Discussion générale
p. 753-757
Texte intégral
C. Bouville
1M. Vernet a parlé de l’impact de l’homme sur le milieu, mais je crois aussi qu’on a peu parlé dans ce colloque de l’impact du milieu sur l’homme. On sait très bien que, par rapport au Paléolithique supérieur où l’ensemble de la population européenne était en gros de type cromagnoïde, les hommes mésolithiques et puis ceux du Cardial ont une morphologie qui a quand même pas mal changé. On connaît notamment les phénomènes de gracilisation qui interviennent après le Paléolithique supérieur. A quoi sont-ils liés ? Nous n’en savons pas grand chose mais on les a souvent associés aux phénomènes de nutrition. Melle Ferembach a abordé le problème en étudiant la morphologie en fonction de la nutrition. Entre un chasseur qui est assez abondamment nourri de protéines et un agriculteur il y a de grands changements. On sait que les hommes du Mésolithique et puis ceux du Cardial sont extrêmement gracilisés, mais en même temps ont un volume cérébral qui a diminué, une stature qui a diminué. A quoi est-ce dû ? Les réponses ne pourront être apportées que par un affinement de l’écologie et non plus seulement de l’archéologie et des études ponctuelles de la domestication et de l’élevage. On a parfois évoqué le thème de l’autodomestication de l’homme pour expliquer les changements survenant à la fin du Paléolithique supérieur. On sait d’autre part aussi, par les travaux des ethnologues, que les modèles d’échanges, de diffusion des cultures sont souvent répercutés en modèles d’échanges matrimoniaux et, à ce moment-là, on rentre tout de suite dans le modèle d’échanges génétiques. Je crois que c’est à nouveau un autre aspect des choses qu’il ne faudrait pas oublier d’évoquer ici.
J. Gasco
2Nous souhaiterions, D. Binder et moi-même, attirer l’attention du Colloque sur l’intérêt et la nécessité de traduire en âge réel les datations radiocarbone du Néolithique ancien (calibration). Les 71 dates publiées indiquent que le cycle culturel a duré entre 1700 et 2650 années, avec une apogée vers - 5300 avant J.C. Mais ces données restent d’ordre statistique même si les mesures sont données avec 95 % de sécurité (au lieu de 67 % auparavant). La méthode des histogrammes est alors très appropriée pour « visualiser » cette approximation. Nous renvoyons à notre communication et à sa bibliographie quant aux implications chrono-culturelles que posent la traduction (en âge réel) des dates et leur étude en « séries de datations 14C ».
D. Binder
3J’ai travaillé à un système qui consiste à établir le même cumul de dates 14C mais en présentant ça sous un aspect phyletique et en lissant les petites irrégularités des différentes classes par la méthode des moyennes mobiles qui est un système très simple qui permet d’afficher à la valeur centrale la moyenne des valeurs voisines. Ceci permet de voir que les problèmes chronologiques sont extrêmement aigus et qu’en particulier le maximum des dates du Castelnovien se situe précisément au minimum des dates du Néolithique ancien. Compte tenu du fait qu’en Provence on a des preuves assez évidentes de la rupture entre Castelnovien et Cardial, ça pose quand même le problème des datations anciennes, en dépit du fait qu’elles soient, pour un certain nombre, sur coquilles.
J. Evin
4Je suis tout à fait d’accord avec ce genre de représentations et je me permets de féliciter M.M. Gaseo et Binder. Ils ont fait un travail que nous, spécialistes du radio-carbone, aurions déjà dû vous présenter depuis bien longtemps.
A.-J. Ammerman
5Quand nous regardons l’ensemble de la Méditerranée occidentale, on doit remarquer la rareté des sites de plein air en dehors de l’Italie. Est-ce que nous devons conclure que les sites de plein air n’existaient pas ailleurs en Méditerranée occidentale ? Ceci est une question importante parce que si ces sites ne se rencontrent qu’en Italie, nous pouvons supposer que le Sud de l’Italie se place dans un contexte tout à fait différent. Mais si ces sites existent, et si nous devons aborder rapidement les questions de néolithisation et ce qui gravite autour, nous devons amasser rapidement des données. Après tout une grande partie de la question de néolithisation concerne le déplacement de l’habitat en dehors des grottes vers les sites de plein air. Pour l’instant, dans la Méditerranée occidentale, il n’y a rien qui puisse être comparé à ce que nous avons en Tavoliere et en Calabre.
