Rapports de synthèse. Écologie des premières communautés paysannes méditerranéennes
p. 745-747
Texte intégral
1L’apport des sciences physiques et naturelles à l’archéologie traditionnelle est maintenant fondamental. Les spécialités qui relèvent de ces disciplines permettent de situer l’évolution de l’homme et de ses cultures dans leur cadre naturel.
2La CHRONOLOGIE absolue doit être relativisée nous a rappelé Jacques Evin. Le deuxième millénaire avant J.-C, par exemple, a duré, en effet, 1300 ans, le quatrième 1100 ans, le cinquième 900 ans seulement et le sixième 850 ans. Si les dates corrigées apparaissent moins précises, elles se groupent cependant de la même façon que les dates brutes. Le Néolithique ancien, qui intéresse plus particulièrement le colloque, est ainsi compris entre 5600 et 7000 B.P. Ce sont les dates les plus certaines bien que quelques résultats plaident pour 7500 BP. Les dates sur charbons de bois sont les meilleures, on rejettera celles sur coquilles marines et sur escargots terrestres, la démonstration ayant été faite qu’il s’agit de mauvaises horloges.
3Au plan GÉOLOGIQUE, le niveau marin en remontée rapide depuis le Tardiglaciaire ancien va atteindre la cote — 2 m dès le début de l’Atlantique. Postérieurement à 7200 B.P., dans le golfe d’Aigues-Mortes, va se succéder une série de mouvements rapides de 5 à 6 m d’amplitude. Le maximum transgressif holocène est atteint après 4500 B.P., ennoyant ainsi certains sites Néolithique ancien du littoral.
4Dans le sud de l’Italie, les données géomorphologiques montrent que le réchauffement et la reconquête postglaciaires sont très rapides, dès la fonte des glaciers. A l’Atlantique, une période de biostasie favorable à la chênaie d’yeuse sur sols profonds est matérialisée par le travertin de Paestum. Un optimum climatique se placerait avant le Néolithique ancien. Le Subboréal, voire une partie de l’Atlantique, sont des périodes d’érosion très caractéristiques retrouvées ailleurs en Espagne ou même dans le sud de la France. Les Alpes du Sud sont, à cet égard, un terrain d’expérience riche en enseignements avec, là aussi, une pédogenèse atlantique puis une rupture d’équilibre au Subboréal correspondant soit à la péjoration climatique de cette époque, soit à l’action de l’homme qui se manifeste surtout au Bronze et au Fer.
5L’étude de la fraction grossière du gisement vauclusien de Gramari permet de retrouver les phases climatiques classiques du Tardiglaciaire. La fin du Mésolithique paraît caractérisée par une instabilité climatique avec écoulement sporadique de la Nesque. Enfin, au Boréal, puis au Boréal-Atlantique surtout, c’est le régime fluvial actuel qui s’installe. Les versants sont fixés par la végétation.
6Notre connaissance des FLORES ET VÉGÉTATIONS PRÉHISTORIQUES est basée sur l’analyse pollinique et l’analyse anthracologique, fruits et graines étant en rapport avec des activités plus spécifiquement alimentaires.
7Les analyses polliniques des sites de Font-Juvénal, Baume Ronze et St Michel du Touch ont donné lieu à des expériences concernant la représentativité de certains taxons. L’importance des Composées-Chicoracées pourrait être mise en rapport avec l’essartage ou avec des brûlis localisés. Ces analyses permettent de mieux comprendre l’impact de l’homme sur son milieu au niveau du site d’occupation et à proximité.
8Dans les Pyrénées, l’analyse pollinique met en évidence deux domaines paléosylvatiques : l’un atlantique caractérisé par le développement précoce de la chênaie caducifoliée vers 10500 B.P. et l’autre méditerranéen marqué par une phase à Pins puis par la forêt de feuillus à 8500 B.P.
9Dans le Massif Central, la flore et la végétation montagnardes sont bien implantées au Préboréal-Boréal et même à l’Atlantique jusque sur la bordure méridionale.
10Les tentatives de néolithisation vers 7000-6500 B.P. se sont soldées ainsi par des échecs attribuables en partie à ces conditions difficiles. Ce n’est que vers 6250 B.P. que les Néolithiques vont s’installer.
11Les analyses anthracologiques réalisées dans le Sud de la France démontrent l’existence d’un domaine phytoécologique thermophile, la Provence, marqué par le développement du Pin d’Alep (Pinus halepensis) dès le Cardial vraisemblablement en rapport avec l’anthropisation bien que la démonstation reste à faire. Ces caractéristiques se retrouvent en grande partie en Espagne calcaire orientale avec des nuances en relation avec la situation plus méridionale des stations. On y note en particulier une courbe très marquée de l’Oléastre (Olea europaea var. oleaster) dès le début du Néolithique - au Mésolithique en Sicile - s’accentuant avec la montée de l’anthropisation. L’anthropisation est toutefois un phénomène progressif qui ne prend toute son ampleur qu’à la fin du Néolithique. Des études ultérieures seront nécessaires pour comprendre ce phénomène et expliquer comment ce changement peut s’intégrer dans l’un des modèles socio-culturels de la néolithisation. En Languedoc méditerranéen et au Nord de la Catalogne, bioclimatiquement plus humides, le schéma est aussi valable, la dégradation maximale aboutissant de ce fait, à la fin du Néolithique, à une situation comparativement moins drastique. Le Pin d’Alep y est plus tardif.
