet égard trois catégories.
17La première concerne l’ensemble des mesures en faveur des libertés qui s’expriment tout simplement dans la gestion presque quotidienne des affaires, dans la mise en œuvre des politiques publiques. Prenons quelques exemples.
18La liberté de la presse, pour commencer. Chacun sait que la presse depuis quelques années connaît des jours difficiles, doit affronter des défis redoutables qui tiennent notamment au fait que l’information circule par d’autres moyens que la presse et je pense à la presse écrite.
19Des mesures ont été prises. Et, sans révolution juridique, des états généraux de la presse ont été organisés en 2008 et ont trouvé leur conclusion au début 2009. À leur issue, les aides à la presse ont été relevés de quelque 120 millions d’euros par an. C’était un ballon d’oxygène qui a permis aux entreprises de presse en difficultés de passer un cap difficile et de préparer la pluridisciplinarité qui est la leur aujourd’hui, en utilisant les différents modes de communication, ce qui consolide leur modèle économique. Et j’ajoute qu’à plusieurs reprises ont été pilotés des plans de sauvetage de journaux en difficultés.
20Sans trahir de secret, ces journaux étaient les plus défavorables à l’exécutif qui existaient au sein de la presse nationale.
21Deuxième exemple, celui de l’université, il y a eu bien sûr la loi sur l’autonomie qui est à tout prendre une loi de liberté. L’objectif était d’abord de renforcer la performance de notre université française. Mais il ne suffit pas d’avoir des textes qui organisent l’autonomie, encore faut-il qu’il y ait des moyens. Le budget de l’enseignement supérieur a été l’un des très rares budgets à être sanctuarisé. Il y a eu le plan CAMPUS de 5 milliards d’euros qui a été lancé en 2008. C’est un plan dont je suis très fier et je dois dire qu’il m’a laissé une forte amertume parce que la complexité technico-juridique des mécanismes de mise en œuvre était telle que nous n’avons pas pu inaugurer la moindre réalisation avant la fin du quinquennat. Pour 5 milliards c’est un peu frustrant et cela appelle à beaucoup de réflexion sur la complexité des mécanismes que nous mettons en œuvre.
22Il y a eu par la suite le renforcement des moyens des universités. En 2007 la somme moyenne consacrée à un étudiant était de 7 000 €. En 2011 le budget était de 10 000 €. Je crois en l’espèce qu’il s’agit bien de favoriser la liberté, le droit de suivre un enseignement supérieur de qualité. Les mesures pour faciliter l’accès aux grandes écoles vont dans le même sens. Je pense à l’objectif qui a été fixé, réalisé du reste, de faire en sorte que dans les classes préparatoires, il y ait un minimum de 30 % de boursiers. C’était un progrès. Je pense aux internats d’excellence. L’objectif était de permettre à des élèves prometteurs venant de milieux défavorisés de trouver dans ces établissements les conditions de la réussite et d’entrer avec de vraies chances de succès au sommet de notre enseignement supérieur.
23Je dois dire que je n’étais pas peu satisfait, le jour où j’ai favorisé la création d’un internat d’excellence en plein cœur de Paris. L’objectif était que les internes puissent fréquenter les classes préparatoires des grands lycées parisiens au lieu de continuer à vivre à des kilomètres de Paris dans des conditions difficiles. Cette satisfaction, je dois dire, n’a eu d’égale que ma déception le jour où ceux qui nous ont succédé ont abandonné ce projet au profit d’un autre.
24Troisième exemple, l’individualisation des accompagnements scolaires. Tant à l’école qu’au collège, afin que les élèves en retard, réussissant bien, puissent rejoindre ceux qui réussissent mieux qu’eux-mêmes. Il s’agit là aussi d’accès à la liberté et à la réussite.
25Quatrième exemple, celui de la sécurité, qui concerne aussi la liberté : celle d’aller et de venir, la liberté d’habiter là où on veut sans craindre pour sa personne ni pour son bien. C’est la liberté tout court que donne la sécurité telle qu’elle est définie par la Déclaration des droits de l’homme, à savoir la faculté de faire ce que l’on veut dans le cadre des lois à condition de ne pas atteindre aux droits des autres.
26Pendant tout le quinquennat, la criminalité et la délinquance ont reculé. Je crois que nous pouvons dire raisonnablement que, ce faisant, les libertés ont progressé.
27Deuxième catégorie d’avancement de nos libertés, celles qui se sont fondées sur des textes spécifiques qui donnent à nos concitoyens les moyens de vivre pleinement des libertés, qui resteraient sinon virtuelles ou incomplètes.