N. Mills
6En ce qui concerne l’emploi de modèles socio-économiques pour l’étude de périodes comme le Néolithique ancien, M. Uerpmann est apparemment sceptique et il n’est pas le seul. Mais, personnellement, je trouve que du moment où l’on dispose de toutes les études typologiques on doit essayer d’aller au-delà et envisager des processus socio-économiques. Ainsi quand on parle de culture on suppose qu’il y a un rapport direct entre la répartition des céramiques et les sociétés humaines. Or, personnellement, je n’ai pas vu un archéologue démontrer vraiment qu’il existe ce genre de rapport direct entre les poteries et la répartition des sociétés humaines dans les régions que nous étudions. De même les processus de mutation et de changement dans les séries céramiques dépendent-ils simplement de questions d’influences entre les groupes ? Toute une série de modèles dans les études sur les sociétés contemporaines démontrent qu’il y a divers facteurs qui entrent en jeu pour expliquer ce genre de transformations. Enfin je suis peut-être un peu provocateur en ce qui concerne la néolithisation mais la plupart des gens qui ont parlé du processus de néolithisation ont parlé surtout de la chronologie, de la progression de la poterie à travers les régions méditerranéennes. Or ce n’est pas du tout la même chose que l’étude des premières communautés paysannes. Je crois moi-même que les premières communautés paysannes n’apparaissent en Méditerranée de l’Ouest qu’à partir du Néolithique moyen. Et là aussi c’est une question de processus socio-économique qu’il faut tenter de définir.
A. Gallay
7Les réflexions que je voulais faire se trouvent exactement dans la prolongation des réflexions de mon collègue. En entendant toutes les communications, j’ai eu l’impression qu’il faut bien séparer les spécialistes des sciences naturelles des archéologues au sens culturel du terme. En ce qui concerne les sciences naturelles, j’ai eu l’impression que les naturalistes sont en possession des moyens d’interprétation de leurs faits. Pourquoi ? Parce que ce sont d’abord des naturalistes qui viennent ensuite à l’archéologie, qui font de l’archéologie.
8En ce qui concerne les archéologues nous sommes dans une situation complètement différente. J’ai eu l’impression d’être devant des archéologues seulement, c’est-à-dire qu’on se trouve dans une situation qui est un peu faussée. Si nous voulons faire de la bonne archéologie, il faudrait que nous soyons des ethnologues qui venons à l’archéologie. Les modèles interprétatifs qui sont apparus au cours des discussions me semblaient très peu renouvelés par rapport à ce qui se faisait il y a quelques années, c’est-à-dire qu’ils sont extrêmement pauvres. On parle d’opposition entre acculturation, déplacements de population, etc. mais il me semble que, par rapport à la réalité humaine, nous sommes bien en deçà des possibilités d’interprétation. Je souhaite que l’on fasse plus d’ethnologie du côté de l’archéologie pour renouveler nos modèles.
J. Roussot-Larroque
9M. Ammerman semble faire une opposition dualiste entre les gisements de grottes et abris du Midi et les gisements de plein air. Mais il y a un fait connu au moins des Epipaléolithiciens, c’est qu’en Aquitaine au cours du stade qui est antérieur à la néolithisation, les gens ne sont pas vraiment dans les abris. Ils sortent des abris, ils sont en avant. C’est le cas à la Terrasse de la Borie del Rey, à la Terrasse du Martinet, c’est le cas aussi aux Fieux dans le Sauveterrien. Il ne faut peut-être pas faire une opposition systématique. D’autre part, pour ce qui est de la façade atlantique de l’Aquitaine, vous avez tout un littoral entre Soulac et l’embouchure de l’Adour, doublé d’une bande qui représente à peu près une centaine de kilomètres vers l’intérieur où il n’y a aucune grotte et où donc les gisements mésolithiques aussi bien que ceux du Néolithique ancien sont fatalement en plein air.