12L’étude des FAUNES complète heureusement celle des végétations, les modèles « Rongeurs », « Oiseaux » et même « mollusques » étant à paralléliser avec le végétal. La situation plus thermophile de la Provence dès le Mésolithique est attestée par la raréfaction de Cepaea nemoralis, attestée aussi par l’avifaune de Châteauneuf-les-Martigues. D’autre part, l’augmentation des Rongeurs d’espaces découverts dans les couches supérieures de Font-Juvénal est à rattacher à la progression du Chêne vert et du Buis consécutifs au défrichement des meilleurs sols jusque-là occupés par les chênaies caducifoliées. Les données structurales sur la végétation apportées par les Rongeurs et les Oiseaux sont en harmonie avec les données anthracologiques. Au-delà de l’aspect théorique précieux d’une telle confrontation, ces méthodes s’avèrent indispensables pour la connaissance des interactions homme/milieu. A Nerja, l’alimentation des populations est basée sur la pêche des Mollusques reliée étroitement à la remontée du niveau marin, les fonds sableux laissant place aux fonds rocheux. Des méthodes originales diagnostiques et analytiques nous ont fait découvrir la technologie de la pêche des premiers Cardiaux du littoral languedocien et provençal.
13La connaissance de l’ELEVAGE repose sur une bonne détermination des taxons domestiques par rapport à leurs homologues spontanés. D’abord sauvage dans une aire allant de la mer Egée au Pakistan, la Chèvre est ensuite domestiquée dans cette zone. Au Néolithique, elle est bien installée en Europe et domestiquée. C’est moins clair pour le Mouton, sa domestication au septième millénaire B.C. est cependant acquise au sud de l’Anatolie. En Afrique du Nord, il n’existe pas de Mouton sauvage et le Mouton domestique n’arrive qu’au Néolithique Cardial sur la côte. Il n’existe pas de preuve convaincante de l’existence d’autres centres en Europe méditerranéenne. Les restes domestiqués indiscutables d’Europe sont plus récents que ceux découverts dans le « croissant fertile ». Ceci suggère une importation depuis l’Orient. Les affinités morphologiques confirment ces vues.
14La domestication s’accompagne d’une baisse importante de la chasse. D’une manière générale, il y a une réelle intensification des activités agricoles par rapport au Mésolithique final. Dans l’Aude, cependant, les ressources sauvages continuent à jouer un rôle déterminant. Les sites sont implantés dans des milieux contrastés comportant la juxtaposition à plus ou moins courte distance de milieux montagnards et méditerranéens. Mouton et Chèvre n’ont qu’une fréquence limitée avant le Néolithique ancien moyen. Le Bœuf remplace l’Aurochs au Néolithique moyen. Dans les rares sites du Cardial ancien, le Sanglier est seul présent. L’élevage du Cochon y est encore inconnu. Le Cochon ne remplacera le Sanglier que vers 4600 B.C. L’élevage du Porc ne semble débuter réellement que dans la deuxième partie du Néolithique ancien après 4400 B.C. A la fin du Néolithique ancien dans la vallée de l’Aude, l’exploitation des ovicaprinés et du Porc s’équilibrent.
15Le problème des origines est toujours complexe et celui de l’AGRICULTURE davantage. Classiquement, dans la péninsule ibérique ou en Italie du Sud, la diffusion de l’agriculture depuis le Proche-Orient a demandé deux millénaires (7000 à 5000 B.C.). Les céréales sont très fortement majoritaires dans le Néolithique ancien d’Italie, de France, d’Espagne et du Portugal. Elles sont accompagnées par de nombreuses Légumineuses en France méditerranéenne, par des Légumineuses et par POléastre en Espagne du Sud-Est.
16Comment ces nouvelles pratiques ont-elles renouvelé l’économie mésolithique ? Les mésolithiques du sud de la France connaissaient beaucoup de plantes et l’on peut s’interroger sur la signification de celles-ci en l’absence de preuves réelles d’agriculture intensive. S’agissait-il d’une horticulture ou d’une simple cueillette ? Beaucoup d’espèces de l’Abeurador peuvent en effet croître en populations naturelles importantes. En réalité, on connaît encore mal la cueillette chez les populations antérieures paléolithiques, ce qui pose le problème de la spontanéité de certains taxons de la flore méditerranéenne. Cela pose aussi un problème méthodologique, en effet beaucoup de graines ont des diamètres inférieurs aux mailles des tamis habituels et leur recherche, éminemment fastidieuse, n’a pu toujours être réalisée.
17Voici donc parmi les thèmes développés ceux qui nous ont paru intéressants et peut-être les plus porteurs d’avenir. Il reste que la plupart de ces recherches si elles concourrent à une écologie de l’homme néolithique ne doivent pas être coupées de leurs disciplines d’origine, seul cadre où elles peuvent progresser dans leurs fondements. Aussi, si les naturalistes doivent rendre hommage à leurs collègues préhistoriens et archéologues et à tous les fouilleurs, ils leur demandent beaucoup d’indulgence si parfois ils éprouvent le besoin de comparer leurs résultats entre eux.
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