28Prenons quelques exemples.
29L’égalité entre les hommes et les femmes constitue un principe de valeur constitutionnelle et il revient à notre civilisation l’honneur d’y attacher une importance majeure. Encore faut-il qu’il y ait des moyens pour y parvenir. Je citerai deux textes qui peut-être ont été oubliés.
30D’abord, celui qui prévoyait que les conseillers généraux soient élus désormais en binôme, binôme qui serait constitué obligatoirement d’un homme et d’une femme. On peut dire que c’était un formidable appel à la vocation féminine qui, notamment lors des élections, avait quelques difficultés à se manifester.
31Citons également le décret de 2011 concernant la mise en application de la loi sur les retraites publiée en 2010 et qui comportait un article sur l’égalité professionnelle. Ce décret prévoyait en effet des pénalités importantes pour les entreprises qui ne concluaient pas d’accord d’égalité avec leurs partenaires syndicaux.
32La loi du 5 janvier 2010 sur la protection des sources des journalistes ; là aussi, c’est un texte qui vient à l’appui d’une grande liberté et du reste il n’est pas indifférent de noter que cette protection des sources a été inscrite dans la grande loi de 1881 sur la liberté de la presse.
33Un autre exemple de renforcement des libertés se trouve dans le champ syndical au travers tout d’abord de la question de la représentativité. En effet, la liberté syndicale est faussée dès lors que la représentation des adhérents syndicaux est organisée de telle façon que leurs représentants ne les représentent pas vraiment. C’est la situation que nous connaissions puisque dans les grandes négociations paritaires, les salariés de France étaient représentés par des syndicalistes certes, mais qui étaient désignés non pas en fonction de la pondération de la représentativité mais en fonction du comportement de ceux qui les avaient précédés pendant la guerre ou en fonction du constat de la représentativité que l’on avait fait après la guerre.
34Là encore, cela s’est modernisé. Et ce sont les élections professionnelles qui ont été prises comme fondement de la représentation. C’était l’expression pleine et entière de la liberté syndicale.
35De même en était-il pour l’organisation du dialogue social. Chaque année, pour l’organiser, une conférence sociale annonçait les thématiques que le gouvernement souhaitait voir traiter par les partenaires sociaux dans l’année à venir. C’était très important parce qu’il y avait un autre dispositif juridique qui prévoyait que ce qui relevait de la sphère sociale devait d’abord être traité par les partenaires sociaux et que c’était seulement ensuite que le gouvernement avait la possibilité juridique de s’en saisir. C’était donc le jeu très loyal, très ouvert, qui était proposé aux partenaires sociaux. L’invitation annuelle a donné du corps, de la consistance, à cette liberté fondamentale des salariés.
36Un autre champ de liberté qui a été traité est celui de la liberté des usagers. Les choses vont vite. On a tendance à oublier ce qui existait avant ce qui existe aujourd’hui. Je veux parler de l’introduction du service minimum dans les transports. Ce fut une rude bataille. Avec les organisations syndicales, bien sûr, qui n’étaient pas favorables à l’évolution dans ce domaine. Une bataille aussi sur le plan juridique, car il fallait se frayer un chemin qui était étroit entre la volonté d’arranger les choses, de les améliorer par rapport aux situations parfois calamiteuses que nous connaissions, et puis le respect du droit de grève.
37Il était hors de question de réviser la Constitution sur ce point, mais en même temps le choix politique c’était de ne plus tolérer que, de façon régulière et parfois incompréhensible, l’ensemble des usagers soient pris en otage, et se trouvent interdits de déplacement, dans l’incapacité de se rendre à leur travail. Deux dispositions très simples ont été introduites dans les sociétés de transport public ; elles ont été étendues à l’Éducation nationale : d’abord négocier avant de se mettre en grève, ensuite de devoir se faire connaître en tant que gréviste. De fait rapidement on savait qui faisait grève ou pas, afin que la direction organise le service minimum en cas de conflit, en minimisant les inconvénients pour les usagers. Depuis, il y a encore des usagers qui trouvent que certaines grèves sont pénalisantes, mais personne ne peut contester que les choses aillent mieux qu’elles n’allaient et qu’il y ait une amélioration des libertés des usagers.
38Citons enfin un texte de 2009 qui concerne la fonction publique. Il s’agit d’un texte sur la mobilité, accordant un espace de liberté aux fonctionnaires. Nous avons réduit considérablement le nombre de corps et par conséquent augmenté la liberté pour passer d’un corps à l’autre, d’un métier à l’autre et même donné des possibilités renforcées de quitter la fonction publique pour tenter l’aventure dans une autre vie professionnelle.