A. Gob
10Je voudrais revenir sur cette opposition entre les habitats en grotte et les habitats en plein air pour m’étonner que les néolithiciens prennent seulement conscience du problème alors que les paléolithiciens sont bien conscients des différences qui peuvent apparaître même au sein d’une culture relativement bien connue comme le Magdalénien, entre les habitats de plein air et les habitats de grotte par exemple. Alors pour des gens qui pratiquaient l’agriculture la différence doit être beaucoup plus accusée.
J. Guilaine
11Nous nous sommes mal compris. Nous sommes tout à fait conscient de l’intérêt essentiel des sites de plein air mais nous manquons de documentation à leur sujet. C’est un vide à combler. C’est un problème de politique de recherche, de prospections et surtout de moyens.
C. Olaria
12Il semble que vers la moitié du 5e millénaire, notamment en Espagne, dans les sites les mieux connus - par exemple à Zuheros et à la Cova de l’Or - l’accès au Néolithique entendu comme l’acquisition de l’économie de production est un processus mal connu. L’élevage et l’agriculture sont présents mais cet état économique a dû connaître quelque précédent parce que, à mon avis, il est plus difficile de parvenir à la domestication agricole qu’à la domestication des animaux.
F. Gusi
13Il faut parler un peu du processus de néolithisation parce qu’il n’a pas été suffisamment approfondi. Dans n’importe quel groupe humain mésolithique on peut trouver différents processus néolithisateurs à travers diverses alternatives économiques : subsistance de chasseurs-cueilleurs avec un certain « contrôle » de protection de certaines espèces d’animaux ; protoapprivoisement des espèces les plus rentables accompagné de la traditionnelle activité cynégétique des autres espèces à côté de la récolte naturelle des produits végétaux plus ou moins sélective ; apprivoisement plus ou moins intensif accompagné d’une activité de chasseurs indiscriminée ou discriminante de certaines espèces à côté d’un proto-approvisionnement de graminacées et des cueillettes traditionnelles ; apprivoisement intensif, culture sélective de certaines graminacées du plus haut rendement énergétique. Toutes ces possibles alternatives peuvent s’associer mutuellement ou varier selon les cas et selon la dynamique du processus néolithisateur dans lequel se trouve plongé chaque groupe humain.
S. Tiné
14Je voudrais revenir un instant sur la question posée par A. Ammerman. Je crois que tout le problème est là et ce qui dit J. Guilaine « nous cherchons les villages de plein air mais nous ne les trouvons pas », ne suffit pas. Je crois que deux villages ont été découverts : Caucade et Portiragnes (et Courthézon). Je voudrais rappeler ce que j’ai déjà dit au sujet des recherches dans le Tavoliere où les recherches ont la chance d’être facilitées par la photographie aérienne, et où les habitats anciens peuvent être considérés comme des fermes ou des exploitations occupées par une seule famille. Il me semble que cela correspond bien aux conclusions de Roudil à Portiragnes, où sur une vaste surface de fouille il n’a trouvé qu’un petit habitat, une unique cabane correspondant probablement à une seule famille.
15On ne peut donc continuer à feindre que ces habitats n’existent pas puisqu’on commence à en mettre au jour ici aussi. La difficulté qu’il y a à les découvrir ne doit pas faire oublier qu’il existe une colonisation (néolithique) de type agricole, du moins en Provence (Courthézon et les sites du Vaucluse), un peu comme celle que nous avons en Italie méridionale. Je crois que vous vous trouvez aujourd’hui, en France et peut-être aussi en Espagne, dans la situation où se trouverait la recherche protohistorique ou historique en Italie méridionale, si elle ne disposait pas des sources écrites grecques, d’après lesquelles il y a eu une colonisation grecque qui a fondé Syracuse, Tarente, etc. Si, au contraire, on ne connaissait le passé de l’Italie méridionale que par ses nombreux centres fournissant des éléments de type grec, on dirait qu’ils sont parvenus grâce à des contacts culturels, à des échanges commerciaux. Sans les documents écrits, nous ignorerions qu’il a existé au contraire une véritable colonisation grecque avec des colons grecs.
16Ruth Withehouse elle-même, lorsqu’elle a été confrontée au problème de la néolithisation des Pouilles et s’est référée à deux ou trois fouilles en grottes, a finalement pu faire croire que la néolithisation du Sud-Est de l’Italie était semblable au schéma qui a été présenté pour la Provence et pour l’Espagne. Au contraire, la fouille et l’étude de villages de plein air, non seulement de ma part, mais conduites également par A. Ammerman en Calabre, et par Ruth Whitehouse elle-même (qui travaille à présent dans les Pouilles) nous ont convaincu que la néolithisation des Pouilles s’est effectuée de manière différente de celle qu’on imaginait généralement jusqu’ici.
F. Fedele
17Je crois qu’au-dessus des divergences, une réalité se décèle au sujet de ce que nous continuons à appeler
18Mésolithique et Néolithique ; c’est la mosaïque des situations. Pas de limite abrupte, pas non plus de transition unilinéaire. C’est une vision que je voudrais appeler systémique des choses, c’est un complexe de relations et de mécanismes réciproques entre des phénomènes. Une vision systémique contraste un peu avec la vision « paléontologique » des choses, qui me semble toujours dominante dans beaucoup de recherches qui ont été présentées. La vision en système n’est pas seulement importante pour l’interprétation et la synthèse, mais aussi pour orienter la recherche et en particulier l’implantation des sites ou les stratégies d’échantillonnage. Cette optique nous force à chercher les mécanismes. L’habitat par exemple peut répondre de façon précise, ponctuelle, aux questions que posent les processus de navigation. Dans la même optique systémique un grand soutien doit être apporté à l’étude des insuccés des groupes néolithisants ou néolithisés et il s’agit, je crois, de sujets qui ont été trop brièvement touchés dans ce colloque. Seulement M.M. Dau-gas et Raynal et M. Lewthwaite ont mentionné d’une façon explicite les échecs. Beaucoup de gens parlent comme si la néolithisation était un succés jamais interrompu. Je pense que dans une vue systémique et éco-systémique, les échecs peuvent nous renseigner beaucoup car dans certains modèles exposés ici, les anomalies ont été un peu trop rejetées.
J.-L. Vernet
19Effectivement il est sûr qu’il s’est passé des choses entre le Mésolithique et le Néolithique et je veux souligner qu’il s’est produit un semblable renouvellement du milieu. Ce renouvellement du milieu a consisté dans le développement de la forêt mixte de chênes verts et de chênes à feuilles caduques ou dans certains endroits de la forêt de feuillus, au détriment des groupements ouverts de conifères. L’impression que l’on a d’après les données actuelles c’est que les néolithiques n’arrivent en fait que lorsqu’il s’est passé un certain temps de latence de développement de cette forêt. On peut donc imaginer que le milieu a pu effectivement donner un petit coup de main à l’installation des sédentaires et leur a peut-être donné l’idée de se tourner vers d’autres méthodes d’exploitation du milieu.
J. Araal
20Je crois que tout le monde travaille trop à plat et c’est normal parce que nous sommes à une certaine époque et nous ne voyons pas l’évolution des choses. Finalement je crois qu’il faut faire confiance à l’homme parce que beaucoup de solutions tombent d’elles mêmes en fouillant. Quand l’on dit que les néolithiques étaient fixés, qu’ils se sont développés sur place, il y a une part de vérité. Mais n’oubliez pas qu’il y a cinquante ans, dans un village à trente kilomètres de la mer, il y avait seulement deux personnes qui avaient vu la mer, mais il y en avait quatre qui étaient allées en Indochine ou en Amérique. C’est exactement comme cela que ça se passe. Je pense que l’homme a toujours été un agité qui peut s’adapter à tout, aller au Pôle Nord ou ailleurs. Il n’y a qu’à voir comment les îles sont si bien habitées dès le Mésolithique. Alors ne vous pressez pas de faire trop de théories !