39Là aussi on dégageait des espaces de libertés.
40Autre catégorie d’innovation qui doit être retenue, celle des mécanismes qui ont été mis en place pour que les Français puissent mieux faire valoir leurs droits et leurs libertés. Deux grandes innovations sont à cet égard intervenues qui ont trouvé place dans la réforme de la Constitution en 2008.
41La première, la création du Défenseur des droits qui figure maintenant à l’article 71 de la Constitution. Le Défenseur des droits succède au Médiateur de la République mais aussi à la HALDE et au Défenseur des enfants. La création de cette fonction nouvelle s’est heurtée à des oppositions considérables qui venaient de ceux que le Défenseur remplaçait. Les oppositions ne provenaient pas du Médiateur, mais le Défenseur des droits des enfants et la HALDE expliquaient qu’avec le Défenseur des droits, le secteur d’attribution qui était le leur allait être complètement négligé, que les enfants ne seraient plus défendus, que la discrimination allait fleurir en France, etc. S’ensuivit un lobbying extrêmement intense. Cette instance a une grande importance. Du reste, les personnalités qui l’ont animée y ont beaucoup contribué, courageusement, de manière innovante, et elles ont montré une réelle hauteur de vue, une vraie indépendance. Il est crucial que de nouvelles institutions comme celle-ci puissent démarrer avec les meilleures chances de pouvoir trouver leur place dans notre pays.
42Le Défenseur des droits « veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences » (alinéa 1er). Il a aussi la charge des droits de l’enfant, la lutte contre les discriminations et le respect des droits et des libertés. De quels moyens dispose-t-il ? La médiation pour résoudre les conflits entre des personnes et des administrations. Il a aussi le pouvoir de remontrance et celui d’injonction. Les défenseurs autrefois séparés que nous avons mentionnés plus haut ont accompli des choses tout à fait considérables, mais on voit bien que l’influence dépend de l’autorité morale qu’une telle institution se forge dans l’instruction.
43Vient ensuite celle qui figure à l’article 61 alinéa 1 de la Constitution : l’exception d’inconstitutionnalité qui permet à tout justiciable de contester lors d’un procès la conformité d’un dispositif aux droits et libertés telle qu’elles sont constitutionnellement garanties au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité.
44Là encore ces dispositions ont été précédées de débats passionnés dans le monde politique en général, au sein du gouvernement, et même dans l’entourage proche du président de la République, en fonction des sensibilités. Ce débat avait lieu au sein même du Comité présidé par M. Balladur. Des opinions divergentes s’étaient exprimées.
45Les opposants, qui n’étaient pas sans arguments dignes de considération, je le précise, dénonçaient la possibilité d’instabilité juridique que cette disposition allait entraîner. Ils soulignaient notamment, pour les textes antérieurs à 1985, que des interprétations, des pratiques, des jurisprudences avaient créé des droits qui risquaient de se trouver infirmés ou modifiés par une interprétation nouvelle du Conseil constitutionnel, interprétation faite forcément au regard de la constitution actuellement en vigueur et puis forcément aussi au regard d’un état de la société au moment où la décision serait prise.
46D’autres ont pensé que le hasard de l’absence de contrôle ne dispensait pas de vérification de la stricte conformité des lois aux droits et libertés et de vérification dans le cadre du reste de la Constitution d’aujourd’hui parce qu’en définitive, c’est elle qui nous régit. Finalement, cette thèse l’a emporté et aujourd’hui, mis à part que le Conseil constitutionnel assume une surcharge d’activité à la suite de cette disposition, plus personne ne songe vraiment, semble-t-il, à contester la validité de cette disposition qui s’exerce dans le cadre des filtres qui sont mis en place par la Cour de cassation et le Conseil d’État respectivement.
47Pour conclure ces quelques souvenirs sur la thématique des libertés dans l’action publique pendant les années 2007 à 2012, on peut noter une contradiction par rapport à notre propos liminaire. J’affirmais qu’il y avait rarement l’objectif de faire un monument nouveau en matière de libertés. Mais on se rend compte que la préoccupation des libertés publiques est très souvent présente dans l’action publique et qu’il y a très souvent des conséquences sur les libertés lorsque l’on mène une action publique législative ou quotidienne.
Auteur
Avocat au barreau de Paris, ancien secrétaire général de la présidence de la République française, ancien ministre de l’Intérieur.
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