J.-P. Daugas
21Il me semble que dans le congrès on n’a pas assez dissocié la question de la néolithisation de celle des sociétés paysannes. A contrario, il me semble, et c’est un avis personnel, que le congrès a démontré qu’en ce qui concerne la néolithisation, ni la diffusion de la céramique, ni la diffusion de l’élevage ne peuvent être retenues comme des critères valables. Car le catalogue des critères matériels ne peut être suffisant. D’où la nécessité de rechercher une définition dans un domaine socio-économique, qui seule est susceptible de présenter un modèle unitaire. On ne peut manquer d’être frappé par le fait que toutes les disciplines scientifiques, en particulier les disciplines expérimentales, ont tendance à dégager des modèles unitaires qui rendent compte de l’ensemble des phénomènes observés. Il serait quand même étonnant qu’en matière d’archéologie on puisse échapper à cette tendance générale. Dans la recherche des modèles socio-économiques il faut insister sur les économies complémentaires. Il me semble également que les secteurs à caractères très contrastés tels que les zones continentales et les zones d’altitude ont l’avantage de présenter des situations très caractérisées et qu’elles peuvent être, à ce titre, des zones d’études privilégiées. On sent aussi la nécessité d’une démarche interdisciplinaire et non pas simplement pluridisciplinaire. Il est absolument indispensable que la réflexion se mêle sur tous les plans, naturaliste et archéologique. A propos des séries de dates, s’il y a une série de dates multiples en accord avec le continuum des données stratigraphiques, sédimentologiques et paléobotaniques, il me semble que l’on ne peut pas rejeter les termes hauts ou les termes bas de cette série, sous prétexte qu’ils sont aux extrémités de la série. Du strict point de vue statistique, c’est une démarche illégitime et casser la chaîne revient à casser l’ensemble de la série.
R. Whitehouse
22Je poserai une question au Dr Ammerman au sujet d’un modèle mathémathique qu’il a proposé avec Cavalli Sforza sur la diffusion de l’agriculture en Europe. Une des particularités de ce modèle, si je m’en souviens bien, soulignait la progression régulière de l’agriculture. Je voudrais lui demander s’il croit aujourd’hui que la Méditerranée s’ajuste bien à ce modèle ?
A.-J. Ammerman
23Il est impossible de répondre à ceci parce que le modèle a été proposé pour indiquer des moyens de décrire la diffusion traditionnelle en termes de migration. Pour des questions comme la diffusion de la Band-keramik ces modèles de croissance de population peuvent être utiles. Mais, en relation avec nos recherches de plein air en Calabre, je dois souligner nos préoccupations avec les questions de croissance de population, du nombre de sites, des types de gisements, etc. Quand nous avons commencé nos recherches en Calabre, uniquement 4 à 5 sites néolithiques étaient connus, dont 4 en grotte. Au début de nos prospections, nous avons eu d’énormes difficultés à localiser les gisements néolithiques. Actuellement nous pouvons citer 200 sites à poterie imprimée, ce qui donne une densité au-delà de tout ce que nous pouvions imaginer. Mais la question est : est-ce que la même chose s’est produite en Espagne et en France méridionale ? Je ne veux pas dire que les sites de plein air n’existent pas, mais cela va demander une certaine coordination dans les recherches à venir.
P. Phillips
24Je suis bien d’accord avec plusieurs des commentaires que l’on a fait récemment mais je tiens à dire qu’il est bon d’avoir une vision interdisciplinaire des choses et, dans cet esprit, l’organisation de ce congrès était parfaite parce qu’on a eu tous les points de vue, tout l’environnement d’abord et puis après les exposés archéologiques. Il est assez rare chez nous, en Angleterre, qu’on rassemble toujours les gens qui traitent ces deux aspects parce que les « environnementalistes » veulent discuter entre eux et les archéologues en font de même.
A.-M. Muñoz
25Au début du siècle on a beaucoup parlé en Espagne de la « culture des grottes » (Bosch-Gimpera). Aujourd’hui on sait qu’au Néolithique ancien on ne vivait pas seulement en grotte comme à la Cova de l’Or mais aussi en plein air (Vilena, région de Granada, etc.). Toutefois la localisation des sites de plein air est difficile et il s’y ajoute une mauvaise conservation des vestiges. De plus certains types actuels de culture ont pu ruiner les structures ou s’opposer au repérage de tels villages.
B. Marti
26Dans la partie orientale de la Péninsule Ibérique, l’habitat en grotte a été intensément utilisé. Cela est bien démontré à l’Or, Sarsa, Barranco Fondo. Dans le cas de l’Or, les analyses anthracologiques, sédimentologiques, polliniques et même paléontologiques (qui ont révélé plus de 50 % d’ovicapridés) ont montré que l’anthropisation y est très marquée. Peut-être cela traduit-il une population d’éleveurs ? Le passage à une économie pleinement agricole se produira plus tard lorsque les habitats de plein air seront plus nombreux.
J. Soares
27Sur les habitats de plein air, je voulais dire seulement qu’au Sud du Portugal nous avons en ce moment environ dix habitats de plein air, dans une aire très limitée. De plus ces sites sont conservés et non détruits. Je pense qu’il y a un problème de stratégie du peuplement et alors il faut bien connaître les modèles d’implantation appliqués par les populations du Néolithique ancien pour déterminer leurs sites.
C. Bailloud
28Je suis entièrement d’accord avec le tableau, le tour d’horizon qu’a fait J. Guilaine. D’autre part, J. Courtin a fait un travail intéressant sur les habitats de plein air du Vaucluse et il semblerait ressortir qu’il existait des habitats de plein air assez nombreux dans cette région. Ils nous donnent sur la densité du peuplement exactement la même impression que les habitats en grotte. C’est-à-dire une ou deux familles mais pas grand monde. Jusqu’à présent il y a juste Leucate qui donne une impression différente, mais ça reste isolé.
J. Courtin
29Dans les habitats de plein air en Provence, il faut distinguer d’abord la localisation des habitats de plein air. Sur une quarantaine de sites attribuables au Cardial en Provence, d’importance très inégale, 17 ou 18 sont en plein air. C’est tout de même une proportion importante, mais il y a une question de fouilles. Il y a un problème de découverte de sites et le problème de leur fouille. Or, dans les cultures viticoles ou oléicoles, il est impossible de faire des fouilles. Le seul site que nous avons pu fouiller, sur une faible surface il est vrai, est celui de Courthézon que j’ai appelé « village » de façon abusive. Mais c’est tout de même plus qu’une station. Nous avons là des structures d’habitats sur lequel on a beaucoup de meules et de faucilles et sur lequel on a plus de 87 % d’animaux domestiques. Quant aux autres sites ils sont représentés par quelques tessons ramassés en surface. On sait qu’il y a du Cardial en plein air à ces endroits là mais il ne sera jamais question de les fouiller.
G. Guerreschi
30La technique cardiale réalisée avec le bord ou le dos de la coquille peut déboucher sur des décors extraordinaires. Ne peut-on les interpréter comme ayant une signification proto-alphabétique, une tentative d’envoi de message ?
J. Guilaine
31A Mexico, lors du dernier Congrès de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques a été créée une Commission baptisée « Néolithique de l’Ancien Monde ». En ce qui concerne l’Europe, des Congrès ont lieu régulièrement en Europe de l’Ouest, ce sont les Congrès atlantiques qui avaient été créés il y a déjà de longues années par P.-R. Giot et S. de Laet. En Europe Centrale et en Europe de l’Est se tiennent régulièrement des congrès qui portent sur des thèmes touchant au Néolithique et à l’Age du Bronze. Or il n’existe pas de congrès qui soit un tant soit peu institutionnalisé, si l’on peut employer ce terme, pour le domaine méditerranéen. Aussi ce congrès pourrait-il être le point de départ d’une série de colloques qui, sur des thèmes toujours spécialisés, pourraient périodiquement se tenir avec le label de la Commission « Néolithique » de l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques. Si d’ores et déjà des candidatures se manifestent, nous les enregistrerons avec plaisir.
J.-D. Evans
32Je suis sûr que l’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques sera très heureuse de recevoir cette suggestion et il faut espérer que nous nous réunirons dans deux ou trois années dans un autre lieu pour parler du Néolithique méditerranéen. Et maintenant, avant de clore la séance, je veux, au nom de tous, adresser mes remerciements aux organisateurs, et à tous ceux qui ont travaillé pour rendre possible ce Colloque. On sait combien c’est là une tâche très difficile et qui demande énormément de travail. Je désire aussi exprimer ma gratitude à l’Université des Sciences et Techniques du Languedoc qui a mis à la disposition de ce Congrès ce bel amphithéâtre. A tous un grand merci.
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Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
Ce livre est cité par
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Premières communautés paysannes en Méditerranée occidentale
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